b) La relance du dispositif

Les Gaçaça ont été relancées en janvier 2005 par la loi du 19 juin 2004 portant réforme de la loi du 19 juin 2001 précitée, qui étend le dispositif à l'ensemble du territoire.

Cette phase devrait voir plus de 600.000 dossiers traités, mais le chiffre d'un million est souvent évoqué, compte tenu du nombre de victimes. Sur ce nombre, plus de 50.000 personnes peuvent légalement encourir la peine de mort et plus de 450.000 de lourdes peines d'emprisonnement.

Toutefois, la réforme intervenue avec la loi de 2004 n'a pas réglé tous les problèmes identifiés au cours de la période antérieure :

- la participation des populations est variable. Elle est cependant obligatoire, sous peine d'amendes, quand il n'y a pas de rescapés (la majorité des cas) ou que la juridiction Gaçaça n'est composée que de personnes absentes en 1994. En outre, les résidents qui assistent aux sessions se réfugient souvent dans le mutisme, parfois même dans la fuite à l'étranger, pour ne pas avoir à témoigner ;

- les témoins ne sont toujours pas protégés alors que les forces de l'ordre ont été déployées dans les provinces ;

- la tenue des débats est largement fonction de la qualité, variable, des juges , qui ne sont théoriquement censés que les diriger, l'assemblée ayant en principe le dernier mot. Ils subissent eux aussi davantage de pressions avec l'extension du processus, et des cas de corruption ont également été rapportés ;

- la qualification des crimes est compliquée par le passage de quatre à trois catégories. A la première catégorie (organisateurs, personnes en position d'autorité, grands criminels et violeurs), la loi de 2004 a, en effet, ajouté les personnes coupables de torture, y compris quand celle-ci n'a pas occasionné la mort, et d'actes de sarcasme et de moquerie commis sur le cadavre d'une personne. La deuxième catégorie (tueurs ordinaires) a fusionné avec la troisième (personnes coupables de coups et blessures). Enfin, la dernière catégorie regroupe les coupables de pillage et de vols ;

- les prisons, déjà surpeuplées avec 120.000 détenus, doivent accueillir de nouveaux prévenus. La loi de 2004 a, certes, introduit la possibilité de prononcer, en cas d'aveux ou de plaidoyer de culpabilité, une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de l'obligation d'exécuter un travail d'intérêt général, celui-ci demeurant une mesure d'aménagement de la peine lorsque le condamné a déjà été emprisonné. Mais les travaux d'intérêt général ne sont pas encore opérationnels, la structure qui doit les gérer n'ayant été créée qu'à la fin de l'année 2005.

Il n'en demeure pas moins que les Gaçaça ont désormais toute leur place dans la société rwandaise : la quasi-totalité des habitants participe, plus ou moins régulièrement, aux réunions qui se tiennent une demi-journée par semaine ; les médias relatent chaque jour les débats et les autorités politiques sont fortement mobilisées.

L'exercice devra toutefois vraisemblablement se prolonger plus longtemps que prévu , soit dix ou quinze ans, pour atteindre ses objectifs : permettre aux victimes de faire leur deuil, punir les coupables et permettre la réconciliation du peuple rwandais.

Les observateurs étrangers, d'ailleurs non conviés aux procédures, respectent pour le moment une prudente expectative . Quelques bailleurs internationaux, notamment l'Union européenne et la Belgique, apportent leur appui au dispositif, mais uniquement en matière de formation et de logistique.