C. DES RELATIONS COMPLEXES AVEC LA FRANCE
1. Un contentieux qui perdure
En juin 1994, face à la gravité des événements au Rwanda et aux divisions du Conseil de sécurité des Nations-Unies quant au renforcement de la force de maintien de la paix sur place (Minuar), la France a dénoncé le génocide et a fait le choix de l' intervention humanitaire avec l'autorisation du Conseil de sécurité.
L' opération Turquoise , d'une durée de deux mois, conformément au mandat que lui avait donné le Conseil de sécurité, est alors la seule opération humanitaire d'ampleur engagée pour sauver les populations menacées. Le 4 juillet, la France met en place une zone humanitaire sure, afin de mettre les populations à l'abri des combats qui faisaient rage dans le Sud et dans l'Ouest du pays.
Cette opération n'a pas été en mesure d'empêcher tous les massacres, notamment dans les premiers jours de sa mise en place, mais elle a permis à des milliers de personnes d'échapper aux combats et à des centaines de milliers de personnes déplacées de bénéficier de secours et de soins, alors qu'on dénombrait déjà 40.000 victimes de l'épidémie de choléra.
L'opération Turquoise a également permis de rassurer les populations du Sud-Ouest du pays, qui sont restées sur place, alors qu'au même moment on assistait, dans le Nord, à un exode massif de la population vers le Zaïre (un million de réfugiés sont arrivés à Goma le 14 juillet 1994).
Le Rwanda considère cependant que la France porte une responsabilité dans le drame de 1994 et dans ses suites , en raison de l'aide militaire et logistique apportée à l'armée rwandaise sous la présidence Habyarimana, certains soldats ayant ensuite participé aux massacres, et de la présence sur la sol français de personnes susceptibles d'être impliquées dans le génocide.
Pour comprendre le rôle véritable de la France dans le drame rwandais, une mission parlementaire d'information sur les opérations militaires menées au Rwanda par la France, présidée par Paul Quilès, a été créée en 1998. Sa mission consistait en une recherche approfondie sur la politique menée par la France au Rwanda au début des années 1990. Le rapport issu des travaux parlementaires restitue toute la complexité des facteurs qui ont mené à la tragédie d'avril 1994, sans pour autant mettre en exergue une éventuelle responsabilité de la France.
Peu convaincu par ces conclusions, le Rwanda vient, à son tour, de mettre en place une Commission nationale indépendance, qui a pour mission d'enquêter sur le rôle de l'Etat français dans le génocide de 1994. Présidée par Jean De Dieu Mucyo, procureur général près la Cour Suprême, cette commission est composée de six membres et dispose d'un mandat renouvelable de six mois.