B. LES MOYENS CONFISQUÉS POURRAIENT PERMETTRE DE RÉPONDRE AUX ATTENTES DES FAMILLES

Pour la branche famille, l'année 2001 restera, comme on l'a vu, l'année de tous les prélèvements.

Pourtant, les attentes des familles demeurent très importantes et ces moyens auraient dû répondre à celles-ci.

1. Une revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales qui ne soit pas symbolique

a) La base mensuelle de calcul des allocations familiale n'a pas augmenté sur l'ensemble de la décennie

Chaque année, il est procédé à une revalorisation de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF).

Les prestations de la branche, à l'exception de l'AGED, des aides au logement et de l'AFEAMA, sont calculées en fonction d'un pourcentage de cette base mensuelle.

Depuis 1993, la revalorisation intervient au 1 er janvier de chaque année.

La loi relative à la famille du 25 juillet 1994 a imposé une revalorisation de la BMAF " une ou plusieurs fois par an conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue par le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année à venir 12 ( * ) " .

En 2000, l'augmentation de la BMAF n'a été que de 0,52 % alors que l'inflation constatée a été de 1,5 %. La perte du pouvoir d'achat des prestations familiales indexées sur la BMAF a été de près de 1 % en 2000.

En 2001, l'inflation prévue est de 1,3 point pour une hausse de 1,8 point de la BMAF. Le rattrapage de la moindre évolution de l'inflation pour 2000 n'a été que de 50 %.

Sur deux ans, le pouvoir d'achat des prestations familiales indexées sur la BMAF a reculé de 0,48 %.

Sur l'ensemble de la législature actuelle (1998, 1999, 2000, 2001), le pouvoir d'achat de ces prestations n'aura augmenté que de 0,19 %. Sous la législature précédente (1993-1997), cette croissance aura été de 0,08 %, dans un contexte de conjoncture économique, il est vrai, moins favorable.

Votre rapporteur constate que, sur onze ans, de 1990 à 2001, le pouvoir d'achat de la BMAF aura régressé de 0,04 %. Ce constat inquiétant est à mettre au passif de l'ensemble des majorités qui se sont succédé sur la période.

Evolution comparée de la BMAF et des prix (en base 100 : 1989)

Source corrigée : commission des comptes de la sécurité sociale

b) Une telle stagnation souligne le recul important de la politique familiale dans notre pays

1. Une stagnation qui signifie une baisse de l'effort en faveur des familles dans notre pays

Cette stagnation de la BMAF a accompagné un recul des prestations familiales dans le produit intérieur brut. Il n'est pas possible de dire que la France conduit une politique familiale ambitieuse lorsque la part de son effort en faveur des familles dans le PIB se réduit .

La BMAF, qui est le curseur d'une politique en faveur de toutes les familles, doit augmenter.

2. Une augmentation inférieure à celle des retraites

Le présent projet de loi fixe la revalorisation des pensions de retraite à 2,2 %.

Il est vain de vouloir opposer les générations. Les retraités, dont les pensions sont le principal revenu, doivent pouvoir bénéficier des fruits de la croissance.

Néanmoins, votre rapporteur s'interroge sur l'équité du sort qui est fait aux familles, notamment au regard des perspectives de chacune des branches. En outre, votre rapporteur rappelle que la contribution des excédents de la branche famille à l'équilibre courant de la branche vieillesse s'accroît d'année en année. En conséquence, l'évolution de la BMAF ne devrait pas être inférieure à l'évolution des pensions.

2. Le soutien des familles qui ont à charge les jeunes adultes

a) Un sujet important

Ce besoin demeure inabordé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Et pourtant, il constitue un délicat problème que relaie l'ensemble des associations familiales.

Le coût d'éducation d'un enfant ne s'arrête pas à la petite enfance ; il est au contraire croissant, les frais d'études d'un lycéen sont supérieurs à ceux d'un collégien, les études en filières techniques coûtent cher parce qu'elles supposent un investissement en matériel onéreux.

Les prestations existantes -par exemple l'allocation de rentrée scolaire- doivent prendre en compte ces spécificités par une modulation pertinente.

Mais la question des 18-25 ans se pose avec davantage d'acuité.

Aujourd'hui, du fait de l'allongement de la durée des études, d'une entrée dans la vie active retardée, les familles supportent financièrement plus longtemps leurs " grands enfants " qui ont déjà des besoins d'adultes.

Les budgets de transport et d'éducation ont fortement augmenté et un minimum de 3.000 francs par mois est nécessaire pour assurer la vie indépendante d'un étudiant.

b) Un problème qui reste encore sans réponse

Les prestations familiales ne traitent guère cette question.

Les allocations ne sont versées que jusqu'à l'âge de 20 ans. Mme Nicole Prud'homme a néanmoins rappelé que la CNAF fournissait un effort considérable en faveur des jeunes adultes en versant des allocations de logement à près de 600.000 étudiants.

La conférence de la Famille du 15 juin 2000 a abordé cette question que le Gouvernement a laissée pour l'instant sans réponse.

Pourtant, le Premier ministre a déclaré à cette occasion : " nous devrons également aborder la situation des jeunes adultes encore à la charge de leur famille. Ces dernières années, l'allongement de la durée des études et une entrée dans la vie active plus tardive et parfois incertaine ont conduit beaucoup de jeunes à rester vivre chez leurs parents. Ce problème est à l'intersection des mutations de la famille, des évolutions du monde du travail et de la formation. Il fait apparaître de fortes inégalités entre jeunes ".

Des demandes ont été exprimées en faveur de la création d'un revenu minimal en faveur des jeunes, sur le modèle du RMI.

Le Premier ministre a plusieurs fois récusé cette éventualité. Hormis l'incidence budgétaire d'une telle mesure, elle aurait le paradoxal inconvénient de vouloir favoriser la prise d'autonomie des jeunes par le biais d'un revenu d'assistance.

Votre rapporteur suggère pragmatiquement que les familles, qui, aujourd'hui, soutiennent leurs enfants étudiants, ou non étudiants, soient aidées.

3. Une mesure d'équité et de redistribution horizontale : le rétablissement du quotient familial à son niveau initial

a) La diminution du plafond du quotient familial avait engendré une augmentation d'impôt pour 500.000 familles en même temps qu'un recul important de la politique familiale menée depuis la Libération

1. Une mesure d'équité pour les familles datant de la Libération

Le système du quotient familial adapte le montant de l'impôt sur le revenu aux facultés contributives de chacun, en prenant en compte le nombre de personnes vivant des ressources du foyer fiscal.

Ce système n'est que la traduction, pour l'impôt sur le revenu, de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que " pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ".

Le quotient familial reposant sur la division du revenu imposable par le nombre de parts du foyer fiscal, il tend à atténuer la progressivité de l'impôt en fonction du revenu.

C'est pourquoi la législation a choisi, depuis 1992, de plafonner les effets du quotient familial : la réduction d'impôt résultant d'une demi-part additionnelle de quotient familial ne peut ainsi excéder un certain montant actualisé chaque année en fonction de l'évolution des tranches du barème de l'impôt sur le revenu. Ce plafond avait été fixé par la loi de finances pour 1998 à 16.380 francs.

2. Pour 1999, le Gouvernement avait fortement diminué cette mesure d'équité en faveur des familles

Fin 1998 (loi de finances pour 1999), la diminution du plafond du quotient familial de 16.380 francs à 11.000 francs, avait été présentée par le Gouvernement comme la contrepartie indispensable du rétablissement des allocations familiales pour toutes les familles.

Or M. Didier Migaud, rapporteur général pour la commission des Finances de l'Assemblée nationale, avait évalué à 500.000 les foyers affectés par la mesure générant une recette de l'ordre de 3,2 milliards de francs, soit un supplément d'imposition d'environ 6.400 francs par foyer et par an.

Comme l'avait rappelé M. Jacques Machet dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 13 ( * ) , les estimations faites par M. Migaud démontraient que le retour à l'universalité des allocations familiales contre la baisse du quotient avait bénéficié à 225.000 ménages et en avait pénalisé 425.000.

En outre, ce " jeu de dupes " avait porté un rude coup au principe d'équité horizontale. La France avait choisi, dès 1946, à la Libération, d'assurer une certaine égalité entre les familles dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Deux familles qui ont les mêmes revenus, mais non les mêmes charges doivent être imposées en fonction de leur capacité contributive réelle.

Ce système du quotient familial ne procure aucun avantage aux familles. Il vise seulement à garantir une répartition équitable du prélèvement en fonction des capacités de chacun.

Votre rapporteur souligne encore une fois que le système du quotient est une mesure de justice fiscale qui n'a jamais été remise en cause depuis 1946, date de sa création.

b) Le projet de loi de finances pour 2001 propose une augmentation du quotient mais celle-ci est insuffisante

Le projet de loi de finances pour 2001, dans son article 2, prévoit un relèvement du plafond à 13 020 francs.

L'Etat avait transféré en 2000, 4,5 milliards de son budget au titre de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire au budget de la branche famille. Ce transfert sera porté à 6,6 milliards de francs en 2001. Il n'a, dans le même temps, compensé ce transfert que par la reprise du FASTIF (fonds d'intervention en faveur des travailleurs immigrés) à hauteur de 1,1 milliard de francs.

En conséquence, il serait équitable que le budget de l'Etat rétablisse le quotient familial à son niveau de 1998, actualisé, réparant ainsi l'injustice qui avait été faite à plus de 400.000 familles.

* 12 Article 36 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1999. Cette disposition valait pour la période allant du 1 er janvier 1995 au 31 décembre 1999.

* 13 Rapport n° 58 précité.

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