N° 162

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à la convention de sécurité sociale du 16 janvier 1985 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire ,

Par Mme Paulette BRISEPIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 399 (1999-2000)

Traités et conventions

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, les pensionnés français des caisses de retraite des Etats d'Afrique francophone auprès desquelles ils ont cotisé au cours d'une activité professionnelle exercée dans cette zone, connaissent une grave dégradation de leur situation . D'une part, en effet, le niveau des retraites a été divisé par deux à la suite de la dévaluation du franc CFA , le 12 janvier 1994. D'autre part, les difficultés financières rencontrées par les régimes d'assurance vieillesse africains rendent parfois très aléatoire le versement des pensions. Or celles-ci peuvent constituer la source principale de revenus pour certains de nos compatriotes réduits dès lors à une situation de grande précarité, voire, dans certains cas, de totale détresse.

Les intéressés ont pu se sentir abandonnés par les pouvoirs publics français -dont le rôle fut pourtant décisif dans la décision de dévaluer- et exclus du principe de solidarité nationale qui constitue le fondement de notre régime de sécurité sociale.

De nombreuses voix se sont fait entendre, en particulier au sein de notre Haute Assemblée, pour appeler le gouvernement à prendre toutes ses responsabilités face à ce douloureux problème. La réponse n'a pas été à la mesure des attentes. A la demande du Premier ministre, une mission tripartite dirigée par l'inspection générale des affaires sociales et menée avec les services du ministère des affaires étrangères, a été chargée, en 1995, d'évaluer la protection vieillesse des Français expatriés en Afrique. Les conclusions de cette mission (le " rapport Leroy ") n'ont malheureusement fait l'objet que d'une diffusion officieuse.

Les pouvoirs publics se sont apparemment tenus à une lecture plutôt limitative des conclusions présentées dans ce document. Ils ont rappelé que la France ne pouvait pas se substituer à des Etats souverains pour garantir la valeur des prestations servies par leurs régimes de sécurité sociale et libellées dans leur monnaie nationale. Ils ont retenu, par ailleurs, quelques orientations générales : centralisation et suivi systématique par le centre de sécurité sociale des travailleurs migrants des dossiers des personnes rencontrant des difficultés ; évocation systématique de cette question lors des rencontres bilatérales ou multilatérales entre le gouvernement français et ses homologues africains ; présentation des propositions d'aide dans le cadre de la politique de coopération au fonctionnement des caisses de retraite en complément de l'action déjà menée par la conférence interafricaine des institutions de prévoyance sociale (CIPRES) en matière de contrôle de gestion et d'assistance technique.

De manière plus concrète, les autorités françaises ont pris trois séries d'initiatives, certes positives, mais encore insuffisantes. Les caisses de sécurité sociale ont reçu pour instruction de liquider, dans un premier temps, de façon autonome et sans délai, les droits à pension française des personnes ayant accompli une carrière mixte sur le territoire national et dans un Etat lié à la France par une convention bilatérale de sécurité sociale. Ainsi, les retards des institutions étrangères, ne devraient pas se traduire également par des retards dans la liquidation des droits côté français. En outre, le gouvernement s'est engagé à étudier dans la même perspective, les moyens de faciliter la preuve de leurs activités en Afrique pour les personnes ayant cotisé à des caisses locales en vue d'améliorer la prise en compte de ces périodes pour le calcul des pensions françaises. Enfin, les pouvoirs publics ont souhaité adapter le dispositif des conventions bilatérales de sécurité sociale qui nous lient avec six pays de la zone franc (Gabon, Côte d'Ivoire, Congo, Sénégal, Mali et Cameroun) afin d'améliorer notamment la coordination des régimes d'assurance vieillesse entre les deux parties. Les négociations se sont d'abord ouvertes avec la Côte d'Ivoire (réunion de la commission mixte ad hoc franco-ivoirienne en février 1998). Le présent avenant à la convention franco-ivoirienne de sécurité sociale, signé à Abidjan le 15 décembre 1998, soumis aujourd'hui à l'examen du Sénat, est le résultat de ces travaux.

Si ce texte présente un caractère très technique, ses conséquences pratiques ne doivent pas pour autant être négligées car elles intéressent potentiellement nos quelque 20 000 ressortissants établis en Côte d'Ivoire , soit l'une des plus importantes communautés françaises établies à l'étranger.

Aussi importe-t-il de prendre la juste mesure d'un texte qui a pour principal objectif de faciliter le versement des pensions pour ceux de nos concitoyens qui ont atteint l'âge de la retraite.

Le devenir de la présence française en Côte d'Ivoire apparaît par ailleurs étroitement lié aux évolutions intérieures de ce pays. C'est pourquoi votre rapporteur évoquera également l'actualité politique ivoirienne.

I. LE PRÉSENT AVENANT : UN PROGRÈS RÉEL POUR LES FRANÇAIS PENSIONNÉS DU RÉGIME D'ASSURANCE VIEILLESSE IVOIRIEN

A. LES INSUFFISANCES DU RÉGIME DE DROIT ACTUEL

Longtemps la couverture sociale de l'importante communauté française installée en Côte d'Ivoire a reposé pour l'essentiel sur des assurances volontaires contractées individuellement. A compter du 1 er octobre 1984 cependant, les salariés français résidant en Côte d'Ivoire ont été tenus de s'affilier au régime ivoirien d'assurance vieillesse. La coordination des régimes de sécurité sociale entre nos deux pays s'est alors imposée et a conduit à la conclusion de la convention franco-ivoirienne de sécurité sociale du 16 janvier 1985 dont le champ couvre non seulement l'assurance vieillesse mais aussi les régimes d'assurance maternité, accidents du travail et prestations familiales.

Cette convention présente deux dispositifs dérogatoires du droit commun : le détachement (maintien au régime de sécurité sociale d'origine) et le droit d'option (transfert des cotisations vers le régime de l'Etat d'origine).

. Le détachement

Le principe d'assujettissement des Français expatriés au régime de sécurité sociale ivoirien connaît une double dérogation :

- sont maintenus au régime de sécurité sociale français, les travailleurs non salariés, les agents des postes diplomatiques et consulaires ainsi que les personnels administratifs et techniques de ces postes, les fonctionnaires civils et militaires et personnels assimilés et par dérogation, les travailleurs détachés par leur entreprise pour une période n'excédant pas deux ans -cette dérogation peut être accordée au-delà de deux ans, sous réserve de l'accord de l'autorité ivoirienne, lorsque le séjour du salarié est prolongé afin de permettre l'achèvement du travail pour lequel le salarié a été détaché ;

- peuvent opter pour l'un ou l'autre régime de protection sociale, les agents mis à la disposition des autorités ivoiriennes sur la base d'un contrat de coopération, les personnels salariés des postes diplomatiques et consulaires n'ayant pas la qualité d'agent diplomatique et consulaire ni de personnel administratif ou technique de ces postes, ainsi que les travailleurs au service personnel de ces agents dès lors qu'ils sont de nationalité française ou que non Ivoiriens ils ont été antérieurement affiliés à un régime français.

. Le droit d'option

Par ailleurs, la convention avait pris en compte la fragilité de l'assise financière du dispositif institutionnel ivoirien et en particulier de la caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). En effet, le paiement des rentes et des pensions par la CNPS est apparu parfois aléatoire. Très largement excédentaire jusqu'en 1988, le résultat financier de la CNPS s'est sérieusement dégradé pour devenir déficitaire en 1992. L'année 1994 a marqué le début d'un redressement grâce à l'augmentation des cotisations. En outre, le recours à un système de gestion par points a permis l'ajustement des prestations aux ressources encaissées grâce à la modification du salaire de référence et de la valeur du point. Cependant, le redressement des comptes se heurte au poids de l' " emprunt " contracté par l'Etat auprès de la CNPS -soit un montant de 200 milliards de francs CFA. Le recouvrement de cette créance reste étroitement subordonné à la situation financière, aujourd'hui très fragile, de l'Etat et des entreprises publiques.

En conséquence la convention de sécurité sociale de 1985 avait introduit un " droit d'option ", procédure dérogatoire de droit commun qui permet à un salarié d'opter pour une pension de retraite unique versée par l'Etat dont il est le ressortissant, financée par un transfert de ses cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse.

Cette procédure de droit d'option, il faut le souligner, ne s'applique jusqu'à présent qu'à deux pays africains : la Côte d'Ivoire et le Mali. Cependant elle a été récemment instituée pour le Gabon sous la forme d'un avenant à la convention franco-gabonaise du 2 octobre 1980 dont le texte devrait prochainement être soumis à l'examen du Parlement.

Un premier avenant à la convention, signé le 16 janvier 1989, avait permis d'aménager les règles générales du dispositif de transfert de droits à pension de l'Etat d'accueil vers l'Etat d'origine. Cet avenant avait également mis fin au mécanisme de revalorisation de ces cotisations selon les coefficients en cours dans l'Etat d'origine, jugé trop onéreux pour le régime d'assurance ivoirien. En contrepartie, il supprimait la condition de durée maximale d'activité (dix ans) pour les salariés français ayant travaillé en Côte d'Ivoire.

Rappelons que si l'assuré n'exerce pas son droit d'option, la retraite à laquelle il peut prétendre est calculée selon les règles de " totalisation-proratisation " : chaque régime de sécurité sociale auquel l'intéressé a été affilié calcule la pension comme si la totalité des périodes d'assurance avaient été accomplies sous sa seule législation. L'institution de sécurité sociale compétente réduit ensuite la pension ainsi calculée au prorata de la durée des périodes d'assurance accomplies sous sa seule législation par rapport à l'ensemble des périodes d'assurance accomplies dans les deux Etats.

*

* *

Selon le " rapport Leroy " de 1996, quelque 3 700 expatriés français seraient régis par le régime ivoirien de protection sociale.

Ce dispositif présente plusieurs faiblesses.

En premier lieu, pour obtenir le transfert de ses cotisations, l'intéressé doit quitter le territoire ivoirien. Ensuite, les formalités liées au transfert ne sont mises en oeuvre qu'au moment où l'ayant droit atteint l'âge de la retraite en France : compte tenu des délais souvent très longs inhérents à cette procédure, plusieurs années peuvent s'écouler avant que puisse être perçue la part de la retraite due au titre des cotisations versées en Côte d'Ivoire. Dans l'intervalle, certains de nos compatriotes peuvent se retrouver sans autres ressources que le minimum vieillesse. Cette situation apparaît d'autant plus incompréhensible que compte tenu du décalage de l'âge de la retraite entre la Côte d'Ivoire (55 ans) et la France (60 ans), la mise en oeuvre du transfert des cotisations pourrait être organisée dans des délais suffisants pour permettre aux Français de percevoir l'intégralité de leurs droits à pension à la date de leurs 60 ans.

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