b) Les difficultés du recyclage

Ce bon résultat en apparence ne doit pas faire illusion. La filière se heurte à des difficultés croissantes.

En premier lieu, on observera qu'entre 5 à 10 % des batteries échappent encore au circuit de retraitement, ce qui représente 7.500 tonnes. La filière de récupération fonctionne dans l'ensemble convenablement, « même si il y a des améliorations à trouver du côté des grandes surfaces qui vendent beaucoup plus de batteries qu'elles n'en récupèrent ». Une amélioration est possible.

Où vont les autres, où vont ces 7.500 tonnes de plomb et ces centaines de tonnes d'acide ? Dans les déchetteries ? Dans les poubelles ? Mais aussi, dans les jardins et les ruisseaux... Ces 10 % non collectés représentent des risques pour l'environnement.

• En second lieu, l'équilibre financier de la filière est fragile. La filière de recyclage fait intervenir trois prix : le prix de collecte de la matière première secondaire (les batteries usagées), le prix du traitement correspondant aux opérations de recyclage proprement dit, et le prix de vente, correspondant au prix de vente des lingots de plomb aux usines fabriquant les batteries neuves.

Le circuit de collecte / valorisation a longtemps été autofinancé par un équilibre entre recettes et dépenses (ce qui explique le taux élevé des reprises). Cette situation est de moins en moins vérifiée.

D'une part, les coûts de production sont croissants. Ces coûts comprennent l'amortissement des investissements, la main d'oeuvre, et désormais, les contraintes environnementales pesant sur les conditions de prise en charge et de traitement des batteries au plomb : collecte et stockage étanches, réduction des émissions, retraitement de l'acide, TGAP sur les résidus (de l'ordre de 40 MF la tonne de batteries collectées...), mise en décharge. En France, les déchets vont en décharge de classe 1. Il faut compter de 500 F à 800 F la tonne, plus le transport (200 F), plus la TGAP (200 F), soit un coût total de plus de 1.000 F.

L'un des exemples les plus frappants concerne l'usine du groupe Compagnie Européenne d'Accumulation - CEAC - à Brenouille dans l'Oise (mais presque toutes les usines en activité sont soumises aux mêmes contraintes et auraient des chiffres voisins). A la suite de divers incidents (incinération des séparateurs de plastique et mise en service de fours d'incinération sans autorisation, condamnation de personnels... (46 ( * )) (incinération des séparateurs de plastique et mise en service de fours), la société CEAC a adopté un programme d'investissement, suite aux demandes de l'administration, portant sur un montant total de 15 MF. 6 à 8 millions de francs ont été dépensés en 15 mois, soit 6 à 8 % d'un équivalent de chiffre d'affaires de 100 MF (incluant la fermeture du bâtiment de stockage des batteries usagées, la construction d'une station de traitement, le réhaussement des cheminées...)

« Quand une entreprise investit 5 % dans son développement, nous investissons 8 % dans le seul investissement. Aujourd'hui, tout investissement est un investissement d'environnement », commente le directeur de l'établissement.

Un discours partagé par tous les exploitants qui n'ont guère d'autre choix que de poursuivre l'activité en respectant des contraintes environ-nementales de plus en plus rigoureuses (47 ( * )) ou fermer (sur les six sites de production et de recyclage de batteries dans le Loiret, deux ont fermé au cours des deux dernières années).

Selon la profession, le financement de la filière se présente comme suit :

Financement du recyclage des batteries au plomb (prix en FF la tonne)

Aujourd'hui

Demain ?

Recettes

Dépenses

Recettes

Dépenses

Plomb*

1.750

Collecte

600

Plomb*

1.750

Collecte

700

Autre

50

Recyclage

1.200

Autres

50

Recyclage

1.400

Total

1.800

1.800

1.800

2.100

*1.750 F = 3.200 F/tonne de batteries x 55 % du poids des batteries

Source : Chambre syndicale du plomb

On observera que, selon la profession, l'équilibre financier, fragile, ne sera plus assuré. Une réflexion avec tous les partenaires concernés s'impose. Il ne peut être question de laisser 100.000 tonnes de plomb dans les décharges.

• En troisième lieu, la collecte n'est pas garantie, car intervient un autre phénomène : la concurrence internationale et la prime de fait accordée aux moins exigeants...

L'accroissement des coûts liés aux taxes et aux contraintes environnementales fait naître un commerce international des batteries usagées dans des pays où les contraintes sont moins fortes. On estime que près de 1.000 tonnes de batteries sortent chaque mois de l'Hexagone, notamment en direction de l'Espagne. Les batteries sont payées 30 % de plus qu'en France, ce qui compense plus que largement le surcoût du transport. Une fois le plomb retiré, les résidus restent en vrac près de l'usine. Le surcoût à l'achat est plus que compensé par l'économie réalisée sur le traitement.

Le transport de substances dangereuses est normalement étroitement réglementé. Il y a de fortes prescriptions pour penser que cette réglementation n'est pas toujours appliquée. Une vigilance accrue des pouvoirs publics est indispensable.

Cette attractivité de territoires liée à des contraintes environne-mentales moindres qui permettent des prix de rachat supérieurs a un effet direct sur la ressource disponible en France.

Ce tarissement est aggravé par la pression sur les prix.

La collecte est évidemment dépendante du prix de reprise. Si l'affineur paye 600 F la tonne, le récupérateur collectera les batteries. S'il paye 500 F, il collectera les batteries de la région parisienne parce que les volumes sont importants, mais les batteries en milieu rural ne seront plus collectées. S'il paye moins, il n'y aura plus de collecte du tout.

Dans les année 80, le cours du plomb contenu dans les batteries et revendu permettait d'équilibrer les coûts de collecte et de traitement Cette situation n'est malheureusement plus vraie aujourd'hui. La baisse importante des cours du plomb (il existe une tendance historique à la baisse des matières premières. Les produits à haute valeur ajoutée ne contiennent quasiment plus de matière première) a un effet direct sur la collecte. Il y a quelques années, le cours du plomb a baissé, entraînant une baisse du taux de collecte, à moins de 80 %. On ignore où sont passés les 20 % restants. Peut-être dans les ordures ménagères ou dans les décharges ?...

* (46) Le PDG de la CEAC a été condamné par le Tribunal correctionnel de Beauvais à une amende de 200.000 F, dont 100.000 F avec sursis, pour installations exploitées et activités exercées sans autorisation ; l'ancien directeur de l'usine a été condamné à deux amendes de 10.000 F.

* (47) Choix de la société STCM à Bazoches les Gallerandes, visitée par le rapporteur.

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