Rapport n° 284 (2000-2001) de M. Guy PENNE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 25 avril 2001

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N° 284

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 avril 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces
armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant amendement à la convention européenne sur la
télévision transfrontière ,

Par M. Guy PENNE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Auban, Pierre Biarnès, secrétaires ; Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Jean-Yves Mano, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette
Michaux-Chevry, MM. René Monory, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière, Raymond Soucaret.

Voir le numéro :

Sénat : 100 (2000-2001)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le paysage audiovisuel européen a connu de profonds bouleversements entre 1989 et 2000, touchant en particulier le domaine de la radiodiffusion.

De nouvelles techniques de transmission, impliquant l'augmentation continue des réseaux satellitaires, que ce soit par câble, voie terrestre, en mode analogique ou numérique, ont entraîné l'extension des zones de diffusion sur l'ensemble du continent européen.

A ces modifications, il convient d'ajouter la diversification croissante de l'offre de programmes intervenue ces dix dernières années. Alors qu'en 1989 les principaux acteurs du paysage audiovisuel européen demeuraient avant tout les radiodiffuseurs de service public, ceux-ci se sont vus concurrencés, durant la dernière décennie, par un nombre sans cesse croissant de sociétés privées, offrant aussi bien des programmes généralistes que thématiques, en accès libre ou conditionnel.

La fin des années 90 fut également marquée par le rapprochement de grands groupes du secteur audiovisuel, opérant auparavant dans des domaines relativement différents : opérateurs audiovisuels, opérateurs de télécommunications, fournisseurs d'accès à Internet. Un tel phénomène s'est traduit par la consolidation du secteur audiovisuel européen appelé à un essor sans précédent.

Cette évolution a justifié la mise en oeuvre d'un cadre réglementaire au niveau européen, requis par l'ampleur de ces phénomènes technologiques, qui dépassent les limites nationales et risquent, en l'absence de normes efficaces et reconnues, de constituer une atteinte à la souveraineté des Etats sur le territoire desquels ils s'exercent.

Afin de concilier l'exigence de sécurité juridique avec le développement technologique, le Conseil de l'Europe a élaboré, le 5 mars 1989, un instrument juridique qui précisait les principes essentiels devant régir la radiodiffusion transfrontière. Cette convention servit également de base à l'élaboration de la directive européenne " télévision sans frontières " du 3 octobre 1989 qui a entraîné, dans les législations internes aux pays membres de la Communauté européenne, certains aménagements.

Cependant, la mise en oeuvre de ce dispositif s'est déroulée dans un contexte marqué par d'importants changements politiques en Europe centrale et orientale, qui se traduisirent notamment par l'élargissement de la composition du Conseil de l'Europe depuis 1989 et, en conséquence, le développement, au niveau paneuropéen, du cadre juridique établi par la convention.

Il est ainsi nécessaire que le dispositif normatif existant accompagne, afin de mieux les encadrer, les innovations technologiques qui marquent l'évolution de la radiodiffusion transfrontière. Alors qu'une nouvelle directive -élaborée en 1997 et récemment transposée dans notre droit interne en août dernier 1 ( * ) - semble avoir, provisoirement du moins, répondu à cette nécessité, la convention du 5 mars 1989 fait aujourd'hui l'objet d'un protocole additionnel afin d'adapter, à l'échelle européenne, la législation en vigueur avec les récents bouleversements survenus dans les domaines regroupés sous l'appellation de " télévision transfrontière ".

*

* *

I. CONCILIER SÉCURITÉ JURIDIQUE ET INNOVATION TECHNOLOGIQUE

A. LE RÉEL ESSOR DU MARCHÉ EUROPÉEN DE L'AUDIOVISUEL

1. La multiplication et la diversification de l'offre

L'industrie audiovisuelle, et plus particulièrement le secteur de la télévision, a connu un développement constant durant la dernière décennie.

Les prestataires de service télévisuel ont ainsi développé leur offre, bénéficiant d'un contexte technologique favorable, caractérisé par l'augmentation quantitative et l'amélioration qualitative des infrastructures de transmission et de réception. Le nombre de chaînes disposant d'une couverture nationale et émettant par voie terrestre sur l'ensemble de l'Union européenne est estimé, au début de l'année 2000, à plus de 585.

Cependant, en raison du développement concomitant de la diffusion par satellite, le marché de l'audiovisuel européen est désormais transfrontalier. Ainsi, cinquante chaînes diffusent en priorité leurs programmes vers d'autres marchés que ceux de leur pays d'établissement, surtout lorsque ceux-ci appartiennent à une même communauté linguistique.

Dans cette évolution s'inscrivent en outre les constants progrès de la technologie numérique, que ce soit par voie satellitaire ou terrestre. Aussi, le Royaume-Uni, depuis 1998, ainsi que l'Espagne et la Suède, depuis 1999, disposent désormais de services numériques de télévision terrestre.

Les années 90 ont également connu l'émergence de chaînes thématiques émettant, soit par satellites ou réseaux cablés, soit par radiodiffusion numérique terrestre. Représentant globalement près de 3,5 millions d'heures de programmes par an, ces chaînes sont le plus souvent proposées dans le cadre de bouquets diffusés par les opérateurs à péage.

Enfin, l'augmentation des possibilités de transmission par satellite ou câble, ainsi que le développement de la technologie numérique terrestre, devraient bénéficier, dans les prochaines années, aux chaînes locales.

2. Un marché en constante valorisation

Le marché européen de l'audiovisuel demeure porteur avec, pour les seuls pays membres de l'Union européenne, plus de 152 millions de téléviseurs et près du quart des foyers disposant d'une connexion par câble. Ces derniers constituent également la cible principale des opérateurs, en raison de leur accès immédiat à toute une gamme de services, combinant la télévision interactive, le réseau internet et la téléphonie locale.

Le financement des organismes de radiodiffusion télévisuelle de l'Union européenne reste assuré principalement par les recettes publicitaires qui ont atteint, pour l'année 1999, un montant de l'ordre de 23,2 milliards d'euros de recettes. En outre, ces dernières années ont été marquées par la nette augmentation du nombre des abonnements aux chaînes payantes, produisant, en 1998, 7,3 milliards d'euros de recettes et connaissant, depuis lors, une croissance annuelle de plus de 10 %.

Les redevances payées par les téléspectateurs assurent encore une grande part du financement des organismes de radiodiffusion télévisuelle du service public, en Allemagne et en France. Cependant, les recettes commerciales des organismes publics de radiodiffusion télévisuelle assurent jusqu'au tiers des recettes chez nos partenaires belge, danois, espagnol, italien et suédois.

Par ailleurs, les principaux opérateurs audiovisuels européens ont mis en oeuvre une politique d'alliance afin, notamment, de rapprocher les fournisseurs de contenu avec les distributeurs de services audiovisuels.

Ainsi les alliances des groupes Pearson et CLT-UFA, Kirch avec Mediaset et BskyB, Sat-1 et Prosieben ou encore la fusion entre Vivendi et Seagram illustrent le choix de la concentration opérée par les grands opérateurs privés afin de bénéficier au mieux de ce marché en constante valorisation.

B. LA NÉCESSAIRE HARMONISATION DES LÉGISLATIONS EUROPÉENNES

1. Le Conseil de l'Europe et la Commission européenne, acteurs de cette harmonisation

Dès la fin des années 80, le Conseil de l'Europe, soucieux d'adapter le droit à une technologie vouée à un développement sans précédent, avait élaboré un premier texte. La convention du 5 mars 1989, " instrument juridique contraignant contenant les principes essentiels qui devraient régir la radiodiffusion transfrontière " a permis de combler ce vide juridique et d'encadrer un secteur en plein essor. Pour le Conseil, les programmes audiovisuels ne sauraient faire l'objet d'une réglementation analogue à celle concernant les autres biens et services, mais doivent relever d'une approche spécifique, en incluant notamment leur aspect culturel. Il lui incombait alors -cette préoccupation étant toujours d'actualité- d'assurer la compatibilité des différentes législations nationales de ses membres, au moyen de règles et de principes communs, dépassant les strictes considérations économiques.

En d'autres termes, la convention se veut un ensemble de règles communes destinées à assurer le développement harmonieux des services de programmes de télévision transfrontière. Elle pose les principes de garantie de réception et de non-restriction de la retransmission des services conformes à ces règles communes.

Cependant, à la suite de cette convention, la Commission européenne a forgé un instrument juridique -la directive du 3 octobre 1989- qui a entraîné, dans les pays alors membres des communautés européennes, un aménagement de leur législation interne. Ce texte répondait plus précisément à l'exigence d'organiser, à l'échelle européenne, le marché de la radiodiffusion télévisuelle, en prenant acte des conséquences du développement technologique de ce secteur : l'extension des zones de diffusion, l'internationalisation ainsi que la concentration des opérateurs.

La cohérence entre la convention de 1989 et la directive télévision sans frontière, qui couvraient, à quelques exceptions près, des sujets identiques, a été recherchée. Le texte du Conseil de l'Europe, pour les pays également membres des Communautés européennes d'alors, ne présentait que peu d'incidences, en raison de la supériorité normative de la directive sur la convention, qui demeurait cependant contraignante pour les sujets uniquement évoqués par elle.

L'intérêt de cette convention apparaissait également politique : dans un contexte marqué par l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale, et de certains Etats du bassin méditerranéen, au Conseil de l'Europe, son adoption permettait aux nouveaux membres d'harmoniser leur législation avec les grands principes qui prévalaient dans l'ensemble de l'Union européenne.

Désormais, la directive couvre les quinze Etats membres de l'Union européenne, tandis que la convention, ratifiée par 18 Etats, est potentiellement applicable par les quarante-trois membres que compte le Conseil de l'Europe ; vingt-et-un d'entre eux l'ont déjà ratifiée.

2. Assurer la cohérence de la convention de 1989 avec la directive de 1997

La convention européenne sur la télévision transfrontière, adoptée par le Comité du Conseil de l'Europe le 15 mars 1989, est entrée en vigueur le 1 er mai 1993. La France a, quant à elle, signé la convention le 12 février 1991. Une fois le projet de loi autorisant son approbation adopté en juin 1994, la convention est entrée en vigueur en droit interne avec la publication du décret n° 95-438 du 14 avril 1995.

Ce texte présentait, dès son adoption, certaines lacunes que notre collègue, M. le sénateur Michel d'Aillères 2 ( * ) avait alors notées. Hormis trois dispositions spécifiques à la convention -accès aux événements majeurs, émission de plages publicitaires destinées au public d'une seule Partie et définition des règles de transparence-, certaines incertitudes demeuraient quant aux points couverts conjointement par la convention et la directive " télévision sans frontière ".

Les procédures de conciliation et d'arbitrage demeuraient délicates dans le cas d'un litige opposant, d'une part, un Etat appliquant la directive transposée et, d'autre part, un Etat relevant de la convention. Le premier risquait ainsi de se voir imposer un règlement juridique distinct de celui qu'aurait ordonné la Cour de justice des Communautés européennes dans un domaine comme l'audiovisuel, qui relève pourtant de sa compétence.

D'autres différences demeuraient sur des points essentiels comme les critères retenus pour la répression de programmes à caractère pornographique, ou encore raciste . En outre, si le principe d'un quota d'oeuvres européennes était retenu, à la fois par la directive et la convention, le manquement à cette disposition, dans les deux textes, ne faisait pas l'objet d'une sanction précise.

Qui plus est, l'imputation de la responsabilité différait entre les deux textes, s'agissant des infractions commises à l'occasion de retransmission par la voie satellitaire. Alors que la directive retenait la responsabilité de l'Etat, siège du radiodiffuseur, celle-ci incombait, d'après la convention, à l'Etat sur le territoire duquel se trouvait la liaison vers le satellite. Les conditions étaient ainsi réunies pour que soit provoqué un conflit de responsabilité, en l'absence de convergence entre le texte de la Commission et celui du Conseil de l'Europe.

Aussi, la récente modification de la directive, intervenue le 30 juin 1997, a permis aux autorités de Bruxelles de combler certaines lacunes antérieures et de clarifier la plupart des points demeurés jusqu'à ce jour lacunaires.

Si le principe de la libre circulation des programmes est réaffirmé, les objectifs culturels, impliquant la mise en oeuvre de quotas de production et de diffusion, sont redéfinis. Aux termes des articles 4 et 5 de la directive modifiée, les télévisions devront consacrer au moins la moitié de leur temps de diffusion et 10 % de leur budget de programmation à des oeuvres européennes, pouvant par ailleurs être réalisées par des producteurs indépendants.

En outre, il incombe à chaque membre de l'Union européenne de prendre les mesures garantissant l'accès gratuit, en direct ou en différé, de la majeure partie du public aux événements reconnus d'importance majeure pour la société (article 3 bis § 1 et § 2). Cette disposition est également assortie d'une obligation pour un opérateur d'un Etat membre, propriétaire des droits de retransmission d'un événement majeur, de ne pas priver de sa diffusion d'autres publics éventuels.

Afin d'assurer la cohérence avec la directive redéfinie, le Conseil de l'Europe a estimé nécessaire d'amender certaines dispositions de la convention. En ce sens, à la suite de son adoption par le Comité des ministres, le 9 septembre 1998, le protocole d'amendement a été ouvert à l'acceptation des différentes parties à la convention.

Toutefois, une procédure d'acceptation tacite ou " notification négative " a été introduite afin de réduire la période séparant l'adoption du Protocole et son entrée en vigueur, la date ultime pour la transposition de la directive " télévision sans frontière " révisée étant fixée au 30 décembre 1998. Ce procédé s'inspire de clauses analogues utilisées pour l'entrée en vigueur d'amendements à des textes tels que l'Accord européen relatif à l'échange de substances thérapeutiques d'origine humaine 3 ( * ) ou encore l'Accord européen relatif à l'échange de réactifs pour la détermination des groupes sanguins.

Cependant, lors de la négociation, la France a excipé de l'inconstitutionnalité de cette procédure pour s'opposer à sa mise en oeuvre.

Dans un souci de compromis, notre pays a finalement levé sa réserve en échange de la reconnaissance de son éventuelle objection à l'entrée en vigueur automatique du Protocole, dans le cas d'une absence de ratification à l'issue des deux années probatoires définies par le texte.

II. LE PROTOCOLE PORTANT AMENDEMENT À LA CONVENTION DE TÉLÉVISION TRANSFRONTIÈRE

Le protocole d'amendement assure la cohérence des dispositions de la convention avec les principales innovations de la directive communautaire révisée en 1997.

Il permet ainsi un meilleur encadrement de la mutation du paysage européen, caractérisée notamment par l'émergence de nouvelles formes de programmes, et la nécessaire prise en compte des publics de l'ensemble des Etats Parties à la convention.

Cependant, ce dispositif marque avant tout une étape, en raison des constantes évolutions technologiques de l'audiovisuel.

A. UN MEILLEUR ENCADREMENT DE LA MUTATION DU PAYSAGE AUDIOVISUEL EUROPÉEN

1. Une plus grande prise en compte de la diversité des programmations

. La publicité et l'autopromotion

L'autopromotion est une technique publicitaire utilisée par des chaînes de télévision classiques afin de présenter leurs programmes et leurs produits dérivés.

Le dispositif précédent ne permettait pas de déterminer si l'annonce des programmes d'un radiodiffuseur contribuait à l'information du public ou constituait une opération d'autopromotion. Afin de remédier à cette difficulté, le Conseil a décidé d'amender l'article 2 f afin d'inclure l'autopromotion dans la notion de publicité.

Les dispositions relatives à la durée de la publicité -article 12- ne concernent cependant ni les messages d'intérêt public ni les appels en faveur des oeuvres de bienfaisance. En outre, un nouvel article 18 bis expose les différentes catégories de programmes qui relèvent exclusivement de l'autopromotion.

. Le télé-achat

Conformément à l'approche retenue par la directive de 1997, le télé-achat fait l'objet d'un traitement spécifique dans le protocole qui en donne une compréhension extensive. Cette notion inclut ainsi les spots, les émissions (diffusées sous forme d'émissions isolées ou de fenêtres) ainsi que les services qui lui sont exclusivement consacrés et qui sont abordés dans l'article 18 ter de la Convention.

Il convient enfin de noter le choix du critère de l'heure d'horloge pour le calcul de la durée des spots publicitaires et de télé-achat, plafonnée à 20 % du volume horaire de diffusion (article 12).

. Le parrainage d'émissions

Comme dans le nouveau texte communautaire, la définition du parrainage inclut désormais la promotion des activités du parrain auquel incombe le choix de son appellation diffusée, qui ne doit, en aucun cas, contenir d'argumentaires promotionnels spécifiques (article 23).

Le parrainage d'émissions par des entreprises pharmaceutiques, dont l'activité principale consiste en la fabrication ou les ventes de médicaments uniquement disponibles sur prescription médicale, est autorisé à condition de se limiter à la promotion de leur nom ou de leur image (article 24).

2. Une nouvelle reconnaissance du public

. L'accès garanti à des événements majeurs

La notion d' " événement d'un grand intérêt pour le public " conduit à établir que certains aspects de cet événement doivent désormais pouvoir faire l'objet d'une brève séquence dans un programme de télévisions communiquant des informations au public.

Il convient cependant de les distinguer des " événements d'importance majeure " (article 9 bis), dont l'intérêt pour le public est tel que sa diffusion doit être assurée de manière intégrale ou quasi intégrale, en direct ou en différé, sur une chaîne à accès libre. Cette définition implique ainsi le renforcement du droit à l'information par des dispositions particulières, et conformément aux critères suivants :

* l'événement lui-même et son contenu présentent un intérêt particulier pour la totalité du public de la Partie intéressée ;

* l'événement évoqué est reconnu par la population de la Partie intéressée comme participant à son identité culturelle ;

* l'événement est traditionnellement retransmis sur une télévision à accès libre, s'adressant à un large public dans la Partie intéressée.

On relève que les critères de la convention sont ceux retenus par le projet de décret français fixant les modalités de la diffusion d'événements d'importance majeure.

. Le pluralisme des médias renforcé

Le principe de responsabilité des Parties de transmission quant au respect du pluralisme des médias est affirmé à l'article 10 bis de la Convention. Si cette obligation morale se traduit par un engagement de coopération entre les Etats parties, ceux-ci ne disposent cependant pas de moyens contraignants pour assurer la mise en oeuvre de ce principe chez leurs partenaires.

B. UN DISPOSITIF QUI CONSTITUE UNE ÉTAPE

1. L'adaptation des principes de la convention

. La compétence de l'Etat de transmission affirmée

La convention initiale posait déjà la compétence de l'Etat de transmission, mais ne déterminait celle-ci qu'en vertu de critères techniques.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), la compétence incombe désormais à l'Etat dit de transmission, où se déroulent effectivement les activités du radiodiffuseur. Ces dernières peuvent ainsi consister en l'administration ou la programmation, ou, le cas échéant, coïncider avec plusieurs indices matériels précisés à l'article 5-3.

Le choix du critère de l'établissement du radiodiffuseur résulte ainsi de la détermination de l'Etat compétent opérée par la directive 97/36/CE.

. La nouvelle définition de l'abus de droit

En vertu de l'article 24 bis de la Convention précitée, les Parties peuvent s'opposer à la réception d'un programme émis par un radiodiffuseur délocalisé afin de se soustraire aux règles relatives à la publicité et au télé-achat, à la protection des mineurs et de l'ordre public, ou encore aux quotas de diffusion applicables dans l'Etat de réception.

Cette clause émane d'une demande des autorités françaises qui se sont fondées sur la jurisprudence de la CJCE relative à la notion d'abus de droit, se caractérisant par l'activité d'un radiodiffuseur entièrement ou principalement tourné vers le territoire d'une autre Partie que celle compétente à son égard, dans le but de se soustraire à la législation dans les domaines couverts par la convention.

Cependant, cette disposition ne saurait s'appliquer aux relations entre Etats membres de l'Union européenne, régies en l'espèce par le 14 ème considérant de la directive de 1997 qui se réfère explicitement aux précédents arrêts de la CJCE.

Il convient néanmoins de prendre acte du récent revirement de la Cour, laquelle, bien que se prononçant sur les conséquences des éventuelles délocalisations, refuse désormais de reconnaître la compétence des Etats sur les organismes fraudeurs, estimant que cette dernière ne dépend, dans ce cas précis, que de l'établissement du diffuseur.

. La confirmation des objectifs culturels de la convention

Le développement de la production audiovisuelle européenne et la circulation de programmes européens de qualité sont présentés comme des moyens de garantie de l'affirmation culturelle européenne (article 10-1). Il incombe ainsi à chacune des Parties de réserver aux oeuvres audiovisuelles d'origine européenne une proportion majoritaire de leur temps de transmission, à l'exclusion toutefois des plages horaires consacrées aux informations, manifestations sportives, jeux, services de télétexte, ou encore à la publicité et au télé-achat.

Cependant, cette exigence de proportion majoritaire fait l'objet de certaines modérations. D'une part, son respect ne saurait porter atteinte aux échanges entre l'Europe et les pays du Sud, dont les productions audiovisuelles ne doivent pas être pénalisées par de trop stricts quotas appliqués sur l'ensemble des Etats parties à la convention.

D'autre part, il est laissé à chaque partie de transmission une marge d'appréciation pour déterminer " à chaque fois que cela est réalisable ", et d'après les " critères appropriés ", les modalités de réalisation de cette " proportion majoritaire ". En effet, le contexte audiovisuel, les traditions culturelles, ainsi que les impératifs financiers qui lui sont propres doivent être pris en considération. Il convient cependant de noter que ces dispositions de la convention s'inspirent des articles 4 et 5 de la directive révisée en 1997, mais on doit constater l'absence, dans les deux textes, de critère qualitatif (comme l'horaire de diffusion par exemple) pour évaluer la part des programmes d'origine européenne dans les programmes nationaux.

En outre, conformément à l'article 28 de la convention, de telles dispositions ne préjugent pas de la possibilité laissée aux Parties de transmission d'appliquer des règles plus strictes, qui doivent être détaillées aux services de programmes transmis par un radiodiffuseur relevant de leur compétence.

2. L'encadrement partiel d'une technologie en constante évolution

Bien que le présent protocole assure la cohérence de l'approche du Conseil de l'Europe avec celle de la Commission, la radiodiffusion connaît aujourd'hui une mutation accélérée, en raison notamment du développement de la technologie numérique et de l'Internet.

De telles innovations impliqueront, dans un avenir proche, la redéfinition de certaines dispositions de la directive et, partant, de la convention de télévision transfrontière. Ainsi, l'essor de la technologie numérique aura probablement pour conséquence l'introduction de nouvelles techniques de publicité, que le dispositif actuellement en vigueur n'encadre pas.

En outre, l'augmentation du nombre de chaînes disponibles, et la composition prochaine par le spectateur lui-même de ses propres grilles de programmes, notamment grâce au développement des technologies d'enregistrement sur disque dur, devront également être prises en compte.

Trois grandes études sur le domaine de la radiodiffusion ont été récemment réalisées par la Commission, touchant l'impact des mesures destinées à promouvoir la distribution et la production des programmes télévisés européens, l'évolution future du marché, ainsi que les nouvelles techniques publicitaires.

Il est également probable que le développement de l'interopérabilité et des systèmes d'accès conditionnel devra faire l'objet d'un encadrement juridique spécifique.

Aussi, alors que la Commission européenne a déjà proposé, le 12 juillet 2000, une nouvelle directive, dont l'adoption sera l'occasion d'un vaste débat sur la politique audiovisuelle européenne, la convention de télévision transfrontière devra également intégrer les innovations juridiques du prochain texte communautaire, afin de préserver sa cohérence avec les normes définies par la Commission.

CONCLUSION

Le protocole répond à un double enjeu : encadrer, d'une part, un domaine technologique en plein essor qui touche, dans leur existence quotidienne, des millions d'Européens et garantir, d'autre part, à l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe, une législation qui soit cohérente avec celle de l'Union européenne.

A ce titre, le Protocole est politiquement fédérateur, car il permet aux Etats destinés, tôt ou tard, à entrer dans l'Union européenne, d'intégrer un ensemble de normes et de contribuer en retour, à l'affirmation de la spécificité européenne dans le domaine de l'audiovisuel.

Notre pays ne saurait demeurer en retrait d'un tel processus, certes évolutif, mais dont la continuité permettra de répondre à l'exigence d'encadrer un phénomène technologique et social en constante expansion.

Fort de ces observations, votre rapporteur ne peut que recommander l'adoption de ce protocole.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du mercredi 25 avril 2001.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur la protection des droits d'auteur par le texte en discussion, rappelant que les nouvelles techniques de radiodiffusion permettaient d'émettre hors du cadre européen des programmes qui pouvaient y être reçus, sans que le cadre juridique proposé par le projet de loi soit nécessairement respecté.

M. Xavier de Villepin, président s'est enquis de l'impact de ce nouveau cadre juridique sur la promotion des programmes francophones, et singulièrement français, à l'étranger. Il a rappelé les difficultés inhérentes au contenu et à la réception des émissions de TV5 sur le continent américain. Il a également salué l'action positive de M. Jean Stock, qui vient de quitter la présidence de TV5.

En réponse, M. Guy Penne a souligné que les dispositions du projet de loi imposant une présence majoritaire d'oeuvres d'origine européenne dans le temps de transmission étaient de nature à protéger le rayonnement de notre langue et de nos programmes hors d'Europe.

Puis, suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation du protocole portant amendement à la convention européenne sur la télévision transfrontière, adopté à Strasbourg le 9 septembre 1998 et dont le texte est annexé à la présente loi. 4 ( * )

ANNEXE 1-
ÉTUDE D'IMPACT5 ( * )

I. Etat de droit et situation de faits existants et leurs insuffisances

1. La Convention originelle

La Convention européenne sur la télévision transfrontière, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe le 15 mars 1989 et ouverte le 5 mai 1989 à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe, des Parties à la Convention culturelle européenne et de la Communauté européenne, est entrée en vigueur le l er mai 1993. A ce jour, trente-quatre Etats l'ont signée, vingt-deux l'ont ratifiée. La France a, pour sa part, signé cette Convention le 12 février 1991 et l'a ratifiée le 21 novembre 1994.

Elle offre aux Parties un cadre juridique visant à faciliter la diffusion transfrontière des services de programmes de télévision en Europe. Elle garantit la liberté de réception et de retransmission de ces services, définit un ensemble de règles de base communes pour leur développement harmonieux (publicité, droit de réponse, protection des mineurs...) et contribue à la promotion de l'industrie audiovisuelle européenne (quotas de diffusion).

Les Parties demeurent toutefois libres d'appliquer aux services de programmes transmis par les radiodiffuseurs relevant de leur compétence des règles plus strictes ou plus détaillées que celles prévues dans la Convention.

Dans leurs relations, les Etats membres de l'Union européenne appliquent le droit communautaire et n'appliquent les règles découlant de la Convention que dans la mesure où il n'existe aucune règle communautaire régissant le sujet concerné.

2. Le Protocole portant amendement à la Convention

Le Protocole portant amendement à la Convention européenne sur la télévision transfrontière a été adopté par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe le 9 septembre 1998. Il a été ouvert à l'acceptation des Parties à la Convention le ler octobre 1998.

Le Protocole a pour principal objectif de maintenir une cohérence entre la Convention et la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 juin 1997 modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (directive " TVSF " révisée), dans l'intérêt juridique des Etats et des radiodiffuseurs, afin de faciliter la circulation transfrontière des services de programmes de télévision. A cet effet, il opère un alignement de la Convention sur la directive " TVSF " révisée, tout en prenant en compte certaines différences fondamentales liées au caractère distinct des deux instruments juridiques. Par exemple, la Convention s'applique, à la différence de la directive, exclusivement à la télévision transfrontière.

La Convention européenne sur la télévision transfrontière, dans sa version amendée, correspond globalement aux attentes des autorités françaises.

Certes, dans la mesure où l'alignement de ce texte sur la directive " TVSF " révisée constituait l'un des objectifs de l'exercice, diverses lacunes existant du point de vue français à l'échelon communautaire (champ d'application réduit, régime souple des quotas) concernent également le dispositif élaboré dans le cadre du Conseil de l'Europe.

Toutefois, il convient de se féliciter de l'introduction dans la Convention d'un dispositif garantissant l'accès du public aux événements d'importance majeure et d'une clause relative aux " abus allégués des droits octroyés par la Convention ".

II. - Bénéfices escomptés

- en matière d'intérêt général

L'entrée en vigueur du Protocole portant amendement à la Convention devrait permettre, en préservant la cohérence de l'instrument communautaire et de celui du Conseil de l'Europe, notamment en ce qui concerne les critères de compétence des Etats à l'égard des radiodiffuseurs, d'accroître la sécurité juridique des Etats et des radiodiffuseurs pour la diffusion de services de programmes de télévision transfrontières sur l'ensemble du continent européen.

L'entrée en vigueur du Protocole devrait en outre permettre aux publics des pays Parties à la Convention mais non membres de l'Union européenne (essentiellement les pays d'Europe centrale et orientale) de bénéficier de garanties nouvelles, en particulier en matière d'accès à l'information et aux événements d'importance majeure.

- en matière d'emploi

Un environnement juridique unifié à l'échelle paneuropéenne devrait favoriser le développement des services de programmes de télévision, notamment en France, et être ainsi créateur d'emplois dans notre secteur audiovisuel, sans qu'il soit possible de produire une estimation chiffrée. Toutefois, le fait que le Protocole consacre une clause dite " d'abus allégués des droits octroyés par la Convention ", visant à lutter contre les risques de délocalisations des radiodiffuseurs, ne peut qu'aider à maintenir des emplois sur le sol français.

- en matière financière /retombées financières indirectes

L'application du Protocole ne sera pas en elle-même source de recettes ou de dépenses supplémentaires pour le budget de l'Etat. En revanche, le développement attendu du secteur de l'audiovisuel est de nature à abonder les ressources fiscales de l'Etat.

- en matière de simplification des formalités administratives

Sans objet

- en matière de complexité de l'ordonnancement juridique

La mise en oeuvre d'une approche cohérente entre la directive communautaire " TVSF " révisée et la Convention du Conseil de l'Europe va dans le sens d'une simplification de l'ordonnancement juridique européen. A cet égard, un certain nombre de litiges entre radiodiffuseurs, en particulier dans les pays d'Europe centrale et orientale, sont en partie rendus plus complexes par le décalage existant à l'heure actuelle entre le texte en vigueur de la Convention et celui de la directive " TVSF ".

Par ailleurs, l'approbation du Protocole n'emporte pas de conséquences directes sur l'ordonnancement juridique interne en raison de l'alignement des dispositions de la Convention sur la directive " TVSF ", texte qui fait actuellement l'objet d'une transposition en droit interne par la loi adoptée en lecture définitive le 28 juin 2000 par l'Assemblée Nationale modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. En cela, l'approbation du Protocole ne se traduira pas, en droit interne, par la création de normes juridiques nouvelles ou par l'abrogation de normes existantes.

Enfin, ce texte est rendu applicable aux départements et aux territoires d'Outre-mer en l'absence de restrictions expresses dans les stipulations du Protocole.

ANNEXE 2 -
ETAT DES SIGNATURES ET RATIFICATIONS
DE LA CONVENTION

Etats membres du Conseil de l'Europe

Etats

Date ratification

Renv.

R

D*

A

T

C

O*

Albanie

Andorre

Autriche

01/10/00

16

Belgique

Bulgarie

15/03/00

Croatie

Chypre

24/02/00

République tchèque

Danemark

Estonie

24/01/00

Finlande

01/10/00

16

France

10

x

Géorgie

Allemagne

01/10/00

Grèce

Hongrie

01/10/00

16

Islande

Irlande

Italie

01/10/00

16

Lettonie

01/10/00

16

Liechtenstein

12/07/99

Lituanie

27/09/00

Luxembourg

Malte

01/10/00

16

Moldova

Pays-Bas

Norvège

01/10/00

16

Pologne

01/10/00

16

Portugal

Roumanie

Russie

Saint-Marin

01/10/00

16

Slovaquie

01/10/00

16

Slovénie

29/07/99

Espagne

01/10/00

16

Suède

Suisse

01/10/00

16

x

ex-République yougoslave de Macédoine

Turquie

01/10/00

16

Ukraine

Royaume-Uni

01/10/00

16

*D : Déclarations

*O : Objection

Etats non membres du Conseil de l'Europe

Arménie

Azerbaïdjan

Bélarus

Bosnie-Herzégovine

Saint-Siège

01/10/00

16

Monaco

Organisations internationales

Nombre total de ratifications/adhésions : 22

* 1 Loi n° 2000-719 du 1 er août 2000.

* 2 Rapport de M. Michel d'Aillères sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne sur la télévision transfrontière (n° 455-1993-1994).

* 3 STE n° 33, 1960 ; STE n° 39, 1962.

* 4 Voir le texte annexé au document Sénat n° 100 (2000-2001).

* 5 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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