Rapport n° 49 (2001-2002) de M. Paul GIROD , fait au nom de la commission spéciale, déposé le 30 octobre 2001

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N° 49

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 octobre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission spéciale (1) chargée d'examiner le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la Corse ,

Par M. Paul GIROD,

Sénateur.

(1) Cette commission spéciale est composée de : MM. Jacques Larché, p résident ; José Balarello, Robert Bret, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Mercier, Georges Othily, vice-présidents ; Jean-Pierre Bel, Philippe Darniche, Philippe Marini, secrétaires ; Paul Girod, rapporteur ; Jacques Bellanger, Laurent Béteille, Jean-Guy Branger, Michel Charasse, Yvon Collin, Mme Dinah Derycke, MM. Jean-Léonce Dupont, Patrice Gélard, Francis Giraud, Adrien Gouteyron, Daniel Hoeffel, Jean-Jacques Hyest, Alain Joyandet, Lucien Lanier, Jacques Legendre, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Nachbar, Paul Natali, Jean-François Picheral, Xavier Pintat, Philippe Richert, Gérard Roujas, Pierre-Yvon Trémel, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé.

.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 e législ.) : 2931 , 2995 et T.A. 673

Sénat : 340 (2000-2001)

Collectivités territoriales .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Réunie le mardi 30 octobre 2001, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la Corse a procédé à l'examen du rapport de M. Paul Girod.

Présentant les dispositions d'ordre institutionnel, le rapporteur a tout d'abord souligné qu'il ne saurait être question de procéder à des transferts de compétences législatives de façon incidente ou subreptice.

Après avoir indiqué que l'article 26 du statut de 1991, permettant à l'Assemblée de Corse de faire des propositions d'adaptation législative ou réglementaire, avait très mal fonctionné, il a souhaité en modifier le régime afin de mieux prendre en compte les spécificités de l'île. Sur ce point, il a estimé qu'une catégorie de normes législatives « déclinables » par région faisait défaut dans le droit positif, lequel ne permet pas, en l'état, de prendre en compte la diversité des circonstances locales.

Abordant les questions posées par l'application en Corse de la loi « littoral », conçue pour protéger des rivages déjà fortement urbanisés, le rapporteur a préconisé la mise en place d'un dispositif analogue à celui des cessions de forêt à titre gratuit aux communes en échange d'un droit à construire.

M. Paul Girod, rapporteur, a ensuite évoqué le volet culturel du projet de loi. Il s'est déclaré soucieux de faire en sorte que la langue corse demeure vivante et qu'elle contribue à permettre aux Corses de sortir de leur île, en facilitant l'apprentissage d'autres langues romanes. Il a souligné que cet enseignement ne saurait ni être obligatoire ni porter préjudice à l'enseignement d'autres matières à l'école.

S'agissant des dispositions économiques et fiscales, le rapporteur a notamment considéré qu'à l'expiration du régime de la zone franche, la Corse ne devait pas être moins bien traitée que les zones franches urbaines. Il a jugé nécessaire d'étendre le champ d'application du crédit d'impôt proposé par le projet de loi.

En conclusion, le rapporteur s'est dit convaincu de la nécessité de supprimer les offices, quitte à ce que la collectivité territoriale de Corse les recrée dans les conditions qu'elle jugera opportunes.

1. Rendre les dispositions institutionnelles conformes à la Constitution

Sur le volet institutionnel du projet de loi, la commission spéciale a adopté des amendements tendant à :

- consacrer dans la loi les spécificités de la collectivité territoriale de Corse susceptibles de justifier des adaptations au droit commun des régions (article additionnel avant l'article premier) ;

- supprimer le pouvoir d'adaptation législative , le pouvoir réglementaire propre et le pouvoir d'adaptation des règlements nationaux conférés à la collectivité territoriale de Corse (article premier) ;

- améliorer la procédure de consultation de l'Assemblée de Corse sur les projets et propositions de loi comportant des dispositions spécifiques à l'île (article premier) ;

- supprimer les offices existants et permettre à la collectivité territoriale de Corse de les recréer sur des fondements sains et renouvelés, tout en préservant les droits des personnels (articles 40 à 42) .

2. Préciser les attributions de la collectivité territoriale de Corse dans le domaine culturel

Sur ce volet, la commission spéciale a adopté des amendements tendant à :

- préciser que la langue corse est une matière dont l' enseignement est proposé aux élèves des écoles élémentaires et maternelles de Corse, afin de rendre explicite le caractère facultatif de cet enseignement (article 7) ;

- modifier l'organisation du CAPES de Corse , de façon à l'aligner sur les autres CAPES de langues régionales qui comportent des épreuves dans une discipline à options et permettent aux titulaires de ce certificat d'enseigner dans une autre matière (article 7) ;

- favoriser le développement des communications en incluant le territoire de l'île dans les zones géographiques qui peuvent bénéficier de la possibilité d'abaisser le tarif de location des infrastructures de télécommunications proposé aux opérateurs (article 10) .

3. Apporter une vraie réponse aux difficultés suscitées par la loi « littoral »

Sur ce volet du projet de loi relatif à la Corse, la commission spéciale a adopté des amendements tendant à :

- autoriser une urbanisation limitée des espaces proches du rivage (qui se distinguent de ceux situés dans la bande des cent mètres), en contrepartie d'un don de terrains au Conservatoire du littoral (article 12) ;

- fixer le principe d'une délimitation du domaine public maritime en Corse, à l'instar de ce qui a été réalisé, dans certaines îles, au cours de ces dernières années ( article additionnel avant l'article 12 ) ;

- déclarer inconstructibles , tant qu'ils n'auront pas retrouvé leur aspect antérieur, les espaces qui auront été victimes d'un incendie criminel ou dont l'origine reste inconnue ( article additionnel avant l'article 12 ) ;

- attribuer une aide financière exceptionnelle aux communes de Corse pour qu'elles se dotent d'un plan local d'urbanisme ( article additionnel avant l'article 12 ) ;

- autoriser la réalisation de véritables aménagements légers (sanitaires fixes, chemins piétonniers et observatoires de la faune), sous réserve de l'adoption d'un plan d'aménagement du site, dans des espaces « remarquables » (article additionnel avant l'article 12) ;

- clarifier le régime juridique du plan d'aménagement et de développement durable en le soumettant au droit commun de l'urbanisme (article 12) .

4. Rendre plus attractif le dispositif fiscal et financier

L'aide fiscale à l'investissement

Sur ce volet la commission propose des modifications tendant à :

- étendre le bénéfice du crédit d'impôt, au taux réduit de 10 %, aux secteurs exclus du bénéfice du taux de 20 %, à condition que leur éligibilité ne soit pas contraire au droit communautaire (article 43) ;

- étendre la liste des secteurs éligibles au crédit d'impôt au taux de 20 % (article 43) ;

- permettre aux repreneurs d'un investissement dont l'acquisition a ouvert droit au crédit d'impôt de bénéficier de la fraction de celui-ci qui n'a pas été utilisée par l'acquéreur initial (article 43) ;

La sortie du régime de la zone franche

La commission spéciale propose de :

- créer un système de sortie en trois ans pour les entreprises qui perdent le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés, ainsi que pour celles qui bénéficient de l'exonération d'imposition forfaitaire annuelle (article 43) ;

- compléter le dispositif de sortie en trois ans proposé en matière de taxe professionnelle en portant la durée de sortie « en sifflet » de l'exonération de charges sociales de deux à trois ans ( article 44 ).

La normalisation du régime fiscal des successions

La commission spéciale entend :

- prévoir une exonération des droits de succession totale jusqu'en 2010 et partielle jusqu'en 2015 , en revenant au texte initial du Gouvernement (article 45) ;

- accentuer les incitations à la reconstitution des titres de propriété en créant une exonération de droits de mutation à titre gratuit entre vifs pour les donations intervenant entre 2002 et 2012 et concernant des biens et droits immobiliers pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt ( article 45 ) ;

- exonérer de droits de succession les biens et droits immobiliers situés en Corse lorsque leur acquisition, même postérieure à l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi, a permis de sortir de l'indivision ( article 45 ).

La prise en charge par l'Etat d'une partie des arriérés de cotisations patronales des employeurs de main d'oeuvre agricole

La commission spéciale souhaite :

- supprimer l'article 45 bis , au motif que sa constitutionnalité peut valablement être mise en doute, et que les libertés prises par cet article avec la loi fondamentale sont, en tout état de cause, disproportionnées au regard de l'impact de la mesure proposée sur l'endettement des agriculteurs exerçant leur activité en Corse.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi relatif à la Corse adopté, en première lecture, après déclaration d'urgence, par l'Assemblée nationale, le 22 mai 2001.

Ce projet de loi fait suite au « processus de Matignon » qui, engagé par le Gouvernement avec les élus de l'Assemblée de Corse, le 13 décembre 1999, s'est conclu par l'établissement d'un « relevé de conclusions » en date du 22 juillet 2000.

La Corse tire incontestablement de la géographie et de son histoire une singularité , reconnue de longue date, et qui justifie que certaines dispositions spécifiques lui soient appliquées. Le retard économique , imputable en grande partie à des handicaps structurels a ainsi légitimement fondé un effort de solidarité nationale auquel le Parlement a souscrit, à différentes reprises, notamment en adoptant, en 1994, un statut fiscal adapté et en établissant, en 1996, une zone franche qui a produit des effets positifs.

Pour autant, la reconnaissance de cette singularité ne doit pas conduire à la confusion sur le sens et la portée de dispositions spécifiques. La Corse est partie intégrante de la Nation . L' attachement à la France et à la République , qu'elle a manifesté à maintes occasions, ne saurait être mis en doute.

L'article premier de notre Constitution proclame que la France est une République indivisible , laïque, démocratique et sociale qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens quelle que soit leur origine. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, en 1991, la Constitution ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion.

Au surplus, la Corse fait pleinement partie de la France métropolitaine . Sa singularité ne saurait donc conduire à l'assimiler ou à rapprocher sa situation de celle des collectivités d'outre-mer auxquelles les articles 73 et 74 de la Constitution sont exclusivement consacrés.

Ces rappels nécessaires fixent le cadre dans lequel une démarche législative destinée à prendre en compte les difficultés que connaît la Corse doit s'insérer.

*

* *

Pour examiner ce texte, le Sénat a désigné, le 26 juin 2001, une commission spéciale. Présidée par notre collègue M. Jacques Larché et composée à la représentation proportionnelle des groupes politiques, cette commission spéciale comprend des Sénateurs membres des six commissions permanentes du Sénat.

Dès sa réunion constitutive, le 27 juin, la commission spéciale a décidé de dépêcher sur place une mission d'information , afin de recueillir les informations nécessaires au bon déroulement de ses travaux.

Conduite par le président Jacques Larché et composée, en outre, de MM. Jean-Pierre Bel, Jean-Guy Branger, Robert Bret, Jean-Patrick Courtois et de votre rapporteur, cette mission d'information s'est rendue en Corse du 10 au 15 septembre.

Afin de bien marquer l'état d'esprit qui l'animait, la mission d'information a tenu à débuter sa visite par le dépôt d'une gerbe à la mémoire du Préfet Claude Erignac , Préfet de la République et serviteur de l'Etat lâchement assassiné le 6 février 1998, et à la conclure par une rencontre avec des représentantes d'associations de femmes luttant contre la violence.

Outre les représentants de l'Etat, la mission d'information a rencontré en Corse les principaux responsables politiques de l'île ainsi que les acteurs économiques et sociaux. Elle a pu entendre tous les points de vues sur le « processus » engagé. Elle a aussi pu constater les attentes de la population, qui concernent avant tout le rétablissement de la sécurité face à des violences inacceptables et la définition de réponses adaptées pour assurer le développement économique.

La mission d'information a mesuré la souffrance éprouvée par nos compatriotes corses face une violence que rien ne peut justifier et qu'ils subissent depuis vingt cinq ans. Imposée à la population dans sa vie quotidienne, elle a atteint un point culminant avec l'assassinat d'un Préfet de la République, dont tous les coupables n'ont pas été à ce jour arrêtés. Elle fait l'objet d'un rejet massif .

Votre commission spéciale ne peut que renvoyer aux conclusions de la commission d'enquête , constituée par le Sénat en 1999, placée sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois et dont le rapporteur fut M. René Garrec. La commission d'enquête a parfaitement mis en évidence les déficiences de la politique de sécurité en Corse et formulé des propositions pertinentes pour permettre à l'Etat de jouer pleinement le rôle prioritaire qui est le sien : assurer, en Corse comme sur le continent, la sécurité de nos concitoyens. Depuis ces travaux, la situation n'a malheureusement pas évolué dans un sens permettant le rétablissement effectif de l'ordre public en Corse.

Lors de ses rencontres avec les élus de Corse et les différents acteurs économiques et sociaux, la mission d'information a par ailleurs évalué les obstacles réels au développement économique et constaté l'esprit d'initiative de jeunes entrepreneurs, qui méritent d'être encouragés.

Les entretiens de la mission d'information ont, enfin, mis en évidence la portée limitée des réponses institutionnelles aux difficultés de la Corse. Les dysfonctionnements résultant du statut particulier, issu de la loi du 13 mai 1991, ont été fréquemment soulignés. Certaines de ses dispositions ne sont d'ailleurs pas appliquées.

*

* *

Après avoir procédé à de nouvelles auditions, votre commission spéciale s'est interrogée sur la démarche engagée par le Gouvernement, marquée par de nombreuses ambiguïtés , et sur la portée des dispositions du projet de loi.

1982, 1991, 2001...Pour la troisième fois en moins de vingt ans, le Gouvernement demande, en effet, au Parlement d'adopter, certes d'une manière qui n'est pas exclusive, des dispositions institutionnelles pour répondre aux difficultés de la Corse.

L'exposé des motifs du projet de loi initial, à la suite du « relevé de conclusions » du 22 juillet 2000, ouvre, en outre, la perspective d'une révision constitutionnelle, à l'échéance de 2004, qui aurait notamment pour objet d'opérer une profonde refonte de l'organisation institutionnelle.

Si, dans leur principe, l'adoption de nouveaux transferts de compétences ou de mesures fiscales destinées à mieux encourager l'investissement ne soulève pas d'objection, en revanche, le projet de loi propose des innovations juridiques majeures qui concernent la conception même de l'exercice du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire au sein des institutions de la République. Ces innovations doivent être examinées au regard du cadre constitutionnel en vigueur.

Force est de constater que le Gouvernement a, en dépit des fortes réserves exprimées par le Conseil d'Etat, délibérément décidé de soumettre au Parlement un projet de loi comprenant des dispositions qui n'étaient pas conciliables avec le cadre constitutionnel en vigueur.

L'Assemblée nationale a incontestablement cherché à corriger ces motifs d'inconstitutionnalité, en procédant à la réécriture d'un certain nombre de dispositions du texte. Il revient au Sénat d'apprécier dans quelle mesure le texte qui lui est transmis satisfait cet objectif.

Alors même que le dispositif proposé soulève de fortes interrogations , il est regrettable que le Gouvernement ait choisi de déclarer l'urgence pour l'examen du projet de loi. Ce choix ne permettra pas à l'Assemblée nationale de prendre connaissance des travaux du Sénat avant la réunion de la commission mixte paritaire.

En outre, la démarche du Gouvernement en matière de décentralisation reste marquée par un manque de cohérence . C'est ainsi que le Sénat est appelé à se prononcer sur un projet de loi relatif à la Corse avant le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, de portée générale, dont l'examen préalable aurait pourtant permis d'apprécier la nature des dispositions que la situation spécifique de la Corse pouvait justifier.

I. LA PORTÉE LIMITÉE DES RÉPONSES INSTITUTIONNELLES FACE AUX DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES QUE RENCONTRE LA CORSE

A. UNE COLLECTIVITÉ ENRACINÉE DANS LA RÉPUBLIQUE MAIS CONFRONTÉE A DES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES

1. L'enracinement dans la République

a) Les soubresauts de l'histoire

La Corse est une île. Cette caractéristique essentielle explique, pour une large part, les péripéties mouvementées de son histoire singulière.

Située au coeur de la Méditerranée occidentale, elle s'est trouvée soumise à une succession d'influences différentes.

Les Grecs y abordent au VIe siècle avant le Christ et fondent la colonie phocéenne d'Aléria. Rome y prend pied dès les guerres puniques, et son emprise profonde laisse le sédiment durable d'une langue latine.

A la Rome païenne succède la Rome pontificale et la dépendance de Byzance. La présence de Pise, au XIe siècle, est progressivement supplantée par celle de Gênes qui cèdera l'île pour un temps à une compagnie privée, l'Office des emprunts de Saint-Georges.

Au XVIe siècle, l'épopée du héros légendaire, mais contesté, Sampiero Corso débouche sur une première union précaire avec la France, compromise par les revers éprouvés face à Charles Quint sur le continent, et que clôt le désastreux traité de Cateau-Cambrésis.

La révolte provoquée en 1729 par les exactions fiscales des Génois débouche sur la « guerre de quarante ans » qui conduit la France à reprendre pied en Corse, d'abord par le Traité de Compiègne (6 août 1764) puis par celui de Versailles (15 mai 1768).

Le décret de l'Assemblée nationale du 30 novembre 1789 consacre sans ambiguïté ce rattachement : « L'Assemblée nationale déclare que la Corse fait partie de l'Empire français, que ses habitants doivent être régis par la même constitution que les Français , que, dès à présent, le roi sera supplié d'y faire parvenir et exécuter tous les décrets de l'Assemblée nationale ». Cette décision semble d'ailleurs avoir aussitôt rencontré une adhésion assez générale en Corse puisque le jeune Bonaparte écrivait : « Désormais, il n'y a plus de mer qui nous sépare » et que Pascal Paoli lui-même déclarait : « L'union avec la libre nation française n'est pas servitude mais participation de Droit . ».

Dès lors, et en dépit des ambitions britanniques, auxquelles s'était entre-temps rallié Pascal Paoli, la Corse restera indissolublement liée à la France et il serait superflu de rappeler ici les pages glorieuses inscrites dans notre histoire par l'un de ses fils, Napoléon Bonaparte.

Devenue française après l'Alsace, la Franche Comté ou les Dombes, mais bien avant le Comtat Venaissin, la Savoie et le Comté de Nice, la Corse n'a donc pas eu, historiquement, une destinée très différente de celle des autres provinces françaises. Bien plus, contrairement à la Lorraine, devenue française à la même époque, elle n'a jamais constitué durablement, en tant que telle, un Etat indépendant et souverain, malgré diverses tentatives infructueuses.

On ne saurait cependant se borner à une étude purement événementielle, et c'est dans l'histoire sociale et économique de la Corse que certaines particularités apparaissent, liées elles-mêmes à des impératifs d'ordre géographique.

b) Les contraintes issues de la géographie

La Corse est souvent décrite comme une montagne dans la mer.

Malgré ses 1 000 kilomètres de côtes, elle n'a cependant que peu d'abris naturels. La côte ouest, exposée aux vents dominants, est la plus découpée, mais peut être aussi la plus pittoresque, avec les calanques de Piana, le golfe de Porto ou de Sagone. La côte orientale est occupée en grande partie par la longue plaine littorale d'Aléria.

Dominée par le Monte Cinto, qui culmine à 2 710 mètres, la montagne corse couvre la majeure partie de la superficie de l'île et s'articule en deux sillons montagneux coupés par le « sillon de Corte », qui sépare la Haute-Corse de la Corse-du-Sud.

La prégnance du relief montagneux sur la quasi totalité de l'île a une incidence déterminante sur les modes d'utilisation du sol. Les constructions se concentrent, dans l'intérieur, dans des villages souvent escarpés dont l'extension est limitée par la rareté des terrains disponibles aux alentours. Sur le littoral, de surcroît, l'étroitesse de la bande côtière contraint de construire, le plus souvent, à proximité de l'eau.

Dans ce contexte, l'application du principe de construction en continuité des constructions existantes, destiné à limiter le « mitage », non moins que les dispositions tendant à protéger les espaces remarquables littoraux ont pour effet de « geler » l'essentiel des terres sur lesquelles il serait techniquement possible de construire : le sol est, paradoxalement, une denrée rare sur une île dont la densité moyenne n'excède par 30 habitants par kilomètre carré.

Enfin la persistance de nombreuses indivisions contribue également à détériorer l'état du bâti en Corse, puisqu'il s'avère très difficile de vendre ou d'acheter des immeubles indivis dont certains indivisaires n'assurent pas l'entretien. Les difficultés rencontrées pour l'entretien du patrimoine bâti ancien font donc pendant aux problèmes posés, bien souvent, pour réaliser des constructions neuves.

Cet imposant relief montagneux contribue à fractionner ce territoire de 8 722 Km 2 en vingt micro régions.

La Corse de l'intérieur est longtemps restée le domaine des bergers semi-nomades, libres de toute contrainte, dont la lutte avec les agriculteurs sédentaires constitue, en définitive, la seule constante historique.

Deux régions avaient une physionomie particulière. La « Castagniccia », avec sa vaste châtaigneraie et ses champs en terrasse, faisait vivre une nombreuse population. L'autre, le Cap, s'était consacrée plus spécialement à la viticulture et, exportant sa production vers Gênes, participait à la vie commerciale de la Méditerranée. Ce système traditionnel atteignit son apogée au XIXe siècle, et fit vivre une population de 280 000 habitants.

Mais cette prospérité, qui correspond alors au mouvement que connaissent à la même époque les autres départements métropolitains, reste fragile. Une succession de crises agricoles -crise du phylloxera dès 1882, encre du châtaignier, chute des cours des céréales qui conduit à l'effondrement des emblavures- ont rompu cet équilibre.

Faute de pouvoir vivre sur place, l'île n'ayant guère d'activités industrielle, un très grand nombre de Corses sont partis sur le continent ou à l'étranger, tout en gardant des liens affectifs avec leur terre d'origine.

Cet étiolement démographique se trouve compensé dans les années soixante, par le mouvement de décolonisation . L'île se retrouve sans transition en tête des régions d'accueil des rapatriés d'Afrique du Nord.

c) Un attachement indéfectible à la France

Les Corses ont toujours manifesté un attachement indéfectible à la République française , conçue comme une unité dont la Corse ferait partie intégrante. Le patriotisme, le sens du service public, la participation au rayonnement de la France constituent autant de preuves de la fidélité corse.

La Corse n'a jamais cessé de manifester, lors de chaque épreuve, son attachement à la France, même meurtrie.

Pendant la Première Guerre mondiale , plusieurs dizaines de milliers de Corses versent leur sang pour la patrie. Chaque village corse possède, à l'image de chaque village du continent, son monument aux morts copieusement et tristement rempli. Dans l'entre-deux guerres, sourde aux voix de la propagande fasciste, la Corse affirme sans ambiguïté son attachement à la France. Le texte du « serment de Bastia » prononcé le 4 décembre 1938 symbolise le loyalisme de sa population : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos coeurs, sur nos tombeaux, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir français ».

Pendant la Seconde Guerre mondiale , la Corse supporte une double occupation : l'intervention italienne se renforce de la présence allemande. Très vite et sous l'impulsion de Fred Scamaroni, émissaire du Général de Gaulle, « le maquis » s'organise et donne son nom à la Résistance française. Dès le mois de décembre 1942, le sous-marin Casabianca, aux ordres du Commandant l'Herminier, débarque sur l'île des armes et des munitions que les maquisards transportent à dos d'homme ou de mulet.

En septembre 1943, la nouvelle de la capitulation italienne donne le signal du soulèvement d'une douzaine de milliers de Corses. Bastia est affranchie le 4 octobre 1943 et la Corse est le premier département a être libéré. Mobilisés sur place et instruits en Algérie, les soldats corses participent aux débarquements de Provence et d'Italie. Aussi, le Général de Gaulle peut-il déclarer : « La Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France . La Corse n'a jamais cru à la défaite. ».

Au delà du patriotisme, les Corses ont toujours fait preuve d'un sens aigu du service public, qu'il soit civil ou militaire.

Jusqu'en 1830, la méfiance de la Restauration envers les insulaires frappera les Corses d'un interdit pour l'admission aux emplois publics. La Monarchie de juillet et le Second Empire effaceront cette mesure discriminatoire. Dès lors, nos concitoyens manifesteront leur engouement pour la carrière des armes. Sous l'empire de la loi Gouvion-Saint-Cyr, les Corses se proposent pour être « remplaçants » à la place des fils de familles aisées qui se prémunissent contre le risque du tirage au sort. Sous la IIIe République, le département de Corse occupe la première place pour le nombre de soldats et d'officiers par rapport à la population. Parmi les engagés, la moitié s'enrôle dans l'armée d'Afrique et les troupes d'infanterie de marine. Cette proportion donne la mesure de l'ampleur de la participation des Corses au rayonnement de la France et au « devoir de civilisation » proclamé par Jules Ferry.

Les Corses ont occupé une place notable dans l'expansion coloniale de la IIIe République. Les noms de Corses illustres, pionniers et bâtisseurs, jalonnent cette entreprise : il convient ici de citer Bonaventure Colona de Leca, le premier résident général au Dahomey ou Xavier Coppolani qui, soutenu par le gouvernement Waldeck-Rousseau, établit la présence française en Mauritanie.

Des médecins prestigieux, tels Jean-André Antonioni, Jules Emily ou Jules Colombani, contribuèrent efficacement à l'éradication des épidémies et au traitement des maladies tropicales. Mais la construction de l'Empire français fut aussi le fait de Corses anonymes, plus fréquemment fonctionnaires que colons. Pour n'en citer qu'un exemple, 60 % des Corses résidant en Tunisie en 1912 étaient des fonctionnaires. Nul n'a mesuré l'incidence qu'eut, pour les corses, la décolonisation.

2. Une mise en cause récurrente et inacceptable de la légalité républicaine

a) Les constats et les propositions de la commission d'enquête sénatoriale

Que ce soit pour les crimes de sang, les attentats à l'explosif ou par mitraillage, la Corse se distingue de longue date par un taux élevé de faits constatés et un faible taux d'élucidation .

Ainsi, entre 1979 et 1998, 924 homicides ont été commis ou tentés ; leur taux moyen d'élucidation était de 50 % alors qu'il s'élevait à 82 % pour la même période sur le continent 1 ( * ) .

La commission d'enquête du Sénat sur la conduite de la politique de sécurité menée en Corse a relevé une imbrication évidente de cette violence avec le phénomène nationaliste et une dérive mafieuse des organisations qui se situent dans sa mouvance. Elle a souligné que « l'emprise du grand banditisme sur la Corse, agissant parfois seul, parfois sous couvert d'idéaux nationalistes, est telle que l'on peut légitimement s'interroger sur ses orientations mafieuses 2 ( * ) Tel fut d'ailleurs, l'un des objets du rapport demandé en 2000 par le garde des Sceaux, ministre de la justice, au procureur général de la Cour d'appel de Bastia.

La réponse des pouvoirs publics à la persistance de la violence a été trop souvent marquée au sceau de l'irrésolution . Depuis 1975, les politiques gouvernementales se sont traduites par des revirements successifs , alternant phases de répression (1975-1981), d'apaisement (1981-1983), de durcissement (1983-1988), d'ouverture (1988-1996) puis d'interruption du dialogue à la suite de la conférence de presse de Tralonca 3 ( * ) , et enfin d'un attentat contre la mairie de Bordeaux 4 ( * ) en 1996.

L'assassinat du préfet Claude Erignac, le 6 février 1998, a suscité une intense émotion -plus de 40.000 personnes, soit le sixième de la population installée en Corse, ont manifesté à Ajaccio- mais également, sans doute, une fracture immense entre l'opinion insulaire et l'opinion continentale.

Cet événement dramatique a ouvert une ère d'incertitudes et mis en lumière les dysfonctionnements des forces de sécurité en Corse : faiblesse du renseignement, manque de moyens, porosité et rivalités des services, pression du milieu environnant, faible mobilisation de certains personnels de police, vulnérabilité des biens publics et des forces de gendarmerie.

Au cours de ses investigations, la commission d'enquête du Sénat n'a pas manqué de relever les effets désastreux des trois lois d'amnistie 5 ( * ) qui ont pu être interprétées par les nationalistes remis en liberté comme une sorte de droit à l'impunité. Elle a formulé 17 propositions concrètes destinées à assurer une meilleure coordination et un renforcement des moyens affectés à la sécurité et à la justice en Corse.

En conclusion de ses travaux, la commission d'enquête soulignait la nécessité de « réfuter tout préalable institutionnel, évoqué par certains nationalistes, comme prix éventuel de leur coordination des actions violentes. »

b) Une situation qui demeure très préoccupante

Trois ans plus tard , force est de constater que les préconisations de la commission d'enquête du Sénat n'ont encore guère été suivies d'effets .

Le Gouvernement a renoncé à faire de l'abandon, par les mouvements nationalistes, de la violence et du rétablissement de la sûreté et de la sécurité publiques des préalables à l'engagement d'une réforme institutionnelle.

Si le FLNC-Canal historique et trois autres mouvements clandestins ont annoncé une trêve « illimitée » à la suite de l'ouverture du « processus de Matignon » , en décembre 1999, la violence n'a pas cessé dans l'île, loin s'en faut . Il n'est pratiquement pas un jour sans qu'un attentat, un crime ou un délit soit perpétré. Parmi les faits les plus graves, 87 attentats avaient été commis en Corse au 31 août 2001, contre 82 à pareille époque en l'an 2000. 18 d'entre eux étaient considérés comme des actions terroristes. Votre commission spéciale s'étonne des méthodes de classement retenues par le ministère de l'intérieur . Sont ainsi comptabilisés comme revêtant un caractère terroriste, les seuls attentats ayant fait l'objet d'une revendication par un groupe terroriste ou d'une saisine de la section antiterroriste du parquet de Paris.

A la même date, les services de sécurité avaient enregistré dix-sept homicides et dix tentatives. Neuf affaires avaient été résolues, leurs auteurs interpellés et mis à la disposition de la justice. 68 vols à main armée et tentatives avaient été commis, contre 88 en l'an 2000. La situation reste donc extrêmement préoccupante .

Comme le soulignait, dès 1990, le rapport de notre collègue Lucien Lanier 6 ( * ) au nom de la commission de contrôle du Sénat sur les services de sécurité relevant du ministère de l'intérieur, la résorption de la violence « exige, en premier lieu, que ses causes soient endiguées par un traitement économique de fond , elle impose aussi, dans l'immédiat, des mesures autrement plus rigoureuses. Elle implique une réaffirmation de l'autorité de l'Etat ».

3. Un développement économique encore insuffisant

a) Une économie fragile

Le niveau de vie en Corse est inférieur à celui constaté dans beaucoup de régions françaises .

Par secteur d'activité, le revenu salarial est supérieur à la moyenne de province dans les seuls secteurs de l'industrie des biens de consommation, des transports, des services aux particuliers, dans l'administration et dans le secteur de l'éducation, de la santé et de l'action sociale. Ce dernier secteur est le seul dans lequel les salaires soient supérieurs à la moyenne nationale.

En 2000, la Corse se situait à l'avant dernier rang des régions métropolitaines en termes de potentiel fiscal, devant le Limousin.

Le taux d'équipement des ménages est en revanche assez proche de la moyenne nationale .

Équipement de ménages pour quelques biens durables en mai 1997

Proportion de ménages équipés en :

Corse

Moyenne nationale

Réfrigérateur-congélateur

51

54

Congélateur

21

47

Lave-vaisselle

53

35

Sèche linge ou machine à laver

16

24

Téléviseur couleur

81

92

Répondeur téléphonique

19

32

Téléphone portable

16

15

Micro-ordinateur

15

16

Camescope

17

15

Automobile

80

78

Multi-équipement automobile

26

28

Source : INSEE, Tableaux de l'économie corse, 1999.

Le revenu disponible brut des ménages (la part des revenus disponible pour la consommation et l'épargne) est inférieur en Corse de 2.000 francs par habitant au montant de la province, et de 5.900 francs à celui de l'Ile-de-France. La Corse se situe au quinzième rang des régions françaises.

L'île se distingue du continent parce que le revenu disponible brut est constitué pour près de moitié par les prestations sociales et pour 30 % des salaires nets, soit une proportion inverse de celle constatée sur le continent.

En 1997, 21,2 % des emplois salariés étaient des emplois publics , contre 10,7 % sur le continent.

La surreprésentation de l'administration traduit le faible dynamisme économique de la Corse. En 2000, le produit intérieur brut (PIB) par habitant s'établit à 121.680 francs. Il était inférieur de 26,6 % à la moyenne métropolitaine . Seules les régions Poitou-Charentes et Languedoc-Roussillon ont un PIB par habitant inférieur. Le PIB par emploi s'élève à 326.167 francs. Il est inférieur de 19 % à la moyenne métropolitaine.

Si le taux de chômage est passé de 13,5 %, à la fin de l'année 1996 à 10,9 % à la fin de l'année 2000, il reste que, dans le même temps, ce taux a diminué de 12,5 % à 9,2 % en moyenne métropolitaine.

Ces performances sont celles d'un tissu économique atypique . La répartition de la valeur ajoutée par secteur d'activité fait apparaître une sous représentation de l'industrie :

Répartition de la valeur ajoutée par secteur d'activité en 2000

(en %)

Corse

France métropolitaine (dont Corse)

Agriculture

2,5

2,8

Industries agricoles et alimentaires

2,0

2,6

Autres industries

2,2

15,1

Énergie

3,2

3,4

Construction

6,2

4,6

Commerce

11,1

9,9

Transport

5,0

4,0

Activité financières et immobilières

17,8

16,9

Services aux entreprises

13,0

15,1

Services aux particuliers

8,9

5,7

Éducation, santé, action sociale, administration

28,1

19,9

Source : INSEE

En termes de répartition de l'emploi par secteur d'activité, le tertiaire représente quatre emplois sur cinq et l'industrie 6,6 % de l'emploi total, contre 18 % en moyenne nationale. La Corse est la région de France la plus orientée vers les services.

Le chiffre d'affaires par salarié des entreprises implantées en Corse est inférieur à la moyenne continentale , à l'exception des hôtels, des restaurants et du commerce de détail pour lesquels il est supérieur.

L'INSEE définit le tissu productif régional comme « relativement fermé et autonome : les établissements corses sont pour l'essentiel des petites unités où les entreprises individuelles prédominent largement ». En 1999, seuls 500 établissements dépendaient d'entreprises ayant leur siège social hors de Corse. La moitié d'entre eux n'avait pas de salarié, et seulement 4 % en avaient plus de 10.

Ce tissu productif est fragile . Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que, « freinées dans leur développement par l'exiguïté d'un marché insulaire lui-même cloisonné, nombre d'entreprises corses ont des difficultés à résister à la concurrence extérieure et plus encore à asseoir leur compétitivité externe .» Il en résulte que le commerce extérieur de la Corse est structurellement déficitaire et la situe au dernier rang des régions françaises. La Corse partage cette caractéristique avec d'autres îles méditerranéennes telles que la Sardaigne, la Sicile, les Baléares et la Crète.

L'économie corse présente, malgré tout, des signes encourageants :

- entre 1990 et 2000, la position de la Corse s'est légèrement améliorée dans la hiérarchie des régions françaises s'agissant du PIB par habitant. Entre 1997 et 2000, celui-ci a progressé de 14,8 %, contre 11 % pour la moyenne métropolitaine et 11,4 % pour la seule province ;

- le nombre de créations d'établissements dans les secteurs de l'industrie, du commerce et des services a progressé de plus de 10 % entre 1998 et 2001. Ce phénomène est constaté dans tous les secteurs, mais surtout pour ceux de la construction, des services aux entreprises et de l'immobilier. L'accélération des créations d'entreprise, qui intervient concomitamment à la mise en place de la zone franche, pourrait traduire une inclination plus forte de la population de Corse à l'esprit d'entreprise. Le développement de la Corse passe sans aucun doute par la mise en place d'outils susceptibles d'entretenir ce mouvement ;

- l'emploi total a progressé de 13 % entre 1995 et 1999, contre 6 % en moyenne nationale. Ce résultat est obtenu en grande partie grâce aux embauches réalisées par les hôtels et les restaurants .

Votre rapporteur regrette que le Gouvernement n'ait pas répondu aux questions qu'il a adressées au ministre de l'intérieur le 17 juillet 2001, portant sur une comparaison de la Corse avec la Sardaigne, la Sicile, les Baléares et la Crète en matière de PIB, de taux de chômage, de niveau de salaires, de revenu disponible brut, de répartition de l'emploi par secteur d'activité et de répartition de la valeur ajoutée par secteur d'activité.

b) Un statut fiscal favorable

Certains contribuables peuvent, parce qu'ils sont fiscalement domiciliés en Corse, bénéficier de régimes avantageux en matière d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle, d'impôt sur le revenu, de taxe professionnelle, de taxe foncière sur les propriétés non bâties, de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), de droits de consommation sur les tabacs, de droits de succession, de droits de francisation et de navigation, de droits de passeport, de taxe sur les salaires, de droits de circulation applicables aux boissons, de droits de licence sur les débits de boisson, d'impôt local sur les spectacles et de taxe à l'essieu.

Ces particularités corses, dont le coût pour les finances publiques s'établissait en 2000 à 1.370 millions de francs, sont depuis 1994 définies comme le statut fiscal de la Corse . L'article premier de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse dispose en effet que « la Corse est dotée d'un statut fiscal destiné à compenser les contraintes de l'insularité et à promouvoir son développement économique et social. Dans le cadre de ce statut, l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur sont maintenues. »

La spécificité corse en matière fiscale s'inscrit dans la politique d'aménagement du territoire . Lorsque la conformité à la Constitution du statut fiscal a été contestée en 1994 par les membres du groupe socialiste du Sénat, le Gouvernement, dans son mémoire en défense, a justifié son existence en estimant qu'« au regard de l'aménagement du territoire, la particularité de la collectivité territoriale de Corse apparaît à plusieurs titres :

- l'insularité se traduit par des surcoûts importants de transport qui sont aggravés par l'étroitesse du marché local (240.000 personnes) et un relief qui cloisonne l'île et rend les communications difficiles ;

- le PIB par habitant est environ égal aux deux tiers de la moyenne nationale et à 75 % de la moyenne communautaire, seuil retenu pour caractériser les régions « en retard de développement » ;

- le nombre de bénéficiaires du RMI s'est accru de 150 % entre décembre 1989 et juin 1993, contre une augmentation de 88 % pour l'ensemble de la métropole ;

- la part du secteur agricole dans l'ensemble régional est tombée de 33 % en 1962 à 12 % en 1985 et les friches occupent désormais 50 % de la superficie de l'île

Cette conception est partagée par le Gouvernement actuel qui, expliquant aux autorités communautaires l'ambition du volet fiscal du projet de loi, a souligné que la Corse subit des handicaps structurels « qui résultent, en particulier, de son insularité (surenchérissement des coûts de production), de l'étroitesse de son marché local et de la faible productivité des entreprises qui y sont installées

La Corse a d'ailleurs bénéficié du renouveau qu'a connu la politique d'aménagement du territoire au milieu des années 90 , avec la création d'une zone franche de Corse par la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996. Cette zone franche s'est traduite par la création, en faveur des entreprises implantées en Corse, d'exonérations d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle et de charges sociales. En 2000, son coût fiscal s'établissait à 365 millions de francs et son coût pour les finances sociales à 296 millions de francs, soit un avantage total de 661 millions de francs.

Aujourd'hui, la zone franche a porté des fruits . Selon le bilan présenté au Parlement en 1999, conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 26 décembre 1996, si la zone franche n'a pas permis de créations d'emplois et n'a pas attiré en Corse d'entreprises continentales, elle a joué un rôle important en matière de renforcement des fonds propres des entreprises . De plus, contrairement aux craintes parfois suscitées à l'origine par le dispositif, les différents contrôles réalisés n'ont pas détecté des détournements significatifs.

c) Un réel effort de solidarité nationale

L'Etat est présent en Corse.

Physiquement , puisque, en 1998, la Corse présentait « le plus fort ratio d'agents de l'Etat par habitant des vingt-deux régions métropolitaines 7 ( * )

Financièrement aussi. Au titre du contrat de plan 2000-2006, la Corse, avec 6.371 francs, bénéficie de la plus forte enveloppe par habitant des régions métropolitaines. La deuxième région la mieux dotée, le Limousin, reçoit une enveloppe de 3.027 francs par habitant.

Dans son rapport remis au Premier ministre en décembre 1994, notre collègue Jacques Oudin estimait à sept milliards de francs l'effort net global des finances publiques en faveur de la Corse. Il ajoutait qu'un « calcul sommaire effectué pour la région Limousin donne un transfert net du même ordre de grandeur que celui opéré au profit de la Corse, soit sept milliards de francs en 1993, mais pour une population presque trois fois supérieure à celle de l'île ».

Le rapport d'activité des services de l'Etat en Corse évalue, pour l'année 1999, à 9,5 milliards de francs les dépenses de l'Etat dans l'île. Il en ressort que 53 % de ces dépenses en Corse sont consacrés au fonctionnement des services de l'Etat et 7 % à des dépenses d'investissement.

Répartition des dépenses de l'Etat en Corse en 1999

(en millions de francs)

Montant global des dépenses de l'Etat

9.499

Services de l'Etat , dont :

- traitements et pensions

- fonctionnement des services

- investissements

5.313

4.657

406

250

Concours aux collectivités locales , dont :

- concours financiers (DGF et autres dotations)

- DGD

- compensations d'exonérations et de dégrèvements fiscaux

3.405

877

1735

793

Concours aux collectivités, particuliers et agents économiques , dont :

- subventions de fonctionnement

- subventions d'investissement

781

384

397

Source : rapport sur « l'activité des services de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse » en 1999.

En 1997, ces dépenses s'établissaient à 8,8 milliards de francs. Le rapport de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion de services publics constituée à l'Assemblée nationale estimait qu'au sein de cette enveloppe, près de trois milliards de francs, soit le tiers, relevaient d'une solidarité spécifique en faveur de la Corse.

B. DES RÉPONSES INSTITUTIONNELLES QUI ONT MONTRÉ LEURS LIMITES

1. La mise en oeuvre laborieuse du statut particulier

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que les statuts de 1982 et 1991 ne sont pas les seules lois régissant l'organisation administrative de la collectivité territoriale de Corse.

La loi n° 75-356 du 15 mai 1975 sur le territoire de Corse rétablit, en particulier, la bidépartementalisation de la Corse .

a) 1982 : un statut original... vite rattrapé par l'ensemble des régions

Le « statut de 1982 » résulte de deux lois distinctes , d'importance inégale. La principale est la loi n° 82-214 du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région de Corse : organisation administrative ; la seconde est la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 portant statut particulier de la région de Corse : compétences .

• La loi du 2 mars 1982 dote d'un statut particulier la région de Corse

Plusieurs spécificités institutionnelles sont reconnues à la région de Corse, dont la principale est son érection en collectivité territoriale 8 ( * ) . Cette spécificité s'est traduit dans le vocabulaire utilisé, puisque son organe délibérant reçoit une appellation inédite dans les autres régions : l'Assemblée de Corse.

Cette innovation institutionnelle a valu à la Corse le qualificatif de « laboratoire institutionnel »... dont elle se serait parfois bien passée.

Cette collectivité sui generis est fondée sur l'article 72 de la Constitution, qui dispose notamment que « Les collectivités locales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi. »

Par la décision n° 82-138 DC du 25 février 1982 , le Conseil constitutionnel a jugé que « les dispositions de l'article 72 qui, dans un alinéa concernant tant les collectivités de la métropole que celles d'outre-mer, donnent compétence à la loi pour créer d'autres collectivités territoriales, ne sauraient voir leur application réduite aux seules collectivités d'outre-mer. »

« La disposition de la Constitution aux termes de laquelle « toute autre collectivité est créée par la loi » n'exclut nullement la création de catégories de collectivités territoriales qui ne comprendraient qu'une unité . Telle a été l'interprétation retenue par le législateur lorsque, en métropole, il a donné un statut particulier à la Ville de Paris et, outre-mer, il a créé la collectivité territoriale de Mayotte. »

Sur le modèle des départements d'outre-mer, la loi du 2 mars 1982, a instauré la possibilité pour l'Assemblée de Corse de saisir le Premier ministre de propositions de modification ou d'adaptation des dispositions législatives ou réglementaires .

De plus, la loi a envisagé l'éventualité de la création, par l'assemblée régionale, d' établissements publics , notamment des agences , et permet sa participation à des institutions spécialisées .

Enfin, le régime électoral prévoit un scrutin à un tour à la représentation proportionnelle dans le cadre d'une circonscription unique.

Le calendrier législatif retenu par le Gouvernement de l'époque a amené les parlementaires à se prononcer, au même moment, sur les dispositions relatives à la Corse et sur les dispositions générales du projet de loi qui a abouti à la loi de décentralisation n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. En conséquence, d'une part, beaucoup des articles du texte relatif à la Corse, qui reprenaient des articles du texte général, ne traduisaient qu'un stade intermédiaire de la discussion, d'autre part, le statut particulier de la région de Corse renvoyait à des dispositions non encore entrées en vigueur.

Le Sénat s'était alors appuyé sur les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République et d'égalité devant la loi pour amputer le projet de loi portant statut particulier de la région de Corse des dispositions qu'il avait jugées trop dérogatoires au droit commun.

• La loi du 30 juillet 1982 reconnaît à la région de Corse des compétences étendues et crée des offices

Les compétences de la région de Corse s'étendent aux domaines suivants : éducation et formation ; communication, culture et environnement ; aménagement du territoire et urbanisme ; agriculture ; logement ; transports ; emploi ; énergie.

Beaucoup de ces compétences ont ensuite été reconnues aux autres régions françaises, par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 portant répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, ainsi que la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 la complétant.

L'innovation consistant à créer par la loi des offices reste toutefois une des particularités que la Corse ne partage pas avec les autres régions. En 1982, sont ainsi créés l'office du développement agricole et rural de Corse, l'office d'équipement hydraulique de Corse et l'office des transports de la région de Corse, qui sont des établissements publics à caractère industriel et commercial.

Pour des raisons d'efficacité et dans un souci de démocratie, le Sénat avait réduit le nombre des offices proposé par le projet de loi, en supprimant l'office du développement industriel, artisanal et commercial et l'office de l'équipement et de développement touristique proposés par le projet de loi, ainsi qu'en regroupant l'office de développement rural et l'office d'équipement hydraulique.

Force est de constater que le statut de la région Corse a été immédiatement « rattrapé » par le statut de droit commun des autres régions françaises sur de nombreux points, que ce soit en matière électorale ou de transferts de compétences. En matière institutionnelle, il a fallu attendre 1991 pour qu'une véritable spécificité soit mise en oeuvre au bénéfice de la seule région de Corse.

b) 1991 : un statut dont le bilan est mitigé

La loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse a un contenu principalement institutionnel , mais il comporte également des avancées en matière de décentralisation, notamment de nouveaux transferts de compétences.

Comme l'avait souligné le Sénat en 1991, « l'un des aspects [de la loi], à supposer [qu'elle] puisse être mise en oeuvre, est celui d'un texte de décentralisation 9 ( * ) Il avait donc approuvé cette partie du texte. En revanche, il s'était élevé contre la reconnaissance dans la loi du « peuple corse, composante du peuple français ».

• L'érection de la Corse en collectivité territoriale à statut particulier sur le fondement de l'article 72 de la Constitution

La loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse transforme la région de Corse en collectivité à statut particulier en la dotant d' une organisation inédite et restée à ce jour sans équivalent en France métropolitaine .

Le Conseil constitutionnel a réaffirmé son interprétation de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution comme permettant au législateur de créer « une nouvelle catégorie de collectivité locale, même ne comprenant qu'une unité, et [de] la [doter] d'un statut spécifique ».

• La mise en place d'un régime d'administration locale directement inspiré d'une constitution de type parlementaire

Le statut de la Corse de 1991 est caractérisé par :

- une assemblée élue au suffrage universel, organiquement séparée d'un exécutif doté de larges responsabilités . Le conseil exécutif, composé d'un président et de six conseillers, dirige l'action de la collectivité . S'il fonctionne comme un organe collégial , le président y occupe une fonction prépondérante ;

- un mécanisme de responsabilité politique permettant à l'Assemblée de sanctionner par la censure l'action de l'exécutif. En effet, l'Assemblée de Corse peut mettre en cause la responsabilité du conseil exécutif par l'adoption d'une motion de défiance dite « constructive » .

Le nouveau statut adopte ainsi de nombreux aspects d'une constitution d'un régime parlementaire.

Autre exception au droit commun, le conseil économique, social et culturel de Corse est le seul en France métropolitaine à se voir reconnaître une vocation culturelle.

Après avoir relevé les différentes caractéristiques dérogatoires du nouveau statut, le Conseil constitutionnel, en soulignant que « ni l'Assemblée de Corse ni le conseil exécutif ne se voient attribuer des compétences ressortissant au domaine de la loi », a estimé que « cette organisation spécifique à caractère administratif de la collectivité territoriale de Corse » ne méconnaissait pas l'article 72 de la Constitution.

• Un nouveau régime électoral assorti d'une refonte des listes électorales corses

La loi du 13 mai 1991 a modifié le mode de scrutin de l'élection à l'Assemblée de Corse, afin de favoriser l'émergence d'une majorité stable. Ainsi, le nouveau régime électoral 10 ( * ) s'applique dans le cadre d'une circonscription unique ; le scrutin de liste à deux tours, avec une représentation proportionnelle corrigée par la « prime majoritaire ». L'effectif de l'Assemblée de Corse est ramené de 61 à 51 membres, se rapprochant de l'effectif moyen constaté dans des régions démographiquement comparables. Enfin, la loi procède à une refonte des listes électorales .

La loi du 13 mai 1991 a par ailleurs conféré de nouvelles compétences à la collectivité territoriale de Corse, dans des domaines très variés : éducation, communication, culture et environnement ; aménagement du territoire ; aide au développement économique ; agriculture ; tourisme ; logement ; transports ; formation professionnelle ; énergie.

Pour l'exercice de ces compétences étendues, les offices relèvent désormais de la collectivité territoriale de Corse, alors qu'ils étaient auparavant des établissements publics nationaux .

La loi de 1991 a maintenu les offices suivants : office de développement agricole et rural, office d'équipement hydraulique, office des transports. Par ailleurs, elle a créé un nouvel office : l'office de l'environnement, et une institution spécialisée chargée des actions de tourisme en Corse : l'agence du tourisme. Chaque office ou agence est présidé par un membre du conseil exécutif. Il convient d'ajouter que l'agence de développement économique a été créée sous la forme d'un établissement public industriel et commercial (EPIC), sans fondement législatif.

La collectivité territoriale de Corse n'a conservé que fort peu de compétences dans les domaines où ces EPIC interviennent. Elle rencontre des difficultés dans l'exercice de son contrôle sur l'activité des offices.

En compensation des nouvelles compétences transférées, l'Etat transfère des ressources dans des conditions dérogatoires au droit commun des régions.

Au total, ces dispositions d'ordre institutionnel ont montré leurs limites pour répondre aux problèmes spécifiques de l'île et leur application s'est traduite par plusieurs dysfonctionnements auxquels il convient de remédier.

• L'inconstitutionnalité de la reconnaissance du « peuple corse »

Suivant sa commission des Lois, le Sénat avait, en 1991, supprimé la notion de « peuple corse » à l'article premier, au motif que cette reconnaissance dans la loi constituerait un précédent irréversible , et qu'elle impliquerait une procédure de révision constitutionnelle , ce qui exclut que le Parlement s'y engage par la voie législative.

Le Sénat avait ainsi estimé que la tradition constitutionnelle française avait construit l'unité de la France à partir d'une diversité sociologique incontestable, en privilégiant à chaque fois l'égalité de tous les citoyens plutôt que leurs particularismes locaux. En dernière analyse, il avait jugé que l'article premier constituait « une entreprise aventureuse et irréfléchie, dont la motivation réelle n'apparaissait pas clairement

Par la décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 , le Conseil constitutionnel a donné raison aux arguments avancés par les sénateurs.

Après avoir démontré que le concept juridique de « peuple français » avait valeur constitutionnelle, et rappelé que la France, ainsi que le proclame l'article 2 de la Constitution de 1958, est une République indivisible , laïque, démocratique et sociale qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens quelle que soit leur origine, le Conseil constitutionnel a jugé que la mention faite par le législateur du « peuple corse, composante du peuple français » était contraire à la Constitution, laquelle ne reconnaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion.

2. Le statut des îles européennes : un terme de comparaison incertain

La singularité de la situation de la Corse invite naturellement à chercher des termes de comparaison chez nos partenaires européens.

A cet égard, force est de reconnaître que la plupart des îles européennes sont dotées de statuts particuliers et jouissent d'une large autonomie -les principales disposent même de la compétence législative exclusive dans certaines matières-.

Mais, dans presque tous les cas, cette consécration résulte de dispositions constitutionnelles expresses , et non de normes législatives ordinaires ; elle s'inscrit dans une tradition de fédéralisme, de régionalisme ou d'autonomie locale très accentuée, étrangère à la tradition constitutionnelle française.

Le statut d'autonomie des Canaries et des Baléares est fondé sur les articles 2, 138 et 143 de la Constitution espagnole, qui prévoient notamment « le droit à l'autonomie des nationalités et des régions » et l'érection des territoires insulaires en « communautés autonomes » dotés de pouvoirs législatifs et réglementaires.

La Sicile et la Sardaigne sont placées dans une situation constitutionnelle identique, expressément prévue aux articles 5 et 116 de la Constitution italienne.

L'exemple souvent cité des Açores et de Madère , qui relèvent pourtant de la souveraineté d'un Etat unitaire, ne doit pas entretenir la confusion : leurs statuts spécifiques font en effet l'objet de dispositions expresses dans la Constitution du Portugal (articles 6 et 225 à 234 et lois organiques subséquentes) sur le fondement desquelles le législateur était habilité à opérer les distinctions statutaires appropriées.

Dans le cas de la Grèce, a contrario, où la Constitution est muette sur ce point, on relève que le législateur n'a pas doté ses îles, en particulier la Crète , d'un statut particulier.

Les analyses de droit comparé incitent donc à la prudence sur les conditions dans lesquelles un particularisme institutionnel est reconnu aux îles européennes. A la différence de nos partenaires européens, notre loi fondamentale affirme avec clarté et vigueur les principes d'unité et d'indivisibilité de la République , avec lesquels celui de libre administration des collectivités locales doit se concilier.

La question d'un statut particulier de la Corse renvoie donc au débat plus large de l'approfondissement de la décentralisation.

3. Un débat plus large : l'approfondissement de la décentralisation

Conçue et mise en oeuvre, voilà près de vingt ans, dans un contexte d'épuisement du modèle jacobin, la décentralisation a redistribué les pouvoirs, les compétences et les moyens au profit des collectivités territoriales, dont la région alors érigée en collectivité de plein exercice. La réforme avait pour principal objectif de rechercher une meilleure efficacité de l'action publique en rapprochant la décision du citoyen.

a) Une réforme inachevée

Si la décentralisation a atteint ses buts, elle reste toujours d'actualité pour répondre aux défis auxquels l'action publique est confrontée. La logique initiale , fondée sur une répartition des compétences par blocs associée à l'absence de tutelle d'une collectivité sur l'autre, a été perdue de vue. A la clarification des compétences s'est substituée une autre logique , celle de la cogestion , avec pour conséquence la multiplication des partenariats sous toutes les formes possibles.

Cette logique de cogestion aboutit à un dévoiement des principes de la décentralisation lorsqu'elle se traduit par la participation croissante des collectivités locales au financement des compétences de l'Etat, ou par une tendance accentuée à la recentralisation des pouvoirs dont on trouve des exemples manifestes dans plusieurs lois récentes : la loi sur l'exclusion, la loi relative aux gens du voyage, la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains.

b) Une préoccupation constante du Sénat

Représentant constitutionnel des collectivités territoriales, le Sénat n'a cessé de conduire des travaux autour du thème de la décentralisation, qui ont, à maintes reprises, trouvé des traductions législatives ; la plus récente est la loi « Fauchon » n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non-intentionnels.

Quatre missions d'information communes à plusieurs commissions ont été créées en 1983, 1984, 1990 et 1998 afin d'apprécier la mise en oeuvre et les effets de la réforme. Après la mission d'information sur l'espace rural, a été constituée une mission sur l'aménagement du territoire, dont les travaux ont largement alimenté la réflexion préliminaire à la loi d'orientation de 1995. Les commissions des lois et des finances ont mis en place, en leur sein ou conjointement, des groupes de travail qui se sont penchés sur la responsabilité pénale des élus locaux (1995), sur la décentralisation (1996) et sur les chambres régionales des comptes.

Dès son élection à la présidence du Sénat, M. Christian Poncelet a souhaité affirmer le rôle de « veilleur » de la décentralisation de la Haute Assemblée et s'est lui-même engagé dans une large opération de consultation sur le terrain, en organisant des Etats généraux des élus locaux dans les régions. Le 16 octobre 2001, lors de son discours d'orientation, il a proposé de créer un délégation du Sénat à la décentralisation.

c) Une réforme reportée

D'autres instances se sont également saisies, plus récemment, de ce thème. Le Conseil économique et social a adopté en juin 2000 un avis sur « la décentralisation et le citoyen », puis un rapport sur « l'avenir de l'autonomie financière des collectivités locales ».

Mise en place par le Premier ministre, la commission pour l'avenir de la décentralisation , présidée par notre collègue Pierre Mauroy, a présenté ses propositions de réforme à la fin de l'année 2000. Elles ont servi de socle au Premier ministre pour l'organisation d'un débat sur la décentralisation à l'Assemblée nationale, le 17 janvier 2001, au cours duquel il a tracé un certain nombre d'orientations, tout en repoussant la réforme au lendemain des élections présidentielle et législatives de 2002.

Inspirées par le souci de prendre en compte les spécificités de l'île, les réformes successives du statut de la Corse ont finalement servi d' exemple et constitué le prélude à une extension des compétences des régions. Il en fut ainsi en 1982 ; il en va de même aujourd'hui.

A peine le présent projet de loi était-il discuté par l'Assemblée nationale que le ministre de l'intérieur s'engageait à étendre à l'ensemble des régions certaines des dispositions prévues pour la Corse 11 ( * ) . Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité , actuellement en instance au Sénat, a ainsi été complété dans l'urgence par un volet relatif au transfert de compétences aux régions que ni le Conseil d'Etat, ni la commission des Lois de l'Assemblée nationale n'ont pu examiner.

Les nombreuses questions soulevées par les différents statuts de la Corse renvoient donc, à l'évidence, au débat plus large sur la décentralisation. A cet égard, aujourd'hui comme en 1982, il est extrêmement regrettable de devoir discuter d'adaptations avant d'avoir déterminé le droit commun.

II. LES INITIATIVES DU GOUVERNEMENT : L'ÉLABORATION D'UN PROJET DE LOI EN PARTIE NON CONFORME A LA CONSTITUTION AU TERME D'UN PROCESSUS PLACE SOUS LE SIGNE DE L'AMBIGUÏTÉ

A. UN PROCESSUS PLACÉ SOUS LE SIGNE DE L'AMBIGUÏTÉ

Annoncé par le Premier ministre dans son allocution devant l'Assemblée de Corse, le 6 septembre 1999, le processus de discussion entamé par le Gouvernement et des élus de Corse a débuté au début novembre de la même année. Il a débouché sur l'élaboration d'un relevé de conclusions préfigurant un avant projet de loi qui, après avoir été soumis pour avis à l'Assemblée de Corse a été adopté en Conseil des ministres et déposé devant le Parlement.

1. Les étapes du processus

a) La déclaration du Premier ministre devant l'Assemblée de Corse, le 6 septembre 1999

Au cours d'une allocution prononcée le 6 septembre 1999 devant l'Assemblée de Corse, le Premier ministre a indiqué que sa vision de la Corse se fondait sur cinq convictions :

- la Corse est un ensemble géographique et humain profondément original ;

- la Corse doit se garder de la tentation de l'isolement ;

- l'attachement très majoritaire des Corses à la Nation est très profond ;

- rien ne sera possible en Corse, au plan politique ou économique, si la société corse dans son ensemble ne condamne pas solennellement la violence ;

- le respect de la loi républicaine et celui des particularismes de l'île sont parfaitement compatibles.

Le Premier ministre a, en conclusion, indiqué que « le Gouvernement souhait [ait] établir un nouveau dialogue avec la collectivité de Corse » tout en observant « qu'aucune discussion institutionnelle ne peut avoir lieu tant que la violence est utilisée comme une arme du débat ». Sous cette réserve, ajoutait-il, « le Gouvernement est prêt à travailler sur ces bases avec tous les élus de la Corse ».

b) Le déroulement des discussions

Les discussions ont débuté le 13 décembre 1999 . Elles se sont ensuite déroulées , du 15 mai au 20 juillet à Paris. Elles ont réuni, outre les membres du cabinet du Premier ministre et ceux du cabinet du ministre de l'intérieur, le Préfet de Corse, ainsi que des élus corses : le président de l'Assemblée de Corse, le président du Conseil exécutif, les présidents des différents groupes de l'Assemblée ou leurs représentants, les présidents des Conseils généraux, les maires des deux chefs lieux de département ainsi que les parlementaires élus de l'île 12 ( * ) .

Selon les propos tenus par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale, le 3 octobre 2000, ces rencontres procédaient du désir de savoir « comment, dans une discussion sérieuse avec le Gouvernement, les élus de l'Assemblée territoriale de Corse, les parlementaires, les présidents de Conseils généraux, pouvaient suggérer des démarches utiles et qui rassemblent pour l'évolution de l'île [...] dans une transparence et une clarté absolues, en nouant le dialogue avec les élus représentatifs de l'île » 13 ( * ) .

c) Le relevé de conclusions du 20 juillet 2000

A l'issue de ces discussions, le Gouvernement a établi, le 20 juillet 2000, un relevé de conclusions.

Ce texte constate « les spécificités de la Corse dans la République, tenant à sa situation insulaire et à son histoire, ainsi que les enseignements de l'application de son statut particulier » et se propose de « clarifier les responsabilités dans la gestion des affaires de l'île, de favoriser son développement économique et social et de fonder durablement la paix civile ».

(1) L'organisation administrative de la Corse et les compétences de la collectivité territoriale

D'une part, la simplification de l'organisation administrative. Le texte souligne qu'« une première solution, pour laquelle le Gouvernement avait exprimé une préférence, parce qu'elle semblait pouvoir être menée à terme sans révision de la Constitution , consistait dans la suppression d'un département. Le département désormais unique et la collectivité territoriale auraient eu une assemblée et un exécutif communs . Lors de la réunion des présidents de groupe de l'assemblée de Corse, une préférence s'est nettement exprimée pour la suppression des deux départements et la mise en place d'une collectivité unique, cette réforme ne devant intervenir qu'à l'expiration du mandat de l'assemblée de Corse, en 2004. Le Gouvernement est disposé à se placer dans cette perspective, tout en relevant que celle-ci n'a pas à être concrétisée durant la présente législature et qu'elle impliquerait une révision constitutionnelle » 14 ( * ) .

D'autre part, la décentralisation de nouvelles compétences au profit de la collectivité territoriale de Corse . Celle-ci concernerait l'aménagement de l'espace, le développement économique, l'éducation, la formation professionnelle, le sport, le tourisme, la protection de l'environnement, la gestion des infrastructures et des services de proximité et les transports. Le texte précise que : « ces transferts de compétences seront opérés avec le souci de favoriser la constitution de « blocs de compétences » cohérents. Des discussions ultérieures entre le Gouvernement et les élus de Corse permettront d'en préciser les contenus

Et enfin, l'adaptation des normes. Selon le relevé de conclusions, « les spécificités de la Corse peuvent justifier que des normes réglementaires voire certaines dispositions législatives soient adaptées à la Corse

Constatant que le mécanisme créé par l'article 26 de la loi de 1991 n'a pas fonctionné, le Gouvernement envisage de doter la collectivité territoriale de Corse :

- d'un pouvoir réglementaire , permettant d'adapter les textes réglementaires par délibération de l'assemblée ;

- de la possibilité de déroger, par ses délibérations, à certaines dispositions législatives , dans des conditions que le Parlement définirait.

Il relève, en outre, que « les élus de l'assemblée de Corse ont [...] exprimé le souhait [...] qu'à l'issue de ce qu'ils qualifient de période transitoire s'achevant avec la mise en place de la collectivité unique, soit reconnue de manière permanente à la collectivité territoriale de Corse la possibilité d'adapter par ses délibérations des dispositions législatives, selon des principes généraux et dans des conditions fixées par le Parlement » et constate que l'attribution à la collectivité de Corse d'une telle faculté nécessiterait une révision préalable de la Constitution qui « supposerait l'accord des pouvoirs publics alors en fonction » et nécessiterait « en tout état de cause le rétablissement durable de la paix civile

(2) Le statut fiscal, la fiscalité sur les successions et le financement de l'économie

Le statut fiscal serait modifié :

- par un dispositif d'incitation à l'investissement qui reposerait sur un mécanisme de crédit d'impôt, de 10 ans, fonction de l'investissement réalisé ;

- par le remplacement du transfert des droits sur les alcools par un transfert équivalent de TIPP.

La fiscalité sur les successions ferait l'objet d'une réforme progressive, le Gouvernement proposant au Parlement :

- d'appliquer l'obligation de déclaration de succession aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2001 ;

- de reconstituer les titres de propriété au cours d'une période transitoire de dix ans, durant laquelle l'exonération des droits serait complète ;

- d'allonger le délai de dépôt des déclarations de succession pendant la période transitoire de dix ans pour permettre la reconstitution des titres de propriété ;

- de conditionner le bénéfice des dispositions à la reconstitution des titres de propriété , lorsqu'ils font défaut.

S'agissant du financement de l'économie , le relevé de conclusions prévoit :

- de porter le capital de la société de capital risque « Femu Qui » de 4 à 23 millions de francs ;

- de créer un dispositif renforcé de garantie (SOFARIS-région) ;

- de créer un organisme de crédit bail en Corse .

(3) L'enseignement de la langue corse

Le relevé indique que : « Les élus de l'assemblée de Corse ont unanimement demandé la définition d'un dispositif permettant d'assurer un enseignement généralisé de la langue corse dans l'enseignement maternel et primaire, de manière à favoriser la vitalité de cette langue. Le Gouvernement proposera au Parlement le vote d'une disposition posant le principe selon lequel l'enseignement de la langue corse prendra place dans l'horaire scolaire normal des écoles maternelles et primaires et pourra ainsi être suivi par tous les élèves, sauf volonté contraire des parents ».

A cette fin, il est prévu :

- de donner une forte impulsion à la formation initiale et continue en langue corse des enseignants du premier degré ;

- de recourir davantage à l'intervention des enseignants de langue corse du second degré, en augmentant, si besoin est, le nombre de postes ouverts au CAPES de langue corse, ainsi qu'à des intervenants extérieurs et à des aides-éducateurs recrutés sur le profil « langue et culture corse ».

(4) La loi de programmation

Le Gouvernement indique qu'il proposera au Parlement de voter un dispositif législatif prévoyant une programmation sur quinze ans d'investissements publics destinés à combler les retards d'équipements .

d) Les réactions au relevé de conclusions

Le ministre de l'intérieur en fonction à l'époque, M. Jean-Pierre Chevènement, a fait savoir au Premier ministre qu'il ne porterait pas devant le Parlement le projet de loi qui résulterait du relevé de conclusions 15 ( * ) , tandis que, le 28 juillet 2000 , l'Assemblée de Corse approuvait, par 44 voix contre 2 et 5 abstentions, les orientations proposées par le Gouvernement le 20 juillet 2000. Le Gouvernement a donc choisi une majorité alternative par rapport à celle qui aurait pu se dégager à la suite du vote des résolutions du 10 mars 2000.

2. Des ambiguïtés qui n'ont toujours pas été levées

Le Premier ministre a souhaité engager un débat avec les élus locaux de Corse dans « une transparence et une clarté absolues » 16 ( * ) . A cette fin, les réunions du groupe de travail qui ont précédé le relevé de conclusions du 20 juillet 2000 ont traité des questions qui intéressent l'avenir de l'île, dans un esprit souvent constructif.

Est-ce à dire que ces discussions furent dépourvues d'ambiguïtés et qu'elles reflétèrent, pour reprendre les propres termes du Premier ministre, « une démarche politique claire dans ses objectifs et saine dans sa méthode » 17 ( * ) ?

Votre commission spéciale ne le croit pas. Elle constate, en effet, que bien des questions de principe demeurent irrésolues, tant en ce qui concerne les conditions de ce dialogue, que l'objet même du débat qui s'est déroulé. Les modalités d'examen de la question de la dévolution d'un pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse portent également témoignage de ces ambiguïtés.

a) Les interrogations relatives aux conditions du débat

Deux sujets méritent d'être abordés à ce titre : la question de l'arrêt de la violence et celle tenant à la nature des interlocuteurs qui ont discuté avec les représentants du Gouvernement.

(1) Le « préalable » tenant à l'arrêt de la violence

Dans son allocution devant l'Assemblée de Corse, le 6 septembre 1999, le Premier ministre a clairement indiqué que : « la condamnation de la violence est en réalité l a condition préalable à toute évolution » et qu'« aucune discussion institutionnelle ne peut avoir lieu tant que la violence est utilisée comme une arme du débat. Il n'y a pas de discussion possible sur l'organisation des institutions de la démocratie lorsque les principes sur lesquels repose toute vie démocratique sont bafoués ».

Le processus de Matignon a débuté le 13 décembre suivant, bien que plusieurs attentats soient survenus :

- le 18 septembre 1999 contre des bâtiments publics ;

- le 12 octobre contre une perception à Sartène ;

- le 17 octobre (5 attentats simultanés notamment contre l'Office public de HLM et une agence du Crédit agricole) ;

- le 31 octobre à Bonifacio (contre un hôtel désaffecté) ;

- le 12 novembre contre des villas appartenant à des continentaux ;

- le 25 novembre (deux attentats simultanés contre l'URSSAF et la DDE en plein jour, à Ajaccio).

Il est vrai que le FLNC Canal historique avait qualifié, le mardi 6 octobre, le préalable de la renonciation à la violence qu'avait posé le Premier ministre de « provocation inutile et irresponsable ». 18 ( * )

Les discussions se sont engagées et poursuivies malgré la perpétration d'un certain nombre d'actions violentes et de crimes. Dès lors, force est de constater qu'il y a loin entre la fermeté du discours et la souplesse de son application . On pouvait ainsi lire sur le site Internet du Premier Ministre que « subordonner l'engagement de discussions à la fin de la violence aurait fait de ses auteurs les seuls maîtres du jeu et les arbitres du calendrier [...] ; attendre la fin de la violence pour parler des problèmes de Corse aurait équivalu à ne pas discuter et donc à se résigner au statu quo » 19 ( * ) .

Sur le même site, il est précisé que le Gouvernement n'a pas discuté avec des groupes qui pratiquent la violence et qu'il ne pourra y avoir de deuxième étape institutionnelle après révision constitutionnelle si la violence politique n'a pas été éradiquée.

Si, dans ses interventions, le Premier ministre a bien pris soin d'évoquer la cessation de la « violence » comme la condition pour mener des réformes à bien, de nombreux interlocuteurs ont, à l'instar des rédacteurs de l'exposé des motifs du projet de loi initial, par un abus de termes, parlé du rétablissement de la « paix civile », expression tout à fait inappropriée puisqu'elle s'oppose à celle de « guerre civile ». Qu'ils soient explicites ou implicites, ces divers parallèles sont proprement inacceptables s'agissant de la Corse. D'autres ont pu évoquer la recherche d'une « pacification », qualification particulièrement inadaptée à la situation actuelle de la Corse 20 ( * ) .

Votre commission spéciale refuse cette sémantique, non moins que les expressions de « processus » entendu comme un « processus de paix », de « négociations » qui donnent à penser que des parties opposées se sont rencontrées ou, pire encore, la formule visant des « prisonniers politiques ».

Au total, l'expérience a prouvé que le Gouvernement avait posé, avec la cessation de la violence, un préalable auquel il ne s'est pas tenu .

Or l'enjeu de l'arrêt de la violence est décisif. Le retour à la sûreté et à la sécurité publique relève de la responsabilité éminente du Gouvernement auquel il revient seul de veiller au respect de la loi républicaine sur toutes les parties du territoire national.

(2) Le choix des interlocuteurs du Gouvernement

Le Premier ministre a souligné, devant l'Assemblée nationale, que « les élus de l'île doivent dire ce qu'ils souhaitent en toute clarté, quelles sont leurs propositions, leurs réponses aux attentes de la population dont ils tiennent leur mandat ». D'emblée, le Gouvernement a donc estimé que les élus détenaient seuls la légitimité démocratique pour discuter avec lui. Est-ce à dire que le mandat issu d' élections administratives 21 ( * ) dont ils étaient investis leur donnait qualité pour envisager des modifications qui ont une incidence constitutionnelle ? Cette question a soulevé trois séries d'objections au cours du processus, dont l'une émanait du Premier ministre lui-même.

Une première série d'objections a porté sur la légitimité de l'Assemblée de Corse pour mener avec le Gouvernement des discussions ayant cette portée.

M. Roland Francisci a ainsi pu mettre en question la compétence des élus de Corse pour envisager des modifications constitutionnelles, estimant que « lors des dernières élections régionales, aucune des listes en présence n'avait inscrit à son programme des revendications institutionnelles, à la seule exception des nationalistes. Les représentants des groupes politiques représentés à l'Assemblée de Corse n'ont donc aucune légitimité pour s'exprimer sur ces questions au nom de la Corse » et regrettant que « le Gouvernement continue de tenir à l'écart des débats des autres élus : maires, conseillers généraux, parlementaires. La démarche retenue lui sembl[ant] donc anti-démocratique » 22 ( * ) .

Une autre objection mérite attention. Elle a porté sur la participation de la société civile au débat.

Dans la conférence de presse tenue avec les élus Corses, M. Lionel Jospin déclarait qu'« il était souhaitable que ce qu'on appelle les représentants de la société civile ou les forces vives de l'île puissent être associés à cette discussion et puissent avoir eux-mêmes leur débat ». Or, il résulte des auditions auxquelles votre commission spéciale a procédé en Corse, que cette consultation s'est, en fait, limitée au Conseil économique social et culturel de l'île 23 ( * ) , à l'exclusion de nombreux et importants acteurs de la société civile qui, rencontrant la délégation de votre commission spéciale, lui ont fait part du regret de n'avoir pas été consultés.

Votre rapporteur ne s'étendra pas sur l'objection aboutissant, de manière tout à fait inacceptable, à contester la légitimité des parlementaires, représentants de la « souveraineté nationale française », à être associés aux travaux !

Votre commission spéciale s'interroge sur le véritable objet des discussions du groupe de travail réuni par le Premier ministre . Devaient-elles préparer des réformes d'organisation administrative, ou envisager des transformations constitutionnelles ? Dans ce dernier cas, le Gouvernement a-t-il choisi les interlocuteurs appropriés ?

(3) L'inconnue tenant à la consultation des citoyens

Le Premier ministre a évoqué la question de la consultation des citoyens sur le processus de Matignon.

Dans la société civile, des voix se sont faites entendre pour exiger qu'une telle consultation soit rapidement organisée. C'est ainsi que par un communiqué de presse du 3 septembre 2001, l'association « Les femmes contre la violence en Corse » a exprimé son inquiétude face à l'éventualité d'un référendum tenu en 2004, et « pressait les élus de l'Assemblée de Corse [...] de trouver les voies et les moyens d'une consultation directe de la population de Corse ».

La question de la nature des interlocuteurs du Gouvernement est intimement liée, au demeurant, avec celle de l'objet même des discussions qui eurent lieu du 15 mai au 20 juillet 2000 à Paris.

b) Les questions sur l'objet du débat

L'objectif était, selon M. Alain Christnacht, conseiller du Premier ministre, de « parvenir à la plus large majorité possible sur des dispositions, à partir des propositions des deux délibérations examinées le 10 mars 2000 par l'Assemblée de Corse » 24 ( * ) . Chacune de ces deux délibérations évoquait la nécessité d'un renforcement de la décentralisation, qu'il s'agisse d'une « plus large décentralisation dans le cadre de la République », pour la motion adoptée par 26 voix, dont MM.  Simon Renucci et Emile Zuccarelli étaient signataires, ou d'une « décentralisation très large » pour celle adoptée par 22 voix, à l'initiative de M. Paul Giacobbi.

Ainsi, le dialogue relatif à la Corse portait-il en principe, sur le thème d'une décentralisation renforcée. D'où vient, dès lors, que le Gouvernement entende, selon l'exposé des motifs du projet de loi, que les réformes qu'il propose constituent une première étape, laquelle préluderait à une seconde phase, qui s'ouvrirait « à l'expiration du mandat de l'Assemblée de Corse en 2004 et exigerait une révision préalable de la Constitution » 25 ( * ) ?

C'est ici que se pose, de façon incontournable, la question de l'horizon temporel dans lequel se situent les réformes dont le projet de loi soumis au Sénat, bien loin de n'être que l'aboutissement, constitue l'amorce.

(1) Quel horizon pour les réformes ?

L'exposé des motifs du projet de loi fait référence à la date de 2004, qui correspond à l'expiration du mandat de l'Assemblée de Corse, à l'issue duquel le Gouvernement entend que débute la seconde phase du processus de Matignon . Celle-ci consisterait notamment en :

- une analyse des résultats des « expérimentations législatives » limitées à quatre années, telles que la version initiale de l'article 12 les concevait ;

- la suppression des départements (le relevé de conclusions du 20 juillet 2001 indique que les présidents et groupes de l'Assemblée de Corse ont souhaité la création d'une collectivité unique, sous réserve que cette modification n'intervienne qu'à l'expiration du mandat de l'Assemblée de Corse, en 2004).

Votre commission spéciale tient à noter, sur chacun de ces deux points, l' ambiguïté du texte puisque :

- l'on ne disposera pas du temps nécessaire, d'ici à 2004, pour mener à bien les expérimentations législatives ;

- le texte transmis au Sénat préjuge, sur bien des points, de la suppression des départements.

Si l'on ne peut que se féliciter de l'existence d'un dialogue, quelles qu'en soient les imperfections, on doit néanmoins s'interroger sur la finalité de celui-ci. On ne peut que contester le très grand flou qui entoure ce dispositif, lequel, loin de clarifier l'horizon de la Corse, nourrit les incertitudes.

Réforme aboutie ou première étape ? Réforme administrative ou modification institutionnelle de fond ? Telle sont les deux principales ambiguïtés d'un processus qui en compte d'autres, qu'illustre l'évolution de la question du pouvoir législatif.

(2) Les confusions relatives au pouvoir législatif

La revendication d'un pouvoir législatif au profit de la collectivité territoriale de Corse apparaît dans la motion précitée adoptée le 10 mars 2000 par 22 voix, à l'initiative de M. Paul Giacobbi. Selon celle-ci, les nouveaux pouvoirs de l'Assemblée de Corse pourraient s'organiser à partir :

- d'« une compétence législative et réglementaire de plein droit dans les domaines transférés du patrimoine et de l'environnement, de la culture et de la langue, de l'aménagement du territoire et du développement. Cette procédure pourra progressivement être élargie dans les autres blocs de compétence sur la demande de l'Assemblée de Corse » ;

- d'« un pouvoir général de propositions en matière législative sur les compétences non transférées pour lequel le Gouvernement s'engagerait à présenter la proposition de l'Assemblée de Corse au Parlement pour examen dans un délai déterminé » 26 ( * ) .

Le 29 mai 2000, devant le groupe de travail sur la Corse, M. Paul Giacobbi soulignait que « les deux motions votées en mars se situent dans la perspective de l'unité législative, et non de la spécialité législative : la loi devrait continuer de s'appliquer en Corse, sauf exceptions [...] » et ajoutait que l'objectif était de « doter la Corse de compétences législatives et réglementaires circonscrites à certains domaines, à la fois pour contourner l'obstacle imposé par la jurisprudence restrictive du Conseil constitutionnel, pour ne pas être tributaire du calendrier parlementaire, et parce que l'on gère mieux de près » 27 ( * ) .

Au cours du débat entre les élus de Corse et le Gouvernement, la question du pouvoir législatif de la collectivité territoriale de Corse a été évoquée à de nombreuses reprises.

Seuls les représentants du groupe Corsica Nazione de l'Assemblée de Corse, ont réclamé une dévolution totale du pouvoir législatif à la Corse. M. Paul Quastana soulignait, le 15 juin 2001 que son groupe revendiquait « le transfert des compétences, y compris législatives, dans le domaine de l'aménagement du territoire » et, le 19 juin, « un pouvoir législatif fort pour la collectivité dans le domaine de l'environnement » 28 ( * ) . Le 27 juin suivant, M. Jean-Guy Talamoni réclamait pour sa part : « un transfert total des compétences, y compris dans le domaine législatif » 29 ( * ) .

Dans les interventions des autres personnalités qui ont évoqué ce sujet au cours des réunions du groupe de travail on ne trouve, hormis les déclarations précitées de M. Paul Giacobbi, pas de revendication d'un pouvoir législatif autonome, encore que M. Emile Zuccarelli ait, le 15 mai 2000, souligné la nécessité d'aborder le thème de « l'adaptation législative » 30 ( * ) et que M. José Rossi ait indiqué le 19 juin, qu'« une partie du pouvoir législatif [devait] donc, à terme, être attribuée à la région, et a fortiori le pouvoir réglementaire » 31 ( * ) .

Les prises de position se sont, en réalité, concentrées non pas sur les mérites réels ou supposés d'une dévolution législative à la collectivité territoriale de Corse , mais sur le problème posé par l'adaptation de l'article L. 146-4 de la loi littoral .

Sur ce sujet, M. Roland Francisci a souligné qu'il était favorable à cette adaptation, considérant que cet article faisait, depuis des années en Corse, l'objet d'une application « abusive et contraire à la jurisprudence du Conseil d'Etat » 32 ( * ) , sans évoquer la question du transfert du pouvoir législatif.

Le 22 mai, M. Paul-Antoine Lucciani soulignait qu'il n'y a « pas de consensus sur la dénonciation de la loi littoral [...] le monde associatif insulaire [étant] au contraire favorable à son maintien ainsi que plusieurs groupes politiques dont le sien » 33 ( * ) . Le 27 juin, il déclarait préférer « une application intelligente de la loi littoral à une remise à plat du dispositif » 34 ( * ) .

Le 22 mai 2000, M. Nicolas Alfonsi s'interrogeait sur le point de savoir si des exceptions à la loi littoral ne permettraient pas, eu égard à la surface de la Corse qui fait l'objet d'une protection, de faire l'économie d'un schéma d'aménagement 35 ( * ) . Puis il estimait, le 27 juin, qu'il suffisait de modifier l'article L.146-4 du code de l'urbanisme pour prévoir des adaptations au cas insulaire, sans « qu'il soit besoin, pour autant, d'un transfert de compétences législatives » 36 ( * ) .

Le même jour, M. José Rossi, déclarait « qu'il ne faut pas remettre en cause les principes de la législation nationale qui vont dans la bonne direction, mais que la Corse ne doit pas non plus être dans la situation de demander des adaptations au coup par coup. Il faut donc parvenir à définir un nouveau cadre juridique enserrant les compétences de la collectivité territoriale mais lui donnant, dans le champ ainsi défini, les compétences lui permettant de procéder elle-même aux adaptations nécessaires. La position du Gouvernement lui paraît donc aller dans la bonne direction » 37 ( * ) .

Enfin, M. Paul Quastana jugeait, le 15 juin, souhaitable de « ne rien modifier s'agissant de la loi littoral de son application » 38 ( * ) , tandis que M. Jean-Guy Talamoni déclarait que son groupe avait : « des propositions à faire à l'Assemblée, telle l'institution d'un mécanisme permettant d'intéresser les propriétaires des parcelles « gelées » au développement réalisé sur les parcelles constructibles » 39 ( * ) puis, le 27 juin, que tant qu'un « transfert total des compétences y compris dans le domaine législatif » n'était pas opéré, « il ne faut pas modifier en quoi que ce soit la loi littoral » 40 ( * ) .

Votre commission spéciale s'interroge, dans ces conditions, sur le cheminement qui a conduit des réunions des groupes de travail au dépôt du projet de loi initial.

Les orientations du Gouvernement datées du 10 juillet 2000 dressent, en effet, la liste des six secteurs dans lesquels il serait envisageable d'opérer de nouveaux transferts de compétences avant de noter que si « pour l'exercice de ses compétences en pleine responsabilité, la collectivité territoriale de Corse bénéficiera d'une délégation particulière d'un large pouvoir réglementaire [...] l'examen des domaines de compétences dont les élus membres du groupe de travail ont souhaité le transfert n'a pas montré [...] que ces compétences nécessiteraient une dévolution du pouvoir législatif ». Cependant, constatant l'inapplication de l'article 26 du statut de 1991, le Gouvernement envisage que le statut précise : « les conditions dans lesquelles des règles de portée législative, le cas échéant dérogatoires, pouvaient être adoptées par la collectivité territoriale de Corse au regard de la situation spécifique de la Corse, avant que leur mise en oeuvre ne soit évaluée et éventuellement pérennisées par la législation » 41 ( * ) . Puis, dans le relevé de conclusions du 20 juillet, le Gouvernement annonçait sa décision de proposer au Parlement : « de donner à la collectivité territoriale de Corse la possibilité de déroger, par ses délibérations, à certaines dispositions législatives » 42 ( * ) .

On peut donc s'interroger sur les motifs qui ont conduit le Gouvernement à faire droit aux exigences d'un des groupes de l'Assemblée de Corse et sur la latitude qu'avaient en la circonstance les autres membres de la collectivité territoriale de Corse pour approuver ou contester, par un seul vote , le contenu du relevé de conclusions du 20 juillet. En effet, comment l'opinion publique aurait-elle pu, dans l'île, comprendre que les élus ne parvenaient pas à définir par eux-mêmes les bases des réformes qu'ils appelaient de leur voeux et qu'ils avaient préparées avec le Gouvernement ?

Une nouvelle fois, le Gouvernement posait un principe général : en constatant, d'une part, que la majorité des élus ne souhaitait pas de dévolution du pouvoir législatif, et en dotant, d'autre part, l'Assemblée de Corse d'un tel pouvoir, lequel ne lui était demandé que par un groupe minoritaire de cette Assemblée.

Au total, votre commission spéciale constate que le Gouvernement a fait le choix d'accéder aux demandes émanant des plus radicaux, en particulier sur la question du pouvoir d'adaptation législative.

Or l'approbation du « relevé de conclusions » de Matignon ne pouvait qu'être globale comme il en aurait été s'il s'était agi d'un traité. L'Assemblée de Corse pouvait-elle rejeter le fruit de six mois de discussions ?

Il n'en reste pas moins que, considérant la perspective de mise en oeuvre de ces « accords », on constate que le « piège » où le Gouvernement s'est lui même enfermé a fonctionné : le « processus de Matignon » a accordé une forme de reconnaissance à des positions extrêmes auxquelles ont dû se rallier des élus dont l'attachement à la France et aux institutions républicaines ne saurait être mis en doute.

B. LE PROJET DE LOI INITIAL : DES DISPOSITIONS EN PARTIE NON CONFORMES A LA CONSTITUTION

1. Le volet institutionnel

a) La clause générale de compétence

Le projet de loi dispose que l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations « les affaires de la Corse », alors que le droit en vigueur, conformément au droit commun de la décentralisation, indique que l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations « les affaires de la collectivité territoriale de Corse » ( article premier ).

b) L'adaptation des lois et des règlements nationaux par la collectivité territoriale de Corse

Il est proposé de reconnaître à la collectivité territoriale de Corse un pouvoir d'adaptation des normes nationales : lois et règlements, dans le but de tenir compte des spécificités de l'île.

D'une part, l'Assemblée de Corse aurait la possibilité de prendre, dans un but d'intérêt général, les mesures d' adaptation de règlements pris pour l'application des lois dans les matières où la collectivité territoriale de Corse est compétente. Une réserve interdit à ces adaptations de remettre en cause les conditions essentielles d'application de lois organisant l'exercice d'une liberté publique.

Les adaptations apportées aux décrets pris pour l'application des dispositions législatives régissant ces matières devront être justifiées par la situation spécifique de la Corse, appréciée au regard de l'objet de la réglementation considérée.

En cas de modification ultérieure de la réglementation nationale, l'adaptation corse cesserait de produire effet au bout de six mois ( article premier 43 ( * ) ).

D'autre part, l'Assemblée de Corse pourra prendre des mesures d'adaptation dérogeant au droit commun des dispositions législatives applicables , lorsqu'elle estimerait que les dispositions législatives présentent, pour les compétences de la collectivité territoriale de Corse, des difficultés d'application liées aux spécificités de l'île.

Dans ce cas, l'Assemblée de Corse demanderait au Gouvernement que la loi lui confère l'autorisation d'adapter les dispositions législatives .

La loi fixerait les modalités de l'autorisation pour l'Assemblée de Corse de prendre ces mesures d'adaptation, par délibération, dans un but d'intérêt général et à titre expérimental .

Un rapport annuel du Gouvernement serait remis au Parlement.

Le préfet pourrait être entendu par l'Assemblée sur les suites que le Gouvernement entend donner aux avis et demandes ; cette communication donnerait éventuellement lieu à un débat sans vote.

Les délibérations portant mesures d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires seraient soumises au contrôle de légalité et publiées au Journal Officiel de la République française ( article premier 44 ( * ) ).

c) La dissolution des offices

Selon le projet de loi, la collectivité territoriale de Corse peut décider de supprimer un ou plusieurs offices, par délibération expresse en ce sens.

Dans ce cas, elle se substitue à l'office (ou à l'agence de tourisme) concerné et exerce les compétences qu'elle reprend au moyen d'une régie dotée ou non de la personnalité morale, et dotée de l'autonomie financière.

La continuité des missions exercées et des droits des personnels est assurée ( articles 40 à 42 ).

d) Les transferts de biens, de services et de personnels

De façon classique, à l'image des lois de décentralisation précédentes, le projet de loi prévoit que les agents et services de l'Etat qui participent à l'exercice des compétences transférées à la collectivité territoriale de Corse seront mis à disposition de celle-ci.

Le président du conseil exécutif pourra disposer des services en question et adresser directement aux chefs de service les instructions nécessaires.

Les services chargés exclusivement de la mise en oeuvre d'une compétence nouvellement attribuée à la collectivité territoriale de Corse seraient transférés à celle-ci.

L'Etat mettrait gratuitement à la disposition de la collectivité territoriale de Corse les biens meubles et immeubles qu'il utilise pour l'exercice des compétences qu'il lui transfère ( article 30 ).

Les agents de l'Etat (fonctionnaires et non titulaires), dont le service est transféré à la collectivité territoriale de Corse, seraient mis à sa disposition jusqu'à ce que leur situation statutaire soit définitivement réglée ( article 31 ).

Les fonctionnaires de l'Etat travaillant pour un service transféré pourraient opter pour le statut de la fonction publique territoriale . Les mêmes possibilités sont reconnues aux agents non titulaires. Les agents disposeront d'un délai d'un an pour exercer leur droit d'option ; à défaut, les fonctionnaires seront considérés comme ayant choisi le maintien de leur statut d'Etat, tandis que les non titulaires seront réputés avoir opté pour la qualité de non titulaire territorial. Des conditions d'intégration et de reclassement sont précisées pour les fonctionnaires ayant choisi la fonction publique territoriale ( articles 32 et 33 ).

D'autre part, le projet de loi prévoit le transfert à la collectivité territoriale de Corse de la propriété des biens attachés aux compétences qui lui sont dévolues : monuments historiques, sites archéologiques, ports et aérodromes, réseau ferré, équipements hydrauliques, forêts. Il s'agit là d'une innovation par rapport aux lois de décentralisation qui ne prévoient généralement qu'une mise à disposition de ces biens.

e) Les dispositions diverses

Parmi les diverses dispositions contenues dans le projet de loi figurent notamment la création d'une conférence de coordination des collectivités territoriales de Corse , présidée par le président du conseil exécutif, ainsi que l' augmentation de six à huit du nombre des conseillers exécutifs .

2. Les dispositions relatives à la langue corse et à la culture

Le projet de loi comporte une douzaine de dispositions qui viennent compléter ou modifier le dispositif issu du statut de 1991, l'ensemble étant regroupé dans une nouvelle section intitulée « Identité culturelle de la Corse ».

Ces dispositions sont d'une portée juridique ou symbolique très inégale.

a) La planification scolaire

Ainsi, l'article 4 ne procède-t-il qu'à des réaménagements somme toute ponctuels de la planification scolaire en Corse. Il est cependant regrettable qu'il n'aille pas jusqu'au bout d'un processus de clarification nécessaire, et que, plutôt que de désigner les outils de cette planification par les dénominations communes et bien définies utilisées dans le code de l'éducation, il privilégie une terminologie spécifique et incertaine qui confère à l'ensemble du dispositif une originalité de façade et risque d'alimenter certains malentendus.

b) L'enseignement supérieur

Le projet de loi propose de transférer à la collectivité territoriale de Corse, qui assure déjà la construction et l'entretien des lycées, des collèges et d'une façon générale des établissements d'enseignement secondaire, ceux des établissements d'enseignement supérieur , ainsi que la gestion des biens, mais non des personnels, des instituts universitaires de formation des maîtres. Il autorise en outre la collectivité territoriale de Corse à développer, en matière d'enseignement supérieur et de recherche, des actions en partenariat avec des établissements d'enseignement supérieur et de recherche , actions qui viendraient en complément de la carte des formations supérieures arrêtée par l'Assemblée de Corse, et qui fait l'objet d'une convention tripartite entre la collectivité territoriale de Corse, l'Université de Corse et l'Etat. Cette disposition n'est pas dépourvue d'intérêt, dans la mesure où elle pourrait être l'occasion d'une fructueuse ouverture sur l'extérieur, mais suscite de fortes réserves de la part de l'Université de Corse.

c) L'enseignement de la langue corse

L'article 7, relatif à l'enseignement de la langue corse est certainement l'une des dispositions les plus commentées et les plus controversées du projet de loi.

Compte tenu de la variété des arguments auxquels elle a donné lieu, il n'est sans doute pas inutile de recadrer le débat.

• Celui-ci ne porte pas sur l'opportunité d'offrir ou non, dans le cadre du service public de l'éducation nationale, un enseignement facultatif de la langue corse . On peut en effet considérer que cette question est, en quelque sorte, déjà tranchée. La loi n° 51-46 du 11 janvier 1951, dite « Loi Deixonne », autorise déjà cet enseignement et le bénéfice de ses dispositions a été étendu à l'enseignement de la langue corse par un décret du 16 janvier 1974.

Sur ces fondements législatifs, qui ont été encore confortés par l'article premier de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989, le ministère de l'éducation nationale a pu mettre en place, par voie de circulaire, un enseignement de langue régionale. Une circulaire du 21 juin 1982 a consacré l'enseignement de ces langues régionales « comme une matière spécifique » dont l'enseignement devait toutefois reposer sur le volontariat des élèves et des enseignants. Plus récemment, une circulaire du 7 avril 1995 a précisé que cet enseignement pourrait prendre la forme, soit d'un enseignement d'initiation, dispensé à raison d'une à trois heures hebdomadaires, soit d'un enseignement bilingue dans lequel la langue régionale est à la fois langue enseignée et langue d'enseignement, à parité avec la langue française.

C'est dans ce contexte législatif et réglementaire que la « stratégie de l'Etat en Corse » a pu proposer, en février 1994, une généralisation de l'offre de cet enseignement à l'ensemble des élèves des classes primaires de Corse. Cet enseignement , d'après les renseignements recueillis sur place par la mission d'information de votre commission spéciale, est actuellement accessible à 80 % des élèves des écoles maternelles et élémentaires de Corse , et sa généralisation ne se heurte à aucun obstacle de nature juridique, mais à des motifs budgétaires, et à la difficulté de disposer d'un nombre suffisant d'enseignants.

Dans ces conditions, s'il ne se propose effectivement que de confirmer l'offre généralisée d'un enseignement facultatif de langue corse, le dispositif de l'article 7 est symboliquement fort, mais juridiquement inutile.

• Le débat ne porte pas non plus sur l'opportunité de rendre ou non cet enseignement juridiquement obligatoire .

Certes, les deux motions entre lesquelles se sont répartis les différents élus de l'Assemblée de Corse se sont prononcées en faveur d'un enseignement obligatoire de la langue corse. Mais tous les partenaires, dans ce débat public, sont parfaitement conscients que l'instauration, par la loi, d'un enseignement obligatoire de langue corse serait contraire aux principes constitutionnels.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel, garant de la conformité des lois à la lettre et aux principes de notre loi fondamentale, est en effet parfaitement explicite sur ce sujet. A deux reprises, une première fois à l'occasion de l'examen du statut de la Corse de 1991 45 ( * ) , et une seconde fois, à l'occasion de l'examen du statut de la Polynésie de 1996 46 ( * ) , le Conseil constitutionnel a rappelé, dans des termes très voisins, que l'enseignement d'une langue régionale dans le cadre de l'horaire normal des écoles était possible, à la double condition que cet enseignement ne revête pas un caractère obligatoire, et qu'il n'ait pas pour objet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers du service public de l'éducation.

Dans l'état actuel de notre Constitution et des principes qui l'inspirent, il n'est donc pas juridiquement possible d'instaurer, par la loi, un enseignement obligatoire de la langue corse.

• Dans ces conditions, le débat relatif au dispositif de l'article 7 se concentre sur la question suivante : dans quelle mesure la consécration symbolique d'un enseignement de langue corse ne risque-t-elle pas d'instituer, dans les faits, un enseignement obligatoire de cette langue ?

Votre commission spéciale estime que ce risque est très sérieux, particulièrement si une rédaction délibérément ambivalente du dispositif proposé par l'article 7 encourage certaines dérives.

Tel lui paraît le cas du dispositif proposé par le Gouvernement dans le projet de loi initial, qui dispose que : « la langue corse est enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, à tous les élèves, sauf volonté contraire des parents ou du représentant légal de l'enfant ».

Dans l'avis qu'il avait rendu au Gouvernement sur l'avant-projet, le Conseil d'Etat avait en effet censuré ce dispositif, estimant qu'« à la différence de la procédure d'inscription applicable à tous les autres enseignements optionnels », il « contraignait les représentants légaux de l'enfant à accomplir une demande expresse pour faire dispenser l'élève de l'obligation de suivre cet enseignement », ce qui revenait à « instituer dans les faits un enseignement obligatoire de la langue corse ».

Votre commission spéciale partage entièrement ce point de vue, et regrette que, malgré cet avertissement donné par la plus haute instance administrative de notre pays, le Gouvernement ait maintenu cette rédaction dans le texte qu'il a déposé devant l'Assemblée nationale.

d) La culture et la communication

Si l'article 8 ne se livre qu'à des réaménagements marginaux en matière de communication audiovisuelle , l'article 9 procède, en revanche, à une large redéfinition des compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière culturelle .

Dans le souci de lui conférer le rôle de « chef de file » réclamé en ce domaine par l'Assemblée de Corse, le projet de loi lui confère la responsabilité « de définir et de mettre en oeuvre la politique culturelle de Corse ».

On peut s'interroger, cependant, sur la cohérence d'un dispositif qui, dans le même paragraphe, envisage de conférer à la collectivité territoriale de Corse cette compétence de premier plan et s'empresse, dès la phase suivante de réaffirmer la compétence générale de l'Etat , qui reste chargé des « actions relevant de la politique nationale ».

L'article 9 confirme en outre un certain nombre de transferts spécifiques déjà réalisés par le statut de 1991, en étend la portée et les complète par une série de nouveaux transferts, notamment en matière d'archéologie, d'inventaire du patrimoine, de recherches ethnologiques. Le projet de loi initial précise que dans toutes ces actions, elle reste soumise au contrôle scientifique et technique de l'Etat.

Mesure la plus visible, le projet de loi transfère à la collectivité territoriale de Corse la propriété des monuments historiques classés et inscrits appartenant à l'Etat, situés sur son territoire, à l'exception des bâtiments occupés par les services de l'Etat. Il étend ce transfert à la propriété des sites archéologiques . L'Assemblée de Corse, favorable à ce transfert, souhaite cependant que celui-ci soit assorti des garanties nécessaires.

Enfin, le projet de loi partage entre le représentant de l'Etat et le président du Conseil exécutif le pouvoir de nomination des membres du Conseil des sites de Corse . Cet organisme, qui exerce en Corse des attributions dévolues, dans le reste du pays, à trois organismes distincts (la commission régionale du patrimoine et des sites, la commission spéciale des unités touristiques nouvelles et la commission départementale des sites), est constitué actuellement de 28 membres, nommés par le représentant de l'Etat et réunit des fonctionnaires de l'Etat, des représentants des diverses collectivités territoriales et des personnalités qualifiées. Votre commission spéciale se demande si ce partage du pouvoir de nomination permettra de continuer à assurer la nécessaire représentation des départements et des communes . Elle se demande en outre si, compte tenu des attributions importantes reconnues au conseil des sites sur des questions qui intéressent directement les collectivités locales, la prépondérance reconnue au président du Conseil exécutif de Corse ne risque pas de se traduire par une forme de tutelle que prohibe expressément le principe de la libre administration des collectivités territoriales ?

L'article 10 se propose de dispenser la collectivité territoriale de Corse de deux conditions qui étaient imposées par l'ancien article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales aux collectivités territoriales qui souhaitent créer des infrastructures de télécommunications . Mais cette disposition du projet de loi est vidée de sa portée depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juillet 2001 qui a modifié le dispositif de l'article L. 1511-6 précité et supprimé les deux conditions visées.

e) Le sport et l'éducation populaire

L'article 11 reconnaît, dans des termes conformes au principe de la libre administration des collectivités territoriales, une compétence générale à la collectivité territoriale de Corse pour conduire des actions en matière de promotion des activités physiques et sportives, d'éducation populaire et d'information de la jeunesse , tout en maintenant la possibilité pour l'Etat de mener les actions relevant de la politique nationale.

Il attribue également à la collectivité territoriale de Corse les subventions de fonctionnement de la part régionale du Fonds National pour le Développement du Sport (FNDS) destinées aux groupements sportifs locaux, qui étaient jusqu'alors affectés par le représentant de l'Etat, après consultation d'une commission consultative du FNDS constituée sur une base paritaire, de façon à y associer le mouvement sportif, représenté par des membres du comité régional olympique et sportif. Il est regrettable que la procédure envisagée par le projet de loi initial n'ait pas prévu de concertation avec le mouvement sportif .

3. Le volet aménagement et développement économique

a) Les dispositions relatives à l'urbanisme et à l'aménagement

Au sein du chapitre II du projet de loi, relatif aux compétences de la collectivité territoriale de Corse, les articles 12 à 16 modifient le régime applicable à l'aménagement de la Corse, tant en ce qui concerne les documents de planification , que les transports et les infrastructures .

L'article 12 du projet de loi fusionne les deux principaux documents d'urbanisme actuels (le plan de développement et le schéma d'aménagement de la Corse) en un seul, dénommé plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADU) .

Elaboré par la collectivité territoriale de Corse, le PADU définit les objectifs d'aménagement et de développement et les principes applicables à l'urbanisme dans l'île. Ni les objectifs assignés à ce document, ni sa procédure d'élaboration ne se distinguent de façon déterminante par rapport au régime antérieur : le document sera élaboré par la collectivité territoriale de Corse, puis soumis à enquête publique. En revanche, s'il a la même valeur juridique qu'une directive territoriale d'aménagement (DTA), le PADU n'est pas soumis aux principes généraux qui résultent des articles L. 121-1 et L. 144-2 du code de l'urbanisme et s'appliquent aux DTA.

L'innovation essentielle tient à ce que l'article L. 4424-10 nouveau du code général des collectivités territoriales tend à permettre à la collectivité territoriale de Corse de déroger à la loi « littoral » . Sur ce point, les dispositions contraires à la constitution qui caractérisaient l'avant-projet de loi ont été mises en évidence par le Conseil d'Etat qui a disjoint les dispositions du c) de l'article L. 4424-10 qui lui était soumis, compte tenu de l'absence de précisions suffisantes sur la nature, l'étendue et la portée des dérogations apportées à la loi « littoral » par des collectivités locales appelées à fixer un régime dérogatoire au droit commun déterminé par le législateur.

Dans le projet de loi initial, les innovations de l'article L. 4424-10 consistent en  :

- l'extension des compétences de l'Assemblée de Corse à la détermination de la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables (paragraphe I) ;

- la possibilité de créer des aménagements légers et des constructions non permanentes dans certains secteurs soumis à une forte fréquentation touristique (paragraphe II) ;

- l'octroi à l'Assemblée de Corse de la faculté de définir , en dérogeant à l'article L. 146-4-I du code de l'urbanisme, des règles d'extension de l'urbanisation prenant en compte les particularités géographiques locales (paragraphe III).

Ces dispositions étaient motivées par le désir de permettre à la collectivité territoriale de Corse d'instituer des dérogations à la loi et au règlement qualifiées par l'exposé des motifs de « dispositions législatives et réglementaires expérimentales ». Celles-ci auraient notamment consisté en des mesures d' « adaptation législative » par lesquelles l'Assemblée de Corse aurait pu, en vertu du III de l'article L. 4424-10 précité, moyennant une délibération particulière et motivée, fixer des règles d'extension de l'urbanisation « adaptées au particularités géographiques locales, portant dérogation aux dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ». Selon l'exposé des motifs du projet de loi, le caractère expérimental de ces dispositions et la limitation de leur validité à quatre ans aurait constitué un encadrement suffisant pour les rendre compatibles avec les principes édictés par Constitution.

b) Les transports et la gestion des infrastructures

Les articles 14 à 16 du projet de loi procèdent à des modifications tendant à mettre la législation nationale en conformité avec les textes communautaires , et à étendre la compétence de la collectivité territoriale de Corse à la gestion de certaines infrastructures .

L'article 14 du projet détermine le régime des obligations de service public susceptibles d'être imposées sur certaines liaisons aériennes ou maritimes, compte tenu des dispositions de deux règlements européens qui ont ouvert ces liaisons à la concurrence, en vertu du principe de libre accès des transporteurs dans le marché unique.

Le projet de loi, auquel l'Assemblée nationale n'a adopté que des amendements de portée limitée, prévoit que la collectivité territoriale de Corse peut :

- imposer des obligations de service public sur certaines liaisons aériennes ou maritimes pour assurer le respect du principe de continuité territoriale ;

- établir un régime d'aide individuelle à caractère social pour certaines catégories de passagers (article L. 4424-19 nouveau du CGCT).

S'agissant des infrastructures , des compétences nouvelles sont transférées à la collectivité territoriale de Co rse en matière de création, d'aménagement et de gestion :

- des ports maritimes de commerce et de pêche (article 15 du projet de loi, article L.4424-22 nouveau du CGCT) ;

- des aérodromes (article 15, article L.4424-23 nouveau du même code).

Enfin, le réseau ferré corse et les biens mis à disposition de l'Office d'équipement hydraulique sont transférés dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui est, d'ores et déjà, chargée de la gestion des lignes de chemin de fer.

c) Le développement économique

En matière de développement économique, le projet de loi tend à permettre à la collectivité territoriale de Corse de créer elle-même de nouveaux régimes d' aides aux entreprises et l'autorise, dans la limite d'un plafond, à participer à la constitution d'un fonds d'investissement auprès d'une société de capital-investissement pour apporter des capitaux propres aux entreprises. La référence à toute mesure réglementaire d'encadrement de ces prérogatives serait supprimée (article17) .

Il étend ses compétences dans le secteur du tourisme , en confortant son rôle d'orientation, d'impulsion et de coordination des initiatives publiques et privées et en lui confiant le pouvoir de prononcer le classement des stations, équipements et organismes touristiques. La définition des normes de classement resterait toutefois du ressort de l'Etat (articles 18 et 19) .

Déjà compétente en matière de développement agricole et rural, la collectivité territoriale de Corse serait désormais chargée de déterminer également les orientations du développement forestier de l'île. Cette compétence n'étant pas exclusive, elle devrait toutefois passer avec l'Etat une convention pour prévoir les conditions de mise en oeuvre de la politique forestière (article 20) .

Celui-ci lui transférerait la propriété des quelque 50.000 hectares de forêts domaniales , qui resteraient soumises au régime forestier et gérées par l'Office nationale des forêts. La compensation financière de ce transfert serait calculée par convention entre l'Etat, la collectivité territoriale et l'ONF (article 21) .

Enfin, les compétences de la collectivité territoriale de Corse seraient également étendues en matière de formation professionnelle : elle élaborerait, en concertation avec l'Etat, et mettrait en oeuvre le plan régional de la formation professionnelle des jeunes et des adultes et arrêterait le programme de l'ensemble des formations et des opérations d'équipement de l'Association nationale pour la formation professionnelle en Corse (article 22) .

d) L'environnement et les services de proximité
(1) L'environnement

L'article 24 transfère à la collectivité territoriale de Corse, compétence pour élaborer le plan régional pour la qualité de l'air , déterminer les réserves naturelles classées ou agréées , les monuments naturels et les sites protégés, ainsi que les inventaires de la faune et de la flore .

L'article 25 confère au président du Conseil exécutif de Corse la présidence du comité de massif et confie à la collectivité territoriale de Corse la répartition des crédits du fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire (FNADT) destinés au massif de Corse .

(2) L'eau et l'assainissement

L'article 26 du projet permet à la Corse de constituer, au plan juridique, un bassin à part entière doté d'un comité de bassin et d'un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) spécifiques.

S'agissant de la tarification de l'eau , l'article 27 prévoit que la collectivité territoriale de Corse pourra instituer un mode de calcul ne comportant pas de termes directement proportionnels au volume d'eau consommé , mais reposant sur :

- une part variable présentant un caractère de progressivité par tranche de consommation ;

- une part fixe, indépendante du volume d'eau consommé, tenant compte de tout ou partie des surcoûts des installations de production, de stockage et de traitement nécessaires pour faire face aux fortes variations de consommation.

(3) L'élimination des déchets

L'article 28 du projet de loi étend les compétences de la collectivité territoriale de Corse à l'élaboration des plans d'élimination des déchets et à la détermination des procédures d'élaboration, de publication et de révision de ces plans .

(4) L'énergie

L'article 28 du projet de loi n'apporte pas de modification de fond aux compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière d'énergie, tout au plus procède-t-il à une renumérotation d'articles par coordination.

4. Le volet fiscal et financier

Aucune des mesures fiscales du présent projet de loi ayant fait l'objet d'une notification à la commission européenne n'a, à ce jour, reçu l'aval de celle-ci. En 1996, l'accord donné par la Commission européenne au régime de la zone franche était intervenu avant le début de la discussion parlementaire.

En outre, il est regrettable qu'après la première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'ait pas pris la peine de notifier les dispositions introduites dans le texte par les députés.

a) L'aide fiscale à l'investissement

En matière fiscale et financière, la mesure « phare » du présent projet de loi est le dispositif d'aide fiscale à l'investissement, prévu à l' article 43 , appelé à succéder au régime de la zone franche de Corse. Ce dernier s'éteindra progressivement à compter de 2002.

Ce dispositif, centré sur l'aide à l'investissement et non plus sur l'aide à l'entreprise, comporte tout d'abord un crédit d'impôt, inspiré du dispositif mis en place outre-mer par l'article 21 de la loi de finances pour 2001. Le crédit d'impôt, dont le montant s'élève à 20 % du prix de revient des investissements, est réservé aux entreprises exerçant leur activité dans certains secteurs jugés prioritaires. Il s'accompagne de la mise en place d'une nouvelle exonération de taxe professionnelle, pendant cinq ans et jusqu'au 31 décembre 2012, pour les augmentations de bases correspondant à des immobilisations corporelles entrant dans l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

b) La sortie du régime de la zone franche de Corse

La rédaction initiale des articles 43 et 44 du projet de loi prévoyait également, en faveur des entreprises qui perdent le bénéfice des exonérations de taxe professionnelle et de charges sociales prévues par la zone franche, une prolongation de deux ans de ces avantages.

c) La normalisation du régime fiscal des successions

L' article 45 organise les conditions du retour, en 2015, de la Corse dans le droit commun en matière de fiscalité des successions, par des mesures d'incitation à la reconstitution des titres de propriété. Jusqu'à cette échéance, les héritiers de biens immobiliers situés en Corse pourront bénéficier d'un allongement du délai de déclaration des succession et d'une exonération de droits de mutation par décès.

d) Le programme exceptionnel d'investissement

L' article 46 prévoit le cadre général pour la mise en oeuvre en Corse d'un programme exceptionnel d'investissement d'une durée de quinze ans. Le contenu du programme fera l'objet d'une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse. La part de l'Etat dans le coût total ne pourra excéder 70 %.

e) La compensation des transferts de compétences

L' article 38 tire les conséquences financières des transferts de compétences prévus par le présent projet de loi en majorant la fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) perçu en Corse qui fait l'objet d'un reversement à la collectivité territoriale de Corse. Cette fraction est portée de 10 % à 16 %.

L' article 39 prévoit les conditions dans lesquelles le coût pour la collectivité territoriale de Corse de l'élaboration du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse pourra lui être compensé.

L'article 39 anticipe la possible suppression des offices agricoles et hydrauliques en supprimant le concours particulier qui leur était consacré au sein de la dotation générale de décentralisation de la collectivité territoriale de Corse. L' article 36 , en revanche, confirme le rôle de l'agence du tourisme pour la répartition de la dotation de continuité territoriale et lui ouvre la possibilité d'utiliser les reliquats constatés au titre de cette dotation pour financer des équipements portuaires et aéroportuaires.

III. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN TEXTE DIFFICILEMENT ACCEPTABLE ET INAPPLICABLE EN L'ÉTAT, MALGRÉ DES CORRECTIONS SIGNIFICATIVES

A. LA PARTIE INSTITUTIONNELLE

1. L'affirmation d'un pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale de Corse

L'Assemblée nationale a décidé d'inscrire dans la loi la dévolution d'un pouvoir réglementaire spécifique à la collectivité territoriale de Corse. Celui-ci s'exercerait dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par la loi.

2. Une tentative pour mettre en conformité avec la Constitution des dispositions permettant l'adaptation des lois et des décrets par la collectivité territoriale de Corse

L'Assemblée nationale a procédé à une réécriture complète de l'article premier, sur amendement de la commission des Lois, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, afin d'en aménager les dispositions qui encourent la censure du Conseil constitutionnel.

Concernant l'adaptation des dispositions réglementaires nationales par la collectivité territoriale de Corse , l'Assemblée nationale a indiqué qu'elle s'exercerait « dans le respect de l'article 21 de la Constitution ».

Ainsi, la collectivité territoriale de Corse pourrait demander à être habilitée par le législateur à fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île. Elle ne pourrait toutefois pas intervenir lorsqu'est en cause l'exercice d'une liberté individuelle ou d'un droit fondamental ( article premier ).

S'agissant de l' adaptation des lois par la collectivité territoriale de Corse, l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture aux termes de laquelle l'Assemblée de Corse « estime » tout d'abord que des dispositions législatives en vigueur ou en cours d'élaboration présentent, pour l'exercice des compétences de la collectivité territoriale, des difficultés d'application liées aux spécificités de l'île.

Puis, elle demanderait au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux lois en vigueur, en vue de l'adoption ultérieure par le Parlement de « dispositions législatives appropriées » .

La loi fixerait d'une part, la nature et la portée de ces expérimentations, d'autre part, les cas, conditions et délai dans lesquels la collectivité territoriale de Corse pourra faire application de ces dispositions, enfin, les conditions d'évaluation de cette expérimentation et les modalités de l'information du Parlement sur sa mise en oeuvre.

Les mesures prises à titre expérimental par la collectivité territoriale de Corse cesseraient de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement ne les adoptait pas ( article premier ).

3. La dissolution des offices

Le Gouvernement s'étant remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, celle-ci, a modifié la logique du projet de loi initial, en rendant impossible la continuation tacite des offices .

En l'absence de délibération expresse de l'Assemblée de Corse tendant à les maintenir en activité, les offices et l'agence du tourisme seraient dissous au 1 er janvier 2004 ( article 40 ).

De plus, l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement, a renforcé le pouvoir de contrôle et de tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur les offices et l'agence du tourisme, en permettant au président du conseil exécutif de modifier ou rapporter les actes de ces établissements ( articles 40 et 40 bis ).

4. Les transferts de services et de personnels

L'Assemblée nationale a allongé d'un à deux ans le délai du droit d'option ouvert tant aux fonctionnaires qu'aux agents non titulaires ( articles 32 et 33 ).

Elle a prévu deux rapports annuels rendant compte de l'organisation des services déconcentrés de l'Etat en Corse et présentant le bilan des transferts de personnels et de ressources réalisés au profit de la collectivité territoriale de Corse ( article 39 bis ).

5. Les dispositions diverses

L'Assemblée nationale a inséré un article 50 bis aux termes duquel la chambre régionale des comptes devra fournir à l'Assemblée de Corse un rapport sur les conditions d'exécution du budget, afin de l'éclairer avant le vote du compte administratif.

Cette disposition s'inspire directement du rapport sur la loi de règlement que la Cour des comptes remet chaque année au Parlement en application de l'article 47 de la Constitution et de l'article 36 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Par ailleurs, l'Assemblée de Corse pourrait demander à la chambre régionale des comptes de procéder à des vérifications c'est-à-dire, par exemple, d'effectuer pour son compte un contrôle des offices.

B. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA LANGUE CORSE ET À LA CULTURE

1. La planification scolaire

L'Assemblée nationale a opportunément précisé que l'élaboration des différents outils de planification scolaire , confiée à la collectivité territoriale de Corse, donnerait lieu à la consultation préalable du représentant de l'Etat, du Conseil économique, social et culturel de Corse, et des communes intéressées, procédure qui figurait dans le précédent statut mais que le projet de loi initial avait omis de reprendre ( article 4 ).

2. L'enseignement supérieur

Outre des modifications rédactionnelles dans le dispositif relatif à la carte des formations supérieures, l'Assemblée nationale a précisé que la possibilité reconnue par le projet de loi à la collectivité territoriale de Corse d'organiser ses propres actions complémentaires d'enseignement supérieur et de recherche ne devait pas empiéter sur les compétences de l'Etat en matière d'homologation des titres et diplômes ( article 5 ).

A l'article 6 , l'Assemblée nationale a procédé à la réécriture du dispositif transférant à la collectivité territoriale de Corse la gestion des biens des IUFM , de façon à ne viser, dans le code de l'éducation, que les dispositions qui portent sur celle-ci, à l'exclusion des dispositions portant sur les personnels affectés à la gestion et à l'entretien de ces bâtiments. Toutefois, son dispositif ne se réduit pas à un amendement de précision et, par le jeu d'une formulation ambiguë , risque de supprimer en Corse la possibilité , actuellement offerte aux départements par l'article L. 722-2 du code précité, de conserver , s'ils le souhaitent, les responsabilités qu'ils exercent à l'égard des bâtiments des anciennes écoles normales qui ont été transférés aux IUFM. Cette disposition ne serait pas sans conséquence en Corse, où les deux IUFM de Bastia et d'Ajaccio sont restés sous gestion départementale.

3. L'enseignement de la langue corse

Sans reconnaître explicitement que la rédaction du projet de loi initial revenait à instituer, dans les faits, un enseignement obligatoire de la langue corse , le Gouvernement et la commission des Lois de l'Assemblée nationale ont cependant préféré, par le dépôt de deux amendements identiques, lui substituer une autre rédaction qui a été adoptée en séance publique.

Cette rédaction, outre qu'elle précise opportunément que le dispositif s'applique aux écoles maternelles et élémentaires « de Corse », supprime la référence à la volonté des parents de dispenser leurs enfants de l'enseignement de la langue corse .

Cette suppression suffit-elle, paradoxalement, à affirmer le caractère facultatif de cet enseignement ? Le Gouvernement et l'Assemblée nationale le prétendent, en s'appuyant sur la grande ressemblance de cette nouvelle rédaction avec le dispositif de l'article 115 de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, lequel dispose que « la langue tahitienne est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires... ». Ils considèrent que le fait que le Conseil constitutionnel n'ait pas censuré cette formulation signifie qu'elle n'avait pas pour objet d'instaurer un enseignement obligatoire.

Tel n'est pas le sentiment de votre commission spéciale.

4. La culture

L'Assemblée nationale a complété le dispositif relatif à la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse pour coordonner leurs actions, en prévoyant que celle-ci pourrait également permettre à l'Etat de confier à la collectivité la mise en oeuvre de certaines des actions relevant de la politique nationale . Cet amendement a pour objet de donner satisfaction à une demande formulée par la collectivité territoriale de Corse qui, jugeant contradictoire et confuse la coexistence de « deux politiques parallèles », souhaite devenir l'acteur de référence de la conduite de l'action culturelle. Elle a voté une disposition semblable en matière de sport et d'éducation populaire .

Par le jeu de deux amendements distincts, elle a modifié l'emplacement du dispositif relatif au maintien du contrôle scientifique et technique de l'Etat , le supprimant dans le paragraphe relatif aux transferts de compétences spécifiques, mais l'ajoutant dans le paragraphe relatif aux compétences générales.

Elle a souhaité associer la collectivité territoriale de Corse aux procédures de classement des monuments historiques en lui confiant la co-présidence de la commission du patrimoine et des sites , alors que, comme on l'a vu plus haut, cet organisme n'existe pas en Corse, où ses attributions sont exercées par le Conseil des sites de Corse.

5. Le sport

L'Assemblée nationale a souhaité, fort à propos, restaurer une procédure de consultation du mouvement sportif, pour l'attribution des subventions du Fonds national pour le développement du sport, conférée par le projet de loi à l'Assemblée de Corse. Elle a institué à cet effet une commission territoriale pour le développement du sport composée pour moitié de représentants du mouvement sportif sans assurer l'exclusivité de cette représentation au comité régional olympique et sportif comme c'est le cas aujourd'hui en Corse et partout ailleurs en France.

C. LE VOLET AMÉNAGEMENT ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

1. Les dispositions relatives à l'urbanisme et à l'aménagement

A l'article 12 du projet de loi, l'Assemblée nationale a tenté d'encadrer les dispositions des premiers et troisième paragraphes. Cet article n'en contient pas moins des dispositions dont la constitutionnalité suscite de graves interrogations.

Au I , relatif à la détermination des espaces remarquables par l'Assemblée de Corse , l'Assemblée nationale a prévu que, pour établir une liste des espaces remarquables de Corse, l'Assemblée de Corse adopterait une délibération qui « tiendrait lieu d'un décret ». Si cette disposition tend, en transférant une partie du pouvoir réglementaire du chef du Gouvernement à la l'Assemblée de Corse, à interdire l'édiction d'un décret concurrent par rapport à sa délibération, elle porte atteinte à l'intégrité du pouvoir réglementaire dont le Premier ministre est investi en vertu de l'article 21 de la Constitution.

Au II , L'Assemblée nationale a précisé que les aménagements légers dont la création serait autorisée ne pourraient être affectés à aucune forme d'hébergement.

Au III , qui concerne la délimitation dans des espaces en principe inconstructibles en vertu de la loi « littoral », de zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées, l'Assemblée nationale a tenté d'apporter des améliorations au texte en instituant un système de compétence partagée entre la collectivité territoriale de Corse et les communes. La collectivité territoriale de Corse pourrait définir des espaces où « la topographie et l'état des lieux » justifient une dérogation à la règle de construction en continuité des constructions existantes. Ces zones ne pouvant être situées :

- ni dans les espaces et milieux remarquables visés au premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;

- ni dans les espaces, les paysages et les milieux offrant un intérêt esthétique indéniable ou présentant un aspect exceptionnel, caractéristique du patrimoine naturel et culturel de l'île ;

- ni dans les espaces nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes.

Si l'Assemblée nationale a voulu supprimer la faculté de procéder à des « adaptations législatives » et si elle a tenté de restreindre le champ des dérogations à la loi « littoral » au plan géographique par rapport au projet de loi initial, la référence à la « topographie » et celle à l' « état des lieux » ne saurait être regardée comme conforme à la Constitution. Le flou qui caractérise ces conditions revient à permettre à une autorité locale de déroger à la loi sans réel encadrement législatif. En d'autres termes, le texte proposé institue non pas des dérogations à la loi mais un pouvoir de déroger « à géométrie variable ».

Enfin, au IV , la disposition qui prévoyait que « l'expérimentation législative » serait limitée à quatre année, a été supprimée.

2. Les transports et la gestion des infrastructures

La principale modification adoptée en matière de transports par l'Assemblée nationale tient à ce qu'en vertu de l'article 14 du texte, l'Assemblée de Corse serait compétente pour déterminer la liste des routes à grande circulation.

3. Le développement économique

En première lecture, l'Assemblée nationale a eu pour principal souci de renforcer les moyens de contrôle de la collectivité territoriale de Corse sur les instruments du développement économique de l'île que constituent les offices et agences.

Elle a ainsi placé l'Agence du Tourisme, l'Office d'équipement hydraulique, l'Office de développement agricole et rural et l'Office d'équipement hydraulique de Corse sous sa tutelle et prévu une représentation majoritaire des membres de l'Assemblée de Corse au sein de leur conseil d'administration ( articles 18 et 20 ).

C'est apparemment dans cet esprit et afin d'introduire plus de cohérence dans les actions conduites sur l'île qu'elle a prévu la signature d'une convention entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat pour la mise en oeuvre de ses orientations dans le domaine agricole ( article 20 ).

4. L'environnement

Initialement consacré à des dispositions de coordination, l'article 23 du projet de loi a été modifié par l'Assemblée nationale afin de :

- soumettre l'Office de l'environnement , dont les compétences demeurent inchangées, à la tutelle de la collectivité territoriale de Corse ;

- prévoir que cet établissement public est doté d'un conseil d'administration dont la majorité est composée de représentants élus de l'Assemblée de Corse ;

- transférer de l'Etat à la collectivité territoriale de Corse les compétences relatives à la création de réserves de chasse et de faune sauvage, de réserves naturelle de chasse et d'établissement de plans de chasse .

5. L'eau et l'assainissement

S'agissant de la tarification de l'eau , l'article 27 du projet de loi initial prévoyait, qu'en Corse, à titre expérimental, les redevances d'eau et d'assainissement pourraient comporter une part variable présentant un caractère de progressivité par tranche de consommation et une part fixe, indépendante du volume d'eau consommé, tenant compte de tout ou partie des surcoûts des installations de production, de stockage et de traitement nécessaires pour faire face aux fortes variations de consommation.

Considérant que ce texte anticipait sur la future loi sur l'eau, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui transfère à la collectivité territoriale de Corse une compétence relevant actuellement du préfet afin de fixer des modalités spécifiques de détermination du prix de l'eau.

D. LE VOLET FISCAL ET FINANCIER

L'Assemblée nationale n'a pas remis en cause l'économie générale des mesures proposées par le projet de loi initial. Plusieurs des modifications auxquelles elle a procédé sont cependant substantielles.

1. L'aide fiscale à l'investissement

L'Assemblée nationale a souscrit à la logique du crédit d'impôt. Elle a cependant souhaité apporter des modifications à la liste des secteurs éligibles à cet avantage fiscal. Elle a élargi le bénéfice du crédit d'impôt à certaines activités touristiques, qu'elle a regroupé sous le libellé « activités de loisir à caractère artistique, sportif ou culturel ». Elle a également précisé que les entreprises artisanales et celles de commerce de détail ne seraient pas éligibles au crédit d'impôt lorsqu'elles exercent leur activité en zone de revitalisation rurale, mais dans des zones rurales définies par décret.

L'Assemblée nationale a étendu l'assiette de l'exonération de taxe professionnelle à l'ensemble des immobilisations corporelles relatives à des créations ou extensions d'établissement.

2. La sortie du régime de la zone franche urbaine

L'Assemblée nationale a porté à trois ans la durée de la prolongation de l'exonération de taxe professionnelle, mais n'a pas adopté un amendement présenté par le Gouvernement tendant à porter à trois ans le dispositif de sortie du régime de l'exonération de charges sociales.

En revanche, en adoptant contre l'avis du Gouvernement un amendement devenu l' article 44 bis , l'Assemblée nationale a étendu, pour une durée non limitée, à toutes les entreprises implantées en Corse la majoration du montant des exonérations réservées aux entreprises engagées dans un processus de réduction de la durée du travail, réservée aujourd'hui aux entreprises éligibles à l'exonération prévue par la zone franche, et pour la durée pendant laquelle elles en bénéficient.

3. La normalisation du régime fiscal des successions

L'Assemblée nationale a raccourci la période de retour progressif au droit commun en matière de fiscalité des successions en portant son terme au 31 décembre 2012. Le Gouvernement s'en est remis à sa sagesse.

Ce faisant, l'Assemblée nationale a souhaité tenir compte des observations qui avaient conduit le Conseil d'Etat à « disjoindre » l'article 45, selon lequel le dispositif proposé par le Gouvernement laissait subsister pendant une durée trop longue des différences de traitement entre propriétaires en raison de la seule localisation géographique de leurs immeubles.

Elle a également adopté un amendement, présenté par le rapporteur au nom de la commission des Lois et par notre collègue député Charles de Courson, tendant à exclure du bénéfice de l'allongement des délais de déclaration et de l'exonération de droits de succession les immeubles et droits immobiliers acquis en Corse à compter de l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi.

La prise en charge par l'Etat d'une partie des arriérés de cotisations patronales dues par les employeurs de main d'oeuvre agricole

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement, devenu l' article 45 bis , tendant à mettre en place un dispositif de prise en charge par l'Etat de la moitié des arriérés de cotisations patronales dues au titre des périodes antérieures à 1999 par les employeurs de main d'oeuvre agricole exerçant leur activité en Corse.

Cet article constitue une nouvelle mouture d'un dispositif déjà adopté par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative de l'hiver 2000. Le Sénat avait alors supprimé cet article, le jugeant contraire à la Constitution. Il avait été suivi par le Conseil constitutionnel, qui avait annulé la disposition.

IV. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

A. LES PROPOSITIONS CONCERNANT LE VOLET INSTITUTIONNEL

1. Les spécificités corses ne justifient pas qu'un pouvoir d'expérimentation législative et qu'un pouvoir réglementaire soient dévolus à la collectivité territoriale de Corse

Votre commission spéciale vous propose de définir dans la loi les spécificités corses qui justifient une adaptation au droit commun des régions ( article additionnel avant l'article premier ).

a) Le pouvoir d'adaptation législative

Votre commission spéciale vous propose de supprimer le pouvoir d'adaptation législative conféré à la collectivité territoriale de Corse ( IV de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé par l' article premier ).

L'article premier du projet de loi s'apparente en tout points à un article de la Constitution , en ce qu'il répartit le pouvoir normatif entre plusieurs autorités et institue une procédure calquée sur celle des ordonnances de l'article 38 de la Constitution.

Or, sous la Vème République, le législateur n'a pas la compétence de sa compétence .

La justification évoquée au dispositif imaginé résulte non d'une disposition expresse de la Constitution, mais de l'habile sélection d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui n'a rien à voir avec les collectivités locales : la décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993.

La validité de cette décision, qui sert de fondement au raisonnement du Gouvernement, est contestée par l'Assemblée nationale elle-même.

La commission des Lois de l'Assemblée nationale a en effet admis que « la transposition de la décision du Conseil constitutionnel relative aux établissements publics universitaires à la collectivité territoriale de Corse pourrait être de nature à soulever des difficultés en l'absence de révision constitutionnelle préalable 47 ( * ) . » Elle avait fait le même constat dès janvier 2001 : « la transposition de cette jurisprudence aux collectivités locales en l'absence de révision constitutionnelle apparaît pour le moins hasardeuse, tant elle heurte de nombreux autres principes constitutionnels » 48 ( * ) .

La méconnaissance du cadre déjà fixé par le Conseil constitutionnel dans la décision du 9 mai 1991 doit être dénoncée : le Conseil n'avait alors validé l'organisation spécifique à caractère administratif de la collectivité territoriale de Corse que dans la mesure où « ni l'assemblée de Corse ni le conseil exécutif ne se [voyaient] attribuer des compétences ressortissant au domaine de la loi

Par ailleurs, l'existence de « précédents » en matière d'expérimentation locale a parfois été évoquée pour justifier la dévolution d'un pouvoir législatif à titre expérimental à la collectivité territoriale de Corse (revenu minimum d'insertion, prestation spécifique dépendance, régionalisation ferroviaire).

Tout en soulignant l'intérêt que revêt le principe de ces expérimentations, votre commission spéciale ne peut que constater que l'article premier du projet de loi ne se situe pas du tout sur le même plan, en ce qu'il confère à la collectivité territoriale non l'exécution d'une nouvelle attribution, mais le pouvoir de déterminer le droit applicable.

Votre commission spéciale ajoute que, même s'il était adopté en l'état, le dispositif n'aurait pas le temps d'être opérationnel . En effet, la « phase 2004 » évoquée par l'exposé des motifs du projet de loi suppose l'évaluation préalable des expérimentations normatives par la collectivité territoriale de Corse. Or, compte tenu des conséquences des échéances électorales nationales sur le calendrier législatif, les « lois d'habilitation » ne pourraient pas être votées avant le second semestre 2002. Quelle expérimentation pourrait être sérieusement entreprise, porter ses fruits et donner lieu à une évaluation entre octobre 2002 et mars 2004 ?

b) Le pouvoir réglementaire « propre » et le pouvoir d'adaptation des règlements nationaux

En vertu de l'article 21 de la Constitution, sous réserve des prérogatives du Président de la République, le pouvoir réglementaire de droit commun appartient au Premier ministre. Dans le cadre constitutionnel qui est actuellement le nôtre, la reconnaissance d'un pouvoir réglementaire à d'autres autorités publiques est résiduelle et strictement encadrée.

L'article premier ouvre une brèche dans l'article 21 de la Constitution, car il ne précise pas si le pouvoir réglementaire du Premier ministre pourra s'exercer concurremment à celui de la collectivité territoriale de Corse, ou s'il s'agit d'un pouvoir exclusif. En effet, l'expression : « dans le respect de l'article 21 de la Constitution », pour maladroite qu'elle soit, ne concerne que le deuxième alinéa du II de l'article premier (pouvoir d'application des lois) et non le premier alinéa (pouvoir réglementaire « propre » de la collectivité territoriale de Corse).

Votre commission spéciale vous propose donc de supprimer la dévolution d'un pouvoir réglementaire à la collectivité territoriale de Corse ( II de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé par l'article premier ).

2. La reconnaissance d'un pouvoir normatif à une collectivité locale et l'adaptation des règlements nationaux sont des idées intéressantes mais qui nécessitent une révision préalable de la Constitution et doivent être envisagées dans un cadre global

Le Sénat a toujours été attentif à la nécessaire souplesse dans l'application des lois et des règlements au niveau local. Certaines règles ne justifient pas une application uniforme sur l'ensemble du territoire national.

Toutefois, les expérimentations locales doivent être mises en conformité tant avec le principe constitutionnel d'égalité devant la loi qu'avec la répartition du pouvoir normatif sous la Vème République. C'est pourquoi, une révision constitutionnelle préalable est nécessaire.

L'adoption par l'Assemblée nationale le 16 janvier 2001, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse, de la proposition de loi constitutionnelle tendant à introduire dans la Constitution un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales , dite « proposition de loi Méhaignerie », souligne, comme le relève le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, que « la reconnaissance d'un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales est, pour l'essentiel, incompatible avec le cadre constitutionnel actuel . »

Sans doute sommes-nous arrivés au bout de ce que la Constitution actuelle permettait. Il n'est pas interdit d'envisager la suite dans un cadre constitutionnel rénové. A l'initiative du président Christian Poncelet, le Sénat a ainsi adopté une proposition de loi constitutionnelle en ce sens. Votre commission spéciale estime que les avancées résultant d'une éventuelle révision constitutionnelle devront s'inscrire dans un cadre plus général intéressant l'ensemble des collectivités locales, et non être limitées à la seule collectivité territoriale de Corse.

A cet égard, votre rapporteur vous soumet une idée de révision constitutionnelle : la reconnaissance des « lois déclinables ». Partant du constat que la Constitution ne reconnaît que deux types de lois : les lois ordinaires et les lois organiques, il convient sans doute de prévoir une autre forme de loi, qui serait susceptible d'application différenciée sur le territoire national.

B. LA SUPPRESSION DES OFFICES ET L'ENCADREMENT DES CONDITIONS DE LEUR RE-CREATION SUR DES FONDEMENTS ASSAINIS

Votre commission spéciale tient à rappeler que la décision de maintenir ou de supprimer les offices ne peut appartenir à la collectivité territoriale de Corse. Elle relève du législateur, dans la mesure où les offices ont été créés par la loi .

Elle vous proposera de supprimer par la loi les offices existants .

En revanche, la collectivité territoriale de Corse pourra « re-créer » des offices qui fonctionnent actuellement dans des conditions rigoureuses , notamment au regard de leur activité industrielle et commerciale et de leur autonomie financière.

Elle vous proposera de préciser les conditions dans lesquelles certains des offices, recréés par la collectivité territoriale de Corse exerceront leur activité sur des fondements sains et renouvelés. Il s'agit notamment de la maîtrise du conseil d'administration par les élus et de l'exercice du pouvoir de tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur ces nouveaux établissements.

Les droits des personnels des offices seront préservés. En aucun cas, la dissolution des offices ne conduira à la remise en cause du statut des agents, qu'ils conserveront, à titre individuel ( articles 40 à 42 ).

C. LE VOLET ÉDUCATIF ET CULTUREL

Les modifications que votre commission spéciale vous propose d'adopter en matière d'éducation et de culture ont pour objet de mener à son terme le travail de mise en conformité du projet de loi avec la Constitution, déjà commencé par l'Assemblée nationale, de préserver les prérogatives des collectivités locales autres que la collectivité territoriale de Corse, et enfin de conforter le rôle d'instrument d'ouverture que peut et doit jouer l'enseignement de la langue corse.

1. La planification scolaire et l'enseignement supérieur

Votre commission spéciale vous propose à l'article 4 , en matière de planification scolaire , de substituer les dénominations habituelles et explicites du code de l'éducation, aux expressions originales et mal définies du projet de loi qui confèrent au dispositif une originalité de façade et sont une source inutile de confusion.

Sans mettre en question le transfert à la collectivité territoriale de Corse par l'article 6 des attributions exercées par l'Etat en matière de gestion des biens des IUFM , elle propose un dispositif préservant la possibilité, actuellement reconnue aux départements , de conserver la gestion des IUFM issus des anciennes écoles normales.

2. L'enseignement de la langue corse.

L'Assemblée nationale a adopté une rédaction de l'article 7 qui reprend, à peu de choses près, le dispositif de l'article 115 du statut de la Polynésie sur l'enseignement de la langue tahitienne.

Considérant que ce dispositif n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence en ce domaine est bien connue, elle en a déduit que l'enseignement qu'il institue est facultatif.

Votre commission spéciale considère que cette interprétation méconnaît le sens et la portée de la décision n° 96-373 49 ( * ) . Celle-ci n'a pas pour objet de valider le dispositif concerné, en considérant qu'il instaure un enseignement optionnel, mais d'assortir cette validation de réserves interprétatives , pour préciser à quelles conditions ce dispositif pourra être considéré comme respectueux des principes et des règles de valeur constitutionnelle.

Il est important de rappeler intégralement ici le texte de ce « considérant » :

« Considérant que le deuxième alinéa de l'article 115 prévoit l'enseignement de la langue tahitienne dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires ainsi que dans les établissements du second degré ; qu'un tel enseignement ne saurait toutefois , sans méconnaître le principe d'égalité, revêtir un caractère obligatoire pour les élèves ; qu'il ne saurait non plus avoir pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements du territoire aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci ; que, sous ces réserves , cet article n'est contraire à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle.»

Cette décision pointe les ambiguïtés du dispositif concerné et constitue un avertissement dont le législateur doit tenir compte.

Telle est l'intention de votre commission spéciale. Celle-ci considère que, s'il n'est pas illégitime d'apporter, à l'occasion de la discussion du projet de statut de l'île, une consécration symbolique à l'enseignement de la langue corse, il est tout aussi indispensable, pour éviter tout malentendu et toute dérive, de consacrer, de façon tout aussi symbolique, la liberté de suivre ou non cet enseignement.

Car votre commission spéciale considère que la rédaction proposée par l'Assemblée nationale ne peut être interprétée comme instaurant un enseignement facultatif que par une référence implicite à la décision n° 96-373 du Conseil constitutionnel.

Comme le principe qui veut que « nul n'est censé ignorer la loi », a pour corollaire que la loi doit être compréhensible par tous, et même, ou plutôt d'abord, par les non initiés, elle vous proposera donc de sortir de cette ambiguïté .

Elle aurait pu imaginer de compléter le dispositif adopté par l'Assemblée nationale d'un deuxième alinéa qui reprenant, de façon explicite cette fois, les conditions posées par le Conseil constitutionnel, rappellerait que l'enseignement de la langue corse ne saurait revêtir un caractère obligatoire, ni avoir pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les écoles primaires de Corse aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers du service public de l'enseignement.

Elle vous propose, plus simplement, d'adopter une disposition précisant que la langue corse est une matière dont l'enseignement est proposé aux élèves des écoles de Corse.

Elle vous propose, en outre, d'adopter un paragraphe additionnel modifiant l'organisation du CAPES de corse , de façon à l'aligner sur les modalités qui prévalent pour les autres CAPES de langues régionales et qui, comportant des épreuves dans une discipline à option, permettent au titulaire de ce certificat d'enseigner aussi une autre matière. Outre qu'elle est un gage d'ouverture, cette polyvalence permettra aux enseignants de langue corse d'élargir leurs possibilités de carrière, en évitant de les enfermer dans une voie trop étroite.

3. Culture et communication

Sans remettre en question le principe d'un partage du pouvoir de nomination des membres du conseil des sites de Corse entre le représentant de l'Etat et les pouvoirs locaux élus, elle vous propose cependant de ne pas concentrer celui-ci entre les mains du seul président du conseil exécutif de Corse au risque de lui confier une sorte de pouvoir de tutelle contraire à l'autonomie des collectivités, mais de le répartir entre les différents niveaux de collectivités territoriales.

Votre commission spéciale vous propose de favoriser le développement des communications en Corse en incluant son territoire dans les zones géographiques qui peuvent bénéficier de la possibilité envisagée dans le nouveau dispositif de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, d'abaisser le tarif de location des infrastructures de télécommunications proposé aux opérateurs.

4. Sport et éducation populaire

Votre commission vous propose, en matière de sport et d'éducation populaire, de conforter par un premier amendement le caractère facultatif de la convention que l'Etat et la collectivité territoriale passent pour coordonner leurs actions respectives, ainsi qu'un second amendement précisant que la représentation du mouvement sportif au sein de la commission territoriale pour le développement du sport en Corse est assurée par des membres du comité régional olympique et sportif.

D. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'URBANISME ET À L'AMÉNAGEMENT

1. Clarifier le régime juridique du PADU

Votre commission spéciale souscrit à l'idée de confier à la collectivité territoriale de Corse compétence pour élaborer le Plan d'aménagement et de développement durable (article 12). Elle vous propose cependant :

- de renvoyer au code de l'urbanisme les dispositions concernant la mise en oeuvre du PADU (que le projet de loi propose de codifier aux articles L. 4424-11 à L. 4424-15 du code général des collectivités territoriales) eu égard à son caractère de document d'urbanisme ;

- de soumettre le PADU, qui a les mêmes effets qu'une directive territoriale d'aménagement (DTA) à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme qui détermine les règles générales applicables à l'ensemble des documents d'urbanisme, et auquel les DTA elle mêmes doivent être conformes ;

- de conserver des dispositions codifiées à l'article L. 144-2 du code de l'urbanisme et de soumettre le PADU à diverses dispositions générales applicables aux documents d'urbanisme (notamment aux articles L. 111-1 à L. 112-3 du code rural, aux servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol aux dispositions nécessaires à la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt national, à la législation relative à la protection des sites et des paysages et des monuments classés ou inscrits) ;

- de faire primer un projet déclaré d'intérêt général sur le contenu du PADU ;

2. Supprimer des dispositions qui pourraient porter atteinte au littoral de Corse

Votre commission spéciale vous propose de supprimer les trois premiers paragraphes de l'article L. 4424-10. En effet, le texte du projet de loi transmis au Sénat est susceptible de susciter des espoirs infondés et d'occasionner de graves incertitudes juridiques, voire de porter atteinte au littoral :

- son paragraphe I est susceptible de porter atteinte à l'intégrité du pouvoir réglementaire du Premier ministre en conférant à la délibération de l'Assemblée de Corse la valeur d'un décret et pourrait susciter de graves incertitudes juridiques et de nombreux contentieux ;

- son paragraphe II soulève, outre des difficultés techniques fort complexes , une grave question de principe , puisqu'il revient à autoriser la construction de « paillotes » dans la bande des cent mètres ;

- son paragraphe III aboutit à donner, de façon subreptice, à la collectivité territoriale de Corse compétence pour déroger à la loi « littoral » , en lui permettant de définir des zones d'urbanisation future dérogatoire, en fonction d'une référence très floue à « la topographie et l'état des lieux », ce qui constitue un quasi « blanc-seing ».

3. Apporter une vraie réponse aux difficultés suscitées par l'application de la loi « littoral »

Constatant que la première caractéristique du littoral de Corse est d'avoir été largement préservé de l'urbanisation , et qu'il faut le protéger pour permettre un développement touristique de l'île tout en apportant quelques aménagements à la loi littoral, il vous est proposé de :

- mesurer, avant toute chose, la réalité des contraintes excessives que la législation en vigueur fait peser sur certaines communes du littoral de Corse ;

- donner un degré de liberté supplémentaire à la possibilité d'urbaniser par rapport à la situation actuelle, dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable ;

- créer un mécanisme d'autorisation d'une urbanisation limitée des espaces proches du rivage, en contrepartie d'un don de terrains au Conservatoire du littoral .

4. Faciliter la gestion et la protection du littoral

Votre commission spéciale estime qu'il faut saisir l'occasion de la discussion de ce projet de loi pour faciliter le règlement de divers problèmes récurrents qui mettent en péril le littoral . C'est pourquoi elle vous propose de :

- fixer le principe d'une délimitation du domaine public maritime en Corse, à l'instar de ce qui a été réalisé, dans certaines îles, au cours de ces dernières années ;

- de déclarer inconstructibles , tant qu'ils n'auront pas retrouvé leur aspect antérieur, les espaces qui en auront été victimes d'un incendie criminel ou dont l'origine reste inconnue ;

- d'attribuer une aide financière exceptionnelle aux communes de Corse qui ne sont pas dotées d'un plan local d'urbanisme ;

- de repousser de quatre ans, en Corse, le délai fixé par l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme pour l'entrée en vigueur d'une disposition de la loi « SRU » qui limite la possibilité d'ouvrir certaines zones à l'urbanisation ;

- d'autoriser la réalisation de véritables aménagements légers (sanitaires fixes, chemins piétonniers, observatoires de la faune), sous réserve de l'adoption d'un plan d'aménagement du site, dans des espaces « remarquables » .

5. Les transports et la gestion des infrastructures

• Améliorer le texte de l'Assemblée nationale quand cela est possible

Votre commission spéciale considère :

- que la faculté donnée à la collectivité territoriale de Corse de fixer la liste des routes à grande circulation constitue un véritable « cadeau empoisonné » , C'est pourquoi, elle souhaite supprimer cette disposition et laisser à l'Etat le soin d'appliquer la législation qu'il édicte ( article 14 ) ;

- qu'il est souhaitable de combler le vide juridique qui surviendra à l'expiration des conventions de concession relatives à l'exploitation des aéroports , à la fin de l'année 2001, en instituant une période transitoire deux ans à compter de la date d'expiration des conventions de concession , pendant laquelle la collectivité territoriale pourra choisir son le mode de gestion qui lui apparaîtra le plus approprié.

• Supprimer les dispositions dont la conformité par rapport à l'article 21 de la Constitution est douteuse

Plusieurs dispositions concernant les transports et l'environnement susceptibles de porter atteinte à l'exercice du pouvoir réglementaire du Premier ministre ont été votées par l'Assemblée nationale, à l'instar de celles qui confient à la collectivité territoriale de Corse la définition de mesures qui relèvent, selon le droit commun, d'un décret en Conseil d'Etat. Il en va ainsi, de :

- la possibilité pour l'Assemblée de Corse de prendre une délibération pour déterminer une liste des espaces remarquables qui « tient lieu » du décret visé par l'article L. 146-6 du code général des collectivités territoriales ;

- la fixation de la composition du comité de massif de Corse (deux derniers alinéas de l'article 25) ;

- la détermination, par l'Assemblée de Corse de la procédure d'élaboration du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (article 26-I- dernier alinéa) ;

- la fixation, par l'Assemblée de Corse, de la composition et des règles de fonctionnement du comité de bassin où siègent des représentants de l'Etat (article 26-II- dernier alinéa) ;

- la détermination de la composition et des règles de fonctionnement de la commission locale de l'eau qui est consultée sur questions intéressant la défense nationale (article 26-III-dernier alinéa).

Votre commission spéciale vous propose de supprimer ces dispositions.

6. Le développement économique

Votre commission spéciale propose de clarifier la répartition des compétences entre l'Etat, la collectivité territoriale de Corse et les autres collectivités locales dans les secteurs touchant au développement économique de l'île.

S'agissant du tourisme, elle souhaite supprimer la possibilité reconnue à la collectivité territoriale de Corse de prononcer le classement des stations touristiques , qui s'apparenterait à une forme de tutelle d'une collectivité sur une autre (article 19) .

Les dispositions relatives à la formation professionnelle témoignent tout particulièrement du manque de cohérence entre les projets de loi relatifs à la Corse et à la démocratie de proximité (article 22) . Dans un souci de clarification, votre commission propose :

- de conserver la mention selon laquelle la collectivité territoriale de Corse assure la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue dans les conditions prévues pour les régions par le code de l'éducation ;

- de supprimer les dispositions relatives au plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes et des adultes, moins complètes que celles contenues dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité ;

- de maintenir les dispositions relatives aux relations entre la collectivité territoriale de Corse et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui vont dans le sens des préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation ;

- de rétablir les dispositions du droit en vigueur relatives à la mise en oeuvre des programmes prioritaires financés sur les crédits du Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, même si l'adoption du projet de loi relatif à la démocratie de proximité imposera de modifier ce texte pour coordination.

E. RENDRE PLUS ATTRACTIF LE DISPOSITIF FISCAL ET FINANCIER

1. L'aide fiscale à l'investissement

Votre commission spéciale souscrit à la logique du crédit d'impôt prévu à l'article 43. Elle vous suggère cependant d'améliorer le dispositif proposé sur plusieurs points :

- en étendant le bénéfice du crédit d'impôt, au taux réduit de 10 %, aux secteurs exclus du bénéfice du taux de 20 %, à condition que leur éligibilité ne soit pas contraire au droit communautaire ;

- en étendant la liste des secteurs éligibles au crédit d'impôt au taux de 20 % ;

- en permettant aux entreprises soumises au régime des micro-entreprises qui adopteraient un régime réel d'imposition dans les deux ans de l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi de bénéficier du crédit d'impôt pour leurs investissements réalisés à compter de 2002 ;

- en permettant aux repreneurs d'un investissement dont l'acquisition a ouvert droit au crédit d'impôt de bénéficier de la fraction de celui-ci qui n'a pas été utilisée par l'acquéreur initial.

S'agissant de la nouvelle exonération de taxe professionnelle, votre commission spéciale souhaite :

- étendre le bénéfice de l'exonération pendant cinq ans à toutes les créations et extensions d'établissement réalisées entre 2002 et 2012 ;

- prévoir explicitement les modalités de la compensation versée aux collectivités locales.

2. La sortie du régime de la zone franche urbaine

Votre commission spéciale souhaite compléter le dispositif de sortie en trois ans proposé en matière de taxe professionnelle en portant la durée de sortie « en sifflet » de l'exonération de charges sociales de deux à trois ans.

Elle vous propose par ailleurs la mise en place d'une sortie en trois ans pour les entreprises qui perdent le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés, ainsi que pour celles qui bénéficient de l'exonération d'imposition forfaitaire annuelle.

3. La normalisation du régime fiscal des successions

Votre commission spéciale approuve la logique du dispositif proposé pour le retour progressif de la Corse dans le droit commun, mais souhaite renforcer la sécurité juridique des héritiers de biens immobiliers situés en Corse en :

- réduisant à six mois le délai de déclaration des biens non immobiliers et immobiliers pour lesquels les titres de propriété existent à la mort du défunt et a précisé que le délai de vingt-quatre mois s'appliquait à tous les biens immobiliers pour lesquels les titres de propriété n'existent pas à la mort du défunt ;

- en précisant que, dans ce dernier cas, les sanctions du défaut de déclaration et de la non reconstitution des titres ne pouvaient s'appliquer qu'à compter des vingt-quatre mois du décès, et non des six mois comme dans le dispositif issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Votre commission spéciale estime nécessaire d'accentuer les incitations à la reconstitution des titres de propriété en créant une exonération de droits de mutation à titre gratuit entre vifs pour les donations intervenant entre 2002 et 2012 et concernant des biens et droits immobiliers pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt.

Elle prévoit également d'exonérer de droits de succession les biens et droits immobiliers situés en Corse lorsque leur acquisition, même postérieure à l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi, a permis de sortir de l'indivision .

Elle propose un amendement revenant au texte initial du projet de loi s'agissant de la durée d'application de l'exonération de droits de succession. Le retour au droit commun serait effectif au 1 er janvier 2016.

4. La prise en charge par l'Etat d'une partie des arriérés de cotisations patronales des employeurs de main d'oeuvre agricole

Votre commission spéciale vous propose la suppression de l'article 45 bis , considérant que sa constitutionnalité peut valablement être mise en doute, et que les libertés prises par cet article avec la loi fondamentale sont en tout état de cause disproportionnées au regard de l'impact de la mesure proposée sur l'endettement des agriculteurs exerçant leur activité en Corse.

5. La compensation des charges transférées

Votre commission spéciale constate que la fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) perçu en Corse que l'article 38 propose d'affecter à la collectivité territoriale de Corse ne permet pas d'assumer une part suffisante du coût pour la collectivité territoriale de Corse des compétences transférées.

Conformément au principe selon lequel les transferts de compétences à des collectivités locales doivent prioritairement être financés par la fiscalité , elle vous suggère de porter à 18 % la fraction du produit de la TIPP perçu en Corse reversée à la collectivité territoriale de Corse. Ce faisant, elle n'accroît pas le montant des ressources versées à la collectivité territoriale de Corse, mais réduit la part des dotations budgétaires dans le montant total de la compensation des transferts de compétences, au profit des ressources fiscales.

F. LES DISPOSITIONS DIVERSES

Parmi les dispositions diverses figurant dans le projet de loi, votre commission spéciale vous propose de supprimer :

- l'article 50 bis , relatif à l'information de l'Assemblé de Corse par la chambre régionale des comptes, qui s'avère inapplicable dans sa rédaction actuelle, inconciliable avec les procédures du contrôle budgétaire et du jugement des comptes et contraire à l'autonomie des juridictions financières pour la mise en oeuvre de leur programme d'examen de la gestion locale ;

- l'article 51 , relatif à la date d'entrée en vigueur de la loi, afin d'éviter que ses dispositions ne soient applicables qu'en 2003, compte tenu des délais d'examen de ce texte.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DE L'ORGANISATION ET DES COMPÉTENCES DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE

Article additionnel avant l'article premier
Définition des spécificités de la collectivité territoriale de Corse

Votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier, afin de définir les spécificités susceptibles de justifier les adaptations au droit commun au bénéfice de la collectivité territoriale de Corse.

La rédaction que vous propose votre commission spéciale s'inspire très largement de celle déjà votée par le Sénat en 1982, lors des travaux préparatoires de la loi du 2 mars 1982, portant statut particulier de la région de Corse 50 ( * ) .

L'énumération proposée n'est pas exhaustive, mais elle reprend ce que les uns et les autres s'accordent à reconnaître comme les caractéristiques particulières de la collectivité territoriale de Corse. Ces caractéristiques sont de trois ordres : géographique, historique et culturel. Elles justifient une adaptation du droit commun, notamment en matière économique et sociale.

Tel est le sens de cet article additionnel que votre commission spéciale vous propose d'adopter.

CHAPITRE PREMIER
DU RÉGIME JURIDIQUE DES ACTES
DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

Article premier
(art. L. 4424-1 et L. 4424-2
du code général des collectivités territoriales)
Attributions de l'Assemblée de Corse
Adaptation des lois et des règlements

Cet article tend à reconnaître à la collectivité territoriale de Corse un pouvoir d'adaptation des normes nationales dans le but de tenir compte des spécificités de l'île.

Cet article traite des points suivants :

- les attributions de l'Assemblée de Corse (clause générale de compétence) ;

- le pouvoir de proposition de modification des lois (III) ou des règlements (I) ;

- le pouvoir réglementaire « propre »de la collectivité territoriale de Corse (II)  et son pouvoir réglementaire d'application des lois ;

- le pouvoir d'adaptation législative (IV) ;

- la consultation de la collectivité territoriale de Corse (V), la présentation par le préfet des suites données (VI), la publication au Journal Officiel (VII).

A. ATTRIBUTIONS DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

1° Le droit existant : la clause générale de compétence

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 4424-1 du code général des collectivités territoriales dispose que l'Assemblée de Corse « règle par ses délibérations les affaires de la collectivité territoriale de Corse et contrôle le conseil exécutif. Elle vote le budget, arrête le compte administratif, adopte le plan de développement et le schéma d'aménagement de la Corse ».

Cette rédaction, issue de l'article 25 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 51 ( * ) portant statut de la collectivité territoriale de Corse, est conforme au droit commun de la décentralisation 52 ( * ) .

2° Le projet de loi initial

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, l'article L. 4424-1 proposé ne ferait que reprendre l'énoncé des compétences générales actuellement dévolues à l'Assemblée de Corse.

Tel n'est pas le cas, puisque cet article introduit une innovation majeure, en indiquant que l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations « les affaires de la Corse » .

Par ailleurs, il opère une coordination avec le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, prévu à l'article 12 du projet de loi.

3° Un glissement sémantique délibérément confirmé à l'Assemblée nationale

En séance publique à l'Assemblée nationale, l'amendement tendant à rétablir le droit existant a été écarté par la commission des Lois, au motif que, si cette compétence pouvait paraître symbolique, elle n'en était pas moins importante, et était cohérente avec l'accroissement des compétences de la collectivité territoriale de Corse, sans pour autant remettre en cause la compétence générale de l'Etat. Le Gouvernement s'est lui aussi opposé à ce rétablissement, en s'appuyant sur l'avis du Conseil d'Etat qui n'avait pas disjoint cette disposition, et en assurant que « l'article ne remet aucunement en question les compétences des autres collectivités en Corse ».

4° La position de votre commission spéciale : le refus de l'anticipation de la « phase 2004 » et de la tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur les autres collectivités

Votre commission des Lois s'oppose à l'idée que l'Assemblée de Corse règle seule les affaires de la Corse , comme le laisse entendre la rédaction du présent paragraphe, au mépris tant des compétences reconnues aux conseils municipaux et aux conseils généraux pour régler les affaires locales, que de celle de l'Etat.

Elle s'élève de plus contre le sort réservé par le présent projet de loi aux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse, ainsi qu'aux communes. Ces collectivités sont « les oubliées » de la démarche de Matignon.

L'interdiction d'une tutelle d'une collectivité locale sur une autre a un fondement constitutionnel : l'article 72 de la Constitution dispose que les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus. En conséquence, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de lois qui introduiraient une telle tutelle 53 ( * ) .

L'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre est ainsi un des principes fondamentaux de la décentralisation . L'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales dispose que « la répartition des compétences entre les communes, les départements et les régions ne peut autoriser l'une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur une autre d'entre elle ».

En conséquence, votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à rétablir la rédaction de droit commun.

B. ADAPTATION DES LOIS ET DES RÈGLEMENTS

I. PROPOSITIONS DE MODIFICATION OU D'ADAPTATION DES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES

1° Le droit en vigueur : un pouvoir de proposition renforcé en 1991

Les deux derniers alinéas de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction actuelle, permettent à l'Assemblée de Corse, de sa propre initiative ou à la demande du conseil exécutif, ou de celle du Premier ministre, de présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration concernant les compétences, l'organisation et le fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions législatives ou réglementaires concernant le développement économique, social et culturel de la Corse. Ces propositions sont adressées au président du conseil exécutif qui les transmet au Premier ministre.

Ces dispositions sont issues de l'article 26 de la loi du 13 mai 1991 54 ( * ) , qui reprenait lui-même, en le complétant, l'article 27 de la loi du 2 mars 1982.

2° Un dispositif dont l'application s'est révélée peu satisfaisante, faute de réponse adaptée de la part du Gouvernement

En dix ans, au titre de l'article 26 de la loi du 13 mai 1991, cinq délibérations de l'Assemblée de Corse ont visé à demander au Gouvernement de modifier des mesures réglementaires afin de les adapter à la situation particulière d'île. Par ailleurs, seize autres, proposant des modifications législatives, seront exposées au paragraphe III du présent article. Interrogé par votre rapporteur sur les suites réservées à ces cinq demandes, le Gouvernement a fait savoir que :

- la délibération n° 92-65 AC du 17 juillet 1992 visait à la modification des dispositions réglementaires en matière de nominations dans les administrations, afin de donner la priorité , à compétences égales, aux originaires et conjoints d'originaires du territoire de Corse . Aucune suite n'a été donnée ;

- la délibération n° 95-15 AC du 20 février 1995 visait à classer les communes de Corse en « zone zéro » pour l'indemnité de résidence des fonctionnaires . Un décret du 1 er avril 1995 55 ( * ) répond à cette demande ;

- la délibération n° 97/77 AC du 18 juillet 1997 visait à déroger à la partie réglementaire du code rural, afin de lutter contre la prolifération des lapins en Balagne . Un forte mortalité des lapins de mai à juillet 1997 et un programme du préfet de Corse permettant notamment le classement du lapin en Balagne comme nuisible ont ramené les effectifs à un niveau moins dommageable pour l'environnement ;

- la délibération n° 99/37 AC du 29 avril 1999 tendait à modifier les textes qui régissent le concours national d'entrée à l'IUFM , afin d'instaurer une épreuve obligatoire de langue corse ;

- la délibération n° 01/11 AC du 1er février 2001 tendant à prévoir par décret la fixation du régime indemnitaire des agents de la collectivité territoriale de Corse par référence au régime applicable aux agents des administrations centrales de l'Etat. Le 10 avril 2001, le président du conseil exécutif de Corse a été informé que les délibérations de l'Assemblée de Corse modifiant en ce sens le régime indemnitaire des agents de la collectivité territoriale de Corse était entaché d'illégalité . La procédure est en cours devant le tribunal administratif de Bastia.

Ainsi, deux des cinq propositions de l'Assemblée de Corse n'ont pas reçu de réponse de la part du Gouvernement. Toutefois, il est permis de se demander si, compte tenu de leur contenu, elles n'appelaient pas une certaine réserve (préférence locale, « corsisation des emplois »).

3° Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le I de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial reprenait sans le modifier le droit existant .

L'Assemblée nationale a décidé de présenter le pouvoir de proposition de l'Assemblée de Corse en deux paragraphes, afin de distinguer selon qu'il s'exerce en matière législative ou réglementaire.

Le I de l'article L. 4424-2 adopté par l'Assemblée nationale reprend les termes du projet de loi initial concernant le domaine réglementaire. Comme le V du projet de loi initial le prévoyait, les propositions de l'Assemblée de Corse sont adressées au président du conseil exécutif qui les transmet au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse. Par rapport au droit existant, est ajoutée la transmission au préfet des propositions adoptées par l'Assemblée de Corse.

Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement a fait savoir que la transmission au préfet « supprime toute ambiguïté quant à un éventuel lien privilégié que la transmission de ces propositions pourrait faire naître entre le Gouvernement et la collectivité territoriale ».

4° La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale estime que le pouvoir de proposition de l'assemblée de Corse mériterait d'être conforté.

Toutefois, elle souligne que la solution consistant à enjoindre au Gouvernement d'apporter une réponse aux demandes de l'Assemblée de Corse a déjà été écartée comme inconstitutionnelle .

La loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région de Corse prévoyait déjà que le Premier ministre accuse réception de ces propositions dans les quinze jours et fixe le délai dans lequel il leur apportera une réponse au fond. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel en 1991.

Dans sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel a considéré que « le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse dans un délai déterminé à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation, émanant de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale . » En conséquence, il a jugé que la disposition de l'article 26 faisant obligation au Premier ministre de se justifier sur la suite à donner à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation émanant de l'Assemblée de Corse, devait être déclarée contraire à la Constitution.

Votre commission spéciale souhaite que le Gouvernement s'engage en séance publique à apporter une réponse aux demandes et propositions émises par l'Assemblée de Corse.

Elle ne vous soumet qu' un amendement formel, tendant à réunir en un seul paragraphe les dispositions du I et du III du texte adopté par l'Assemblée nationale.

II. AFFIRMATION DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE

1°. Le droit existant : le pouvoir réglementaire des collectivités locales est résiduel

Avant d'examiner au fond les dispositions du projet de loi et le vote de l'Assemblée nationale sur le pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale de Corse, votre rapporteur tient à rappeler l'état du droit positif existant concernant le pouvoir réglementaire sous la Vème République.

Le pouvoir réglementaire désigne la faculté de prendre des mesures générales et impersonnelles à caractère exécutoire.

Les termes mêmes de la Constitution du 4 octobre 1958 énoncent que, sous réserve des prérogatives propres du Président de la République, le Premier ministre détient le pouvoir réglementaire de droit commun.

En pratique néanmoins, d'autres autorités se sont vu attribuer un pouvoir réglementaire dans des limites précisément définies :

- les ministres, préfets, autorités délibérantes des collectivités locales et des directeurs des établissements publics ;

- certaines autorités administratives indépendantes ;

- certaines personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, comme les ordres professionnels, les fédérations sportives ou les sociétés gérant un service public industriel et commercial.

Toutefois, ce constat appelle deux réserves :

- d'une part, il ne saurait être question de placer ces différents détenteurs du pouvoir réglementaire sur le même plan . La distinction doit être faite selon que ces autorités tiennent leur pouvoir réglementaire de la Constitution, de la loi, ou de solutions jurisprudentielles ;

- d'autre part, chaque autorité investie du pouvoir réglementaire l'exerce dans les limites de ses attributions .

LES DETENTEURS DU POUVOIR REGLEMENTAIRE
SOUS LA Vème REPUBLIQUE

1. Le Premier ministre et le Président de la République 56 ( * )

Selon l'article 21 de la Constitution, « le Premier ministre (...) assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. ».

En vertu l'article 13, le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres 57 ( * ) et nomme aux emplois supérieurs de l'Etat.

Le Premier ministre et le Président de la République sont investis du seul pouvoir réglementaire méritant la qualification de général : il leur permet d'édicter des règlements en toutes matières (non réservées à la loi) et pour toute l'étendue du territoire national .

2. Le refus du pouvoir réglementaire des ministres en tant que membres du Gouvernement

Le deuxième alinéa de l'article 21 de la Constitution dispose que le Premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres, ce qui inclut la possibilité d'une délégation de son pouvoir réglementaire 58 ( * ) .

Mais le Conseil d'Etat n'a jamais accepté de reconnaître le principe de la détention du pouvoir réglementaire par les ministres 59 ( * ) . Cette non-détention est compensée par le fait qu'une loi ou un décret peut investir un ministre du pouvoir réglementaire (arrêté ministériel), par le pouvoir de prendre des directives et par le fait qu'ils sont associés à l'élaboration des décrets réglementaires qu'ils contresignent et dont il leur appartient de provoquer l'édiction.

3. Les autorités administratives indépendantes

Le Conseil constitutionnel a affirmé à plusieurs reprises que les articles 21 et 13 de la Constitution « confèrent au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus

au Président de la République, l'exercice du pouvoir réglementaire à l'échelon national ; si elles ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu . »

Ce considérant de principe a fondé la reconnaissance du pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes : Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) 60 ( * ) et Autorité de régulation des télécommunications (ART) 61 ( * ) , ou des institutions publiques personnalisées telles la Banque de France 62 ( * ) .

La compétence ainsi reconnue au CSA ne saurait s'exercer que dans le respect des règles essentielles posées par le législateur et des principes généraux fixés par décret en Conseil d'Etat. Dans l'exercice de ses compétences, il est, à l'instar de toute autorité administrative, soumis à un contrôle de légalité 63 ( * ) .

De même, la compétence réglementaire reconnue à l'ART par la loi doit s'exercer dans le respect des dispositions du code des postes et télécommunications et de ses règlements d'application, et sous le contrôle du ministre chargé des télécommunications.

4. Le pouvoir réglementaire des chefs de service

Les chefs de service, notamment les ministres 64 ( * ) , les préfets, les maires, les présidents des conseils généraux et régionaux et les directeurs des établissements publics, détiennent un pouvoir réglementaire. Ils peuvent ainsi réglementer la situation des agents placés sous leurs ordres 65 ( * ) ou prendre des mesures réglementaires à destination des usagers des services.

Toutefois, deux limites s'imposent : les règlements que les chefs de service peuvent édicter (arrêté ou circulaire à caractère réglementaire, ne peuvent tendre qu'au « bon fonctionnement » de l'administration placée sous leur autorité. La légalité de ces mesures est subordonnée à l'existence d'un vide dans l'ordonnancement juridique que le chef de service pourra combler 66 ( * ) , et au respect des normes de niveau supérieur.

Il est de jurisprudence constante qu'un pouvoir réglementaire ne peut être attribué à un établissement public ou à un organisme privé chargé d'une mission de service public qu'en vertu d'une délégation expresse consentie à leur profit par la loi ou le règlement. Deux conditions de fond limitent ce pouvoir : l'organisme titulaire de la délégation ne peut prendre que des règlements nécessaires pour atteindre les buts qui lui sont fixés ; il doit respecter les normes de niveau supérieur 67 ( * ) .

5. Les collectivités locales : un pouvoir résiduel

Le Conseil constitutionnel ayant posé la compétence législative pour les questions qui touchent à la libre administration des collectivités territoriales, les espaces dans lesquels la collectivité pourra utiliser son pouvoir réglementaire sont très limités .

Les exemples suivants montrent toutefois qu'ils ont une importance pratique réelle : d'une part, la collectivité prend les mesures réglementaires utiles à son « auto-organisation » 68 ( * ) .

Les règlements de portée « générale », c'est-à-dire destinés à l'ensemble de la population de la collectivité considérée, sont pris sur l'invitation expresse du législateur ( règlements locaux d'urbanisme, pouvoir financier local pour voter le taux des quatre grandes taxes dans les limites fixées par la loi, règlement départemental d'aide sociale ), pour régler des situations de fait ( police municipale ) ou pour créer des services publics .

Le juge constitutionnel distingue bien l'exercice d'une attribution par une collectivité locale (pouvoir exécutif) du pouvoir de réglementer la matière considérée (pouvoir normatif) . Par exemple, si les collectivités locales peuvent, en vertu de la loi, être titulaires de l'exercice du pouvoir de préemption, la fixation des modalités de mise en oeuvre des principes posés par la loi relève de la compétence du pouvoir réglementaire national 69 ( * ) .

La jurisprudence administrative reconnaît le pouvoir réglementaire local, non sans en souligner les limites.

Le pouvoir réglementaire local n'est jamais exclusif du pouvoir réglementaire général du Premier ministre . Si la loi est insuffisamment précise, mais nécessite un décret d'application, le pouvoir réglementaire d'une collectivité locale est exclu, tant que ce décret n'aura pas été pris 70 ( * ) . En l'absence d'exercice du pouvoir réglementaire national, la collectivité locale ne se voit reconnaître un pouvoir réglementaire que si le décret n'était ni prévu par la loi, ni nécessaire 71 ( * ) . De même, la compétence du département pour organiser et gérer les services de la protection maternelle et infantile, prévue par la loi, n'est pas exclusive du pouvoir réglementaire du Premier ministre pour édicter les normes applicables à ces services 72 ( * ) .

En d'autres termes, le pouvoir réglementaire local ne s'exerce que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur 73 ( * ) .

Une thèse existe qui privilégie une lecture extensive du champ d'application du pouvoir réglementaire local 74 ( * ) , au moyen d'une généralisation du pouvoir d'édicter des décisions individuelles (par exemple : en matière d'aides économiques et de subventions, la collectivité locale, compétente pour attribuer les aides individuelles, le serait aussi pour établir a priori les critères qu'elle utilisera pour les attribuer aux demandeurs). Cette conception est pour l'instant purement doctrinale. Elle n'est confortée par aucun élément du droit positif (jurisprudence comprise). Dans ce domaine, il existe sans doute un décalage entre le droit positif et la pratique.

6. L'unité du pouvoir réglementaire

L'unité du pouvoir réglementaire général a été affirmée par le Conseil constitutionnel. En conséquence, le législateur ne peut modifier la ligne de partage entre matières législatives et matières réglementaires 75 ( * ) .

Il n'est pas possible de se fonder sur la jurisprudence du Conseil d'Etat pour remettre en cause l'unité du pouvoir réglementaire général. En effet, le Conseil d'Etat ne peut censurer des dispositions de forme réglementaire intervenues en matière législative, car ce serait reconnaître l'inconstitutionnalité de la loi qui en a permis l'édiction, et le juge administratif n'est pas juge de la loi.

7. L'obligation d'exercer le pouvoir réglementaire

La jurisprudence administrative sanctionne le refus d'édicter des règlements nécessaires à l'application d'une loi 76 ( * ) . Toutefois, il n'y a obligation que si l'absence des règlements d'application rend impossible l'application du texte de base 77 ( * ) . Le corollaire est l'obligation d'abroger les règlements illégaux.

2° Le projet de loi initial

Le II de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial tend à ouvrir la possibilité pour l'Assemblée de Corse de prendre des mesures d'adaptation de règlements pris pour l'application des lois .

Sur le fond, quatre conditions cumulatives encadreraient cette faculté :

- celle ci s'exercerait dans les matières où la collectivité territoriale de Corse est compétente ;

- l'adaptation ne pourrait remettre en cause les conditions essentielles d'application des lois organisant l'exercice d'une liberté publique ;

- ces mesures d'adaptations devraient être prises dans un but d'intérêt général ;

- et être justifiées par la situation spécifique de la Corse, appréciée au regard de l'objet de la réglementation considérée.

Quant à la procédure, ces adaptations seraient fixées par délibérations motivées de l'Assemblée de Corse, prises sur proposition du conseil exécutif.

Le caractère provisoire de ces adaptations est souligné, puisqu'en cas de modification de la réglementation ayant donné lieu à adaptation, la délibération cesserait de produire effet au plus tard six mois après l'entrée en vigueur du décret fixant la nouvelle réglementation.

3° L'avis du Conseil d'Etat du 8 février 2001

Le Conseil d'Etat a disjoint les dispositions figurant au II de l'article premier du projet de loi, dans la nouvelle rédaction proposée pour le II de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, qui organisent la faculté, pour la collectivité territoriale de Corse, de modifier les décrets pris pour l'application des dispositions législatives régissant les matières dans lesquelles elle exerce des compétences.

Selon le Conseil d'Etat, « les dispositions de l'article 21 de la Constitution en vertu desquelles le Premier ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire, ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une collectivité territoriale dont, en vertu de l'article 72, la loi prévoit les conditions de la libre administration, le soin de définir les conditions d'application d'une loi, mais il ne peut le faire qu'à condition que cette habilitation porte sur des mesures dont elle définit précisément le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre et ne porte pas atteinte à la compétence qui appartient au Premier ministre d'édicter des règles nationales applicables à l'ensemble du territoire ».

4° Le texte adopté par l'Assemblée nationale : reconnaître à la collectivité territoriale de Corse un pouvoir réglementaire propre et un pouvoir réglementaire d'adaptation des lois

L'Assemblée nationale a tout d'abord procédé à une affirmation de principe : « le pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale de Corse s'exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi . » (premier alinéa).

Puis l'Assemblée nationale a modifié les quatre conditions de fond cumulatives subordonnant l'exercice du pouvoir d'adaptation des règlements nationaux (deuxième alinéa). Ainsi, la collectivité territoriale de Corse pourra « demander à être habilitée par le législateur » :

- à fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île ,

- dans le respect de l'article 21 de la Constitution , selon lequel le Premier ministre assure l'exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire,

- pour la mise en oeuvre des compétences qui sont dévolues à la collectivité territoriale de Corse en vertu de la partie législative du code général des collectivités territoriales,

- les adaptations sont exclues lorsque est en cause l'exercice d'une liberté individuelle ou d'un droit fondamental .

En revanche, l'Assemblée nationale a supprimé la mention selon laquelle la délibération cesserait de produire effet dans les six mois suivant l'entrée en vigueur d'une modification de la réglementation considérée.

Sur la procédure, l'Assemblée nationale a ajouté la possibilité d'une auto-saisine de l'Assemblée de Corse ; dans ce cas, le conseil exécutif remettrait un rapport à l'Assemblée de Corse avant que celle-ci ne rende sa délibération motivée.

Comme le V de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial le prévoyait, l'Assemblée nationale a confirmé que la demande, qui prend la forme d'une délibération motivée de l'Assemblée de Corse, est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.

III. PROPOSITIONS DE MODIFICATION OU D'ADAPTATION DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

1° Le droit existant

Les deux derniers alinéas de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales, dont votre rapporteur a exposé le contenu dans le paragraphe I, permettent à l'Assemblée de Corse de présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires concernant l'organisation et le fonctionnement des collectivités territoriales en Corse ou le développement économique, social et culturel de l'île.

2° Une application peu satisfaisante

Votre rapporteur a recensé les délibérations de l'Assemblée de Corse prises au titre de l'article 26 de la loi du 13 mai 1991 (l'actuel article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales) tendant à la modification de dispositions législatives 78 ( * ) , et a demandé au Gouvernement pour chacune d'entre elles les suites qu'il y avait apportées :

- la délibération n° 92 /92 AC du 17 septembre 1992 tendait à modifier la loi n° 63-777 du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de grève dans les services publics ;

- la délibération n° 93/68 AC du 18 juin 1993 tendant à modifier la loi n° 84-512 du 29 juin 1984 relative à la pêche en eau douce . Le ministre de l'environnement a répondu le 9 septembre 1993 que les difficultés rencontrées n'étaient pas propres à la Corse et que les services étudiaient les solutions à y apporter ;

- la délibération n° 93/77 AC du 29 juin 1993 tendait à modifier les dispositions législatives concernant les différentes aides au logement ; le Gouvernement a répondu qu'il n'envisageait pas d'accorder cette dérogation ; les demandes de l'Assemblée de Corse sont ensuite devenues caduques en octobre 1995 du fait de l'instauration du « prêt à taux zéro » ;

- la délibération n° 93/122 AC du 19 novembre 1993 tendait à modifier les dispositions de la loi du 13 mai 1991 relatives à l'Agence de développement économique de la Corse ;

- la délibération n° 94/25 AC du 1er mars 1994 tendait à modifier la loi du 13 mai 1999 afin de transférer dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse les biens immobiliers et mobiliers affectés au service public du transport ferroviaire ;

- la délibération n° 94-150 AC du 21 novembre 1994 tendait à inscrire en loi de finances que toute perte de ressources au titre de la taxe de consommation sur les alcools soit systématiquement compensée par la dotation générale de décentralisation ;

- la délibération n° 94/151 AC du 21 novembre 1994 tendait à modifier la loi du 13 mai 1991 afin que la dotation compensant le transfert des charges d'investissement de la collectivité territoriale de Corse évolue comme la dotation globale d'équipement ;

- la délibération n° 95/07 AC du 10 février 1995 tendait à l'exemption de la nouvelle taxe d'aménagement du territoire en faveur de la Corse (taxe due par les entreprises de transports public aérien). La loi de finances pour 1999 ayant abrogé les articles concernés du code général des impôts, le Gouvernement a fait savoir que « le souhait de l'Assemblée de Corse de limiter l'accroissement du coût du transport dû aux taxes a donc été pris en compte » ;

- la délibération n° 95-56 AC du 30 juin 1995 tendait à modifier les dispositions de la loi du 13 mai 1991 relatives aux transports et à la continuité territoriale ;

- la délibération n° 95/57 AC du 30 juin 1995 tendait à modifier des projets de loi en cours d'examen au Parlement afin de favoriser la politique de plaisance et de croisière en Corse ; aucune suite n'a été réservée à cette demande ;

- la délibération n° 95/120 AC du 20 novembre 1995 tendait à modifier l'article 50 de la loi du 13 mai 1991 concernant la carte scolaire ; le Gouvernement « n'a pas jugé utile de faire suite à cette demande » ;

- la délibération n° 96/16 AC du 1er mars 1996 tendait au dépôt d'un projet de loi relatif à la représentativité du syndicat des travailleurs corses. Auparavant la délibération n° 94/132 AC du 28 octobre 1994 tendait à la reconnaissance au plan territorial de la représentativité du même syndicat. Le Gouvernement a estimé que deux décrets du 7 février1997 79 ( * ) « font suite à cette demande » ;

- les délibérations n° 96/36 AC et n° 96/37 AC du 2 mai 1996 et n° 96/121 AC du 20 décembre 1996, tendaient à modifier le statut fiscal de la Corse concernant la taxe sur les transports. Une réunion de travail entre services de l'Etat et représentants de la collectivité territoriale de Corse s'est tenue le 7 février 1997 et une note a été adressée le 19 février 1997 au président du conseil exécutif.

Ainsi, sur les 16 délibérations recensées, seules sept ont reçu une réponse de la part du Gouvernement.

3° Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le I de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial reproduisait le droit existant , en ajoutant la transmission au préfet .

L'Assemblée nationale a scindé en deux les dispositions du projet de loi initial, afin de distinguer les propositions de modification des dispositions législatives et réglementaires, sans apporter de changement au fond.

4° La position de votre commission spéciale

Par coordination avec le regroupement en un seul paragraphe des dispositions relatives au pouvoir de proposition de la collectivité territoriale de Corse, opérée au I de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression du III .

IV. ADAPTATION DES LOIS

1° Le projet de loi initial

Le III de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial ouvre la possibilité pour l'Assemblée de Corse de prendre des mesures d'adaptation dérogeant au droit commun des dispositions législatives applicables .

Sur le fond, la condition pour ce faire est que l'Assemblée de Corse « estime » que les dispositions législatives en vigueur ou en cours d'élaboration présentent, pour les compétences de la collectivité territoriale, des « difficultés d'application liées aux spécificités de l'île ».

Dans ce cas, l'Assemblée de Corse demande au Gouvernement que lui soit conférée par la loi, qui en fixe les modalités, l'autorisation de prendre par délibération, dans un but d'intérêt général, à titre expérimental, des mesures d'adaptation de ces dispositions législatives.

Cette demande de l'Assemblée de Corse au Gouvernement, qui prend la forme d'une délibération motivée, résulte d'une proposition du conseil exécutif ou d'une initiative de l'Assemblée de Corse elle-même. dans ce dernier cas, le conseil exécutif établit un rapport.

Chaque année, le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport sur les mesures ainsi prises par l'Assemblée de Corse. Ce rapport retracera l'état de réalisation des objectifs fixés par les délibérations de l'Assemblée.

2° L'avis du Conseil d'Etat du 8 février 2001

Le Conseil d'Etat a disjoint ces dispositions du projet de loi.

Selon le Conseil d'Etat, « s'il est loisible au législateur d'adopter des dispositions particulières applicables à une catégorie de collectivité territoriale déterminée même si celle-ci ne comprend qu'une unité, il lui appartient de préciser lui-même, selon les procédures définies par la Constitution pour l'adoption de la loi, la nature, l'étendue et la portée des dérogations que ces dispositions apportent au droit commun ; il ne peut , en revanche, déléguer l'exercice de la compétence législative à quelque autorité que ce soit, en-dehors des cas prévus par la Constitution ».

A titre d'illustration, comme votre rapporteur vous l'exposera à l'article 12 du présent projet de loi, le Conseil d'Etat a disjoint les dispositions conférant à la collectivité territoriale de Corse compétence pour définir, par dérogation à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, « des règles relatives à l'extension de l'urbanisation adaptées aux particularités géographiques locales » et pour déterminer les espaces où s'appliquerait ce régime dérogatoire au droit commun.

Selon le Conseil d'Etat, « en l'absence de précisions suffisantes sur la nature, l'étendue et la portée des dérogations ainsi apportées au régime législatif de droit commun, les dispositions susmentionnées équivalent à une délégation du pouvoir législatif à la collectivité territoriale de Corse, délégation qui est contraire à l'article 34 de la Constitution ».

3° Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a entièrement réécrit le dispositif proposé. Sur le fond, elle a repris la condition tenant au constat, par l'Assemblée de Corse, que des dispositions législatives en vigueur ou en cours d'élaboration présentent, pour l'exercice des compétences de la collectivité territoriale, des difficultés d'application liées aux spécificités de l'île.

Elle a ensuite prévu une formule d'habilitation et de validation par le législateur des expérimentations effectuées par l'Assemblée de Corse :

- l'Assemblée de Corse demande au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur ;

- ces expérimentations précèdent « l'adoption ultérieure par le Parlement de dispositions législatives appropriées » ;

- la loi fixerait la nature et la portée de ces expérimentations, ainsi que les cas, conditions et délai dans lesquels la collectivité territoriale pourrait faire application de ces dispositions ;

- la loi fixerait également les conditions et les procédures d' évaluation de cette expérimentation, ainsi que les modalités d'information du Parlement sur leur mise en oeuvre ;

- les mesures prises à titre expérimental par la collectivité territoriale de Corse cesseraient de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d'évaluation qui lui est fourni, n'a pas procédé à leur adoption .

Ce faisant, l'Assemblée nationale a supprimé le rapport du Gouvernement au Parlement.

Sur la procédure, l'Assemblée nationale a repris le projet de loi initial prévoyant une délibération motivée de l'Assemblée de Corse, prise à l'initiative du conseil exécutif, ou de l'Assemblée de Corse après rapport du conseil. Comme le prévoit le V du projet de loi initial, cette délibération serait transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.

V. CONSULTATION DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE SUR LES PROJETS DE TEXTES COMPORTANT DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES A LA CORSE

1° Le droit existant

Les deux premiers alinéas de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction actuelle, disposent que l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. L'Assemblée dispose d'un délai d'un mois pour rendre son avis. Ce délai est réduit à quinze jours en cas d'urgence sur demande du Premier ministre. Le délai expiré, l'avis est réputé avoir été donné.

Cette rédaction résulte de l'article 26 de la loi du 13 mai 1991 précitée et n'avait pas d'équivalent dans la loi du 2 mars 1982.

Des dispositions équivalentes existent pour les collectivités d'outre-mer :

- en application de l'article 74 de la Constitution, pour les territoires d'outre-mer :« les statuts des territoires d'outre-mer sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres, et modifiés, dans la même forme, après consultation de l'assemblée territoriale intéressée. Les autres modalités de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée » ;

- en application du décret du 26 avril 1960 relatif à l'adaptation du régime législatif, pour les départements d'outre-mer.

En revanche, un tel dispositif demeure sans équivalent en France métropolitaine . Sur ce fondement, l'Assemblée de Corse a été consultée sur l'avant-projet de loi 80 ( * ) .

2° Le projet de loi initial

Le V de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial ne modifie le droit en vigueur qu'à la marge : le délai imparti à l'Assemblée de Corse pour rendre son avis serait réduit en cas d'urgence non plus à la demande du Premier ministre mais à la demande du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.

Le V précise que les avis adoptés par l'Assemblée de Corse sont adressés au président du conseil exécutif qui les transmet au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.

3° Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a ajouté que l'Assemblée de Corse serait consultée sur les propositions de loi comportant des dispositions spécifiques à la Corse. Dans ce cas, les avis relatifs aux propositions de loi sont transmis par le Premier ministre aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

4° La position de votre commission spéciale

Bien que le Gouvernement, interrogé par votre rapporteur sur le fait que les avis concernant des propositions de loi transitent par le Premier ministre, a répondu « qu'il appartient au Gouvernement de procéder à l'information du législateur », votre commission spéciale rappelle que le Gouvernement n'a pas le monopole de cette information. Elle vous soumet donc un amendement tendant à prévoir que les avis de l'Assemblée de Corse sur les propositions de loi seront directement transmises aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat par le président du conseil exécutif de Corse. Bien entendu, le Premier ministre en sera aussi destinataire.

VI. PRÉSENTATION PAR LE PRÉFET DES SUITES ENVISAGÉES PAR LE GOUVERNEMENT

Le V de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé par le projet de loi initial prévoyait que, par accord entre le président de l'Assemblée de Corse et le représentant de l'Etat, celui-ci serait entendu par l'Assemblée sur les suites que le Gouvernement entend réserver aux avis et demandes de la collectivité territoriale. Cette communication pourrait donner lieu un débat sans vote.

L'Assemblée nationale a apporté une simple précision à ce dispositif.

Votre commission spéciale remarque que la rédaction des paragraphes I, III et VI du présent article se contentent pour une large part de reproduire le droit existant, non sans présenter ces dispositions comme de nouvelles avancées... En l'occurrence, l'article L. 4422-27 du code général des collectivités territoriales permet déjà au préfet de Corse , en accord avec le président de l'Assemblée de Corse, d'être entendu par l'Assemblée . Cet article existe depuis la loi du 13 mai 1991.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement de coordination avec les solutions précédemment retenues.

VII. CONTRÔLE DE LÉGALITÉ ET PUBLICATION AU JOURNAL OFFICIEL

1° Le projet de loi initial

Le II du présent article prévoyait l'insertion d'un nouvel article L. 4424-2-1 dans le code général des collectivités territoriales, dont l'objet serait double :

- soumettre au contrôle de légalité les délibérations adoptées par l'Assemblée de Corse en application de l'article L. 4424-2, portant mesures d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires 81 ( * ) ;

- prévoir la publication de ces délibérations au Journal officiel de la République française.

2° Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a supprimé la soumission au contrôle de légalité des délibérations de l'Assemblée de Corse portant mesure d'adaptation des dispositions législatives et réglementaires, au motif qu'il s'agit d'une précision inutile.

Par ailleurs, elle a étendu l'obligation de publication au Journal officiel de la République française à l'ensemble des propositions, demandes et avis adoptés par l'Assemblée de Corse en application des I à IV de l'article L. 4424-2 proposé.

3° La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale tient à souligner que la publication au Journal Officiel de la République française de délibérations d'une collectivité locale n'existe pas actuellement. Il s'agirait donc d'une innovation notable, au profit de la collectivité territoriale de Corse, justifiée par le pouvoir législatif et réglementaire qui lui sont accordés en vertu du présent projet de loi.

En Nouvelle Calédonie 82 ( * ) et en Polynésie française 83 ( * ) , les actes des assemblées territoriales sont publiés respectivement au Journal officiel de la Nouvelle Calédonie et au Journal officiel de la Polynésie française.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement de coordination avec la solution précédemment retenue, afin de limiter la publication au Journal Officiel aux délibérations de l'Assemblée de Corse portant propositions de modifications législatives ou réglementaires.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE : L'ADAPTATION DES LOIS ET DES REGLEMENTS, NON CONFORME A LA CONSTITUTION, DOIT ÊTRE REJETEE

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale au texte initial soulignent que le Gouvernement a soumis au Parlement un texte non conforme à la Constitution .

En dépit des efforts de clarification considérables effectués par l'Assemblée nationale, on ne peut que constater l'échec de celle-ci à produire un texte conforme à la Constitution.

I. LE REFUS DE LA DÉLÉGATION DU POUVOIR LÉGISLATIF À LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE, CONTRAIRE À LA CONSTITUTION

1° Le texte de l'Assemblée nationale est inacceptable

a) Un texte incompréhensible

Votre commission spéciale tient tout d'abord à souligner l'extrême complexité du texte transmis au Sénat. Puisqu' une explication de texte est indispensable , votre rapporteur a souhaité avoir l'interprétation du Gouvernement sur ses intentions et celles, qu'il a approuvées, de l'Assemblée nationale.

b) Une dévolution du pouvoir législatif sans le dire

Force est de constater que le Gouvernement , par un discours lénifiant, minimise les innovations institutionnelles proposées par le projet de loi, mais qu'au détour d'explications techniques, il reconnaît la véritable nature de celui-ci, à savoir la dévolution pure et simple du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire dans les mains d'une collectivité territoriale.

Interrogé par votre rapporteur sur la question de principe, le Gouvernement affirme que « le projet de loi n'ouvre aucune compétence législative à l'Assemblée de Corse . La collectivité territoriale de Corse n'aura de possibilités d'expérimenter des dérogations que si le Parlement y consent. La collectivité territoriale de Corse ne dispose d' aucun droit d'appréciation particulier qui serait, de près ou de loin, assimilable à un véritable pouvoir législatif. »

Mais, devant des questions plus techniques telles que :

- comment régler les droits acquis lorsque, une fois le délai dépassé et en l'absence de validation législative, les « mesures prises à titre expérimental par la collectivité territoriale de Corse » cesseront de produire leur effet ?

- ces mesures sont-elles réputées n'avoir jamais existé , s'agit-il d'un retrait ou d'une abrogation ?

Le Gouvernement répond : « Il s'agit d'une abrogation dont les effets sont comparables à ceux d'une modification législative . ».

Votre commission spéciale remarque que, sauf à jouer sur les mots, les mesures expérimentales de la collectivité territoriale de Corse seront bien des mesures législatives, puisque les effets de l'absence de loi ultérieure les confirmant sont assimilés à ceux d'une modification législative.

De plus, elle s'inquiète des évolutions annoncées à mots couverts par le Gouvernement : « L'objectif du texte n'est pas de donner valeur législative à des mesures prises par une collectivité locale. Il s'agit simplement de consolider les bases législatives servant de fondement aux mesures prises par la collectivité territoriale de Corse, et de lui permettre également, sans recours au législateur , de les modifier postérieurement à la consolidation du dispositif . »

c) Une procédure calquée sur celle des ordonnances de l'article 38 de la Constitution 84 ( * )

Votre commission spéciale souligne le parallèle existant entre l'article premier soumis à son examen, et l'article 38 de la Constitution, permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnance.

En effet, la collectivité territoriale de Corse agirait sur habilitation du législateur, et ses délibérations seraient ensuite ratifiées par le Parlement, au moyen d'une loi de validation .

Interrogé par votre rapporteur sur la nature des expérimentations en matière législative, sur leur portée, leur valeur juridique et leur place dans la hiérarchie des normes , le Gouvernement a fait savoir que « Ces expérimentations prendront la forme d'actes de la collectivité territoriale de Corse, pris par les autorités compétentes, ces actes étant soumis au contrôle de légalité. La publication au Journal officiel est justifiée par l'existence d'un droit différent qu'il semble indispensable de porter à la connaissance des tiers . »

Votre commission spéciale estime quant à elle que l'article premier du présent projet de loi se comporte en tout points comme un article de la Constitution, en ce qu'il répartit le pouvoir normatif entre plusieurs autorités , et prévoit une procédure de dévolution du pouvoir législatif à la collectivité territoriale de Corse sur le modèle des ordonnances.

Or, sous la Vème République, le législateur n'a pas la compétence de sa compétence. Le Conseil constitutionnel le censurerait pour incompétence négative s'il n'allait pas au bout de la compétence que la Constitution, notamment son article 34, lui reconnaît.

A cet égard, on ne peut être surpris que le Premier ministre Lionel Jospin ait pu, lors de la réunion de Matignon du 6 avril 2000, demander aux élus de la collectivité territoriale de Corse : « en ce qui concerne l'éventualité d'une compétence législative, s'agirait-il d'une compétence exclusive, concurrente avec l'Etat ou subsidiaire ? ».

d) Des ambiguïtés rédactionnelles qui ouvrent la voie à des interprétations redoutables

Sur la rédaction des dispositions en cause, un paradoxe se fait jour : tantôt l'Assemblée nationale et le Gouvernement jugent utile de faire une référence expresse à la Constitution, tantôt, au contraire, ils excluent cette mention, au motif qu'elle serait juridiquement inutile.

Ainsi, interrogé par votre rapporteur sur les spécificités de l'île qui pourraient justifier l'adaptation de la loi, le Gouvernement a répondu : « le caractère insulaire, le retard de développement ou la protection des espaces naturels peuvent être autant d'éléments qui, selon les législations en cours d'examen, pourront mériter des dispositions propres à la Corse. Il ne paraît pas utile de préciser que ces dérogations devront être en rapport avec l'objet de la loi à adapter dans la mesure où cette précision se contente de reprendre les exigences que le Conseil constitutionnel marque pour apprécier le respect du principe d'égalité et de proportionnalité. ».

De même, la précision selon laquelle l'adaptation devait répondre à un but d'intérêt général ayant été supprimée, le Gouvernement fait savoir que « la précision relative à l'intérêt général était de faible valeur normative ou redondante par rapport aux exigences constitutionnelles ».

Pourtant, le pouvoir réglementaire d'application des lois qui serait reconnu à la collectivité territoriale de Corse devrait s'exercer « dans le respect de l'article 21 de la Constitution ».

2° L'absence de validation a priori par le Conseil constitutionnel : la décision du 28 juillet 1993 n'est pas transposable aux collectivités locales

a) Une décision implicite et sans rapport avec l'objet aujourd'hui examiné

La justification évoquée au dispositif imaginé résulte non d'une disposition expresse de la Constitution, mais de l'habile sélection d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui n'a rien à voir avec les collectivités locales.

Les deux considérants de principe de la décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993 sont ainsi libellés :

« le législateur, dans le respect des principes de valeur constitutionnelle, (...) peut, pour la détermination des règles constitutives des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, prévoir, eu égard à l'objectif d'intérêt général auquel lui paraîtrait répondre le renforcement de l'autonomie des établissements, que puissent être opérés par ceux-ci des choix entre différentes règles qu'il aurait fixées . Il lui est aussi possible, une fois des règles constitutives définies, d'autoriser des dérogations pour des établissements dotés d'un statut particulier en fonction de leurs caractéristiques propres .

« Il est de même loisible au législateur de prévoir la possibilité d' expériences comportant des dérogations aux règles ci-dessus définies de nature à lui permettre d'adopter par la suite, au vu des résultats de celles-ci, des règles nouvelles appropriées à l'évolution des missions de la catégorie d'établissements en cause. Toutefois il lui incombe alors de définir précisément la nature et la portée de ces expérimentations, les cas dans lesquels celles-ci peuvent être entreprises, les conditions et les procédures selon lesquelles elles doivent faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon . »

Il convient tout d'abord de rappeler que cette décision concernait des établissements publics de l'Etat , en l'occurrence les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, et en aucun cas des collectivités territoriales. Votre commission spéciale estime qu' en l'état actuel du droit positif, une telle solution ne peut être interprétée comme s'appliquant aux collectivités locales.

De plus, l'objet même des dérogations ainsi autorisées en principe (et rejetées en l'espèce pour non-respect des conditions ci-dessus évoquées) est extrêmement limité , puisqu'elle ne pouvaient porter que sur l'organisation interne des universités et des instituts et écoles. Même dans cette rédaction prudente, le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif, notamment sur le fondement de l'incompétence négative du législateur, qui n'a pas assorti de garanties légales les principes de caractère constitutionnel que constituent la liberté et l'indépendance des enseignants chercheurs.

b) La validité de cette décision, qui sert de fondement au raisonnement du Gouvernement, est contestée par l'Assemblée nationale elle-même

Tant le Gouvernement, pendant la démarche de Matignon et dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, que l'Assemblée nationale, s'appuient sur les termes de cette décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, qui autoriserait selon eux l'expérimentation législative par les collectivités locales. L'Assemblée nationale a en conséquence reproduit dans l'article premier les dispositions de cette décision.

Toutefois, une ambiguïté demeure dans le raisonnement du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.

En effet, la commission des Lois de l'Assemblée nationale a rappelé que, « conformément aux motifs de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1993, plusieurs conditions sont requises pour que le législateur puisse habiliter la collectivité territoriale à procéder aux adaptations nécessitées par sa situation particulière : celles-ci doivent avoir lieu dans un but d'intérêt général et à titre expérimental, ce qui implique que la durée de l'autorisation soit limitée et que les adaptations entreprises dans ce cadre donnent lieu à une évaluation . »

Mais, dans le même temps, la commission a admis elle-même que « la transposition de la décision du Conseil constitutionnel relative aux établissements publics universitaires à la collectivité territoriale de Corse pourrait être de nature à soulever des difficultés en l'absence de révision constitutionnelle préalable 85 ( * ) . »

Elle avait fait le même constat dès janvier 2001 : « la transposition de cette jurisprudence aux collectivités locales en l'absence de révision constitutionnelle apparaît pour le moins hasardeuse, tant elle heurte de nombreux autres principes constitutionnels » 86 ( * ) .

Votre commission spéciale approuve sans réserve ces deux derniers constats de la commission des Lois de l'Assemblée nationale.

c) La méconnaissance du cadre déjà fixé par le Conseil constitutionnel concernant la collectivité territoriale de Corse

Votre commission spéciale tient à souligner que le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur la question de la dévolution d'un pouvoir de la collectivité territoriale de Corse en matière législative.

En effet, lors de l'examen de la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, il n'a validé l'organisation spécifique à caractère administratif de la collectivité territoriale de Corse que dans la mesure où « ni l'assemblée de Corse ni le conseil exécutif ne se voient attribuer des compétences ressortissant au domaine de la loi ».

3° L'absence de « précédents »

Le Gouvernement évoque par ailleurs l'existence de « précédents » en matière d'expérimentation locale pour justifier le dévolution d'un pouvoir législatif à titre expérimental à la collectivité territoriale de Corse.

D'une part, quelques lois ont prévu leur application pour une durée limitée : loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse et loi du 25 juillet 1994 sur la bioéthique par exemple.

D'autre part, plusieurs lois ont prévu des expérimentations.

Ainsi, la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion prévoyait retour devant le législateur après cinq années. Tel fut le cas avec la loi du 29 juillet 1992. La loi de finances pour 1995 prévoyait aussi des expérimentations pour améliorer le RMI 87 ( * ) .

Par la loi n° 94-637 du 29 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, le Sénat, sur un amendement de sa commission des Affaires sociales, a institué des expérimentations en matière de dépendance dans douze départements, expérimentations 88 ( * ) qui débutèrent le 1er janvier 1995 . Cette expérimentation a préfiguré la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.

A la suite d'un rapport de notre collègue Hubert Haenel de 1994, un processus expérimental de décentralisation des services ferroviaires régionaux a été institué par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire 89 ( * ) , auquel ont participé sept régions. En conséquence, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit, dès le 1er janvier 2002, le transfert aux régions de l'organisation et du financement des services régionaux de voyageurs et renvoie à un décret en Conseil d'Etat ses modalités de mise en oeuvre.

Votre commission spéciale souligne l'intérêt de ces expérimentations , qui permettent au législateur de se prononcer en connaissance des difficultés rencontrées par les collectivités locales dans l'exercice de leurs missions.

Toutefois, elle ne peut que constater que l'article premier du présent projet de loi ne se situe pas du tout sur le même plan. Dans les cas évoqués ci-dessus, il s'agissait d'expérimentations menées par le législateur lui-même, et non de la délégation par celui-ci, à une collectivité locale, du pouvoir de fixer les normes applicables.

Les collectivités locales se voyaient reconnaître la possibilité d'expérimenter une attribution que la loi leur conférait. Au contraire, l'article premier du projet de loi créerait une délégation de compétence , ce que le législateur ne peut faire 90 ( * ) .

Encore une fois, au sein du pouvoir exécutif, il convient de bien distinguer le pouvoir de faire (verser des aides sociales, financer le transport de voyageurs dans la région) du pouvoir de déterminer le droit applicable . Les expérimentations, dont le principe est très positif, ont permis de mieux cerner les besoins, de favoriser le partenariat entre les différents acteurs et de mieux mobiliser les moyens humains et financiers. Mais elles ne constituent pas des « précédents » utilement évocables dans le cas présent.

4° Bien distinguer pouvoir législatif et spécialité législative

Les départements d'Alsace-Moselle bénéficient d'un droit local spécial, tant dans les matières législatives que réglementaires. Toutefois, conformément à la Constitution, seuls le législateur et le pouvoir réglementaire national déterminent le droit nouveau applicable en Alsace-Moselle.

Ce n'est qu'en présence d'un droit local existant que le droit commun, en principe, s'incline. Mais il le fait de plus en plus rarement 91 ( * ) . Aussi bien, le législateur ne peut se lier lui-même. La loi du 17 octobre 1919, confirmant le maintien provisoire du droit local et renvoyant au Parlement le soin d'introduire le droit national, et les lois du 1 er juin 1924, n'ont pas empêché que le droit local alsacien-mosellan soit très résiduel aujourd'hui 92 ( * ) , d'autant plus qu'aucun droit local nouveau ne peut être créé.

L'exemple des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ne saurait donc être utilement évoqué pour justifier la dévolution à la collectivité territoriale de Corse d'un pouvoir normatif. La vraie question réside non seulement dans l'existence d'un droit spécial, mais aussi et surtout dans l'autorité chargée de l'édicter.

5° Supprimer toute anticipation de la « deuxième phase » évoquée pour 2004.

Même s'il était adopté en l'état, le dispositif n'aurait pas le temps d'être opérationnel . En effet, la « phase 2004 » évoquée par l'exposé des motifs du projet de loi initial suppose l'évaluation préalable des expérimentations normatives par la collectivité territoriale de Corse.

Or, compte tenu du calendrier électoral, et surtout de ses conséquences sur le calendrier législatif, les « lois d'habilitation » ne pourraient pas être votées avant le second semestre 2002 (voire le début de l'année 2003, si l'article 51 du projet de loi relatif à son entrée en vigueur est maintenu dans le texte de l'Assemblée nationale). Quelle expérimentation pourrait être sérieusement entreprise, porter ses fruits et donner lieu à une évaluation entre octobre 2002 et mars 2004 ?

6° Un pouvoir législatif pour quoi faire ?

Aucune réponse concrète n'a été fournie à votre rapporteur à cette question simple (à l'exception de la loi « littoral »). Cette question ne peut être renvoyée à un examen ultérieur par le Parlement, lors du vote des futures lois d'habilitation. En effet, le texte soumis aujourd'hui au Sénat prévoit déjà des expérimentations législatives en matière d'urbanisme, comme votre rapporteur le montrera lors de l'examen de l'article 12 du projet de loi.

II LE TEXTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE PROPRE DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE ET LE POUVOIR D'ADAPTATION DES RÈGLEMENTS NATIONAUX NE PEUT ÊTRE ACCEPTÉ EN L'ÉTAT

Votre commission spéciale relève là encore que les réponses du Gouvernement minimisent la portée réelle des pouvoirs nouveaux consentis à la collectivité territoriale de Corse.

a) Une procédure virtuelle ?

Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement a fait savoir que « le projet de loi se contente de fixer une règle de procédure applicable au fonctionnement de la collectivité territoriale. Le Gouvernement reste maître de choisir la suite qu'il entend réserver à cette demande. Il demeure libre de saisir le Parlement d'un projet de loi ou d'un amendement apportant une réponse à cette demande. Naturellement, une telle initiative peut découler d'une proposition de loi ».

S'agit-il de créer une nouvelle procédure, qui, connaissant le même sort que l'article 26 de la loi du 13 mai 1991, resterait virtuelle ?

b) L'absence d'évaluation préalable du champ d'application de cette mesure

Votre rapporteur ayant demandé que lui soit fournie la liste des compétences dans lesquelles la collectivité territoriale de Corse exercerait son pouvoir réglementaire « propre » , le Gouvernement a répondu que « le champ d'application est limité par les compétences énumérées dans le code général des collectivités territoriales, en matière économique culturelle et d'environnement ».

Quant au champ d'application de l'exercice du pouvoir d'adaptation des règlements nationaux , il a indiqué « qu' il n'existe pas de liste préconçue . On peut songer, en matière d'interventions économiques, au régime des aides directes et indirectes ainsi qu'aux mesures énumérées au présent projet de loi, en particulier en matière d'urbanisme ».

Votre commission spéciale déplore le manque de précision des réponses apportées par le Gouvernement.

c) Le renvoi aux « lois d'habilitation ultérieures »

A la question relative au contenu de la loi d'habilitation , le Gouvernement a répondu qu'« il appartiendra au cas par cas au législateur de se prononcer sur le partage qu'il entend réaliser entre le renvoi à des mesures d'application prises par le Gouvernement et des mesures d'application décentralisées, dans le respect des prérogatives du Premier ministre. Un tel partage existe déjà dans l'actuel statut de la collectivité territoriale de Corse avec la compétence confiée à cette dernière de fixer les règles relatives au interventions économiques ».

Votre commission spéciale ne peut que réaffirmer que le législateur n'est pas le constituant, et qu'il ne peut donc répartir le pouvoir normatif entre plusieurs autorités. L'argument relatif aux interventions économiques ne peut être retenu (cf. commentaire de l'article 17).

L'article premier ouvre une brèche dans l'article 21 de la Constitution, car le projet de loi ne précise pas si le pouvoir réglementaire du Premier ministre pourra s'exercer concurremment à celui de la collectivité territoriale de Corse, ou s'il s'agit d'un pouvoir exclusif .

En effet, l'expression : « dans le respect de l'article 21 de la Constitution », pour maladroite qu'elle soit, ne concerne que le deuxième alinéa du II de l'article premier (pouvoir d'application des lois) et non le premier alinéa (pouvoir réglementaire « propre » de la collectivité territoriale de Corse).

d) L'absence de réponses à d'autres questions juridiques soulevées par le dispositif

Votre rapporteur ayant demandé pourquoi la mention selon laquelle l'adaptation devait répondre à un but d'intérêt général avait été supprimée, le Gouvernement n'a donné aucune réponse .

Puis, sur la question de savoir pourquoi l'exigence selon laquelle la situation spécifique justifiant les adaptations réglementaires devrait être appréciée au regard de l'objet de la réglementation considérée avait été supprimée, le Gouvernement s'est contenté de répondre : « Parce qu'il ne pouvait en être autrement . ».

III. LA RECONNAISSANCE D'UN POUVOIR NORMATIF À UNE COLLECTIVITÉ LOCALE ET L'ADAPTATION DES RÈGLEMENTS NATIONAUX SONT DES IDÉES INTÉRESSANTES MAIS QUI NÉCESSITENT UNE RÉVISION PRÉALABLE DE LA CONSTITUTION ET DOIVENT ÊTRE ENVISAGÉES DANS UN CADRE GLOBAL

1° Un idée intéressante

Votre commission spéciale aborde la question du pouvoir normatif des collectivités locales avec un grand intérêt. Le Sénat a toujours été attentif à la nécessaire souplesse dans l'application des lois et des règlements au niveau local. Certaines règles ne justifient pas une application uniforme sur l'ensemble du territoire national.

Toutefois, les expérimentations locales doivent être mises en conformité tant avec le principe constitutionnel d'égalité devant la loi que la répartition du pouvoir normatif sous la Vème République. C'est pourquoi, une révision constitutionnelle préalable est nécessaire.

2° La nécessaire révision préalable de la Constitution devra s'inscrire dans un cadre plus général

La proposition de loi constitutionnelle tendant à introduire dans la Constitution un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales, dite « proposition de loi Méhaignerie », dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale le 16 janvier 2001, propose de compléter l'article 72 de la Constitution dans ces termes : « A l'initiative des collectivités territoriales , leur organisation, leurs compétences ou leurs ressources peuvent faire l'objet d'une expérimentation dans des conditions définies par la loi, en vue d'une généralisation. Dans ce cadre, les collectivités territoriales peuvent être autorisées à adapter les lois et les règlements . Ces dispositions ne s'appliquent pas aux matières mentionnées aux troisième, quatrième, cinquième, dixième et treizième alinéas de l'article 34. Une loi organique détermine les conditions d'application des dispositions du présent alinéa ».

Cette proposition de loi a un objet constitutionnel. Comme le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale le soulignait lui-même : « La reconnaissance d'un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales est donc, pour l'essentiel, incompatible avec le cadre constitutionnel actuel . »

De même, le rapport de M. Hugues Portelli au nom de l'Institut de la Décentralisation publié en juin 2001 conclut à la nécessité d'une révision constitutionnelle et propose plusieurs rédactions en ce sens. En particulier, il est proposé de modifier l'article 72 de la Constitution afin que « les collectivités territoriales exercent le pouvoir réglementaire dans les domaines de compétences que leur attribue la loi ».

Votre commission spéciale salue la qualité de ces travaux, qui démontrent l'intérêt que pourrait revêtir l'idée d'une révision constitutionnelle à ce stade de la décentralisation. Nous sommes sans doute arrivés au bout de ce que la Constitution permettait. Il n'est pas interdit d'envisager la suite dans un cadre constitutionnel rénové. A l'initiative du président Christian Poncelet, le Sénat a ainsi adopté une proposition de loi constitutionnelle en ce sens 93 ( * ) .

Votre commission spéciale estime que les avancées d'une éventuelle révision constitutionnelle devront s'inscrire dans un cadre plus général intéressant l'ensemble des collectivités locales.

4° La « loi déclinable »

Votre rapporteur vous soumet une idée de révision constitutionnelle : la reconnaissance des « lois déclinables ».

Partant du constat que la Constitution ne reconnaît que deux types de lois : les lois ordinaires et les lois organiques, il convient sans doute de prévoir une autre forme de loi, qui serait susceptible d' application différenciée sur le territoire national .

Dès le vote de la loi, le législateur prévoirait d'en confier l'application par voie réglementaire aux collectivités locales, afin qu'elles adaptent au mieux les prescriptions de la loi aux réalités locales. Tous les domaines ne seraient pas concernés.

Cette mesure serait de nature à régler la grande majorité des difficultés actuellement rencontrées par les collectivités locales sur le terrain juridique.

Pour toutes les raisons ci-dessus évoquées, votre commission spéciale vous soumet trois amendements tendant à supprimer les paragraphes II, III et IV du présent article.

Elle vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .

Article 2
(art. L. 4423-1 du code général des collectivités territoriales)
Déféré préfectoral - recours suspensif

Cet article tend à renforcer les prérogatives du préfet en cas de déféré relatif à une délibération portant mesure d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires.

Il modifie en ce sens l'article L. 4423-1 du code général des collectivités territoriales, selon lequel les délibérations de l'assemblée de Corse et du conseil exécutif ainsi que les actes du président de l'Assemblée de Corse et du président du conseil exécutif sont soumis au contrôle de légalité dans les conditions de droit commun (articles L. 4142-1 et suivants).

Selon le projet de loi initial, en présence d'une délibération de l'Assemblée de Corse portant mesure d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires, le préfet pourra assortir son recours d'une demande de suspension .

Cette délibération cessera de produire effet jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande. Toutefois, si le tribunal administratif n'a pas statué dans ce délai de deux mois , la délibération redeviendra exécutoire.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié la rédaction de cet article par coordination avec la solution retenue à l'article premier, sans le modifier au fond.

Votre commission spéciale remarque que la demande de suspension prévue n'est pas conditionnée par l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de l'acte attaqué. Le droit commun du référé-suspension 94 ( * ) le prévoit, mais les référés dans les domaines spéciaux, notamment en matière d'urbanisme et de libertés publiques, ne comportent pas cette condition.

La suppression des paragraphes II et IV de l'article L. 4424-2 95 ( * ) , prive de son objet le déféré préfectoral prévu au présent article.

En conséquence, par coordination avec la solution qu'elle vous a proposée à l'article premier, votre commission spéciale vous soumet un amendement de suppression de l'article 2.

Article 3
Refonte du chapitre du code
consacré à l'organisation de la collectivité territoriale de Corse

Cet article tend à réorganiser le titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, relatif à la collectivité territoriale de Corse.

Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements formels.

Votre commission spéciale tient à faire remarquer que la rédaction de l'ensemble du projet de loi est rendue plus difficilement compréhensible par cette renumérotation qui n'est placée ni en tête ni en fin du projet de loi .

A cela s'ajoute l'utilisation de solutions différentes selon les articles du projet de loi. Par exemple, l'article premier modifie l'actuel article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales. L'article 2 du projet de loi, qui fait référence à ces dispositions, utilise la future numérotation : L. 4422-16. Enfin, l'article 4 du texte adopté par l'Assemblée nationale renumérote l'actuel article L. 4424-12 en un article L. 4424-2.

Cette présentation du projet de loi rend plus difficile l'exercice du droit d'amendement par les parlementaires . Il leur faut en effet tenir compte tant des numéros d'articles existants que de la renumérotation opérée par le projet de loi.

La solution la plus satisfaisante aurait consisté à procéder à cette renumérotation au début du texte.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement de réécriture complète de l'article 3, afin de le mettre en conformité avec l'ensemble des modifications qu'elle vous proposera aux différents articles de ce projet de loi, et de regrouper en un seul article toutes les modifications portant sur la codification . Ainsi, les articles suivants du projet de loi pourront se concentrer sur le fond des dispositions.

A l'occasion de cette réécriture, votre commission spéciale vous propose de remplacer les termes « compétences de la collectivité territoriale de Corse » par ceux, juridiquement exacts, d'« attributions ».

Elle vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .

CHAPITRE 2
DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPÉTENCES
DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE

SECTION 1
De l'identité culturelle
Sous-section 1
De l'éducation et de la langue corse
Article 4
(art. L. 4424-11, L. 4424-12 et L. 4424-15
du code général des collectivités territoriales)
Carte scolaire des établissements secondaires

Cet article a principalement pour objet de préciser les attributions reconnues à la collectivité territoriale de Corse en matière d'élaboration de la carte scolaire et des programmes d'investissement correspondants.

Il s'articule en 4 paragraphes.

Le paragraphe I modifie l'intitulé du chapitre IV du titre II (« La collectivité territoriale de Corse ») du livre IV (« Régions à statut particulier et collectivité territoriale de Corse ») de la quatrième partie (« La Région ») du code général des collectivités territoriales.

L'intitulé de ce chapitre IV « Attributions » devient « Compétences ».

Le paragraphe II intitule « Identité culturelle de la Corse » la section 1 de ce chapitre IV et la divise en trois sous-sections : « Education », « Culture et communication », et « Sport et éducation populaire ».

Le paragraphe III modifie l'article L. 4424-11 qui, par l'effet du réaménagement évoqué ci-dessus, devient l'article L. 4424-1. Cet article porte sur la planification scolaire.

• Le droit en vigueur

On examinera successivement les dispositions de droit commun qui régissent la planification scolaire en France, les dispositions du statut de 1991, et leur originalité.

1. Les dispositions du code de l'éducation

La planification scolaire dans les régions et départements est régie par plusieurs dispositions du code de l'éducation, dont le contenu a été précisé par une circulaire du 18 juin 1985.

Cette planification repose sur quatre documents.

Le schéma prévisionnel des formations a pour objet de définir, à un horizon donné et au niveau de la région, les besoins qualitatifs et quantitatifs, de formation qui peuvent être offerts par les collèges, les lycées, les établissements d'éducation spéciale et les écoles de formation maritime et aquacole. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'éducation, c'est au conseil régional qu'il convient de l'établir, après accord des départements, puis de le transmettre au représentant de l'Etat dans la région.

Le programme prévisionnel des investissements assure la mise en oeuvre des orientations du schéma prévisionnel en définissant, à un horizon choisi, la localisation des établissements, leur capacité d'accueil et le mode d'hébergement des élèves. Le code de l'éducation précise qu'il revient au conseil général, pour les collèges (art. L. 213-11) et au conseil régional pour les lycées (art. L. 214-5) d'inscrire à ce programme les principales opérations d'investissement qu'ils envisagent, et en particulier celles de reconstruction, de construction ou d'extension d'établissements.

La structure pédagogique générale des établissements définit les types de formations dispensées dans chaque établissement. Elle est, aux termes de l'article L. 211-2 du code précité, arrêtée chaque année par les autorités compétentes de l'Etat -le recteur , ou, pour les établissements de formation maritime et aquacole, le directeur régional des affaires maritimes- en tenant compte du schéma prévisionnel des formations.

La liste annuelle des opérations de construction ou d'extension des établissements que l'Etat s'engage à pourvoir des postes qu'il juge indispensables à leur fonctionnement administratif ou pédagogique est, aux termes de l'article L. 211-2 précité, arrêtée par le représentant de l'Etat dans la région en tenant compte des programmes prévisionnels. L'inscription sur cette liste d'une opération ne restreint pas le pouvoir de la collectivité compétente pour décider des investissements qu'elle engagera, mais constitue une garantie apportée par l'Etat quant à l'affectation des personnels dont il conserve la pleine maîtrise.

2. Le dispositif issu des articles 50, 51 et 54 du statut de 1991 et du décret de 1992

L'article 50 du statut de 1991 , codifié à l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales confie à l'Assemblée de Corse la responsabilité d'arrêter, sur proposition du représentant de l'Etat et après consultation des départements et communes intéressés, ainsi que du Conseil économique, social et culturel de Corse, la carte scolaire d'un certain nombre d'établissements : collèges, lycées, établissements d'enseignement artistique, établissements d'éducation spéciale, écoles de formation maritime et aquacole, établissements d'enseignement agricole.

Un décret d'application n° 92-1451 du 31 décembre 1992 a complété ce dispositif et précisé, en particulier, son articulation avec les outils de programmation scolaire en usage dans le reste du pays, examinés plus haut.

L'article premier de ce décret précise que « la carte scolaire des établissements du second degré de Corse comprend le schéma prévisionnel des formations et le programme prévisionnel des investissements correspondant à ce schéma ».

L'article 2 ajoute que, « pour la mise en oeuvre de la carte scolaire, l'Assemblée de Corse arrête chaque année, sur proposition du recteur, après avis des organismes compétents la structure pédagogique générale des établissements », en fonction de la répartition des emplois opérée par le président du conseil exécutif, en application de l'article L. 4424-15 du code général des collectivités territoriales.

Enfin, l'article 3 confie à l'Assemblée de Corse la responsabilité d'arrêter le « programme annuel des investissements immobiliers et des équipements en mobiliers et appareils ».

L'article 51 du statut de 1991 , codifié à l'article L. 4424-12 , confie à la collectivité territoriale de Corse la responsabilité de financer, construire, équiper et entretenir les établissements d'enseignement secondaire évoqués ci-dessus. Il précise en outre qu'elle peut confier la maîtrise d'ouvrage des travaux qui les concernent aux départements et communes qui le demanderaient. Il fait obligation à l'Etat d'assurer à ces établissements les moyens financiers directement liés à leur activité pédagogique.

L'article 54 , codifié à l'article L. 4424-15 , confie au président du conseil exécutif la responsabilité de répartir entre les différents établissements d'enseignement les emplois attribués par l'Etat.

3. Spécificités du dispositif du statut de 1991

Le dispositif institué par l'article 50 du statut de 1991 se distingue du dispositif en vigueur sur le reste du territoire métropolitain sur les points suivants :

- la compétence de la collectivité territoriale de Corse s'étend à l'ensemble des établissements secondaires, y compris les collèges , qui, dans le droit commun, relèvent du département ;

- le statut de 1991 reconnaît à la collectivité territoriale de Corse en matière de schéma prévisionnel des formations et de programme prévisionnel des investissements une compétence comparable à celle qui est dévolue par le code de l'éducation aux régions et départements, à cette réserve près que cette responsabilité s'exerce sur proposition du représentant de l'Etat ;

- les articles 2 et 3 du décret confient à la collectivité territoriale de Corse en matière d'établissement de la structure pédagogique générale des établissements et de programme annuel des investissements des compétences que l'article L. 211-2 confie respectivement au recteur et au représentant de l'Etat, dans le reste du pays. On peut s'interroger sur la régularité de cette dérogation opérée par voie réglementaire à une règle posée par une disposition législative.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Le paragraphe III modifie l'article L. 4424-11 qui devient l'article L. 4424-1 et s'articule sur trois alinéas.

Le premier alinéa confie à la collectivité territoriale de Corse la responsabilité de définir « la carte des implantations, les capacités d'accueil ainsi que le mode d'hébergement des élèves » pour les établissements d'enseignement secondaire dont elle a la charge.

Ce dispositif appelle plusieurs remarques :

- ces attributions correspondent au contenu habituel du « programme prévisionnel des investissements » et correspondent donc à une responsabilité déjà conférée à la collectivité territoriale de Corse par le statut de 1991 à travers la notion de « carte scolaire ». Le projet de loi n'évoque en revanche pas explicitement « le schéma prévisionnel des formations » qui constituait l'autre versant de la carte scolaire ;

- le projet de loi affranchit la collectivité territoriale de Corse du pouvoir de proposition reconnu par le statut de 1991 au représentant de l'Etat , mais aussi de la consultation préalable des collectivités territoriales intéressées et du conseil économique, social et culturel de Corse.

Le second alinéa reconnaît à la collectivité territoriale de Corse la responsabilité d'arrêter la liste des opérations d'investissements intéressant les établissements secondaires dont elle a la charge, après avoir consulté les communes intéressées et le conseil économique, social et culturel, et après avoir recueilli l'avis du représentant de l'Etat. Il confère donc opportunément un statut législatif à une compétence que la collectivité territoriale de Corse tenait jusqu'à présent de l'article 3 du décret de 1992 précité.

Le troisième alinéa précise les modalités d'élaboration de la carte des formations : celle-ci est définie chaque année par la collectivité territoriale de Corse, et l'Etat lui fait connaître les moyens qu'il se propose d'attribuer à cette fin à l'Académie de Corse. Cette carte des formations ne devient définitive que lorsqu'une convention définissant les moyens attribués par l'Etat a été conclue entre le représentant de l'Etat et la collectivité territoriale de Corse.

Ce dispositif appelle deux observations :

- si la notion de « carte des formations » recoupe bien celle de « structure pédagogique générale des établissements » visée à l'article L. 211-2 du code de l'éducation, ce dispositif donne une confirmation législative à une compétence que lui reconnaissait déjà l'article 2 du décret de 1992 précité, mais supprime le pouvoir de proposition du recteur ;

- à travers le contrôle qu'il conserve sur les moyens, notamment en personnel, qu'il affecte à l'Académie de Corse, l'Etat participe à la construction de la carte des formations : celle-ci ne devient définitive qu'une fois conclue une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse.

Le paragraphe IV modifie la numérotation de l'article L. 4424-12 qui devient l'article L. 4424-2, et abroge l'article L. 4424-15 qui confie au président du conseil exécutif la compétence pour répartir , sur proposition de l'autorité compétente, les emplois attribués aux établissements d'enseignement.

• La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements :

- deux amendements rédactionnels portant sur les trois premiers alinéas (paragraphes I et II ), et dont l'objet est, notamment, de renvoyer par un souci de clarté les intitulés de la « sous-section 2 : Culture et communication » et de la « sous-section 3 : Sport et éducation populaire » à la discussion des articles 8 et 11 du projet de loi qui portent sur le contenu de ces divisions du code ;

- un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale a complété le texte du dispositif proposé par le III pour l'article L. 4424-1 par un dernier alinéa qui prévoit une consultation préalable du représentant de l'Etat, du Conseil économique social et culturel de Corse, et des communes intéressées pour la définition de la carte des implantations et de la carte des formations ;

- un autre amendement a précisé, dans l'avant-dernier alinéa, que la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse sur la carte des formations doit également définir, outre les moyens attribués par l'Etat, leurs modalités d'utilisation .

• La position de votre commission spéciale

1) Votre commission spéciale vous propose de modifier l'intitulé de la section 1 pour le rendre plus fidèle à son contenu qui porte sur les attributions de la collectivité territoriale de Corse en matière d'identité culturelle, et non, comme pourrait le laisser penser le titre actuel, sur les composantes de l'identité culturelle.

2) Le projet de loi ne reprend pas les termes du code de l'éducation applicables dans le reste de la France en matière de planification scolaire . Dans la réponse écrite qu'il a apportée à votre rapporteur, le Gouvernement indique que ce choix rédactionnel « tient à la précédente rédaction du statut de la Corse, issu de la loi de 1991, qui évoquait la notion de "carte scolaire" ».

Votre commission spéciale a rappelé les imprécisions rédactionnelles du statut de 1991, qui ont conduit le pouvoir réglementaire à expliciter le contenu de la notion de « carte scolaire » par référence aux notions définies par le code de l'Education. Elle ne souhaite pas que le dispositif qui sera adopté en matière de planification scolaire dans le projet de statut reconduise ces ambiguïtés. Elle estime que, dans la mesure où les outils de programmation utilisés en Corse ont le même contenu que ceux qui ont cours dans le reste du pays -ce qui semble être le cas, d'après les réponses écrites que le rapporteur a reçues- il n'est pas justifié de les désigner par des expressions différentes sauf à vouloir conférer, artificiellement, à l'ensemble du dispositif une originalité de façade.

Le rapprochement des réponses écrites du Gouvernement et des débats à l'Assemblée nationale illustre d'ailleurs les inconvénients de cette terminologie originale et ambiguë.

Dans les précisions qu'il a apportées à votre rapporteur, le Gouvernement écrit : « Dans le projet de loi actuel, on a tenté de clarifier les termes de carte scolaire en supprimant cette expression et en précisant les compétences concrètes de la collectivité territoriale de Corse en matière de planification scolaire : « la carte des formations, les capacités d'accueil et le mode d'hébergement des élèves », correspondent en réalité au programme prévisionnel des investissements (L. 214-5) et au schéma prévisionnel des formations (L. 214-1). »

Cependant, lorsque, dans la discussion à l'Assemblée nationale, M. Paul Patriarche a déposé un amendement proposant que l'élaboration du schéma prévisionnel des formations soit prévue par la loi, le rapporteur et le Gouvernement l'ont repoussé, non pas au motif que cette proposition était redondante, mais parce qu'il ne leur semblait « pas nécessaire d'introduire un nouveau document en sus de la carte scolaire et de la carte des formations » (débats A.N. - 2 ème séance 16 mai 2001, p. 3012).

Votre commission spéciale souhaite éviter qu'à l'occasion de l'adoption d'une disposition ambiguë, la collectivité territoriale de Corse se trouve privée d'une compétence que lui reconnaît le statut actuel, et que le code de l'Education attribue d'ailleurs à tout conseil régional.

Elle vous proposera, en conséquence :

- de substituer aux expressions originales mais mal définies du dispositif actuel, les dénominations habituelles et explicites du code de l'Education ;

- de confirmer explicitement la compétence actuelle de la collectivité territoriale de Corse en matière de définition du schéma prévisionnel des formations.

Dans le texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 4424-1 du code général des collectivités territoriales, elle vous proposera par amendement :

- dans le premier alinéa, de substituer les mots « le schéma prévisionnel des formations et le programme prévisionnel des investissements » aux mots « la carte des implantations, les capacités d'accueil ainsi que le mode d'hébergement des élèves » ;

- dans le troisième alinéa, de substituer les mots « la structure pédagogique générale des établissements d'enseignement mentionnés au premier alinéa », aux mots « la carte des formations ».

3) Si la collectivité territoriale de Corse est compétente en matière de planification scolaire, l'Etat conserve en revanche la maîtrise des emplois. De façon à améliorer la nécessaire concertation en amont sur la structure pédagogique générale des établissements, votre commission spéciale vous suggère d'adopter un amendement précisant que l'Etat fait connaître à l'Assemblée de Corse, après concertation avec le Président du Conseil exécutif, les effectifs qu'il se propose d'attribuer à l'Académie de Corse.

4) Le projet de loi ne précise pas l'organe de la collectivité territoriale de Corse habilité à signer la convention passée avec l'Etat qui rend définitive la structure pédagogique générale des établissements. Votre commission spéciale vous suggère d'adopter un amendement confiant cette responsabilité au Président du Conseil exécutif, agissant sur mandat de l'Assemblée de Corse.

Article 5
(art. L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales)
Actions de formation supérieure

Cet article a pour objet d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à organiser ses propres actions de formation supérieure et de recherche.

• Le droit en vigueur

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 52 du statut de 1991, confie à l'Assemblée de Corse la compétence pour établir, en fonction de ses priorités, la carte des formations supérieures et des activités de recherche universitaire. Elle établit cette carte à partir des propositions formulées par le président du conseil exécutif.

L'université de Corse est étroitement associée à son élaboration : le président du conseil exécutif prend son avis avant de formuler des propositions ; la carte ne devient définitive que lorsqu'elle a fait l'objet d'une convention entre la collectivité territoriale de Corse, l'Etat et l'université de Corse. Cette convention tripartite doit permettre de concilier la compétence de la collectivité territoriale de Corse avec les prérogatives de l'Etat en matière d'enseignement supérieur et avec le principe d'autonomie des établissements universitaires.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi complète les dispositions de l'article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales -dont il modifie la numérotation par coordination avec les dispositions de l'article 4 du projet de loi- par un alinéa additionnel.

Celui-ci a pour objet d'autoriser la collectivité territoriale de Corse par délibération de l'Assemblée, à organiser ses propres actions de formation supérieure et de recherche, en passant des conventions avec des établissements d'enseignement supérieur ou avec des organismes de recherche.

• La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements qui ont modifié cet article et l'ont organisé en quatre paragraphes.

Un amendement de la commission des lois a substitué les mots « enseignement supérieur et recherche » aux mots « formations supérieures et activités de recherche » dans les premier, deuxième et troisième alinéas nouveaux du nouvel article L. 4424-3. D'après M. José Rossi, qui l'a défendu devant la commission, cet amendement (deux fois modifié) a pour objet « uniquement d'harmoniser les termes employés avec ceux figurant dans les autres textes relatifs à ces questions ».

L'amendement de la commission des lois adopté sur l'initiative de M. Michel Vaxès précise, dans le texte proposé par le IV pour le troisième alinéa de l'article L. 4424-3 que les actions organisées en ce domaine par la collectivité territoriale de Corse sont complémentaires de celles de l'Etat.

Un amendement de M. Jean-Yves Caullet a précisé en outre que ces actions sont organisées « sans préjudice des compétences de l'Etat en matière d'homologation des titres et diplômes ».

• La position de votre commission spéciale

La disposition qui autorise la collectivité territoriale de Corse à développer des actions complémentaires en partenariat avec des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, n'est pas dépourvue d'intérêt dans la mesure où elle pourrait être l'occasion d'une fructueuse ouverture sur l'extérieur, mais elle suscite de fortes réserves de la part de l'Université de Corse.

Votre commission spéciale l'a cependant maintenue car elle se situe dans le prolongement d'une pratique déjà très répandue sur l'ensemble de notre territoire, et qui est conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales, et à celui de l'autonomie des universités.

Elle vous propose, en conséquence, d'adopter cet article sans modification .

Article 6
Financement des établissements d'enseignement supérieur
et gestion des instituts universitaires de formation des maîtres

Cet article, qui comporte deux paragraphes, a pour objet de transférer à la collectivité territoriale de Corse le financement des établissements d'enseignement supérieur ( I ) et la gestion des instituts universitaires de formation des maîtres ( II ).

Le premier paragraphe ( I ) de cet article introduit dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 4424-4 qui transfère à la collectivité territoriale de Corse la compétence pour financer, construire, équiper et entretenir les établissements d'enseignement supérieur figurant sur la carte des formations supérieures qu'elle a établie. Ce transfert vient compléter le bloc de compétences qui lui est déjà reconnu en matière de financement des collèges, lycées, établissements publics d'enseignement professionnel, établissements d'enseignement artistique, établissements d'éducation spéciale, écoles de formation maritime et aquacole et établissements d'enseignement agricole.

Le second paragraphe ( II ) transfère à la collectivité territoriale de Corse les compétences attribuées à l'Etat par les articles L. 722-1 à L. 722-16 du code de l'Education , à l'exception toutefois des dispositions relatives aux personnels.

Ces dispositions du code de l'Education reprennent les 16 premiers articles de la loi du 4 juillet 1990 relative aux droits et obligations de l'Etat et des départements concernant les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Alors que les bâtiments et certains personnels des anciennes écoles normales étaient gérés par les conseils généraux, les instituts universitaires de formation des maîtres, qui sont rattachés aux établissements publics d'enseignement supérieur, sont gérés par l'Etat. La loi de 1990 décrit les modalités de transfert des biens meubles et immeubles qui leur sont affectés et prévoit la possibilité d'intégrer dans la fonction publique de l'Etat les personnels affectés à leur entretien. Son article 2, codifié à l'article L. 722-2, autorise cependant les départements qui le souhaiteraient à conserver les responsabilités qu'ils exerçaient précédemment à l'égard des personnels et des biens affectés à ces établissements, sous réserve de la passation d'une convention avec l'Etat pour régler les conditions et les modalités de prise en charge des dépenses correspondantes.

Tel est le cas, en Corse, pour les IUFM de Bastia et d'Ajaccio, qui sont installés dans les locaux des anciennes écoles normales et à l'égard desquels les deux conseils généraux continuent, depuis 1991, d'exercer leurs obligations.

• Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le I sans modification.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission des lois qui procède à la réécriture du deuxième paragraphe ( II ), sous la forme d'un article L. 722-17 additionnel après l'article L. 722-16 du code de l'Education. Ce nouveau dispositif :

- confie à la collectivité territoriale de Corse la gestion des biens meubles et immeubles affectés aux IUFM ;

- substitue à cet effet la collectivité territoriale de Corse à l'Etat pour l'application des articles L. 722-2 à L. 722-9 du code de l'Education, à l'exception de toute disposition relative aux personnels ;

- prévoit que, dans le cas d'une convention entre la collectivité territoriale de Corse et le département, en application de l'article L. 722-2, le département continuera d'exercer les responsabilités qu'il assumait précédemment à l'égard des personnels affectés à l'entretien et à la gestion de ces bâtiments.

Le rapport de M. Bruno Le Roux justifie de la façon suivante cette nouvelle rédaction.

Il estime que le projet de loi initial, qui prévoit la substitution de la collectivité territoriale de Corse à l'Etat en visant l'intégralité des articles du code de l'Education relatifs aux IUFM, « laisse un doute sur le maintien de la compétence de l'Etat en matière de recrutement des enseignants et de définition des contenus des enseignements délivrés dans ces instituts de formation ». L'amendement de la commission des lois est donc présenté comme un amendement de précision destiné à ne viser que les articles du code relatifs à la seule gestion des biens.

Cet amendement et sa présentation appellent un certain nombre de remarques :

- le dispositif proposé par l'Assemblée nationale procède à une sélection au sein des dispositions du chapitre du code de l'éducation relatif à la gestion des IUFM : il retient les articles qui concernent principalement la gestion des biens (articles L. 722-2 à L. 722-9) mais retranche ceux qui portent sur la gestion des personnels transférés (articles L. 722-10 à L. 722-15) ; à ce titre, il peut apparaître comme une rédaction plus précise d'un dispositif qui se proposait d'emblée d'exclure les dispositions relatives aux personnels ;

- on ne voit pas bien en revanche, pourquoi l'ancienne rédaction aurait laissé « un doute sur le maintien de la compétence de l'Etat en matière de recrutement des enseignants et de définition des contenus des enseignements ». Les articles L. 722-10 à L. 722-15, dont la mention a été supprimée, portent en effet non sur les personnels enseignants, mais sur les fonctionnaires, relevant du statut de la fonction publique territoriale et affectés à l'entretien et à la gestion des bâtiments, pris en charge par l'Etat à la suite de leur affectation à un IUFM. Ces dispositions leur ouvrent la possibilité de demander leur intégration dans la fonction publique de l'Etat, et précisent les modalités de calcul et de versement de la compensation financière correspondant à leur rémunération. Elles n'évoquent pas non plus le contenu des enseignements ;

- on peut également s'interroger sur les conséquences de cette nouvelle rédaction pour les départements qui, en application de l'article L. 722-2, ont souhaité conserver la gestion des IUFM issus des anciennes écoles normales. Le nouvel article L. 722-17 pose en effet le principe général d'une prise en charge par la collectivité territoriale de Corse de la gestion des biens meubles et immeubles affectés aux IUFM . Il ajoute qu'en cas de convention entre la collectivité territoriale de Corse et le département, en application de l'article L. 722-2, le département continue d'exercer les responsabilités qu'il assumait précédemment à l'égard des personnels , ce qui semble confirmer, a contrario, que la gestion des biens meubles et immeubles lui échappera dorénavant.

Ce point n'est pas sans conséquence pour la Corse, compte tenu de la localisation respective de l'Université de Corse et des différents centres d'IUFM. Il existe en effet, à côté du siège de l'IUFM rattaché à l'Université de Corte, deux centres qui sont respectivement installés à Bastia et à Ajaccio, dans les locaux des anciennes écoles normales. Les deux conseils généraux sont attachés à l'implantation de ces deux établissements, et ont pour cette raison décidé depuis 1991, de continuer à assurer leurs obligations en matière d'entretien de ces locaux.

• Position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose d'adopter une nouvelle rédaction du II permettant la substitution de la collectivité territoriale de Corse à l'Etat en matière de gestion des IUFM, dans le respect des garanties offertes aux départements dans le cadre de l'article L. 722-2.

Article 7
(art. L. 312-11 du code de l'éducation)
(art. L. 4424-14 du code général des collectivités territoriales)
Enseignement de la langue corse

Cet article a pour objet d'insérer l'enseignement de la langue corse dans le cadre de l'horaire normal des écoles (I), et de prévoir que les mesures d'accompagnement nécessaires seront inscrites dans la convention conclue entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat (II). Votre commission spéciale vous propose en outre d'adopter un paragraphe additionnel relatif au CAPES de langue corse.

L'insertion de l'enseignement de la langue corse dans le cadre scolaire doit permettre de sortir celui-ci d'un cadre purement identitaire, tendant au repli sur soi. Il peut et doit être un élément de lutte contre l'isolement et l'insularité, un instrument d'ouverture vers le multilinguisme et, plus particulièrement, vers l'apprentissage d'autres langues latines.

I. L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE CORSE

• Le droit en vigueur

Le cadre juridique actuel de l'enseignement de la langue corse est constitué de trois éléments.

1. La loi Deixonne

Les dispositions de la loi n° 51-46 du 11 janvier 1951, dite « Loi Deixonne », ont été codifiées dans une section particulière du code de l'éducation consacrée à « l'enseignement des langues et cultures régionales ». Cette section comporte deux articles :

- un article L. 312-10 qui dispose qu'« un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité » ;

- un article L. 312-11 qui autorise les maîtres « à recourir aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles, chaque fois qu'ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l'étude de la langue française ».

Les dispositions de cette loi, d'origine parlementaire, ne concernaient initialement que le breton, le basque, le catalan et la langue occitane. Un décret du 16 janvier 1974 en a étendu le bénéfice au corse. Deux autres décrets ultérieurs, respectivement du 12 mai 1981 et du 20 octobre 1992 y ont adjoint le tahitien et les langues mélanésiennes.

Les dispositions de la « loi Deixonne », qui définissent le statut législatif de l'ensemble de ces langues régionales, corse compris, appelle les remarques suivantes :

- il s'agit d'un enseignement facultatif : aucune obligation n'est imposée ni aux élèves, ni aux maîtres, ni aux établissements scolaires ;

- le recours aux langues régionales n'est pas présenté comme une fin en soi, mais comme le moyen pour les maîtres d'en tirer un profit pour leur enseignement, notamment pour l'étude de la langue française.

On rappellera en outre que l'article premier de la loi n° 89-486 d'orientation sur l'éducation prévoit la possibilité d'un enseignement à tous les niveaux, de langues et cultures régionales, et que, plus récemment, la loi n° 99-533 du 29 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a prévu un schéma de services collectifs culturels dont l'une des mission est d'assurer « la sauvegarde et la transmission des langues et cultures régionales ou minoritaires ».

2. Le rôle déterminant des circulaires ministérielles

Sur le fondement de ces dispositions législatives très générales, le développement de l'enseignement des cultures et langues régionales dans le service public de l'éducation nationale a été instauré, pour l'essentiel, par voie de circulaires. Deux d'entre elles méritent une mention particulière :

• la circulaire n° 82-261 du 21 juin 1982 a consacré l'enseignement des langues régionales « non pas comme une matière marginale, mais comme une matière spécifique » dont l'enseignement devait toutefois reposer sur le volontariat des élèves et des enseignants . Elle prévoyait plus particulièrement que dans les classes maternelles, la langue régionale pourrait être utilisée pour l'accueil du matin et dans les activités d'éveil ; à l'école élémentaire, cet enseignement pourrait soit continuer de s'effectuer à l'occasion d'activités d'éveil, soit faire l'objet d'un enseignement spécifique de culture et de langue régionales. Cet enseignement, modulable de 1 à 3 heures par semaine , serait organisé par des enseignants volontaires ;

• Plus récemment, la circulaire n° 95-086 du 7 avril 1995 a précisé les deux formes que pourrait dorénavant prendre l'enseignement de langue et de culture régionales : soit un enseignement d'initiation , dispensé à raison de 1 à 3 heures hebdomadaires, et intégré dans les programmes et les horaires nationaux selon les aménagements acceptés par les inspecteurs d'académie ; soit un enseignement bilingue dans lequel la langue régionale est à la fois langue enseignée et langue d'enseignement et est utilisée à parité avec la langue française.

C'est dans ce contexte législatif et réglementaire que « la stratégie de l'Etat en Corse », adoptée en février 1994, a posé le principe d'une développement de l'enseignement de la langue corse, avec un objectif de trois heures hebdomadaires.

D'après les indications fournies à la mission d'information de votre commission spéciale, l'enseignement de la langue corse est actuellement dispensé dans 80% des classes primaires de Corse , mais la durée de cet enseignement n'atteint l'objectif des trois heures hebdomadaire que dans 20% d'entre elles.

Toutefois, lors de sa venue en Corse, le 10 septembre dernier, le ministre de l'Education nationale a exprimé sa volonté de généraliser l'enseignement de la langue corse dans l'ensemble des écoles maternelles et élémentaires, à raison de trois heures hebdomadaires.

Le jeu conjugué des dispositions législatives existantes et des circulaires générales relatives aux langues régionales offrent donc un fondement juridique suffisant au développement, dans les écoles primaires de corse, d'un enseignement facultatif de langue corse . Les difficultés que rencontre sa généralisation sont d'ordre budgétaire, ou tiennent à l'insuffisance du nombre d'enseignants compétents dans cette matière ; elles ne sont, en aucun cas, le fait d'un obstacle juridique, qu'il conviendrait de lever par la loi, du moins si l'on reste dans le cadre actuel d'un enseignement facultatif, pour les élèves comme pour les enseignants.

3. Les conditions posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a fixé le cadre juridique que doit respecter l'enseignement d'une langue régionale ou minoritaire pour être conforme à la Constitution. Selon une jurisprudence constante, cet enseignement peut prendre place dans le temps scolaire à condition :

- de ne pas revêtir un caractère obligatoire ;

- de ne pas avoir pour objet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements du service public de l'enseignement.

Le Conseil constitutionnel a formulé ces deux conditions dans des termes identiques à l'occasion de deux décisions importantes :

- la décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 relative à la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse ;

- la décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 relative à la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Dans la première de ces décisions, il a estimé que le fait pour le législateur d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à promouvoir l'enseignement de la langue et de la culture corses ne portait atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle « dès lors » qu'il respectait ces conditions.

Dans la seconde décision, il a estimé que le deuxième alinéa de l'article 115 du statut de la Polynésie, qui prévoit l'enseignement de la langue tahitienne dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires ainsi que dans les établissements du second degré n'était contraire à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle, « sous réserve » de ne pas méconnaître ces deux conditions.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi initial insérait dans le code de l'éducation un nouvel article L. 312-11-1 qui prévoit que « la langue corse est enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, à tous les élèves, sauf volonté contraire des parents ou du représentant légal de l'enfant ».

Cette formule transcrivait de façon fidèle le relevé de conclusions du 20 juillet 2000 qui prenait acte du fait que « les élus de l'Assemblée de Corse ont unanimement demandé la définition d'un dispositif permettant d'assurer un enseignement généralisé de la langue corse dans l'enseignement maternel et primaire, de manière à favoriser l'enseignement de cette langue ».

Ce relevé de conclusions prend également acte de l'engagement pris par le Gouvernement de proposer au Parlement « le vote d'une disposition posant le principe selon lequel l'enseignement de la langue corse prendra place dans l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, et pourra ainsi être suivi par tous les élèves, sauf volonté contraire des parents ».

Il est à noter que cette formulation est demeurée dans le texte du projet de loi initial malgré l'avis défavorable du Conseil d'Etat , cité dans le rapport de l'Assemblée nationale, qui a estimé que ce dispositif, « à la différence de la procédure d'inscription applicable à tous les autres enseignements optionnels », contraignait « les représentants légaux de l'enfant à accomplir une demande expresse pour faire dispenser l'élève de l'obligation de suivre cet enseignement », ce qui revenait « à instituer dans les faits un enseignement obligatoire de la langue corse ».

• La position de l'Assemblée nationale

La commission des lois de l'Assemblée nationale avait estimé, dans son rapport (p. 195) que ce dispositif se bornait « à généraliser l'offre de l'enseignement du corse à toutes les écoles maternelles et élémentaires dans le cadre de l'horaire normal... » et qu'il ne lui conférait aucun caractère obligatoire puisque le refus des parents ouvrait droit à une dispense automatique. Jugeant « discutable » l'interprétation du Conseil d'Etat, elle a cependant considéré qu'une « nouvelle rédaction du dispositif pourrait néanmoins utilement clarifier ce point de telle sorte que l'obligation pour le système éducatif de proposer cet enseignement ne puisse plus être confondue avec l'obligation d'étudier cette discipline ».

La nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée nationale résulte de deux amendements identiques présentés respectivement par la commission des lois et par le Gouvernement et qui ont pour objet :

- de supprimer la fin de la phrase : « à tous les élèves sauf volonté contraire des parents ou du représentant légal de l'enfant » ;

- de préciser que cette disposition ne s'applique que dans les écoles maternelles et élémentaires « de Corse », précision utile pour une disposition qui a vocation à s'insérer dans le code de l'Éducation...

La disposition relative à l'enseignement de la langue corse adoptée par l'Assemblée nationale est donc la suivante : « la langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires de Corse ».

Elle reprend les termes du deuxième alinéa de l'article 115 de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. Celui-ci dispose que « la langue tahitienne est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires, et dans les établissements du second degré . »

• La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale s'interroge sur le sens et la portée du dispositif adopté par l'Assemblée nationale sur l'enseignement de la langue corse.

Le Conseil d'Etat a estimé que le projet de loi initial revenait à instaurer, dans les faits, un enseignement obligatoire, dans la mesure où il subordonnait la dispense de cet enseignement à une démarche expresse des parents.

La suppression, dans le texte voté par l'Assemblée nationale, de cette référence à la volonté contraire des parents, a-t-elle pour effet d'affirmer, paradoxalement, le caractère facultatif de cet enseignement ?

Votre commission spéciale en doute. Le projet de loi érige l'enseignement de la langue corse en « matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles », et rien, dans le dispositif adopté (sinon son inscription dans la loi), ne permet de distinguer le statut de cet enseignement de celui des autres disciplines du programme telles le calcul ou l'histoire, pour lesquelles il n'est pas de dispense possible.

L'interprétation contraire de l'Assemblée nationale et du Gouvernement se fonde sur le fait que le dispositif comparable, qui figure dans le statut d'autonomie de la Polynésie de 1996 précité, n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel.

Votre commission spéciale tient cependant à rappeler les termes de la décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 qui ne sauraient être considérés comme une simple validation.

« Considérant que le deuxième alinéa de l'article 115 prévoit l'enseignement de la langue tahitienne dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires ainsi que dans les établissements du second degré ; qu'un tel enseignement ne saurait toutefois , sans méconnaître le principe d'égalité, revêtir un caractère obligatoire pour les élèves ; qu'il ne saurait non plus avoir pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements du territoire aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci ; que, sous ces réserves , cet article n'est contraire à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle . »

Ces réserves interprétatives qui, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tiennent le milieu entre la censure et la validation simple, pointent les ambiguïtés du dispositif concerné , et constituent, en quelque sorte, un avertissement dont le législateur doit, à l'avenir, tenir compte .

Votre commission spéciale juge donc préférable d'adopter un dispositif qui indique plus clairement le caractère facultatif de l'enseignement de la langue corse, plutôt que de confier, cette fois ci encore au juge constitutionnel, le soin de rappeler à quelles conditions un dispositif ambivalent peut être considéré comme respectueux des principes constitutionnels.

Le dispositif qu'il vous propose d'adopter par un amendement est le suivant :

« Article L. 312.11.1 - La langue corse est une matière dont l'enseignement est proposé à tous les élèves dans le cadre de l'horaire normal des écoles de Corse . »

II. LE PLAN DE DÉVELOPPEMENT DE L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE ET DE LA CULTURE CORSES

Le II de cet article modifie l'article L. 4424.14 du code général des collectivités territoriales qui devient l'article L. 4425.5.

Les modifications qu'il apporte au deuxième alinéa de cet article, consacré au plan de développement de l'enseignement de la langue et de la culture corses, sont mineures.

• Le droit en vigueur

L'article 53 du statut de 1991, codifié à l'article 4424-14 du code général des collectivités territoriales , invite, dans son deuxième alinéa, l'Assemblée de Corse à adopter, sur proposition du conseil exécutif, et après avis du Conseil économique, social et culturel de Corse, un plan de développement de l'enseignement de la langue et de la culture corses . Ce plan doit notamment prévoir les modalités d'insertion de cet enseignement dans le temps scolaire , modalités qui font l'objet d'une convention conclue entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat.

Cette disposition n'a cependant pu trouver sa pleine traduction :

- le plan de développement de la langue et de la culture corses n'a été adopté par l'Assemblée de Corse qu'en 1999 ;

- le lancement des consultations de Matignon, relatives à l'adoption d'un nouveau statut, a interrompu la négociation de la convention prévue entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Par coordination, le projet de loi supprime la référence à l'insertion de l'enseignement de la langue corse dans l'horaire normal des écoles, puisque celle-ci devrait dorénavant être inscrite dans la loi ; il modifie, en conséquence, l'objet de la convention conclue entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse. Celle-ci portera sur « les mesures d'accompagnement nécessaires et notamment celles relatives à la formation initiale et à la formation continue des enseignants. »

• La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe ( II ) sans modification.

• La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose d'adopter ce paragraphe ( II ) sans modification.

III. L'ORGANISATION DU CONCOURS DU CAPES DE LANGUE CORSE

Votre commission spéciale vous propose de compléter l'article 7 par un paragraphe III additionnel relatif à l'organisation du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) de langue corse .

Pour l'organisation des concours du CAPES sont actuellement prévues, aux termes de l'arrêté du 30 avril 1991, un certain nombre de sections correspondant à diverses disciplines.

L'une de ces sections est consacrée aux concours de langues régionales : basque, breton, catalan, créole, occitan, langue d'oc. Ces concours sont dits bivalents , en ce qu'ils comportent, à côté des épreuves de langues régionales, des épreuves correspondant à l'option choisie par le candidat parmi les disciplines suivantes : français, langues étrangères (en particulier, langues voisines de la langue régionale), histoire-géographie, voire mathématiques (dans le cas du breton).

Le CAPES de Corse fait l'objet d'une section à part , et ne comporte que des épreuves de langue corse.

Votre commission spéciale, qui souhaite que le développement de l'enseignement de la langue corse s'effectue dans un esprit d'ouverture sur le monde , sans compromis avec les tentations toujours possibles d'un repli sur soi identitaire , vous propose de mettre fin à la situation exceptionnelle de ce CAPES monovalent pour inciter les candidats à s'ouvrir à une discipline complémentaire .

On peut certes s'interroger sur le point de savoir si l'organisation des concours de recrutement de l'Éducation nationale relève du domaine de la loi, d'ailleurs tout autant que la désignation des matières enseignées dans le cadre de l'horaire normal des écoles.

Mais, de la même façon que le Gouvernement a jugé bon, eu égard à sa portée symbolique, d'inscrire dans la loi l'insertion de l'enseignement du corse dans les horaires scolaires, votre commission spéciale vous propose, par cette disposition relative au CAPES de Corse, d'indiquer plus généralement l'esprit dans lequel doivent se développer l'ensemble des études de langue et culture corses.

Elle vous propose en conséquence d'adopter un amendement ainsi rédigé : « Le CAPES de Corse est réintégré dans la section des langues régionales ; il comporte en conséquence, à côté des épreuves de langue corse, des épreuves écrites et orales dans une autre discipline, choisie par le candidat parmi différentes options, selon des modalités comparables à celles qui prévalent dans les autres CAPES de langues régionales. »

Cette réforme permettra aux titulaires du CAPES de Corse, comme c'est déjà le cas pour les titulaires des autres CAPES de langues régionales, de pouvoir enseigner une seconde discipline.

Cette amélioration de leur polyvalence ne pourra que faciliter le déroulement ultérieur de leur carrière, en évitant de les enfermer dans une voie trop étroite.

Sous-section 2
De la culture et de la communication
Article 8
(art. L. 4424-16 du code général des collectivités territoriales)
Coopération décentralisée en matière culturelle

• Commentaire du projet de loi

Cet article procède à deux modifications au sein du deuxième alinéa de l'article L. 4424-16 du code général des collectivités territoriales qui devient l'article L. 4424-6 :

- la possibilité, pour la collectivité territoriale de Corse, de favoriser des initiatives et de promouvoir des actions « dans le domaine de la création et de la communication » est élargie au « domaine de la culture et de la communication » ;

- la mention de la « Communauté européenne » est remplacée par la terminologie désormais en vigueur d' « Union européenne ».

• Position de l'Assemblée

L'Assemblée nationale a adopté, outre un amendement rédactionnel portant sur l'architecture de la sous-section 2, un amendement de la commission, précisant que les actions culturelles internationales de la collectivité territoriale de Corse se déroulent « dans le cadre de la coopération décentralisée ».

La coopération décentralisée est encadrée par les dispositions du chapitre II du titre unique du Livre I du code général des collectivités territoriales (articles L. 1112-1 à L. 1112-7) qui autorise les collectivités territoriales et leurs groupements à conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France.

• Position de la commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9
(art. L. 4424-17 du code général des collectivités territoriales ;
art. L. 144-6 du code de l'urbanisme)
Compétences en matière culturelle

Cet article comporte deux paragraphes :

- le premier ( I ) modifie l'article L. 4424-17 du code général des collectivités territoriales , qui devient l'article L. 4424-7 ; ce nouvel article se subdivise lui-même en trois paragraphes qui traitent respectivement : de la compétence générale de la collectivité territoriale de Corse et de l'Etat en matière culturelle (I) ; des transferts de compétences particulières (II) et des transferts de propriété des monuments historiques et des sites archéologiques opérés au profit de la collectivité territoriale de Corse ;

- le second ( II ) modifie le troisième alinéa de l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme et porte sur le mode de désignation des membres du conseil des sites de Corse.

I. COMPÉTENCES GÉNÉRALES EN MATIÈRE CULTURELLE (nouvel article L. 4424-7 I du code général des collectivités territoriales)

? Le droit en vigueur

Les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière culturelle sont actuellement définies par l'article 56 du statut de 1991, codifié à l'article L. 4424-17 du code général des collectivités territoriales.

Le premier alinéa de cet article dispose que « la collectivité territoriale de Corse définit les actions qu'elle entend mener en matière culturelle, au vu notamment des propositions qui lui sont adressées par les communes et les départements ».

? Les modifications proposées par le projet de loi initial

Le dispositif proposé par le paragraphe I du nouvel article L. 4424-7 se différencie du dispositif actuel sur trois points : il érige la collectivité territoriale de Corse comme acteur de référence en matière de conduite de la politique culturelle en Corse, tout en confirmant simultanément les fondements juridiques de l'intervention de l'Etat, et modifie la nature des relations que la collectivité territoriale de Corse entretient, en matière culturelle, avec les autres collectivités locales.

1. La collectivité territoriale de Corse comme acteur de référence en matière de conduite de la politique culturelle en Corse

Le projet de loi affiche clairement l'intention de procéder au renforcement des prérogatives de la collectivité territoriale de Corse de façon à en faire l'acteur de référence en matière de conduite de la politique culturelle.

Il dispose que « la collectivité territoriale de Corse définit et met en oeuvre la politique culturelle en Corse, en concertation avec les départements et les communes, et après consultation du conseil économique et social de Corse ».

Votre rapporteur tient à souligner que l'expression « définit et met en oeuvre la politique culturelle en Corse » va bien au-delà des formules utilisées dans les textes de décentralisation relatifs aux compétences des collectivités territoriales, et conférera bien à celle-ci une compétence de premier rang.

Ces compétences sont en effet généralement définies comme le pouvoir reconnu à leurs assemblées élues de régler, par leurs délibérations, les affaires de la collectivité, ou de promouvoir leur développement, ou encore de définir les actions qu'elles entendent mener dans un certain nombre de domaines limitativement énumérés (voir par exemple les articles L. 3211-1, L. 4221-1, L. 4433-1 et L. 4433-27 du code général des collectivités territoriales).

2. La procédure d'élaboration de « la politique culturelle en Corse »

Le projet de loi précise que cette politique culturelle est élaborée en concertation avec les départements et les communes , alors que, dans le statut actuel, la collectivité territoriale de Corse définit ses actions culturelles « au vu, notamment des propositions qui lui sont adressées par les communes et les départements ».

Cette nouvelle formulation tend à associer plus étroitement les autres collectivités locales à l'élaboration de la politique conduite par la collectivité territoriale de Corse, de façon à renforcer son unité.

Il pose également le principe d'une consultation préalable du conseil économique social et culturel de Corse, rendant celle-ci obligatoire, alors que l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales ne lui confère, en matière culturelle, qu'un caractère facultatif.

3. Le maintien d'une compétence générale mais résiduelle de l'Etat

Malgré la portée des prérogatives reconnues à la collectivité territoriale de Corse, l'action culturelle reste un domaine de compétences partagées .

Le projet de loi confirme en effet le maintien d'une compétence de l'Etat en matière culturelle . Il s'agit d'une compétence générale , qui n'est pas définie en relation avec des domaines particuliers, mais par son niveau de référence : « les actions relevant de la politique nationale » ;

La réponse écrite adressée par le Gouvernement à votre rapporteur précise que la politique nationale est celle qui est « définie à l'échelon ministériel » et qui « décline la politique générale de l'Etat ». Elle précise que, en dehors de textes normatifs peu nombreux, celle-ci s'exprime à travers le décret de compétences du ministère, la Directive nationale d'orientation annuelle signée par le ministre, et enfin les moyens financiers inscrits au projet de loi de finances.

Ces différents textes donnent une définition très large et générale du champ d'intervention de la politique culturelle nationale. L'article premier du décret du 10 mai 1982 modifié relatif à l'organisation du ministère de la culture en fournit l'illustration. Il dispose en effet que celui-ci a pour mission « de permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d'inventer et de créer, d'exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix ; de préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière ; de favoriser la création des oeuvres de l'art et de l'esprit et de leur donner la plus vaste audience ; de contribuer au rayonnement de la culture et de l'art français dans le libre dialogue des cultures du monde . ».

Saisie de l'avant projet de loi en décembre 2000, l'Assemblée de Corse avait critiqué la distinction établie entre la politique conduite par la collectivité territoriale de Corse et cette politique nationale dont l'Etat conserverait la mise en oeuvre, estimant qu'elle était « de nature à maintenir une dualité de services confuse et préjudiciable ».

Il reviendra au Gouvernement de veiller à ce que l'application qui sera faite de ce dispositif reste conforme à son esprit et qu'elle sache éviter le maintien de chevauchements de compétences préjudiciables.

4. Le rôle central de la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse

Compte tenu du caractère général de leurs compétences en matière culturelle, la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse pour définir l'articulation de leurs actions revêtira un caractère essentiel.

Le recours à une convention est conforme aux orientations actuelles de la politique culturelle, formulées notamment dans le schéma de services collectifs culturels qui préconisent un développement de la contractualisation entre l'Etat et les collectivités territoriales.

On relèvera cependant que le projet de loi ne fournit aucune indication :

- ni sur les personnes autorisées à négocier cette convention (Conseil exécutif ou Assemblée de Corse d'un côté ; échelon ministériel ou préfectoral de l'autre) ;

- ni sur la durée ou la périodicité de la convention.

5. Les relations entre la collectivité territoriale de Corse et les autres collectivités locales

Le deuxième alinéa du paragraphe I confie à la collectivité territoriale de Corse un « rôle de liaison, de conseil et d'assistance aux collectivités locales en matière culturelle ».

Dans la présentation qu'il en donne, l'exposé des motifs précise que ce dispositif permettra à la collectivité territoriale de Corse de « coordonner les actions des autres collectivités territoriales ».

Si telle devait être la portée du deuxième alinéa du I, celui-ci serait certainement contraire au principe de la libre administration des collectivités territoriales dont l'une des traductions est rappelée à l'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales et à la prohibition de toute forme de tutelle de l'une sur une autre.

La lecture littérale du dispositif du projet de loi évoque cependant un mode de relations plus lâche et de ce fait moins susceptible d'encourir la censure du Conseil constitutionnel. Le texte ne précise pas si cette mission de conseil et d'assistance reconnue à la collectivité territoriale de Corse a vocation à se substituer à celle qu'exercent traditionnellement les services de l'Etat, ou si les collectivités locales pourront, à leur guise, s'adresser à l'un ou l'autre de ces interlocuteurs.

? La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, sur le nouvel article L. 4424.7-I, un amendement déposé par le Gouvernement.

Cet amendement a deux objets :

- il complète la description des compétences de l'Etat en matière culturelle, en précisant qu'outre les actions relevant de la politique nationale, il « assure les missions de contrôle scientifique et technique » ; il répond à un amendement de la commission des lois, également adopté par l'Assemblée nationale, qui avait supprimé le dernier alinéa du paragraphe du même article, de portée voisine, puisqu'il disposait que « dans toutes les actions qu'elle conduit en matière culturelle, la collectivité territoriale de Corse reste soumise au contrôle scientifique et technique de l'Etat » ; ce changement de position dans le texte ne devrait pas avoir de conséquence sensible, d'autant que, par delà ce rappel de principe, l'exercice de ces missions de contrôle est généralement déjà organisé par des dispositions législatives ou réglementaires, valables, en l'état actuel des choses sur l'ensemble du territoire ;

- il ajoute au premier alinéa du I une phrase précisant que, dans la convention qu'il passe avec la collectivité territoriale de Corse, l'Etat peut charger cette dernière de la mise en oeuvre de certaines actions qui relèvent de la politique nationale ; cette possibilité pourrait ouvrir la voie à un allègement des services déconcentrés du ministère de la culture en Corse ; il convient cependant de rappeler que cette convention ne saurait avoir pour effet de transférer à la collectivité territoriale de Corse des compétences qui sont expressément attribuées par la loi à l'Etat ou à ses représentants.

? La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose un amendement destiné à rendre facultative la passation d'une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse, de façon à éviter toute situation de blocage du dispositif, dans l'hypothèse où les deux parties ne parviendraient pas à finaliser rapidement leur accord.

II. TRANSFERTS DE COMPÉTENCES SPÉCIFIQUES AU PROFIT DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE (nouvel article L. 4424-7-II du code général des collectivités territoriales)

? Le droit en vigueur

Le deuxième alinéa de l'article L. 4424-17 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 56 du statut de 1991 reconnaît déjà à la collectivité territoriale de Corse un certain nombre de compétences spécifiques, en matière :

- de diffusion artistique et culturelle ;

- de sensibilisation et d'enseignement artistique ;

- de travaux de conservation des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, sous réserve des dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

? Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi conforte les transferts de compétences déjà opérés, et en complète la liste.

1. Compétence en matière de patrimoine protégé

Le projet de loi confirme les compétences déjà reconnues à la collectivité territoriale de Corse en matière de travaux de conservation sur les monuments historiques ; ceux-ci pourront également porter sur leur mise en valeur. La collectivité territoriale de Corse peut également conduire des études, et proposer à l'Etat des mesures de protection des monuments historiques. Cette dernière disposition ne fait au demeurant que donner une consécration législative à une faculté qui est déjà ouverte à la collectivité territoriale de Corse comme à toute collectivité locale, aux associations ou aux propriétaires (circulaire du 24 janvier 1985 portant application des décrets n° 84-1006 et n° 84-1007 du 15 novembre 1984).

2. Compétence en matière archéologique

Cette compétence est, en revanche, nouvelle. Comme pour le patrimoine protégé, elle porte à la fois sur la conservation et la mise en valeur des sites archéologiques. Si l'élaboration de la carte archéologique reste de la compétence de l'Etat, conformément à l'article 3 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, la collectivité territoriale de Corse pourra cependant y être associée de façon souple, en fournissant les éléments nécessaires à son établissement. Elle sera en outre consultée sur le programme des fouilles sur son territoire exécutées par l'Etat, dans le cadre du titre II de la loi du 27 septembre 1941.

3. Autres transferts de compétences

Le projet de loi autorise en outre la collectivité à définir les actions qu'elle entend mener en matière d'inventaire du patrimoine, de recherches ethnologiques, de muséographie, d'aide au livre et à la lecture publique, de soutien à la création, de diffusion artistique et de sensibilisation à l'enseignement artistique. Cette liste reprend assez fidèlement les demandes formulées par l'Assemblée de Corse, dans son avis de décembre 2000.

Ces compétences se rattachent à des compétences déjà en partie reconnues à la collectivité territoriale de Corse soit par des textes généraux, soit par le statut de 1991 :

- l'inventaire du patrimoine est, d'une façon générale, de plus en plus souvent réalisé par l'Etat en partenariat avec les collectivités territoriales concernées, et en particulier les départements, et les premiers protocoles de décentralisation qui ont été conclus explorent les moyens d'approfondir cette collaboration ; en Corse, un partenariat se développe sur la base de la charte culturelle de 1997 ;

- les collectivités locales disposent déjà en vertu de l'article 1423-1 du code général des collectivités territoriales d'une grande autonomie dans l'organisation et le financement de leurs musées , même si leur activité reste soumise au contrôle technique de l'Etat ;

- le statut de 1991 reconnaît déjà à la collectivité territoriale de Corse le pouvoir de mener des actions en matière de diffusion artistique et culturelle ;

- les compétences attribuées à la collectivité territoriale de Corse en matière de diffusion artistique et culturelle sont étendues au soutien à la création et à la sensibilisation à l'enseignement artistique ;

- les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière d'aide au livre et à la lecture publique devront respecter les compétences départementales et communales (celles-ci résultent, notamment des articles L. 1422-1 à 9 du code général des collectivités territoriales) ;

- des compétences lui sont également attribuées en matière de muséographie et de recherches ethnologiques .

4. Le maintien du contrôle scientifique et technique de l'Etat

Dans le projet de loi initial, un dernier alinéa précisait que, « dans toutes les actions qu'elle conduit en matière culturelle, la collectivité territoriale de Corse reste soumise au contrôle scientifique et technique de l'Etat ».

? La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements à l'article L. 4424-7-II :

- le premier insère un alinéa additionnel après le deuxième alinéa destiné à associer la collectivité territoriale de Corse aux procédures de classement des monuments historiques en lui conférant la co-présidence de la commission du patrimoine et des sites créée par l'article 1 er de la loi n° 97-179 du 28 février 1997 ; cet amendement semble méconnaître que l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme substitue, en Corse, à cette commission un conseil des sites de Corse qui exerce, notamment, ses attributions ;

- le second procède à la suppression du dernier alinéa du paragraphe II relatif au contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les actions conduites par la collectivité territoriale de Corse. On notera que cette disposition conservatoire a été réintroduite sous une forme à peine différente, par un amendement d'origine gouvernementale, dans le paragraphe I de ce même article L. 4424-7.

? La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous soumet, outre deux amendements rédactionnels, un amendement de cohérence supprimant le troisième alinéa de l'article L. 4424-7-II relatif à la co-présidence de la commission du patrimoine et des sites, puisque cet organisme n'existe pas en Corse.

III. LE TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ DES MONUMENTS HISTORIQUES ET DES SITES ARCHÉOLOGIQUES (nouvel article L. 4424-7-III du code général des collectivités territoriales)

? Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi transfère la propriété des monuments historiques et des sites archéologiques appartenant à l'Etat situés en Corse. Ce transfert porte également sur les objets mobiliers qu'ils renferment ou qui en sont issus. En sont cependant exclus les bâtiments occupés par les services de l'Etat ou par les organismes placés sous sa tutelle.

Il reviendra à un décret en Conseil d'Etat de fixer la liste des bâtiments et sites qui seront transférés.

Parmi les monuments et sites susceptibles de faire l'objet de ce transfert figurent la cathédrale d'Ajaccio, la chapelle impériale et les sites archéologiques d'Aleria, Cucuruzzo et l'Araguina-Sennola.

Il est à noter que le transfert à la collectivité territoriale de Corse de la propriété de la cathédrale d'Ajaccio constituera une première entorse à un principe vénérable, puisqu'il trouve son origine dans un avis du Conseil d'Etat du 2 Pluviôse An XIII, selon lequel les cathédrales sont propriété de l'Etat, et les églises, celle des communes.

Ce transfert de propriété ne devrait pas se traduire, en l'état actuel du droit, par un affaiblissement de la protection des monuments classés , dans la mesure où comme en dispose l'article 8 de la loi de 1913, « les effets de classement suivent l'immeuble classé en quelque main qu'il soit ». Le déclassement d'un immeuble est prononcé selon des procédures identiques quel qu'en soit le propriétaire (article 13).

En outre, le ministre de la culture conserve, en vertu de l'article 9 de la loi de 1913 précitée, la faculté de faire exécuter par les soins de son administration et aux frais de l'Etat, avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de réparation ou d'entretien qui sont jugés indispensables à la conservation des monuments n'appartenant pas à l'Etat. Lorsque la conservation d'un immeuble classé est gravement compromise par l'inexécution de travaux de réparation ou d'entretien, le ministre de la culture peut en outre, sur le fondement de l'article 9-1 de ladite loi, mettre en demeure le propriétaire de procéder auxdits travaux.

Quant aux monuments inscrits , ils ne peuvent faire l'objet d'aucune modification sans que ces travaux ait été notifiés, quatre mois auparavant au préfet de région permettant, le cas échéant, au ministre de la culture d'engager une procédure de classement.

? Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe (III) sans modification.

? Position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement substituant au mot bâtiment, trop restrictif, le mot immeuble qui englobe le bâti et les terrains qui l'entourent.

IV. NOMINATION DES MEMBRES DU CONSEIL DES SITES DE CORSE (article L. 144-6 du code de l'urbanisme)

L'article 9 du projet de loi comporte un deuxième paragraphe ( II ) qui a pour objet de modifier le troisième alinéa de l'article L. 144-6 du Code de l'urbanisme relatif à la composition du conseil des sites de Corse .

• Droit en vigueur

Cet alinéa précise que le conseil des sites de Corse doit comporter des représentants de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse, et que sa composition est fixée par décret après avis de l'Assemblée de Corse et des conseils généraux des départements de Corse.

• Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi renvoie à un décret en conseil d'Etat le soin de fixer la composition du conseil des sites et opère un partage du pouvoir de nomination de ses membres. Il précise que la moitié d'entre eux seront nommés par le représentant de l'Etat , et l'autre moitié par le président du conseil exécutif.

Ce partage du pouvoir de nomination au profit du seul président du conseil exécutif, se substitue aux garanties offertes par le précédent statut à l'ensemble des collectivités locales corses :

- le décret fixant la composition du conseil était pris après consultation de la collectivité territoriale de Corse et des départements ;

- il devait garantir la présence, au sein de ce conseil, de représentants de la collectivité territoriale de Corse et des départements ;

• Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté ce paragraphe sans modification.

Toutefois, à l'occasion de la discussion du précédent paragraphe, elle avait adopté un amendement proposant de confier à la collectivité territoriale de Corse la co-présidence de la commission du patrimoine et des sites, qui n'existe pas en Corse.

Souhaitait-elle par delà cette erreur matérielle, confier à la collectivité territoriale de Corse la co-présidence du conseil des sites, dont les attributions englobent celles qui sont exercées, sur le continent, par cette commission et par deux autres organismes ?

• Position de votre commission spéciale

Le conseil des sites de Corse , créé par l'article 59 du statut de 1991, et inséré à l'article L. 144-6 de l'urbanisme est composé de 28 membres dont 8 représentants de l'Etat, 8 représentants des diverses collectivités locales, 8 personnalités qualifiées, et 4 représentants d'associations. Il a vocation à cumuler les attributions qui, sur le reste du territoire, sont réparties entre trois organismes distincts :

1. La commission (régionale) du patrimoine et des sites (CRPS)

Prévue à l'article premier de la loi n° 97-179 du 28 février 1997, celle-ci exerce les compétences autrefois dévolues à deux organismes distincts : la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE) et le collège régional du patrimoine et des sites.

Sa composition, ses attributions et son mode de fonctionnement ont été précisées par le décret n° 99-78 du 5 février 1999. Placée auprès du préfet de région, elle peut émettre des avis et proposer des orientations sur toutes les questions intéressant le patrimoine. Par delà cette compétence générale, elle est plus particulièrement chargée d'émettre des avis sur :

- les propositions de classement et d'inscription des monuments historiques ;

- les projets de créations de zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ;

- les demandes d'autorisation de travaux dans le champ de visibilité des édifices protégés au titre de la loi de 1913, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, et dans les secteurs sauvegardés ;

La commission comprend 30 membres qui conformément aux principe posés par la loi de 1997 sont :

- des représentants de l'Etat ;

- des personnalités titulaires d'un mandat électif national ou local, nommées par le représentant de l'Etat, parmi lesquels figure au moins un élu d'une commune dotée d'un secteur sauvegardé ou en ZPPAUP ;

- des personnalités qualifiées et des représentants d'associations oeuvrant en matière de protection du patrimoine.

2. La commission spécialisée des unités touristiques nouvelles

Prévue par l'article 7 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, elle constitue une commission spécialisée, désignée en son sein par le comité de massif, et n'exerce donc ses attributions qu'en zone de montagne. Composée d'une quinzaine de membres au maximum, elle comprend, outre le représentant de l'Etat dans la région, une majorité de représentants des régions, des départements, des communes ou de leurs groupements.

3. La commission départementale des sites

Prévue par les articles L. 146-4, L. 146-6 et L. 146-7 du code de l'urbanisme, elle est chargée d'émettre un avis notamment en matière de protection des sites et paysages, de création de réserves naturelles, d'élevage d'animaux non domestiques, et d'installations d'enseignes de publicité lumineuses.

Ses attributions et sa composition ont été précisées par un décret n° 98-865 du 23 septembre 1998. Celui-ci prévoit que la commission présidée par le représentant de l'Etat dans le département est composée de quatre formations selon le sujet dont elle est saisie :

- une formation dite des « sites et paysages » composée de 6 représentants de l'Etat, de 6 représentants des collectivités territoriales (3 conseillers généraux désignés par le conseil général, et 3 maires désignés par l'association départementale des maires) et 6 personnalités qualifiées ;

- trois formations dites respectivement « de la protection de la nature », « de la faune sauvage captive » et « de la publicité » qui reçoivent chacune l'apport additionnel de cinq personnalités qualifiées.

Les attributions de la commission ont été récemment étoffées par deux dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain :

- son accord permet aux communes non dotées d'un plan local d'urbanisme d'obtenir, sous certaines conditions une dérogation à l'interdiction de construire à proximité de l'axe des autoroutes et des routes à grande circulation posée à l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme ;

- son accord permet, en zone de montagne, de prévoir à titre exceptionnel, des zones d'urbanisation future de taille ou de capacités d'accueil limitées (article L. 145-3 du code précité).

Votre commission spéciale tire un certain nombre d'observations de cette présentation :

a) Tout d'abord les attributions du conseil des sites de Corse sont très variées puisqu'elles correspondent à celles qui sont exercées par trois organismes distincts. Ses effectifs assez restreints (fixés à 28 membres par le décret n° 93-556 du 26 mars 1993) ne lui permettent semble-t-il pas, d'exercer pleinement ses compétences , et en particulier celles qui sont attribuées sur le continent à la commission régionale du patrimoine et des sites. Aussi conviendrait-il de prévoir, sans remettre en question le principe de son unité, que le conseil des sites de Corse est composé de plusieurs sections, ou formation s dont la composition serait modulée en fonction de leurs secteurs d'intervention ; tel est un des deux objets de l' amendement que vous propose votre commission spéciale.

b) Le partage du pouvoir de nominations entre le préfet et le président du conseil exécutif constitue une proposition novatrice qui s'écarte des pratiques en usage, et soulève un problème de fond, particulièrement si, comme l'a semble-t-il envisagé l'Assemblée nationale, elle se doublait de l'instauration d'une co-présidence au profit de la collectivité territoriale de Corse.

On relèvera en effet que les différents organismes susmentionnés, ainsi que le conseil des sites de Corse, dans sa composition actuelle, comportent des représentants des différentes collectivités territoriales, élus respectivement par leur organe délibérant, ou pour les élus municipaux désignés par l'assemblée départementale des maires. Le projet de loi propose de substituer à ces modes de désignation respectueux de l'autonomie de chacun des échelons de décentralisation, une concentration du pouvoir de nomination entre les mains du seul président de l'exécutif de la collectivité territoriale de Corse .

Celle-ci soulève de nombreux problèmes. Doit-on déduire de cette disposition qu'il reviendra au président du conseil exécutif de nommer les représentants des autres collectivités territoriales ? Mais ce pouvoir, s'il ne se borne pas formellement à prendre acte d'une désignation déjà opérée, ne pourrait-il être assimilé à une forme de tutelle exercée par une collectivité sur une autre , prohibée par le principe de libre administration des collectivités territoriales ?

Les attributions du conseil des sites portent en outre sur des matières qui intéressent directement les collectivités locales, et en particulier les communes. On citera pour mémoire l'avis qu'il est invité à rendre en appel en cas de désaccord entre le maire (ou l'autorité compétente pour mettre un permis de construire) et l'Architecte des bâtiments de France ; ou encore l'accord auquel est subordonné la dérogation à une construction sous l'axe d'une route à grande circulation.

La position prépondérante qui serait reconnue au président du conseil exécutif de Corse à travers son pouvoir de nomination, renforcée le cas échéant par l'attribution d'une co-présidence, ne pourrait-elle, là encore, apparaître comme une forme de tutelle prohibée par l'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, l' amendement que vous propose votre commission spéciale aura également pour objet de garantir la présence, au sein du conseil des sites de Corse, de représentants des différentes collectivités locales de Corse, et de confier le pouvoir de nomination pour moitié au représentant de l'Etat et pour moitié à l'Assemblée de Corse, aux conseils généraux et aux assemblées départementales des maires.

Article 10
(art. L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales)
Création d'infrastructures de communication

Cet article a pour objet d'insérer un article L. 1511-6-1 dans le code général des collectivités territoriales afin de dispenser la collectivité territoriale de Corse de deux des conditions imposées par l'article L. 1511-6 du même code aux collectivités territoriales qui souhaitent créer des infrastructures de télécommunications. Il est aujourd'hui vidé de l'essentiel de sa substance depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 qui a modifié le dispositif de l'article L. 1511-6 précité.

• Le droit en vigueur

La loi n° 99-533 du 25 juin 1999 a inséré, dans le code général des collectivités territoriales, un article L. 1511-6 qui autorise les collectivités territoriales à procéder elles-mêmes à l'installation de réseaux de télécommunication à haut débit , nécessaires, notamment pour une utilisation performante d'internet.

Elle ne peuvent en revanche exploiter elles-mêmes ces infrastructures « passives » mais les mettent à la disposition des opérateurs de télécommunications moyennant un tarif de location.

Le Sénat, qui souhaitait donner un fondement juridique à une pratique déjà très répandue, avait pris l'initiative, à l'occasion de la discussion de cette loi, de proposer un dispositif équilibré, n'imposant pas de contraintes excessives. Mais l'Assemblée nationale n'avait pas suivi ses propositions et avait préféré adopter un dispositif particulièrement restrictif :

- les collectivités territoriales n'étaient en effet autorisées à créer ces infrastructures que « dès lors que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit qu'ils demandent n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu'ils attendent » (alinéa 1).

- elles ne pouvaient arrêter leur décision « qu'à l'issue de la mise en oeuvre d'une procédure de publicité permettant de constater la carence définie au premier alinéa, et d'évaluer les besoins des opérateurs susceptibles d'utiliser les infrastructures projetées » (alinéa 4).

- enfin, et cette dernière disposition n'était pas la moins contraignante, la durée d'amortissement prise en compte pour évaluer le tarif de la location était limitée à huit ans (alinéa 5).

Devant les difficultés suscitées par cette réglementation, le Gouvernement a déposé, à l'occasion de la discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, un amendement proposant une nouvelle rédaction de l'article L. 1511-6 qui s'inspire directement de celle adoptée par le Sénat en 1999, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Cette rédaction supprime en effet les obligations relatives à la carence des acteurs du marché, à son constat par une procédure de publicité, et à l'amortissement sur huit ans des infrastructures réalisées par une collectivité locale. Elle apporte en revanche deux nouvelles précisions :

- les collectivités territoriales sont autorisées à déduire du coût de location facturée aux opérateurs les subventions publiques qui peuvent être consenties dans certaines zones géographiques ;

- les infrastructures créées par les collectivités locales peuvent être mises à la disposition non seulement des opérateurs, mais d'utilisateurs « finaux ».

Le Sénat a adopté ce dispositif sans modification.

• Le dispositif proposé par le projet de loi

Le projet de loi insère dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 1511-6-1 qui dispense la collectivité territoriale de Corse de deux des conditions posées par l'ancien article L. 1511-6 à la création, par une collectivité locale, d'infrastructures de télécommunication :

- l'existence d'une carence des acteurs du marché ;

- son constat par une procédure de publicité ;

Il n'envisageait pas, en revanche, d'allonger la durée d'amortissement prise en compte dans la fixation du tarif de location proposé aux opérateurs.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification .

• La position de votre commission spéciale

Le dispositif de l'article L. 1511-6 du code précité auquel l'article 10 proposait de déroger en faveur de la collectivité territoriale de Corse n'est plus en vigueur depuis la promulgation de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 qui lui a substitué une nouvelle rédaction.

Votre commission spéciale vous propose un amendement substituant au dispositif du deuxième alinéa, devenu sans objet, un dispositif tirant parti de la nouvelle rédaction de l'article L. 1511-6 et précisant que la Corse fait partie des zones géographiques dans lesquelles les subventions publiques peuvent être déduites du montant des coûts pris en compte dans le calcul du tarif de location proposé aux opérateurs de télécommunications, de façon à le rendre plus attractif.

Sous-section 3
Du sport et de l'éducation populaire
Article 11
(art. L. 4424-8 du code général des collectivités territoriales)
Compétences de la collectivité territoriale de Corse
en matière de sport et d'éducation populaire

Cet article introduit dans le code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 4424-8 constitué de deux paragraphes qui ont respectivement pour objet de conférer à la collectivité territoriale de Corse une compétence générale pour mener des actions en matière de promotion des activités physiques et sportives, d'éducation populaire et d'information de la jeunesse ( I ) et de lui confier la répartition des subventions de fonctionnement du Fonds national pour le développement des sports destinées aux groupements sportifs locaux ( II ).

? Le dispositif proposé

Le premier paragraphe ( I ) du nouvel article L. 4424-8 définit les compétences respectives de la collectivité territoriale de Corse et de l'Etat en matière de promotion des activités physiques et sportives, d'éducation populaire et d'information de la jeunesse, selon des modalités comparables à celles que retient, à l'article 9, le premier paragraphe du nouvel article L. 4424-7 en matière de culture :

- il reconnaît une compétence générale à la collectivité territoriale de Corse pour « conduire des actions » en ce domaine ;

- en précisant que « l'Etat mène les actions relevant de la politique nationale », il laisse à ce dernier une possibilité d'intervention très générale ;

- enfin, il prévoit la possibilité pour l'Etat et la collectivité territoriale de Corse de passer une convention pour assurer « en tant que de besoin » la coordination de ces différentes actions : contrairement à la convention prévue en matière culturelle, cette convention reste donc facultative.

Le second paragraphe ( II ) transfère à la collectivité territoriale de Corse la compétence pour répartir les subventions de fonctionnement provenant de la part régionale du Fonds national pour le développement du sport (FNDS).

Créé par la loi de finances pour 1979, ce fonds est alimenté principalement par un prélèvement sur la Française des jeux, et par une contribution sur le produit de la vente des droits de diffusion télévisuelle des manifestations sportives.

Géré par le ministère de la jeunesse et des sports en concertation avec le mouvement sportif, il délivre des subventions qui correspondent à quatre types d'interventions : les subventions de fonctionnement de la « part nationale » sont destinées aux fédérations sportives ; les subventions de fonctionnement de la « part régionale » sont destinées aux clubs sportifs et aux structures déconcentrées des fédérations ; d'autres subventions sont destinées à la réalisation d'équipements sportifs et à des dépenses diverses en faveur du développement du sport.

Le Conseil du FNDS procède à la répartition globale des crédits de la part régionale, et élabore une note d'orientation destinée aux organes déconcentrés chargés de la gestion de ces crédits

En 2000, le montant des subventions de la part régionale s'est élevé à 343 millions de francs, dont 3,57 millions de francs ont été affectés à la Corse, répartis entre la collectivité territoriale de Corse (1,77 million de francs), et les deux départements (0,99 million chacun).

La procédure d'attribution de ces crédits au plan local est régie par les dispositions du décret n° 87-65 du 4 février 1987. Elle fait intervenir une commission régionale du FNDS présidée par le préfet de région et constituée sur une base paritaire comprenant :

- du côté de l'administration, les préfets des départements et le directeur régional de la jeunesse et des sports ;

- du côté du mouvement sportif, le président du comité régional olympique et sportif et des représentants des disciplines sportives dont la moitié au moins est issue des disciplines olympiques.

Cette commission est consultée sur les deux étapes de la procédure :

1) elle donne son avis au représentant de l'Etat dans la région sur les principes de la répartition des crédits de la part régionale et de la part départementale ;

2) elle donne ensuite son avis :

- au représentant de l'Etat dans la région sur la répartition des aides accordées aux organismes et actions d'intérêt régional ;

- au représentant de l'Etat dans le département sur la répartition des aides accordées aux organismes et actions d'intérêt local.

Ces dépenses sont ensuite engagées et ordonnancées par le représentant de l'Etat dans la région et le représentant de l'Etat dans le département.

Le projet de loi modifie la procédure locale de répartition de ces crédits :

- il désigne la collectivité territoriale de Corse comme « attributaire » des subventions de fonctionnement destinées aux groupements sportifs locaux ;

- il prévoit une procédure qui laisse de côté le mouvement sportif, puisqu'elle prévoit que ces subventions sont affectées « par délibération de l'Assemblée de Corse sur proposition du conseil exécutif et après consultation du représentant de l'Etat ».

? La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements :

- elle a complété le I par un amendement d'origine gouvernementale précisant que, dans la convention qu'il passe avec la collectivité territoriale de Corse pour assurer la coordination de leurs actions respectives, l'Etat pouvait aussi charger cette dernière de la mise en oeuvre de certaines de ces actions ; cet amendement constitue le pendant d'un amendement identique concernant la convention que l'Etat et la collectivité territoriale de Corse passent en matière d'action culturelle ;

- elle a complété le II par un amendement de la commission des lois réintroduisant une consultation des représentants du monde sportif dans la nouvelle procédure d'attribution des subventions du FNDS. A cet effet, cet amendement crée une « commission territoriale pour le développement du sport en Corse », dont la composition est fixée par délibération de l'Assemblée de Corse, et qui comprend, pour moitié, des représentants du mouvement sportif et notamment du comité régional olympique et sportif (CROS) ; ce dernier membre de phrase indiquant que, contrairement à la pratique actuelle, le CROS perdrait en Corse son monopole de représentation du monde sportif.

? La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose un premier amendement confortant le caractère facultatif de la convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse pour coordonner leur action.

Votre commission spéciale rappelle en outre que le Comité national olympique et sportif français , dont les statuts sont approuvés par décret en Conseil d'Etat, est, en vertu de l'article 19 de la loi de 1984 l'organisme habilité à représenter les associations sportives, les sociétés sportives que ces dernières auraient constituées, ainsi que les fédérations sportives et leurs licenciés. A ce titre, il est l'interlocuteur légal des pouvoirs publics à l'échelle nationale. Ses structures déconcentrées, comités régionaux olympiques et sportifs et comités départementaux olympiques et sportifs sont les interlocuteurs privilégiés des collectivités territoriales à l'échelle locale.

Votre commission spéciale vous proposera donc d'adopter un amendement excluant que le mouvement sportif puisse, en Corse, être représenté par des groupements extérieurs au comité régional olympique et sportif.

SECTION 2
De l'aménagement et du développement

Consacrée à l'aménagement du territoire de la Corse et aux conditions de son développement durable, la deuxième section du chapitre II du projet de loi insère une section 2 au chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales (CGCT). Elle est composée de cinq articles, respectivement regroupés en trois sous-sections relatives :

- au plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (articles 12 et 13),

- aux transports et aux infrastructures (articles 14 et 15),

- et au logement (article 16).

Votre commission spéciale vous propose d'insérer deux sous-sections avant la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du projet de loi.

Division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1
de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier
Délimitation du domaine public maritime

Votre commission spéciale vous propose d'insérer une division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du projet de loi, intitulée « De la délimitation du domaine public maritime en Corse ». Celle-ci tend à individualiser, au sein du texte, les dispositions tendant à insérer des dispositions au code du domaine de l'Etat, par deux amendements tendant à insérer des articles additionnels dont l'économie vous est présentée ci-après.

Article additionnel avant l'article 12
Modification de l'intitulé du titre V
de la première partie du livre IV du code du domaine de l'État

Cet article additionnel tend à modifier l'intitulé du titre V de la première partie du livre IV du code du domaine de l'État, par coordination.

Votre commission spéciale vous propose de modifier l'intitulé du titre V du livre IV ( Dispositions diverses ) du code du domaine de l'État, actuellement intitulé Dispositions particulières et finales, afin de le consacrer aux Dispositions applicables à la collectivité territoriale de Corse et, par coordination, de déplacer l'actuel titre V, sous l'appellation de Titre VI.

L'introduction de cette division additionnelle permettrait d'insérer l'article additionnel ci après.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12-
Délimitation du domaine public maritime en Corse

Cet article additionnel tend à fixer le principe d'une délimitation du domaine public maritime en Corse.

Au cours de sa mission dans l'île, votre commission spéciale a noté que sur de nombreuses parties du littoral de la Corse, le domaine public maritime n'était pas délimité. Cette situation pose des problèmes récurrents, à commencer par ceux que rencontrent les pouvoirs publics pour sanctionner l'occupation abusive de ce domaine.

En effet, le premier moyen invoqué par les personnes accusées d'occuper de façon illégale le domaine public maritime (DPM), est précisément l'absence de délimitation de celui-ci, et par conséquent la licéité de la contravention de grande voirie qui réprime leurs agissements.

L'adoption de cet amendement donnerait un signe tangible de la détermination de l'Etat à clarifier une question sans cesse évoquée , et qui, de l'avis unanime des spécialistes rencontrés par votre rapporteur, relève du défaut d'une volonté politique, et non d'une impossibilité technique.

Lorsque l'Etat veut délimiter le DPM, il y parvient. Il a ainsi été procédé à une telle délimitation dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, en vertu de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.

L'amendement qui vous est proposé s'inspire, en conséquence, des dispositions du dernier alinéa du II de l'article L. 89-1 du code du domaine de l'Etat, applicable aux deux département d'outre mer précités. Il prévoit que le domaine public maritime de Corse sera délimité dans un délai d'un an à compter de publication de la loi.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Division additionnelle avant l'intitulé de la sous-section 1
de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier
Dispositions relatives au littoral

Votre commission spéciale vous propose de consacrer à diverses dispositions intéressant le littoral une sous-section additionnelle avant la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier. Cette sous-section s'intitulerait : « Des dispositions applicables au littoral ».

Cette sous-section serait composée de cinq articles additionnels insérés par des amendements dont l'économie générale se présente comme suit :

Article additionnel avant l'article 12-
Interdiction de construire dans les espaces remarquables
où est survenu un incendie de forêt

Cet article additionnel tend à éviter que des pyromanes ne mettent le feu à des zones naturelles afin de leur faire perdre ce statut pour les rendre constructibles .

Le juge administratif considère que dès lors qu'un espace naturel remarquable a brûlé, il perd ce caractère et devient urbanisable.

Votre commission spéciale estime souhaitable de donner un signal clair à l'attention de l'opinion publique en signifiant qu'elle entend que les droits des incendiaires ne puissent primer sur la loi, et la voie de fait sur la voie de droit. C'est pourquoi elle vous propose de déclarer inconstructibles, tant qu'ils n'auront pas retrouvé leur aspect antérieur à un incendie criminel ou dont l'origine reste inconnue, les espaces qui en auront été victimes.

Cette mesure serait applicable à tout le territoire national, puisque la question des incendies de forêt ne se pose pas seulement en Corse et que les évolutions dues au réchauffement climatique donnent à penser que leur fréquence ira croissant.

Afin de conserver une certaine souplesse à cette législation, une autorisation délivrée par décret en Conseil d'Etat permettrait, le cas échéant, de déroger à cette règle.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12
Aide financière destinée au financement
des plan locaux d'urbanisme en Corse

Cet article additionnel tend à attribuer une aide financière exceptionnelle aux petites communes de Corse qui ne sont pas dotées d'un tel document.

Actuellement, 292 communes de Corse de moins de 3.000 habitants ne disposent pas de plan local d'urbanisme (PLU). Parmi elles, 31 sont soumises à la fois aux dispositions de la loi « littoral » et à celles de la loi « montagne ». Neuf sont exclusivement soumises à la loi « littoral », et 252 soumises à la seule loi « montagne ».

L'élaboration d'un tel document apparaît indispensable à votre commission spéciale dans la plupart des communes concernées :

- pour gérer dans la transparence la délivrance des permis de construire ;

- pour que les autorisations d'utilisation du sol soient délivrées au nom de la commune et non plus au nom de l'Etat, conformément à l'esprit de la décentralisation.

Le coût d'un PLU est dirimant pour de petites communes puisqu'il faut compter y consacrer, eu égard à la complexité des études requises, en moyenne 500.000 francs sur trois, voire quatre années. Les très petites communes sont donc dans l'impossibilité d'élaborer des PLU du fait du coût de ces documents. C'est pourquoi il apparaît légitime que l'Etat, leur accorde, une aide spécifique, motivée :

- parce que les difficultés d'élaboration de ces documents relèvent, bien souvent de la complexité et de l'uniformité de la législation nationale qui méconnaît les spécificités locales ;

- parce que ce sujet revêt une importance cruciale pour l'avenir de la Corse qui passe par une mise en valeur de son territoire.

C'est pourquoi, il vous est proposé de prévoir le versement d'une dotation spécifique aux communes qui souhaitent élaborer un PLU.

Le coût de cette mesure, pour les 292 communes de moins de 3.000 habitants serait, pour un PLU estimé, en moyenne, à 500.000 francs, au total de 146 millions de francs sur quatre ans, soit 36,5 millions par an pendant quatre ans. On notera que ce montant est dérisoire, par comparaison avec le montant annuel du PEI (qui serait d'un milliard de francs chaque année sur douze à treize ans) !

Le texte prévoit également un mécanisme de reversement des sommes perçues si une commune ne réalisait pas de PLU bien qu'elle ait perçu les sommes en question.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12
Gage

Cet article additionnel tend à gager l'octroi d'une dotation exceptionnelle destinée au financement de l'élaboration des PLU en Corse.

Le financement du coût de la généralisation des PLU en Corse ne saurait s'effectuer au détriment des autres collectivités locales bénéficiaires de la dotation globale de fonctionnement, ni entraîner un accroissement du montant des dépenses publiques.

Aussi vous est-il proposé d'insérer un article additionnel avant l'article 12, afin de prévoir des modalités d'attribution d'une majoration de la DGF qui ne porte pas préjudice aux autres bénéficiaires de cette dotation, ainsi que le gage de ce surcroît de dépenses.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12-
Entrée en vigueur des dispositions
de l'article L.122-2 du code de l'urbanisme en Corse

Cet article additionnel tend à repousser de quatre ans, en Corse, le délai fixé par l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme pour l'entrée en vigueur d'une disposition de la loi « SRU » qui limite la possibilité d'ouvrir certaines zones à l'urbanisation.

L'article L. 122-2 du code de l'urbanisme qui résulte de l'article premier de la loi « SRU » interdit, à compter du premier janvier 2002, d'ouvrir à l'urbanisation les zones naturelles (ND) et les zones d'urbanisation future (Na) déterminées dans les PLU de toutes les communes situées dans une bande de quinze kilomètres qui s'étend à compter :

- du rivage de la mer ;

- ou de la périphérie des agglomérations de plus de 15.000 habitants.

Cette disposition rendra sans effet les mesures prises par le projet de loi pour alléger le carcan que constitue parfois le droit de l'urbanisme en Corse. Elle revient, en effet, à interdire aux communes qui ont fait l'effort de se doter d'un PLU, toute possibilité de développement, au motif qu'elles ne seront pas parvenues, dans l'année qui a suivi l'entrée en vigueur de la loi « SRU », à réaliser un schéma de cohérence territoriale. A l'évidence, cette disposition, qui est compréhensible dans son esprit, puisqu'elle tend à favoriser une gestion intercommunale de l'espace, pose plusieurs problèmes aggravés dans le cas spécifique de la Corse :

- beaucoup de communes ne disposent pas de PLU, dès lors, il semble inéquitable de faire peser une obligation supplémentaire sur celles qui se sont dotées de cet instrument ;

- lorsqu'on connaît les difficultés qu'ont rencontré les services déconcentrés de l'Equipement pour établir un Atlas des espaces remarquables de la Corse et le temps qui a été nécessaire l'Etat pour définir sa propre doctrine -dont certains aspects s'avèrent, au demeurant, discutables-, on comprend aisément que plusieurs années seront nécessaires aux communes pour mener de front l'élaboration d'un PLU communal et celle d'un SCOT, à vocation intercommunale ;

- enfin à quoi sert de confier au plan d'aménagement et de développement durable de la Corse le soin de fixer les grandes orientations d'urbanisme, pour permettre leur « adaptation » aux réalités locales, dans l'esprit de la jurisprudence constitutionnelle, si au même moment, ont renforce le « carcan législatif » dont se plaignent les habitants de l'île ?

C'est pourquoi il vous est proposé d'allonger de quatre ans la date entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme en Corse.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 12-
Réalisation d'aménagements légers

Cet article additionnel tend à autoriser la réalisation d'aménagement légers, sous réserve de l'adoption d'un plan d'aménagement du site dans des espaces « remarquables »

Les communes et les entités telles que le Conservatoire du littoral, qui gèrent au quotidien l'afflux des touristes dans des espaces « remarquables » se trouvent confrontés aux difficultés qui résultent de l'application du deuxième alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. Ce texte dispose que des aménagement légers peuvent être implantés dans des espaces remarquables, dès lors qu'ils « sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur, notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public ». Le décret pris pour l'application de ces dispositions prévoit, quant à lui, que constituent des aménagements « légers » :

- « Les chemins piétonniers et les objets mobiliers destinés à l'accueil ou à l'information du public , lorsqu'ils sont nécessaires à la gestion ou à l'ouverture au public de ces espaces ou milieux ;

- « Les aménagements nécessaires à l'exercice des activités agricoles, de pêche et cultures marines ou lacustres, conchylicoles, pastorales et forestières ne créant pas de surface hors oeuvre brute [...] ainsi que des locaux d'une superficie maximale de 20 mètres carrés, liés et nécessaires à l'exercice de ces activités pour répondre aux prescriptions des règlements sanitaires nationaux ou communautaires, à condition que la localisation et l'aspect de ces aménagements et locaux ne dénaturent pas le caractère des lieux et que la localisation dans ces espaces ou milieux soit rendue indispensable par des nécessités techniques.

Il s'avère, en pratique, que cette réglementation interdit l'implantation de sanitaires fixes, de chemins piétonniers ou même d'observatoires à oiseaux.

C'est pourquoi il vous est proposé d'autoriser, lorsqu'un plan de gestion du site portant sur l'ensemble de l'espace concerné a reçu un avis conforme de la commission départementale des sites ou, en Corse, du Conseil des sites, des équipements intégrés à l'environnement permettant l'accueil ou le passage des visiteurs, tels que des aires de stationnement, des observatoires de la faune, des sanitaires, des chemins piétonniers et des objets mobiliers destinés à l'information du public. Le texte précise que ces aménagements ne sauraient avoir pour objet de permettre l'hébergement des visiteurs.

Un dispositif analogue avait d'ailleurs été adopté par le Sénat, à la demande de sa commission des Affaires économiques, à l'occasion de l'examen de la loi « SRU ». En cette circonstance, le gouvernement avait indiqué par la voix de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, qu'il ne méconnaissait pas cette question, étant : « parfaitement conscient des problèmes que pose l'accueil des touristes dans les espaces remarquables, notamment auprès du littoral » 96 ( * ) . Malheureusement, ces dispositions n'avaient pas été retenues par l'Assemblée nationale.

Il est à noter qu'à la différence des dispositions du deuxième paragraphe de l'article 12 du projet de loi, cette rédaction ne permet pas la délivrance d'autorisation de construire des « paillottes » , dans la bande des cent mètres et que son champ d'application concerne toute la France car le problème de la gestion de l'afflux des visiteurs se pose sur tous les littoraux où se trouvent des espaces naturels « remarquables ».

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Sous-section 1
Du plan d'aménagement et de développement durable
Article 12
Régime du plan d'aménagement
et de développement durable de la Corse (PADU)

Le premier paragraphe (I) de l'article 12 insère une section 2, intitulée « Aménagement et développement durable », au chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du CGCT, laquelle comprend les articles L. 4424-9 à L. 4424-15 de ce code, dont le dispositif figure au II du même article 12.

Le second paragraphe (II) de l'article 12 contient les articles L. 4424-9 à L. 4424-15 du CGCT qui détaillent le contenu, la portée normative et les conditions d'élaboration du plan d'aménagement et de développement durable (PADU) de la Corse.

D'emblée, votre commission spéciale s'interroge sur l'opportunité de modifier des dispositions du code de l'urbanisme en procédant à des insertions au code général des collectivités territoriales. Cette méthode lui semble inappropriée, en ce qu'elle est la cause de nombreuses équivoques et d'imprécisions dommageables à la cohérence de l'ordonnancement juridique, non moins qu'à la clarté de la loi.

Après avoir rappelé l'état du droit applicable sur le littoral de la Corse, votre rapporteur présentera l'économie générale des articles insérés par l'article 12 au code général des collectivités territoriales, ainsi que les modifications que votre commission spéciale vous propose d'y apporter.

I. ÉTAT DU DROIT EXISTANT EN MATIÈRE DE DOCUMENTS DE PLANIFICATION ET DE PROTECTION DU LITTORAL

A. LES DOCUMENTS DE PLANIFICATION SUSCEPTIBLES D'ÊTRE ÉLABORÉS EN CORSE EN VERTU DE LA LOI DU 13 MAI 1991

La Corse dispose actuellement de deux outils en matière de planification. D'une part, l'article 58 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 prévoit que la collectivité territoriale de Corse élabore « un plan de développement » qui vaut schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (cf. article 34 bis de la loi n° 95-115 précitée et article L. 4424-12 alinéa 2 du projet de loi). D'autre part, aux termes des articles L. 144-1 à L. 144-6 du code de l'urbanisme, cette collectivité établit un « schéma d'aménagement ».

Le plan de développement de la Corse

En vertu de l'article 4424-19 du CGCT, qui codifie l'article 58 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991, la Corse élabore, au titre de ses attributions en matière de développement économique un Plan de développement qui détermine les objectifs à moyen terme du développement économique, social et culturel de l'île ainsi que les moyens nécessaires pour les atteindre et fixe les orientations sur la base desquelles doit être approuvé le schéma d'aménagement de la collectivité territoriale . Il prévoit notamment les programmes d'exécution nécessaires à la conclusion du contrat de plan avec l'Etat, qui constitue l'un des moyens par lesquels s'exerce la solidarité nationale indispensable à la collectivité territoriale de Corse pour assurer son développement économique et social.

Avant de s'intéresser à l'économie du dispositif normatif retenu par l'Assemblée nationale, il convient d'examiner, d'une part, le régime spécifique des documents d'aménagement de l'espace dont l'élaboration est prévue pour ce territoire en vertu de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 et, d'autre part, les principales dispositions de la loi « littoral » auxquelles l'article 12 apporte des dérogations. En effet, la modification du régime des documents de planification est, dans l'esprit des rédacteurs du projet de loi, intimement liée à la volonté de modifier certaines dispositions de la loi littoral jugées trop contraignantes ou, pour reprendre les termes de l'exposé des motifs du projet de loi, afin de permettre « une meilleure prise en compte des spécificités géographiques de l'île, à travers une capacité d'adaptation des dispositions législatives et réglementaires expérimentales encadrées dans les conditions visées à l'article 1 er » 97 ( * ) et précisées par l'article 12.

Le premier plan de développement de la Corse (PDC) a été adopté , le 29 septembre 1993 , par l'Assemblée de Corse. Dans l'introduction de ce document, l'accent est mis sur les diverses caractéristiques du modèle de développement que poursuit la Collectivité territoriale de Corse 98 ( * ) .

« Ouvert et équilibré », le développement de la Corse doit notamment permettre :

- d'élargir le marché intérieur corse ;

- de rééquilibrer la population active vers davantage de ressortissants du secteur privé ;

- de favoriser l'accroissement de la population.

Il doit également reposer sur l'environnement qui « constitue un des trois ou quatre atouts majeurs du développement de l'île » et qui « doit peser de tout son poids et davantage que par la passé lors de la réalisation d'équipements et d'infrastructures lourdes [...] ».

« Multipolaire », le développement de la Corse repose sur « un effort particulier de cohérence et de concertation préalable » qui se spécialise sur « les créneaux où la Corse bénéficie d'avantages comparatifs » (tourisme de nature, aquaculture, disciplines de recherche).

Le développement de la Corse doit en outre être « redistributif », tant au plan social qu'au plan spatial, « global » et « qualifiant », reposant sur des savoir-faire, une technicité et la volonté de mieux vendre.

Compte tenu de ces orientations générales, le PDC recommande de considérer le modèle de développement corse à l'aune de quatre fonctions :

- la fonction structurante qui suppose des actions dans les domaines des transports extérieurs, du réseau routier, des équipements collectifs liés à l'eau et à l'environnement, à l'énergie et aux télécommunications ;

- la fonction productive , qui passe par un développement du tourisme, de l'industrie, de l'artisanat, des services, des activités nouvelles, de l'agriculture et de la forêt ;

- la fonction spatiale qui repose sur la politique de l'environnement et sur l'aménagement du territoire ;

- et enfin, la fonction sociale à laquelle sont consacrées des recommandations concernant l'éducation et la formation, l'enseignement supérieur et la recherche, la culture, la jeunesse et les sports, les affaires sanitaires et sociales et l'habitat.

Par une délibération du 25 juin 1999, l'Assemblée de Corse a actualisé le PDC pour la période 2000-2006 , en mettant en avant les dix « points forts » figurant dans le tableau ci-après :

LES ORIENTATIONS DU PLAN DE DÉVELOPPEMENT DE LA CORSE
RÉSULTANT DE L'ACTUALISATION
ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE DE CORSE
LE 25 JUIN 1999

1. Aménagement du territoire : privilégier les « territoires de projets » ;

2. Développement économique : substituer une logique de projet à une logique de guichet ;

3. Tourisme : structurer un secteur créateur de richesse ;

4. Transports : fiabiliser, maîtriser et rationaliser le service public ;

5. Agriculture : organiser la profession en filières ;

6. Energie et environnement : valoriser des atouts exceptionnels ;

7. Nouvelles technologies : favoriser la création de réseaux de communication performants ;

8. Education, Formation, Enseignement Supérieur et Recherche : viser l'élévation du niveau général, développer les formations professionnalisantes, ancrer et ouvrir l'université ;

9. Culture et Sports : affirmer leur rôle de lien social ;

10. Coopérations interrégionales : ouvrir la Corse sur l'extérieur.

Le schéma d'aménagement de la Corse (SDAC)

Aux termes des articles L. 144-1 et suivants du code de l'urbanisme, la collectivité territoriale de Corse établit également un schéma d'aménagement de l'espace , de protection et de mise en valeur de son territoire . Il détermine l'implantation des grands équipements d'infrastructure et les principes de localisation des activités industrielles, artisanales, agricoles, touristiques et celle des extensions urbaines . Il devait être établi dans les deux ans suivant l'adoption du premier plan de développement 99 ( * ) .

Ce schéma, qui vaut schéma de mise en valeur de la mer a, en outre, en vertu de l'article L. 144-5 du code de l'urbanisme, les mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement. Les documents de planification élaborés par les communes (SCOT, PLU, cartes communales) doivent être compatibles avec lui.

En application du décret n° 83-697 du 28 juillet 1983 relatif à la procédure d'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse, le délai avant le terme duquel la région Corse devait avoir statué sur le SDAC est expiré le 29 juillet 1985. Ce délai a été reporté à deux reprises par les lois n°s 85-97 du 25 janvier 1985 et 86-1290 du 23 décembre 1986, avant d'expirer le 24 décembre 1988.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, « La commission d'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse a été installée, une première fois, le 12 juin 1984 (sans parvenir à définir le programme d'études du schéma).

A la suite de la dissolution de l'Assemblée de Corse intervenue le 27 juin 1984, et de son renouvellement en août 1984, la commission, dans sa nouvelle composition, s'est réunie le 20 février 1985 et a approuvé les modalités d'élaboration du schéma et le programme d'études qui lui ont été proposés par l'exécutif régional.

De 1985 à octobre 1988, la commission ne s'est plus réunie : une réunion prévue en juin 1986 n'a pu se tenir valablement et début 1987 une réunion interservices sans valeur réglementaire a eu lieu ».

Finalement, les travaux ont commencé en octobre 1988 et ont abouti à la rédaction d'un rapport (octobre 1989) et à la réalisation de cartes (avril 1990).

Faisant application des dispositions du décret n° 83-697 du 28 juillet 1983 précité, le Gouvernement a décidé, le 16 janvier 1990, que l'Etat élaborerait lui-même le SDAC . A cette fin, le préfet de Corse a rendu public, le 25 janvier 1991, un « livre blanc » transmis à l'Assemblée de Corse, lequel a préludé au projet de schéma d'aménagement, transmis à la même Assemblée le 17 septembre 1991.

Bien que l'Assemblée de Corse ait expressément demandé que la procédure d'élaboration du SDAC soit suspendue, celle-ci s'est poursuivie jusqu'à l'approbation du projet de schéma par décret n° 92-129 du 7 février 1992.

Le schéma d'aménagement de la Corse en vigueur s'articule autour de trois orientations principales :

- doter la Corse des moyens de prendre place parmi les régions d'Europe, à la croisée de la façade méditerranéenne et de la dorsale alpine en améliorant les infrastructures ;

- préserver l'environnement pour valoriser les potentialités, tout en favorisant le tourisme et l'agriculture ;

- et enfin, intégrer littoral et intérieur dans le cadre de l'axe Ajaccio-Corte-Bastia et de diverses micro-régions.

Le schéma d'aménagement de la collectivité territoriale de Corse

Arrêté le 26 septembre 1997 par le Conseil exécutif de Corse, le projet de schéma d'aménagement a reçu l'avis défavorable du Conseil économique, social et culturel et du Conseil des sites de Corse. En janvier 1998, le Préfet de Corse, a fait savoir au Président du Conseil exécutif qu'il ne pouvait donner son accord aux dispositions du schéma valant schéma de mise en valeur de la mer (S.M.V.M.), certaines étant contraires à la loi « littoral ». Puis il a demandé au Président du Conseil exécutif, le 10 novembre 1998, de reprendre l'élaboration du schéma d'aménagement.

Le projet de loi entend fusionner les deux documents existants en un seul dispositif, élaboré au cours d'une procédure unique. A cette fin, sept articles, L. 4424-9 à L. 4424-15, seraient insérés dans le code général des collectivités territoriales (CGCT).

B. DISPOSITIONS DE LA LOI « LITTORAL » APPLICABLES EN CORSE

Afin de préserver le littoral d'une urbanisation croissante, la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à la protection et à la mise en valeur du littoral a établi une série de limitations au droit de construire sur les zones qui jouxtent les rivages de la mer . Cette loi, qui s'applique aujourd'hui de façon uniforme dans l'Hexagone et en Corse, est, en partie, codifiée aux articles L. 146-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme. Elle concerne les communes littorales visées à l'article L. 321-2 du code de l'environnement, c'est-à-dire, les collectivités riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1.000 hectares, des estuaires et des deltas lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d'Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés.

La loi « littoral » distingue trois types d'espaces :

- la bande des cent mètres contiguë au rivage, située dans les espaces non urbanisés ;

- les espaces proches du rivage, qu'ils soient ou non situés dans les zones urbanisées ;

- la partie rétro-littorale , quelle que soit sa nature (urbanisée ou naturelle).

Dans la bande des cent mètres contiguë au rivage située dans des espaces non urbanisés, les constructions ou installations sont interdites , sauf si elles sont nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (article L. 146-4-III).

Dans les « espaces proches du rivage » -notion floue qui a donné lieu à une abondante jurisprudence- l'extension « limitée » de l'urbanisation est possible si elle est justifiée et motivée par le PLU en fonction de critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau . A contrario, toute autre forme d'urbanisation y est proscrite (article L. 146-4-II).

Enfin, dans la partie « rétro-littorale » qui couvre le territoire des communes littorales auquel s'applique la loi, l'extension de l'urbanisation n'est admise que :

- si elle s'effectue « en continuité » avec les agglomérations et les villages existants ;

- si elle revêt l'aspect de « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement » .

L'impact de ces dispositions est particulièrement important en Corse , dont le littoral représente 1.154 kilomètres (îles comprises) soit 14 % du linéaire côtier français . Ceci explique que la superficie des terrains acquis en Corse par le Conservatoire du Littoral soit la plus vaste de toutes les régions françaises avec 13.308 hectares, très loin devant la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) (9.990 hectares) ou la région Languedoc-Roussillon (7.138 hectares) 100 ( * ) .

Le nombre des documents d'urbanisme réalisés en Corse est peu élevé. En outre, par le jeu combiné de la loi « littoral », de la loi « montagne » et de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, toutes les possibilités de construire sont, bien souvent, « gelées ». On a vu, ci-dessus, les pesanteurs qu'occasionne parfois la loi « littoral ». On rappellera donc ici les difficultés entraînées par l'application combinée de la loi « montagne » et de la loi du 31 décembre 1913.

La loi « montagne » à laquelle la plupart des communes de Corse sont soumises, renforce, en effet, le principe d'inconstructibilité posé par le code de l'urbanisme en limitant la faculté d'y déroger, fût-ce en élaborant un PLU. Elle renforce le principe de construction en continuité avec les constructions existantes, alors même que le relief justifierait, parfois, d'y déroger. Tout au plus permet-elle, en théorie, de créer des « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement », sans que cette faculté soit, en pratique, utilisée, ni sur le continent, ni en Corse, du fait de la lourdeur d'une procédure qui revient à constituer, dans un espace à faible densité, une véritable zone d'aménagement. Enfin, la loi montagne soumet la construction d'unités touristiques nouvelles à des autorisations spécifiques, afin de lutter contre le « mitage » de l'espace montagnard et de préserver les activités agricoles et pastorales.

La loi du 31 décembre 1913 prévoit, quant à elle, que tous les permis de construire dans des zones situées dans le champ de visibilité des monuments historiques sont soumis au visa de l'architecte des bâtiments de France, ce qui limite fortement la possibilité de construire dans les environs immédiats du centre historique de nombreux villages.

La superposition de ces trois législations aboutit, en pratique, à geler toute possibilité de construire puisque, dès lors que l'on sort du champ d'application de la loi « littoral », on entre dans celui de la loi « montagne », que jouxte le périmètre de 500 mètres fixé par la loi de 1913 (notamment dans tous les petits villages dont la surface du bourg est peu étendue et où se trouve, bien souvent, un édifice classé au titre de la protection des monuments historiques).

II. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI AU RÉGIME EN VIGUEUR

Article L.4424-9 du Code général des collectivités territoriales
Contenu du PADU

Cet article détermine le contenu du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADU).

Le texte adopté par l'Assemblée nationale :

L'article L. 4424-9 tel qu'il résulte du projet de loi initial , auquel l'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification rédactionnelle, repose sur une synthèse des dispositions des articles L. 4424-19 du CGCT, L. 144-1 du code de l'urbanisme, de certaines dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains et de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

En vertu du premier alinéa « le plan fixe les objectifs du développement économique, social, culturel et touristique de l'île, ainsi que ceux de la préservation de son environnement ». Cette rédaction est, pour l'essentiel, analogue à celle du premier alinéa de l'article L. 4424-19 précité qui ne fait, cependant, référence ni au développement touristique de l'île, ni à la préservation de son environnement.

Le second alinéa prévoit, quant à lui, comme l'article L. 144-1 du code de l'urbanisme relatif au schéma d'aménagement de la Corse, que le PADU définit les  « orientations fondamentales » en matière d'aménagement de l'espace , dans le cadre de la protection et de la mise en valeur du territoire de l'île, tout en enrichissant substantiellement son contenu, puisque le PADU s'intéresse aux orientations en matière :

- de transport , selon une approche multimodale (ce qui est cohérent avec l'approche multimodale de l'organisation des transports retenue par l'article 20 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 précitée pour les schémas de service collectif) ;

- de télécommunications ;

- de valorisation des ressources énergétiques .

Reprenant des concepts déjà utilisés par l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme qui résulte de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), le second alinéa prévoit que les orientations du PADU respecteront dans une « perspective de développement durable » :

- l'équilibre entre les objectifs de renouvellement et de développement urbains ;

- la diversité sociale de l'habitat ;

- la préservation des activités agricoles et forestières ;

- la protection des espaces naturels, sites et paysages.

Le plan détermine enfin les « principes de localisation » :

- des grandes infrastructures de transport ;

- des grands équipements ;

- des espaces naturels, des sites et paysages à préserver ;

- des extensions urbaines ;

- des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives .

Observations de votre commission spéciale

Votre commission spéciale souscrit à l'idée de confier à la collectivité territoriale de Corse compétence pour élaborer un document d'aménagement qui détermine les grands objectifs de développement de l'île et les orientations en matière d'aménagement de l'espace.

Elle vous propose cependant d'adopter, à l'article L. 4424-9 un amendement , afin :

d'opérer une clarification rédactionnelle tendant à faire référence, par analogie avec le 2°) de l'article L.121-1 du code de l'urbanisme au concept de « mixité sociale » plutôt qu'à celui de « diversité sociale » au troisième alinéa .

de renvoyer au code de l'urbanisme les dispositions concernant la mise en oeuvre du PADU . Il n'est, en effet, pas souhaitable que les dispositions techniques relatives au régime juridique d'un document d'urbanisme aussi important que le PADU ne figurent pas dans le code de l'urbanisme, alors même que celui-ci comprend, d'ores et déjà, un chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse au Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) de son Livre premier, consacré aux Règles générales d'utilisation du sol .

Par coordination, votre commission spéciale vous propose de déplacer dans le code de l'urbanisme les dispositions figurant aux articles L. 4424-11 à L. 4424-15 du projet de loi, par plusieurs amendements dont l'économie générale vous sera présentée ci-après.

Votre commission spéciale vous propose, en outre, d'adopter deux amendements tendant à insérer des paragraphes additionnels après l'article L. 4424-10 proposé par le projet de loi. Ils sont susceptibles de clarifier la position du PADU dans la hiérarchie des normes.

Soumission du PADU à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme

L'économie générale retenue par l'Assemblée nationale pour le régime juridique du PADU appelle une observation relative à la place du de ce document dans la hiérarchie des normes . En effet, l'exposé des motifs du projet de loi indique que le PADU devra respecter « l'ensemble des lois et règlements » 101 ( * ) . Cependant, le libellé du troisième alinéa de l'article L. 4424-9 du CGCT suscite une interrogation relative à la relation juridique existante entre le PADU et l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme. Ce dernier est capital, puisqu'il détermine les règles générales applicables à l'ensemble des documents d'urbanisme, qu'il s'agisse des directives territoriales d'aménagement (DTA) des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plan, locaux d'urbanisme (PLU) ou des cartes communales. Ces principes sont au nombre de trois :

- 1°) L'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et paysages, d'autre part, en respectant les objectifs du développement durable ;

- 2°) La diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans l'habitat rural , en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, notamment commerciales, d'activités sportives ou culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics, en tenant compte en particulier de l'équilibre entre emploi et habitat ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux ;

- 3°) Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux , la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature.

Certains des principes mentionnés par l'article L. 121-1 précité figurent, au moins dans leur orientation générale, dans le troisième alinéa de l'article L. 4424-9 du CGCT, à l'instar de la protection des espaces naturels et des paysages. Cependant, le libellé de certains d'entre eux est notablement différent. Dès lors, doit-on considérer que l'article L. 4424-9 se substitue à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme pour ce qui concerne le PADU et que celui-ci peut ne pas respecter les principes que pose cet article ? Ou bien -mais cette interprétation semble malaisée- que, comme l'indique l'exposé des motifs précité, celui-ci est soumis à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme comme à l'ensemble des lois et règlements ?

Le fait que le PADU ait la même valeur normative que les directives territoriales d'aménagement accentue d'ailleurs l'équivoque qui caractérise la rédaction transmise au Sénat puisque les DTA sont, elles, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme -lequel résulte d'un amendement adopté par le Sénat au projet de loi « SRU »- soumises au respect des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 121-1 précité. Ne serait-il pas contradictoire que le PADU porte les mêmes effets qu'une DTA, tout en étant soumis à une obligation légale « allégée » ?

C'est pourquoi votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel qui prévoit que les dispositions des 1° à 3° de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme sont applicables au PADU.

Cet amendement présente l'intérêt d'assurer la cohérence de la hiérarchie des normes d'urbanisme applicables dans l'île. Rien n'interdirait, en effet, si le juge considérait qu'en vertu du principe de spécialité des législations, le contenu du PADU n'est pas soumis au respect de l'article L. 121-1 précité, que l'on observe une contrariété entre les SCOT, les PLU et les cartes communales -qui sont, eux, soumis au respect de l'article L.121-1, y compris en Corse- et le PADU qui ne le serait pas, alors même que la loi lui confère la valeur d'une DTA, en théorie supérieure aux documents d'urbanisme décentralisés précités.

Soumission du PADU aux normes actuellement visées par l'article L. 144-2 du code de l'urbanisme

Dans le même esprit, votre commission spéciale considère comme inopportun d'abroger, par l'article 13 du projet de loi, la totalité des dispositions de l'article L. 144-2 du code de l'urbanisme qui soumettent le schéma d'aménagement de la Corse à diverses dispositions générales applicables aux documents d'urbanisme . Elle vous proposera, en conséquence, un amendement sur ce point.

Rappelons que l'article L. 144-2 prévoit notamment que le schéma d'aménagement de la Corse doit respecter :

1° Les règles générales d'aménagement et d'urbanisme à caractère obligatoire prévues au livre 1 er , ainsi que les prescriptions prévues aux articles L. 111-1 à L. 112-3 du code rural ;

2° Les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt national ;

3° La législation en matière de protection des sites et des paysages ainsi qu'en matière de protection des monuments classés ou inscrits.

Ces dispositions sont spécialement importantes, puisque les prescriptions prévues aux articles L. 111-3 à L. 112-3 du code rural, prévoient notamment que :

- l'aménagement et le développement durable de l'espace rural constituent une priorité essentielle de l'aménagement du territoire dont la mise en valeur et la protection de l'espace agricole et forestier prennent en compte les fonctions économique, environnementale et sociale. (article L. 111-1) ;

- le document de gestion de l'espace agricole et forestier établi dans chaque département doit être consulté lors de l'élaboration des documents d'urbanisme et des schémas départementaux des carrières (article L. 112-1).

Rien n'indique pourquoi le plan d'aménagement ne serait pas soumis à ces dispositions. C'est pourquoi votre commission spéciale vous présentera un amendement tendant à conserver le contenu des dispositions précitées de l'article L. 144-2.

Article L. 4424-10 du Code général des collectivités territoriales
Dérogations à la loi « littoral » opérées par le PADU

Cet article permet à la collectivité territoriale de Corse de déroger à certaines dispositions fondamentales de la loi « littoral ».

A. LE CONTENU DE L'ARTICLE L. 4424-10 DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI INITIAL

Trois types de dérogations seraient susceptibles d'être apportées, en vertu cet article, à la loi littoral, en ce qui concerne :

- la liste des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables (paragraphe I) ;

- la détermination des espaces où peuvent être autorisés des aménagements légers et des constructions non permanentes dans certains secteurs soumis à une forte fréquentation touristique (paragraphe II) ;

- la détermination dans des espaces en principe inconstructibles, de zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées (paragraphe III).

Pour la commodité de l'exposé, votre rapporteur examinera successivement chacun des quatre paragraphes qui composent l'article L. 4424-10.

Paragraphe I : Détermination de la liste des espaces remarquables

Le droit en vigueur : L'article L. 146-6 du code de l'urbanisme

En vertu de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, qui résulte de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à la mise en valeur et à la protection du littoral, un décret , codifié à l'article R. 146-1 du même code détermine les principaux espaces et milieux à préserver , lesquels comportent notamment, aux termes de l'article L.146-6 précité, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, : « les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves ».

La liste des espaces et milieux à protéger comprend, quant à elle, en vertu de l'article R. 146-1 précité -qui résulte du décret en Conseil d'Etat n° 89-694 du 20 septembre 1989-, outre les sites mentionnés par l'article L. 146-6 précité :

- « les estrans 102 ( * ) , les falaises et les abords de celle-ci ;

- les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1.000 hectares ;

- les tourbières, les plans d'eau ;

- les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

- les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

- les formations géologiques telles que les gisements de minéraux ou de fossiles, les stratotypes 103 ( * ) , les grottes ou les accidents géologiques remarquables. »

En pratique, sur le fondement de l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme, le classement des sites remarquables est opéré par les services de l'Etat sous l'égide du préfet .

Portée de la dérogation accordée à la collectivité de Corse par le projet de loi initial

Le premier paragraphe du projet de loi initial , auquel l'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification rédactionnelle, prévoit que le PADU peut , pour l'application de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, et sous réserve de l'adoption d'une délibération « particulière et motivée » de l'Assemblée de Corse, fixer la liste et la localisation des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables, ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et des milieux nécessaires à un maintien des équilibres biologiques à préserver .

Cette délibération « tient lieu »du décret codifié à l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme. Elle semble cependant se distinguer de ce texte puisqu'elle détermine la localisation des zones en question, alors que, comme on l'a vu ci-dessus, l'article R. 146-1 précité dresse une liste générale des types d'espaces susceptibles d'être protégés, sans définir leur implantation géographique.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, dans l'esprit des rédacteurs du projet de loi, le premier paragraphe n'autorise pas la collectivité territoriale de Corse à contrevenir aux dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme. Tout au plus peut-elle modifier la liste établie par l'article R. 146-1 pour l'adapter aux spécificités de la Corse. L'exposé des motifs du projet de loi indique, au demeurant que : « bien évidemment, le plan devra respecter l'ensemble des lois et règlements, en particulier ceux qui résultent des directives communautaires et conventions internationales en vigueur dans les différents domaines qu'il couvre ainsi que les législations relatives aux servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation des sols, à la protection des sites et paysages, ainsi qu'à la protection des monuments classés ou inscrits » 104 ( * ) .

La délibération de la collectivité territoriale de Corse prise à cette fin sera soumise au contrôle de légalité dans les conditions prévues à l'article 2 du projet de loi et susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal administratif.

Paragraphe II : Détermination des espaces où peuvent être créés des aménagements légers et des constructions non permanentes

Ce paragraphe tend à apporter une limitation à l'empire des dispositions de la loi « littoral » qui prohibent toute construction dans la bande des cent mètres située à proximité du rivage, dans les zones naturelles.

Le principe d'inconstructibilité dans la zone des cent mètres à compter du rivage

L'urbanisation des zones littorales est soumise à un régime très limitatif. En dehors des espaces urbanisés, les constructions et installations sont interdites sur une bande de cent mètres à compter de la limite du rivage.

Cette législation n'est pas sans entraîner de difficultés dans les zones soumises à une forte fréquentation touristique, où les visiteurs sont susceptibles d'occasionner des dommages à l'environnement, à défaut de disposer des services adaptés (sanitaires, chemins d'accès au rivage, etc...). A l'occasion de l'examen du projet de loi SRU, le législateur a d'ailleurs tenté d'apporter une première réponse à cette question en adoptant un article 42, codifié à l'article L. 146-6-1 du code de l'urbanisme.

Celui-ci prévoit que pour réduire les conséquences sur une plage et les espaces naturels qui lui sont proches de nuisances ou de dégradations , liées à la présence d'équipements ou de constructions réalisés avant l'entrée en vigueur de la loi « littoral » , une commune ou, le cas échéant, un EPCI compétent peut établir un schéma d'aménagement , approuvé, après enquête publique, par décret en Conseil d'Etat , après avis de la commission des sites. En outre, afin de réduire ces nuisances ou dégradations et d'améliorer les conditions d'accès au domaine public maritime, il peut, à titre dérogatoire, autoriser le maintien ou la reconstruction d'une partie des équipements ou constructions existants à l'intérieur de la bande des cent mètres située le long du rivage, dès lors que ceux-ci sont de nature à permettre de concilier les objectifs de préservation de l'environnement et d'organisation de la fréquentation touristique.

Cette dérogation à la loi « littoral », récemment adoptée, s'inscrit dans un mouvement plus général qui a conduit le législateur, à l'occasion de l'examen de la loi « SRU », à apporter d'autres dérogations au principe d'inconstructibilité qu'édicte le code de l'urbanisme, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :

LES ASSOUPLISSEMENTS AUX LIMITATIONS DU DROIT DE CONSTRUIRE RÉCEMMENT ADOPTÉS PAR LE LÉGISLATEUR

Le code de l'urbanisme repose sur le principe de constructibilité limitée qui s'applique sur l'ensemble du territoire et, de façon renforcée, dans les zones de montagne et dans les zones littorales.

SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE

Le principe général est posé par l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme qui dispose qu' en l'absence de PLU seules sont autorisées en dehors des parties urbanisées du territoire :

1° - l'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes ;

2° - les constructions nécessaires à des équipements collectifs, agricoles, ou destinés à la mise en valeur des ressources naturelles ou à la réalisation d'opérations d'intérêt général ;

3° - les installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées ;

4° - les constructions motivées par l'intérêt de la commune, si elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages.

L'article 33 de la loi « SRU » a modifié le 4° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme afin de permettre que l'« intérêt de la commune » justifie une dérogation au principe de constructibilité limitée afin d'éviter une diminution de la population communale . L'expérience prouvait, en effet, que certaines petites communes qui n'ont pas les moyens d'élaborer un POS ne pouvaient, de ce fait, autoriser des constructions nouvelles hors des zones urbanisées, alors même que ces constructions auraient permis de maintenir le niveau de leur population.

EN ZONE DE MONTAGNE

Le III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme pose le principe de l'urbanisation en continuité avec les bourgs, et villages existants en zone de montagne . Cette règle suscitait des difficultés dans les zones où, faute d'espace, aucun terrain n'était constructible à proximité des zones urbanisées.

C'est pourquoi l'article 16 de la loi « SRU » a prévu la possibilité de déroger au principe de construction en continuité, à titre exceptionnel, pour créer des zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées, après accord de la chambre d'agriculture et de la Commission des sites .

Modifications proposées par le projet de loi initial

Le deuxième paragraphe (II) de l'article 12 dispose, quant à lui, que le PADU peut déterminer, en tenant compte de la fréquentation touristique de certains sites et de la préservation de l'environnement, les espaces situés dans la bande littorale des cent mètres dans lesquels peuvent être autorisés des aménagements légers et des constructions non permanentes destinés à l'accueil non hôtelier du public dans le respect des paysages et des caractéristiques propres à ces sites.

La détermination de ces espaces reposerait sur une délibération « particulière et motivée » de l'Assemblée de Corse ; tandis que la réalisation des aménagements et constructions serait soumise à une enquête publique analogue à celle d'ores et déjà prévue pour la réalisation de constructions nécessaires à des activités exigeant la proximité immédiate de l'eau (cf. article L. 146-6-III alinéa 2). Cette enquête publique pourrait être unique et porter sur l'ensemble des constructions et aménagements prévus, dès lors que le dossier soumis à cette procédure préciserait les conditions d'aménagement et de gestion de l'ensemble des espaces concernés.

Modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au premier alinéa du deuxième paragraphe de l'article L. 4424-10, l'Assemblée nationale a adopté, outre une modification de précision, un amendement de MM. Bruno Leroux et Noël Mamère aux termes duquel les aménagements et constructions non permanentes pour l'accueil du public ne sauraient être destinés à une forme d'hébergement .

Paragraphe III : Détermination, dans des espaces inconstructibles, de zones d'urbanisation future

Tout comme le précédent, ce paragraphe limite la portée du régime d'inconstructibilité qui résulte de la loi « littoral » .

Régime de constructibilité au delà de la zone des cent mètres qui borde le littoral

Afin de lutter contre le « mitage » des espaces riverains du littoral et de préserver les zones naturelles et non urbanisées, le « I » de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme prévoit que dans les communes littorales, l'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.

Modifications proposées par le projet de loi initial

Par dérogation à ces dispositions, le troisième paragraphe du projet de loi initial prévoit que le PADU pourrait définir, dans des espaces qu'il détermine, des règles relatives à l'extension de l'urbanisation adaptées aux particularités géographiques locales et déroger, ipso facto, aux dispositions de l'article L. 146-6 précité .

La procédure de détermination de ces zones serait identique à celle prévue au paragraphe II (délibération particulière et motivée) pour la création d'aménagements légers.

Le texte précise, en outre, que :

- les modalités d'organisation et d'insertion dans les sites et les paysages de l'extension de l'urbanisation sont définies et justifiées dans le PADU ;

- que ces règles sont applicables dans des « périmètre restreints » dès lors qu'il existe un Plan local d'urbanisme (PLU) ou une carte communale opposable aux tiers.

Examinant l'article 12, le Conseil d'Etat a jugé souhaitable de disjoindre le troisième paragraphe du reste du projet de loi, considérant qu'« en l'absence [...] de précisions suffisantes sur la nature, l'étendue et la portée des dérogations [...] apportées au régime législatif de droit commun, les dispositions susmentionnées équivalent à une délégation du pouvoir législatif à la collectivité territoriale de Corse [...], contraire à l'article 34 de la Constitution ».

Dans son rapport présenté devant l'Assemblée nationale, M. Bruno Le Roux « confirme le bien fondé de ces observations et, partant, considère qu'il convient de leur apporter une réponse appropriée », en estimant toutefois que « la collectivité territoriale saura, mieux que l'autorité administrative, fixer la liste des espaces remarquables de l'île 105 ( * ) ».

Modifications votées par l'Assemblée nationale

Le dispositif du troisième paragraphe a été très substantiellement modifié par trois amendements de l'Assemblée nationale.

Le premier prévoit que la délibération particulière et motivée par laquelle l'Assemblée de Corse peut déroger à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme précisera les modalités d'organisation et de tenue d'un débat public préfigurant l'évaluation mentionnée au IV. Votre commission spéciale s'interroge sur la portée de cette disposition dans la mesure où rien n'indique le contenu juridique de cette « préfiguration ». C'est pourquoi elle vous proposera de supprimer par un amendement cette expression .

Le deuxième amendement, présenté par le rapporteur de l'Assemblée nationale, et sous-amendé par M. Pierre Albertini, supprime la possibilité de procéder à des « adaptations législatives » , tout en autorisant la collectivité territoriale de Corse à prévoir la création de zones d'urbanisation limitées sous plusieurs conditions tendant à assurer la préservation des espaces naturels susceptibles d'être menacés.

Alors que, dans le projet de loi initial, la collectivité territoriale de Corse pouvait déterminer, sans réel encadrement législatif, des règles relatives à l'extension de l'urbanisation « adaptées aux particularités géographiques locales », ce pouvoir lui est retiré, au profit d'une compétence restreinte. La collectivité pourrait définir des espaces où « la topographie et l'état des lieux » sont susceptibles de justifier une dérogation à la règle de construction en continuité des constructions existantes . Ces espaces ne sauraient être situés :

- ni dans les espaces « remarquables » mentionnés au premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;

- ni dans les espaces, les paysages et les milieux offrant un intérêt esthétique indéniable ou présentant un aspect exceptionnel, caractéristique du patrimoine naturel et culturel de l'île ;

- ni dans les espaces nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes .

Le champ dans lequel ces dérogations sont susceptibles d'être établies est donc plus restreint que celui envisagé par le projet de loi initial.

Encore peut-on se demander s'il ne serait pas souhaitable d'interdire ces dérogations dans les sites remarquables visés par l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme, lequel dresse, rappelons-le, une liste plus exhaustive que celle établie par l'article L. 146-1 puisqu'elle comprend en outre :

- « les estrans, les falaises et les abords de celles-ci ;

- les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1.000 hectares ;

- les tourbières, les plans d'eau ;

- les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourriceries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

- les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

- les formations géologiques telles que les gisements de minéraux ou de fossiles, les stratotypes, les grottes ou les accidents géologiques remarquables. »

Or, rien n'interdirait, en apparence, à l'Assemblée de Corse d'établir une liste plus restrictive que celle qui résulte de l'article R.146-1, tout en étant conforme à l'article L.146-6, sous réserve du contrôle du juge.

Il revient, en outre, au PADU de définir, « selon des modalités compatibles avec la préservation du caractère naturel de ces espaces, les règles d'organisation et les conditions d'insertion dans les sites et les paysages de ces zones d'urbanisation future ».

Dans les espaces ainsi limités, seuls les PLU pourraient créer « des zones d'urbanisation future de taille et de capacité limitées » , expression qui rappelle celle utilisée par l'article L. 145-3-III du code de l'urbanisme pour les zones de montagne, lequel permet de créer des zones d'urbanisation future de taille limitée, à titre exceptionnel, après avis de la commission des sites et de la chambre d'agriculture.

La compétence dévolue au PLU ne semble, en théorie, pas sans garde-fous puisque la nouvelle rédaction du III prévoit que les espaces en question seront, eux aussi, créés après consultation de la chambre d'agriculture et du Conseil des sites de Corse, et après enquête publique.

Paragraphe IV : Entrée en vigueur et caducité des délibérations prévues par l'Assemblée territoriale de Corse en matière d'aménagement, pour déroger aux dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme

Selon l'exposé des motifs du projet de loi 106 ( * ) , la possibilité de procéder à des « adaptations des dispositions législatives et réglementaires » était à la fois « expérimentale » et « encadrée » par les dispositions du quatrième et dernier paragraphe de l'article L. 4424-10 du CGCT, à savoir :

- la durée d'expérimentation limitée à quatre années ;

- l' établissement d'un rapport d'information annuel sur leur mise en oeuvre ;

- la caducité des mesures prises à l'issue du délai précité à défaut d'une prorogation par des lois ultérieures .

L'Assemblée nationale a donné une nouvelle rédaction au paragraphe IV. En effet, l'adoption de modifications au III a rendu sans objet les dispositions du quatrième paragraphe (IV) qui prévoyaient d'instaurer une période d'évaluation de quatre ans pour la mise en oeuvre du dispositif initial. Aussi un amendement du rapporteur a-t-il modifié ce paragraphe qui prévoit désormais qu'un rapport d'évaluation annuel, établi par la collectivité territoriale de Corse, sur la mise en oeuvre de ces dispositions, précisera leur impact réel sur l'environnement et le développement durable et sera adressé au Premier ministre qui le transmettra au Parlement.

B. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE SUR L'ARTICLE L. 4424-10 DU CODE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI

L'Assemblée nationale a tenté de retrancher du projet de loi initial les dispositions qui, en prévoyant des « adaptations législatives », s'avéraient manifestement contraires à la Constitution. Elle y a, malheureusement introduit, par un choc en retour, d'autres dispositions qui encourent des critiques.

Observations de votre commission spéciale sur le paragraphe I

Pour votre commission spéciale, le texte du projet de loi transmis au Sénat, dont la conformité à la Constitution, s'avère pour le moins discutable, est susceptible de susciter des espoirs infondés et d'occasionner de graves incertitudes juridiques.

L'article L. 146-6 du code de l'urbanisme a, en effet, confié au pouvoir réglementaire le soin de définir, par un décret, la liste des sites « remarquables » situés sur le littoral. Or, en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre est investi de la plénitude du pouvoir réglementaire, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République. La jurisprudence du Conseil d'Etat considère que de ce fait, le pouvoir réglementaire peut toujours intervenir, même à défaut d'habilitation législative, pour l'application de la loi.

Dans sa décision n° 88-248 du 17 janvier 1989 sur la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil constitutionnel a, quant à lui, considéré que si les dispositions de l'article 21 précité ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l'Etat autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c'est à la condition que cette loi n'habilite cette autorité qu'à prendre des mesures de portée limitée, tant par leur champ d'application que par leur contenu. Il a d'ailleurs sanctionné, sur ce fondement, une habilitation trop étendue.

Le projet de loi a, quant à lui, pour objet de donner à la collectivité de Corse la faculté d'adopter une délibération qui « tient lieu » d'un décret. A l'évidence, si cette disposition tend, en transférant une partie du pouvoir réglementaire du chef du gouvernement à la CTC, à interdire l'édiction d'un décret concurrent, sur un objet pour lequel la délibération de la CTC « tiendrait lieu » de texte, elle est contraire à la constitution :

- car elle porte atteinte à l'intégrité du pouvoir réglementaire du Premier ministre ;

- puisqu'elle ne peut être regardée comme ayant une portée « limitée » au sens de la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel.

Un texte qui suscite de vains espoirs

En apparence, le premier paragraphe de l'article L. 4424-10 autorise une délibération de la CTC à fixer, en lieu et place d'un décret, les modalités d'application de la loi. Ceci aurait théoriquement pour effet de permettre à la CTC de diminuer la liste des espaces remarquables -telle est du moins l'idée exprimée par plusieurs des personnalités remontées par la délégation qui s'est rendue en Corse-. Pour autant, sa délibération serait-elle légale ? Rien n'est moins sûr. En effet, le premier alinéa de l'article L.146-6 du code de l'urbanisme prévoit :

- qu'un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver ;

- que cette liste comprend notamment les dunes, les landes côtières... etc...

L'article 146-6 ne détermine donc pas une liste exhaustive des types d'espaces remarquables, tout au contraire. L'adverbe notamment souligne que la liste qu'il fixe n'est pas limitative, pas plus, au demeurant, que celle qui résulte de l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme. Le juge administratif a d'ailleurs fait sienne cette interprétation, estimant que les listes fixées par les articles L. 146-6 et R. 146-1 ne sont nullement exhaustives. Dès lors, dans le cas où la CTC omettrait, dans une délibération, de classer un espace comme remarquable, tout donne à penser, au vu de la jurisprudence, que le juge administratif annulerait cette délibération, considérant qu'elle ne protège pas des espaces naturels et s'avère, de ce fait, illégale « par omission ». La juridiction administrative a elle-même, d'ores et déjà, ajouté des critères à la définition habituelle 107 ( * ) des espaces remarquables, preuve que pour elle les listes codifiées n'ont aucun caractère exhaustif.

Vers de nouvelles incertitudes juridiques

En donnant à la CTC le droit d'adopter une délibération qui « tient lieu » d'un décret le projet de loi crée une nouvelle source d'insécurité juridique, en se fondant sur une ambiguïté : l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme fixe une liste de types d'espaces qu'il cite (estrans, mangroves, etc...) sans viser aucune localisation ni mentionner aucune carte .

Le PADU, tout au contraire, déterminera de façon précise des sites, sur une carte. Dès lors, les citoyens qui demanderont des autorisations d'occupation du sol ou les maires qui élaboreront un plan local d'urbanisation après avoir consulté le PADU pourront croire, en toute bonne foi, que puisque ce document qui a valeur de DTA a été approuvé et puisqu'il ne classe pas un espace comme ayant un caractère « remarquable », ils pourront y construire. Bien mal leur en prendra car ils encourront tout de même la sanction du juge administratif, fondée sur l'illégalité du PADU...

Le système proposé par le projet de loi n'offre donc aucune garantie juridique quant à la légalité de la liste et à celle de la localisation de ces espaces par le PADU. Le juge pourrait en effet être saisi, dans le délai du recours contentieux, au titre du contrôle de légalité, mais aussi par les personnes intéressées, dans le délai de recours pour excès de pouvoir, ou encore, plusieurs années après l'entrée en vigueur du PADU, par voie d'exception à l'occasion d'une contestation relative à la délivrance d'une autorisation d'utilisation du sol. La garantie qu'offre le PADU semble, en conséquence, largement illusoire.

Aussi votre commission spéciale vous proposera un amendement tendant à supprimer le premier paragraphe de l'article L. 4424-10, tout en observant que par un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel à l'article 12, elle vous a proposé de mieux concilier la nécessité de protéger le littoral et celle d'assurer le développement économique de la Corse répondant, ipso facto, au problème posé sans avoir recours à la solution retenue par l'Assemblée nationale.

Observations de votre commission spéciale sur le paragraphe II

Pour votre commission spéciale, le texte du « II » soulève, outre une grave question de principe, des difficultés techniques fort complexes.

La question de principe tient à ce que la rédaction de ce paragraphe tend à autoriser des « aménagements légers et des constructions non permanentes destinées à l'accueil du public, à l'exclusion de toutes formes d'hébergement ». Votre commission spéciale constate que le concept « d'aménagements légers » est réservé par le code de l'urbanisme (article L. 146-6 alinéa 2) aux aménagements susceptibles d'être réalisés dans des espaces « remarquables », notion « élastique » qui vise des espaces qui sont souvent situés à plus de 100 mètres du rivage. Or, le II de l'article L. 4424-10 du CGCT tel qu'adopté par l'Assemblée nationale ne fait pas référence aux aménagements légers situés dans les espaces remarquables. Il crée une nouvelle catégorie juridique d'aménagements légers et de constructions non permanentes situées... dans la bande des 100 mètres instituée par le deuxième alinéa du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Ce faisant, les auteurs de cette rédaction visent, en utilisant une périphrase et en n'osant appeler les choses par leur nom, à autoriser la construction de paillotes dans la bande des cent mètres !

Rappelons qu'en vertu des dispositions du III de l'article L.146-4 en vigueur, seules peuvent être construites dans la bande des cent mètres :

- les constructions et installations nécessaires à des services publics ;

- les activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau.

Le II de cet article introduit donc une dérogation majeure à la loi « littoral ».

S'agissant de la question de principe, votre commission spéciale apporte une réponse négative : elle ne considère pas souhaitable de favoriser la construction de « paillotes » dans la bande des cent mètres, fussent-elles exclusives de toutes formes d'hébergement. C'est pourquoi elle vous propose par un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel à cet article de permettre la création d'aménagements légers dans les seuls espaces « remarquables », considérant que cette mesure résout un problème ignoré par le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Au demeurant, le texte soulève de graves problèmes juridiques qu'une lecture attentive ne permet pas de dissiper :

Les « paillotes » devront-elles recevoir un permis de construire ou se contenteront-elles de « l'autorisation » sui generis visée par le premier alinéa du II ou encore auront-elles besoin de recevoir l'une et l'autre ? On sait, en effet, que l'on ne peut tirer argument du caractère provisoire d'une construction pour prétendre se dispenser de l'obtention du permis de construire 108 ( * ) .

Quelle autorité délivrera cette autorisation : la CTC ? La commune, s'il existe un plan local d'urbanisme (PLU) ? Le maire au nom de l'Etat en l'absence de PLU ?

L'enquête publique évoquée au dernier alinéa précèdera-t-elle la délivrance de l'autorisation et celle du permis de construire ?

Que fera-t-on, dans le cas où l'enquête aurait lieu après la délivrance de l'autorisation, si celle-là contredit celle-ci ?

Compte tenu de ces éléments votre commission spéciale estime souhaitable de supprimer, par un amendement , le deuxième paragraphe de cet article, au bénéfice d'un article additionnel avant l'article 12 qui tend à autoriser la construction d'aménagements légers pour régler les problèmes posés par l'afflux des touristes dans les espaces « remarquables ».

Observations de votre commission spéciale sur le paragraphe III

Sous couvert d'accorder à la CTC une compétence pour déroger à la loi « littoral », assortie d'apparents « garde fous », le III de cet article procède à un transfert du pouvoir législatif de façon subreptice , et prévoit un mécanisme dont la lourdeur pose de graves problèmes techniques.

Le seul motif pour lequel la CTC peut se fonder pour définir, par dérogation aux dispositions du I de l'article L. 146-4, des « zones d'urbanisation future », -c'est-à-dire des zones qui ne soient ni situées en continuité avec les agglomérations existantes ni constitués en « hameaux nouveaux »- sont « la topographie et l'état des lieux ». Ainsi confère-t-on un quasi pouvoir législatif à la CTC (puisqu'elle peut déroger à la loi) tout en n'encadrant pas celui-ci, puisque des catégories juridiques imprécises telles que la « topographie » ou « l'état des lieux » n'indiquent en rien ce qui justifiera une dérogation : Tous les espaces littoraux ont une topographie, tous ont un état des lieux. Dès lors -sauf à considérer que tout espace littoral a vocation à bénéficier d'une dérogation par rapport au régime de droit commun- le texte devrait, à tout le moins, préciser ce qui dans l'un ou l'autre cas justifie une dérogation. La seule mention stéréotypée de ces concepts dans une délibération ne saurait, à elle seule, servir de motif pour autoriser la CTC à instituer une dérogation à la loi.

Conscients de cette grave lacune, les rédacteurs du III ont tenté d'y remédier en restreignant le champ géographique dans lequel ces dérogations peuvent survenir et en substituant à l'encadrement juridique qu'exige la jurisprudence constitutionnelle un cantonnement « géographique ». De ce fait, ils ont terriblement alourdi une procédure censée alléger la pesanteur du régime des espaces « remarquables ». C'est ainsi que selon le III, les zones d'urbanisation future ne pourraient être créées :

- ni dans les espaces « remarquables » (dont le I tend à restreindre l'étendue)

- ni dans des « espaces, des paysages et des milieux offrant un intérêt esthétique indéniable ou présentant un caractère exceptionnel, caractéristique du patrimoine de naturel ou culturel de l'île ».

Il va sans dire que la détermination par la jurisprudence du nouveau concept d'intérêt esthétique « indéniable » [ sic ] ou du caractère « exceptionnel » d'un espace [ sic ] sera le terreau d'innombrables contentieux.

Deux derniers éléments techniques affaiblissent enfin le dispositif du III :

Les « zones d'urbanisation futures » qui y sont visées ressortiront-elles du CGCT qui n'en donne aucune définition ? Ou bien faut-il comprendre que, par prétérition, le texte renvoie au régime des zones « NA » visées au code de l'urbanisme ?

La dernière phrase indique que le PADU définit les règles d'organisation de ces zones. Ce libellé est, pour le moins, impropre puisque le PADU ne peut définir que les règles d'organisation et les conditions d'insertion des constructions et non pas, a priori, celles de zones d'urbanisation future.

Votre commission spéciale ne méconnaît pas la nécessité d'assouplir certaines dispositions de la loi « littoral », tout en ne souscrivant pas au système retenu par le III de cet article. Aussi vous propose-t-elle de supprimer, par un amendement, le troisième paragraphe de cet article au bénéfice du mécanisme tendant à concilier la protection des zones remarquables et la nécessité d'urbaniser de façon très limitée les espaces proches du rivage, lequel fait l'objet d'un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel à l'article 12.

Observations de votre commission spéciale sur le paragraphe IV

Votre commission spéciale ayant souhaité supprimer les trois premiers paragraphes de l'article L. 4424-10, elle vous présente un amendement tendant à apporter une modification rédactionnelle, par coordination, au paragraphe IV qui prévoit l'établissement d'un rapport sur les conséquences de la mise en oeuvre du PADU.

C. PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE EN CE QUI CONCERNE LE RÉGIME APPLICABLE AU LITTORAL

Afin de contribuer à résoudre les problèmes posés par l'application de certaines dispositions de la loi « littoral » en Corse, votre commission spéciale vous propose d'insérer trois paragraphes additionnel avant le II de l'article 12 du projet de loi. Ceux-ci ont été élaborés au vu des conclusions tirées par la délégation de votre mission d'information qui s'est rendue en Corse, du 5 au 9 septembre 2001.

Pour votre commission spéciale, la principale caractéristique du littoral de Corse tient au fait qu'il a été largement préservé de l'urbanisation depuis l'après guerre, n'étant que peu touché par le déferlement des constructions qui a atteint le littoral du sud de la France. De ce fait même, l'espace littoral corse présente, dans sa quasi-totalité, un caractère exceptionnel, et recèle de nombreux « espaces remarquables » au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, ainsi que diverses zones qui font l'objet de protection de nature environnementale : zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF), réserves classées notamment. Le Conservatoire du littoral s'est rendu maître, par voie d'acquisition, d'environ 20 % du linéaire côtier et pourrait encore procéder à des acquisitions au cours des années à venir, -si ses moyens financiers le lui permettent-. Votre commission spéciale souscrit, sur ce point, aux recommandations formulées par le sénateur Louis Le Pensec qui, dans un récent rapport remis au Gouvernement, estimait souhaitable de « donner au conservatoire les moyens d'une nouvelle ambition » et recommandait d'accroître la dotation de l'Etat pour l'acquisition et l'aménagement.

Parmi les interlocuteurs rencontrés, tant en Corse qu'à l'occasion des auditions tenues au Palais du Luxembourg, nul n'a remis en cause la nécessité de préserver le littoral corse du danger d'un « bétonnage généralisé ». Cependant, de l'avis unanime des élus rencontrés, le développement économique de la Corse pourrait passer de manière significative par le tourisme et, partant, par un renforcement des infrastructures hôtelières, puisqu'il est avéré que le nombre de lits correspondants aux normes en vigueur demeure insuffisant pour faire face à l'accroissement de la demande.

Face à la nécessité de protéger le littoral et de permettre le développement touristique, une solution de transaction mérite d'être trouvée entre des exigences qui pourraient apparaître, en première analyse, quasiment inconciliables . Comme l'ont montré les auditions auxquelles a procédé votre commission spéciale, nul ne sait déterminer avec précision, hormis pour certains cas extrêmes :

- ni quelle surface totale devrait être ouverte à l'urbanisation ;

- ni s'il est réellement impossible de trouver, en l'état actuel du droit de l'urbanisme, des espaces urbanisables.

Dès lors on peut craindre qu'une modification législative inspirée par d'indéniables problèmes particuliers n'aboutisse à priver le littoral corse d'une protection d'autant plus nécessaire que la qualité de son environnement constituera, dans le futur, un réel avantage comparatif par rapport à d'autres espaces touristiques de la Méditerranée occidentale qui n'ont, eux, pas bénéficié des mêmes précautions .

Aussi votre commission spéciale vous propose-t-elle d'adopter plusieurs amendements qui découlent de ces considérations et dont l'économie générale s'articule autour de trois grands principes, dans le droit fil de l'amendement tendant à généraliser, en Corse, l'existence de documents d'urbanisme :

- il est souhaitable de donner un degré de liberté supplémentaire par rapport à la situation actuelle, dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable ;

- le mécanisme institué doit permettre de mesurer la réalité des contraintes excessives que la législation en vigueur fait peser sur certaines communes du littoral de Corse et non pas donner un « blanc seing » aux autorités intéressées qui ne le demandent d'ailleurs nullement ;

- il convient de protéger aussi bien les espaces « remarquables » que la bande dite « des cent mètres » à proximité du littoral , si bien que les seuls espaces où une urbanisation limitée peut être autorisée, outre la partie rétrolittorale, sont les « espaces proches du rivage » ;

- enfin, les concessions faites par rapport aux principes édictés par la loi « littoral », vu la nécessité de permettre un développement limité dans des espaces actuellement inconstructibles, doivent avoir pour contrepartie un renforcement de l'étendue des espaces qui mériteraient, à l'évidence, de figurer dans le patrimoine du Conservatoire du littoral , mais n'ont pu être acquis faute de moyens.

Sur la base de ces orientations, votre commission spéciale a élaboré un dispositif qui prévoit :

1°) Une procédure d'identification des communes où les dispositions de la loi « littoral » interdisent toute construction nouvelle ;

2°) Des modalités de détermination des espaces proches du rivage où des construction nouvelles pourraient , sous de strictes conditions, être réalisées ;

3°) Un mécanisme d'autorisation d'une urbanisation limitée des espaces proches du rivage, sous réserve d'un don de terrains au Conservatoire du littoral .

Procédure d'identification des communes où les dispositions de la loi « littoral » interdisent toute construction nouvelle

Votre commission spéciale vous propose qu'une directive territoriale d'aménagement ou un document ayant les mêmes effets 109 ( * ) puisse déterminer, à la demande des communes qui disposent d'un plan local d'urbanisme, la carte des sites dans lesquels l'application des articles L. 146-1 à L. 146-6 du code de l'urbanisme a pour effet d'interdire la délivrance de toute autorisation d'occupation du sol.

Cette carte ne pourrait concerner que les portions du littoral de la Corse caractérisées par :

- une faible urbanisation antérieure à la promulgation de la loi n°86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ;

- l'existence de nombreux espaces « remarquables » ou, pour reprendre la formulation utilisée à l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, ou des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.

Il ne saurait, en effet, être question de faciliter l'urbanisation de zones dans lesquelles une urbanisation incontrôlée a, d'ores et déjà, porté atteinte à la qualité du paysage.

Cette carte serait élaborée après avis du Conseil des sites dans des conditions analogues à la procédure fixée par l'article L. 146-4-II pour l'extension limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage.

Détermination des espaces proches du rivage où des construction nouvelles pourraient être réalisées

Dans les « espaces proches du rivage » -ce qui exclut aussi bien la bande des cent mètres que les « espaces remarquables »- une nouvelle forme d'  « urbanisation limitée » serait autorisée, dès lors qu'une commune figurerait dans la carte annexée au PADU. Cette carte délimiterait les zones dans lesquelles une urbanisation limitée non située en continuité avec les constructions existantes peut être réalisée. Elle serait élaborée au vu de la demande exprimée par une délibération de chaque commune concernée qui préciserait les motifs qui la conduisent à solliciter cette inscription, à savoir :

- le diagnostic élaboré avant l'élaboration du SCOT ou celui qui précède l'élaboration du PLU, ainsi que les motifs pour lesquels l'application des articles L. 146-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme (qui ont codifié la loi « littoral ») a pour effet d'interdire la délivrance de toute autorisation d'occupation du sol et empêche, de ce fait, soit la réalisation du projet de développement et d'aménagement durable retenu dans le SCOT, soit celle du projet de développement et d'aménagement durable défini dans le PLU ;

- les principes applicables à l'insertion paysagères des constructions dans les zones pour lesquelles l'autorisation est demandée ;

- le coefficient d'occupation des sols ou les principes en tenant lieu que la commune fixera dans cette zone ;

- la liste des espaces susceptible d'être donnés, en contrepartie, au Conservatoire du littoral.

Mécanisme d'autorisation d'une urbanisation limitée des espaces proches du rivage, sous réserve d'un don de terrains au Conservatoire du littoral

Ces dispositions constituent un aménagement de la rigueur de l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme qui limite, actuellement, la possibilité de construire dans les « espaces proches du rivages » à l'extension limitée de l'urbanisation par rapport aux espaces déjà urbanisés si elle motivée par des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau.

Elles auraient pour contrepartie une cession de terrains à titre gratuit au Conservatoire du littoral , selon une procédure qui s'inspire de celle prévue par l'article L. 130-2 du code de l'urbanisme. Celui-ci permet à une commune de donner un terrain à bâtir à un propriétaire qui consentirait à lui donner un espace boisés classé, ou d'autoriser ce propriétaire à construire sur une superficie correspondant au dixième de la superficie qu'il remet, à titre gratuit, à la commune intéressée.

La superficie des espaces susceptibles d'être urbanisés dans des espaces proches du rivage du fait d'un don consenti au conservatoire du littoral ne pourrait excéder :

- un dixième du total des espaces proches du rivage couverts par le plan local d'urbanisme, cédés en contrepartie, à titre gratuit, au Conservatoire du littoral ;

- un centième du total des espaces « remarquables » cédés, aux mêmes fins, au Conservatoire.

Les terrains pris en compte pour effectuer cette opération devraient être compris dans le territoire de la ou des communes, relevant du PLU.

L'ensemble de ce dispositif s'inscrit dans la logique de l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme, applicable aux « espaces proches » du rivage. Celui-ci prévoit qu'un SCOT peut déroger aux interdictions qu'il édicte : le régime proposé par votre commission spéciale est plus protecteur puisqu'il prévoit, outre l'intervention de l'autorité chargée d'élaborer le PADU, une cession à titre gratuit au conservatoire du littoral.

Article L. 4424-11 du Code général des collectivités territoriales
Portée normative du PADU

Cet article , adopté sans modification par l'Assemblée nationale, détermine la place du PADU dans la hiérarchie des normes .

A l'instar du schéma d'aménagement de la Corse, dont la valeur normative est définie par l'article L. 144-5 du code de l'urbanisme, le PADU aura les mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement (DTA). Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales devront être compatibles avec lui .

Rappelons qu'en vertu de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, les DTA « peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires. Elles fixent les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages. Ces directives peuvent également préciser pour les territoires concernés, les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme, adaptées aux particularités géographiques locales. [...] ».

Les DTA sont élaborées sous la responsabilité de l'Etat, et approuvées par décret en Conseil d'Etat. Au cours de l'examen du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, le Sénat a obtenu une modification du régime des DTA afin de prévoir que ces documents seront soumis aux principes généraux relatifs à l'utilisation économe du territoire qui s'appliquent à tous les autres documents de planification de l'espace, (article L. 121-1 du code de l'urbanisme, dernier alinéa).

Actuellement, sept sites sont concernés par la préparation d'une DTA : les Alpes-Maritimes, l'aire métropolitaine marseillaise, les estuaires de la Loire et de la Seine, les Alpes du Nord, l'aire urbaine lyonnaise et la zone des bassins miniers lorrains. On notera que la procédure d'élaboration de ces documents est très lourde puisque les études relatives aux premiers projets de DTA précités ont débuté en 1996 et que, cinq ans plus tard, aucune DTA n'est entrée en vigueur.

En outre, le PADU pourra préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales des dispositions des lois « montagne » et « littoral » codifiées aux articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme.

Le dernier alinéa de l'article prévoit enfin, à l'instar du dernier alinéa de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme qui concerne les DTA, que les dispositions du PADU s'appliquent aux personnes et aux opérations mentionnées aux articles L. 145-1 à L. 146-9 du code de l'urbanisme qui concernent les dispositions particulières applicables aux zones de montagne, et au littoral.

Rappelons qu'en vertu de la décision du Conseil constitutionnel n° 94-358 du 26 janvier 1995, si les DTA peuvent comporter des adaptations à des particularités géographiques locales, celles-ci ne peuvent conduire à méconnaître les dispositions des lois d'aménagement et d'urbanisme.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement ayant un double objet de coordination afin :

- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

Article L. 4424-12 du Code général des collectivités territoriales
Valeur normative du PADU eu égard à la mise en valeur
de la mer et aux transports

Cet article , auquel l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement rédactionnel, dispose que le PADU vaut schéma de mise en valeur de la mer (SMVM), schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) et schéma régional de transport.

En vertu de l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, le SMVM fixe les « orientations fondamentales de la protection, de l'exploitation et de l'aménagement du littoral. Il détermine la vocation générale des différentes zones et notamment les zones affectées au développement industriel et portuaire, aux cultures marines et aux activités de loisirs. Il précise les mesures de protection du milieu marin. Il détermine également les vocations des différents secteurs de l'espace maritime et les principes de compatibilité applicables aux usages correspondants, ainsi que les conséquences qui en résultent pour l'utilisation des divers secteurs de l'espace terrestre qui sont liés à l'espace maritime. Il peut, en particulier, édicter les sujétions particulières intéressant les espaces maritime, fluvial ou terrestre attenant, nécessaires à la préservation du milieu marin et littoral. »

Elaboré par l'Etat, le SMVM est soumis pour avis aux communes, aux départements et aux régions intéressés, puis approuvé par décret en Conseil d'Etat. Il a les mêmes effets qu'une DTA.

Le PADU vaut également schéma régional d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) . Aux termes de l'article 34 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée 110 ( * ) , le SRADT fixe « les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il comprend un document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui exprime le projet d'aménagement et de développement durable du territoire régional. » Il définit notamment « les principaux objectifs relatifs à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d'intérêt général qui doivent concourir au sein de la région au maintien d'une activité de service public dans les zones en difficulté ainsi qu'aux projets économiques porteurs d'investissements et d'emplois, au développement harmonieux des territoires urbains, périurbains et ruraux, à la réhabilitation des territoires dégradés et à la protection et la mise en valeur de l'environnement, des sites, des paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les dimensions interrégionale et transfrontalière. » Enfin, il veille à « la cohérence des projets d'équipement avec les politiques de l'Etat et des différentes collectivités territoriales, dès lors que ces politiques ont une incidence sur l'aménagement et la cohésion du territoire régional. »

Enfin, les dispositions du plan valent schéma régional de transport au sens de l'article 14-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 modifiée 111 ( * ) , d'orientation des transports intérieurs et s'imposent aux plans départementaux des transports.

Les schémas régionaux de transport sont, quant à eux, élaborés par les régions. Ils comprennent un volet « transport de voyageurs », et un volet « transport de marchandises ». Ils « ont pour objectif prioritaire d'optimiser l'utilisation des réseaux d'équipements existants et de favoriser la complémentarité entre les modes de transport et la coopération entre les opérateurs en prévoyant, lorsque nécessaire, la réalisation d'infrastructures nouvelles ».

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement ayant un double objet de coordination à cet article afin :

- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

Article L. 4424-13 du Code général des collectivités territoriales
Procédure d'élaboration du PADU

Cet article dispose que le PADU est élaboré par le Conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse et prévoit la procédure préalable à son entrée en vigueur.

A l'instar du plan de développement visé à l'article L. 4424-19 du CGCT et du schéma d'aménagement mentionné aux articles L. 144-1 et L. 144-3 du code de l'urbanisme, le plan d'aménagement et de développement durable est préparé par le Conseil exécutif puis adopté par l'Assemblée de Corse. Alors que la loi ne prévoyait pas que le projet de plan de développement soit soumis à enquête publique, et tandis que le projet de schéma d'aménagement était seulement « mis à la disposition du public » (cf. article L. 144-3, avant dernier alinéa), le PADU sera soumis à l'enquête publique puis approuvé par la même assemblée.

La coopération des entités intéressées par ce document est renforcée, lors de son élaboration, par rapport au système antérieur . En effet, alors que pour la préparation du plan de développement, les départements, les communes, le Conseil économique, social et culturel de Corse et les partenaires économiques et sociaux étaient « consultés », le texte prévoit que diverses entités juridiques sont « associées » à l'élaboration du projet de plan par le Conseil exécutif, selon des modalités définies par l'Assemblée de Corse. Il s'agit :

- de l'Etat , en la personne de son représentant ;

- des départements , communes et EPCI compétents en matière d'urbanisme ;

- des chambres consulaires ;

Cette procédure d'association se rapproche donc de celle prévue pour l'élaboration du schéma d'aménagement par l'article L. 144-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur.

Le représentant de l'Etat porte à la connaissance du Conseil exécutif les projets d'intérêt général et les opérations d'intérêt national qui doivent être prises en compte, ainsi que les dispositions nécessaires à la bonne fin de ces projets et de ces opérations, selon une procédure en vigueur pour les documents de planification et d'aménagement (SCOT, PLU, ...).

Une fois le projet de PADU arrêté par l'exécutif , il est soumis pour avis :

- au Conseil économique, social et culturel ;

- au Conseil des sites.

L'Assemblée de Corse adopte le projet de schéma avant qu'il ne soit mis à l'enquête publique accompagné :

- des délibérations « particulières et motivées » prises pour l'application de la loi « littoral » en vertu de l'article L. 4424-10, dans la rédaction proposée par le projet de loi ;

- des avis motivés du Conseil économique, social et culturel de Corse et du conseil des sites de Corse 112 ( * ) .

L'enquête publique se déroule dans les conditions de droit commun prévues par les articles L. 123-1 à L. 123-16 du code de l'environnement. Au vu de son résultat, le PADU est approuvé par l'Assemblée de Corse selon des modalités analogues à celle prévues pour son adoption.

Le seul amendement adopté par l'Assemblée nationale , en première lecture au deuxième alinéa de cet article prévoit :

- qu'une délibération de l'Assemblée de Corse précisera les conditions dans lesquelles les organisations consulaires seront associées à l'élaboration du projet de plan ;

- que des organisations professionnelles pourront être associées à son élaboration, dans les mêmes conditions.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement ayant un double objet de coordination à cet article afin :

- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

- de tirer la conséquence de la suppression des trois premiers paragraphes de l'article L. 4424-10 qui vous est proposée.

Article L. 4424-14 du Code général des collectivités territoriales
Conditions d'adoption d'un contrat de plan entre l'Etat
et la collectivité territoriale de Corse

Cet article , adopté sans modification par l'Assemblée nationale, prévoit que le contrat de plan Etat-Corse ne peut être conclu qu'après l'approbation du PADU.

Cette disposition lie donc le versement des aides liées au contrat de plan à la réalisation du PADU, ce qui constitue une incitation beaucoup plus forte que celle prévue par les textes en vigueur. L'article L. 4424-19 du CGCT dans sa rédaction actuelle se borne, en effet, à prévoir que le plan d'aménagement doit être établi dans un délai d'un an courant à compter de l'installation de l'Assemblée de Corse, lequel s'est, comme on l'a vu ci-dessus, avéré trop bref.

Comme, en vertu de l'article 12 du projet de loi, l'actuel plan d'aménagement reste en vigueur, cette disposition n'est appelée à prendre effet, au plus tôt, que lors de la renégociation des contrats de plan postérieurs à 2006.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement ayant un double objet de coordination à cet article afin :

- de codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

Article L. 4424-15 du Code général des collectivités territoriales
Modification du PADU destinée à réaliser un projet d'intérêt général
ou une opération d'intérêt national

Cet article permet au représentant de l'Etat d'obtenir la modification du PADU pour parvenir à réaliser un programme d'intérêt général ou une opération d'intérêt national.

L'actuel article L. 144-2, 2°, prévoit que le schéma d'aménagement doit respecter les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt national et qu'il prend en compte les programmes de l'Etat. Il revient au préfet, sur le fondement de l'article L. 144-4, de demander à la collectivité territoriale de Corse de procéder aux modifications du schéma d'aménagement destinées à permettre la réalisation d'une opération prévue par l'article L. 144-2, 2°, précité. Toutefois, des adaptations législatives ou réglementaires peuvent être apportées au code de l'urbanisme par la collectivité territoriale de Corse, dans les conditions prévues par l'article 26 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 précitée. Si la procédure de révision n'a pas abouti dans les six mois suivant la demande du représentant de l'Etat, il peut y être procédé par décret en Conseil d'Etat ou, en cas d'urgence, par décret en conseil des ministres.

La rédaction initiale de l'article L. 4424-15 reprend, en substance, les dispositions figurant actuellement à l'article L. 144-4 du code de l'urbanisme. Cependant, l'Assemblée nationale a modifié le dernier alinéa de cet article afin de supprimer la possibilité de modifier le PADU par décret pour imposer la prise en compte d'un projet d'intérêt général (PIG). Cette rédaction aboutit à permettre au préfet de demander la modification du schéma dans un délai de six mois, sans assortir de sanction ni l'absence de réponse émanant de la collectivité territoriale de Corse, ni le maintien de dispositions du PADU contraires à un PIG.

Votre Commission spéciale s'interroge tant sur le libellé du premier alinéa de cet article que sur l'opportunité de la suppression opérée à l'Assemblée nationale, puisque des dispositions analogues permettent au préfet de faire primer les opérations d'intérêt général sur les SCT ou les PLU (cf. articles L. 123-12 et L. 123-14 du code de l'urbanisme).

C'est pourquoi elle propose au Sénat d'adopter un amendement tendant à :

- revenir à une rédaction analogue à celle actuellement en vigueur ;

- codifier ces dispositions dans le chapitre chapitre IV relatif aux Dispositions particulières applicables à la collectivité territoriale de Corse du Titre IV ( Dispositions particulières à certaines parties du territoire ) du Livre premier, ( Règles générales d'utilisation du sol ) du code de l'urbanisme pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article L. 4424-9 ;

- d'apporter une modification de coordination relative à dénomination du PADU.

Sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous demande d'adopter l'ensemble de l'article 12 ainsi modifié.

Article 13
Abrogations

Par coordination avec les dispositions que supprime l'article 12 du projet de loi, cet article abroge diverses dispositions du code général des collectivités territoriales, du code de l'urbanisme et de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. Il précise que le schéma d'aménagement et le plan de développement applicables à la date de publication de la loi restent en vigueur jusqu'à l'approbation du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.

Dans le code général des collectivités territoriales, seraient abrogés les articles :

- L. 4424-19 (régime juridique du plan de développement de la Corse) ;

- et L. 4424-20 (détermination du régime des aides économiques pour la collectivité territoriale de Corse).

S'agissant du code de l'urbanisme , l'article 13 prévoit d'abroger les articles :

- L. 144-1 (régime juridique du schéma d'aménagement de la Corse) ;

- L. 144-2 (règles qui s'imposent au schéma directeur) ;

- L. 144-3 (modalités d'élaboration du schéma) ;

- L. 144-4 (modification du schéma à l'initiative du représentant de l'Etat) ;

- L. 144-5 (équivalence entre ce schéma et une DTA).

L'article 12 prévoit enfin de donner, également par coordination, une nouvelle numérotation aux articles L. 4424-18 et L. 4424-21 du code général des collectivités territoriales.

A cet article, votre commission vous propose d'adopter deux amendements de coordination.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter l'article 13 ainsi amendé.

Sous-section 2
Des transports et de la gestion des infrastructures
Article 14
Transports

Cet article détermine le régime des obligations de service public susceptibles d'être imposées sur certaines liaisons aériennes ou maritimes.

Il est composé de huit paragraphes. Six d'entre eux consistent en des abrogations, des dispositions de coordination et des re-numérotations d'articles (paragraphes I à III, et VI à VIII). Les paragraphes IV et V contiennent, quant à eux, des dispositions essentielles pour l'évolution du système de transport de la Corse dont on présentera les spécificités, avant d'examiner le contenu des deux paragraphes précités.

I. LE RÉGIME DES TRANSPORTS DE LA CORSE

A. UNE COMPÉTENCE DÉTERMINANTE POUR L'AMÉNA-GEMENT DU TERRITOIRE

En vertu de la sous-section 5 de la section VI du chapitre IV du titre II du livre IV du Code général des collectivités territoriales, qui résulte des articles 113 ( * ) 71 à 75 et 78-V de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991, la collectivité territoriale de Corse joue un rôle central dans l'organisation des transports en collaboration avec les départements .

Elle établit un schéma des transports interdépartementaux , qui s'impose aux plans départementaux de transport. Il revient au département d'organiser les liaisons interdépartementales dans le cadre d'une convention conclue avec la collectivité territoriale de Corse.

En matière de transports ferroviaires , la collectivité territoriale de Corse est substituée à l'Etat . A ce titre, elle reçoit un concours budgétaire équivalent aux charges assumées du fait de l'exploitation des transports ferroviaires.

S'agissant des transports maritimes et aériens , la collectivité territoriale de Corse définit leurs modalités d'organisation entre l'île et toute destination de la France continentale , en particulier en matière de desserte et de tarifs. Les liaisons sont assurées dans le cadre d'un service public qui garantit des conditions d'accès, de qualité, de régularité et de prix destinées à atténuer les contraintes de l'insularité .

L'Office des transports de la Corse est constitué sous la forme d'un établissement public industriel et commercial de la collectivité territoriale de Corse . La loi le charge de procéder :

- à la conclusion de conventions quinquennales qui règlent les conditions d'exécution, de qualité de service et les modalités de contrôle de celui-ci ;

- à la répartition de la dotation de continuité territoriale entre les différents modes de transport .

En matière de voirie , la collectivité territoriale de Corse assure la construction, l'aménagement, l'entretien et la gestion de la voirie classée en route nationale , laquelle est transférée dans son patrimoine. Elle peut en déléguer la mise en oeuvre aux départements.

La collectivité territoriale de Corse reçoit de l'Etat, en vertu de l'article L. 4425-4 du CGCT une dotation de continuité territoriale qui constitue un concours individualisé au sein de la dotation générale de décentralisation.

B. DES FLUX DE TRANSPORT DIVERS ET IMPORTANTS POUR LES ÉCHANGES DE L'ÎLE

Liaisons maritimes et aériennes

L'étude d'impact présentée par le Gouvernement résume comme suit les principales caractéristiques des liaisons aériennes et maritimes de l'île, qui ont concerné 5,509 millions de passagers en 1999, dont 3,106 millions pour le transport maritime et 2,402 millions pour le transport aérien.

En ce qui concerne la desserte aérienne , le trafic des lignes qui assurent la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale, entre les aérodromes de Bastia, Ajaccio, Calvi et Figari, et ceux de Paris, Marseille, Nice et Lyon, a représenté environ 2.230.000 passagers en 1999 (+ 8 % par rapport à 1998).

Les lignes de service public subventionnées sont gérées par Air France (Paris-Ajaccio, Bastia et Calvi) et Air Liberté (Paris-Figari). Elles ont transporté près d' un million de passagers en 1999 .

Les lignes reliant les aérodromes corses à Marseille, Nice et Lyon bénéficient de l'aide sociale au passager en contrepartie du respect d'obligations de service public (depuis octobre 2000 pour Lyon). Elles sont notamment exploitées par la compagnie Corse-Méditerranée (CCM), Air Liberté et Air Littoral.

S'agissant de la desserte maritime , on distingue le trafic passager du trafic fret.

En 1999, neuf compagnies maritimes desservaient l'île (dont 3 françaises : SNCM, CMN et Corsica-ferries) à partir de 13 ports continentaux dont 3 ports français (Marseille, Toulon, Nice) et 10 ports italiens. La part du transport maritime de passagers dans le cadre du service public assuré par les deux concessionnaires (SNCM et CMN) représentait 1,45 million de passagers.

Selon l'étude d'impact : « Ce trafic est réalisé pendant les périodes de vacances estivales. Les mois de juillet et août représentent près de 50 % du trafic annuel. Cette concentration du trafic sur une courte période pose le problème de la disponibilité des navires en période de forte demande et celui de la desserte, peu attractive, en moyenne et basse saison. » En outre : « Depuis les ports français, la concurrence est effective depuis 1996 avec l'ouverture par un armateur privé de lignes desservant l'île avec des navires rapides pendant les mois d'été. Cette desserte a été étendue à l'année entière avec un transbordeur, depuis le milieu de l'année 1999 » .

Le trafic fret, assuré à parts quasiment égales par la SNCM et la CMN dans le cadre du principe de la continuité territoriale a atteint 950.000 tonnes en 1999 (799.000 tonnes entrant en Corse et 151.000 tonnes en sortant).

Le quatrième paragraphe de l'article 14 tend à modifier le régime juridique des dessertes aériennes et maritimes de la Corse.

II. L'ADAPTATION DU RÉGIME DES DESSERTES AÉRIENNES ET MARITIMES À LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE (PARAGRAPHE IV)

Ce paragraphe donne une nouvelle rédaction de l'article L. 4424-19 du code général des collectivités territoriales et transpose à la Corse des dispositions des règlements du conseil des ministres européens qui prévoient le libre accès de chaque transporteur communautaire aux liaisons intra-communautaires aériennes et maritimes.

A. LE RÉGIME DES LIAISONS AÉRIENNES ET MARITIMES PÉRIPHÉRIQUES AU REGARD DU DROIT EUROPÉEN

Dans le cadre de la constitution du marché intérieur européen , deux règlements du Conseil des ministres ont parachevé la mise en oeuvre du libre accès aux liaisons intra-communautaires des Etats de l'Union, tout en prévoyant la faculté d'instituer des obligations de service public .

Le principe de libre accès des transporteurs

Le règlement du Conseil n° 92-2408 du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intra-communautaires a libéralisé l'accès aux liaisons aériennes intra-communautaires entre les Etats de l'Union .

Quant au règlement du Conseil n° 3577-92 du 7 décembre 1992, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des Etats membres (cabotage maritime), il a aboli les restrictions aux prestations de service de transport maritime à l'intérieur des Etats membres , pour les armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un Etat membre et battant pavillon de cet Etat membre , sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans cet Etat membre.

Le principe général de libéralisation est assorti d'une dérogation relative à la possibilité d'instituer des obligations de service public, lesquelles intéressent spécifiquement des îles telles que la Corse.

La faculté d'instituer des obligations de service public

Afin de prendre en compte les spécificités de certaines lignes, aériennes ou maritimes, les deux règlements précités ouvrent aux Etats la possibilité d'instituer des obligations de service public .

Dans le domaine du transport aérien , l'article 4 du règlement n° 2408-92 du 23 juillet 1992 prévoit qu'« un Etat membre peut [...] imposer des obligations de service public sur des services aériens réguliers vers un aéroport desservant une zone périphérique ou de développement située sur son territoire [...] si ces liaisons sont considérées comme vitales pour le développement économique de la région dans laquelle est situé l'aéroport, dans la mesure nécessaire pour assurer sur cette liaison une prestation de service adéquate répondant à des normes fixes en matière de continuité, de régularité, de capacité et de prix, normes auxquelles le transporteur ne satisferait pas s'il ne devait considérer que son seul intérêt commercial ».

Le même article prévoit que le droit d'exploiter ces services est concédé après appel d'offres publié au Journal Officiel des communautés européennes , et que l'Etat membre peut verser une compensation à un transporteur aérien sélectionné au titre d'une liaison soumise à des obligations de service public.

S'agissant des transports maritimes , l'article 4 du règlement n° 3577-92 du 7 décembre 1992 dispose, quant à lui, qu'« un Etat membre peut conclure des contrats de service public avec des compagnies de navigation qui participent à des services réguliers à destination et en provenance d'îles ainsi qu'entre des îles ou leur imposer des obligations de service public en tant que condition à la prestation de services de cabotage. Lorsqu'un État membre conclut des contrats de service public ou impose des obligations de service public, il le fait sur une base non discriminatoire à l'égard de tous les armateurs communautaires. S'ils imposent des obligations de service public, les États membres s'en tiennent à des exigences concernant les ports à desservir, la régularité, la continuité, la fréquence, la capacité à rendre le service, les tarifs pratiqués et l'équipage du navire. Toute compensation due, le cas échéant, en contrepartie d'obligations de service public doit être versée à tous les armateurs communautaires. »

Telles sont les dispositions que le projet de loi transpose en droit français.

B. LE PROJET DE LOI INITIAL TRANSPOSE LES DEUX RÈGLEMENTS DE 1992

Le paragraphe IV de l'article 14 du projet de loi initial prévoit, en premier lieu, que la collectivité territoriale de Corse peut imposer des obligations de service public sur certaine liaisons aériennes ou maritimes, pour assurer le respect du principe de continuité territoriale . Ces obligations ont pour objet d'offrir, compte tenu des spécificités de chaque mode de transport, des dessertes « dans des conditions d'accès, de qualité, de régularité et de prix destinées à atténuer les contraintes de l'insularité, à faciliter le développement économique de l'île, l'aménagement équilibré du territoire insulaire et le développement des échanges économiques et humains entre l'île et le continent ».

Cette rédaction reprend, pour partie, celle de l'article L. 4424-28 du code général des collectivités territoriales en vigueur. Elle s'en distingue cependant en ce qu'elle fait référence à des « obligations de service public », terme issu de la réglementation communautaire, dont l'objet est beaucoup plus vaste que celui du « service public adapté à chaque mode de transport » auquel l'article L. 4424-28 précité faisait référence.

Rappelons qu'en vertu du règlement du Conseil européen n° 2408-92 du 23 juillet 1992 précité, les obligations de service public, sont définies comme : « les obligations imposées à un transporteur aérien en vue de prendre, à l'égard de toute liaison qu'il peut exploiter en vertu d'une licence qui lui a été délivrée par un Etat membre, toutes les mesures propres à assurer la prestation d'un service répondant à des normes fixes en matière de continuité, de régularité, de capacité et de prix, normes auxquelles le transporteur ne satisferait pas s'il ne devait considérer que son seul intérêt commercial », tandis que le règlement n° 3577-92 du 7 décembre 1992 précité les définit comme « les obligations que s'il considérait son propre intérêt commercial, l'armateur communautaire [...] n'assumerait pas [...] ».

Conformément aux dispositions des deux règlements du Conseil des ministres européens précités, les deuxième et troisième paragraphes de l'article L. 4424-19 inséré par le IV de l'article 14 prévoient respectivement que lorsque la collectivité territoriale de Corse décide de soumettre les lignes à des obligations de service public, elle peut :

- s'agissant des compagnies aériennes , désigner pour l'exploitation de ces liaisons des titulaires d'une licence d'exploitation de transporteur aérien délivrée par un Etat membre de l'Union européenne ou Partie à l'Espace économique européen ;

- et en ce qui concerne les compagnies maritimes , désigner pour l'exploitation de ces liaisons des compagnies dont la flotte est immatriculée dans un Etat membre de l'Union européenne ou Partie à l'espace économique européen et battant pavillon de cet Etat membre ou Partie, sous réserve que les navires de cette flotte remplissent toutes les conditions fixées par cet Etat membre ou Partie pour être admis au cabotage.

La collectivité est toutefois tenue de procéder aux formalités de publicité prévues notamment par l'article 4, a) et d) du règlement CEE 2408/92 pour les liaisons aériennes.

Le dernier alinéa de l'article L. 4424-19, dans la rédaction proposée par l'article 14 du projet de loi ouvre, quant à lui, à la collectivité territoriale de Corse la facilité d'établir, pour les liaisons de desserte aérienne ou maritime, un régime « d'aide individuelle à caractère social » pour certaines catégories de passagers.

C. MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre deux amendements de précision rédactionnelle, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements à l'article L 4424-19 inséré par le paragraphe IV :

Au premier alinéa, un amendement tente de donner un tour contraignant à la faculté d'imposer des obligations de service public que le projet initial reconnaissait à la collectivité territoriale de Corse. Ce texte portait, en effet, que la collectivité « peut » imposer des obligations de service public, alors que la rédaction transmise au Sénat indique que des obligations de service public « sont imposées » par cette collectivité, le présent de l'indicatif ayant valeur d'impératif. Toutefois, ces obligations ne peuvent être imposées que sur « certaines » lignes aux termes du même texte. La modification opérée en première lecture par l'Assemblée nationale est donc d'une portée normative faible, voire nulle.

En outre, cet amendement précise que ces obligations sont « à même d'atténuer » les contraintes liées à l'insularité.

Le deuxième amendement adopté au Palais Bourbon à l'initiative du rapporteur supprime le dernier alinéa 3° du V de l'article 14 afin de rectifier une erreur matérielle .

Enfin, le dernier amendement , adopté à l'initiative du Gouvernement au septième paragraphe du texte , prévoit que sur le territoire de la Corse, par dérogation à l'article L. 110-3 du code de la route, la liste des routes à grande circulation est fixée par délibération de l'Assemblée de Corse.

L'article L. 110-3 précité définit les routes à grande circulation, comme celles qui « quelle que soit leur appartenance domaniale, sont des routes qui assurent la continuité d'un itinéraire à fort trafic, justifiant des règles particulières en matière de police de la circulation ».

Selon les propos du ministre de l'Intérieur devant l'Assemblée nationale, cette extension s'inscrit dans la logique qui favorise le développement des transports de l'île et renforce les compétences de la collectivité territoriale de Corse en la matière.

On notera, cependant, que cette modification aurait pour effet que les dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme qui interdisent les constructions de part et d'autres des routes à grande circulation ( amendement « Dupont ») seront désormais rendues applicables par une délibération de l'Assemblée de Corse, alors même que celle-ci s'efforcera de desserrer le « carcan » que constitue parfois l'application du code de l'urbanisme.

D. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE

Votre commission spéciale considère que cette modification qui résulte, il convient de le noter, d'un amendement du Gouvernement constitue le type même du « cadeau empoisonné ». En effet, elle aurait pour effet que les dispositions de l'amendement « Dupont » (article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme) seraient désormais rendues applicables par une délibération de l'Assemblée de Corse, alors même que celle-ci n'aurait aucune latitude pour juger de l'opportunité de leur application. De ce fait, c'est à la suite d'une décision de cette assemblée que les constructions nouvelles seraient interdites dans une bande de cent mètres située de part et d'autre des voies qu'elle aurait classées à grande circulation.

N'est-il pas contradictoire de souhaiter adapter certaines dispositions du code de l'urbanisme aux spécificités de la Corse en ne donnant à la collectivité territoriale de Corse qu'une compétence procédurale, un pouvoir lié, qui ne lui laisse qu'une marge d'appréciation ? Aussi votre commission spéciale vous présente-t-elle un amendement tendant à supprimer cette disposition et à laisser à l'Etat le soin d'appliquer la législation qu'il édicte et d'assumer, ce faisant, ses responsabilités.

III. COORDINATION (paragraphe V)

Le cinquième paragraphe de l'article 14 modifie l'article L. 4424-29 du code général des collectivités territoriales qui devient l'article L. 4424-29 du même code.

Il transforme son deuxième paragraphe afin de tenir compte des modifications opérées par le paragraphe IV.

Dans l'état du droit en vigueur, le deuxième paragraphe de l'article L. 4424-29 prévoit que l'Office des transports de la Corse conclut avec les compagnies de transport concessionnaires du service public, des conventions quinquennales qui définissent notamment les tarifs, les conditions d'exécution et la qualité de service.

La nouvelle rédaction fait référence à la conclusion de conventions de délégation de service public , expression qui permettra à la collectivité territoriale de Corse de recourir à d'autres modes de gestion que la concession, tels que l'affermage, tout en définissant, comme par le passé, les conditions d'exécution et la qualité du service, ainsi que les modalités du contrôle auquel il est soumis.

Votre commission spéciale vous demande enfin d'adopter cinq amendements de coordination à cet article.

Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 15
(Chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie
du code général des collectivités territoriales)
Gestion des infrastructures de transport

Cet article transfère à la collectivité territoriale de Corse la propriété des infrastructures de transport que constituent les ports, les aérodromes et le réseau ferré auxquels s'ajoutent les biens de l'Etat mis à la disposition de l'Office d'équipement hydraulique de Corse.

Il se situe dans la même logique que le projet de loi relatif à la démocratie de proximité qui, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 26 juin 2001, prévoit :

- de renforcer la participation des collectivités territoriales régionales à la gestion des ports d'intérêt national ( article 43 B ) ;

- d'accroître le rôle des régions dans le développement des infrastructures aéroportuaires ( article 43 C, nouveau ).

Il est composé de deux paragraphes. Le premier insère un second paragraphe à la sous-section 2 « Transport et gestion des infrastructures » du chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales. Il comprend quatre articles L. 4424-22 à L. 4424-25. Le second opère, par coordination, une modification à l'article L. 211-1 du code des ports maritimes.

I. TRANSFERTS DE PATRIMOINE (paragraphe I)

Article L. 4424-22 du Code général des collectivités territoriales
Compétence de la collectivité territoriale de Corse
en matière de ports maritimes

En vertu des articles 6 et 9 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 précitée, les départements ont reçu une compétence de droit commun pour créer, aménager et exploiter les ports maritimes de commerce et de pêche . L'article 4 de ce texte avait prévu qu'une loi déterminerait les transferts de compétences dans le domaine des ports et des voies d'eau, mais ce texte n'est jamais intervenu. Aussi, l'Etat conserve-t-il sa compétence en ce qui concerne :

- les ports maritimes autonomes ;

- les ports maritimes d'intérêt national et les ports maritimes contigus aux ports militaires.

L'Assemblée nationale n'a apporté qu'une modification rédactionnelle à l'article L. 4424-22, qui résulte de l'article 15 du projet de loi initial. Celui-ci donne à la collectivité territoriale de Corse compétence pour créer, aménager, entretenir et gérer les ports maritimes de commerce et de pêche , et pour en étendre , le cas échant, le périmètre , à l'exception des ports qui, à la date de promulgation de la loi relèveront de la compétence des départements.

Il dispose également que les biens appartenant à l'Etat, les ports d'Ajaccio et de Bastia , à l'exception des plans d'eau, sont transférés dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui est substituée à l'égard des tiers dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux bien transférés.

Selon l'étude d'impact présentée par le Gouvernement l'activité du port de Bastia « s'articule essentiellement autour du trafic de passagers, notamment entre la Corse et le continent (France et Italie), et du trafic de ciment et de produits de consommation courante à l'importation pour les marchandises. Le trafic d'hydrocarbures s'effectue à l'extérieur du port sur un dépôt pétrolier. Le concessionnaire estime le trafic passagers à 1.915.000 passagers en 2000 (soit une hausse de 6,2 %). Il devrait se maintenir à ce niveau en 2001.

En 2000, le chiffre d'affaires de ce port a atteint 38,7 millions de francs, en diminution de 3,3 millions de francs par rapport à 1999, sous l'effet d'une baisse du tarif sur les droits de port marchandises de 5 %. En 2001, le chiffre d'affaires est estimé à 36 millions de francs, en repli de 2,7 millions de francs sous l'effet, notamment, d'une nouvelle baisse tarifaire. »

L'activité du port d'Ajaccio concerne, quant à elle, principalement « le trafic de passagers, notamment entre la Corse et le continent, l'activité croisière et le trafic d'hydrocarbures et de produits de consommation courante à l'importation, pour les marchandises. Pour 2000, l'estimation du trafic fait apparaître une augmentation du trafic passagers de 4,5 % pour atteindre 713.000 passagers. Cette tendance doit se confirmer en 2001 avec une prévision d'augmentation de 2,8 % .

En 2000, le chiffre d'affaires de la concession portuaire d'Ajaccio est de 28,9 millions de francs, en progression de 0,6 million de francs par rapport à 1999. L'augmentation du chiffre d'affaires avait été plus importante les années précédentes (22,4 millions de francs en 1997, 26,5 millions de francs en 1998 et 28,3 millions de francs en 1999). En 2001, le concessionnaire a prévu lors de l'établissement de son budget une légère augmentation du chiffre d'affaires à 29,2 millions de francs. »

Le troisième alinéa soumet les ports d'Ajaccio et de Bastia non pas à l'article L. 1311-1 du CGCT, qui détermine le régime des biens du domaine public des collectivités territoriales et prévoit qu'ils sont inaliénables et imprescriptibles, mais aux articles L. 34-1 à L. 34-7 du code domaine de l'Etat qui disposent notamment que :

- le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat a un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise, ce droit lui conférant, pour la durée de l'autorisation, les prérogatives et obligations du propriétaire (article L. 34-1) ;

- les droits, ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier ne peuvent être cédés, ou transmis dans le cadre de mutations entre vifs ou de fusion, absorption ou scission de sociétés, pour la durée de validité du titre restant à courir (article L. 34-2) ;

- à l'issue du titre d'occupation, les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier existant sur la dépendance domaniale occupée doivent être démolis, soit par le titulaire de l'autorisation, soit à ses frais, à moins que leur maintien en l'état n'ait été prévu expressément par le titre d'occupation ou que l'autorité compétente ne renonce en tout ou partie à leur démolition (article L. 34-3).

Le même article prévoit, en outre, que les autorisations, décisions et agréments prévus par les articles L. 34-1 à L. 34-7 précités seront pris, après consultation du représentant de l'Etat, par le président du Conseil exécutif, ou par le concessionnaire lorsque la concession le prévoit expressément.

En ce qui concerne la police et la sécurité , le dernier alinéa prévoit que :

- l'Etat demeurera compétent pour assurer la police des ports maritimes ;

- la collectivité territoriale de Corse mettra gratuitement à sa disposition les installations et aménagements nécessaires au fonctionnement des services chargés de la police et de la sécurité , dans des conditions définies par une convention.

L'Assemblée nationale n'a adopté qu'un seul amendement de portée purement rédactionnelle à cet article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter trois amendements à cet article.

Pour éviter toute équivoque, il vous est suggéré de supprimer, par un amendement , au deuxième alinéa de cet article, toute référence à la substitution de la collectivité territoriale de Corse dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux biens transférés. En effet, cette indication est inutile car l'article 35 du projet de loi dispose que les transferts de patrimoine visés par l'article L. 4424-2 s'effectuent dans les conditions prévues par l'article L. 4422-44 du même code (lequel reprend le contenu de l'actuel article L. 4422-31, en vertu de l'article 3 du projet de loi). Or, ce texte prévoit que la collectivité territoriale de Corse assume l'ensemble des obligations du propriétaire pour les biens transférés et qu'elle est substituée à l'Etat pour les droits et obligations résultant des contrats et marchés dérivant du fonctionnement des services.

En outre, la formule dont la suppression est proposée est susceptible de susciter des interrogations chez le lecteur non averti puisque si elle figure, à l'identique, à l'article L. 4424-23 (relatif au transfert des aérodromes) elle n'est, en revanche, pas mentionnée aux articles :

- L. 4424-7-III (article 9 du projet de loi) relatif au transfert de propriété des biens culturels ;

- L. 4424-24 (article 15 du projet de loi) qui s'applique au transfert du réseau ferré ;

- L. 4424-25 (même article) qui prévoit le transfert des biens de l'Office d'équipement hydraulique de Corse.

Rien ne justifie donc la persistance d'une mention que votre commission spéciale vous proposera de supprimer par un amendement à l'article L. 4424-23.

Outre un amendement de coordination, votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement de précision au dernier alinéa de cet article.

Celui-ci institue, en effet, deux procédures pour la délivrance des autorisations d'occupation du domaine public prévues par les articles L. 34-1 et suivants du code du domaine public.

Si les autorisations délivrées par le président du Conseil exécutif le sont après consultation du représentant de l'Etat, celles accordées par le concessionnaire ne sont pas soumises à l'avis du préfet. Rien ne justifie une telle asymétrie, c'est pourquoi un amendement qui prévoit la consultation du représentant de l'Etat quelle que soit la nature de l'autorité chargée de délivrer les autorisations vous sera présenté.

Article L. 4424-23 du Code général des collectivités territoriales
Compétences de la collectivité territoriale de Corse
en matière d'aérodromes

Cet article donne à la collectivité territoriale de Corse compétence pour créer, aménager, entretenir, gérer et, le cas échéant, étendre le périmètre des aérodromes dans les conditions prévues par le code de l'aviation civile.

A l'instar des dispositions de l'article L. 4424-22 du code général des collectivités territoriales pour les ports, l'article L. 4424-23 prévoit que les biens appartenant à l'Etat (aérodromes d'Ajaccio, Bastia, Calvi et Figari) sont transférés dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui est substituée à l'égard des tiers dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux biens transférés.

Cette expression vise notamment les droits et obligations issues des délégations de service public (concession), ou les questions de responsabilité.

Cependant les emprises et installations réservées à l'Etat pour les besoins de la défense nationale, de la police et de la sécurité de la circulation aérienne ne seront pas transférés.

Une convention réglera, dans les conditions fixées par l'article L. 221-1 du code de l'aviation civile 114 ( * ) les relations entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse, en particulier les mesures nécessaires à un fonctionnement des services chargés de la police et de la sécurité de la circulation aérienne.

L'Assemblée nationale a adopté, à cet article, un amendement de clarification rédactionnelle .

Votre commission spéciale vous présentera, quant à elle, un premier amendement afin de supprimer la référence à la substitution de la collectivité territoriale de Corse dans les droits et obligations de l'Etat attachés aux biens transférés, pour les mêmes raisons que celles développées dans le commentaire de l'article L. 4424-22, ci-dessus.

Un second amendement tend à prévenir les difficultés qui résulteront de l'expiration de la concession des aéroports de l'île dont le texte prévoit qu'il seront transférés à la collectivité territoriale. En effet, La gestion des aéroports est actuellement confiée par l'Etat à la Chambre de commerce et d'industrie.

Or, bien que la convention de concession expire le 31 décembre 2001, rien, dans le texte transmis ne précise les conditions dans lesquelles s'effectuera la « passation des pouvoirs » entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse qui est donc, ipso facto, réputée gérer des aéroports sans même avoir les moyens de connaître leur situation exacte au plan économique et financier.

C'est pourquoi un amendement tend à prolonger de deux ans à compter de la date prévue de leur expiration, les conventions précitées. Cette période transitoire permettra à la collectivité territoriale de déterminer, sans improvisation, les conditions dans lesquelles elle entend gérer les aéroports concernés.

Article L. 4424-24 du Code général des collectivités territoriales
Transfert du réseau ferré dans le patrimoine
de la collectivité territoriale de Corse

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, prévoit que le réseau ferré de Corse est transféré dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui en assurera « l'aménagement, l'entretien, la gestion et, le cas échéant, l'extension ».

Le réseau ferré de Corse, qui compte 232 kilomètres de voies ferrées, ainsi que l'indique l'encadré ci-après, constitue un réseau secondaire d'intérêt général.

LES CHEMINS DE FER DE LA CORSE

« Le Chemin de fer corse est un réseau secondaire d'intérêt général , long de 232 km , comprenant deux lignes à voie métrique (Bastia - Ajaccio, soit 158 km, et Ponte Loccia - Calvi, soit 74 km), d'un écartement d'un mètre.

1. Régime du réseau

Le réseau ferré corse ne fait pas partie du réseau ferré national . Il appartient aux « autres réseaux ferroviaires ouverts au public » dont les modalités de gestion sont fixées par l'article 18, dernier alinéa de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI). Depuis l'origine, et jusqu'au 1 er janvier 1983, l'Etat avait confié l'exploitation de ce réseau à des petites compagnies de chemin de fer privées. Les biens de ce réseau ont été mis à la disposition de la Région de Corse par la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 (article 27) puis de la Collectivité territoriale de Corse , qui en est devenue gestionnaire en vertu de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 (article 82). La loi du 30 juillet 1982 (article 18), puis la loi du 13 mai 1991 (article 72) substituent la Région, puis la Collectivité de Corse dans les droits et obligations de l'Etat pour l'exploitation du chemin de fer corse.

2. Modalités d'exploitation

L'exploitation du réseau corse n'entre pas dans le cadre du monopole conféré à la SNCF par l'article 18 , 2 e alinéa, de la LOTI en ce qui concerne l'exploitation du réseau ferré national. La collectivité Territoriale de Corse a donc le choix de son délégataire.

La Direction des transports terrestres a, par lettre du 24 décembre 1982, dénoncé la convention avec la CFTA pour « laisser le champ libre à la Région » dans le cadre de la décentralisation. Par lettre du 29 décembre de la même année, le ministre a demandé à la SNCF d'assurer provisoirement l'exploitation du réseau corse sur la base de l'ancien contrat, confirmé par le décret n° 83-775 du 30 août 1983. En janvier 1983, par décision du ministre, la SNCF, a été substituée au dernier exploitant, la CFTA.

Le 1 er juillet 1983, la Région de Corse a été substituée à l'Etat et a décidé de reconduire l'exploitation par la SNCF. La convention d'exploitation actuelle, passée entre la collectivité Territoriale de Corse et la SNCF, venait à échéance fin 1998. La procédure prévue par la loi du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption et transparence de la vie publique (loi « Sapin ») prévoit un appel d'offres pour choisir un nouvel exploitant. L'Assemblée territoriale de Corse a décidé de prolonger d'un an (soit jusqu'au 31 décembre 1999 ), par avenant , la convention d'exploitation . Ce délai a été mis à profit par la CTC pour faire réaliser un audit sur l'exploitation.

Un avis d'appel à candidature a été lancé le 6 mai 1999, à l'issue duquel trois entreprises ont fait acte de candidature. La seule offre déposée auprès de la CTC a été celle de la SNCF, dont la validité de l'offre a été constatée de 10 février 2000 par la commission de dépouillement de la CTC. Dans la mesure où la délégation de service public n'avait pas abouti en décembre 1999, une « convention transitoire », destinée à assurer la gestion courante du réseau, et par là même la continuité du service public, a été conclue, pour l'exercice 2000 et une partie de l'exercice 2001, entre la SNCF et la CTC. Le conseil d'administration de la SNCF a approuvé le projet de convention de délégation de service public, conclue pour une durée de neuf ans, lors de la séance du 11 juillet 2001. L'assemblée territoriale de Corse l'a approuvé lors de sa séance du 27 juillet 2001. Le président de l'Assemblée de Corse et le président de la SNCF doivent signer cette convention le 6 septembre 2001. ».

Source : Ministères de l'intérieur et de l'équipement.

Article L. 4424-25 du Code général des collectivités territoriales
Transfert des biens de l'Etat
mis à la disposition de l'Office d'équipement hydraulique
de la collectivité territoriale de Corse

Adopté sans modification par l'Assemblée nationale, cet article prévoit que les biens de l'Etat mis à la disposition de l'Office d'équipement hydraulique de Corse seront transférés dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse qui en assurera l'aménagement, l'entretien, la gestion et, le cas échéant, l'extension.

II. COORDINATION (paragraphe II)

Par coordination avec les dispositions de l'article L. 4424-22 qui transfère les ports maritimes à la collectivité territoriale de Corse, le second paragraphe fait figurer les collectivités territoriales dans la liste des personnes susceptibles d'administrer un port où un droit de port peut être perçu dans les conditions fixées par l'article L. 211-1 du code des ports maritimes 115 ( * ) .

Sous-section 3
Du logement
Article 16
Logement

Composé de trois paragraphes , cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, apporte des modifications de coordination aux articles du code général des collectivités territoriales relatifs aux compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière de logement .

Le paragraphe I transforme la sous-section 4 de la section 6 en sous-section 3, « Logement » de la même section.

Le paragraphe II inclut l'article L. 4424-26 dans la sous-section 3 de la section 2.

Enfin, le paragraphe III substitue, par coordination, l'expression « plan d'aménagement et de développement durable » utilisé à l'article L. 4424-26, à la référence, devenue obsolète, au « plan de développement ».

SECTION 3
Du développement économique
Sous-section 1
De l'aide au développement économique
Article 17
(Chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie
du code général des collectivités territoriales)
Aides au développement économique

Cet article a pour objet de modifier le chapitre IV (Attributions) du titre II (La collectivité territoriale de Corse) de la quatrième partie (La région) du code général des collectivités territoriales, afin d'offrir à la collectivité territoriale de Corse des facultés d'intervention plus larges en matière d'aides aux entreprises.

1.° Le cadre juridique actuel des aides publiques aux entreprises

Les interventions économiques des collectivités locales sont longtemps restées soumises à des conditions extrêmement restrictives, sinon à une interdiction totale, définies dans une large mesure par la jurisprudence administrative.

Celle-ci considérait que seules des circonstances particulières de temps et de lieu ou un intérêt public local pouvaient justifier une intervention des collectivités locales 116 ( * ) . Toutefois, au fil des années et sous la pression de la crise économique née du choc pétrolier de 1973, le « corset juridique » 117 ( * ) dans lequel étaient enserrées leurs initiatives s'était peu à peu dénoué.

Les lois de décentralisation de 1982 118 ( * ) ont marqué un tournant décisif en reconnaissant les capacités d'intervention des collectivités locales dans le secteur économique.

Les aides publiques aux entreprises doivent ainsi se conformer non seulement aux règles de droit interne, relatives aux modalités d'intervention de l'Etat et des collectivités locales, mais aussi aux règles communautaires, de plus en plus nombreuses et précises.

• Les règles de droit interne

L'Etat a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale, ainsi que de la défense de l'emploi. Dans ce cadre et sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe d'égalité des citoyens devant la loi ainsi que des règles de l'aménagement du territoire, les collectivités territoriales peuvent intervenir en matière économique et sociale 119 ( * ) .

L'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales - qui a codifié les dispositions de la loi n° 82-6 du 7 janvier 1982 - précise que « les collectivités locales et leurs groupements peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l'extension d'activités économiques, accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises. »

Faute d'être dégagé par la loi elle-même, le critère de distinction entre aides directes et aides indirectes l'a été par la jurisprudence administrative 120 ( * ) : l'aide directe se traduit par la mise à disposition de moyens financiers à l'entreprise bénéficiaire, avec une conséquence comptable (immédiate ou potentielle) dans son compte de résultats.

Quant aux aides indirectes, elles recouvrent toutes les autres formes d'aides consistant, soit à mettre à la disposition des entreprises des biens immobiliers, soit à améliorer leur environnement économique et à faciliter l'implantation ou la création d'activités.

Les aides directes aux entreprises sont limitativement énumérées 121 ( * ) et strictement encadrées par la loi. Il s'agit de la prime régionale à la création d'entreprises, de la prime régionale à l'emploi, des prêts, avances et bonifications d'intérêts.

Elles sont attribuées par la région 122 ( * ) , dans des conditions fixées par trois décrets en Conseil d'Etat, codifiés aux articles R. 1511-1 à R. 1511-18 du code général des collectivités territoriales et modifiés récemment par le décret n° 2001-607 du 9 juillet 2001 afin de prendre en compte la réglementation européenne.

L'aide est octroyée par une décision de l'exécutif local prise en exécution d'une délibération de l'assemblée délibérante 123 ( * ) . C'est une compétence qui ne peut faire l'objet d'aucune délégation. L'entreprise bénéficiaire doit se trouver dans une situation régulière au regard de ses obligations fiscales et sociales.

Les aides indirectes sont en principe libres, car elles sont censées ne pas profiter à l'entreprise en établissant un lien financier avec la collectivité qui les accorde.

L'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales dispose que « les aides indirectes peuvent être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, seuls ou conjointement . » Il écarte ainsi toute primauté régionale et toute liste limitative.

Toutefois, certaines d'entre elles ont fait l'objet d'une réglementation ultérieure : il s'agit des rabais sur les ventes et locations immobilières 124 ( * ) , des garanties d'emprunt et cautionnements 125 ( * ) et des participations au capital de sociétés 126 ( * ) .

Sur ce point, on notera simplement que l'article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales autorise les régions à participer au capital des sociétés de développement régional 127 ( * ) et des sociétés de financement interrégionales ou propres à chaque région ainsi que des sociétés d'économie mixte.

Outre ces différentes formes d'aides indirectes, il convient de relever, parmi les moyens dont disposent les collectivités locales pour favoriser la création d'entreprises sur leur territoire les exonérations d'impôts locaux qu'elles peuvent accorder, tout particulièrement les exonérations de taxe professionnelle.

Enfin, votre rapporteur rappelle qu'existent de nombreuses aides spécifiques , qu'il s'agisse des subventions aux entreprises exploitant des salles de spectacles cinématographiques, des aides à l'équipement rural ou encore des aides directes ou indirectes aux entreprises en difficulté -ces dernières ne sont ouvertes qu'aux régions et aux départements 128 ( * ) .

L'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, modifié par l'article 16 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation sur l'outre-mer, dispose que « des actions de politique économique notamment en faveur de l'emploi peuvent être entreprises par les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre de conventions conclues par eux avec l'Etat et fixant les modalités des aides qu'ils peuvent consentir le cas échéant en dérogeant aux conditions d'utilisation prévues pour les collectivités territoriales par les dispositions du II de l'article 87 de la loi de finances pour 1987. »

Ces conventions peuvent être passées pour autoriser les collectivités locales à intervenir dans le cadre de dispositifs qui ne sont pas prévus par le régime de droit commun des interventions économiques défini aux articles L. 1511-1 à L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales. Elles ne peuvent toutefois avoir pour objet de modifier, par voie conventionnelle, le dispositif général prévu par les dispositions législatives susvisées et leurs décrets d'application. Par ailleurs, les actions prévues par ces conventions doivent être compatibles et cohérentes avec la politique menée par l'Etat en terme de soutien aux entreprises et de développement économique.

• Les dispositions propres à la Corse

Le régime des interventions économiques de la collectivité territoriale de Corse est défini par l'article L. 4424-20 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions reprennent celles de l'article 61 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la Corse.

A la différence des autres régions, la collectivité territoriale de Corse a la possibilité de déterminer elle-même le régime des aides directes et indirectes en faveur du développement économique.

L'Assemblée de Corse peut ainsi, par ses délibérations, fixer des montants et des modalités d'attribution des aides directes ou indirectes à des entreprises différents de ceux fixés, pour les autres régions, par décret en Conseil d'Etat.

Cependant, le droit commun des garanties d'emprunt, des prises de participation dans le capital de sociétés privées, des aides aux entreprises en difficulté, au maintien des services en milieu rural et aux sociétés d'économie mixte locales reste applicable 129 ( * ) .

D'autre part, les plafonds d'aide ne peuvent être fixés que dans les conditions et limites posées par le droit communautaire en matière de concurrence.

Par une délibération du 23 octobre 1992, l'Assemblée de Corse a décidé la création d'une agence de développement économique de la Corse (ADEC), chargée principalement de gérer les aides aux entreprises attribuées par la collectivité territoriale.

Cet établissement public industriel et commercial doté d'un conseil d'administration de vingt-trois membres (douze désignés par l'Assemblée de Corse et onze par des organismes consulaires, professionnels, bancaires et de recherche) est présidé par un conseiller exécutif désigné par le président du conseil exécutif.

Votre rapporteur relève que le préfet de Corse, jugeant la création de cet organisme illégale , avait formé le 15 janvier 1993 un recours gracieux contre la délibération de l'Assemblée. Son recours reposait sur un double moyen :

- d'une part, loi du 13 mai 1991 n'a pas prévu la création d'un établissement public industriel et commercial chargé de la gestion des aides aux entreprises de la collectivité territoriale ; dès lors celle-ci ne disposait pas de l'habilitation législative nécessaire pour créer un tel organisme ;

- d'autre part, la loi confiant au seul président de l'exécutif la capacité d'attribuer les aides dans le cadre des interventions économiques prévues par la collectivité territoriale, celui-ci ne peut déléguer cette compétence à un organisme distinct de la collectivité.

En réponse aux observations du préfet, l'Assemblée de Corse n'a pas modifié les statuts de l'agence mais a demandé, par une délibération du 19 novembre 1993, une validation législative du statut de l'ADEC.

La délibération du 23 octobre 1992 n'a pas été déférée au tribunal administratif. Toutefois, dans l'attente d'une éventuelle validation législative , l'individualisation des aides de la collectivité territoriale est effectuée non plus par le Bureau de l'agence, comme le prévoyaient ses statuts, mais par le conseil exécutif lui-même, comme le prévoit la loi. Le rôle de l'ADEC se limite donc désormais à l'instruction des dossiers de demandes d'aides, à la formulation, par le Bureau, d'un avis sur chaque dossier et à la préparation des arrêtés attributifs d'aide signés par le président du conseil exécutif.

Par ailleurs, la collectivité territoriale de Corse peut participer à un fonds de développement économique géré par une société de développement régional ayant pour objet l'apport de fonds propres aux entreprises en développement 130 ( * ) .

Le versement de dotations pour la constitution d'un fonds d'investissement présente l'avantage d'être moins risqué que la prise de participation au capital d'une société . En effet, lorsqu'une collectivité devient actionnaire d'une société et qu'elle en est gestionnaire de droit ou de fait, elle peut encourir une action en comblement de passif si cette dernière fait faillite. D'autre part, la constitution d'un fonds d'investissement permet de ne pas modifier la répartition du capital social entre les actionnaires. En revanche, les subventions versées constituent un élément du bénéfice imposable de la société. Leur montant réel est donc diminué du montant de l'impôt que l'entreprise doit acquitter.

• Le droit communautaire

En vertu de l'article 87 du traité instituant les Communautés européennes, les aides d'Etat qui faussent ou menacent de fausser la concurrence, en favorisant certaines entreprises ou productions sont incompatibles avec le marché commun et, en conséquence, prohibées. Les aides des collectivités territoriales aux entreprises sont assimilées à des aides d'Etat 131 ( * ) .

Seules certaines aides sont autorisées , soit parce qu'elles sont considérées d'office comme compatibles avec le marché commun, ce qui est le cas des aides à caractère social, soit parce qu'elles rentrent dans des catégories définies et remplissent certaines conditions susceptibles de les rendre compatibles avec le marché. Il s'agit notamment des aides destinées à soutenir le développement de certaines activités ou de certaines régions ou à promouvoir d'importants projets communs d'intérêt communautaire.

En principe, tout nouveau régime d'aide doit être notifié à la Commission européenne, qui apprécie sa compatibilité avec le marché commun. La procédure applicable a été précisée par le règlement n° 659/99 du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 88 du traité instituant les Communautés européennes.

D'autre part, la Commission européenne a publié, sous forme de « lignes directrices » et de « communications », les conditions que doivent respecter certaines aides pour être réputées compatibles avec le marché commun . Depuis 1988, elle a été habilitée à fixer ces conditions par voie de règlements. Les catégories d'aides visées dans ces règlements sont dispensées de la procédure de notification et d'approbation préalables.

Trois règlements , dits « d'exemption » ont été adoptés à ce jour : le règlement sur les aides « de minimis » qui fixe à cent mille euros par entreprise, sur trois ans, le montant total des aides qui peuvent être accordées librement, en excluant toutefois certains secteurs ; le règlement sur les aides aux petites et moyennes entreprises ; le règlement sur les aides à la formation 132 ( * ) .

En France, le secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) est chargé de coordonner l'ensemble des notifications qui lui sont proposées par les ministères compétents, y compris les aides mises en oeuvre au plan local. Aussi, lorsqu'un projet d'aide ne relève pas d'un régime approuvé ou dépasse les seuils de cumul autorisés, le préfet saisit le département ministériel principalement concerné afin d'envisager les modalités de notification de ce projet d'aide à la Commission européenne.

Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, la France a déjà notifié et fait approuver une cinquantaine de régimes d'aides. Dans la mesure où les collectivités locales s'y conforment, leurs interventions sont considérées comme compatibles avec le marché commun.

2. Le texte soumis au Sénat

• Des mesures de coordination

Le premier paragraphe (I) du présent article contient de simples mesures de coordination. Il procède à la renumérotation et à la réorganisation de la section consacrée au développement économique.

La section 3 « Du développement économique » (ancienne section 6) ne comprendrait désormais plus que quatre sous-sections :  « Interventions économiques » ; « Tourisme » ; « Agriculture et forêt » ; « Formation professionnelle et apprentissage ». Les sous-sections « Logement », « Transports » et « Energie » seraient transférées dans d'autres sections.

Le deuxième paragraphe (II) donne une nouvelle rédaction à la sous-section 1 : « Interventions économiques ». Elle ne comprendrait plus désormais que les dispositions relatives aux entreprises, ainsi que celles portant sur les projets industriels d'intérêt régional qui figurent dans l'actuel article L. 4424-21 133 ( * ) . Ce dernier deviendrait l'article L. 4424-30 en application de l'article 13 du présent projet de loi.

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à réparer une omission.

Les dispositions relatives aux aides aux entreprises seraient ainsi codifiées dans trois nouveaux articles L. 4424-27, L. 4424-28 et L. 4424-29, auxquels s'ajouterait l'article L. 4424-30.

• La reprise des dispositions actuelles relatives aux aides directes et indirectes

L'article L. 4424-27 reprend, en la modifiant légèrement, la rédaction des trois premiers alinéas de l'actuel article L. 4424-20 qui donne compétence à la collectivité territoriale de Corse pour déterminer, par ses délibérations, le montant et les modalités d'attribution des aides directes ou indirectes à des entreprises.

Contrairement à l'article L. 4424-20, il ne prévoit plus l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour préciser les conditions dans lesquelles la collectivité territoriale doit définir le régime des aides. Il précise, en revanche, qu'elle doit agir dans le respect des engagements internationaux de la France, ce qui vise en particulier le droit communautaire.

Dans l'exposé des motifs du projet de loi initial, le Gouvernement indique que la référence à des mesures réglementaires d'application serait inutile. Saisi d'un projet de décret élaboré en application de l'article L. 4424-20 et prévoyant notamment des règles de plafonds en matière d'aides directes, le Conseil d'Etat avait en effet considéré que le pouvoir réglementaire n'était plus compétent pour fixer de telles règles, et que ce texte devait se limiter à préciser les conditions de forme requises pour l'adoption des délibérations de l'Assemblée de Corse fixant le régime des aides. Dans ces conditions, le Gouvernement de l'époque n'avait pas jugé utile de prévoir un texte réglementaire et avait retiré son projet.

• La possibilité de participer à un fonds d'investissement auprès d'une société de capital investissement

L'article L. 4424-28 autorise la collectivité territoriale de Corse à participer, par versement de dotations, à la constitution d'un fonds d'investissement auprès d'une société de capital-investissement ayant pour objet d'apporter des fonds propres à des entreprises.

Pour assurer la mixité des capitaux, le montant des dotations versées par la collectivité territoriale ne pourrait excéder 50 % du montant total du fonds. Les conditions générales d'emploi des dotations seraient fixées dans le cadre d'une convention passée avec la société gestionnaire 134 ( * ) .

La novation par rapport au droit existant consiste à permettre à la collectivité de Corse de participer à un fonds d'investissement qui ne soit pas nécessairement géré par une société de développement régional.

Une seule société de développement régional, la Caisse de développement de la Corse (CADEC), a été créée en Corse, en 1982, dans le cadre des lois de décentralisation et du premier statut particulier de l'île.

La collectivité territoriale de Corse est, avec l'Etat, son principal actionnaire. Instrument essentiel du financement de l'économie locale, la CADEC. représentait, en 1998, environ le quart des encours de crédit à moyen terme distribués sur l'île. En raison de graves difficultés, en partie imputables à des erreurs de gestion, dont certaines ont été vivement dénoncées par le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des fonds publics en Corse 135 ( * ) , cette société a dû cesser son activité de financement à la fin de l'année 1999, pour se concentrer sur le recouvrement des créances.

Actuellement, il existe une seule société de capital investissement en Corse : la société « Femu Qui » (fait ici), qui a été créée en 1992 pour mobiliser l'épargne populaire, afin de favoriser la création d'emplois sur l'île. Son capital, auquel participe déjà la Caisse des dépôts et consignations, est encore relativement modeste ; il devrait être prochainement porté de quatre à vingt-trois millions de francs.

Votre rapporteur rappelle que les interventions des collectivités publiques en faveur du capital investissement sont, elles aussi, soumises aux dispositions des articles 87 et 88 du traité instituant les Communauté européennes, dans des conditions précisées par une « Communication » de la Commission européenne du 25 mai 2001.

Les dispositifs envisagés doivent donc être notifiés et approuvés par la Commission européenne préalablement à leur mise en oeuvre, conformément aux dispositions de l'article 88-3 du traité. Toutefois, afin d'exonérer les collectivités de cette procédure préalable, le Gouvernement a notifié un régime cadre d'intervention en faveur du capital investissement, qui a été approuvé le 25 juillet 2001 136 ( * ) .

Ce régime, qui s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2008, est destiné à servir de fondement juridique communautaire à l'intervention des collectivités locales dans ce domaine. Applicable à toutes les opérations de capital-investissement (amorçage, création, développement, reprise-transmission), il fixe les règles d'intervention publique en matière de capital-investissement quelle que soit l'origine des fonds : État, collectivités territoriales, Fonds structurels.

Dans la mesure où la collectivité territoriale de Corse respectera les dispositions de ce régime, ses interventions seront considérées comme compatibles avec le marché commun.

• La possibilité de définir de nouveaux régimes d'aides

L'article L. 4424-9 habilite la collectivité territoriale de Corse à définir de nouvelles aides directes ou indirectes, en sus de celles qui sont définies par la loi .

La nature, la forme et les modalités d'attribution de ces aides seraient fixées par délibération de l'Assemblée de Corse. Le président du conseil exécutif devrait, chaque année, rendre compte à l'Assemblée, dans un rapport spécial, du montant des aides accordées et de leur effet sur le développement économique local.

La collectivité de Corse aurait ainsi la possibilité de mettre en oeuvre l'ensemble des régimes notifiés et approuvés par la Commission européenne, d'accorder des aides entrant dans le cadre des règlements d'exemption précités, mais également de créer tout autre régime, à la condition toutefois de le notifier et de le faire approuver par la Commission .

3. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale appelle de ses voeux une réforme d'ensemble du régime des interventions économiques des collectivités locales. Elle constate que le présent article consacre et approfondit un transfert du pouvoir réglementaire à la collectivité territoriale de Corse en matière d'aides économiques. L'adoption du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, en instance au Sénat, priverait ses dispositions d'une partie de leur portée.

• La nécessaire réforme du régime des interventions économiques des collectivités locales

Comme le soulignait notre collègue Daniel Hoeffel, rapporteur du groupe de travail de la commission des Lois sur la décentralisation 137 ( * ) , les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer pour maintenir un certain niveau d'équité sociale et territoriale. A travers des demandes partenariales, les élus locaux, qui connaissent le tissu économique, sont bien placés pour identifier les besoins et imaginer des solutions pour l'emploi local.

Cependant, l'efficacité des interventions économiques des collectivités territoriales est mise en question par la complexité du cadre juridique national , en décalage avec la réalité, à laquelle s'ajoutent des incertitudes résultant de son défaut d'harmonisation avec le droit communautaire d'inspiration plus libérale.

Une telle situation ne peut être que périlleuse pour les collectivités et leurs élus, exposés à une insécurité permanente , comme l'a parfaitement souligné le rapport présenté par notre collègue Michel Mercier au nom de la mission sénatoriale d'information sur la décentralisation, présidée par Jean-Paul Delevoye 138 ( * ) .

Elle justifie une réforme d'ensemble du régime des interventions économiques des collectivités locales qui, selon les préconisations du groupe de travail de la commission des Lois sur la décentralisation, devrait avoir pour triple objet une meilleure coordination avec le droit communautaire , la recherche d'une plus grande complémentarité des différentes interventions économiques, le maintien des interdictions actuelles et l'approfondissement des règles prudentielles qui protègent les collectivités locales contre des risques financiers excessifs.

Votre commission spéciale ne peut donc que déplorer le retard pris pour réformer le régime des interventions économiques, malgré les initiatives du Sénat, en particulier l'adoption, le 10 février 2000, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, de la proposition de loi tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires, qui n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

• L'extension de la faculté reconnue à la collectivité territoriale de Corse de définir des régimes d'aides aux entreprises

Dans la mesure où, en l'état actuel du droit, les différentes aides directes qui peuvent être mises en place sont définies par la loi 139 ( * ) , il est légitime de s'interroger sur le point de savoir si le pouvoir donné à la collectivité territoriale de Corse d'en créer de nouvelles catégories ne correspondrait pas à une délégation du pouvoir législatif .

Lors de l'examen du présent projet de loi, le Conseil d'Etat n'a, semble-t-il, pas retenu cette interprétation . Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, il aurait fait observer que la création de nouvelles aides ne relevait pas d'une des matières réservées à la loi par l'article 34 de la Constitution. L'interdiction faite aux collectivités locales de définir elles-mêmes les catégories d'aides qu'elles souhaitent accorder aux entreprises résulterait simplement d'une disposition législative qui avait encadré leur compétence dans ce domaine. Dès lors, le Conseil d'Etat aurait estimé que la loi pouvait, sans méconnaître l'article 34 de la Constitution, élargir les conditions d'exercice de cette compétence et autoriser les collectivités locales à créer elles-mêmes de nouvelles catégories d'aides.

S'inspirant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989, le Conseil d'Etat a indiqué, dans son avis rendu sur le présent projet de loi, que « Les dispositions de l'article 21 de la Constitution en vertu desquelles le Premier ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire, ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une collectivité territoriale dont, en vertu de la l'article 72, la loi prévoit les conditions de la libre administration, le soin de définir les conditions d'application d'une loi, mais il ne peut le faire qu'à condition que cette habilitation porte sur des mesures dont elle définit précisément le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre et ne porte pas atteinte à la compétence qui appartient au Premier ministre d'édicter des règles nationales applicables à l'ensemble du territoire. »

Sur ce fondement, le Conseil d'Etat a disjoint du projet de loi certaines dispositions de son article premier mais a reconnu, comme il l'avait fait à l'occasion du projet de décret élaboré en application de l'article 61 de la loi du 13 mai 1991, que la loi pouvait confier à la collectivité territoriale de Corse la possibilité de créer des régimes d'aides aux entreprises.

Dans sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel n'avait pas jugé contraire à la Constitution le pouvoir reconnu à la collectivité territoriale de Corse de déterminer elle-même le régime des aides directes aux entreprises. On relèvera cependant que le texte qui lui était soumis prévoyait expressément l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour fixer les conditions d'exercice de cette compétence. Par la suite, ce même Conseil d'Etat a considéré, sans que le Conseil constitutionnel ait apporté aucune précision sur cette disposition dont il n'avait pas été directement saisi, que la loi avait opéré un transfert total du pouvoir réglementaire. Rien ne permet donc d'affirmer que le Conseil constitutionnel considère que cette habilitation revête une portée limitée.

• Une portée atténuée par le projet de loi relatif à la démocratie de proximité

L'article 43 A du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 25 juin 2001, tend à modifier l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales, relatif aux aides directes aux entreprises, auquel se réfère le présent article.

Adopté à l'initiative du Gouvernement sans avoir été examiné par la commission des Lois de l'Assemblée, après que M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, se fut engagé lors de l'examen du présent projet de loi au Palais Bourbon à étendre à l'ensemble des régions certaines des dispositions prévues pour la Corse 140 ( * ) , cet article dispose que « les aides directes revêtent la forme de subventions, de bonifications d'intérêts ou de prêts et avances remboursables à des conditions plus favorables que celle du taux moyen des obligations. »

Sans mettre fin à la distinction entre aides directes et aides indirectes, dénoncée par la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité tend donc à définir les aides directes en fonction de leur forme et non plus de leur régime.

Celui-ci sera fixé par une délibération du conseil régional et non plus par décret en Conseil d'Etat. L'article 43 A rappelle que les aides devront être attribuées dans le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables en matière de concurrence et d'aménagement du territoire et des engagements internationaux de la France .

Votre rapporteur observe que l'article L. 4424-27 proposé par le présent projet de loi ne mentionne que le respect des engagements internationaux tandis que celui de l'article L. 4424-29 ne fait référence au nécessaire respect que des dispositions législatives -et non plus réglementaires- en matière de concurrence et d'aménagement du territoire et des engagements internationaux de la France.

On ne peut que s'étonner devant une telle discordance entre toutes ces rédactions, dont la portée semble d'ailleurs singulièrement limitée, puisque les collectivités territoriales sont bien évidemment tenues de respecter tant les engagements internationaux de la France, que les dispositions législatives et réglementaires nationales.

C'est la raison pour laquelle, votre commission spéciale vous propose d'adopter deux amendements de suppression de ces mentions imprécises, inutiles et dangereuses puisqu'elles pourraient laisser entendre que la collectivité territoriale de Corse ne serait pas tenue au respect des dispositions législatives et réglementaires qui ne sont pas citées.

Votre rapporteur observe, d'autre part, que le projet de loi relatif à la démocratie de proximité confirme la primauté de la région dans l'octroi d'aides directes aux entreprises. Les départements, les communes et leurs groupements ne pourront que participer au financement des aides définies par le conseil régional, sans qu'aucune consultation préalable soit exigée, dans le cadre d'une convention.

Le régime des aides indirectes resterait inchangé. A l'exception des garanties d'emprunt et des aides à l'immobilier d'entreprises qui demeureraient encadrées, toutes les autres aides indirectes seraient libres.

Enfin, l'article 43 A du projet de loi relatif à la démocratie de proximité autorise les régions du continent à participer, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds d'investissement à vocation régionale ou interrégionale ayant pour objet d'apporter des fonds propres aux entreprises.

A la différence de la collectivité territoriale de Corse, le montant de leur participation serait limité à 30 % du montant total du fonds. Il a été indiqué à votre rapporteur que cette différence tenait à la « situation particulière de l'économie corse ». Il serait ainsi difficile pour la collectivité territoriale, en raison de la structure du tissu industriel de l'île, de trouver des partenaires financiers susceptibles de prendre des participations pour la mise en place d'un fonds d'investissement, en particulier si ce fonds n'a pour seul objet que d'intervenir en faveur des entreprises corses. Les autres régions disposeraient d'un tissu industriel bien plus dense et auraient la possibilité de mettre en place des fonds interrégionaux.

Ainsi que le Gouvernement l'a indiqué lui-même à votre rapporteur, l'adoption de l'article 43 A du projet de loi relatif à la démocratie de proximité privera de toute portée, sauf sur ce dernier point, les dispositions du présent article. Comme en 1982, il est donc regrettable de devoir discuter d'adaptations avant de connaître le droit commun.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 17 ainsi modifié .

Sous-section 2
Du tourisme
Article 18
(art. L. 4424-31 du code général des collectivités territoriales)
Orientations en matière de développement touristique

Cet article vise à modifier l'article L. 4424-23 du code général des collectivités territoriales, qui deviendrait l'article L. 4424-31 en application de l'article 14 du présent projet de loi, afin de renforcer les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière de promotion et de développement touristiques.

1. La répartition actuelle des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales dans le secteur du tourisme

Les lois de décentralisation, en particulier la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 portant répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, n'ont pas considéré le tourisme comme un secteur spécifique nécessitant la création d'un bloc de compétences au profit d'une catégorie de collectivités locales.

La loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, adoptée à l'initiative du Sénat, a consacré la concurrence des compétences en disposant dans son article premier que « L'Etat, les régions, les départements et les communes sont compétents dans le domaine du tourisme et exercent ces compétences en coopération et de façon coordonnée. »

Si les communes, les départements et les régions disposent de quelques attributions spécifiques, la concurrence de leurs compétences nécessite donc des mécanismes de concertation.

• Les compétences spécifiques des collectivités locales

Les communes ont reçu des compétences propres en ce qui concerne la réalisation et la gestion de certains aménagements et équipements à vocation touristique, en particulier les ports de plaisance, les remontées mécaniques ou encore les zones de mouillage. Elles peuvent réaliser des zones d'aménagement concerté ayant pour objet le développement des loisirs et du tourisme. Leur responsabilité est particulièrement soulignée par les lois n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Enfin, les compétences des communes en matière d'urbanisme et de police administrative trouvent à s'appliquer aux activités touristiques.

Les départements ont une vocation particulière en matière de développement du tourisme rural. Ils établissent un programme d'aide à l'équipement rural, un plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées et peuvent élaborer un plan départemental de randonnées nautiques.

Ils ont obtenu le transfert dans leur dotation globale d'équipement, des subventions de l'Etat au titre de la modernisation de l'hôtellerie rurale et accordent de nombreuses aides aux hébergements touristiques ruraux (gîtes, chambres d'hôte, campings à la ferme...)

Enfin, la loi du 23 décembre 1992 leur confère la possibilité d'établir un schéma d'aménagement touristique départemental, qui doit prendre en compte les orientations définies par le schéma régional du développement du tourisme et des loisirs.

Les régions constituent, quant à elles, le cadre privilégié de l'élaboration d'une politique locale de développement du tourisme et se sont vu reconnaître des compétences importantes en matière d'aménagement touristique. La loi du 23 décembre 1992 dispose que, dans le cadre de leurs compétences en matière de planification, elles définissent les objectifs à moyen terme du développement touristique régional, dont les modalités et conditions de mise en oeuvre, notamment au plan financier, sont déterminées par le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs, prévu par la loi du 3 janvier 1987 relative à l'organisation régionale du tourisme.

Les régions peuvent se voir transférer les attributions exercées par les missions interministérielles d'aménagement touristique. Elles peuvent être associées à la définition, à la gestion et au contrôle des sociétés d'aménagement régional. Elles ont l'initiative de la création des parcs naturels régionaux et ont compétence pour créer des canaux et des ports fluviaux.

On notera que la loi leur fait obligation de créer des comités régionaux du tourisme, même si elle les laisse libres de fixer leur nature juridique, leur organisation et leur champ de compétences, à la condition de respecter un minimum de représentation. La création d'offices municipaux et de comités départementaux du tourisme est, quant à elle, facultative.

• Les compétences générales

Les types d'interventions des collectivités territoriales en faveur du développement du tourisme se sont diversifiés . Les régions, les départements et les communes organisent selon des modalités diverses un service destiné à accueillir et à informer les touristes. Elles engagent des actions de promotion de leur territoire -participation à des foires, publicité, édition de documentation- et s'efforcent de mettre en place des outils facilitant la commercialisation des produits touristiques. Elles réalisent des équipements en infrastructures (travaux de voirie notamment) et en superstructures (ports de plaisance, remontées mécaniques) ou accordent des aides aux entreprises et organismes qui interviennent dans le secteur du tourisme. Elles s'efforcent également de mettre en place des animations -fêtes, spectacles. Enfin, elles sont chargées d'établir des statistiques et de mener des études , surtout les régions, qui ont mis en place, avec l'INSEE, des observatoires régionaux du tourisme .

Les interventions des collectivités locales trouvent leurs limites dans le nécessaire respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie , des règles d'aménagement et d'urbanisme et dans la prise en compte des risques financiers.

• Les compétences de l'Etat

Selon les termes de la loi du 23 décembre 1992, l'Etat définit et met en oeuvre la politique nationale du tourisme .

A l'instar des collectivités locales, il exerce la plupart des missions que lui a reconnues le législateur en liaison, en coopération ou concurremment avec les collectivités territoriales ou l'une de leurs structures : il assure le recueil, le traitement et la diffusion des données et prévisions relatives à l'activité touristique, en liaison et en coopération avec les observatoires régionaux du tourisme ; il définit et conduit les opérations de promotion touristique nationale en liaison et en coopération avec les collectivités territoriales et les partenaires concernés ; il favorise la coordination des initiatives publiques et privées dans le domaine du tourisme ; il apporte son concours aux actions de développement touristique engagées par les collectivités territoriales, notamment par la signature des contrats de plan avec les régions.

Seules deux catégories de compétences lui sont reconnues à titre exclusif : la détermination et la mise en oeuvre des procédures d'agrément et de classement des équipements, organismes et activités touristiques, selon des modalités fixées par décret 141 ( * ) ; la fixation des règles et des orientations de la coopération internationale dans le secteur du tourisme et leur mise en oeuvre, notamment au sein des organisations internationales compétentes.

• Une harmonisation nécessaire

La concurrence des compétences des collectivités publiques nécessitait une certaine harmonisation, dont l'instrument principal reste la contractualisation . Les contrats de plan conclus entre les régions, les autres collectivités locales et l'Etat définissent ainsi la participation de chaque partenaire à la réalisation d'un objectif précis.

La technique de la concertation est également utilisée puisque l'avis ou l'accord de l'organe délibérant d'une collectivité concernée est souvent requis lorsque la décision est prise par l'Etat ou une autre collectivité dont le territoire inclut celui de la première. Ainsi, les départements doivent-ils demander l'avis des communes intéressées avant d'élaborer les plans départementaux de randonnées pédestres et équestres. De même les conseils généraux sont consultés à propos de la création de parcs naturels nationaux ou régionaux.

L'organisation de l'harmonie et de la cohérence des interventions des collectivités publiques dans le domaine du tourisme constituait l'un des objectifs majeurs de la loi du 23 décembre 1992. D'aucuns, à l'instar de M. Pierre Py, ont regretté que l'objectif de l'harmonisation des compétences ait pris le pas sur celui de leur répartition 142 ( * ) .

2. La situation de la Corse

• Le tourisme, un enjeu essentiel pour le développement de l'île

En Corse, plus qu'ailleurs sans doute, le secteur du tourisme présente la double face de Janus .

La situation géographique de l'île, ses caractéristiques physiques et la structure de son économie font sans conteste des activités touristiques l'un des moteurs de son développement. Après une période morose entre 1993 et 1996, ce secteur connaît une forte croissance depuis 1997. La saison touristique 2000 a été marquée par d'excellents résultats : durant le seul mois de juillet, un peu plus d'un million de passagers ont emprunté les transports aériens et maritimes entre la Corse et le continent ; ils étaient 5,6 millions en cumul sur douze mois. Le flux touristique tend à se diversifier, au profit, notamment, de personnes en provenance du nord de l'Europe, même si la clientèle reste française à près de 70 %, et le tourisme familial majoritaire.

D'ores et déjà, le tourisme constitue le premier secteur économique privé de l'île. Selon les tableaux de l'économie corse établis par l'I.N.S.E.E., il engendre près de 10 % de son produit intérieur brut (effets d'entraînement inclus), soit davantage que l'agriculture ou la construction. L'emploi salarié du secteur se concentre dans les structures d'hébergement et de restauration. Il équivaut à 3 400 « temps complets employés toute l'année ». En période estivale, plus de 6 000 salariés travaillent dans le secteur, près de 7 000 autour du 15 août.

Pourtant, l'opportunité de développer le tourisme sur l'île a longtemps fait l'objet de controverses , en raison de ses conséquences potentiellement dommageables sur l'environnement et l'identité locale.

La conciliation entre développement touristique, valorisation des sites et préservation de l'environnement est délicate, et l' enjeu réel car, malgré les bons résultats obtenus depuis quelques années, le tourisme conserve, en Corse, un fort potentiel de développement . Les flux sont limités par la qualité moyenne de l'offre, la saturation des capacités d'hébergement et le manque de professionnalisation de la filière.

Il s'agissait donc, dans l'esprit du relevé de conclusions du 20 juillet 2000, qui mentionnait le tourisme parmi les compétences susceptibles de faire l'objet d'une décentralisation renforcée, d'approfondir un transfert de compétences déjà entamé par la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

• La répartition des compétences dans le secteur du tourisme en Corse

L'article 69 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 143 ( * ) dispose que : « La collectivité territoriale de Corse détermine, dans le cadre du plan de développement, les grandes orientations du développement touristique de l'île. »

Par dérogation à la loi n° 87-10 du 3 janvier 1987 relative à l'organisation régionale du tourisme, la loi du 13 mai 1991 a créé une institution spécialisée chargée, dans le cadre des orientations définies par la collectivité territoriale, de la coordination de l'ensemble des actions de développement du tourisme en Corse.

Cette institution assure la promotion touristique de l'île et met en oeuvre la politique d'aide à la modernisation et au développement des structures d'accueil et d'hébergement.

Présidée par un conseiller exécutif désigné par le président du conseil exécutif, l' Agence du tourisme de Corse dispose d'un budget de 50 millions de francs environ et emploie une quarantaine de personnes.

La répartition des compétences dans le domaine du tourisme prévue par la loi du 23 décembre 1992 ne se vérifie pas non plus complètement à l'échelon départemental.

Faute de moyens humains et financiers, la structure juridique créée par le département de Corse-du-Sud, à la fin des années 1980, n'a eu aucune fonction opérationnelle.

Le département de Haute-Corse avait créé, par délibération du conseil général, un comité départemental du tourisme et des loisirs en 1994. Cette structure associative a été dissoute en 1999. Depuis lors, elle a été remplacée par une nouvelle association dénommée « Haute-Corse Développement » qui joue un rôle actif, notamment en matière d'assistance technique aux porteurs de projets. Un programme de signalétique touristique et un plan départemental des itinéraires de promenades et randonnées ont été lancés.

Enfin, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, le maillage institutionnel local présenteraient des lacunes en termes qualitatifs et quantitatifs puisque 25 structures locales seulement répondraient aux critères de la loi du 23 décembre 1992.

3. Le projet de loi soumis au Sénat

• Un transfert de compétences peu clair

Le présent article tend à confier à la collectivité territoriale de Corse le pouvoir de déterminer et de mettre en oeuvre , dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable, les orientations du développement touristique de l'île.

En l'état actuel du droit la collectivité territoriale ne peut que définir, et non mettre en oeuvre, les grandes orientations du développement touristique. Les autres collectivités locales disposent des mêmes compétences que leurs homologues du continent.

Le projet de loi lui confie également la mise en oeuvre et l'évaluation de la politique du tourisme et des actions de promotion de l'île, compétences qu'elle pouvait déjà exercer, à moins que le projet de loi n'entende lui confier la mise en oeuvre de la politique nationale ou instituer un quelconque pouvoir de tutelle sur les autres collectivités locales.

La collectivité territoriale serait désormais chargée du recueil , du traitement et de la diffusion des données relatives à l'activité touristique, compétences jusqu'à présent dévolues à l'Etat en liaison et en coordination avec l'observatoire régional du tourisme, qui dépend de l'Agence du tourisme de Corse.

Enfin, elle serait chargée de coordonner les initiatives publiques et privées dans les domaines du développement, de la promotion et de l'information touristique, mission dévolue à l'Etat par la loi du 23 décembre 1992 et à l'Agence du tourisme de Corse par la loi du 13 mai 1991.

Sur la proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement d'ordre rédactionnel en première lecture.

• Un renforcement du contrôle de la collectivité territoriale de Corse sur l'Agence du tourisme

Sur la proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a instauré une tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur l'Agence du tourisme et prévu que le conseil d'administration de cette dernière devra être composé à titre majoritaire de représentants de l'Assemblée de Corse .

M. Bruno Le Roux, rapporteur, a considéré cette disposition comme « une solution équilibrée rapprochant le régime applicable en Corse de celui du droit commun applicable aux régions » et souligné sa cohérence avec les dispositions de l'article 40 du projet de loi, qui autorisent l'Assemblée de Corse à exercer directement les missions confiées aux différents offices.

M. Bernard Roman, président de la commission des Lois, a quant à lui indiqué que l'existence des offices, leurs modalités de fonctionnement et leur latitude d'action pouvaient constituer un obstacle à l'exercice par les élus des nouvelles prérogatives accordées à la collectivité territoriale de Corse. Prenant acte du fait que l'assemblée territoriale n'avait pas souhaité la dissolution immédiate de ces organismes, il a estimé que cet amendement permettrait d'améliorer considérablement la situation existante en garantissant la présence majoritaire des élus au sein du conseil d'administration de l'Agence du tourisme.

4° La position de votre commission spéciale

Les dispositions soumises au Sénat, qui n'appellent aucune objection de principe de la part de votre commission spéciale, consacrent donc moins un transfert effectif de compétences que la volonté de confier à la collectivité territoriale, davantage qu'à l'Etat, le soin de définir, d'animer et de coordonner les différentes actions conduites sur l'île. A cet égard, elles s'inscrivent pleinement dans le cadre, certes imparfait, de la loi du 23 décembre 1992. Au demeurant, le projet de loi n'envisage pas la suppression de la délégation régionale au tourisme, qui ne compte guère aujourd'hui que six agents, contrairement au souhait exprimé par le conseil exécutif de Corse dans son avis sur l'avant projet de loi.

La portée du dispositif doit cependant être appréciée au regard des dispositions de l'article 19 du présent projet de loi, qui confient à la collectivité territoriale le classement des stations et de l'ensemble des organismes de tourisme, et de son article 40, qui tend à autoriser l'Assemblée de Corse à exercer directement les missions qui sont aujourd'hui confiées à l'Agence du tourisme.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à supprimer les dispositions législatives relatives à l'Agence du tourisme , par coordination avec le dispositif qu'elle vous propose à l'article 40 du présent projet de loi.

Il s'agit de supprimer la mention ad nominem des offices dans la loi et de reconnaître à l'Assemblée de Corse la possibilité de créer des établissements publics placés sous sa tutelle pour leur confier la mise en oeuvre de certaines de ses compétences.

On observera qu' en application de la loi du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, la collectivité territoriale de Corse devra créer un comité régional du tourisme comparable à ses homologues du continent.

Par le même amendement, et dans un souci de clarification, votre commission spéciale propose de supprimer la disposition selon laquelle la collectivité territoriale de Corse définit, met en oeuvre et évalue la politique du tourisme de Corse et les actions de promotion qu'elle entend mener.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 18 ainsi modifié .

Article 19
(art. L. 4424-32 du code général des collectivités territoriales)
Classement des stations, organismes et équipements de tourisme

Cet article tend à insérer un article L. 4424-32 dans le code général des collectivités territoriales, afin de confier à la collectivité territoriale de Corse le classement des stations, organismes et équipements de tourisme.

Elle serait ainsi dotée, selon M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, des moyens lui permettant d'exercer la compétence que lui reconnaît l'article 18 du projet de loi en matière de développement touristique.

1. Le classement des stations touristiques

• L'état actuel du droit

L'expression de « station classée » est ambiguë. Il existe en effet un classement officiel, prévu par la loi, et des classements organisés par des associations de communes pour favoriser leur promotion, comme par exemple l'Association des stations vertes de vacances et des villages de neige.

Les deux textes de base concernant les stations classées sont la loi du 24 septembre 1919 et la loi du 3 avril 1942, dont les dispositions ont été codifiées aux articles L. 2231-1 à L. 2231-18 du code général des collectivités territoriales. Ces deux textes ont été complétés par de nombreuses lois, en particulier celle n° 64-698 du 10 juillet 1964 relative à la création d'offices du tourisme dans les stations.

Le classement a pour objet de faciliter la fréquentation de la station, de permettre son développement et, le cas échéant, de faciliter la prise en charge des personnes privées de ressources suffisantes.

Il peut concerner une commune, une fraction de commune ou un groupe de communes 144 ( * ) qui offrent, selon les termes de l'article L. 2231-1 du code général des collectivités territoriales, soit un ensemble de curiosités naturelles, pittoresques, historiques ou artistiques, soit des avantages résultant de leur situation géographique ou hydrominéralogique, de leur climat ou de leur altitude, tels que ressources thermales balnéaires, maritimes, sportives ou uvales.

• Les conditions de classement

Le classement requiert la possession d'une « ressource touristique » et d'une capacité d'accueil .

La première condition a conduit le législateur à distinguer six catégories : les stations hydrominérales qui possèdent une ou plusieurs sources minérales ou un établissement exploitant ces sources ; les stations climatiques , qui offrent aux malades des avantages climatiques ; les stations uvales qui possèdent sur leur territoire des cultures de raisins de table aptes à une cure thérapeutique et sont placées dans un centre touristique ; les stations de tourisme , qui offrent aux visiteurs un ensemble de curiosités naturelles ou artistiques ; les stations balnéaires , qui offrent des avantages balnéaires ou maritimes résultant de leur situation géographique ; les stations de sports d'hiver ou d'alpinisme , qui remplissent des conditions d'altitude, d'accessibilité et d'intérêt pour les sports de montagne 145 ( * ) .

Le classement comme station nécessite également l'existence d'une capacité d'accueil en termes sanitaires (alimentation en eau potable suffisante, réseau d'assainissement, ramassage des ordures ménagères, assistance médicale), d'animations (distractions et manifestations) et d'équipements (transports, hébergements, équipements spécifiques à chaque catégorie de station).

En général, les normes exigées ne sont pas précisées par les textes , ce qui laisse aux autorités compétentes un large pouvoir discrétionnaire d'appréciation. Toutefois , des décrets et des arrêtés définissent avec précision des normes de classement particulières à certaines catégories de stations, notamment celles de sports d'hiver et d'alpinisme 146 ( * ) , et le Conseil supérieur de l'hygiène publique de France, le Conseil national du tourisme ou encore le Conseil d'Etat ont établi des directives relativement précises.

• La procédure de classement

En principe , l'initiative du classement appartient aux collectivités locales intéressées 147 ( * ) . La procédure est lourde et complexe . A l'échelon local, elle nécessite la réalisation d'une enquête publique et l'obtention de nombreux avis d'organismes départementaux. Au niveau national, plusieurs avis sont également requis et l'instruction est conduite par des ministres différents suivant le type de stations. Finalement, le classement est prononcé par un décret en Conseil d'Etat .

• Les conséquences du classement

Le classement impose aux stations quelques obligations, mais il leur offre de nombreux avantages.

Les stations classées se voient ainsi imposer certaines obligations en matière d'hygiène 148 ( * ) et en matière d'urbanisme, puisqu'elles doivent établir un plan local d'urbanisme.

Par ailleurs, la jurisprudence paraît plus exigeante en matière de police administrative, notamment en ce qui concerne la sécurité publique, à l'égard des stations classées qu'à l'égard des autres communes 149 ( * ) .

Les stations classées jouissent de nombreux avantages tant sur le plan administratif que financier. Elles peuvent créer un office municipal du tourisme 150 ( * ) ; certaines d'entre elles 151 ( * ) peuvent voir accorder à des casinos l'autorisation de pratiquer des jeux de hasard, normalement interdits.

Sur le plan financier, elles disposent ou peuvent disposer de ressources particulières : la taxe de séjour (facultative), la taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière exigible sur les mutations à titre onéreux, le prélèvement progressif sur le produit des jeux dans les casinos. Par ailleurs, les conseils municipaux des stations classées peuvent voter des majorations d'indemnité de fonction 152 ( * ) .

Enfin, le classement constitue en lui-même un avantage puisqu'il constitue un instrument de promotion des stations auprès de la clientèle.

• Le texte soumis au Sénat

Le paragraphe I du présent article tend à confier à la collectivité territoriale de Corse, par dérogation au droit commun, le classement des stations touristiques.

Le classement serait prononcé par délibération de l'Assemblée de Corse , à la demande ou sur avis conforme de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de tourisme, après consultation du conseil départemental d'hygiène 153 ( * ) et du conseil des sites -dont la composition serait modifiée à l'article 9 du présent projet de loi- et après enquête publique .

• La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est extrêmement réservée sur la dévolution d'une telle prérogative à la collectivité territoriale de Corse.

De nombreuses critiques sont actuellement adressées au système de classement des stations touristiques. Lui sont ainsi reprochés : l'archaïsme des normes, qui mettent davantage en exergue les ressources que les équipements ; leur imprécision, qui nuit à l'information précise des touristes ; l'injustice du classement, conservé par des stations qui ne le méritent plus et refusé à des communes qui font des efforts considérables pour le développement du tourisme ; ou encore la complexité des procédures.

Aussi le Conseil national du tourisme a-t-il été chargé, en la personne de M. Jean Launay, de proposer une réforme dont les éléments devraient être connus à la fin de l'année 2001. On rappellera également qu'un « livre blanc » avait été élaboré par l'Association des maires des communes touristiques et thermales et des stations classées. Il semble donc préférable de procéder à une réforme d'ensemble du régime de classement, à la lumière des propositions du Conseil national du tourisme.

D'autre part, confier à la collectivité territoriale de Corse la responsabilité de prononcer le classement risque de s'apparenter à une forme de tutelle sur les communes et leurs groupements. Certes, le classement ne pourrait être prononcé qu'à la demande ou sur avis conforme de la collectivité concernée. En revanche, l'Assemblée de Corse ne serait-elle pas libre de refuser de délivrer cette reconnaissance en prenant une délibération qui relève actuellement d'un décret en Conseil d'Etat ?

La procédure de l'enquête publique, qui doit éclairer et assurer l'objectivité de la décision, ne constitue peut-être pas un palliatif suffisant à l'imprécision actuelle des normes de classement. Saisi, d'un éventuel contentieux, le juge administratif sera en peine d'apprécier l'erreur manifeste d'appréciation de la collectivité territoriale.

Votre commission spéciale rappelle que l' interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre , posée dans la loi 154 ( * ) , constitue une dimension essentielle du principe de la libre administration des collectivités locales consacré par l'article 72 de la Constitution.

Aussi votre commission spéciale vous soumet-elle un amendement de suppression du paragraphe I de cet article.

2. Le classement des organismes et équipements touristiques

Le paragraphe II du présent article a trait à la procédure d'agrément et de classement d'un certain nombre d'équipements et organismes.

• L'état actuel du droit

Le troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme dispose que : « L'Etat détermine et met en oeuvre les procédures d'agrément et de classement des équipements, organismes et activités touristiques selon des modalités fixées par décret. »

Le classement est une décision administrative qui consiste à insérer un hébergement dans une catégorie définie par des normes ayant pour objet essentiel le confort de l'établissement, afin d'assurer l'information des touristes.

L' agrément est un acte par lequel une autorité administrative confère à un organisme, outre une reconnaissance, le bénéfice de certains avantages, facultés ou prérogatives.

Organisé dès le 7 juin 1937 pour les hôtels de tourisme, le classement concerne aujourd'hui toutes les formes classiques de l'hébergement touristique (hôtels, meublés, campings) aussi bien que les formes nouvelles (villages de vacances, parcs résidentiels de loisirs).

Les normes de classement (de confort, de qualité des équipements et des services, d'accessibilité aux personnes handicapées, etc.) doivent être adaptées aux évolutions techniques et aux goûts de la clientèle. Aussi, les sources juridiques du classement sont elles à la fois instables et complexes . Des régimes différents coexistent bien souvent, afin de laisser aux gestionnaires d'hébergements le temps de s'adapter aux nouvelles normes.

La décision de classement est prise par arrêté du préfet du département, après avis de la commission départementale de l'action touristique 155 ( * ) . La procédure varie selon les catégories d'hébergement.

Des agréments sont souvent imposés pour l'octroi des aides publiques aux villages de vacances et aux terrains de campings gérés par des organismes à but non lucratif, ainsi qu'aux maisons familiales. A titre d'exemple, les terrains de campings ne peuvent ainsi recevoir d'aides de l'Etat ou des collectivités locales qu'après avoir obtenu un agrément préfectoral 156 ( * ) .

• Le texte soumis à l'examen du Sénat

Aux termes du présent article, l'Assemblée de Corse pourrait dorénavant, par dérogation à l'article 2 de la loi du 23 décembre 1992, déterminer « les règles de procédure relatives à l'instruction des demandes d'agrément et de classement » des équipements et organismes suivants :

-  Hôtels (aujourd'hui classés en cinq catégories, de une à 4 étoiles et « Luxe ») et résidences de tourisme (établissements dotés d'un minimum d'équipements et de services communs, constitués, en principe, d'un ensemble de chambres ou d'appartements meublés, disposés en unités collectives ou pavillonnaires).

-  Campings et caravanages (également classés en cinq catégories).

-  Villas, appartements et chambres meublées loués à la semaine.

-  Restaurants de tourisme.

-  Offices de tourisme (créés par les conseils municipaux ou, dans les stations classées et les communes littorales, par arrêté du préfet, à la demande du conseil municipal intéressé).

La décision de classement ou d'agrément, quant à elle, serait prise, désormais, non plus par le préfet, mais par arrêté du président du conseil exécutif de Corse .

Il convient de souligner, toutefois, que les dispositions précitées ne font référence qu'aux « règles de procédure » et à la « décision » de classement. D'après les indications communiquées à votre rapporteur, ces formulations n'engloberaient pas la définition des normes qui fondent ce classement : visées, dans la loi du 23 décembre 1992, sous l'expression : « les procédures d'agrément et de classement », elles sont et resteraient fixées par le secrétariat d'Etat au tourisme .

Sous le bénéfice de cette précision, votre commission spéciale vous propose d'adopter cette disposition. Elle vous soumet toutefois un amendement tendant à compléter la liste des catégories d'hébergements susceptibles de faire l'objet d'un classement par la collectivité territoriale de Corse, afin d'y inclure les villages de vacances et les parcs résidentiels de loisirs .

Selon l'étude d'impact du projet de loi, le nombre d'établissements touristiques susceptibles d'être concernés par les mesures de classement précitées s'élèverait, aujourd'hui, à : 348 hôtels (10 408 chambres, soit 1,6 % du parc national, classées, pour près de la moitié d'entre elles, dans la catégorie « deux étoiles ») ; 15 résidences de tourisme (2 167 lits) ; 9 résidences hôtelières non classées ; 159 campings (2,4 % du parc national et 60 % de l'offre d'accueil sur l'île) ; 644 gîtes ruraux ; 29 gîtes communaux ; 4 gîtes d'étape ; 5 chalets de loisirs ; 45 chambres d'hôte avec table ; 75 chambres d'hôte sans tables ; 12 campings à la ferme.

L'implantation de ces hébergements est fortement concentrée sur le littoral, dans quatre zones au demeurant assez spécialisées en termes de structures d'accueil : la zone « Ajaccio et nord » (un tiers de la capacité hôtelière et près de la moitié des résidences de tourisme) ; l'extrême sud de l'île (plus du quart des campings) ; la plaine orientale (près de la moitié des lits offerts par les villages de vacances) ; la Balagne, dont l'offre est la plus diversifiée. L'intérieur de l'île offre également de nombreux gîtes qui participent à l'essor du tourisme rural.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 19 ainsi modifié .

Sous-section 3
De l'agriculture et de la forêt
Article 20
(art. L. 4424-33 du code général des collectivités territoriales,
art. L. 112-11, L. 112-12, L. 314-1 et L. 314-1-1 du code rural)
Orientations en matière de développement agricole, rural et forestier

Cet article vise à modifier l'article L. 4424-33 du code général des collectivités territoriales et les articles L. 112-11, L. 112-12, L. 314-1 et L. 314-1-1 du code rural afin, d'une part, d'affirmer la compétence de la collectivité territoriale de Corse pour la détermination des grandes orientations du développement agricole, rural et forestier de l'île, d'autre part, de créer une commission territoriale d'orientation de l'agriculture.

1. L'état actuel du droit

Revendiquée de longue date, la compétence de la collectivité territoriale de Corse en matière agricole et rurale n'est pas nouvelle.

• Un rôle essentiel dans la vie sociale de la Corse

Le secteur primaire ne réalise qu'un peu plus de 2 % du produit intérieur brut de l'économie insulaire : le nombre d'exploitations est en forte diminution ; elles connaissent des difficultés incontestables liées, pour partie, à la topographie de l'île. Il conserve toutefois un rôle essentiel dans la vie sociale de la Corse , qui demeure une terre de tradition agricole. L'élevage occupe une place importante, au même titre que les productions végétales (les fruits, notamment, et les agrumes, en particulier) et la viticulture.

L'agriculture présente deux visages distincts, tous deux typiquement méditerranéens. Sur les coteaux et dans les montagnes de l'intérieur de l'île, soit la majeure partie du territoire, se pratique une agriculture d'aspect traditionnel , fondée sur l'élevage extensif et la culture du châtaignier et de l'olivier. Dans la plaine , sur la côte orientale essentiellement, est installée une agriculture moderne , mécanisée et intensive, tournée vers les productions végétales, viticoles et fruitières. La superficie agricole utilisée couvre, selon l'INSEE, 309 500 hectares, soit 36 % du territoire de l'île, dont 71 % en Haute-Corse. La main d'oeuvre agricole familiale représentait environ 5 000 personnes en 1997.

Aussi, dès la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 portant statut particulier de la région de Corse, la collectivité territoriale s'est-elle vu confier une compétence en matière agricole, qui a été élargie par l'article 64 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991.

• Des prérogatives anciennes

Aux termes de l'article L. 4424-22 du code général des collectivités territoriales, « la collectivité territoriale de Corse détermine, dans le cadre du plan de développement, les grandes orientations du développement agricole et rural de l'île. »

A cette fin, elle dispose de deux établissements publics à caractère industriel et commercial , dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière, sur lesquels elle exerce son pouvoir de tutelle. Ceux-ci sont présidés par un conseiller exécutif, désigné par le président du conseil exécutif de Corse, et gérés par un directeur nommé, sur proposition du président de l'office, par arrêté délibéré en conseil exécutif.

L'office du développement agricole et rural de Corse (ODARC) est chargé de la mise en oeuvre des actions tendant au développement de l'agriculture et à l'équipement du milieu rural.

L'office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC) est chargé de l'aménagement et de la gestion de l'ensemble des ressources hydrauliques de l'île.

• L'office de développement agricole et rural de Corse

Depuis la loi du 30 juillet 1982 157 ( * ) et le décret n° 83-705 du 28 juillet 1983, l'ODARC , héritier de l'ancienne société de mise en valeur agricole de la Corse (SOMIVAC), exerce les compétences dévolues par le code rural aux « commissions départementales des structures agricoles » et au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles ( CNASEA ) 158 ( * ) .

Il est le représentant en Corse des offices d'intervention du secteur agricole 159 ( * ) relevant du ministre de l'agriculture et exerce les compétences qui lui sont confiées à ce titre. Ses relations avec les offices sont régies par voie de conventions approuvées par le ministre.

L'ODARC est ainsi chargé de l'élaboration , dans le cadre du plan de développement, des programmes de développement agricole qui définissent, notamment, le cadre d'intervention de l'office d'équipement hydraulique de Corse en matière d'expérimentation et de diffusion des techniques de conduite de l'irrigation.

Il gère les actions de développement agricole financées par l'Association nationale de développement agricole au moyen du Fonds national de développement agricole , et assure la coordination des autres actions conduites par toutes personnes morales, publiques ou privées intervenant dans ce domaine (chambres d'agriculture, sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural...), éventuellement par voie de convention.

Il peut créer et gérer un réseau d' agents de développement mais également des stations d'expérimentation et de recherche appliquée, conduire des études et des actions relatives à l'assistance commerciale, à la modernisation et au développement de l'agriculture.

Enfin, il est chargé de la mise en oeuvre des programmes spéciaux au titre des règlements communautaires , de la distribution des aides financières aux exploitations agricoles et à leurs groupements, et participe à toutes actions d'assistance technique et de coopération internationale.

Aux termes de l'article L. 128-2 du code rural, le président de l'office de développement agricole et rural de Corse ou son représentant est membre titulaire des commissions départementales d'aménagement foncier des départements de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse.

• L'office d'équipement hydraulique de Corse

Depuis la loi du 30 juillet 1982, l'office d'équipement hydraulique de Corse a pour mission, dans le cadre du plan de la collectivité territoriale de Corse, l'aménagement et la gestion de l'ensemble des ressources hydrauliques de Corse pour les usages autres qu'énergétiques . A cet effet, il étudie, réalise et exploite les équipements nécessaires au prélèvement, au stockage et au transfert des eaux. De même, il étudie, réalise, exploite des réseaux collectifs d'irrigation et d'assainissement des terres agricoles. Il peut, à la demande des collectivités locales, en faire de même pour les équipements nécessaires à la distribution d'eau potable ainsi qu'au traitement des eaux usées. Il peut, à la demande de la collectivité territoriale de Corse, étudier, réaliser ou exploiter des ouvrages à destination énergétique dont la puissance est inférieure à 8 000 kW 160 ( * ) .

L'office assure, en liaison avec l'office de développement agricole et rural de Corse, les actions d'accompagnement liées à la mise en valeur des terres dans les périmètres irrigués. A ce titre, il procède à des expérimentations et diffuse les techniques de conduite de l'irrigation dans le cadre des programmes pluriannuels de développement. Il peut apporter également son concours technique à l'office de développement agricole et rural de Corse pour les actions de mise en valeur engagées par cet organisme, incluant des opérations d'irrigation. L'office est consulté lors de l'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse pour ce qui concerne l'implantation des équipements d'infrastructure et la localisation des activités dans le domaine de l'eau 161 ( * ) .

Enfin, l'office peut intervenir en tant que : concessionnaire de l'Etat, notamment dans le cadre de l'article L. 112-8 ; concessionnaire ou exploitant pour le compte des collectivités territoriales ; maître d'ouvrage recevant délégation des collectivités territoriales ou de toute autre personne de droit public ou privé ; maître d'oeuvre ou encore prestataire de services.

En dehors de l'île, y compris à l'étranger, il peut se voir confier des études ou des travaux dans les domaines où il aura acquis une expérience particulière 162 ( * ) .

• Les modalités de gestion des offices

Les organisations professionnelles agricoles sont associées à l'organisation et à la gestion des deux offices . Deux tiers au moins des sièges de leur conseil d'administration sont attribués aux représentants des exploitants et des salariés agricoles 163 ( * ) ; ils sont répartis proportionnellement aux voix obtenues par les organisations lors des élections aux chambres d'agriculture.

Le conseil d'administration délibère notamment dans les matières suivantes : les programmes généraux ; l'état annuel des prévisions des recettes et des dépenses et, le cas échéant, les états rectificatifs en cours d'année ; les comptes de chaque exercice et l'affectation des résultats ; les emprunts, les acquisitions, échanges et aliénations de biens immobiliers ; les prises, extensions et cessions de participations financières ; les conditions générales de tarification de vente des produits de l'exploitation et des prestations de services ; les conditions générales de passation, de financement et de contrôle des marchés.

Mais c'est la commission technique permanente qui a compétence pour individualiser les aides . Cette commission est composée de huit membres : le président de l'ODARC, deux conseillers territoriaux et cinq socioprofessionnels.

Le représentant de l'Etat dans la collectivité de Corse remplit les fonctions de commissaire du Gouvernement. Il peut demander un nouvel examen des délibérations et décisions -cette demande, qui doit être motivée, revêt un caractère suspensif- et saisir le tribunal administratif s'il estime qu'elle est contraire à la légalité. Aucune délibération du conseil d'administration ou décision prise par délégation de celui-ci ne peut engager financièrement l'Etat sans son accord 164 ( * ) . Un contrôleur d'Etat est nommé par arrêté du ministre des Finances.

De même, la collectivité territoriale de Corse dispose d'un certain nombre d'instruments de contrôle sur les deux offices. Aucune délibération du conseil d'administration ou décision prise par délégation de celui-ci ne peut engager les finances de la collectivité au-delà des crédits que celle-ci a délégués à l'office qu'avec l'accord préalable du conseil exécutif et de l'Assemblée de Corse.

En principe, le président du conseil exécutif détient des prérogatives non négligeables. Il dispose d'un pouvoir d'information, de conseil et de suggestion sur le fonctionnement économique et financier de l'ODARC. Il se fait communiquer tout document nécessaire à l'exercice de ses missions. Il transmet ses avis et suggestions au président de l'office. Il informe l'Assemblée de Corse du fonctionnement économique et financier de l'office. Il reçoit copie des délibérations de son conseil d'administration. Il peut demander un nouvel examen d'une délibération. Cette demande doit être motivée. Avant la fin du premier semestre de chaque année, il présente à l'Assemblée de Corse le rapport d'activités de l'office et les comptes de l'exercice écoulé.

• La mise en oeuvre de la politique forestière

Les pouvoirs publics ont très tôt affirmé la nécessité de planifier et d'encadrer la gestion et la mise en valeur des forêts, publiques et privées, afin d'assurer le respect des impératifs économiques de production, écologiques de protection et sociaux d'accueil du public.

M. Jacques Liagre a ainsi relevé que, déjà « sous la monarchie féodale on trouvait des mesures destinées à empêcher une exploitation anarchique et abusive des forêts, aussi sommaires et incertaines étaient-elles 165 ( * ) . » Le code forestier de 1827 institua, au travers du régime forestier 166 ( * ) , l'obligation de doter les forêts de l'Etat et des collectivités territoriales d'un « aménagement », qui est devenu au fil des années un outil complet de gestion forestière. Les forêts privées ont, elles aussi, été soumises à un régime obligatoire de gestion avec l'institution, en 1963, des « plans simples de gestion. »

L'article L. 1 du code forestier, introduit par la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation pour la forêt dispose ainsi que « La mise en valeur et la protection des forêts sont reconnues d'intérêt général. La politique forestière prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale des forêts et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable. Elle a pour objet d'assurer la gestion durable des forêts et de leurs ressources naturelles, de développer la qualification des emplois en vue de leur pérennisation, de renforcer la compétitivité de la filière de production forestière, de récolte et de valorisation du bois et des autres produits forestiers et de satisfaire les demandes sociales relatives à la forêt. »

La politique forestière qui relève de la compétence de l'Etat 167 ( * ) , est définie au niveau national avant d'être affinée au niveau régional.

La politique forestière nationale tend à la mise en valeur économique, écologique et sociale de la forêt. L'Etat doit notamment résorber le déficit du commerce extérieur de la filière et permettre le développement des nouvelles fonctions, écologiques et sociales, de la forêt. A l'égard des propriétaires privés, la politique forestière tend à encourager l'investissement forestier, à favoriser la formation des sylviculteurs, à inciter toutes formes de regroupement, à améliorer la qualité des bois et leurs débouchés et à accroître la rentabilité de la sylviculture.

L'adaptation régionale de la politique forestière donne lieu, sur le continent comme en Corse, à des orientations régionales forestières 168 ( * ) .

Les orientations régionales forestières sont préparées par les commissions régionales de la forêt et des produits forestiers, présidées par le préfet, puis arrêtées par le ministre chargé des forêts après avis du conseil régional et consultation des conseils généraux. Elles constituent la norme juridique et technique officielle de référence.

Elles sont précisées, pour les forêts privées, par des orientations régionales de production, remplacées depuis la loi du 9 juillet 2001 par des schémas régionaux de gestion sylvicole. Le projet de schéma est élaboré par le centre régional de la propriété forestière, puis adressé au ministre de l'agriculture et de la pêche. Le ministre l'approuve après avoir recueilli l'avis du Centre national professionnel de la propriété forestière ; il l'arrête lui-même si le centre régional de la propriété forestière refuse les modifications demandées.

Votre rapporteur rappelle que les centres régionaux de la propriété forestière 169 ( * ) , au nombre de dix-sept, ont une implantation et un ressort fixés par voie réglementaire. Ce sont des établissements publics nationaux à caractère administratif, chargés de développer et d'orienter la production des bois des particuliers.

Chaque centre est dirigé par un conseil d'administration élu pour deux tiers parmi les propriétaires forestiers d'au moins quatre hectares groupés dans des collèges électoraux départementaux. Le tiers restant des administrateurs est élu par les organisations professionnelles les plus représentatives de la forêt privée, groupées en collège régional.

La compétence des centres régionaux de la propriété forestière concerne l'élaboration et la révision des schémas régionaux de gestion sylvicole des forêts privés et des codes des bonnes pratiques sylvicoles, l'agrément des plans simples de gestion, le développement des groupements forestiers et la vulgarisation de la sylviculture intensive. Dotés de personnels techniques, ils ont peu à peu affirmé leur rôle, notamment à l'égard des plans simples de gestion qu'ils doivent agréer.

Les orientations régionales forestières sont précisées par des directives régionales d'aménagement pour les forêts domaniales et par des schémas régionaux d'aménagement pour les forêts des collectivités publiques. Ces documents sont élaborés par l'Office national des forêts et arrêtés par le ministre en charge des forêts.

L' Office national des forêts est un établissement public national à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle de l'Etat. Il gère et équipe les forêts et terrains à boiser de l'Etat mais aussi les forêts des collectivités territoriales et personnes morales relevant du régime forestier. La compétence de l'ONF est donc d'abord liée à la mise en oeuvre du régime forestier, régime juridique spécifique, dans les forêts soumises.

L'ONF intervient également, par convention, comme prestataire de services pour réaliser des travaux de protection, d'aménagement et de développement des ressources, pour le compte de propriétaires forestiers publics et privés. Ses missions concernent, essentiellement, la conservation des espèces et l'aménagement des espaces forestiers.

Les directives et schémas, qui s'inscrivent dans le cadre défini par les orientations régionales forestières, sont opposables aux documents de gestion qui constituent le dernier échelon, individuel, applicable à chaque forêt. Enumérés par l'article L. 4 du code forestier, ces documents de gestion sont : les documents d'aménagement pour les forêts relevant du régime forestier, les plans simples de gestion applicables à certaines forêts privées, les règlements types de gestion et les codes des bonnes pratiques sylvicoles.

Si la politique forestière a donc fait l'objet d'une déconcentration certaine, elle a largement échappé à la décentralisation.

2. Le texte soumis au Sénat

• Le projet de loi initial

Le présent article a pour principal objet de compléter la compétence dévolue à la collectivité territoriale de Corse en matière agricole et rurale par un volet forestier et de l'inscrire dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable.

Son paragraphe I insère un article, numéroté L. 4424-33, dans la sous-section 3 « Agriculture et forêts », elle-même insérée dans la section 3 du chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales par le paragraphe I de l'article 17 du projet de loi.

Ses paragraphes II et III modifient la rédaction de cet article L. 4424-33, qui correspond en fait, dans le droit actuel, à l'article L. 4424-22, dont la numérotation a été modifiée par le paragraphe VIII de l'article 14 du projet de loi.

La collectivité territoriale de Corse déterminerait désormais, dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable, les grandes orientations du développement agricole et rural, mais aussi forestier, de l'île.

Toutefois, à l'image de ce qui est proposé, par exemple, pour les actions de promotion des activités physiques et sportives (article 11), les conditions de mise en oeuvre de la politique forestière devraient faire l'objet d'une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale.

Le paragraphe IV tend à redéfinir le rôle de l'Office du développement agricole et rural de Corse.

Il convient de rappeler, préalablement, que les articles 40 et 41 du projet de loi autorisent la collectivité territoriale, par délibération de l'Assemblée de Corse, à mettre fin à l'existence des offices et à exercer directement leurs attributions.

Sous cette réserve, le présent article propose, dès à présent, de restreindre les compétences de l'ODARC . Celui-ci conserverait les attributions normalement dévolues au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, c'est-à-dire, notamment, l'application des dispositions législatives et réglementaires d'aide à l'aménagement des structures agricoles.

En revanche, il n'exercerait plus les compétences dévolues à la commission départementale d'orientation de l'agriculture qui consistent, pour l'essentiel, en un rôle consultatif sur les actions menées en matière agricole. Celles-ci seraient désormais assumées par une commission territoriale d'orientation de l'agriculture ( paragraphe V du présent article), comprenant des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des professionnels, mais dont la composition serait fixée par décret. Le présent article dispose toutefois qu'elle serait présidée, conjointement, par le préfet et le président du conseil exécutif ou leurs représentants.

• Les travaux de l'Assemblée nationale

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements, le premier d'ordre rédactionnel, le second assurant une représentation majoritaire des élus de l'Assemblée de Corse au sein des conseils d'administration des offices de développement agricole et rural et d'équipement hydraulique.

A l'initiative de MM. José Rossi, Paul Patriarche et Jean-Yves Caullet, elle a également prévu, contre l'avis du Gouvernement et sans que celui de sa commission des Lois soit clair, la signature d'une convention entre la collectivité territoriale de Corse et l'Etat pour fixer les conditions de mise en oeuvre de ses orientations dans le domaine agricole.

3. La position de votre commission spéciale

A l'instar de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse 170 ( * ) , votre commission spéciale relève à la fois l'étendue des compétences déjà dévolues à la collectivité territoriale de Corse dans le domaine agricole et les difficultés qu'elle éprouve à les exercer.

Conçu comme le « guichet unique » du développement agricole en Corse, l'ODARC joue le rôle d'une instance distributrice d'aides en provenance de l'Etat, de l'Union européenne et de la collectivité territoriale. En 1998, la totalité des subventions allouées au secteur agricole s'était élevée, selon le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, à 250 millions de francs.

Celle-ci affirme que « l'établissement public apparaît, à bien des égards, comme le lieu de mise en oeuvre de la politique agricole. L'Etat n'a, en effet, plus la capacité d'impulser une politique agricole en Corse car, dans ce secteur important pour l'économie insulaire, la décentralisation a été poussée très loin. »

Cependant, « investi par les professionnels qui font bloc pour réclamer des aides toujours plus abondantes, l'office s'est révélé incapable de mettre en place une politique de développement agricole et rural dans l'île. » Sont ainsi dénoncés moult gaspillages, un « vide sidéral des dossiers » , que ne parviennent à empêcher le contrôle théorique du préfet de Corse, le contrôle très relatif de la collectivité territoriale ou encore l'impuissance des directions régionales et départementales de l'agriculture et de la forêt.

Sans confier de nouvelles compétences à la collectivité territoriale de Corse en matière agricole, le présent article vise donc à lui redonner les moyens de mettre en oeuvre ses orientations en renforçant son contrôle sur les deux offices . C'est également dans cet esprit, semble-t-il, qu'a été adopté l'amendement de MM. Patriarche, Rossi et Caullet prévoyant la signature d'une convention entre l'Etat et la collectivité territoriale.

Ainsi qu'il l'a été exposé, votre commission spéciale vous propose de supprimer dès à présent toute mention des offices et des agences dans la loi, tout en donnant à la collectivité territoriale de Corse les moyens de recréer, si elle le souhaite, des établissements publics sur lesquels elle exercerait un réel pouvoir de tutelle.

Elle vous propose également de clarifier, tant que faire se peut, la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse et de prévoir une coordination de leurs actions au moyen d'une convention.

Outre un amendement tendant à réparer une omission , votre commission spéciale vous soumet donc un amendement visant :

- d'une part, à préciser , comme à l'article 9 du présent projet de loi, que la collectivité territoriale de Corse détermine et met en oeuvre ses orientations en matière de développement agricole, rural et forestier et qu'elle passe une convention avec l'Etat pour coordonner leurs actions ;

- d'autre part, à supprimer l'ensemble des dispositions législatives relatives à l'office du développement agricole et rural et à l'office d'équipement hydraulique de Corse .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 20 ainsi modifié .

Article 21
(art. L. 181-1 du code forestier)
Propriété et gestion des forêts

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, a pour objet de transférer à la collectivité territoriale de Corse la propriété des forêts domaniales et d'organiser les conditions de leur gestion.

1. Le transfert de la propriété des forêts domaniales et leur soumission au régime forestier

Le paragraphe I tend à créer dans le livre I er du code forestier un titre VIII intitulé « Dispositions particulières à la collectivité territoriale de Corse » , comprenant un article L. 181-1 aux termes duquel la propriété des forêts et terrains à boiser qui font partie du domaine privé de l'Etat ou sur lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis serait transférée à la collectivité territoriale de Corse.

Les biens transférés , qui couvriraient une superficie de 50.000 hectares environ, relèveraient du régime forestier. Ils continueraient d'être gérés par l'Office national des forêts, dans les conditions prévues par le code forestier pour les forêts non domaniales, c'est-à-dire sous la responsabilité et conformément aux directives de la collectivité territoriale de Corse.

Institué par le code forestier de 1827, le régime forestier constitue un régime de gestion obligatoire pour le propriétaire, destiné à la conservation de la forêt et justifié par le caractère d'intérêt général que représente la préservation de ce patrimoine.

Aux termes de l'article L. 111-1 du code forestier, les forêts et terrains à boiser de l'Etat, ou indivis des collectivités territoriales, établissements publics, sociétés mutualistes et caisses d'épargne, en relèvent de droit. Les autres bois et forêts des collectivités locales, établissements publics, sociétés mutualistes et caisses d'épargne y sont soumis lorsqu'ils sont susceptibles d'aménagement, d'exploitation ou de reconstitution.

Lorsque la soumission au régime forestier n'est pas de droit, la décision de l'appliquer est prise par le préfet, si l'ONF et le propriétaire en sont d'accord. En cas de désaccord, la décision de soumission est prise par arrêté du ministre en charge de la forêt.

L'ONF assure la délimitation et le bornage de la propriété forestière soumise. C'est l'Etat qui, sur sa proposition, décide des atteintes éventuelles à l'assise foncière des forêts : défrichement, aliénation, concession, etc. Les coupes de bois sont programmées dans des « aménagements » élaborés par l'établissement public, agréés par la collectivité propriétaire et approuvés par le préfet de région.

Dans ces forêts, l'ONF assure la surveillance, le constat des infractions, la marque des coupes, la vente des bois et le contrôle des exploitations. Cette prestation de services est prise en charge, en partie par les collectivités propriétaires (frais de garderie représentant à peu près 20 %), en partie par une subvention de l'Etat.

L'Office national des forêts gère ainsi : 1,7 million d'hectares de forêts domaniales ; 2,6 millions d'hectares de forêts (soit 17 % de la forêt française) appartenant à 11 000 communes (dont 81 000 hectares appartenant, d'ores et déjà, aux collectivités locales de Corse) ; 8,4 millions d'hectares de forêts dans les départements d'outre-mer (dont huit millions en Guyane) ; certains terrains reboisés par l'Etat pour le compte de leurs propriétaires, tant que ces derniers restent débiteurs de l'Etat ; des bois, forêts et terrains à boiser appartenant à des groupements fonciers.

Votre commission spéciale précise donc que le transfert de la propriété des forêts domaniales à la collectivité territoriale de Corse, s'il revêt un caractère symbolique certain, ne signifiera pas une liberté totale de gestion. En revanche, il risque d'induire un coût financier non négligeable.

2. La compensation financière du transfert

Le paragraphe II du présent article précise que les modalités de ce transfert feront l'objet d'une convention entre l'Etat, la collectivité territoriale de Corse et l'Office national des forêts, ayant notamment pour objet de déterminer la compensation financière résultant du transfert des revenus, charges et obligations y afférents.

Cette compensation serait calculée sur la moyenne actualisée des crédits nécessaires pour assurer l'équilibre des comptes de l'Office national des forêts en Corse, relatifs à la gestion des biens transférés au cours des dix dernières années , déduction faite des dépenses restant à la charge de l'Etat et de l'établissement public.

Votre commission spéciale relève que cette disposition s'écarte des règles habituelles en matière de compensation des transferts de biens et de compétences à un double titre : d'une part, elle retient un mode de calcul original différent du principe d'une évaluation des charges à compenser à la date du transfert, d'autre part, il n'est pas certain que la rédaction proposée garantisse une consultation de la commission d'évaluation des charges transférées instituée à l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales pour la Corse.

Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, la compensation financière du déficit que pourrait laisser à la charge de la collectivité territoriale de Corse la gestion des forêts domaniales serait estimée à 4,6 millions de francs .

L'appréciation du déficit semble toutefois présenter des difficultés particulières. La gestion de l'Office national des forêts revêt ainsi des modalités différentes selon qu'il s'agit de forêts appartenant à l'Etat (régime forestier intégral) ou à des collectivités territoriales (régime forestier moins contraignant), ce qui affectera à la fois les recettes et les dépenses. D'autre part, certaines dépenses, en particulier la rémunération des personnels ayant le statut de fonctionnaires, resteront à la charge de l'Etat.

Faute de pouvoir se fonder sur la comptabilité de l'Office national des forêts relative à la gestion des forêts domaniales corses pour apprécier le déficit de gestion après le transfert de propriété, la solution proposée renvoie à une convention .

Selon les simulations réalisées par le ministère de l'agriculture et de la pêche, « le transfert devrait s'effectuer à coût quasi nul pour la collectivité territoriale de Corse dans les conditions de facturation des honoraires d'ingénierie publique en vigueur en 1999 (...). En revanche, dès lors que ces honoraires seraient facturés au coût complet à la collectivité territoriale de Corse, la dépense serait d'environ 3,3 millions de francs par an. Compte tenu des incertitudes de la comptabilité analytique de l'ONF (qui ne remonte pas au-delà de six ans), l'enveloppe demandée est fondée sur un coût de 4,6 millions de francs. »

Votre commission spéciale se réjouit que le ministère de l'agriculture et de la pêche, nonobstant la simplicité de ses calculs, ait décidé « d'affiner ces données » , en déléguant un montant de 250.000 francs à la direction régionale de l'agriculture et de la forêt pour la réalisation d'un audit sur l'état des forêts domaniales et leur gestion, conformément au souhait émis par l'Assemblé de Corse.

Elle vous soumet toutefois un amendement tendant à renvoyer, sans les modifier, les modalités de calcul de la compensation financière à l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales, qui est modifié par l'article 34 du présent projet de loi.

Ainsi, toutes les dispositions relatives à la compensation des transferts de charge figureront-elles au sein d'un même article qui prévoit un avis de la commission d'évaluation des charges, ce qui constituera une garantie supplémentaire pour la collectivité territoriale de Corse.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 21 ainsi modifié .

Sous-section 4
De l'emploi et de la formation professionnelle
Article 22
(art. L. 4424-34 du code général des collectivités territoriales,
art. L. 910-1 du code du travail)
Formation professionnelle et apprentissage

Cet article tend à modifier l'article L. 4424-32 du code général des collectivités territoriales et l'article L. 910-1 du code du travail, afin d'accroître les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.

A cette fin, il modifie la place et l'intitulé de l'actuelle sous-section 6 (Formation professionnelle) de la section VI (Attributions de la collectivité territoriale de Corse en matière de développement économique) du chapitre IV (Attributions) du code général des collectivités territoriales, de telle sorte qu'elle devienne la sous-section 4 (Formation professionnelle et apprentissage) de la section 3 (Du développement économique). Les dispositions de l'actuel article L. 4424-32 du code général des collectivités territoriales seraient modifiées et insérées dans un article L. 4424-34.

1. Les compétences actuelles des régions et de la collectivité territoriale de Corse en matière de formation professionnelle et d'apprentissage

• Les attributions des régions

L'article 82-1 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 a confié à la région une compétence de droit commun et mis à sa disposition un fonds régional pour la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue.

En matière d' apprentissage , les régions peuvent créer par convention et financer, grâce au produit de la taxe d'apprentissage mais surtout au moyen de subventions, des centres de formation d'apprentis (CFA), qui sont gérés par des associations.

Elles jouent un rôle de programmation, en élaborant des schémas prévisionnels de l'apprentissage . Ces schémas doivent s'intégrer dans le document plus global que constitue le plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes. Ils sont précisés par des cartes de l'apprentissage préparées par les régions, qui définissent le nombre de centres d'apprentis, leur aire géographique, leur capacité d'accueil et la nature des différentes sections qu'ils comportent.

L'Etat conserve un rôle décisif, d'une part en exerçant un contrôle pédagogique sur le contenu des enseignements et la qualification des personnels des centres de formation d'apprentis, d'autre part en conservant la maîtrise des primes et des exonérations de charges sociales aux entreprises qui forment des apprentis.

L'opacité des modalités de distribution des fonds perçus auprès des entreprises par les organismes collecteurs au titre de la taxe d'apprentissage fait l'objet de critiques récurrentes. La loi n° 96-376 du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage a ainsi recentré l'affectation du produit de cette taxe sur le financement des centres de formation d'apprentis, entre lesquels la péréquation a été renforcée.

Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, la région est compétente pour arrêter chaque année un programme régional d'apprentissage et de formation professionnelle continue . Ce programme donne lieu à consultation du comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi 171 ( * ) , ainsi que des comités départementaux correspondants.

Ces programmes doivent permettre à la région de se déterminer sur les orientations générales qu'elle entend mettre en oeuvre pour les catégories de formation à aider, les organismes habilités à les délivrer ou les priorités à établir concernant les publics bénéficiaires. Ils doivent permettre de recenser les actions cofinancées avec l'Etat dans le cadre des contrats de plan ou des contrats d'objectifs . Ces derniers sont conclus par l'Etat, une région et des organismes socioprofessionnels pour fixer des objectifs concernant le « développement coordonné des différentes voies de formation professionnelle. »

Les programmes régionaux sont mis en oeuvre par voie de conventions passées avec les établissements publics d'enseignement, les organismes paritaires de formation ou d'autres organismes habilités.

Comme le relevait la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation : « L'exercice de la compétence régionale repose ainsi sur l'affirmation d'une fonction de coordination et de régulation au sein de l'espace régional. Les programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue ont été conçus davantage comme des schémas directeurs que comme des engagements programmatiques et les contrats d'objectifs comme des protocoles d'intention plutôt que des conventions normatives 172 ( * ) . »

Le souhait des conseils régionaux de devenir des acteurs pivot du système de formation professionnelle se heurte au manque d'organisation des branches professionnelles au niveau régional et au poids des services de l'Etat , en particulier de l'Education nationale.

Enfin, la loi quinquennale n°  93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle a renforcé les attributions des régions dans le domaine de la formation professionnelle des jeunes .

Elles ont ainsi reçu compétence pour organiser les actions qualifiantes -dès 1994- et préqualifiantes -entre 1994 et 1999- pour les jeunes et préparer chaque année un plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes .

Les plans, qui ont vocation à couvrir l'ensemble des filières de formation (formation initiale, apprentissage, contrats d'insertion en alternance, actions de formation professionnelle pour les jeunes demandeurs d'emploi), sont élaborés par le conseil régional « en concertation » avec l'Etat, après consultation obligatoire de diverses instances : organismes consulaires, conseils généraux, conseil académique de l'Education nationale, comité régional de l'enseignement agricole, conseil économique et social régional, organisations d'employeurs et de salariés. Le schéma prévisionnel de l'apprentissage doit y être intégré. Le plan est mis en oeuvre par des conventions d'application.

Comme en matière de formation continue, le rôle de la région est moins de diriger que de coordonner.

• Le rôle de l'Etat

L'Etat conserve une place centrale dans le dispositif de formation professionnelle. Si elle est de droit commun, la compétence des régions n'en est en effet pas pour autant exclusive.

Aux termes de la loi du 7 janvier 1983, la compétence « résiduelle » de l'Etat porte tout d'abord sur les politiques de formation en faveur de certaines catégories de la population (détenus, réfugiés, jeunes placés en éducation surveillée, handicapés) correspondant à l'expression d'une solidarité nationale et dont les actions ne relèvent pas d'une région déterminée.

L'Etat demeure compétent en ce qui concerne les actions de portée nationale de formation professionnelle continue ou d'apprentissage. Par actions de portée nationale, il faut entendre soit les actions relatives à des stages assurés par un même organisme dans plusieurs régions, soit des formations destinées à des apprentis ou à des stagiaires sans considération d'origine régionale.

Cette définition permet à l'Etat d'inscrire directement des crédits de formation aux budgets des différents ministères qui ne relèveront pas des fonds régionaux de la formation professionnelle et de l'apprentissage. L'instrument principal de gestion de ces crédits et l'Association pour la formation professionnelle des adultes (A.F.P.A.) qui comprend près de 200 sites de formation sur tout le territoire et qui est dotée d'un budget de près de 4 milliards de francs.

Compte tenu du poids de l'A.F.P.A. mais aussi de l'A.N.P.E., dans le dispositif de formation, l'Etat conserve un levier d'action non négligeable : il procède à l'agrément des stages et rémunère les stagiaires suivant une procédure de gestion très centralisée.

L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes

Créée en 1949, l'A.F.P.A. est une association de la loi de 1901 à gestion paritaire (Etat, partenaires sociaux) chargée d'une mission de service public par délégation du ministre du travail.

Composante du service public de l'emploi, elle intervient aux côtés de l'A.N.P.E. et des services déconcentrés de l'Etat, pour permettre à des personnes engagées dans la vie active d'acquérir une qualification, de la maintenir ou de la développer, afin de favoriser leur insertion ou leur évolution dans l'emploi en fonction des besoins du marché du travail. Depuis 1994, les relations de l'A.F.P.A. avec l'Etat sont régies par un « contrat de progrès ». Le contrat signé pour la période 1999-2003 précise que la mission centrale de l'A.F.P.A. est de permettre à des demandeurs d'emploi adultes d'acquérir une qualification favorisant leur insertion dans l'emploi.

L'A.F.P.A. est théoriquement gérée par deux organes délibérants, l'assemblée générale et le Bureau. Mais, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 1997, « le président élu » par l'assemblée générale a toujours été choisi au sein du collège des représentants de l'administration ; le ministère du travail, chargé de la tutelle de l'A.F.P.A., désigne en fait le directeur général et le fait ensuite agréer par « l'assemblée générale ».

En 1998, le budget de l'A.F.P.A. était de 5,44 milliards de francs, dont 73 % provenaient d'une subvention de l'Etat. L'A.F.P.A. employait 11.397 salariés, répartis sur 190 sites d'information et d'orientation professionnelle et 262 sites de formation. L'A.F.P.A. avait procédé à 161.118 actions de formation et avait accueilli 155.000 stagiaires environ.

L'Etat conserve également la maîtrise des stages créés en application de programmes établis en fonction des orientations prioritaires qu'il définit conformément à la procédure prévue à l'article L. 910-2 du code du travail. Celles-ci sont déterminées par le comité interministériel de la formation professionnelle et de la promotion sociale, après consultation des organisations professionnelles et syndicales. Le Plan national d'action pour l'emploi (PNAE), adopté en 1998, illustre cette notion de programme prioritaire.

La dernière compétence maintenue par la loi à l'Etat porte sur les « études et actions expérimentales nécessaires à la préparation de (ses) actions ainsi que les moyens pour assurer l'information sur les politiques engagées. »

Mais, surtout, l'Etat conserve, par delà les textes, plusieurs attributions essentielles qui lui donnent un pouvoir de fait considérable. C'est lui qui définit le cadre juridique des interventions de la formation professionnelle : les modalités de conventionnement des organismes de formation ou le statut des stagiaires relèvent de son pouvoir normatif.

Il reste maître du contenu pédagogique des formations dispensées : il détermine les programmes de formation et gère l'homologation des filières et des diplômes.

De surcroît, l'Etat conserve un rôle prépondérant dans la définition des relations avec les partenaires sociaux : les confédérations d'employeurs et les syndicats qui disposent d'une représentation nationale se tournent naturellement vers lui pour la définition des orientations prioritaires.

En matière de contrôle , l'Etat détient une vraie compétence exclusive, qu'il s'agisse du respect par les employeurs de l'obligation de financement de la formation continue et de la taxe d'apprentissage, des dépenses des organismes collecteurs de fond ou du contrôle pédagogique des organismes de formation.

Enfin, il conserve la maîtrise des quatre cinquième des crédits publics relatifs à la formation professionnelle.

• Les attributions de la collectivité territoriale de Corse

En matière de formation professionnelle, outre les compétences dévolues aux régions par la loi du 7 janvier 1983, la collectivité territoriale de Corse est chargée de mettre en oeuvre, dans le cadre d'une convention passée avec l'Etat, les stages créés en application des programmes prioritaires prévus à l'article L. 910-2 du code du travail et financés sur les crédits du Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Les opérations d'équipement d'intérêt national conduites par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes font l'objet d'une concertation entre le représentant de l'Etat et la collectivité territoriale. Le programme des autres opérations d'équipement de l'association est déterminé par cette dernière, c'est-à-dire préparé par le président du conseil exécutif, après consultation de l'Association, et adopté par l'Assemblée de Corse.

Les transferts de compétence n'en demeurent pas moins limités dès lors qu'en sont exclus les dispositifs qui relèvent du Fonds national pour l'emploi et compte tenu des compétences déjà cogérées par la collectivité territoriale de Corse et l'Etat dans le cadre du contrat de plan.

2. Le texte soumis au Sénat

Aux termes du présent article, la collectivité territoriale de Corse serait désormais compétente pour élaborer, en concertation avec l'Etat et après consultation des départements et du conseil économique social et culturel 173 ( * ) , un « plan régional de la formation professionnelle des jeunes et des adultes » , document unique qui concernerait tous les publics et non plus les seuls jeunes.

Au titre de sa mise en oeuvre, dont elle aurait désormais la charge, elle pourrait arrêter le programme des formations et de l'ensemble des opérations d'équipement de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes en Corse. La distinction entre les opérations d'équipement d'intérêt national et celle d'intérêt local serait ainsi supprimée.

En revanche, ne figure plus dans le projet de loi la disposition selon laquelle la collectivité territoriale de Corse met en oeuvre des stages créés en exécution de programmes établis au titre des orientations prioritaires de l'article L. 910-2 du code du travail et financés sur les crédits du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Par coordination avec cet élargissement des prérogatives de la collectivité territoriale, le présent article tend à étendre la procédure de consultation du comité régional de la formation, de la promotion sociale et de l'emploi, prévu par l'article L. 910-1 du code du travail, aux programmes d'investissement définis par la collectivité territoriale de Corse.

Pour la mise en oeuvre de son plan de formation, celle-ci devrait désormais signer une convention avec les organismes publics agréés en matière de formation professionnelle, et donc l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes 174 ( * ) .

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement d'ordre rédactionnel. Sur proposition de M. Jean-Yves Caullet et après un avis favorable de la commission des Lois et un avis de sagesse du Gouvernement, elle a indiqué explicitement que la collectivité territoriale de Corse pourrait signer une convention avec l'ensemble des organismes publics agréés et non avec la seule Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

3. La position de votre commission spéciale

Comme pour les aides aux entreprises (article 17), votre commission spéciale tient à rappeler les propositions formulées par la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation. Elle constate avec étonnement que les dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité sont sensiblement différentes de celles proposées par le présent article.

• Les propositions de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation

A l'instar de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation, votre commission spéciale considère que l'Etat ne devrait conserver de compétences, en dernier ressort, que sur les seules actions de formation professionnelle qui relèvent de la solidarité nationale et qui ne peuvent à ce titre être rattachées à aucune région déterminée : il s'agit des actions en faveur des détenus, des étrangers ayant le statut de réfugiés, des jeunes relevant des institutions d'éducation surveillée et des personnes handicapées, dont le financement doit impliquer l'ensemble de la collectivité nationale.

La mission d'information du Sénat a proposé que deux domaines fassent l'objet d'une décentralisation plus achevée :

- le premier porte sur les actions de formation continue qui ne relèvent pas aujourd'hui du Fonds régional de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Il s'agit notamment des actions de formation de droit commun pour la formation professionnelles des adultes ;

- le second concerne les programmes prioritaires en faveur notamment des chômeurs de longue durée, relevant des orientations prioritaires définies annuellement par le comité interministériel de la formation professionnelle et de la promotion sociale, dont la mise en oeuvre est assurée par la collectivité territoriale pour ce qui concerne la Corse.

Elle a appelé de ses voeux une réorganisation territoriale de l'A.F.P.A . en agences régionales placées sous la responsabilité des régions afin de permettre à ces dernières de détenir une capacité d'impulsion accrue en ce qui concerne l'homologation des enseignements et l'adaptation de leurs contenus aux réalités locales.

Le présent article répond, au moins en partie, aux souhaits formulés par le Sénat d'un plus grand contrôle des régions sur l'AFPA. En revanche, il diffère des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à la démocratie de proximité.

• Les dispositions du projet de loi relatif à la démocratie de proximité

Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 25 juin 2001, comporte deux articles relatifs à la formation professionnelle et à l'apprentissage.

L'article 43 E prévoit la prise en charge par la région de l'indemnité compensatrice forfaitaire versée aux employeurs au titre des contrats d'apprentissage .

Votre rapporteur rappelle que les entreprises qui recrutent des apprentis bénéficient d'exonérations de charges sociales 175 ( * ) et d'une indemnité compensatrice forfaitaire 176 ( * ) . Cette dernière, destinée à compenser le temps que consacre l'entreprise à la formation de son apprenti, en particulier celui du maître d'apprentissage, se compose :

- d'une aide à l'embauche, d'un montant de 6.000 francs, lorsque l'entreprise n'emploie pas plus de vingt salariés et forme des apprentis d'un niveau de formation équivalent au CAP, au BEP ou moins (niveau V) ;

- d'une indemnité de soutien à l'effort de formation versée à l'issue de chaque année du cycle de formation -le montant de base est fixé à 10.000 francs mais il est augmenté en fonction, notamment, de l'âge et de la durée de la formation.

En application de l'article 43 E , la région serait chargée de l'attribution de cette indemnité, dans le cadre de sa compétence de droit commun en matière d'apprentissage. Elle pourrait en moduler le montant et les éléments dans des conditions et limites fixées par décret. Les crédits correspondants seraient transférées selon des modalités prévues par la loi de finances correspondante.

Votre rapporteur observe que la mise en oeuvre de cette disposition nécessitera une bonne coordination entre les services de l'Etat et ceux de la région. En effet, seuls les contrats d'apprentissage régulièrement enregistrés par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle peuvent ouvrir droit à cette indemnité.

Selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, l'indemnité compensatrice forfaitaire, qui représente près de 5 milliards de francs en 2001, devrait augmenter de plus de 50 % les crédits figurant dans la dotation globale de décentralisation de la formation professionnelle.

Les conditions du transfert des crédits correspondants aux régions devront être examinées avec attention en raison du désengagement récent de l'Etat. Celui-ci a supprimé la prime à l'embauche pour les entreprises de plus de vingt salariés dans la loi de finances pour 2001, après en avoir exclu les employeurs d'apprentis d'un niveau de formation supérieur ou égal au niveau IV dans la loi de finances pour 1999.

Dans son avis sur les crédits consacrés à la formation professionnelle en 2001, notre collègue Annick Bocandé relevait ainsi qu'au total, « que ce soit par de nouvelles mesures restrictives ou par des « tours de passe-passe » budgétaire, l'Etat se désengagera en 2001 à hauteur de 283 millions de francs de l'apprentissage 177 ( * ) . » Il ne faudrait pas que ce désengagement de l'Etat se traduise par une diminution correspondante de la compensation financière versée aux régions .

Afin de ne pas préjuger du débat qui s'ouvrira au Sénat sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité , votre commission spéciale ne vous propose pas d'étendre immédiatement à la collectivité territoriale de Corse le bénéfice de cette disposition. En effet, le droit commun des régions s'applique à cette collectivité en l'absence de dispositions contraires.

L'article 43 F tend à étendre à l'ensemble des régions la possibilité reconnue dans le présent projet de loi d'élaborer un plan régional des formations professionnelles des jeunes et des adultes .

A cette fin, il réécrit les articles L. 214-13 et L. 214-14 du code de l'éducation, mais non l'article L. 214-12, afin de préciser son contenu 178 ( * ) , notamment celui du volet « adultes ». Ce faisant, il transfère dans le premier des dispositions du second et modifie sensiblement les modalités d'association de l'ensemble des « acteurs » de la formation professionnelle à la mise en oeuvre de cette politique au niveau régional.

Le plan régional des formations professionnelles des jeunes et des adultes serait désormais élaboré par le conseil régional en concertation, non seulement avec l'Etat, mais également avec les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives à l'échelon national .

Actuellement, le plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes n'est élaboré qu'en concertation avec l'Etat mais après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés au niveau régional.

D'autre par le projet de loi ne prévoit plus de consultations lors de l'élaboration du plan mais seulement avant son approbation par le conseil régional.

Les conseils départementaux (c'est-à-dire les conseils généraux ainsi renommés par le projet de loi), le conseil académique de l'éducation, le comité régional de l'enseignement agricole, qui étaient consultés lors de l'élaboration, ne le seraient désormais qu'avant l'approbation, à l'instar du comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, qui donne actuellement son avis sur le programme régional d'apprentissage et de formation professionnelle continue -cet avis serait maintenu.

En revanche, ne seraient plus du tout consultés ni les organisations syndicales d'employeurs et de salariés au niveau régional, ni les chambres consulaires, ni le conseil économique et social.

Cette disposition a pour avantage d'alléger la procédure et pour inconvénient d'affaiblir la portée des consultations : en l'état actuel du droit les personnes consultées peuvent indiquer si leurs propositions ont ou n'ont pas été prises en compte lors de l'élaboration du plan.

Le plan régional des formations professionnelles des jeunes et des adultes devrait prendre en compte, comme c'est actuellement le cas, les priorités définies par les contrats d'objectifs conclus avec l'Etat et les organisation représentatives des milieux socioprofessionnels, auxquels peuvent être associées les chambres consulaires, ainsi que les dispositions relatives à la formation professionnelle qui figurent au schéma prévisionnel des établissements de l'éducation nationale.

Le volet « jeunes » du plan resterait inchangé. Son volet « adultes » couvrirait l'ensemble des actions de formation professionnelle visant à favoriser l'accès, le maintien et le retour à l'emploi des actifs, notamment : les actions organisées par le conseil régional ; les formations destinées aux demandeurs d'emploi dans le cadre de conventions conclues avec les organisations représentatives des milieux socioprofessionnels ; les actions relevant des programmes prioritaires de l'Etat pour la prévention et la lutte contre le chômage de longue durée et les exclusions, en particulier celles organisées par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

On retrouve ici, semble-t-il, les dispositions qui n'étaient jusqu'ici applicables qu'en Corse et qui ne figurent plus dans le présent projet de loi.

A cette fin, la région arrêterait, dans le cadre de la convention tripartite d'adaptation du contrat de progrès prévue à l'article L. 910-1 du code du travail, un schéma régional des formations de l'A.F.P.A. Dans le cadre de ses actions prioritaires, elle définirait également les programmes pour lesquels elle ferait appel au dispositif national de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Comme dans le droit en vigueur, des conventions annuelles d'application préciseraient pour l'Etat et la région, la programmation et le financement des actions. Elles seraient signées par le président du conseil régional, le représentant de l'Etat dans la région et les « divers acteurs concernés », alors qu'actuellement seules sont visées les autorités académiques.

Enfin, chaque région arrêterait, comme elle le fait aujourd'hui, un programme annuel régional d'apprentissage et de formation professionnelle continue, qui serait évalué par le comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue.

Au terme de cet examen, votre commission spéciale tient à souligner le manque de cohérence entre le droit en vigueur, le projet de loi relatif à la démocratie de proximité et le projet de loi relatif à la Corse .

Ce dernier indique, au présent article, que le plan de développement de la formation professionnelle (et non des formations professionnelles) des jeunes et des adultes doit être élaboré en concertation avec l'Etat (et non avec les organisation syndicales) et après consultation des départements et du conseil économique, social et culturel.

Cette consultation interviendra seulement au moment de l'élaboration, à la différence du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, où elle est prévue avant l'approbation, et du droit en vigueur où elle est prévue aux deux stades de la procédure. Les personnes consultées ne seront pas les mêmes. Enfin, rien n'est dit, mais cela est sans doute implicite, de la nécessaire prise en compte des contrats d'objectifs.

En revanche, la collectivité territoriale de Corse sera compétente pour mettre en oeuvre le plan qu'elle aura élaboré, ce que ne précise pas le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, mais était-ce nécessaire ?

S'agissant des relations entre la collectivité territoriale de Corse ou les régions et l'A.F.P.A., les rédactions retenues par les deux projets de loi en cours d'examen ne coïncident pas davantage.

Aucune réponse n'a été fournie aux questions de votre rapporteur pour expliquer toutes ces contradictions. Dans ces conditions et dans la mesure où le droit commun des régions s'applique à la collectivité territoriale de Corse en l'absence de dispositions contraires, votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement tendant à :

- conserver la mention selon laquelle la collectivité territoriale de Corse assure la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue dans les conditions prévues pour les régions non plus d'ailleurs par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, mais par le code de l'éducation ;

- supprimer les dispositions relatives au plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes et des adultes, moins complètes que celles contenues dans le projet de loi relatif à la démocratie ;

- maintenir les dispositions relatives aux relations entre la collectivité territoriale de Corse et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui vont dans le sens des préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation.

- rétablir, dans l'attente d'une éventuelle adoption du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, les dispositions prévoyant la mise en oeuvre par la collectivité territoriale de Corse des programmes prioritaires financés par le Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale.

Une nouvelle mesure de coordination entre les deux textes sera alors nécessaire lors de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 22 ainsi modifié .

SECTION 4 -
De l'environnement et des services de proximité

La section 4 du projet de loi, consacrée à l'environnement et aux services de proximité est composée de sept articles (23 à 29) distribués en quatre sous-sections qui concernent respectivement :

- l'environnement ;

- l'eau et l'assainissement ;

- les déchets ;

- et l'énergie.

Avant d'en examiner l'économie dans le détail, votre rapporteur rappellera, les grandes lignes des compétences dont est investie la collectivité territoriale de Corse en matière d'environnement , en vertu de l'article L. 4424-18 du code général des collectivités territoriales. Ce texte fixe un principe général : « dans le cadre de la politique nationale de l'environnement, la collectivité territoriale de Corse définit les actions qu'elle entend conduire pour la protection de l'environnement dans l'île et détermine ses priorités en matière de développement local ».

Le même article crée un office de l'environnement de la Corse qui a pour mission d'assurer, dans le cadre des orientations définies par la collectivité territoriale de Corse, la mise en valeur, la gestion, l'animation et la promotion du patrimoine de la Corse . Il est présidé par un conseiller exécutif désigné par le président du Conseil exécutif.

Il prévoit enfin que l'organisme chargé de la gestion du parc naturel régional contribue à mettre en oeuvre les politiques définies par la collectivité territoriale de Corse, dans le cadre d'une convention conclue avec celle-ci.

L'Etat attribue une dotation globale à la collectivité territoriale de Corse pour la mise en oeuvre des actions de politique de l'environnement . Son montant est fixé chaque année en loi de finances.

L'Assemblée de Corse a, dans l'avis qu'elle a adopté sur l'avant-projet de loi préparé par le Gouvernement, rappelé qu'elle était attachée au « principe d'un large bloc de compétence cohérent dans ce domaine, conformément au document d'orientation », et constaté que « le projet de loi apparaît fort en retrait au regard de cet objectif ».

C'est pourquoi cette assemblée a proposé de définir, par une disposition cadre, les compétences nouvelles susceptibles de faire l'objet d'un transfert total ou partiel de l'Etat à la collectivité territoriale de Corse et souhaité y inclure :

- la protection et la gestion des espaces naturels : inscription sur les listes des espèces protégées, inventaire des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), inventaire des zones humides d'importance internationale, zones spéciales de conservation, zones de protection spéciale, propositions d'acquisition foncière par le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres de réserves naturelles, création de réserves naturelles volontaire, de réserves nationales de chasse, d'établissement de plans de gestion de chasse, fixation des dates d'ouverture de la chasse dans le cadre des directives européennes et de la législation nationale en la matière, création de réserves de chasse et de faune sauvage, d'un parc naturel régional, de réserves de pêche, mise en oeuvre et suivi des prescriptions de protection environnementale prévues par les lois « montagne » et « littoral », compétences en matière d'espaces naturels sensibles, avec transferts ultérieurs de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles (TDENS) relevant des départements, convention de gestion des sites appartenant à l'Etat, création de conservatoires régionaux d'espaces naturels ;

- la prévention des pollutions et des risques : conception et gestion des aquifères, suivi du réseau hydrométrique, de la qualité des eaux continentales, et de celles du littoral, à partir de réseaux de surveillance, gestion de l'eau et des milieux aquatiques, contrats de rivières, définition et suivi des risques majeurs naturels, plan régional pour la qualité de l'air, recensement et résorption des sites et sols pollués, élimination des huiles usagées ;

- le patrimoine naturel et bâti : classement des sites, inscription des sites, définition des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ;

- les milieux littoraux et marins : démoustication et incendies : gestion du domaine public maritime et réglementation des activités sur le littoral (aménagement du libre accès au rivage, zones de mouillage et équipements légers, concessions de plages, exploitation des cultures marines), réglementation, gestion et contrôle des milieux littoraux et marins (ressource halieutique, pêche de végétaux marins, chasse maritime sur le domaine public maritime, exploitation de substances minérales), démoustication, lutte anti-vectorielle et lutte anti-nuisances relevant de l'Etat, et pour partie des départements (avec l'accord de ceux-ci pendant la période transitoire), prévention des incendies (élaboration des plans de protections, aménagement du terrain, surveillance du territoire).

Sous-section 1
De l'environnement

Relative à l'environnement, la première sous-section contient trois articles (23 à 25).

Article 23 -
Codification et dispositions diverses

L'Assemblée nationale a modifié la portée de cet article, initialement consacré à des dispositions de codification, en le complétant par cinq paragraphes, respectivement consacrés :

- aux relations de la collectivité territoriale de Corse avec l'office de l'environnement ;

- au transfert de diverses compétences en matière d'environnement, au bénéfice de cette collectivité.

I. DISPOSITIONS DE CODIFICATION (PARAGRAPHES I et III)

Les deux premiers paragraphes de cet article, qui résultent du projet de loi initial adopté sans modification par l'Assemblée nationale, créent une section  IV intitulée « Environnement et services de proximité » dans le chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du CGCT. Cette section comprendra quatre sous-sections :

- sous-section 1 « Environnement » (article L. 4424-35 qui correspond à l'actuel article L. 4424-18 modifié par le paragraphe IV de l'article 41 du projet de loi et renuméroté par le paragraphe III de l'article 13 du même projet) ;

- sous-section 2 « Eau et assainissement » (article L. 4424-36 créé par l'article 26 du projet de loi) ;

- sous-section 3 « Déchets » (article L. 4424-37 et L. 4424-38 dans la rédaction proposée par l'article 28 du projet de loi) ;

- sous-section 4 « Energie » qui reprend le contenu de l'actuelle sous-section 7 de la section 6 du même chapitre dont la numérotation est modifiée par l'article 29. Elle comprend un article L.4424-39, qui correspond à l'article L.4424-33 en vigueur (dont la numérotation est modifiée par l'article 14, paragraphe VIII du projet de loi).

II. MODIFICATIONS APPORTÉES AU STATUT DE L'OFFICE DE L'ENVIRONNEMENT ET À LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE L'ETAT ET LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT (PARAGRAPHES III À VII)

Les paragraphes III à VII de cet article ont été introduits par l'Assemblée nationale en première lecture.

Le paragraphe III , adopté à l'initiative de la Commission de la production, soumet l'Office de l'environnement (dont les compétences et la mission demeurent inchangées par rapport au statut que lui confère l'actuel article L.4424-18 du code général des collectivités territoriales ) à la tutelle de la collectivité territoriale de Corse .

En outre, il prévoit que cet établissement public est doté d'un conseil d'administration dont la majorité est composée de représentants élus de l'Assemblée de Corse . Il reprend enfin le texte du troisième alinéa de l'article L.4424-18 du code général des collectivités territoriales en prévoyant que l'office est présidé par un conseiller exécutif désigné par le président du conseil exécutif et que sa gestion est assurée par un directeur nommé sur proposition du président de l'office, par arrêté délibéré en Conseil exécutif (du fait d'une erreur matérielle, l'expression « conseiller » exécutif est devenue « conseil » exécutif dans la première phrase du dernier alinéa du III (l'office est présidé par un conseil exécutif).

Le rapporteur n'a donné, ni dans son rapport ni en séance publique d'explications sur les raisons qui ont motivé le dépôt de cet amendement 179 ( * ) .

Les trois paragraphes suivants procèdent , quant à eux à quatre transferts de compétence de l'Etat à la collectivité territoriale de Corse en ce qui concerne :

- la création de réserves de chasse et de faune sauvage (paragraphe IV) ;

- la création de réserves naturelles de chasse (paragraphe V) ;

- l'établissement de plans de chasse (paragraphe VI).

Ces amendements, déposés par M. José Rossi, tendent à « transférer le maximum de compétences liées à l'environnement » 180 ( * ) . Il ont reçu les avis favorables de la Commission et du Gouvernement, qui a, en outre, obtenu par coordination avec le sixième paragraphe (établissement de plans de chasse), une modification de l'article L. 425-3 du code de l'environnement (paragraphe VII) destinée à prévoir que ce plan serait, en Corse, mis en oeuvre par la collectivité territoriale Corse. L'article L. 425-3 précité prévoit, en effet, que : « Le plan de chasse, qui prend en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique, est mis en oeuvre après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage par le représentant de l'Etat dans le département. [...] » .

III. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE

Par coordination avec une modification qu'elle vous suggère à l'article 1 er du projet de loi, votre commission spéciale vous propose de supprimer toute référence à l'Office de l'environnement, à l'article 23, en supprimant, par un amendement , son troisième paragraphe.

Sous réserve de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 24-
Transferts de compétences en matière d'environnement

Cet article transfère à la collectivité territoriale de Corse compétence pour élaborer :

- le plan régional pour la qualité de l'air ;

- les réserves naturelles classées ou agréées ;

- les monuments naturels et les sites protégés ;

- les inventaires de la faune et de la flore.

Il participe du même mouvement que celui qui inspire le projet de loi relatif à la démocratie de proximité dont l'article 43 G prévoit de transférer aux régions compétence pour :

- établir le plan régional pour la qualité de l'air ;

- créer une réserve naturelle classée ;

- décider l'élaboration d'inventaires du patrimoine faunistique et floristique.

I. ÉLABORATION ET ADOPTION DU PLAN RÉGIONAL POUR LA QUALITÉ DE L'AIR (PARAGRAPHES I ET II)

Le Plan régional pour la qualité de l'air fixe, en vertu de l'article L. 222-1 du code de l'urbanisme, « des orientations permettant, pour atteindre les objectifs de qualité de l'air [...], de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d'en atténuer les effets ».

Ce plan, élaboré jusqu'ici par le Préfet de Corse aux termes du même article serait désormais , du fait de l'adoption du paragraphe I de l'article 24, élaboré par le président du Conseil exécutif aux travaux duquel seraient associés les services de l'Etat.

En vertu du paragraphe II, il serait arrêté par délibération de l'Assemblée de Corse , sur proposition du président du conseil exécutif et après avis du représentant de l'Etat.

II. MODIFICATION DU RÉGIME DES RÉSERVES NATURELLES CLASSÉES OU AGRÉÉES (PARAGRAPHES III À VIII)

Le titre III du livre III du code de l'environnement, consacré aux « Parcs et réserves » détermine le régime :

- des parcs nationaux ;

- des parcs naturels régionaux ;

- et des réserves naturelles qu'elles soient classées ou qu'elles relèvent du régime des réserves volontaires agréées (articles L.332-1 à L.332-12 du code de l'environnement).

En Corse, cinq sites sont classés en réserve naturelle (étang de Biguglia, presqu'île de Scandola, et îles Cerbicale, Finocchiarola et Lavezzi). Ils représentent une superficie de 9.100 hectares soit 1 % de l'espace. Trois projets de création de réserves naturelles sont en cours d'élaboration. Ils concernent :

- le parc marin des bouches de Bonifacio ;

- la montagne du Verghello ;

- les Tre padule de Suartone.

On notera, en outre, que le Parc Naturel régional de Corse, créé en 1972, couvre 351.000 hectares et regroupe 143 des 360 communes de l'île.

C'est précisément le régime des réserves naturelles que les paragraphes III à VIII de l'article 24 du projet de loi modifie afin de renforcer les compétences de la collectivité territoriale de Corse.

Régime des réserves naturelles classées

Le paragraphe III de l'article 24 institue une dérogation au principe général en vertu duquel la décision de classement d'un territoire en réserve naturelle est prononcée par décret ou, à défaut de consentement du propriétaire, par décret en Conseil d'Etat. Il prévoit qu' en Corse, la décision de classement relèverait d'une délibération de l'Assemblée de Corse , prise après consultation de toutes les collectivités locales intéressées et avis du représentant de l'Etat.

Il ouvre, en outre, le droit au représentant de l'Etat de demander le classement d'une zone « afin d'assurer la mise en oeuvre d'une réglementation communautaire ou d'une obligation résultant d'une convention internationale », qui peuvent procéder notamment des dispositions des directives « oiseaux » n° 79-409-CEE du 2 avril 1979 et « habitats » n° 92-43-CEE du 21 mai 1992.

En cas de carence de la collectivité territoriale de Corse, l'Etat retrouverait sa compétence en la matière et procèderait au classement, selon des modalités définies par un décret en Conseil d'Etat.

Par coordination avec ces dispositions les paragraphes suivants du même article apportent des modifications au code de l'environnement afin de prévoir qu'en Corse :

- lorsque le Président du Conseil exécutif a notifié au propriétaire intéressé son intention de constituer une réserve naturelle, le délai de quinze mois pendant lequel aucune modification ne peut être apportée à l'état des lieux ou à leur aspect, peut être renouvelé par le Conseil exécutif si les premières consultations et l'enquête publique ont commencé (paragraphe IV modifiant l'article L. 332-6 du code de l'environnement) ;

- les modalités de gestion des réserves naturelles et de contrôle des prescriptions contenues dans l'acte de classement -à l'exception de ceux résultant d'une décision prise par l'Etat- sont définies par l'Assemblée de Corse (paragraphe IV bis créant un article L. 332-8-1 du code de l'environnement qui résulte d'un amendement du rapporteur de la commission de la production et des échanges ) ;

- la décision de déclassement total ou partiel d'un territoire précédemment classé en réserve naturelle par l'Assemblée de Corse -à l'exclusion des réserves créées à la demande du représentant de l'Etat- est prise par l'Assemblée de Corse, dans les mêmes formes que celles prévues pour le classement par l'article L. 332-4 du même code (publicité foncière, communication aux maires, notifications aux propriétaires). Ce déclassement peut être total ou partiel (paragraphe V complétant l'article L. 332-10 du code de l'environnement).

Régime des réserves naturelles volontaires

Les propriétaires désireux de faire protéger, sur leur propriété privée, les espèces de la faune sauvage et de la flore présentant un intérêt scientifique et écologique peuvent demander qu'elles soient agréées comme réserves naturelles volontaires par l'autorité administrative (article L.332-11 du code de l'environnement).

Le paragraphe VI de l'article 24 étend la compétence de la collectivité territoriale de Corse à l'agrément, après consultation des collectivités territoriales intéressées et avis du représentant de l'Etat, des propriétés privées qui deviendraient des réserves naturelles volontaires.

A cet article, votre commission spéciale vous proposera d'adopter un amendement tendant à rectifier une erreur matérielle qui, glissée à la fin du paragraphe VIII du projet de loi, a pour effet d'étendre la compétence de la collectivité territoriale de Corse à l'ensemble des réserves d'Etat visées par les procédures mentionnées aux articles L. 332-4, L. 332-6 et L. 332-7 du code de l'environnement, alors même que ces compétences ne lui étaient dévolues, dans le projet de loi initial, que pour les réserves qu'elle institue, et non pas pour celles dont la création relève de l'Etat. Cette erreur aurait pour effet de compliquer inutilement le régime des réserves naturelles.

Dispositions communes aux réserves naturelles classées et aux réserves naturelles volontaires

Les paragraphes VII et VIII de l'article 24 du projet de loi modifient les dispositions communes aux deux types de réserves naturelles existantes, dans un souci de cohérence par rapport aux dispositions qui élargissent les compétences de la collectivité territoriale de Corse en la matière.

Ils prévoient que l'Assemblée de Corse est compétente :

- lorsqu'elle crée une réserve naturelle, pour donner, le cas échéant, son accord pour l'établissement d'une servitude sur celle-ci, laquelle ne peut, selon le droit commun, être constituée qu'avec l'accord du ministre chargé de la protection de la nature (paragraphe VII, article L. 332-13 du code de l'environnement) ;

- pour délivrer l'autorisation nécessaire pour détruire ou modifier des territoires classés en réserve naturelle (article L. 332-9 du code de l'environnement) ;

- pour instituer des périmètres de protection autour des réserves naturelles (article L. 332-16 du même code) et qu'il revient au président du Conseil exécutif de publier l'acte de classement d'une réserve, de notifier au propriétaire l'intention de créer une réserve naturelle, de recevoir la notification de toute aliénation d'un immeuble situé dans un de ces espaces (respectivement pour l'application des articles L. 332-4, L. 332-6 et L. 332-7 du code de l'environnement), ces dispositions figurant au paragraphe VII de l'article 24 du projet de loi qui a fait l'objet d'un amendement de coordination adopté par l'Assemblée nationale.

Votre commission spéciale vous proposera de rectifier par un amendement une erreur matérielle qui s'est glissée à la fin du paragraphe VIII du projet de loi et qui a pour effet d'étendre la compétence de la collectivité territoriale de Corse à l'ensemble des réserves visées par les procédures mentionnées aux articles L. 332-4, L. 332-6 et L. 332-7 du code de l'environnement, alors même que ses compétences ne lui sont dévolues, comme le prévoyait le projet de loi initial, que pour les réserves qu'elle institue, et non pas pour celles dont la création relève de l'Etat.

III. ÉTABLISSEMENT DE LA LISTE DÉPARTEMENTALE DES MONUMENTS NATURELS ET DES SITES PROTÉGÉS (PARAGRAPHE IX)

Ce paragraphe , adopté sans modification par l'Assemblée nationale , donne compétence à l'Assemblée de Corse pour inscrire, par une délibération prise après avis du représentant de l'Etat, les monuments naturels et les sites qui présentent un intérêt du point du vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque , sur proposition du Conseil des sites.

L'article L. 341-1 du code de l'environnement dispose que, dans les conditions de droit commun, l'inscription sur la liste établie dans chaque département est prononcée par arrêté du ministre chargé des sites. Il prévoit que l'inscription entraîne l'obligation de ne pas procéder, sur les terrains intéressés, à des travaux autres que l'exploitation courante pour les fonds ruraux, et d'entretien normal pour les constructions.

IV. ÉLABORATION DES INVENTAIRES LOCAUX OU RÉGIONAUX DU PATRIMOINE FAUNISTIQUE ET FLORISTIQUE (PARAGRAPHE X)

L'article L. 411-5 du code de l'environnement prévoit que l'Etat peut décider l'élaboration d'inventaires locaux et régionaux du patrimoine faunistique et floristique , réalisés sous la responsabilité scientifique du Muséum national d'histoire naturelle.

Le paragraphe X de l'article 24 prévoit de conférer à la collectivité territoriale de Corse compétence pour demander l'élaboration des inventaires précités . L'Assemblée nationale y a adopté un amendement en vertu duquel la collectivité territoriale de Corse doit informer l'Etat de son projet. L'Etat conserve le pouvoir de demander à la collectivité de faire procéder à un inventaire et, s'il n'est pas fait droit à sa demande, de décider son élaboration dans les conditions prévues par le droit commun.

On notera que le patrimoine faunistique et floristique de la Corse est particulièrement riche. On a recensé 2.500 espèces floristiques dont 10 % sont uniques au monde. 190 zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) qui couvrent une superficie de 260.240 hectares y ont été créées, ainsi que 112 zones d'importance communautaire (ZICO) pour les oiseaux, lesquelles concernent 129.311 hectares.

Perspectives d'évolution de ces dispositions

Au cours de l'examen de l'article 24 par l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur a précisé que le Gouvernement était « prêt à poursuivre la concertation, pour éventuellement enrichir le texte d'ici à la première lecture au Sénat ».

Sous réserve de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 24
Coordination

Votre commission spéciale vous propose, par un amendement tendant à introduire un article additionnel après l'article 24, de supprimer, par coordination avec l'amendement présenté à l'article premier afin de supprimer les Offices, toute référence à l'Office de l'environnement, dans l'article L. 4424-18 du code général des collectivités territoriales.

Cet amendement prévoit, par coordination, que la convention antérieurement passée entre cet Office et le parc naturel régional (PNR) de Corse serait désormais conclue par ce PNR et la collectivité territoriale de Corse.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article additionnel.

Article 25-
Comité pour le développement, l'aménagement et la protection
du massif Corse

Cet article, auquel l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement rédactionnel , transfère au président du Conseil exécutif de Corse la présidence du comité de massif et confie à la collectivité territoriale la répartition des crédits du fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire destinés au massif Corse.

La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, a créé pour chacun des massifs de montagne, un comité chargé de favoriser le développement, l'aménagement et la protection, dénommé comité de massif . Ces comités, dont la composition est définie par décret en Conseil d'Etat, sont présidés par le représentant de l'Etat désigné pour assurer la coordination au sein du massif.

Chaque comité :

- définit les objectifs et précise les actions qu'il juge souhaitables pour le développement, l'aménagement et la protection du massif et facilite, par ses avis et ses propositions, la coordination des actions publiques et l'organisation des services publics ;

- concourt, par ses avis et ses propositions, à l'élaboration des dispositions relatives au développement économique, social et culturel du massif contenues dans les plans des régions concernées ;

- est consulté sur les priorités d'intervention, les conditions générales d'attribution des aides accordées par l'Etat et sur leur programmation ainsi que sur l'élaboration des prescriptions particulières de massif et sur les projets d'unités touristiques nouvelles ;

- est informé, chaque année, sur les programmes d'investissement de l'Etat, des régions, des départements et des établissements publics dans le massif, ainsi que sur les programmes de développement économique, notamment sur les programmes de développement agricole.

Compte tenu de l'importance des zones de montagne en Corse, l'article 25 du projet de loi procède à une adaptation des dispositions générales applicables aux comités de massif , en vertu de l'article 25 précité, pour renforcer les pouvoirs de l'Assemblée de Corse en matière d'aménagement de la montagne en :

- confiant au président du conseil exécutif de Corse la présidence du comité de massif ;

- attribuant à l'Assemblée de Corse compétence pour répartir les crédits destinés à la politique de la montagne ;

- confiant à l'Assemblée de Corse la compétence pour déterminer la composition et les règles de fonctionnement du comité de massif .

Présidence du comité de massif (alinéa 2, 1°)

Alors qu'en l'état du droit, le préfet coordinateur du massif préside le comité de massif, le deuxième alinéa (1°) de l'article 25 propose de désigner le président du Conseil exécutif de Corse en lieu et place du représentant de l'Etat à la présidence du comité.

Répartition, par l'Assemblée de Corse, des crédits consacrés à la montagne

Le projet de loi prévoit que les crédits de la section locale du fonds national d'aménagement et de développement du territoire feront l'objet d'une subvention globale à la collectivité territoriale de Corse, laquelle sera répartie par l'Assemblée de Corse, sur proposition du Conseil exécutif, après avis du représentant de l'Etat.

Le comité de massif sera informé de cette répartition grâce à un rapport annuel établi par le président du Conseil exécutif.

Compétence de l'Assemblée de Corse pour déterminer la composition et les règles de fonctionnement du comité du massif de Corse (alinéa 7 (3°))

En vertu du dernier alinéa de l'article 7 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée, un décret en Conseil d'Etat fixe la composition de chacun des comités de massif et leurs règles de fonctionnement.

Par dérogation à ces dispositions, le dernier alinéa de l'article 25 prévoit qu'en Corse, ces règles seraient déterminées par une délibération de l'Assemblée de Corse qui prévoira la représentation des personnes morales concernées par le développement, l'aménagement et la protection du massif et notamment celle de l'Etat, des autres collectivités locales de l'île et du parc naturel régional.

La question de la conformité de ces dispositions avec la jurisprudence constitutionnelle du 17 janvier 1989 est posée tant en ce qui concerne :

- la possibilité d'investir une collectivité locale du pouvoir de déterminer l'application de la loi en lieu et place d'une autorité de l'Etat ;

- que pour ce qui est de la portée « limitée » de cette habilitation, tant en ce qui concerne le champ d'application que le contenu.

Sans préjuger de la conformité de la dérogation instituée par cet article à la constitution, laquelle relève de l'appréciation souveraine du Conseil constitutionnel, votre commission spéciale, estime qu'aucune des spécificités géographiques, économiques ou culturelles de la Corse ne la justifient. Aussi vous présente-t-elle un amendement tendant à supprimer les deux derniers alinéas de ce texte.

Sous réserve de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Sous-section 2
De l'eau et de l'assainissement

Selon l'évaluation environnementale réalisée en 2000 par la préfecture de Corse et la collectivité territoriale de Corse 181 ( * ) , les capacités de traitement des eaux usées demeurent insuffisantes en Corse : 30 % de la pollution collectée est rejetée directement dans la nature, et notamment dans la mer. C'est dire l'importance de la question de l'eau et de l'assainissement en Corse. La sous-section 2 de la section 4 « De l'environnement et des services de proximité » du projet de loi s'intitule « De l'eau et de l'assainissement ». Elle est composée de deux articles, 26 et 27 qui insèrent respectivement un article L. 4424-36 au code général des collectivités territoriales et un alinéa à l'article L. 214-15 du code de l'environnement.

Article 26 -
(Article L. 4424-36 du code général des collectivités territoriales)
Planification de la ressource en eau

Cet article tend à permettre à la Corse de constituer, au plan juridique, un bassin hydrographique à part entière, doté d'un comité de bassin et d'un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux spécifiques .

I. LES SPÉCIFICITÉS DE LA CORSE EN TERMES DE GESTION DES EAUX

Bien que la Corse ait une pluviométrie moyenne importante, des ressources potentielles élevées et globalement bien réparties dans l'espace et des eaux d'une bonne qualité générale, ses ressources en eau sont réduites en période estivale, alors même que les besoins sont maximum tant pour la consommation humaine que pour les activités agricoles.

L'étude d'impact souligne :

- les importants risques d'inondations encourus en automne ;

- les dégradations localisées qui résultent de l'écoulement rapide des petits fleuves côtiers, de la montagne vers la mer.

La tarification de l'eau connaît, en outre, d'importantes disparités en Corse puisque si, selon l'étude d'impact, le prix moyen au mètre cube (pour une consommation annuelle de 120 m 3 ) est de 16,90 francs en Corse, contre 16,95 francs pour l'ensemble du bassin hydrographique Rhône-Méditerranée-Corse, on enregistre d'importantes disparités. En 1999, le prix au mètre cube à Ajaccio était de 15,02 francs contre 25,75 francs à Porto Vecchio, 20,74 francs à l'Ile Rousse et 11,26 francs à Ventiseri.

II. LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI EN MATIÈRE DE GESTION DES EAUX

L'article 26 du projet de loi tend à adapter le dispositif législatif de gestion de l'eau aux spécificités de la Corse en :

- confiant à la collectivité territoriale de Corse la compétence pour élaborer un schéma directeur d'aménagement de gestion des eaux dans le cadre d'un bassin hydrographique spécifique ;

- créant un comité de bassin exclusivement compétent pour la Corse ;

- permettant l'élaboration , dans chaque sous-bassin, d'un schéma de gestion et la constitution d'une commission locale de l'eau spécifiques .

Paragraphe I - Compétence de la collectivité territoriale de Corse pour élaborer un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et création d'un « bassin » spécifique

En vertu de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964, relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, la Corse relève, au plan administratif, du comité de bassin « Rhône-Méditerranée-Corse », ainsi que du comité de bassin, de l'agence de l'eau et de l'agence de bassin, compétents pour cette circonscription géographique.

Constatant la concordance entre le bassin hydrographique Corse et le ressort de la collectivité territoriale de Corse, considérant que la gestion de l'eau va de pair avec la compétence générale d'aménagement reconnue à cette collectivité, l'étude d'impact du projet de loi justifie le choix d'établir un SDAGE spécifique à la Corse par la volonté :

- d'améliorer l'adéquation entre les ressources , abondantes, mais très inégalement réparties dans l'année, et la demande marquée principalement pendant la saison touristique ;

- d'accroître et de préserver la qualité des milieux les plus fragiles , qui passe par la maîtrise de la pollution domestique puisque d'importants volumes sont directement rejetés dans le milieu marin ;

- de protéger le territoire contre des inondations , notamment à l'aval des vallées.

Tel est l'objet du premier paragraphe de l'article 26 du projet de loi initial qui donne une nouvelle rédaction à l'article L. 4424-36 du code général des collectivités territoriales. Il dispose que la Corse constitue un bassin hydrographique au sens des articles L. 212-1 à L. 212-6 du code de l'environnement. Alors qu'en vertu de l'article L. 212-2 de ce code, c'est le préfet qui a compétence pour élaborer le SDAGE , en Corse, ce document sera élaboré, à l'initiative de la collectivité territoriale de Corse par le comité de bassin de Corse . Celui-ci associe à ses travaux afin qu'ils lui communiquent toutes les informations utiles relevant de leur compétence :

- le représentant de l'Etat ;

- les conseils généraux ;

- le conseil économique, social et culturel de l'île ;

- et les chambres consulaires.

Conformément aux dispositions de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, le SDAGE de Corse fixe les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau , prenant en compte les principaux programmes arrêtés par les collectivités publiques et définit les objectifs de quantité et de qualité des eaux ainsi que les aménagements à réaliser pour les atteindre.

Le projet de SDAGE est successivement :

- arrêté par le comité de bassin ;

- soumis pour avis au représentant de l'Etat, aux Conseils généraux, au Conseil économique, social et culturel de Corse et aux chambres consulaires (qui doivent répondre dans un délai de quatre mois, faute de quoi leur avis est réputé favorable) ;

- adopté par le comité de bassin ;

- approuvé par l'Assemblée de Corse ;

- tenu à la disposition du public (au siège de l'Assemblée de Corse, dans les préfectures et les sous-préfectures).

Ce comité de bassin est, en outre, chargé de suivre la mise en oeuvre du schéma, qui est révisé tous les six ans dans les mêmes conditions que celles prévues pour son approbation.

Au I de cet article, l'Assemblée nationale a adopté deux modifications tendant à prévoir que la collectivité territoriale de Corse :

- « met en oeuvre une gestion équilibrée des ressources en eau » (premier alinéa), afin de rétablir un article qui figurait dans l'avant projet ;

- précise, par délibération de l'Assemblée de Corse, la procédure d'élaboration des schémas directeurs (dernier alinéa du I), étendant de ce fait le pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale de Corse.

Votre commission spéciale vous présente deux amendements à ce paragraphe, afin d'éviter :

- que le représentant de l'Etat ne soit enfermé dans un délai pour faire valoir ses éventuelles observations (troisième alinéa) ;

- que la collectivité territoriale détermine la procédure d'élaboration du schéma qui est fixée par l'article L 212-2 du code de l'environnement

Paragraphe II - Création d'un comité de bassin de Corse

Le deuxième paragraphe de cet article prévoit la création d'un comité de bassin de Corse dont il fixe la composition.

En vertu de l'article L. 213-2 du code de l'environnement, les comités de bassin sont consultés sur l'opportunité des travaux et aménagements d'intérêt commun envisagés dans leur zone de compétence ainsi que sur les différends susceptibles de survenir entre les collectivités ou groupements intéressés et de toutes les questions évoquées aux chapitres Ier à VII du titre 1 er du livre II du code de l'environnement, à savoir :

- l'eau et les milieux aquatiques ;

- la planification ;

- les structures administratives et financières ;

- les activités, les installations et l'usage de l'eau ;

- le régime spécifique des cours d'eau non domaniaux ;

- la sanction du non-respect des dispositions du code de l'environnement ;

- les dispositions qui intéressent la défense nationale.

Le texte du projet de loi initial prévoit que le comité de bassin de Corse est composé, d'une part, de représentants de la collectivité territoriale de Corse, des départements et des communes, et des représentants des usagers et de personnalités compétentes , qui doivent détenir au moins les deux tiers des sièges et, d'autre part, de membres désignés pour moitié par le représentant de l'Etat et pour moitié par la collectivité territoriale de Corse, notamment dans les milieux socio-professionnels.

Par rapport à l'article L. 213-2 du code de l'environnement, qui fixe la composition des comités de bassin, le texte du projet de loi initial ne contient que deux différences de fond . La première tient au fait que les membres issus des milieux socio-professionnels sont désignés pour moitié par l'Etat et pour moitié par la collectivité territoriale de Corse, alors que dans le texte en vigueur, l'Etat nomme la totalité des représentants choisis notamment parmi les milieux socioprofessionnels. La seconde consiste en ce que le texte du 1° de cet article est plus détaillé que celui du 1° de l'article L. 213-2 du code de l'environnement. Il vise, en effet, la nomination des représentants de la collectivité territoriale de Corse, des départements et des communes, tandis que le texte de l'article L. 213-2 précité ne vise que les représentants des régions « des collectivités locales » situées en tout ou partie dans le bassin.

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à confier à la collectivité territoriale de Corse la compétence de préciser, par une délibération, la composition et les règles de fonctionnement du comité de bassin de Corse , compétence qui relève, dans le droit commun, d'un décret en Conseil d'Etat en vertu du IV de l'article L. 213-2 du code de l'environnement. Celle-ci serait donc amenée à déterminer les règles de fonctionnement d'une entité dotée d'une compétence consultative sur des dispositions intéressant la défense nationale.

La question de la conformité de ces dispositions avec la jurisprudence constitutionnelle du 17 janvier 1989 se trouve une nouvelle fois posée tant en ce qui concerne :

- la possibilité d'investir une collectivité locale du pouvoir de déterminer l'application de la loi ;

- que pour ce qui est de la portée « limitée » de cette habilitation , tant en ce qui concerne le champ d'application que le contenu.

Votre commission spéciale vous propose, en conséquence d'adopter deux amendements à cet article afin :

- d'éviter que la CTC détermine les règles de fonctionnement du comité de bassin qui a, notamment, compétence consultative sur des dispositions intéressant la défense nationale ;

- de faire figurer les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de gestion de l'eau, parmi les entités susceptibles de voir leurs représentants désignés au comité de bassin.

Paragraphe III - Elaboration d'un schéma de gestion dans chaque sous-bassin par une commission locale de l'eau

Le troisième paragraphe de l'article 26 prévoit l'élaboration des schémas d'aménagement et de gestion des eaux et la constitution d'une commission locale de l'eau.

Deux types de documents de planification de la gestion des ressources en eau sont prévus par le code de l'environnement :

- les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ( SDAGE ) ;

- les schémas d'aménagement et de gestion des eaux ( SAGE ).

Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux fixe pour chaque bassin ou groupement de bassins les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau.

Il prend en compte les principaux programmes arrêtés par les collectivités publiques et définit, de manière générale et harmonisée, les objectifs de quantité et de qualité des eaux ainsi que les aménagements à réaliser pour les atteindre. Il délimite des sous-bassins correspondant à une unité hydrographique.

Etabli dans un sous-bassin ou un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique ou à un système aquifère, le schéma d'aménagement et de gestion des eaux fixe les objectifs généraux d'utilisation, de mise en valeur et de protection quantitative et qualitative des ressources en eau superficielle et souterraine et des éco-systèmes aquatiques, ainsi que de préservation des zones humides. Son périmètre est déterminé par le SDAGE ou, à défaut, arrêté par le préfet après consultation ou sur proposition des collectivités territoriales, et après consultation du comité de bassin.

Elaboration des SAGE

Le premier alinéa du paragraphe III de l'article 26 reprend des dispositions figurant à l'article L.212-3 du code de l'environnement. Il prévoit :

- la faculté d'établir un SAGE dans chaque sous-bassin ou groupement de sous-bassins présentant des caractères de cohérence hydrographique, écologique et socio-économique ;

- la détermination du périmètre de chaque SAGE par le SDAGE.

Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 213-3 précité et aux articles L. 212-1 et L. 212-2, le texte initial dispose que c'est la collectivité territoriale de Corse qui fixe le périmètre du SAGE (et non le préfet), après consultation de ce dernier, des départements, des communes ou de leurs groupements concernés et avis du comité de bassin. L'Assemblée nationale n'y a adopté qu'un amendement tendant à permettre au représentant de l'Etat de proposer à la collectivité territoriale de Corse le périmètre retenu pour le SAGE.

Création d'une commission locale de l'eau

La commission locale de l'eau est compétente pour l'élaboration, la révision et le suivi de l'application du SDAGE (article L. 212-4 du code de l'environnement).

Le projet de loi initial prévoyait que cette commission, qui est créée par le préfet, serait, en Corse, instituée par la collectivité territoriale de Corse. Le texte modifiait en outre, en partie, la composition de cette commission.

Comme les autres commissions locales de l'eau, celle de Corse aurait été composée pour moitié de représentants des collectivités territoriales autres que la collectivité territoriale de Corse ou de leurs groupements.

L'autre moitié de la commission aurait, en revanche, été composée de façon différente de celle retenue par le droit commun qui prévoit qu'elle compte :

- pour un quart, des représentants des usagers, des propriétaires riverains, des organisations professionnelles et des associations concernées, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date de la création de la commission et se proposant de favoriser la sauvegarde de tout ou partie des principes visés à l'article L. 211-1 ;

- pour un quart, des représentants de l'Etat et de ses établissements publics.

Le projet de loi initial substitue les membres de la commission désignés par la collectivité territoriale de Corse à ceux antérieurement désignés par l'Etat (un quart du total des membres).

Il ajoute les associations de protection de l'environnement à la liste des membres désignés , pour un quart du total de la commission, au titre des représentants des usagers, des propriétaires riverains, des organisations professionnelles. Ce faisant, il élargit le champ des associations de protection de l'environnement susceptibles de participer aux travaux de la commission locale de l'eau (il s'agit de représentants d'associations de protection de l'environnement « lato sensu » alors que le 2° de l'article L. 212-4-II en vigueur fait référence aux représentants d'associations régulièrement déclarées depuis cinq ans, dont les statuts correspondent à la sauvegarde des principes de protection de la ressource en eau).

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur qui réintroduit des représentants de l'Etat dans les commissions locales de l'eau , sans mettre en cause la prééminence conférée aux représentants de la collectivité territoriale de Corse . A cette fin, cette commission serait composée :

- pour 40 % de représentants des collectivités territoriales , autres que la collectivité territoriale de Corse, ou de leurs groupements ;

- pour 20 % de représentants de la collectivité territoriale de Corse ;

- pour 20 % de représentants des usagers , des propriétaires riverains, des organisations professionnelles concernées et des associations de protection de l'environnement ;

- pour 20 % de représentants de l'Etat et de ses établissements publics.

Modalités d'application de cet article

Le dernier paragraphe (IV) du texte de l'article 26 proposé par le projet de loi initial prévoyait qu'un décret en Conseil d'Etat déterminerait les modalités d'application de cet article. L'Assemblée nationale a modifié l'économie générale de cet article en supprimant ce IV et en ajoutant un alinéa à la fin du III, lequel prévoit que : « la collectivité territoriale de Corse fixe, par délibération de l'Assemblée de Corse, la composition et les règles de fonctionnement de la commission locale de l'eau ».

Une nouvelle fois se pose donc, selon votre commission spéciale, la question de la conformité de ces dispositions avec l'interprétation de la Constitution qui résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989, tant en ce qui concerne :

- la compétence de la CTC ;

- que le caractère « limité » de cette habilitation.

Votre commission spéciale vous présente trois amendements à cet article afin :

- d'éviter que la CTC ne détermine la représentation respective des diverses entités (dont l'Etat) qui participeront à la commission locale de l'eau ;

- de prévoir qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application de l'article 26 (ce qui figurait dans le projet de loi initial) ;

- de mentionner les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de gestion de l'eau, parmi les entités susceptibles de voir leurs représentants désignés au comité de bassin.

Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 27 -
(Article L.214-15 du code de l'environnement)
Tarification de l'eau

Cet article prévoit que la collectivité territoriale de Corse peut instituer une tarification ne comportant pas de termes directement proportionnels au volume d'eau consommé, compétence qui relève en principe du préfet.

I. LE RÉGIME DU PRIX DE L'EAU EN VIGUEUR (ARTICLE L.214-15 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT)

L'article L. 214-15 du code de l'environnement prévoit que toute facture d'eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné, et peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume, compte tenu des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement.

A titre exceptionnel , le texte permet au préfet , à la demande du maire, si la ressource en eau est naturellement abondante, et si le nombre d'usagers raccordés au réseau est suffisamment faible, ou si la commune connaît habituellement de fortes variations de sa population, d' autoriser la mise en oeuvre d'une tarification ne comportant pas de terme directement proportionnel au volume total consommé.

Ces modalités de calcul font l'objet de multiples critiques. Ainsi, dans un avis adopté en 2000, le Conseil économique et social estimait que : « cette définition est trop vague pour permettre un contrôle du contenu de la partie fixe alors que son montant, notamment dans le cas de faible consommation, aboutit à majorer substantiellement le prix du mètre cube fourni par rapport à une forte consommation » 182 ( * ) .

Le Conseil jugeait notamment souhaitable 183 ( * ) :

- « s'agissant du contenu de la partie fixe elle-même [d'établir] une liste limitative qui ne devrait pas aller au-delà des frais relatifs à l'entretien et au relevé des compteurs, ainsi qu'à l'établissement et au recouvrement des factures pour la consommation d'eau comme pour l'assainissement ;

- dans certaines situations, notamment pour les communes soumises à de forts taux de variation saisonnière de population [de permettre] à la collectivité responsable [...] de majorer cette part fixe qui devrait toutefois être encadrée ;

- des tarifs spéciaux dans certains cas particuliers, au vu des coûts différents du service du fait, des caractéristiques techniques ou temporelles de sa réalisation, pour permettre l'équilibre du budget du service ».

II. MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI INITIAL

Le projet de loi initial prévoit, qu'en Corse, à titre expérimental, les redevances d'eau et d'assainissement peuvent comporter :

- une part variable présentant un caractère de progressivité par tranche de consommation ;

- une part fixe, indépendante du volume d'eau consommé, qui tient compte de tout ou partie des surcoûts des installations de production, de stockage et de traitement nécessaires pour faire face aux fortes variations de consommation.

Considérant que « le dispositif proposé par le Gouvernement tentait d'anticiper de façon peut être un peu aventureuse sur la future loi sur l'eau », le rapporteur de l'Assemblée nationale a obtenu l'adoption d'un amendement qui selon ses propres termes « se contente de transférer à la collectivité territoriale de Corse la compétence qui revient actuellement au préfet sur le continent » 184 ( * ) .

C'est pourquoi, le texte transmis au Sénat dispose qu'en Corse le régime dérogatoire prévu par le second alinéa de l'article L. 214-15 précité aux termes duquel une tarification ne comportant pas de terme directement proportionnel au volume peut être instituée, sous certaines conditions, par le préfet, sera mis en oeuvre, le cas échéant, par la collectivité territoriale (et non par le préfet).

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Sous-section 3
Des déchets
Article 28 -
Plans d'élimination des déchets

Cet article tend à accroître les compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière d'élaboration des plans d'élimination des déchets.

Selon l'évaluation environnementale précitée 185 ( * ) le principal problème tenant à l'élimination des déchets résulte, en Corse :

- de la concentration de 40 % de la population dans deux pôles urbains (Ajaccio : 23,5 % et Bastia : 15,1 %) ;

- d'un habitat dispersé entre les villages qui ne facilite pas la collecte ;

- de ce que dans certaines zones, la population estivale est multipliée par 9 par rapport à la population résidente.

Au total, la masse de déchets à retraiter par les collectivités locales est évaluée à environ 150.000 tonnes par an. S'y ajoutent environ 150.000 tonnes de déchets industriels banals. Selon la même source 186 ( * ) , il n'existe en Corse que cinq décharges autorisées : deux en Haute-Corse, qui reçoivent 95 % des déchets du département et trois en Corse du Sud, qui drainent 5 % des déchets.

L'article 28 du projet de loi insère deux articles L. 4424-37 et L. 4424-38 au code général des collectivités territoriales pour remédier à cette situation.

Article L. 4124-37 du code général des collectivités territoriales
Compétences de la collectivité territoriale de Corse
pour l'élaboration des plans d'élimination des déchets

Cet article confie à la Corse la compétence pour élaborer des plans d'élimination des déchets.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

Les articles L. 541-13 et L. 541-14 du code de l'environnement prévoient l'élaboration de deux types de plans d'élimination des déchets , les uns au niveau régional ou interrégional, pour les déchets industriels spéciaux , les autres à l'échelon départemental ou interdépartemental, pour les déchets ménagers .

Le plan régional d'élimination des déchets industriels spéciaux comprend :

- un inventaire prospectif à terme de dix ans des quantités de déchets à éliminer selon leur origine, leur nature et leur composition ;

- le recensement des installations existantes et de celles qu'il apparaît nécessaire de créer ;

- les priorités à retenir pour éliminer ces déchets, compte tenu des évolutions économiques et technologiques prévisibles.

Le plan départemental ou interdépartemental d'élimination des déchets ménagers :

- dresse l'inventaire des types, des quantités et des origines des déchets à éliminer et des installations existantes de traitement ;

- recense les documents d'orientation et les programmes des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans le domaine des déchets ;

- énonce les priorités à retenir compte tenu notamment des évolutions démographiques et économiques prévisibles pour la création d'installations nouvelles et pour la collecte, le tri et le traitement des déchets.

En vertu des articles L. 541-13-V et L. 541-14-V du code de l'environnement, ces plans sont respectivement élaborés sous la responsabilité de l'Etat ou, à leur demande, par la région ou par le département .

II. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI

L'article L. 4424-37 du projet de loi initial prévoit que les deux types de plans d'élimination des déchets précités seront élaborés à l'initiative de la collectivité territoriale de Corse , par une commission composée de représentants :

- de la collectivité territoriale de Corse ;

- des départements ;

- des communes ou de leurs groupements ;

- des services et organismes de l'Etat ;

- des chambres consulaires ;

- des organisations professionnelles concourant à l'élimination des déchets ;

- des associations agréées de protection de l'environnement.

Les projets de plan seront en outre soumis :

- pour avis au Conseil économique, social et culturel de Corse ;

- et à une enquête publique.

Ils seront enfin approuvés par l'Assemblée de Corse.

Par rapport au régime juridique fixé par les articles L. 541-13 et L. 541-14 précités, le système institué par l'article L. 4424-37 du code général des collectivités territoriales renforce les pouvoirs de la collectivité territoriale de Corse . En effet, dans le droit commun, les plans d'élimination des déchets sont, comme on l'a vu ci-dessus, élaborés à l'initiative et sous la responsabilité de l'Etat, sauf demande expresse du département ou de la région.

Les pouvoirs de la commission chargée par la collectivité territoriale de Corse de préparer le plan sont supérieurs à ceux de la commission qui, dans le droit commun, est saisie pour avis sur le schéma régional ou de la « commission consultative » avec laquelle le schéma départemental est établi « en concertation » en vertu des articles L. 541-13-VI et L. 541-14-VI.

En revanche, la composition de la commission qui sera créée en Corse est analogue à celle prévue pour le reste du territoire par les articles précités (la seule précision est que l'article L. 4424-37 vise explicitement la participation de représentants des chambres consulaires).

La procédure d'adoption des documents est simplifiée, en Corse, puisqu'elle ne prévoit pas de consultation du conseil général, ou du conseil départemental d'hygiène (à la différence du dispositif retenu par le VII de l'article L. 521-14 précité).

Le seul amendement adopté par l'Assemblée nationale à cet article prévoit que les deux schémas régionaux et les schémas départementaux pourront, à l'initiative de l'Assemblée de Corse, être réunis dans un seul document.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article L. 4424-38 du code général des collectivités territoriales -
Compétence de la collectivité territoriale de Corse
pour déterminer les modalités et procédures d'élaboration,
de publication et de révision des plans d'élimination des déchets
et régime transitoire

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, est composé de deux paragraphes. Il transfère à la collectivité territoriale de Corse compétence pour déterminer les procédures d'élaboration , de publication et de révision des plans d'élimination des déchets ( paragraphe I ) et le régime transitoire applicable aux plans en cours d'élaboration (paragraphe II).

Le dernier alinéa de l'article L. 541-15 du code de l'environnement en vigueur prévoit que les modalités et procédures d'élaboration, de publication et de révision des plans sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat qui fixe notamment les modalités de la consultation du public, les mesures de publicité à prendre lors de leur élaboration et après leur adoption et la procédure simplifiée de révision applicable, dès lors que les modifications projetées n'en remettent pas en cause l'économie générale.

Le premier paragraphe de l'article L. 4424-38 prévoit que par dérogation à ces dispositions, les modalités d'élaboration, de publication et de révision seront fixées par délibération de l'Assemblée de Corse .

Votre commission spéciale vous propose de supprimer ces dispositions par un amendement .

Le second paragraphe dispose, quant à lui, que les plans d'élimination des déchets en cours d'élaboration à la date de publication de la loi seront approuvés dans les conditions prévues avant sa promulgation. Ils resteront applicables, de même que ceux qui sont approuvés jusqu'à leur révision.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter l'article 28 du projet de loi ainsi modifié.

Sous-section 4 -
De l'énergie
Article 29
Coordination

Cet article , auquel l'Assemblée nationale n'a pas apporté de modification, procède à une nouvelle numérotation des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière d'énergie.

Ces compétences sont précisées par l'article L. 4424-33 du code général des collectivités territoriales auquel l'article 28 n'apporte pas de modification de fond. Tout au plus procède-t-il à une nouvelle numérotation :

- de la sous-section 7 de la section 6 du chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, laquelle devient la sous-section 4 de la section 4 ;

- de l'article L. 4424-33 qui, devenu l'article L. 4424-39 du code général des collectivités territoriales en vertu du paragraphe VIII de l'article 14, prend place dans la sous-section 4 précitée.

Votre commission spéciale vous demande d'adopter cet article sans modification.

TITRE II
DES MOYENS ET DES RESSOURCES
DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE

CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX SERVICES ET AUX PERSONNELS

Article 30
Transfert ou mise à disposition des services et des biens de l'Etat correspondant aux compétences transférées

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend à organiser les conditions dans lesquelles les agents et les services de l'Etat qui participent à l'exercice des compétences transférées par le présent projet de loi à la collectivité territoriale de Corse seront mis à disposition de celle-ci.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agit de reprendre le principe posé par l'article 7 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 selon lequel les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales s'accompagnent non seulement d'un transfert de ressources, mais également de celui des services nécessaires à l'exercice de ces compétences.

Les modalités du transfert aux collectivités locales des services ou parties de services de l'Etat nécessaires à la mise en oeuvre des compétences qui leurs sont confiées ont été fixées initialement par la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 . Celle-ci a servi de référence pour les transferts de services consécutifs aux nouveaux transferts d'attributions opérés par la loi du 13 mai 1991 (article L. 4422-30 du code général des collectivités territoriales et articles R. 4422-31 et suivants).

Selon les informations fournies à votre rapporteur par le Gouvernement, ont été transférés les services suivants 187 ( * ) :

- au sein des directions régionale ou départementales de l'équipement, ceux affectés aux tâches de programmation, étude, suivi financier, comptabilité, acquisitions financières, contentieux en matière de voirie nationale (40 emplois) ;

- au sein de la direction régionale des affaires culturelles, ceux chargés des travaux de conservation des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat (4 emplois) ;

- au sein de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt, ceux chargés des compétences transférées à l'office d'équipement hydraulique de corse et à l'office de développement agricole et rural de Corse (6 emplois).

Cependant, comme l'ont montré les débats à l'Assemblée nationale 188 ( * ) , les transferts des services se sont heurtés à de nombreuses difficultés et à une certaine réticence des administrations centrales de l'Etat.

Le projet de loi initial prévoyait que les services de l'Etat qui participent à l'exercice des compétences transférées à la collectivité territoriale de Corse en application du présent projet de loi seront mis à disposition ou transférés à celle-ci, dans les conditions de droit commun 189 ( * ) .

Ainsi, les services de l'Etat sont d'abord mis à disposition, en tant que de besoin . Les services chargés exclusivement de la mise en oeuvre d'une compétence nouvellement attribuée à la collectivité territoriale de Corse seront transférés à celle-ci. Le président du conseil exécutif pourra disposer des services de l'Etat et adresser directement aux chefs de service les instructions nécessaires. L'Etat mettra gratuitement à la disposition de la collectivité les biens meubles et immeubles qu'il utilise pour l'exercice des compétences transférées.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 30 sans modification.

Article 31
Mise à disposition provisoire
des agents des services transférés

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend à mettre en oeuvre la première étape prévue par l'article 30, à savoir la mise à disposition provisoire des agents de l'Etat travaillant dans les services transférés.

Conformément au droit commun de la décentralisation 190 ( * ) , dès le transfert des services effectués en application de la nouvelle loi, les fonctionnaires et agents non titulaires de l'Etat exerçant leurs fonctions dans ces services seront de plein droit mis à disposition de la collectivité territoriale de Corse à titre individuel. Ils demeureront dans cette position jusqu'à ce que leur situation statutaire soit définitivement réglée (voir articles suivants).

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 31 sans modification.

Article 32
Droit d'option des fonctionnaires des services transférés

Cet article tend à organiser les conditions dans lesquelles sera fixé le statut définitif des fonctionnaires des services de l'Etat transférés à la collectivité territoriale de Corse.

Les fonctionnaires initialement mis à disposition dans le cadre de l'article 31 du présent projet de loi se verront ouvrir un droit d'option , leur permettant de choisir de devenir fonctionnaires territoriaux ou de rester fonctionnaires de l'Etat.

Ce droit d'option s'exerce dans le délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi relative à la Corse. A défaut d'option , l'agent est réputé avoir opté pour le maintien de son statut antérieur. Les intéressés disposent d'un délai de six mois pour confirmer ou modifier leur option initiale. Si les fonctionnaires modifient leur option initiale, il est fait droit à leur demande dans l'année qui suit cette nouvelle option.

Si les fonctionnaires ont opté pour le statut de la fonction publique territoriale, il est fait droit à leur demande dans un délai maximal d'un an 191 ( * ) à compter de la date de réception de celle-ci.

Dans les conditions de droit commun 192 ( * ) , les fonctionnaires de l'Etat qui seront réputés avoir opté, ou qui ont expressément opté pour le maintien de leur statut antérieur disposeront d'un délai de trois mois à compter de la date d'expiration du délai d'exercice du droit d'option pour demander soit à être placés en position de détachement de longue durée dans un emploi de la collectivité ; dans ce cas, ils ont priorité pour y être détachés ; soit à être affectés dans un emploi de l'Etat. Il est fait droit à leur demande dans un délai maximal d'un an à compter de la date de réception de celle-ci, dans la limite des emplois vacants. Passé ce délai de trois mois, les fonctionnaires sont réputés avoir choisi le détachement.

L'intégration et le reclassement dans les cadres d'emplois des fonctionnaires ayant opté pour la fonction publique territoriale s'effectueront en application des règles prévues par chacun des statuts particuliers.

Les services antérieurement accomplis par les fonctionnaires de l'Etat qui ont opté pour la fonction publique territoriale seront assimilés à des services accomplis dans celle-ci.

Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a porté de un à deux ans le délai pendant lequel les fonctionnaires de l'Etat pourront exercer leur droit d'option.

Votre commission spéciale vous proposé d'adopter l'article 32 sans modification.

Article 33
Droit d'option des agents non titulaires des services transférés

Cet article a le même objet que le précédent mais concerne les agents non titulaires de l'Etat exerçant leurs fonctions dans un service transféré à la collectivité territoriale de Corse.

Un délai d'option d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi est ouvert. Les agents pourront demander soit à demeurer agents non titulaires de l'Etat, soit à se voir reconnaître la qualité d'agents non titulaires de la collectivité territoriale de Corse. Il est fait droit à leur demande dans un délai maximal d'un an 193 ( * ) à compter de la date de réception de celle-ci, dans la limite des emplois vacants. A défaut d'option, l'agent est réputé avoir choisi la qualité d'agent non titulaire territorial 194 ( * ) .

Les agents de l'Etat qui se seront vus reconnaître la qualité d'agents non titulaires de la collectivité en application du présent article conserveront le bénéfice de leur contrat de travail antérieur . Les services antérieurement accomplis par ces agents sont assimilés à des services accomplis dans la collectivité d'accueil.

Le dispositif proposé s'apparente à celui de l'article 123-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, mais les délais sont plus favorables.

Par coordination avec l'article 32, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a porté d'un à deux ans le délai d'exercice du droit d'option.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement de précision et vous propose d'adopter l'article 33 ainsi modifié.

Article 33 bis (nouveau)
Titularisation des agents non titulaires de l'Etat
dont le service est transféré à la collectivité territoriale de Corse

Introduit sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, cet article tend à concilier la titularisation des agents non titulaires de l'Etat avec leur droit d'option pour la fonction publique territoriale.

Selon les explications fournies par le Gouvernement, sans un tel dispositif, le maintien de l'éligibilité des agents de l'Etat concernés au dispositif de la loi du 3 janvier 2001 aurait pu être remis en cause.

Ainsi, les agents non titulaires de l'Etat, qui remplissent les conditions fixées par la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, pourront dans un premier temps se faire titulariser dans la fonction publique de l'État, puis dans un deuxième temps exercer leur droit d'option entre fonction publique territoriale et fonction publique de l'État. Ce droit d'option serait ouvert pour une durée de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi relative à la Corse.

Il convient de rappeler que la loi du 3 janvier 2001 a fixé un délai de cinq ans à compter de sa publication pour l'organisation des concours réservés et des examens professionnels destinés aux agents non titulaires de l'Etat ayant trois ans d'ancienneté et remplissant les conditions de titres et diplômes 195 ( * ) . En conséquence, ces concours pourront être organisés jusqu'au 4 janvier 2006 196 ( * ) .

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 33 bis sans modification.

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX TRANSFERTS
DE BIENS ET DE RESSOURCES

Article 34
(art. L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales)
Compensation des charges

Le présent article traite des modalités de détermination des sommes versées par l'Etat à la collectivité territoriale de Corse en compensation des transferts de compétences auxquels procède le présent projet de loi.

Le I du présent article rappelle que la loi s'applique. Il dispose en effet que « les charges financières résultant pour la collectivité territoriale de Corse des compétences transférées en application de la présente loi sont compensées dans les conditions fixées par l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales ». Ce rappel n'est pas codifié au code général des collectivités territoriales et n'apporte rien au droit en vigueur. Votre commission spéciale vous propose un amendement supprimant le I de cet article.

La rédaction actuelle de l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales transpose aux transferts de compétences à la collectivité territoriale de Corse les règles générales en matière de compensation , prévues aux articles L. 1614-1 à L. 1614-5 du même code. Il dispose que « les charges financières résultant pour la collectivité territoriale de Corse des compétences transférées en application du présent titre [ le titre II du livre IV du code général des collectivités territoriales consacré à la collectivité territoriale de Corse ] font l'objet d'une attribution par l'Etat de ressources d'un montant équivalent ». Ce montant est constaté par arrêté des ministres du budget et de l'intérieur, pris après avis de l'équivalent corse de la commission consultative d'évaluation des charges (CCEC), présidée par le président de la chambre régionale des comptes.

L'article L. 4425-2 prévoit aussi que « les ressources attribuées sont équivalentes aux dépenses effectuées à la date du transfert ». A compter du transfert, ces sommes évoluent comme la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Le II du présent article modifie l'article L. 4425-2 pour introduire une dérogation à la règle selon laquelle les ressources transférées correspondent au coût pour l'Etat de l'exercice de la compétence à la date du transfert.

Il est proposé, pour les dépenses d'investissement 197 ( * ) résultant des transferts de compétences réalisés par le présent projet de loi, de calculer la compensation en prenant en compte, non pas les dépenses de l'Etat à la date du transfert (en réalité, l'année précédant la première année d'exercice de la compétence par la collectivité territoriale de Corse), mais la « moyenne actualisée des crédits précédemment ouverts au budget de l'Etat au titre des investissements exécutés ou subventionnés au cours des cinq années précédant le transfert de compétence » 198 ( * ) .

L'adéquation entre la compensation et le coût qui résultera pour la collectivité territoriale de Corse de l'exercice des compétences transférées dépendra donc des montants consacrés par l'Etat aux différents domaines entre 1997 et 2001. Lorsque l'État se sera désintéressé d'une politique, les ressources transférées seront mécaniquement insuffisantes pour que la collectivité territoriale de Corse puisse exercer la compétence dans des conditions normales sans avoir à puiser dans ses ressources propres.

Cette dérogation aux règles applicables en matière de compensation est motivée par le caractère parfois erratique des dépenses d'investissement . Une moyenne sur une période significative permettrait en effet d'avoir une image plus précise du coût réel pour l'Etat de l'exercice de la compétence.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que cette méthode avait déjà été retenue à plusieurs reprises , par exemple par l'article 7 de la loi n° 90-587 du 4 juillet 1990 relative aux droits et obligations de l'Etat et les départements concernant les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ou, plus récemment, par la loi n°2000-1207 d'orientation pour l'outre-mer, pour calculer la compensation versée aux régions du transfert de la compétence en matière de routes nationales.

Les compétences transférées pour lesquelles la compensation sera ainsi calculées sont « notamment » la construction, l'équipement et l'entretien des établissements d'enseignement supérieur (en application de l'article L. 4424-4 du code général des collectivités territoriales), la gestion des biens meubles et immeubles affectés aux IUFM (article L. 722-17 du code de l'éducation), le patrimoine et les monuments historiques (article L. 4424-7 du code général des collectivités territoriales), les ports (article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales), les aérodromes (article L. 4424-23 du code général des collectivités territoriales) et le réseau ferré (article L. 4424-24 du code général des collectivités territoriales).

Votre rapporteur s'interroge sur le caractère non exhaustif de cette liste, mis en évidence par l'emploi du terme « notamment ». Votre commission spéciale vous propose deux amendements prévoyant que l'ensemble des dépenses d'investissement transférées par le présent projet de loi est compensé selon les règles de l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales.

En outre, le texte proposé par le présent article pour modifier l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales ne fait pas référence à la compensation du transfert de la compétence en matière forestière . L'article 21 du présent projet de loi prévoit pour cette compétence un mode de calcul de la compensation dérogatoire au droit commun sans codifier ce calcul. On peut se demander si, dans la rédaction actuelle du présent article et de l'article 21, la commission consultative d'évaluation des charges aura à connaître de l'évaluation des charges résultant du transfert de la compétence en matière forestière.

Votre commission spéciale vous propose un amendement intégrant à l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales le mode de calcul de la compensation du transfert de compétence en matière forestière.

Sous le bénéfice de ces observations, et de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article.

Article 35
(art. L. 4422-45 du code général des collectivités territoriales)
Transferts de biens de l'Etat dans le patrimoine
de la collectivité territoriale de Corse

Cet article vise à insérer une section 7 intitulée « Biens de l'Etat transférés dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse » dans le chapitre 2 du titre II du livre IV du code général des collectivités territoriales relatif à l'organisation de la collectivité territoriale de Corse.

1. Le projet de loi initial

Il prévoit, dans un nouvel article L. 4422-25, les conditions dans lesquelles s'effectueront les transferts à la collectivité territoriale de Corse de biens appartenant à l'Etat et attachés à des compétences qu'elle exerce actuellement ou qui lui sont dévolues par le projet de loi.

Il s'agit des monuments historiques classés ou inscrits sur le territoire de Corse, ainsi que des objets mobiliers qu'ils renferment, des sites archéologiques et des objets mobiliers qui en sont issus 199 ( * ) (la liste de ces biens immobiliers et sites sera fixée par décret en Conseil d'Etat), des biens des ports d'Ajaccio et de Bastia, des biens des aérodromes d'Ajaccio, de Bastia, de Calvi et de Figari (à l'exception des emprises et installations réservées à l'Etat pour les besoins de la défense nationale, de la sécurité de la circulation aérienne et de la sécurité civile), du réseau ferré , des équipements hydrauliques 200 ( * ) , des forêts et terrains à boiser appartenant au domaine privé de l'Etat 201 ( * ) .

Ces transferts s'effectueront à titre gratuit et seront exemptés de tous frais, droits ou taxes. Votre rapporteur relève qu'il s'agit d'une innovation par rapport aux lois de décentralisation . La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat avait, en effet, retenu le principe d'une mise à disposition -également à titre gratuit-, et non d'un transfert de propriété, des biens de l'Etat attachés aux compétences transférées, dans l'attente d'une loi ultérieure prévoyant un transfert de patrimoine, qui n'a jamais été adoptée. Plus récemment, la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale n'a prévu, elle aussi, que la mise à disposition des établissements publics de coopération intercommunale des biens nécessaires à l'exercice des compétences qui leur sont transférées par les communes 202 ( * ) .

Selon les explications données par M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, le Conseil d'Etat aurait considéré, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, que le transfert du patrimoine de l'Etat à une autre collectivité publique ne posait pas de difficulté juridique au regard des principes de domanialité publique . Il aurait également indiqué que les conditions de ce transfert relevaient du domaine des lois de finances au regard de l'article 34 de la Constitution et de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Ainsi, cet article envisage l'intervention d'une loi de finances pour assurer la mise en oeuvre des transferts de patrimoine entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse.

Par ailleurs, il précise que ces transferts auront lieu selon les mêmes modalités pratiques que celles prévues en 1991 pour la mise à disposition de la collectivité territoriale de Corse des biens de l'Etat, en renvoyant à l'actuel article L. 4422-31 qui deviendrait l'article L. 4422-44 du code général des collectivités territoriales en application de l'article 3 du présent projet de loi. Les transferts devront être constatés par un procès verbal précisant la consistance, la situation juridique et l'état des biens remis. La collectivité territoriale de Corse sera substituée à l'Etat dans les contrats de toute nature que celui-ci avait conclus.

2. Les travaux de l'Assemblée nationale

A l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a institué un « droit de priorité » de la collectivité territoriale de Corse en cas de décision de l'Etat d'aliéner un bien immobilier situé en Corse présentant un intérêt culturel ou historique et faisant l'objet d'une procédure de déclassement de son domaine public.

L'Etat devra lui notifier cette décision, ainsi que le prix de vente estimé par le directeur des services fiscaux. La collectivité territoriale disposera de deux mois pour se porter acquéreur ; dans ce cas, l'aliénation du bien en cause ne sera pas soumise aux droits de préemption, sinon la vente sera effectuée dans les conditions de droit commun.

3. La position de votre commission spéciale

Tout en souscrivant aux dispositions proposées, votre commission spéciale s'interroge sur la nécessité d'encadrer ce transfert de propriété dans la loi de finances et sur les conditions qui devraient ainsi être fixées.

Le projet de loi de finances pour 2002 ne prévoit d'ailleurs aucune disposition sur ce point. Aucune explication n'a pu être fournie à votre rapporteur. C'est la raison pour laquelle, dans un souci de clarification, votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à supprimer cette disposition selon laquelle les conditions du transfert des biens seront déterminées par la loi de finances.

Elle observe, par ailleurs, que la collectivité territoriale de Corse semble nourrir de légitimes inquiétudes sur l'état d'entretien des biens dont la propriété lui sera transférée.

Sans parler des travaux de restauration et de gros entretien, les seules charges d'entretien courant de la cathédrale et de la chapelle d'Ajaccio, de l'abri d'Araguina à Bonifacio, du site de Cucuruzzu à Levie et de celui d'Aleria s'élèveraient à 400.000 francs par an, selon les indications fournies à votre rapporteur.

L'article 21 du projet de loi prévoit explicitement une compensation financière pour le transfert des forêts domaniales. En revanche, l'article 34 ne parle de compensation que pour les compétences transférées. Faut-il comprendre que l'entretien des biens constitue une dimension de l'exercice des compétences, ce qui expliquerait le silence du projet de loi ? S'agira-t-il alors des seules dépenses d'entretien courant ou prendra-t-on en compte les travaux de restauration des biens délabrés ? L'absence de précision signifie-t-elle au contraire que seul le transfert de la propriété des forêts domaniales fera l'objet d'une compensation financière, puisque l'article 21 la prévoit expressément ?

Tout amendement tendant à lever cette interrogation serait déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution qui interdit au Parlement d'aggraver les charges de l'Etat. Il reviendra donc au Gouvernement d'éclairer les travaux du Sénat en séance publique et de proposer, si nécessaire, les dispositions de nature à doter la collectivité territoriale de Corse des moyens financiers d'exercer ses nouvelles compétences.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 35 ainsi modifié .

Article 36
(art. L. 4425-4 du code général des collectivités territoriales)
Dotation de continuité territoriale

Le présent article traite de l'utilisation par l'office des transports de la Corse des reliquats constatés au titre l'utilisation de la dotation de continuité territoriale.

I. LE DROIT ACTUEL

A. LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE LA CONTINUITÉ TERRITORIALE

L'article L. 4424-27 du code général des collectivités territoriales dispose que le principe de continuité territoriale est destiné « à atténuer les contraintes de l'insularité » par, selon les termes de l'article L. 4424-28, « des dessertes dans des conditions d'accès, de qualité, de régularité et de prix » qui ne seraient pas de nature à handicaper la Corse par rapport aux autres parties du territoire national.

Ce principe est apparu pour la première fois en 1975. Il était au départ conçu pour s'appliquer au seul transport maritime et a été étendu en 1978 au transport aérien.

L'article L. 4424-29 du code général des collectivités territoriales prévoit l'existence d'un établissement public à caractère industriel et commercial, sous la tutelle de la collectivité territoriale de Corse, dénommé office des transports de la Corse. Il est présidé par un conseiller exécutif nommé par le président du conseil exécutif.

L'office est chargé de répartir entre les compagnies de transport concessionnaires du service public (la collectivité territoriale de Corse étant l'autorité concédante) les crédits de la dotation de continuité territoriale (DCT), dont l'article L. 4425-4 du code général des collectivités territoriales précise qu'elle fait l'objet d'un concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) de la collectivité territoriale de Corse.

Les compagnies entre lesquelles l'office répartit les crédits sont celles avec lesquelles il a conclu des conventions quinquennale définissant les tarifs, les conditions d'exécution, la qualité de service ainsi que leurs modalités de contrôle.

Les crédits de la DCT sont délégués chaque année au préfet, qui les mandate au profit de la collectivité territoriale de Corse, qui elle-même les reverse à l'office. Ces crédits, au sein de la DGD de la collectivité territoriale de Corse, sont « spécialisés » et ne peuvent être utilisés pour un autre objet que d'être répartis par l'office.

Les crédits de la dotation de continuité territoriale s'établissaient à 825 millions de francs en 1992 et à 1.018 millions de francs en 2001, soit une progression de 23 %.

En 2000 203 ( * ) , l'office a réparti les crédits de la DCT de la manière suivante :

Compagnies maritimes

Compagnies aériennes

SNCM

CMN

Air France

Cie corse méditerranée

Air liberté

Diverses Cies de bord à bord

560,182

148,173

108,509

31,933

14,111

170

708,355

324,553

1.032,908

Si les entreprises de transport public aérien et maritime desservant l'île bénéficient des crédits de la dotation de continuité territoriales, elles sont par ailleurs soumises depuis 1993, en application des dispositions de l'article 1599 vicies du code général des impôts, à une taxe sur les embarquements et débarquements. Cette taxe, dont le produit s'établissait en 2000 à 120 millions de francs, est perçue au profit de la collectivité territoriale de Corse.

B. L'IMPACT ECONOMIQUE DE LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE

Votre rapporteur a demandé au Gouvernement de mesurer l'impact économique de la dotation de continuité territoriale. Il a reçu la réponse suivante :

« Le rapport parlementaire de MM. Glavany et Paul précise à cet égard que la dotation de continuité territoriale a atteint ses objectifs en assurant des liaisons fréquentes et en offrant des tarifs avantageux 204 ( * ) .

« La mise en oeuvre du principe de continuité territoriale a en effet, sur le plan social, facilité le déplacement des personnes, et sur le plan économique, permis de réduire l'écart des prix avec ceux du continent en facilitant une meilleure homogénéisation des circuits commerciaux. Il a par ailleurs contribué au développement économique général de l'île au travers de la création de nombreux emplois directs (par exemple, pour la seule CCM de 463 personnes en 1998) ou indirects dans les entreprises de services locales (alimentation, entretien, etc.).

« Le rapport souligne toutefois le caractère non optimal de la gestion de la continuité territoriale.

« Des surcoûts sont mis en exergue, en particulier pour le transport maritime.

« La desserte aérienne suscite également quelques interrogations sur la pertinence du choix de certains concessionnaires et sur l'existence de sureffectifs au sein de certaines compagnies. »

C. L'EXISTENCE DE RELIQUATS DE CRÉDITS

La répartition des crédits de la dotation de continuité territoriale par l'office des transports fait apparaître un reliquat dont le montant s'élevait en 1998 à 140 millions de francs et 2000 à 210 millions de francs .

L'existence de ce reliquat peut paraître surprenante puisque l'office est censé répartir l'ensemble des crédits qu'il reçoit de la collectivité territoriale de Corse. L'explication provient, comme l'a indiqué le Gouvernement à votre rapporteur, « de la non concordance entre le taux de croissance de la dotation de continuité territoriale, d'une part, et les modalités de calcul du versement conventionnel de l'office des transports aux entreprises concessionnaires, d'autre part ».

A l'heure actuelle, l'office des transports ne peut pas utiliser ces sommes car l'article L. 4425-4 du code général des collectivités territoriales ne prévoit pour les crédits de la DCT pas d'autre utilisation que la répartition entre les compagnies concessionnaires. La répartition ne peut être modifiée que, d'une part, dans le but de maintenir sa compatibilité avec les engagements contractés dans le cadre des conventions conclues avec les concessionnaires et, d'autre part, afin de ne pas affecter l'équilibre financier de ces compagnies.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que, dans les années à venir, la renégociation des concessions pourrait se traduire par un accroissement du montant des reliquats.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier l'article L. 4425-4 du code général des collectivités territoriales, relatif à la dotation de continuité territoriale, de manière à prévoir une affectation pour les reliquats.

Il est proposé qu'ils soient « affectés à la réalisation d'équipements portuaires et aéroportuaires affectés au transport et à l'accueil de voyageurs et de marchandises ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

A. LES AMBIGUITÉS DE LA POSITION DU GOUVERNEMENT S'AGISSANT DE L'AVENIR DES OFFICES

Le présent article ne remet pas en cause la « spécialisation » de la dotation de continuité territoriale au sein de la dotation générale de décentralisation de la collectivité territoriale de Corse, pas plus que son affectation intégrale à l'office des transports.

Sur ce point, le Gouvernement considère qu'il convient de s'inscrire dans le droit actuel, dans lequel l'office des transports existe, et de ne pas anticiper l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 40 du présent projet de loi, selon lequel « la collectivité territoriale de Corse est substituée aux offices et à l'agence de tourisme à compter du 1 er janvier 2004, sauf délibération contraire de l'Assemblée de Corse ».

Cette position est en contradiction avec les dispositions de l'article 39 du présent projet de loi, dont l'objet est de « fondre » dans la masse de la DGD de la collectivité territoriale de Corse les crédits destinés au financement de l'office agricole et de l'office hydraulique.

Elle a pour conséquence d'interdire à la collectivité territoriale de Corse d'utiliser librement les reliquats de la dotation de continuité territoriale, et de laisser l'Etat déterminer à quelles fins ces crédits devront être employés.

Dans la rédaction actuelle du présent projet de loi, si la collectivité territoriale de Corse ne se prononçait pas avant le 1 er janvier 2004 en faveur du maintien de l'office des transports, une modification de l'article L. 4425-4 du code général des collectivités territoriales serait alors nécessaire pour « déspécialiser » les crédits de la dotation de continuité territoriale au sein de la DGD de la collectivité territoriale de Corse.

B. TIRER LES CONSÉQUENCES DE LA SUPPRESSION DES OFFICES À L'ARTICLE 40 EN AFFECTANT LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE A LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE

A l'article 40 du présent projet de loi, votre commission spéciale vous propose un amendement portant dissolution des offices et ouvrant la possibilité à la collectivité territoriale de Corse de créer, si elle le souhaite, des établissements publics industriels et commerciaux.

Dans ces conditions, il n'est plus envisageable de continuer à affecter les crédits de la dotation de continuité territoriale à un office qui sera dissout.

Votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à transférer à la collectivité territoriale de Corse l'exercice de toutes les prérogatives de l'office des transports, et à permettre à celle-ci d'utiliser les reliquats de la dotation de continuité territoriale pour financer la réalisation ou la modernisation d'équipements portuaires ou aéroportuaires. La rédaction du présent article issue de la première lecture à l'Assemblée nationale ne prévoit que la possibilité de financer la réalisation de tels équipements.

Sous le bénéfice de ces observations, et de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article.

Article 37
(art. L. 4425-5 à L. 4425-8 du code général des collectivités territoriales)
Financement du plan d'aménagement et de développement durable

Le I du présent article procède à la renumérotation d'articles existants du code général des collectivités territoriales de manière à tenir compte de l'insertion dans ce code, par le II du présent article, d'un nouvel article L. 4425-5.

Le texte proposé par le II du présent article pour l'article L. 4425-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que, pour l'établissement ou la révision du plan d'aménagement et de développement durable (PADU), instauré par le texte proposé par l'article 12 du présent projet de loi pour l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales, la collectivité territoriale de Corse peut bénéficier « du concours particulier de la dotation générale de décentralisation créé à l'article L. 1614-9 » du code général des collectivités territoriales.

L'article L. 1614-9 du code général des collectivités territoriales dispose que « les crédits précédemment inscrits au budget de l'Etat au titre de l'établissement et de la mise en oeuvre des documents d'urbanisme et des servitudes et qui correspondent aux compétences transférées font l'objet d'un concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation. Ils sont répartis par le représentant de l'Etat entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale de chaque département qui réalisent les documents d'urbanisme visés aux articles L. 121-1 et suivants du code de l'urbanisme, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ».

Le montant de ce concours particulier s'élève à 100,2 millions de francs en 2001, et son montant prévisionnel pour 2002 s'établit à 104,3 millions de francs.

Ce concours a été utilisé pour financer le schéma d'aménagement de la Corse en application du décret n° 84-260 du 9 avril 1984, pris en application de la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 portant statut particulier de la Corse.

L'article 59 de la loi du 13 mai 1991 portant statut particulier de la Corse prévoyait également le recours à ce concours particulier pour financer l'élaboration du schéma d'aménagement régional de la Corse. Un arrêté du 18 octobre 1994 a fixé à 1,2 million de francs le montant revenant à la collectivité territoriale de Corse pour financer les dépenses afférentes à ce schéma. Un premier versement de 600.000 francs a été réalisé mais, le schéma n'ayant jamais été finalisé, un reliquat de même montant est toujours disponible.

Cependant, le présent article ne prévoit pas de majoration du montant du concours particulier. Par conséquent, si le coût de l'élaboration du PADU s'avérait supérieur au reliquat de 600.000 francs actuellement disponible, un abondement de la dotation générale de décentralisation serait nécessaire.

Votre rapporteur s'interroge sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à ne pas inscrire l'élaboration et la révision du PADU dans le cadre juridique issu de la rédaction de l'article L. 121-7 du code de l'urbanisme retenue par la loi n° 2000-1208 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Cet article dispose en effet que :

- « les dépenses entraînées par les études et l'établissement des documents d'urbanisme sont prises en charge par les communes ou groupements de communes compétents pour leur élaboration. Ces dépenses font l'objet d'une compensation par l'Etat dans les conditions définies aux articles L. 1614-1 et L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales. » ;

- « les services extérieurs de l'Etat peuvent être mis gratuitement et en tant que de besoin à la disposition des communes ou des groupements de communes compétents, pour élaborer, modifier ou réviser les schémas de cohérence territoriale, les schémas de secteurs, les plans locaux d'urbanisme ou tout autre document d'urbanisme. Pendant la durée de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le maire ou le président de l'établissement public ainsi que, le cas échéant, avec les services de la commune ou de l'établissement public et les professionnels qualifiés travaillant pour leur compte. Le maire ou le président de l'établissement public leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie ».

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le premier alinéa de l'article L. 121-7 du code de l'urbanisme comporte une erreur de référence. En réalité, c'est le concours particulier prévu à l'article L. 1614-9 du code général des collectivités territoriales qui assure la compensation aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale. Le dispositif proposé par le présent article est donc cohérent sur ce point avec l'esprit de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains. Votre commission spéciale vous soumet un amendement corrigeant cet oubli de référence.

En revanche, le présent article ne prévoit pas la possibilité d'une mise à disposition des services de l'Etat. Votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à étendre à la collectivité territoriale de Corse la possibilité de bénéficier à titre gratuit de l'assistance des services de l'Etat.

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose, votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 38
(art. 34 de la loi de finances pour 1993, art. L. 4425-1
du code général des collectivités territoriales)
Ressources fiscales de la collectivité territoriale de Corse

Le présent article traite des modalités de financement de la compensation des transferts de compétences auxquels procède le présent projet de loi.

I. LE DROIT ACTUEL

Les principes, s'agissant de la compensation des transferts de compétences, sont fixés par les articles L. 1614-1 à L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales. Ils reposent sur l'idée que le mode financement prioritaire des transferts de compétences est le transfert concomitant d'impôts d'Etat et que, dans le cas où le produit des impôts transférés ne couvrirait pas le coût des charges transférées, l'ajustement est opéré par le versement d'une dotation budgétaire.

L'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales , qui traite plus spécifiquement des compensations versées à la collectivité territoriale de Corse, reprend le principe de la double source de financement des compétences transférées et dispose que « les charges transférées sont financées par le transfert d'impôt d'Etat et l'attribution de ressources budgétaires ».

En contrepartie des compétences qui lui ont été transférées depuis 1982, la collectivité territoriale de Corse bénéficie aujourd'hui du produit de la taxe sur les certificats d'immatriculation ( cartes grises ) et du produit de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur ( vignette ), en application de l'article 23 de la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 portant statut de la région de Corse, du produit des droits de consommation sur les alcools perçus en Corse, en application de l'article 34 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) et de 10 % du produit de la taxe intérieur sur les produits pétroliers ( TIPP ) mis à la consommation en Corse, en application de l'article 5 de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse.

II. LE DISPOSITIF PROPOSE

Le I du présent article propose de supprimer l'affectation à la collectivité territoriale de Corse du produit des droits de consommation sur les alcools perçus en Corse. Cette suppression s'explique par la volonté de confirmer le choix effectué ces dernières années de consacrer ces droits au financement de la sécurité sociale. Le produit perçu en Corse au titre des droits sur les actuels s'élève à environ 35,5 milliards de francs.

Le II propose d'afficher plus clairement que ne le fait la rédaction actuelle de l'article L. 4425-1 du code général des collectivités territoriales, qui établit la liste des ressources fiscales dont bénéfice la collectivité territoriale de Corse, l'affectation à la collectivité territoriale de Corse d'une fraction du produit de la TIPP perçu en Corse.

Le III modifie l'article 5 de la loi du 27 décembre 1994 de manière à porter de 10 % à 16 % la fraction du produit de la TIPP perçu en Corse qui alimente le budget de la collectivité territoriale de Corse.

Le produit attendu de la TIPP pour l'année 2001 s'établit à 826,8 millions de francs. Dans le droit actuel, 82,68 millions de francs seront reversés à la collectivité territoriale de Corse. Dans l'hypothèse où le présent article entrerait en vigueur, ce montant serait porté à 132,3 millions de francs.

Cette majoration a un double objet. En premier lieu, il s'agit de tenir compte de la suppression de l'affectation des droits sur les alcools, et de procurer à la collectivité territoriale de Corse une ressource équivalente. En second lieu, il s'agit de prendre en charge le coût des compétences transférées par le présent projet de loi.

Si ce montant devait se révéler insuffisant, le complément serait apporté par une majoration de la dotation générale de décentralisation dont bénéficie la collectivité territoriale de Corse.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

Votre rapporteur observe que les estimations du coût des compétences transférées à la collectivité territoriale de Corse disponibles aujourd'hui laissent penser que la répartition du financement des transferts de compétences entre ressources fiscales et DGD qui résulterait des dispositions du présent article accorderait à la fiscalité une place inférieure à ce qu'elle pourrait être .

Le montant exact du coût des transferts sera arrêté par le ministre du budget et le ministre de l'intérieur après avis de la commission consultative d'évaluation des charges. Cependant, un premier ordre de grandeur, établi sur la base des transferts en matière d'enseignement supérieur, de recherche, de culture, d'équipement, de sports, d'agriculture et d'environnement, a pu être communiqué à votre rapporteur par le Gouvernement.

Il en ressort que le coût des compétences transférées s'établit à 58 millions de francs.

Evaluation du coût des compétences transférées par le présent projet de loi

(en milliers de francs)

Fonctionnement valeur 2000

Investissement valeur 2000

Total valeur 2000

Total valeur 2002

Enseignement supérieur

14 600 000

14 150 000

28 750 000

30 944 254

Ens. Sup (recherche)

2 100 000

2 100 000

2 260 276

Culture

7 434 000

5 593 248

13 027 248

14 021 518

Euipement

260 000

1 895 716

2 155 716

2 320 244

Sports

1 296 800

0

1 296 800

1 395 774

Agriculture

4 600 000

0

4 600 000

4 951 081

Environnement

1 000 000

983 400

1 983 400

2 134 777

Total droit à compensation

29 190 800

24 722 364

53 913 164

58 027 924

Source : ministère de l'intérieur

Dans le projet de loi de finances pour 2002, 23,6 millions de francs sont inscrits au titre de la dotation générale de décentralisation (DGD), dont 9,6 millions de francs au budget du ministère de l'intérieur et 14 millions de francs au budget du ministère de la culture. Par conséquent, la fiscalité devrait être transférée à hauteur de la différence entre 58 millions de francs et 23,6 millions de francs, soit 34,4 millions de francs.

L'augmentation de 6 points de la part du produit de la TIPP perçu en Corse versée à la collectivité territoriale de Corse, qui représente environ 49 millions de francs, dont 35,5 millions de francs sont « préemptés » par la compensation de la suppression du versement à la collectivité territoriale de Corse des droits sur les alcools. Restent, pour financer les transferts de compétences, 13,5 millions de francs, soit plus de moitié moins que la somme nécessaire (34,4 millions de francs).

L'adoption en l'état des dispositions du présent article devrait conduire le Gouvernement, si les transferts de compétences étaient véritablement réalisés en 2002, à majorer la DGD en loi de finances rectificative de 20,6 millions de francs.

Il en résulterait que, pour 58 millions de francs de compensation de transferts de compétence, 44,5 millions de francs seraient pris en charge par la DGD et 13,5 millions de francs par la fiscalité. Une telle situation ne serait pas compatible avec la logique des lois de décentralisation, selon laquelle la compensation doit principalement être opérée par transfert de ressources fiscales.

Votre commission spéciale considère, en conséquence, qu'il serait opportun de majorer la fraction du produit de la TIPP perçu en Corse de manière à financer intégralement le solde entre le coût total des compétences transférées et les crédits inscrits au titre de la DGD dans le projet de loi de finances pour 2002 , soit 34,4 millions de francs.

Sachant que le projet de loi prévoit déjà la prise en charge par la fiscalité de 13,5 millions de francs, il convient de dégager 20,9 millions de francs.

Un point de TIPP perçue en Corse représentant 8,268 millions de francs, une majoration de deux points de la fraction reversée à la collectivité territoriale de Corse permettrait d'approcher des sommes nécessaire, l'ajustement étant opéré par une légère majoration du montant de la DGD.

Votre commission spéciale vous propose un amendement portant de 16 % à 18 % la fraction du produit de la TIPP perçu en Corse versée à la collectivité territoriale de Corse.

Sous le bénéfice de ces observations, et de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 39
(art. L. 112-14 du code rural)
Crédits alloués aux offices

Le présent article reflète l'ambiguïté des dispositions du présent projet de loi s'agissant de l'avenir des offices . L'article 40 prévoit leur suppression à compter du 1 er janvier 2004, sauf si la collectivité territoriale de Corse délibère en sens inverse avant cette date.

L'article L. 112-14 du code rural dispose que « l'office du développement agricole et rural de la Corse et l'office d'équipement hydraulique de la Corse répartissent, dans le cadre des orientations arrêtées par la collectivité territoriale de Corse, les crédits qui leur sont délégués par cette dernière.

« Les crédits de subvention versés par l'Etat à ces offices sont individualisés dans la dotation générale de décentralisation prévue au III de l'article 78 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991, à la date de réalisation des transferts de compétences mentionnés au II du même article ».

Le mécanisme actuel pour le financement de ces offices est donc le suivant : ils sont subventionnés par l'Etat mais cette subvention, dont le montant s'élève aujourd'hui à 37 millions de francs, est intégrée à la dotation générale de décentralisation (DGD) de la collectivité territoriale de Corse, qui la leur reverse. Le fait que ces crédits soient « individualisés » au sein de la DGD de la collectivité territoriale de Corse signifie que celle-ci ne peut les utiliser pour un autre objet que le reversement intégral aux offices.

Le présent article :

- laisse subsister dans le code rural la référence à des offices qui répartissent des crédits transitant par la DGD de la collectivité territoriale de Corse ;

- il prend acte de l'éventualité d'une suppression des offices en prévoyant que les crédits ne sont plus « individualisés » au sein de la DGD, mais « inclus » dans celle-ci, c'est-à-dire fondus dans la masse des crédits de cette dotation.

Ainsi, en cas de suppression des offices en 2004, l'article L. 112-14 du code rural deviendrait obsolète, mais la collectivité territoriale de Corse ne serait plus obligée de reverser les crédits à des offices qui n'existeraient plus.

Dans l'intervalle entre l'éventuelle entrée en vigueur des dispositions du présent article et l'éventuelle suppression des offices, la collectivité territoriale de Corse ne sera plus obligée de reverser aux offices l'intégralité des sommes correspondant aujourd'hui aux crédits « individualisés » dans sa DGD.

A l'article 20, votre commission spéciale vous proposera un amendement supprimant l'office agricole et l'office hydraulique. Par coordination, elle vous propose au présent article un amendement recherchant le même objectif que le présent article (« fondre » les crédits aujourd'hui consacrés aux offices dans la masse de la DGD de la collectivité territoriale de Corse), mais tirant les conséquences rédactionnelles de la suppression de l'article L. 112-14 du code rural par un amendement à l'article 20.

Sous le bénéfice de ces observations et de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 39 bis (nouveau)
Rapport du Gouvernement au Parlement sur le bilan des transferts de personnels et de ressources

Cet article tend à prévoir deux rapports du Gouvernement au Parlement, l'un sur l'organisation des services déconcentrés de l'Etat en Corse, l'autre sur le bilan des transferts de personnels et de ressources réalisés au profit de la collectivité territoriale de Corse.

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des Lois, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Dans sa rédaction initiale, cet amendement prévoyait un rapport unique . Il prévoyait que, pendant cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi 205 ( * ) , le Gouvernement remettrait chaque année au Parlement un rapport établissant le bilan des transferts de personnels et de ressources réalisés au profit de la collectivité territoriale de Corse et rendant compte de la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat.

Pour M. Bruno Le Roux, rapporteur de l'Assemblée nationale, il s'agit d'assurer que la collectivité territoriale de Corse bénéficie effectivement des transferts de personnels et de ressources correspondant aux transferts de compétences prévus par le projet de loi. Le législateur contrôlerait, année après année, l'adéquation des compétences et des moyens. Après ces cinq années, les transferts de personnels devraient être achevés, rendant inutile la présentation d'un rapport par le Gouvernement.

L'auteur de l'amendement a souhaité que, simultanément aux transferts de compétences, l'Etat réorganise ses services , « car il n'y a pas de raison que ceux-ci continuent à fonctionner de la même manière alors qu'ils auront perdu de leurs compétences et de leurs personnels ». Selon lui, le but de ce rapport n'est pas de faire état de la situation des services de l'Etat en termes d'effectifs, mais bien d'indiquer les mesures de réorganisation des services de l'Etat consécutives à la décentralisation afin de garantir que le transfert des compétences ira de pair avec une modernisation à même de leur permettre de faire face aux missions qui leur resteront.

Le Gouvernement a approuvé la démarche consistant à présenter devant le Parlement un rapport dressant le bilan, en termes de ressources financières et de partage fonctionnel des services, de la compensation allouée à la collectivité territoriale de Corse en contrepartie des transferts de compétences prévus par la présente loi. Il a toutefois scindé ce rapport en deux rapports distincts .

Votre rapporteur a interrogé le Gouvernement sur la raison pour laquelle les rapports prévus ne seraient remis que pendant une période limitée à cinq ans . Le ministère de l'intérieur a fait savoir que cette durée serait pertinente à deux titres.

D'une part, elle serait cohérente avec la mise en oeuvre du droit d'option des personnels fixé à deux ans par le projet de loi. Elle permettra de dresser le bilan de l'intégralité des mouvements intervenus au cours de cette période.

D'autre part, cette durée permettrait de suivre pour chacune des compétences nouvelles transférées la mise en oeuvre des transferts financiers alloués à titre de compensation, sous forme de taxe intérieure sur les produits pétroliers et de dotation générale de décentralisation.

Les ressources y afférentes seront attribuées dès l'entrée en vigueur de la loi et définitivement déterminées par arrêté ministériel après avis de la commission prévue à l'article L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales (présidée par le président de la chambre régionale des comptes et comprenant en nombre égal des représentants de l'Etat et de la collectivité territoriale de Corse). Par la suite, les crédits attribués évolueront comme la dotation globale de fonctionnement.

La rédaction retenue par l'Assemblée nationale ne le mentionnant pas expressément, votre rapporteur a souhaité savoir si le second rapport envisagé, relatif à l'organisation des services déconcentrés de l'Etat en Corse, avait lui aussi une périodicité annuelle.

Le ministère de l'intérieur a répondu que, par ce rapport, « c'est bien le suivi d'un processus qui a été souhaité », et qu'il convient de faire « une lecture extensive de l'article 39 bis et de considérer que la périodicité annuelle s'applique indifféremment aux deux rapports mentionnés ».

Il a ajouté que : « le rythme des transferts devant influer directement sur l'organisation des services de l'Etat, le lien entre les deux rapports est logique et direct , au point qu'il serait tout à fait opportun d'en faire une présentation commune à la représentation nationale ».

En conséquence, votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à réunifier les deux rapports.

Elle vous propose d'adopter l'article 39 bis ainsi modifié .

CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OFFICES

Article 40
(art. L. 4424-40 et L. 4424-41 nouveau
du code général des collectivités territoriales)
Exercice par la collectivité territoriale de Corse
des missions confiées aux offices

Cet article tend à permettre à la collectivité territoriale de Corse de décider de la suppression des offices et de l'agence du tourisme, qui ont le statut d'établissements publics et lui sont rattachés, afin d'exercer elle-même leurs missions ou d'en individualiser la gestion dans les conditions de droit commun applicables aux autres collectivités territoriales.

Il convient de rappeler que les offices de développement agricole et rural de la Corse (ODARC), d'équipement hydraulique de la Corse (OEHC) 206 ( * ) et des transports de la Corse (OTC) 207 ( * ) ont été créés par la loi du 30 juillet 1982 portant statut particulier de la région Corse (compétences), sous la forme d'établissements publics industriels et commerciaux nationaux, avant que la loi du 13 mai 1991 ne les rattache à la collectivité territoriale de Corse en redéfinissant leurs missions. La loi du 13 mai 1991 a par ailleurs créé l'office de l'environnement (OEC) 208 ( * ) .

L' agence du tourisme de Corse a été créée par l'article 67 de la loi du 13 mai 1991, sans être expressément qualifiée d'office. Une délibération de l'Assemblée de Corse en 1992 lui confère la qualité d'établissement public industriel et commercial.

En l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'Assemblée de Corse en 1992 a créé l' agence de développement économique de la Corse (ADEC) sous la forme d'un établissement public industriel et commercial.

I. LES DYSFONCTIONNEMENTS DES OFFICES

Le démembrement de la collectivité territoriale de Corse a été relevé par le « rapport Glavany » 209 ( * ) et les observations de la chambre régionale des comptes. Bien que la loi en dispose autrement, la collectivité territoriale de Corse délègue des crédits importants aux offices et s'en remet à eux pour l'exercice de ses compétences.

Certains offices ne jouissent d' aucune autonomie financière , alors même qu'ils ont été créés sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Ils semblent trouver leur vocation première dans la distribution de crédits , sans que les critères d'attribution ne soient très rigoureux.

Le rapport Glavany proposait notamment « la suppression de deux organismes dont l'utilité est particulièrement sujette à caution, à savoir l'ODARC et l'OTC, dont les attributions pourraient être opportunément exercées par les services de la collectivité territoriale de Corse à condition, bien entendu, que les élus prennent leurs responsabilités et s'en saisissent de façon à la fois déterminée et courageuse. »

S'agissant de la composition du conseil d'administration :

- la loi prévoit que celui de l'office des transports est composé de représentants des organisations professionnelles, représentants des départements de la Haute-Corse te de la Corse-du sud et, à titre majoritaire, représentants élus de l'Assemblée de Corse ; les statuts de l'ADEC prévoient une majorité de membres élus ;

- en revanche, les conseils d'administration de l'ODARC et de l'OEHC sont composés des représentants des organisations professionnelles agricoles, sans que la loi ne précise de règles sur la présence des élus ; dans les faits, sur 25 membres du conseil d'administration de l'ODARC, le rapport Glavany démontrait que seuls huit d'entre eux étaient désignés par l'Assemblée de Corse.

Le contrôle de légalité sur un établissement public n'est pas comparable à celui portant sur les actes des collectivités territoriales. Sauf pour l'OTC, la loi prévoit que le représentant de l'Etat assiste de plein droit aux réunions du conseil d'administration et est destinataire de ses délibérations ; les statuts de l'ADEC font de même. Mais ce contrôle est resté largement théorique.

II. INITIATIVE DE LA DISSOLUTION DES OFFICES

1. Le projet de loi initial

Dans sa rédaction initiale, cet article offre la possibilité à la collectivité territoriale de Corse, par délibération de l'Assemblée de Corse , d'exercer les missions confiées par la loi aux offices et à l'agence du tourisme, sous forme de régie , dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales pour la gestion directe des services publics 210 ( * ) .

La décision de l'assemblée de Corse prendra effet le 1 er janvier de l'année suivante.

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale : l'obligation pour l'Assemblée de Corse de se prononcer si elle veut maintenir les offices

Sur proposition de sa commission des Lois et de M. Jean-Yves Caullet, l'Assemblée nationale a procédé à la réécriture de cet article, afin de renverser la logique proposée par le projet de loi initial. Le Gouvernement a donné un avis de sagesse.

Désormais, les offices seront dissous à compter du 1 er janvier 2004, sauf délibération contraire de l'Assemblée de Corse.

En d'autres termes, il ne pourra y avoir de continuation tacite des offices. Si l'assemblée de Corse ne se prononce pas, l'office concerné serait dissous à la date butoir, le 1 er janvier 2004.

De plus, à tout moment , la collectivité territoriale de Corse, par délibération de l'Assemblée de Corse, aura la possibilité de reprendre l'exercice des missions des offices et de l'agence du tourisme. Cette délibération prendra effet le 1 er janvier de l'année suivant la délibération.

III. MODALITES DE LA SUBSTITUTION DE LA COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE AUX OFFICES

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, lorsque la collectivité territoriale de Corse décide d'exercer les missions confiées aux offices, la continuité juridique de ces missions est assurée et les droits des personnels préservés.

Il ajoute que la substitution de la collectivité territoriale de Corse aux offices et agences dans leurs droits et obligations s'inspire du mécanisme retenu dans la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale .

Si l'Assemblée de Corse délibère afin de dissoudre un office, la collectivité territoriale de Corse est substituée dans l'ensemble des droits et obligations de l'office ou de l'agence, cette substitution ne pouvant entraîner le paiement d'aucun frais, droits ou taxes.

Les contrats sont exécutés par la collectivité territoriale de Corse dans les conditions antérieures, sauf accord contraire des parties. La substitution de personne morale aux contrats conclus par l'office ou l'agence n'entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant.

Les personnels de l'office ou de l'agence du tourisme en fonctions à la date de substitution conserveront, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat antérieur , ainsi que de leur régime de retraite et, le cas échéant, de retraite complémentaire.

L'office ou l'agence est dissous au terme de l'apurement définitif de ses comptes.

L'Assemblée nationale a adopté ces mesures en améliorant leur rédaction.

IV. EXERCICE DU POUVOIR DE TUTELLE SUR LES OFFICES

1. Le droit existant

Les dispositions de la loi du 13 mai 1991 créant les offices et l'agence du tourisme présentent de regrettables différences de rédaction.

Ainsi, l'affirmation du pouvoir de tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur les offices ne s'applique qu'à l'ODARC, l'OEHC et l'OTC, à l'exclusion de l'OEC. De plus, la loi ne définit pas le contenu de ce pouvoir de tutelle .

Le président du conseil exécutif ne s'est pas vu reconnaître le pouvoir de tutelle par la cour administrative d'appel de Marseille 211 ( * ) . Il ne peut s'opposer aux décisions du conseil d'administration. Il en résulte une certaine autonomie budgétaire et même politique des offices.

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale : la réformation des actes des offices par le président du conseil exécutif

Aucune disposition du projet de loi initial ne prévoyait de renforcer le pouvoir de tutelle exercé par le conseil exécutif sur les offices.

En revanche, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois, a confié à la collectivité territoriale de Corse le soin de définir, par délibération, les conditions dans lesquelles la collectivité territoriale de Corse exercerait son pouvoir de tutelle sur les offices.

Elle a de plus permis à la collectivité territoriale de Corse d'exercer une tutelle effective sur les offices et sur l'agence du tourisme, en lui conférant le pouvoir de rapporter ou de modifier les actes de ces établissements lorsqu'ils sont contraires aux orientations qu'elle a fixées ou à ses décisions budgétaires.

Le Gouvernement a donné un avis de sagesse, après avoir présenté un amendement très proche de celui de la commission des Lois.

V. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

Votre commission spéciale vous propose une solution par laquelle la collectivité territoriale de Corse ne pourra « recréer » que les offices qui fonctionnent actuellement dans des conditions rigoureuses, notamment au regard de leur activité industrielle et commerciale et de leur autonomie financière.

1. Créer dans la loi une catégorie d'établissements publics : les offices de la collectivité territoriale de Corse

Votre commission spéciale estime que la collectivité territoriale de Corse doit avoir le libre choix d'exercer directement les compétences qui lui sont dévolues par la loi, ou de les faire exercer par un établissement public.

En vertu de l'article 34 de la Constitution, « la loi fixe les règles concernant la création de catégories d'établissements publics ». C'est pourquoi votre commission spéciale vous propose de conférer par la loi la faculté, pour la collectivité territoriale de Corse, de créer des établissements publics aptes à refonder les actuels offices, ou certains d'entre eux, sur des fondements sains et renouvelés .

Ainsi, la collectivité territoriale de Corse pourra créer des établissements publics à caractère industriel et commercial chargés, dans le respect des orientations qu'elle définit, de la mise en oeuvre de certaines des attributions qui lui sont dévolues en vertu du code général des collectivités territoriales. Seront toutefois exclues les attributions qui, par leur nature ou par la loi, ne peuvent être assurées que par la collectivité territoriale de Corse elle-même.

2. Définir dans la loi le régime de ces offices, notamment la maîtrise du conseil d'administration par les élus et l'exercice du pouvoir de tutelle

Votre commission spéciale vous propose de reprendre les termes du droit actuel, enrichis par le texte de l'Assemblée nationale.

Il s'agit d'affirmer tout d'abord que ces établissements seront soumis à la tutelle de la collectivité territoriale de Corse, qui en fixera les règles d'organisation . L'établissement sera présidé par un conseiller exécutif désigné par le président de ce conseil. Sa gestion sera assurée par un directeur nommé sur proposition du président de l'établissement par arrêté du président du conseil exécutif pris après consultation de celui-ci.

Le conseil d'administration sera composé à titre majoritaire de représentants élus de l'Assemblée de Corse. Le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse assistera de plein droit aux réunions du conseil d'administration et sera destinataire de ses délibérations.

Le président du conseil exécutif pourra modifier ou rapporter les actes de ces établissements lorsqu'ils seront contraires aux orientations que la collectivité territoriale de Corse a fixées ou aux décisions budgétaires de celle-ci.

Le texte que vous soumet votre commission spéciale préserve les droits des personnels des offices . En aucun cas, la dissolution des offices ne conduira à la remise en cause du statut des agents, qu'ils conserveront, à titre individuel. A cet égard, les manifestations ou mouvements de grève 212 ( * ) des agents des offices devraient trouver une réponse appropriée dans le présent projet de loi.

Afin de prévoir que les agents des offices ne subissent aucune transformation de leur contrat de travail, du fait de la reprise par la collectivité territoriale de Corse de l'exercice des missions des offices, puis de la création éventuelle d'un établissement public industriel et commercial, votre commission spéciale vous propose de préciser que les agents recrutés par les établissements ainsi créés conservent, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat antérieur ainsi que de leur régime de retraite et, le cas échéant, de retraite complémentaire.

3. En conséquence, dissoudre dans la loi les offices existants et prévoir les dispositions transitoires appropriées

Votre commission spéciale tient à rappeler que la décision de maintenir ou de supprimer les offices ne peut appartenir à la collectivité territoriale de Corse. Elle appartient au législateur, dans la mesure où les offices ont été créés par la loi .

Elle vous propose donc de reprendre les termes mêmes de l'avant-projet de loi, prévoyant la substitution de la collectivité territoriale de Corse à l'ODARC, à l'OEHC, à l'OTC, à l'OEC et à l'agence du tourisme.

Les conséquences juridiques de cette substitution sont reprises du texte de l'Assemblée nationale et de l'avant-projet de loi.

Votre commission spéciale vous soumet ainsi un amendement de réécriture complète. Elle vous propose d'adopter l'article 40 ainsi modifié .

Article 40 bis (nouveau)
(art. L. 4422-26 du code général des collectivités territoriales)
Tutelle du président du conseil exécutif sur les actes des offices

Cet article tend à opérer une coordination avec la solution retenue à l'article 40 du présent projet de loi, permettant au président du conseil exécutif de Corse de modifier ou rapporter les actes des offices et de l'agence du tourisme en Corse .

Résultant d'amendements identiques de la commission des lois de l'Assemblée nationale et du Gouvernement, cet article modifie en ce sens l'article L. 4422-26 du code général des collectivités territoriales (actuel article L. 4424-5), selon lequel le président du conseil exécutif de Corse peut, par arrêté délibéré au sein du conseil exécutif, prendre toute mesure :

- tendant à préciser les modalités d'application des délibérations de l'assemblée ;

- fixant les règles d'organisation et de fonctionnement des services de la collectivité territoriale de Corse.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement de coordination avec la solution retenue à l'article 40.

Elle vous propose d'adopter l'article 40 bis ainsi modifié .

Article 41
(art. L. 4424-20, L. 4424-31, L. 4424-33 et L. 4424-35
du code général des collectivités territoriales)
Disparition des offices - Coordination

Cet article tend à prévoir la cessation d'existence des offices dans les divers articles du code général des collectivités territoriales qui les mentionnent.

Dans sa rédaction initiale, cet article énonçait que l'office des transports de la Corse, l'institution spécialisée qu'est l'agence du tourisme de la Corse, l'office de développement agricole et rural de Corse et l'office d'équipement hydraulique de Corse, ainsi que l'office de l'environnement de la Corse, cessaient d'exister lorsque la collectivité territoriale de Corse se substituait à eux en application de l'article L. 4424-40 résultant de la rédaction de l'article 40 du présent projet de loi.

Il modifiait en ce sens les articles L. 4424-20 (actuel article L. 4424-19), L. 4424-31 (actuel article L. 4424-23), L. 4424-33 (actuel article L. 4424-22) et L. 4424-35 (nouveau) du code général des collectivités territoriales.

Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié cet article par coordination avec la solution retenue à l'article 40.

Par coordination avec la solution qu'elle vous propose à l'article 40 du présent projet de loi, votre commission spéciale vous soumet un amendement de suppression de l'article 41.

Article 42
(art. L. 112-11 et L. 112-12 du code rural)
Disparition des offices - Coordination

Cet article tend à reproduire dans le code rural les dispositions de l'article 41 du présent projet de loi, relatives à la cessation d'existence des offices de développement agricole et rural de Corse, d'équipement hydraulique de Corse et de l'environnement de la Corse, lorsque l'Assemblée de Corse délibère pour se substituer à eux.

Il modifie en ce sens les articles L. 112-11 et L. 112-12 du code rural.

Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié cet article par coordination avec la solution retenue à l'article 40.

Par coordination avec la solution qu'elle vous propose aux articles 20 et 40 du présent projet de loi, votre commission spéciale vous soumet un amendement de suppression de l'article 42.

TITRE III
MESURES FISCALES ET SOCIALES

CHAPITRE PREMIER
MESURES FISCALES ET SOCIALES
EN FAVEUR DE L'INVESTISSEMENT

Article 43
(art. 244 quater E, 199 ter D, 220 D, 223 O, 1466 B,
1466 B bis et 1466 C du code général des impôts)
Aide fiscale à l'investissement

Le présent article comporte les dispositions appelées à succéder à celles de la zone franche de Corse en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle. Elles s'articulent en deux volets :

- la mise en place d'un crédit d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés ;

- la création de nouvelles exonérations de taxe professionnelle.

I. LE CRÉDIT D'IMPÔT

A. LE DROIT ACTUEL

1. Les exonérations existantes

Les entreprises corses redevables de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés peuvent aujourd'hui bénéficier de quatre régimes d'exonération. Ces régimes ont tous vocation à s'appliquer de manière temporaire. Depuis le 1 er janvier 1999, deux d'entre eux ne s'appliquent déjà plus qu'aux entreprises qui en bénéficiaient à cette date. Les deux autres s'éteindront progressivement dans le courant de la décennie :

- l'article 208 quater A du code général des impôts organise une exonération d'impôt sur les sociétés pour les sociétés créées après le 1 er janvier 1991 et avant le 1 er janvier 1999, dans les secteurs de l'industrie, du bâtiment, de l'agriculture et de l'artisanat, ayant été agréées par le ministre de l'économie et des finances. Elles bénéficient de cette exonération pendant 95 mois, soit près de 8 années ;

- l'article 208 sexies du code général des impôts prévoit également une exonération d'impôt sur les sociétés pour les entreprises créées entre le 1 er janvier 1988 et le 1 er janvier 1999, exerçant dans les secteurs de l'industrie, de l'artisanat, du bâtiment et des travaux publics, et dont les droits de vote ne sont pas détenus pour plus de 50 % par d'autres sociétés. Cette exonération est applicable pendant 95 mois ;

- l'article 44 sexies du code général des impôts fixe les modalités d'une exonération d'impôt sur les sociétés pendant 23 mois en faveur des entreprises nouvelles créées dans les zonages d'aménagement du territoire et de politique de la ville avant le 31 décembre 2004 ;

- l'article 44 decies du code général des impôts est issu de la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse . Il prévoit, pour les contribuables exerçant leur activité en Corse entre le 1 er janvier 1997 et le 31 décembre 2001, une exonération pendant soixante mois d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu à laquelle toutes les entreprises industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles de Corse peuvent prétendre, à l'exception de celles exerçant dans l'un des domaines d'activité explicitement exclu. L'avantage fiscal est conditionné au maintien dans l'exploitation des bénéfices exonérés.

L'exonération est totale pour les entreprises de moins de trente salariés et partielle au delà. Le montant de l'avantage consenti est plafonné à 400.000 francs par période de douze mois.

L'article 2 de la loi relative à la zone franche de Corse prévoit que les entreprises éligibles à l'exonération de l'article 44 decies sont également exonérées de l'imposition forfaitaire annuelle.

2. Le coût des dispositifs existants

L'exonération créée par la loi relative à la zone franche de Corse s'est imposée comme la mesure la plus attractive pour les entreprises corses.

(en millions de francs)

Article CGI

Mesure

2000

2001

2002

208 quater A

Exonération sur agrément des bénéfices en cas de création d'activités nouvelles en Corse

n.c.

n.c.

n.c.

44 decies

Exonération dans une certaine limite des bénéfices pour les entreprises qui exercent des activités en Corse

198

210

223

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le coût de l'exonération de l'article 44 decies devrait s'établir à 210 millions de francs en 2001, auxquels il convient d'ajouter le coût de l'exonération de l'imposition forfaitaire annuelle, qui devrait s'élever en 2001 à 20 millions de francs.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que « les coûts actuels des régimes prévus aux articles 44 sexies et 208 sexies ne sont pas identifiés pour la Corse ».

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article ne remet en cause aucun des régimes d'exonération existants. Il crée un nouvel avantage fiscal au profit des entreprises de Corse sous la forme d'un crédit d'impôt, inséré dans le code général des impôts à l'article 244 quater E.

Le dispositif du crédit d'impôt proposé par le présent article est très largement inspiré de la « réduction d'impôt » sur le revenu mise en place par l'article 19 de la loi de finances pour 2001 (n° 2000-1352 du 30 décembre 2000) au bénéfice des entreprises exerçant leur activité outre-mer (article 199 undecies B du code général des impôts).

1. Un crédit d'impôt

Le fonctionnement du crédit d'impôt

Alors que la technique des exonérations d'impôts, appliquée en Corse jusqu'ici, consiste à ne pas appliquer le taux de l'impôt à une assiette imposable, ou à une partie de l'assiette, le crédit d'impôt consiste à octroyer au contribuable un avantage fiscal dont le montant est indépendant de la taille de l'assiette imposable, voire du paiement de l'impôt par son bénéficiaire. Les bénéficiaires de l'avantage sont ciblés en fonction de l'objectif poursuivi.

En l'espèce, l'objectif est de favoriser l'activité économique en Corse encourageant l'investissement en Corse. Le présent article propose donc aux entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu de déduire du montant de l'impôt dû une somme correspondant à une fraction du montant des investissements qu'ils réalisent. Si cette somme excède le montant de l'impôt dû au titre d'un exercice, elle peut être utilisée pour le paiement des impôts dus au titre des exercices suivants. Plus une entreprise investit, plus son avantage fiscal sera élevé .

Dans les dispositifs d'exonération existant précédemment, l'exonération était accordée à toutes les entreprises, indépendamment du fait qu'elles investissent ou pas, à la seule condition qu'elles soient imposables.

Le dispositif proposé par le présent article se distingue des crédits d'impôt précédemment mis en oeuvre en ce qu'il concerne à la fois les redevables de l'impôt sur le revenu et ceux de l'impôt sur les sociétés . S'agissant de l'impôt sur les sociétés, la pratique usuelle consiste plutôt à pratiquer des réductions du montant des bénéfices imposables plutôt que des diminutions du montant des cotisations.

Le du I du texte proposé par le I du A de cet article pour l'article 244 quater E prévoit que le crédit d'impôt est accordé « au titre des investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2011 et exploités en Corse ». Par conséquent, seules les entreprises réalisant des investissements pourront bénéficier de la mesure. Outre-mer, la réduction d'impôt est accordée au titre des « investissements productifs neufs ». Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que la différence entre les deux formulations s'expliquait par la volonté d'exclure du régime corse les biens mobiliers amortissables selon le mode linéaire.

Le II du texte proposé par le I du A du présent article pour l'article 244 quater E précise que les entreprises qui choisissent de bénéficier du crédit d'impôt doivent renoncer aux exonérations existantes . Cette option est « irrévocable ». Elle s'exerce « à compter du premier jour de l'exercice ou de l'année au titre duquel elle est exercée ». Une entreprise bénéficiant de l'exonération « zone franche » à la date à laquelle elle opte pour le crédit d'impôt, si elle opte pour le crédit d'impôt, renoncera de fait aux dernières années d'exonération totale auxquelles elle pouvait prétendre.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que « en pratique, l'option pour l'application du crédit d'impôt sera exercée lors du dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice (entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices agricoles) ou de l'année (entreprises relevant de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux) au titre duquel l'entreprise souhaite bénéficier du crédit d'impôt. L'option rend éligible au crédit d'impôt , sous réserve du respect des autres conditions prévues par le texte, les investissements réalisés à compter du premier jour de cet exercice ou de cette année et jusqu'au 31 décembre 2011, en raison de son caractère irrévocable . Les régimes de faveur énumérés au premier alinéa du II, cessent éventuellement de s'appliquer à compter du premier jour de l'exercice ou de l'année au titre duquel l'option est exercée ».

Si le présent article est précis quand à la date d'expiration de l'éligibilité au dispositif de crédit d'impôt (le 31 décembre 2011), sa date d'entrée en vigueur est floue. Le IV du texte proposé pour l'article 244 quater E dispose que le crédit d'impôt s'applique aux investissements réalisés au cours de chaque exercice ouvert à compter de l'entrée en vigueur des dispositions du présent article. Cette rédaction signifie que, si la loi était promulguée après le 1 er janvier 2002, le crédit d'impôt ne s'appliquerait, pour les entreprises dont l'exercice coïncide avec l'année civile (la majorité), qu'à compter de 2003.

Votre commission spéciale vous propose un amendement permettant de rendre éligibles au crédit d'impôt les investissements réalisés à compter du 1 er janvier 2002 , quelle que soit la date d'entrée en vigueur des dispositions du présent article.

L'avantage accordé

Le du I du texte proposé par le I du A de cet article pour l'article 244 quater E du code général des impôt dispose que le montant du crédit d'impôt (la somme pouvant être déduite de la cotisation d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés) est égal à 20 % du prix de revient hors taxe de l'investissement réalisé. Outre-mer, ce taux est tantôt de 50 %, tantôt de 60 %.

Outre des raisons de coût budgétaire, l'écart de taux entre le régime de l'outre-mer et le régime corse s'explique par les contraintes du droit communautaire en matière d'intensité des aides à l'investissement des entreprises. Pour la Corse, le plafond « d'intensité maximale » est de 30 % (les aides ne doivent pas conduire à réduire de plus de 30 % le prix de revient d'un investissement). Le plafond applicable en Sardaigne, île voisine de la Corse, est supérieur à celui applicable en Corse et s'établit à 65 %.

Ce taux s'applique à une base qui comprend les « biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif », les « agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf », ceux de ces biens, agencements et installations pris en location auprès d'une société de crédit bail, ainsi que les « logiciels qui constituent des éléments de l'actif immobilisé et qui sont nécessaires à l'utilisation des investissements ». De la base ainsi définie est déduit le « montant des subventions publiques attribuées en vue de financer ces investissements ». Votre commission spéciale vous propose un amendement rédactionnel précisant que le montant des subventions publiques est déduit, « le cas échéant », de la base du crédit d'impôt.

Il convient de souligner que, le montant du crédit d'impôt étant calculé par rapport à celui d'un investissement, les entreprises qui réaliseront plusieurs investissements avant le 31 décembre 2011 bénéficieront de plusieurs crédits d'impôt.

La durée d'utilisation du crédit d'impôt

Le II du A du présent article propose une rédaction pour l'article 199 ter D du code général des impôts qui prévoit que, s'agissant des redevables de l'impôt sur le revenu, le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt dû « au titre de l'année au cours de laquelle les biens éligibles au dispositif sont acquis créés, ou loués ». Votre commission spéciale vous soumet un amendement précisant que, lorsque les biens éligibles sont acquis, créés ou loués au titre d'un exercice ne coïncidant pas avec l'année civile, le crédit d'impôt correspondant est imputé sur le revenu de l'année au cours de laquelle l'exercice est clos (pour une entreprise dont l'exercice comptable court de mars n à mars n+1 , le crédit d'impôt correspondant aux investissements réalisés entre mars et décembre de l'année n sera imputé sur l'imposition due au titre de l'année n+1 ).

Si le montant de l'impôt dû est inférieur à celui du crédit d'impôt, l'avantage fiscal n'est pas perdu puisqu'il pourra être utilisé pour acquitter l'impôt dû au titre des neufs exercices suivants . Si, au terme de ce délai, l'avantage fiscal n'est pas épuisé, le Trésor public rembourse la différence à l'entreprise, dans la limite de 50 % du montant total du crédit d'impôt et d'un montant de 300.000 euros, soit environ 2 millions de francs.

Selon les précisions apportées par le Gouvernement à votre rapporteur, ces seuils « ont été fixés en concertation avec les élus de Corse, de telle manière qu'ils ne laissent pas de place à des comportements opportunistes ».

Outre-mer, le remboursement par le Trésor public intervient au bout de cinq ans (au lieu de dix). Il n'est pas plafonné en fonction d'un pourcentage du montant total du crédit d'impôt. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur qu'un délai de remboursement inférieur à dix ans (le délai moyen de retour sur investissement) pouvait être de nature à conduire à encourager la réalisation de projet non viables, mis en oeuvre pour des raisons purement fiscales.

Votre rapporteur observe par ailleurs que, compte tenu de la limitation à 50 % du remboursement in fine , il est souvent plus intéressant pour les entreprises de pouvoir utiliser le crédit d'impôt en totalité sur 10 ans plutôt que de s'en voir rembourser un montant plafonné au bout de cinq ans.

Il est précisé que « la créance sur l'Etat correspondant au crédit d'impôt non utilisé est inaliénable et incessible. Elle n'est pas imposable ».

Le III du A du présent article propose pour l'article 220 D du code général des impôts une rédaction qui étend aux redevables de l'impôt sur les sociétés les dispositions de l'article 199 ter D.

Bien que le crédit d'impôt soit destiné principalement aux entreprises qui réalisent des bénéfices, puisqu'elles seules sont en mesure de déduire le crédit d'impôt du montant de l'impôt qu'elle doivent, il sera possible d'en bénéficier même lorsque l'entreprise ne réalise pas de bénéfice. Comme l'a indiqué le Gouvernement en réponse à une question de votre rapporteur, il convient de prendre en compte, d'une part, certaines entreprises relevant de l'impôt sur le revenu et, d'autre part, la possibilité du remboursement du crédit d'impôt : « Sur le premier point, le crédit d'impôt pour investissement en Corse afférents aux investissements réalisés par les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu est imputable sur l'impôt dû par les contribuables concernés à raison de l'ensemble des revenus perçus par le foyer fiscal. Un tel crédit d'impôt peut par suite être utilisé au titre d'une année au cours de laquelle l'entreprise ayant réalisé l'investissement est déficitaire si le foyer fiscal dispose par ailleurs de revenus imposables suffisants.

« Sur le second point, il est rappelé qu'en application du premier alinéa du projet d'article 199 ter D, le solde du crédit d'impôt éventuellement non utilisé au terme d'un délai de 10 ans à compter de la réalisation de l'investissement peut être remboursé dans la limite de 50 % du crédit d'impôt et de 300 000 €.

« Le crédit d'impôt peut ainsi théoriquement procurer, dans les proportions indiquées, un gain à des entreprises structurellement déficitaires l'avantage ainsi obtenu devant toutefois être mesuré compte tenu de l'ampleur du délai existant entre la date de réalisation de l'investissement et celle prévue pour le remboursement ».

2. Les bénéficiaires du crédit d'impôt

Les petites et moyennes entreprises ...

Le du I du texte proposé par le I du A du présent article pour l'article 244 quater E du code général des impôt réserve le bénéfice du crédit d'impôt aux petites et moyennes entreprises (PME).

Les PME sont définies en s'inspirant de l'annexe I du règlement communautaire n° 70/2001 du 12 janvier 2001 : elles doivent avoir moins de 250 salariés, un chiffre d'affaires inférieur à 40 millions d'euros, leur capital entièrement libéré doit être détenu, de manière continue, pour 75 % au moins par des entreprises satisfaisant aux mêmes conditions. Pour les sociétés membres d'un groupe, les critères d'effectifs et de chiffre d'affaires s'appliquent à l'ensemble du groupe et la condition de composition du capital doit être remplie par la société mère du groupe.

Cette définition des PME est de plus en plus souvent utilisée en matière fiscale. Elle conditionne par exemple les exonérations de taxe professionnelle « d'aménagement du territoire » prévues à l'article 1465 B du code général des impôts.

Cependant, par rapport à la définition de l'article 1465 B, le présent article apporte une précision supplémentaire : l'effectif de l'entreprise est apprécié par référence au nombre moyen de salariés employés au cours de l'exercice ou de la période d'imposition.

Comme celle de l'article 1465 B, la définition du présent article est en retrait par rapport à la définition communautaire des PME, pour laquelle les PME sont les entreprises de moins de 250 salariés qui ont soit un chiffre d'affaires inférieur à 40 millions d'euros, soit un total de bilan inférieur à 27 millions d'euros. L'exclusion par le présent article du critère du total de bilan est motivée par la volonté du Gouvernement ne pas faire bénéficier des avantages consentis aux PME les sociétés de crédit-bail, qui ont souvent un chiffre d'affaires très élevé mais un total de bilan de faible montant.

50 % des entreprises exerçant leur activité en Corse n'ont pas de salarié et 4 % d'entre elles ont plus de 10 salariés.

... soumises à un régime réel d'imposition

Le du I du texte proposé par le I du A de cet article pour l'article 244 quater E du code général des impôts prévoit que le crédit d'impôt est réservé aux « entreprises relevant d'un régime réel d'imposition ».

Le régime réel d'imposition (ou sa variante le régime réel simplifié) est le régime d'imposition auquel sont soumises les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés.

Les entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale redevables de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ne sont pas toutes soumises à un régime réel d'imposition. Certaines relèvent du régime dit « des micro-entreprises ».

L'option pour ce régime est ouverte aux entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500.000 francs hors taxes, s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter sur place, ou de fournir un logement, et, pour les autres entreprises, à celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 175.000 francs hors taxes. Ce régime se caractérise par des obligations déclaratives et comptables simplifiées.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que, en Corse, 70 % des entreprises relèvent d'un régime réel d'imposition.

Les entreprises « mères » des entreprises éligibles

Le IV du A du présent article modifie l'article 223 O du code général des impôts pour préciser que la société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l'imputation des crédits d'impôts dégagés par ses filiales sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable.

Les dispositions visant à dissuader les « effets d'aubaine »

Le texte proposé par le I du A du présent article pour l'article 244 quater E du code général des impôts comporte plusieurs dispositions visant à s'assurer que l'avantage fiscal s'accompagne, en contrepartie, de l'exercice réel d'une activité productive en Corse :

- le II dispose que, lorsque les sociétés bénéficiant du crédit d'impôt sont des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple ou des groupements d'intérêt économique, le crédit d'impôt peut être utilisé par leurs associés ou commandités, proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou groupements, seulement si ces associés ou commandités sont, soit des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, soit des personnes participant réellement à l'exploitation de l'entreprise. Le 1° bis de l'article 156 du code général des impôts précise que la participation de ces dernières doit être « personnelle, continue et directe ». Cette précision a pour objet d'exclure du bénéfice du crédit d'impôt les associés de sociétés de personnes ne participant pas à l'exploitation, afin de prévenir l'utilisation du crédit d'impôt dans une seule optique d'optimisation fiscale.

Votre commission spéciale vous propose un amendement , de portée rédactionnelle, remplaçant l'expression « sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés » par l'expression « redevables de l'impôt sur les sociétés » ;

- le III prévoit que le crédit d'impôt fait l'objet d'une reprise si l'investissement est cédé ou cesse son activité avant le terme d'un délai de cinq ans ou de la durée normale d'utilisation de l'investissement 213 ( * ) après son acquisition ou sa mise en service. Si l'investissement est transmis avant l'expiration de ces délais dans le cadre d'opérations mentionnées aux articles 41, 151 octies , 210 A ou 210 B du code général des impôts, et que le repreneur s'engage à ne pas modifier la vocation de l'équipement pour la période restant à courir avant l'échéance du délai initialement prévu, l'acquéreur n'est pas obligé de rembourser les sommes qu'il a imputées au titre du crédit d'impôt. Il conserve la fraction non imputée du crédit d'impôt.

Le dispositif proposé ne prévoit pas de sanctions spécifiques en cas de non respect de son engagement par le repreneur. On peut en déduire que celui-ci encoure les mêmes que celui qui a réalisé l'investissement. Outre mer, « en cas de non respect de cet engagement, le bénéficiaire de la transmission doit, au titre de l'exercice au cours duquel cet événement est intervenu, ajouter à son résultat une somme égale au triple du montant de la réduction d'impôt à laquelle les biens transmis ont ouvert droit ».

En cas de cessation d'activité de l'entreprise ayant réalisé l'investissement au delà du délai de cinq ans, le bénéfice du crédit d'impôt est maintenu. Si cette entreprise est mise en liquidation, le remboursement est également possible car la personne morale de la société survit à l'interruption de son activité.

En cas de décès d'une personne physique pouvant prétendre au remboursement d'un crédit d'impôt, le projet de loi, comme la jurisprudence, est muet. Le caractère « incessible » de la créance pourrait laisser entendre que la créance ne peut être transmise aux héritiers de cette personne. Votre rapporteur considère qu'il convient de ne pas retenir cette interprétation, et que le caractère « incessible » de la créance est affirmé afin d'interdire aux bénéficiaires de crédits d'impôt de revendre leurs créances sur le Trésor public.

- Le III prévoit également que lorsque les associés ou membres d'une société ou d'un groupement propriétaire de l'investissement cèdent leurs parts avant l'expiration du délai de cinq ans, la réduction d'impôt dont ils ont bénéficié fait l'objet d'une reprise.

Dans le dispositif applicable outre-mer, il est précisé que, en cas de cessation d'activité ou de cession de l'investissement intervenue depuis la réalisation de l'investissement, « le montant de cette reprise est diminué, le cas échéant, dans la proportion de leurs droits dans la société ou le groupement, des reprises déjà effectuées ».

3. Les secteurs d'activité éligibles au crédit d'impôt

Les secteurs proposés par le présent article

Le du I du texte proposé par le I du A pour l'article 244 quater E prévoit que peuvent ouvrir droit au crédit d'impôt les investissements réalisés par les entreprises exerçant l'une des activités énoncées ci-dessous. Votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à préciser que les investissements pouvant ouvrir droit au crédit d'impôt sont ceux réalisés par des entreprises au titre de l'une des activités suivantes :

a) L' hôtellerie à laquelle, en première lecture, l'Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur au nom de la commission des lois, a ajouté les activités de loisir à caractère artistique, sportif ou culturel . Le ministre de l'intérieur a précisé que « la notion d'investissement hôtelier doit être entendue au sens large : elle comprend les investissements nécessaires aux prestations d'hébergement fournies par les hôtels classés de tourisme proprement dits, mais également les centres classés, les villages-vacances, les résidences de tourisme ainsi que les installations fixes en dur des terrains de campement » 214 ( * ) .

b) Les nouvelles technologies , sous réserve des exceptions prévues aux c et d , entendues au sens de la création de produits, procédés ou techniques dont le caractère innovant et les perspectives de développement économique sont reconnus. Cette reconnaissance est effectuée pour une période de trois ans, le cas échéant renouvelable, par un établissement public compétent en matière de valorisation de la recherche et désigné par décret ;

c) L' énergie , à l'exception de la distribution d'énergie. Votre rapporteur relève que le transport d'énergie n'est pas exclu du dispositif, alors qu'il l'était dans l'exonération issue de la loi relative à la zone franche de Corse ;

d) L' industrie à l'exception des secteurs suivants : production et transformation de houille, lignite et produits dérivés de houille et lignite, sidérurgie, industrie des fibres synthétiques, construction et réparation de navires d'au moins 100 tonnes de jauge brute, construction automobile ;

e) La transformation et la commercialisation de produits agricoles ainsi que l' agriculture à l'exception de la pêche, lorsque le contribuable peut bénéficier des aides à l'investissement au titre du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole. Lors du débat en première lecture à l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur a indiqué que « le texte qui est proposé, s'il peut apparaître restrictif, retient (...) le champ d'application le plus large possible permis dans ce domaine par la réglementation communautaire pour les aides d'Etat ».

Le crédit d'impôt peut également s'appliquer aux investissements réalisés dans les zones rurales définies par décret par les entreprises de commerce de détail et les entreprises artisanales mentionnées à l'article 1468, à l'exception de celles qui transforment et commercialisent des produits agricoles et ne peuvent pas bénéficier des aides mentionnées au e . La rédaction initiale du projet de loi prévoyait que ces investissements étaient éligibles au crédit d'impôt lorsqu'ils étaient réalisés dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A et situées en Corse, qui couvrent 90 % du territoire corse.

Cette rédaction a été modifiée à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale en première lecture d'un amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission des lois, au motif que le découpage des zones de revitalisation rurale présente des incohérences que la délimitation par décret d'un périmètre d'éligibilité permettrait de contourner. La limitation de l'exonération aux seules entreprises exerçant leur activité dans une zone rurale est justifiée par la volonté de faire un geste spécifique en direction de la « Corse de l'intérieur ». Votre rapporteur estime que la mesure bénéficiera surtout aux entreprises implantées en bordure des zones urbaines, des « délocalisations » étant même envisageables.

Les entreprises artisanales mentionnées à l'article 1468, éligibles au crédit d'impôt en zone rurale, sont celles « qui effectuent principalement des travaux de fabrication, de transformation, de réparation ou des prestations de services et pour lesquels la rémunération du travail représente plus de 50 % du chiffre d'affaires global, tous droits et taxes compris ».

Les exclusions prévues pour plusieurs des secteurs éligibles au crédit d'impôt s'expliquent par des raisons de compatibilité avec le droit communautaire.

Votre rapporteur a demandé au Gouvernement de justifier l'éligibilité au crédit d'impôt des secteurs mentionnés ci-dessus. Il lui a été répondu que « dans un souci d'efficacité, les représentants de la collectivité territoriale de Corse et le Gouvernement ont fait le choix de réserver l'aide fiscale à l'investissement en Corse aux secteurs économiques clés de l'île dont le développement est susceptible de créer un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie corse ». Cependant, certains membres de l'Assemblée de Corse, également membres de l'Assemblée nationale, ont souhaité étendre cette liste à l'occasion de l'examen du présent projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale.

Le MEDEF de Corse a indiqué à votre rapporteur qu'il estimait à 13,3 % la proportion d'entreprises exerçant leur activité en Corse qui pourra bénéficier du crédit d'impôt.

Les secteurs éligibles au crédit d'impôt outre-mer qui ne sont pas éligibles au crédit d'impôt proposé pour la Corse par le présent article

Pour l'outre-mer, l'article 199 undecies B du code général des impôts comporte une liste de secteurs d'activité ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt plus longue que celle du présent article.

Y figurent notamment les secteurs suivants : le tourisme (sauf la navigation de croisière), les bâtiments et travaux publics (pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés), les transports , la maintenance dans l'un des autres secteurs éligibles, la production et la diffusion audiovisuelle et cinématographique , les investissements nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial qui constituent des éléments de l'actif immobilisé, la rénovation d'hôtel , la pêche .

Les secteurs qui n'étaient pas éligibles dans les précédents dispositifs applicables en Corse

A la demande de votre rapporteur, le Gouvernement a recensé les secteurs d'activité qui seraient éligibles au crédit d'impôt proposé par le présent article et qui ne sont pas éligibles aux dispositifs existant aujourd'hui.

Il en ressort que si le dispositif proposé par le présent article englobe certains domaines non couverts par les articles 44 sexies , 208 quater A et 208 sexies , il ne concerne pratiquement que des secteurs qui pouvaient déjà bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés mise en place par la loi relative à la zone franche de Corse, celle de l'article 44 decies .

Le seul point sur lequel le dispositif proposé semble plus large que l'article 44 decies est le transport d'énergie, explicitement exclu de l'article 44 decies alors que le dispositif proposé n'exclut que la distribution d'énergie.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les secteurs éligibles aux dispositifs actuels qui ne sont pas éligibles au crédit d'impôt

Le champ du dispositif proposé doit essentiellement être comparé à celui de l'article 44 decies du code général des impôts, issu de la loi sur la zone franche de Corse, car ce dernier a la faveur de la plupart des entreprises exerçant leur activité en Corse.

S'agissant des trois autres dispositifs, on peut retenir essentiellement que les dispositions des articles 208 quater A et 208 sexies sont applicables au secteur du bâtiment , à la différence du dispositif proposé par le présent article, et que l'exonération de l'article 44 sexies bénéficie aux personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier et du matériel nécessaire à son exploitation.

La comparaison avec l'éligibilité aux dispositions de l'article 44 decies est rendue délicate par le fait que, alors que le présent article comporte une liste exhaustive des secteurs éligibles, l'article 44 decies est une mesure générale, qui comporte des exceptions. Il ressort néanmoins que :

- dans les secteurs de l'industrie et de l'agriculture, le champ d'application des deux dispositifs est identique ;

- s'agissant de l'artisanat, l'article 44 decies est plus favorable car l'éligibilité n'est pas limitée aux zones de revitalisation rurale et aux activités artisanales mentionnées à l'article 1468 du code général des impôts ;

- s'agissant des activités commerciales, le champ de l'article 44 decies est plus large car il ne limite pas à une énumération. Il s'applique par exemple aux contribuables exerçant une activité de gestion ou de location d'immeubles lorsque leurs prestations portent exclusivement sur des biens situés en Corse et aux entreprises de transport exerçant à l'intérieur de la zone courte des départements de Corse ;

- s'agissant des activités non commerciales, elles sont éligibles aux dispositions de l'article 44 decies à la condition qu'elles soient exercées par des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. Dans le présent article, la condition de la soumission à l'impôt sur les sociétés disparaît, mais les activités non commerciales doivent figurer dans la liste des secteurs éligibles. Or, parmi la liste des activités non commerciales figurant à l'article 92 du code général des impôts, peu se révèlent concernées par le dispositif du présent projet de loi : les professions libérales, les charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants, toutes occupations, exploitations et sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfice ou de revenu (opérations de bourse, services financiers).

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que les seules professions non commerciales susceptibles d'être, à la marge, concernées par le crédit d'impôt étaient les entreprises de spectacles et celles exerçant dans le secteur des nouvelles technologies.

4. Le coût du dispositif proposé

Le Gouvernement a transmis à votre rapporteur les éléments de chiffrage suivants :

Evolution du coût du crédit d'impôt et du dispositif « zone franche »

(en millions de francs)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Exonération IR/IS (zone franche)

220

240

90

70

50

30

Exonération IFA (zone franche)

20

20

10

5

ns

ns

Total zone franche

240

260

100

75

50

30

Crédit d'impôt

170

210

250

300

330

TOTAL

240

430

310

325

350

360

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Ces éléments font apparaître que la dépense fiscale liée à la mise en place du crédit d'impôt, après un pic en 2002 en raison de la coexistence d'un nombre encore élevé de bénéficiaires du dispositif « zone franche » et du démarrage à un niveau élevé du crédit d'impôt (170 millions de francs dès la première année), devrait être, en régime de croisière, supérieure d'au moins 100 millions de francs par an à son niveau de 2001.

S'agissant des hypothèses à partir desquelles ces estimations ont été réalisées, le Gouvernement a apporté à votre rapporteur les éléments suivants :

« L'évaluation se fonde sur la base INSEE des investissements réalisés en Corse par les PME actualisée pour 2001. Il est opéré ensuite sur cette base une réfaction pour exclure les secteurs d'activité non concernés par la mesure. Le coût du crédit d'impôt accordé peut alors être évalué en multipliant la base des investissements éligibles par le taux du crédit d'impôt.

Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt dû au titre de l'année de l'investissement ; le reliquat est imputé pendant 9 ans et restitué la 10 ème année le cas échéant. On retient une hypothèse d'imputation du crédit d'impôt sur la période de : 70 % la première année, 10 % pour les trois années suivantes, l'imputation des années suivantes et la restitution sont considérées comme négligeables.

En outre, les bases sont actualisées de 10 % à compter de 2002. »

Tant la méthodologie retenue par le Gouvernement que le chiffrage avancé sont contestés par les deux chambres de commerce et d'industrie de Corse qui, à la demande de votre rapporteur, ont procédé à leur propre évaluation du coût du dispositif. Elles estiment que le coût du crédit d'impôt s'élèvera à 38 millions de francs en 2003, 49 millions de francs en 2004, 61 millions de francs en 2005 et 73 millions de francs en 2006.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE

1. Approuver la logique du crédit d'impôt

Votre commission spéciale souscrit au choix du mécanisme de crédit d'impôt et d'asseoir l'avantage obtenu sur l'importance des investissements réalisés. Elle rappelle que ce parti pris du présent projet de loi résulte d'une suggestion des élus de la Corse.

Elle considère que cet instrument sélectif est de nature à encourager le développement du tissu productif en Corse et que, compte tenu de l'existence d'un remboursement, la mesure permettra d'accompagner le développement d'entreprises ne faisant pas toujours de bénéfices.

2. Aligner la définition des PME sur le droit communautaire

En cohérence avec le vote du Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative de l'hiver 2000, votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à aligner la définition des petites et moyennes entreprises retenue par la rédaction proposée par le présent article pour l'article 244 quater E du code général des impôts sur la définition du droit communautaire, en incluant le critère du total de bilan alternatif au critère du chiffre d'affaires.

Si elle approuve le choix du Gouvernement de limiter le bénéfice du crédit d'impôt aux seules petites et moyennes entreprises, votre commission spéciale considère qu'il convient de ne laisser aucune d'entre elles à l'écart du bénéfice de la mesure.

Le Sénat a adopté un amendement identique lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative de l'hiver 2000.

3. Permettre aux micro-entreprises de bénéficier du crédit d'impôt dès 2002

Le présent article limite le bénéfice du crédit d'impôt aux seules entreprises soumises à un régime réel d'imposition, et laisse donc de côté les entreprises bénéficiant du régime fiscal des micro-entreprises prévu à l'article 50-0 du code général des impôts.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur qu' « un mécanisme de crédit d'impôt s'accommoderait mal d'un régime d'imposition forfaitaire. Il est rappelé que le bénéfice des entreprises éligibles à ce régime [des micro-entreprises] est déterminé par référence au chiffre d'affaires sous déduction d'un abattement forfaitaire pour charges de 70 % ou 50 % selon la nature de l'activité exercée. Les entreprises concernées peuvent, bien entendu, renoncer à l'application de ce dispositif qui allège significativement leurs obligations déclaratives et comptables, en optant pour un régime réel d'imposition. »

Votre commission spéciale partage cette analyse mais ne souhaite pas que le développement et les programmes d'investissement des entreprises soumises au régime des micro-entreprises soit mis entre parenthèses pendant le délai nécessaire à leur changement de régime fiscal et à leur adaptation aux obligations déclaratives et comptables d'un régime réel d'imposition. Quand bien même les modalités de passage du régime « micro » au régime réel seraient assouplies par les dispositions de l'article 49 du projet de loi de finances pour 2002, la transition de l'un vers l'autre reste un obstacle que les entreprises ne peuvent franchir sans préparation préalable.

C'est pourquoi elle vous présente deux amendements prévoyant que les micro-entreprises qui opteront pour un régime réel d'imposition dans les deux ans de l'éventuelle entrée en vigueur des dispositions du présent article pourront bénéficier du crédit d'impôt pour les investissements réalisés à compter du 1 er janvier 2002.

4. Etendre la liste des secteurs éligibles

Votre commission spéciale estime que la liste des secteurs éligibles au crédit d'impôt prévue par le présent projet de loi est trop restrictive. Elle considère que l'absence des activités de restauration est pour le moins contradictoire avec la volonté affichée du Gouvernement de promouvoir le tourisme en Corse, et qu'elle est de nature à compliquer la gestion comptable des hôtels-restaurants.

De même, il n'apparaît pas opportun d'exclure les bâtiments et travaux publics (BTP) alors que la mise en oeuvre du programme exceptionnel d'investissement devrait s'accompagner de mesures permettant aux entreprises insulaires de pouvoir supporter la concurrence avec les entreprises continentales pour l'obtention des marchés qui en résulteront.

Votre commission spéciale vous propose six amendements étendant la liste des secteurs éligibles au crédit d'impôt à la restauration, le BTP, la maintenance dans les secteurs éligibles, à la rénovation d'hôtel, aux résidences pour personnes âgées et aux services de conseil et d'ingénierie.

Elle vous soumet également un amendement retenant comme définition des entreprises artisanales éligibles au crédit d'impôt dans les zones rurales celle retenue pour l'exonération prévue dans le cadre de la zone franche. La définition retenue par le présent article apparaît trop restrictive.

5. Mettre en place un crédit d'impôt à taux réduit accessible à toutes les entreprises

Le crédit d'impôt, dans la rédaction actuelle du présent projet de loi, est réservé aux entreprises exerçant leur activité dans les secteurs déclarés éligibles.

Cette restriction ne résulte pas de la logique du crédit d'impôt, qui réside sur la volonté d'inciter les entreprises à investir.

S'il est pertinent d'apporter une incitation renforcée à certains secteurs d'activité, il n'appartient pas au législateur d'écarter de l'effort de relance de l'investissement des pans entiers du tissu économique.

En conséquence, votre commission spéciale vous proposera trois amendements tendant à mettre en place un crédit d'impôt, à taux réduit de 10 %, au bénéfice des secteurs d'activités exclus de l'éligibilité au crédit d'impôt au taux de 20 %. Les secteurs exclus pour des raisons de compatibilité avec le droit communautaire ne pourront pas bénéficier du crédit d'impôt à taux réduit.

6. Prévoir la transmission au repreneur de la fraction du crédit d'impôt non imputée par l'acquéreur initial

Le III du texte proposé par le présent article pour l'article 244 quater E du code général des impôts dispose que le crédit d'impôt ne fait pas l'objet d'une reprise, même si le bien ayant ouvert droit à ce crédit est cédé avant l'expiration du délai de cinq ans de son utilisation ou pendant sa durée normale d'utilisation, lorsque le repreneur s'engage à l'exploiter dans le cadre d'une activité éligible au crédit d'impôt. La fraction de ce crédit n'ayant pas été imputée par l'acquéreur initial est conservée par celui-ci.

Votre commission vous soumet un amendement prévoyant que cette fraction est transférée au repreneur du bien.

7. Mettre en place un dispositif de sortie progressive de la zone franche

Le Gouvernement fait valoir que la perte du bénéfice du régime de la zone franche s'accompagne pour les entreprises de la mise en place d'une sortie « en sifflet », les exonérations disparaissant de manière progressive, en trois ans.

Cette présentation n'est exacte que pour la perte du bénéfice de l'exonération de taxe professionnelle mise en place par la zone franche.

Pour les deux autres exonérations (au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, et au titre de l'imposition forfaitaire annuelle), rien n'est prévu (même si le crédit d'impôt devrait prendre le relais pour un certain nombre de ces entreprises). L'absence de mécanisme de sortie progressive du régime de la zone franche sera particulièrement pénalisant , d'une part, pour les entreprises dont les besoins en investissements nouveaux sont satisfaits, et qui ne pourront donc pas profiter du crédit d'impôt avant plusieurs années et, d'autre part, pour les entreprises qui exercent leur activité dans les secteurs non éligibles au crédit d'impôt au taux de 20 % mais qui étaient éligibles au précédent dispositif.

Votre commission spéciale vous propose deux amendements tendant à étendre le principe d'une sortie en sifflet aux deux exonérations mises en place par la zone franche pour lesquelles cela n'avait pas été prévu.

Les entreprises pourront bénéficier de ce mécanisme de sortie en sifflet à compter de l'année suivant la dernière année au titre de laquelle elles ont bénéficié de la zone franche ou, si elle est antérieure, de la première année au titre de laquelle elles exercent l'option en faveur du crédit d'impôt.

II. LES EXONÉRATIONS DE TAXE PROFESSIONNELLE

A. LE DROIT ACTUEL

1. Les dispositions de la loi du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse

L'article 2 de la loi n° 94-1131 du 27 novembre 1994 portant statut fiscal de la Corse prévoit, en matière de taxe professionnelle :

- la suppression de la part départementale et de la part perçue par la collectivité territoriale de Corse ;

- un abattement de 25 % sur les bases imposées au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

2. Les dispositions de la loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse

L'article 3 de la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996 crée une nouvelle exonération de taxe professionnelle, qui s'applique sauf délibération contraire des communes ou de leurs établissements publics de coopération intercommunale. Son régime est fixé par les dispositions de l'article 1466 B du code général des impôts.

Le régime de l'exonération

L'exonération est temporaire. Elle s'applique pendant cinq ans aux bases de taxe professionnelle des entreprises qui deviennent éligibles à son bénéfice entre le 1 er janvier 1997 et le 31 décembre 2001 , dans la limite d'un montant de base nette imposable de 3 millions de francs par établissement. Ce montant est actualisé chaque année en fonction de l'évolution des prix constatée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) pour l'avant dernière année précédant celle de l'imposition.

L'exonération concerne les entreprises qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale ainsi que les professions non commerciales.

L'exonération comporte deux régimes distincts :

- elle s'applique en totalité aux bases correspondants à des créations ou extensions d'établissements intervenues en Corse entre 1997 et 2001. En sont exclues, pour des raisons tenant au droit communautaire, certains secteurs (gestion ou location d'immeubles, sauf lorsque les prestations portent exclusivement sur des biens situés en Corse, activités bancaires, financières, assurances, transport ou distribution d'énergie, jeux de hasard et d'argent, industrie charbonnière, sidérurgie, fibres synthétiques, pêche sous réserve de certaines conditions, construction et réparation de navires d'au moins 100 tonnes de jauge brute, construction automobile, agro-alimentaire sauf exceptions) ;

- elle s'applique également à toutes les bases des entreprises existantes au 1 er janvier 1997 . Dans certains cas, l'exonération peut être seulement partielle (pour les entreprises de moins de 30 ou 50 salariés exerçant dans certains secteurs et pas du tout pour les entreprises exerçant dans d'autres secteurs).

L'article 1466 B précise que « deux périodes d'exonération ne peuvent courir simultanément ». Par conséquent, une entreprises exonérée de 1997 à 2001 qui réalise une extension en 1998 ne peut pas prétendre à être exonérée à ce titre pendant cinq ans. Comme elle bénéficie déjà d'une période d'exonération, elle n'est pas exonérée au-delà de 2001.

Une exonération qui a les faveurs des entreprises implantées en Corse

Lorsqu'une entreprise choisit de s'inscrire dans le régime de la zone franche, son option emporte renonciation au bénéfice des autres exonérations de taxe professionnelle dites « d'aménagement du territoire ».

Le tableau ci-dessous montre que, en Corse, aucune entreprise n'a préféré l'un de ces régimes à celui de la zone franche :

Nombre d'établissements exonérés en 2001 en Corse
au titre des différents dispositifs prévus par le code général des impôts

Articles du CGI

1464 B

1465

1465 A

1465 B

1466 A

1466 B

Nombre d'établissements exonérés

0

0

0

0

0

Dans les communes

14 488

Dans les communautés de communes

1 731

Dans les districts

2 505

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Le coût de l'exonération

Le coût de l'exonération prévue par la loi relative à la zone franche de Corse diminue depuis 1998. Cela ne signifie pas que le nombre d'entreprises, ou que les bases exonérées, diminuent, mais s'explique par la suppression progressive de la part de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires.

Evolution du coût en Corse des exonérations de taxe professionnelle

(en millions de francs)

Dispositifs du CGI

1997

1998

1999

2000

2001

1466 B

166

187

158

150

155

1465

0

0

0

0

0

1465 A

0

0

0

0

0

1465 B

0

0

0

0

0

1466 A

0

0

0

0

0

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Votre rapporteur constate un décalage entre les données fournies par le Gouvernement et les estimations du rapport remis au Parlement en application de l'article 5 de la loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse, rendu en juin 1999, qui estimait le coût « net » pour l'Etat de l'exonération à 112,7 millions de francs en 1997, à 142,2 millions de francs en 1998 et à 112,7 millions de francs en 1999.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

1. Un dispositif en trois volets

Le présent article propose, en matière de taxe professionnelle, un dispositif en trois volets :

- le maintien de l'exonération existante jusqu'à l'extinction de ses bénéficiaires ;

- une sortie « en sifflet » pour les entreprises qui perdent le bénéfice de l'exonération ;

- une nouvelle exonération.

La possibilité de bénéficier des dispositions de la zone franche jusqu'au terme de celle-ci

Les dispositions de l'article 1466 B créé par la loi relative à la zone franche de Corse s'appliquent pour cinq ans aux entreprises qui y sont éligibles au titre des bases existantes en 1997 et d'une création ou extension d'établissement intervenue entre le 1 er janvier 1997 et le 31 décembre 2001.

Le présent article ne modifie pas l'article 1466 B. Par conséquent, les extensions n'étant taxées que deux ans après leur réalisation en matière de taxe professionnelle (pour les créations, la taxation intervient l'année suivante), les entreprises qui auront réalisé une extension d'établissement en 2001 pourront encore en bénéficier en 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007.

C'est donc seulement à compter du 1 er janvier 2008 que l'exonération mise en place par la loi relative à la zone franche de Corse ne s'appliquera plus à aucune entreprise de Corse.

La sortie du régime de la zone franche

Le V du A du présent article insère dans le code général des impôts un article 1466 B bis qui prévoit que, pendant les trois années suivant la perte du bénéfice de l'exonération issue de la loi sur la zone franche (article 1466 B), les bases qui étaient exonérées dans ce cadre continuent de l'être, mais dans des proportions inférieures et dégressives.

La première année suivant la perte du bénéfice de l'exonération de l'article 1466 B, les bases sont exonérées à 75 %. Ce pourcentage est porté à 50 % la deuxième année et à 25 % la troisième année.

La rédaction initiale du projet de loi prévoyait une sortie en deux ans (deux tiers la première année, un tiers la deuxième). La durée a été portée à trois ans à la suite de l'adoption par les députés d'un amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission des lois.

Alors que le b du 2° du I de l'article 1466 B prévoit que ses dispositions « ne peuvent avoir pour effet de reporter de plus de cinq ans l'application du droit commun », les dispositions proposées par le présent article pour l'article 1466 B bis du code général des impôts portent à huit ans la durée de l'exonération mise en place par la zone franche, dont cinq ans d'exonération totale et trois ans d'exonération partielle. Le texte proposé précise d'ailleurs que les dispositions de l'article 1466 B bis s'appliquent par dérogation au b du 2° du I de l'article 1466 B.

Grâce à ce dispositif de sortie « en sifflet », les entreprises ayant procédé à une création ou extension en 2001 pourront bénéficier de l'exonération de droit commun jusqu'au 31 décembre 2007 et de l'exonération partielle jusqu'au 31 décembre 2010.

Exemple

Soit un établissement existant en 1997 et exonéré de 1997 à 2001 au titre de la zone franche (article 1466 B), qui réalise une extension en 2001 (donc éligible au régime de la zone franche). Il sera exonéré :

- en 2001 sur la totalité de ses bases, en application de l'article 1466 B ;

- en 2002, 2003 et 2004, respectivement sur 75 %, 50 % et 25 % des bases exonérées en 2001, en application du dispositif de sortie « en sifflet » de l'article 1466 B bis ;

- en 2003, 2004, 2205, 2006 et 2007 au titre de l'extension réalisée en 2001, en application de l'article 1466 B ;

- en 2008, 2009 et 2010, respectivement sur 75 %, 50 % et 25 % des bases exonérées en 2001, en application du dispositif de sortie « en sifflet » de l'article 1466 B bis .

Une nouvelle exonération de taxe professionnelle

Le VI du A du présent article insère dans le code général des impôts un article 1466 C, qui crée une nouvelle exonération de taxe professionnelle.

Comme l'exonération de la zone franche, la nouvelle exonération concerne les entreprises exerçant une activité commerciale, industrielle ou artisanale. En revanche, les professions non commerciales ne sont plus concernées.

Cependant, le champ d'application de la mesure est limité aux seules petites et moyennes entreprises (PME), telles que définies à l'article 1465 B du code général des impôts.

Cet article retient une définition des PME très proche de celle du texte proposé par le présent article pour l'article 244 quater E du code général des impôts, relatif au crédit d'impôt. Cependant, la rédaction proposée pour l'article 244 quater E est plus précise car elle spécifie que « l'effectif moyen de l'entreprise est apprécié par référence au nombre moyen de salariés employés au cours de cet exercice ou de cette période d'imposition ». Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que, s'agissant de l'article 1465 B, cette précision figurait dans l'instruction administrative 6 E-6-01 publiée le 2 juillet 2001. Votre commission spéciale vous propose néanmoins un amendement apportant cette précision au texte de l'article 1465 B.

La rédaction initiale du présent article réservait le bénéfice de l'exonération aux seules petites et moyennes entreprises exerçant leur activité dans un secteur éligible au bénéfice du crédit d'impôt proposé par le présent article. Cette dernière condition a été supprimée à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission des lois.

L'assiette de l'exonération proposée par le présent article est plus réduite que celle de l'exonération de la zone franche de Corse. Elle porte uniquement sur « la valeur locative des immobilisations corporelles ». L'assiette de la précédente exonération était l'ensemble des bases de la taxe professionnelle, définies à l'article 1467 du code général des impôts, ce qui incluait les salaires et, pour les professions non commerciales, les recettes.

Dans la rédaction initiale du présent article, l'assiette de l'exonération était encore plus réduite puisqu'elle ne retenait que « la valeur locative des immobilisations corporelles, autres que les immobilisations passibles de la taxe foncière, afférente aux créations d'établissements et aux augmentations de bases relatives à la même catégorie d'immobilisations ». Après que notre collègue M. José Rossi a fait valoir que la rédaction proposée ne tenait pas compte de « la valeur locative immeubles, terrains, locaux commerciaux et autres » et que « les investissements soumis à la taxe foncière représentent 80 % de la base taxable d'un hôtel », l'Assemblée nationale a adopté deux amendements présentés par M. José Rossi et par le rapporteur au nom de la commission des lois tendant à élargir l'assiette de l'exonération à l'ensemble des immobilisations corporelles.

Votre commission spéciale vous propose un amendement de clarification, de portée rédactionnelle, tendant à compléter les travaux de l'Assemblée nationale et à prévoir que, comme aujourd'hui, l'exonération s'applique aux bases afférentes aux créations et extensions d'établissement.

Le plafond de trois millions de francs de bases taxables qui existait dans la loi relative à la zone franche de Corse disparaît dans le dispositif proposé.

En terme de secteurs éligibles, le dispositif proposé ne retient aucune des exclusions figurant dans la loi relative à la zone franche de Corse.

Comme le dispositif d'exonération des créations et extensions d'établissement issu de la loi relative à la zone franche, l'exonération proposée porte sur l'intégralité des parts communale et intercommunale de la taxe professionnelle.

En revanche, le présent article ne prévoit pas d'exonérer, totalement ou partiellement, l'ensemble des bases existantes au 1 er janvier 2002, le dispositif zone franche exonérant les bases existantes au 1 er janvier 1997.

Le dispositif proposé reprend le principe de la renonciation aux autres mesures d'exonération de taxe professionnelle, prévues aux articles 1464 B, 1465, 1465 B et 1466 A du code général des impôts en cas d'option pour la nouvelle exonération. De même, il précise que l'exonération ne saurait reporter de plus de cinq ans l'application du droit commun. En terme de durée d'application, le nouveau dispositif est plus favorable que celui de la zone franche puisqu'il s'applique aux investissements réalisés de 2002 à 2012, soit dix ans, alors que le dispositif de la zone franche ne s'applique qu'aux investissements réalisés entre 1997 et 2001, soit cinq ans. Cependant, il ne faut pas en conclure que le dispositif proposé est deux fois plus favorable. En effet :

- les créations d'établissement ne seront exonérée qu'à compter de 2003, en raison de la règle de décalage d'un an, et les extensions à compter de 2004, en raison de la règle du décalage de deux ans ;

- la rédaction proposée pour l'article 1466 C prévoit que « ne peut s'appliquer au-delà du 31 décembre 2012 ». Cela signifie que les créations réalisées à compter de 2008 inclus ne pourront pas bénéficier de cinq années d'exonération. Les créations réalisées en 2012 ne seront jamais exonérées . Pour les extensions, ce sont celles réalisées à compter de 2007 qui ne seront pas exonérées pendant cinq ans. Les extensions réalisées en 2011 et 2012 ne seront jamais exonérées.

Au total, s'agissant des créations d'établissement, l'exonération sera de cinq ans (même durée que le dispositif zone franche) pour celles réalisées de 2002 à 2007 (six exercices, contre cinq pour le dispositif zone franche). Pour les extensions, l'exonération sera de cinq ans pour celles réalisées de 2002 à 2006 (soit cinq exercices, comme pour la zone franche).

2. Trois volets complémentaires mais indépendants les uns des autres

La conjonction des trois volets du dispositif en matière de taxe professionnelle permet une transition en douceur entre le régime de la zone franche et celui de la nouvelle exonération. L'examen de l'évolution du coût prévisionnel du dispositif permet d'en mettre en évidence les raisons :

Evolution du coût du volet « taxe professionnelle » du projet de loi

(en millions de francs)

2001

2002

2003

2004

Exonération zone franche

150

30

24

18

Sortie en sifflet

0

96

69

35

nouvelle exo

12

56

Total

150

126

105

109

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Il apparaît que l'année 2002 voit la sortie du dispositif de la zone franche des entreprises existantes au 1 er janvier 1997, les plus nombreuses parmi les bénéficiaires de l'exonération, qui « basculent » dans le régime de sortie « en sifflet ».

En 2003, les premières créations d'établissement commencent à être exonérées au titre du nouveau dispositif tandis que les premières exonérations d'extensions au titre du nouveau dispositif n'interviennent qu'en 2004.

Le coût total du volet « taxe professionnelle » du présent article diminue de près de 30 % sur la période. Cela s'explique non seulement par le fait que, dans le nouveau dispositif, seules les créations et extensions sont exonérées, mais aussi (peut-être surtout) par la disparition de la part de l'assiette de la taxe professionnelle reposant sur les salaires 215 ( * ) .

L'exemple ci-dessous permet de mettre en évidence la manière dont les différents volets du présent projet de loi relatifs à la taxe professionnelle se combinent, et comment les avantages peuvent se cumuler :

Exemple

Soit un établissement existant en 1997 et exonéré de 1997 à 2001 au titre de l'article 1466 B (zone franche) du code général des impôts. Il procède en 2001 à une extension éligible au dispositif prévu au même article puis, en 2002 puis en 2004, à une extension éligible au dispositif prévu au futur article 1466 C du code précité.

Dans ces conditions, il sera exonéré :

- en 2001 sur la totalité de ses bases (article 1466 B du code général des impôts) ;

- de 2002 à 2004, respectivement sur 75 %, 50 % et 25 % des bases exonérées en 2001 (futur article 1466 B bis du code précité) ;

- de 2003 à 2007 sur les éléments afférents à l'extension réalisée en 2001(article 1466 B du code précité).

- de 2008 à 2010 respectivement sur 75 %, 50 % et 25 % des bases exonérées en 2007 au titre de l'extension réalisée en 2001 (futur article 1466 B bis du code précité).

- de 2004 à 2008 sur les éléments afférents à l'extension réalisée en 2002 (futur article 1466 C du code précité)

- (seulement) de 2006 à 2008 sur les éléments afférents à l'extension réalisée en 2004 (futur article 1466 C du code précité) car deux périodes d'exonération ne peuvent courir simultanément au titre du même régime et les éléments qui constituent l'extension réalisée en 2004 sont exonérés pendant la période d'exonération afférente à l'extension réalisée en 2002.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

S'agissant de la méthodologie retenue par le Gouvernement pour élaborer ce chiffrage, votre rapporteur a recueilli les éléments suivants :

« Aide à l'investissement :

- la part des investissements concernés par la mesure est estimée à 65 % du total des investissements à partir des bases déclarées à la TP ;

- la proportion des créations et extensions a été estimée respectivement à 25 % et 75 % ;

- les créations d'entreprises en Corse représentent 12 % du nombre total d'entreprises, ce pourcentage a été transposé aux bases d'investissements en retenant un poids plus important pour les investissements des entreprises nouvelles soit 25 % ;

- une hypothèse d'actualisation des bases de 10 % par an à compter de 2002 a été retenue.

Sortie dégressive du dispositif :

- la proportion des existants dont la période d'exonération s'achève en 2001 a été estimée à 80 % ;

- le coût de l'exonération partielle de TP est estimé à partir du coût de la compensation du dispositif « zone franche » qui est de 155 MF en 2001, ce montant a été actualisé à 160 MF pour 2002. »

3. La compensation versée aux collectivités locales

Le B du présent article dispose qu'il « est institué, dans les conditions prévues chaque année par la loi de finances, une dotation budgétaire destinée à compenser à chaque commune, établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre ou fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle les pertes de recettes » résultant du dispositif de sortie de la zone franche et de la nouvelle exonération de taxe professionnelle.

Étrangement, les modalités de calcul de la compensation ne sont pas précisées.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE

1. Approuver le maintien des dispositifs existants

Votre commission spéciale se félicite que le Gouvernement ait choisi de laisser vivre le régime de la zone franche jusqu'à son terme.

Le choix de ne pas remettre en Corse les dispositions issues de la loi relative à la zone franche va dans le sens de l'analyse présentée dans le rapport remis au Parlement en application de l'article 5 de cette loi, selon lequel « seule la stabilisation jusqu'au terme normal va dans le sens recherché ».

Votre commission spéciale approuve aussi le principe de la sortie « en sifflet », qui permettra d'éviter aux entreprises pour lesquelles les besoins en investissements sont satisfaits, et qui ne bénéficieront donc pas de la nouvelle exonération (qui s'applique aux seules créations et extensions d'établissement), de subir un retour au droit commun trop brutal.

2. Etendre le bénéfice de l'exonération aux professions non commerciales

Les professions non commerciales étaient éligibles à l'exonération prévue par la zone franche. Il paraît légitime de les inclure dans le champ de l'exonération prévue par le présent article, d'autant plus qu'elles ne bénéficieront plus de l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés (très peu d'entre elles exercent leur activité dans l'un des secteurs éligibles). Votre commission spéciale vous soumet un amendement en ce sens.

Les professions non commerciales seront cependant peu concernées par l'exonération (qui ne s'applique qu'aux créations et extensions) puisque leurs cotisations à la taxe professionnelle dépendent surtout de leurs recettes, celles-ci n'étant qu'indirectement affectées par le niveau de leurs investissements. Les immobilisations corporelles ne sont prises en compte, pour le calcul de la taxe professionnelle des professions non commerciales, que lorsqu'elles sont imposables aux taxes foncières sur les propriétés et que le contribuable en a bénéficié pour les besoins de son activité professionnelle.

Par coordination, votre commission spéciale vous propose un amendement étendant le champ de l'exonération à l'intégralité des bases de la taxe professionnelle, définies à l'article 1467 du code général des impôts.

3. Exonérer pour cinq ans toutes les créations et extensions d'établissement réalisées avant le 31 décembre 2012

La rédaction proposée par le présent article pour l'article 1466 C du code général des impôts prévoit que l'exonération ne s'applique pas au-delà du 31 décembre 2012.

Cette rédaction conduit à ne pas exonérer du tout les créations d'établissement réalisées en 2012 et à exonérer pour moins de cinq ans les créations réalisées à compter de 2008. Les extensions réalisées en 2011 et 2012 ne seraient jamais exonérées et les celles réalisées à compter de 2007 le seraient pour moins de cinq ans.

Votre commission spéciale vous propose deux amendements étendant le principe d'une exonération pour cinq ans à tous les investissements réalisés avant le 31 décembre 2012.

4. Prévoir les modalités de calcul de la compensation aux collectivités locales

Votre rapporteur observe tout d'abord qu'il n'est pas très heureux de prévoir que la compensation donne lieu à une dotation budgétaire alors que la nouvelle loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances précise que les compensations d'exonérations fiscales ont vocation à figurer en prélèvement sur les recettes de l'Etat.

Le Gouvernement a d'ailleurs indiqué à votre rapporteur que, dans le projet de loi de finances pour 2002, les crédits correspondants à la compensation des pertes de recettes résultant des dispositions du présent article figurent dans le prélèvement sur les recettes de l'Etat au titre de la compensation des exonérations relatives à la fiscalité directe locale. Ce prélèvement sur recettes comprend déjà les sommes destinées à financer la compensation des exonérations de taxe professionnelle résultant de la loi portant statut fiscal de la Corse et de la loi relative à la zone franche de Corse.

Votre commission spéciale s'étonne ensuite que le présent article ne prévoit pas le mode de calcul de la compensation.

Elle vous propose un amendement tendant, d'une part, à préciser le mode de calcul de la compensation et, d'autre part, à supprimer la référence à une dotation budgétaire.

Cet amendement tend à calculer la compensation en appliquant aux bases exonérées les taux de 1996, qui servent déjà à calculer les compensations de l'exonération actuelle.

Ce choix, peu satisfaisant sur le plan des principes car il s'inscrit dans le travers fréquemment dénoncé de la déconnexion entre le montant de la compensation versée aux collectivités locales et de l'évolution réelle des bases d'imposition, est malheureusement justifié pour la Corse. En effet, aujourd'hui, la taxe professionnelle est un impôt qui a pratiquement disparu dans l'île en raison de la suppression des parts départementale et régionale et de l'exonération presque totale de la part communale et intercommunale depuis 1996. Les petites communes ne s'y préoccupent plus vraiment de l'évolution de leurs taux de taxe professionnelle si bien que, en retenant la solution la plus logique (le taux de 2001), des transferts de ressources non maîtrisés entre collectivités pourrait se faire jour.

Cependant, et notamment pour les communes et établissements publics de taille significative, le dispositif proposé prévoit que si, depuis 1997, un taux supérieur à celui de 1996 a été voté, c'est celui-ci qui est retenu pour calculer la compensation.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous propose d'adopter le présent article ainsi modifié.

Article 44
(art. 4 de la loi n°96-1143 du 26 décembre 1996)
Sortie progressive des dispositifs d'exonération de charges sociales

I. LE DROIT ACTUEL

A. UNE EXONERATION DE CHARGES SOCIALES DANS LE CADRE DE LA ZONE FRANCHE

La loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse a créé, outre les exonérations fiscales, une exonération de charges sociales.

L'article 4 de cette loi majore en Corse l'exonération de charges sociales mise en place par l'article 113 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995), qui prévoit un allégement de charges sociales pour les salaires inférieurs à 1,3 SMIC.

En Corse, l'exonération s'applique aux salaires inférieurs à deux fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (169 fois le SMIC horaire majoré de 100 %), dans la limite d'un plafond de 1.500 francs par mois.

Les entreprises éligibles à l'exonération sont les mêmes que celles qui peuvent bénéficier de l'exonération de taxe professionnelle prévue par la zone franche. Il s'agit des entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 du code général des impôts, ainsi que des entreprises non commerciales dont l'effectif est supérieur ou égal à 3 salariés. Les entreprises exerçant leur activité dans un secteur exclu du bénéfice de l'exonération de taxe professionnelle ne peuvent pas non plus prétendre à l'allégement de charges sociales 216 ( * ) .

L'exonération s'applique pendant cinq ans aux rémunérations correspondant aux embauches réalisées entre le 1 er janvier 1997 et le 31 décembre 2001. Les entreprises ayant embauché en 2001 peuvent théoriquement bénéficier de la zone franche au titre des embauches jusqu'en 2005.

Elle s'applique également, pendant cinq ans, aux rémunérations versées à leurs salariés par les entreprises existantes en Corse au 1 er janvier 1997. Dans ce cas là, l'exonération est totale, mais ne s'applique qu'aux rémunérations versées à cinquante salariés pour les entreprises exerçant leur activité dans les secteurs de la construction, du commerce, de la réparation d'automobiles et d'articles domestiques, des transports terrestres pour ceux de leurs salariés qui exercent leur activité uniquement dans la zone courte de Corse, de la location sans opérateur, des services de santé et d'action sociale et des services collectifs, sociaux et personnels.

L'exonération ne s'applique qu'aux rémunérations versées à trente salariés lorsque l'activité relève d'autres secteurs. Elle s'applique à tous les salariés pour les entreprises agricoles dont les méthodes sont jugées compatibles avec la protection de l'environnement au regard des dispositions de l'article premier du règlement du Conseil européen n° 2078/92.

Au 1 er janvier 2002, les effectifs exonérés depuis le 1 er janvier 1997 reviendront dans le droit commun.

B. LA MONTEE EN CHARGE DE DISPOSITIFS CONCURRENTS

Depuis l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, l'allégement de charges sociale mis en place dans le cadre de la zone franche a un concurrent. L'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'une entreprise ne peut pas cumuler les allégements accompagnant la réduction du temps de travail et l'allégement spécifique à la zone franche de Corse.

Ce dernier étant plus intéressant pour les entreprises implantées en Corse que l'allégement « Aubry » de droit commun, la loi du 19 janvier 2000 a modifié la loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse pour y introduire un article 4 bis , qui majore l'allégement prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale pour les entreprises éligibles à l'exonération « zone franche », pendant la durée où elles en bénéficient.

Dès lors, il devient financièrement plus intéressant pour une entreprise de s'inscrire dans le cadre de l'article 4 bis que dans celui de la zone franche de Corse. Lorsqu'une entreprise, au terme de la période de cinq ans, perd le bénéfice de l'exonération zone franche, elle perd également le bénéfice des dispositions de l'article 4 bis . Elle ne peut alors bénéficier que des exonérations de droit commun, applicables en Corse comme sur le continent.

C. UN COUT CROISSANT SANS EFFET SUR LE MONTANT TOTAL DES COTISATIONS RECOUVREES EN CORSE

De toutes les exonérations mises en place en faveur des entreprises par la loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse, l'allégement de charges sociales est celle dont le coût est le plus élevé. Il s'établissait à 296 millions de francs en 2000, contre 200 millions de francs pour l'exonération d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, et 150 millions de francs pour l'exonération de taxe professionnelle.

Evolution du coût des principaux allégements de charges sociales en Corse

(en millions de francs)

1996

1997

1998

1999

2000

Exonération zone franche

198,4

243,3

279,4

296,1

Réduction sur bas salaire

80,8

78,2

48,5

40,5

40,7

Réduction du temps de travail

3,5

59,3

Total

80,8

276,7

291,9

323,5

396,2

Source : URSSAF de Corse

Les montants exonérés en application de l'article 4 de la loi relative à la zone franche de Corse représentaient en 2000 environ 10 % des cotisations sociales encaissées au titre de l'exercice d'éligibilité. En 1997, cette proportion s'établissait à 8,5 % et en 1998 à 9,6 %. Les effectifs exonérés occupent donc une place croissante dans le total des emplois dans les entreprises implantées en Corse.

L'augmentation du coût de la zone franche a été sans effet sur l'évolution globale du rendement des cotisations sociales entre 1997 et 2000, qui a cru chaque année de plus de 6 %, pour s'établir à 2.906 millions de francs en 2000.

II. LE DISPOSITIF PROPOSE

Le présent article met en place, en introduisant un IV bis à l'article 4 de la loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse, un dispositif de sortie « en sifflet » de la perte d'éligibilité à l'exonération de charges sociales mise en place par la loi sur la zone franche de Corse.

Le dispositif est réservé aux entreprises implantées en Corse avant le 1 er janvier 1999 . Par conséquent, les entreprises implantées en Corse à compter de cette date n'en bénéficieront pas lorsqu'elles arriveront au terme de leur période d'exonération de cinq ans.

La sortie est prévue en deux ans pour les rémunérations exonérées dans le cadre de la zone franche depuis le 1 er janvier 1997 . Il est précisé que, « durant l'année 2002 », l'exonération ne portera plus que sur les salaires inférieurs à 1,75 fois le SMIC (au lieu de deux fois le SMIC), dans la limite d'un plafond de 1.420 francs (au lieu de 1.500 francs). Durant « l'année 2003 », l'exonération sera applicable aux salaires inférieurs à 1,45 fois le SMIC, dans la limite de 1.360 francs.

Pour les rémunérations exonérées depuis 1998, et qui bénéficieront de la zone franche pour la dernière année en 2002, la sortie se fera en un an . Les entreprises ne pourront bénéficier que des dispositions relatives à « l'année 2003 », soit une exonération des salaires inférieurs à 1,45 fois le SMIC dans la limite de 1.360 francs.

S'agissant des embauches réalisées à compter du 1 er janvier 1999 par des entreprises implantées en Corse avant le début de l'année 1999, et au titre desquelles ces entreprises pourraient bénéficier de la zone franche au delà de 2003, aucun dispositif de sortie n'est prévu.

Lors de l'examen du présent article en première lecture par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté un amendement tendant à porter la durée de la sortie du régime de la zone franche à trois ans pour les entreprises ayant bénéficié de la zone franche depuis le 1 er janvier 1997, à deux ans pour les entreprises ayant bénéficié de la zone franche à compter de 1998 et à un an pour les entreprises ayant bénéficié de la zone franche à compter de 1999.

Cet amendement a été rejeté par les députés, qui ont jugé préférable d'adopter l'amendement devenu l'article 44 bis du présent projet de loi, qui accorde aux entreprises implantées en Corse des allégements supplémentaires dans le cadre de la réduction du temps de travail.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

Le caractère restrictif du dispositif de sortie de la zone franche prévu par le présent article s'explique par la volonté du Gouvernement et de l'Assemblée nationale d'inciter les entreprises implantées en Corse à amorcer un processus de réduction de la durée du travail en réduisant les autres avantages qui peuvent leur être accordés. Il convient d'avoir présent à l'esprit que les exonérations accordées sur le continent aux entreprises qui passent aux « 35 heures » sont moins intéressants financièrement que celles qui résultent du régime de la zone franche de Corse.

Votre commission spéciale considère qu'il est toujours préférable de laisser les entreprises arbitrer entre les différents dispositifs qui leur sont proposés en fonction de ce qu'elles jugent le plus adapté pour leur développement.

Avec l'introduction dans le présent projet de loi de l'article 44 bis , qui accorde aux entreprises implantées en Corse des aides au passage aux « 35 heures » plus intéressantes que celles accordées sur le continent, mais également plus intéressantes que celles accordées dans le cadre de la zone franche, il n'y a plus lieu de restreindre le champ du dispositif de sortie de la zone franche puisque les entreprises souhaitant maximiser leurs avantages financiers sont dorénavant incitées à passer aux « 35 heures ».

Pour les autres, il apparaît inéquitable de ne pas accorder le même mécanisme de sortie à toutes les entreprises ayant bénéficié d'un même avantage (une exonération pour cinq ans).

En outre, le dispositif proposé est contraire à la logique de la zone franche puisqu'il avantage les entreprises qui n'ont pas « mérité » leur éligibilité au régime de la zone franche (elles sont exonérées pour la seule raison qu'elles existaient au 1 er janvier 1997) alors que celles qui ont eu le type de comportement que la zone franche entendait susciter (embaucher entre 1997 et 2001) ne sont pas récompensées.

Votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à ouvrir à toutes les entreprises ayant bénéficié de la zone franche entre 1997 et 2001 le bénéfice d'une sortie « en sifflet » sur trois ans, par symétrie avec le mécanisme mis en place par l'article 43 du présent projet de loi en matière de taxe professionnelle.

Sous le bénéfice de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous propose d'adopter le présent article.

Article 44 bis
(art. 4 bis de la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996)
Pérennisation du différentiel de charges sociales conféré dans le cadre de la zone franche de Corse

I. LE DROIT ACTUEL

La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail a mis en place des allégements de charges sociales pour les entreprises qui réduisent la durée du travail. Le régime de ces allégements est défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale.

En Corse, ces allégements n'auraient pas été incitatifs pour les entreprises éligibles au régime de la zone franche de Corse, qui est plus intéressant financièrement.

Par conséquent, l'article 26 de la loi du 19 janvier 2000 a modifié la loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse pour y insérer un article 4 bis , tendant à mettre en place un régime spécifique pour les entreprises implantées en Corse et bénéficiant de l'allégement de charges sociales dans le cadre de la zone franche.

Le nouvel article 4 bis prévoit que, lorsqu'une entreprise bénéficiant de l'allégement prévu par la zone franche opte pour l'allégement prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier est majoré d'un montant forfaitaire fixé par décret. Le décret du 24 août 2000 a fixé ce montant à 3.000 francs par an.

Financièrement, il est désormais légèrement plus intéressant pour une entreprise d'opter pour l'allégement dans le cadre de la réduction du temps de travail plutôt que de conserver le bénéfice de l'allégement prévu par la zone franche de Corse.

L'article 4 bis prévoit que le bénéfice de majoration de 3.000 francs est limité à la période comprise entre l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000 et la fin de la période de cinq ans pendant laquelle l'entreprise aurait bénéficié de la zone franche, si elle n'avait pas choisi d'opter pour l'allégement dans le cadre de la réduction du temps de travail.

II. LE DISPOSITIF PROPOSE

Le présent article résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, en première lecture, d'amendements présentés par le rapporteur au nom de la commission des lois et par notre collègue M. José Rossi, pour lesquels le Gouvernement a émis un avis défavorable.

Le dispositif proposé reprend le principe d'une majoration de l'allégement prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale au bénéfice des entreprises exerçant leur activité en Corse.

Toutefois, la référence aux entreprises mentionnées à l'article 4 de la loi relative à la zone franche de Corse est supprimée. Par conséquent :

- les entreprises éligibles à l'allégement prévu par la zone franche continueront de bénéficier de la majoration au terme de la période de cinq ans pendant laquelle elles auraient été couvertes par le régime de la zone franche ;

- l'ensemble des entreprises corses, et pas seulement celles qui étaient éligibles au régime de la zone franche, pourra bénéficier de cette majoration.

Le présent article prévoit que le montant de la majoration est fixé par décret. En conséquence, rien ne garantit que l'exécutif choisira de reconduire le montant de 3.000 francs fixé par le décret du 24 août 2000.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

Votre commission spéciale considère que l'introduction du présent article dans le projet de loi relatif à la Corse permet de combler une lacune du texte initial.

En matière de taxe professionnelle, l'article 43 du présent projet de loi met en place un dispositif de sortie progressive du régime de la zone franche, mais également une nouvelle exonération appelée à lui succéder. En matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, le même article ne prévoit pas de sortie progressive, mais créé un crédit d'impôt.

En matière d'exonération de charges sociales, la rédaction initiale du projet de loi instaurait, à l'article 44, un dispositif de sortie de la zone franche extrêmement restrictif, mais ne prévoyait aucune mesure nouvelle appelée à succéder à l'exonération dans le cadre de la zone franche.

En conséquence, en l'absence des dispositions du présent article, les entreprises implantées en Corse, une fois la zone franche expirée, aurait perdu leur « avantage comparatif » en terme de coût du travail.

Lors de l'examen par l'Assemblée nationale des dispositions du présent article, le ministre de l'intérieur a fait valoir que celles-ci risqueraient « de se heurter à la législation communautaire qui encadre les aides à finalité régionale dans des limites très strictes ». Le risque « communautaire » évoqué par le ministre de l'intérieur provient du fait que la mesure proposée par le présent article est générale, à la différence de l'exonération prévue par la zone franche, qui était réservée aux entreprises exerçant dans certains secteurs d'activité et dans la limite d'un certain nombre de salariés.

Votre commission spéciale ne partage pas l'argument du ministre de l'intérieur et note que, en matière de taxe professionnelle, la nouvelle exonération, prévue à l'article 43 du présent projet de loi, est également une exonération générale, et que celle-ci remplace une exonération dont les critères d'éligibilité sont identiques à ceux de l'exonération de charges sociales prévue par la zone franche. Par conséquent, si la compatibilité des dispositions du présent article avec les règles communautaires doit être en mise en doute, il en va de même de l'exonération de taxe professionnelle proposée par le Gouvernement.

En revanche, votre commission spéciale regrette que les dispositions du présent article n'aient pas fait l'objet d'une notification aux autorités communautaires. Le Gouvernement a curieusement indiqué à votre rapporteur qu'il n'avait pas été procédé à une notification au motif que l'article 44 bis est « d'origine parlementaire ».

Si les dispositions du présent article devaient figurer dans la version définitive du présent projet de loi, votre commission spéciale serait particulièrement attentive à la date de publication du décret qu'elles prévoient.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS DE SUCCESSION

Article 45
(art. 641 bis, 750 bis A, 885 H, 1135, 1135 bis, 1728 A et 1840 G undecies
du code général des impôts)
Normalisation progressive du régime fiscal des successions en Corse

I. LE DROIT EN VIGUEUR

A. LE DROIT JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2001

Contrairement aux idées reçues, la Corse ne bénéficie pas d'une exonération de droits de succession .

Le régime fiscal des successions en Corse est déterminé par les dispositions de l'arrêté du 21 prairial an IX concernant l'Enregistrement, plus connu sous le nom d' « arrêté Miot », dont l'article 3 dispose que « ces droit seront exigibles dès que le Receveur de l'Enregistrement au Bureau de la situation des biens aura la connaissance du décès de l'ex-propriétaire, il en suivra le recouvrement sur les héritiers qui seront tenus en acquittant ces droits d'ajouter la déclaration des immeubles fictifs ainsi que celle du mobilier ».

Des droits de succession sont d'ailleurs perçus chaque année en Corse. Le produit perçu s'établissait à 44 millions de francs en 1998, 31 millions de francs en 1999 et à 48 millions de francs en 2000 (soit 0,13 % du produit total perçu en France en 2000, qui s'élevait à 35 milliards de francs).

Sont en revanche applicables en Corse deux mesures qui dérogent au droit commun :

- l'absence de déclaration des successions n'est pas sanctionnée , l'article 3 de l'arrêté du 21 prairial an IX prévoyant que « la peine du droit encourue par défaut de déclaration dans le délai de six mois restera abrogée ». L'absence de sanction aboutit à un très faible taux de déclaration des successions en Corse (environ 25 %, contre près de 100 % dans le reste de la France) :

-
Départements

1998 - Successions
(source DGI)

1997 - Décès
(source INSEE)

DÉCLARATIONS PRINCIPALES

AUTRES DÉCLARATIONS

Nombre de décès

% de décès entraînant le

Imposables

Non imposables

Imposables

Non imposables

total

dépôt d'une déclaration de succession

ARDECHE

788

1 269

320

675

3 052

3 044

100,26 %

CANTAL

483

652

285

473

1 893

1 902

99,53 %

CORREZE

813

965

206

764

2 748

3 089

88,96 %

CREUSE

581

883

92

528

2 084

2 050

101,66 %

LOZERE

265

460

61

109

895

916

97,71 %

CORSE DU SUD

59

96

40

111

306

1 226

24,96 %

HAUTE CORSE

80

100

15

132

327

1 435

22,79 %

Total Corse

139

196

55

243

633

2 661

23,79 %

Total France (y compris la Corse)

137 705

205 616

68 042

122 697

534 060

539 390

99,01 %

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

L'absence de déclaration des successions a pour effet d' exonérer de fait de droits de succession non seulement les biens immobiliers mais également l'ensemble du patrimoine non immobilier tel que « le patrimoine mobilier, notamment les comptes en banque, les portefeuilles détenus auprès d'établissements bancaires ou financiers ou de succursales situées en Corse, ainsi que d'autres éléments du patrimoine économique non négligeables : parts de sociétés, fonds de commerce, etc. » 217 ( * ) ;

L'absence de déclaration des successions contribue aussi à entretenir en Corse un taux de partage des successions inférieur au reste de la France . En matière immobilière, les travaux de la commission « Badinter », menés dans les années 80 et jamais actualisés depuis, ont établi que le régime de l'indivision concernait en Corse 14,8 % des propriétés bâties et 39 % des propriétés non bâties. En France continentale, ces pourcentages s'établissent respectivement à 13,1 % et 16 % dans le Cantal et à 12,6 % et 18,8 % en Lozère.

L'ensemble de ces facteurs permet au patrimoine immobilier corse de se caractériser très largement par l'absence de titre de propriété ;

- l'évaluation des biens immobiliers en Corse n'a pas de base légale , depuis que l'arrêt de la Cour de cassation Perrino du 2 janvier 1992 a déclaré illégal le régime en vigueur jusqu'alors.

L'absence de base légale pour l'évaluation des biens immobiliers en Corse

Dans son commentaire de l'article 19 ter du projet de loi de finances rectificative de l'hiver 2000 218 ( * ) , notre collègue M. Philippe Marini, rapporteur général, rappelait les régimes successifs d'évaluation des biens immobiliers en Corse :

« Le premier alinéa de l'article 761 du code général des impôts dispose que pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission, d'après la déclaration détaillée et estimative des parties.

En Corse, il en va différemment puisque l'article 3 de l'arrêté du 21 prairial an IX précise que « la valeur des immeubles situés en Corse est déterminée pour l'assiette des droits de succession en multipliant par 100 le montant de la part de la contribution foncière revenant à l'Etat ».

L'application de ce dispositif conduisait à attribuer une valeur « fiscale » des biens immobiliers qui correspondait à environ 1 à 2  % de leur valeur vénale. Le décret du 9 décembre 1948 ayant donné un caractère d'impôt exclusivement local à la contribution foncière, le ministre des finances avait décidé, le 24 avril 1951, que les immeubles situés en Corse seraient évalués, comme sur le continent, à leur valeur vénale.

Cette décision avait soulevé de telles protestations que le ministre avait accepté, le 14 juin suivant, de surseoir à la mise en vigueur du régime de droit commun jusqu'à ce que le Parlement se soit prononcé sur le régime applicable en Corse.

En l'absence de règles nouvelles, la valeur des immeubles avait été calculée, depuis le 14 juin 1951, en appliquant au registre cadastral servant de base à la contribution foncière perçue au profit des départements et des communes, le coefficient de 18, puis de 22, correspondant au taux de la taxe proportionnelle sur le revenu des personnes physiques. Cette taxe ayant été supprimée en 1959, le taux de 22 % avait été remplacé par le taux de 24 correspondant à celui de la seule taxe proportionnelle qui subsistait en matière d'impôt sur le revenu, à savoir celle perçue sur les revenus de capitaux mobiliers. Or, cette méthode d'évaluation a été condamnée par la Cour de cassation dans un arrêt Perrino du 2 janvier 1992. Faute d'une base de calcul légale, les droits de succession sur les biens immobiliers en Corse ne pouvaient plus être recouvrés. »

Par conséquent, en Corse, même quand les successions sont déclarées, les biens immobiliers ne sont pas taxés.

Il faut noter que ce vide juridique, qui perdure en matière de droits de successions, a été comblé s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). L'article 885 H du code général des impôts précise que les spécificités corses en matière d'évaluation des biens immobiliers et (d'absence) de sanction en cas de non déclaration ne s'appliquent pas à l'ISF. Les biens immobiliers sont évalués à leur valeur vénale et l'absence de déclaration est sanctionnée dans les conditions de droit commun.

Cependant, les immeubles pour lesquels il n'existe pas de titre de propriété échappent à l'impôt de solidarité sur la fortune.

B. LE DROIT À COMPTER DU 1 ER JANVIER 2002

L'article 21 de la loi de finances pour 1999 a modifié le régime fiscal des successions en Corse.

L'article 25 de loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) a prévu que ses dispositions s'appliqueraient au 1 er janvier 2002.

A compter de cette date :

Le défaut de déclaration des successions sera sanctionné dans les conditions de droit commun. Le premier alinéa de l'article 21 de la loi de finances pour 1999 supprime en effet la dernière phrase de l'article 3 de l'arrêté du 21 prairial an IX, selon laquelle « la peine du droit encourue par défaut de déclaration dans le délai de six mois restera abrogée ».

Par conséquent, à compter du 1 er janvier 2002, les successions devront être déclarées dans un délai de six mois et l'absence de déclaration sera réprimée dans les conditions prévues par le code général des impôts :

- le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant d'une déclaration ou d'un acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 % (article 1728). Le taux de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 est fixé à 0,75 % par mois, et s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. La majoration de 10 % n'est applicable qu'à compter du premier jour du septième mois suivant celui de l'expiration du délai de six mois (donc le premier jour du treizième mois du décès) ;

- cette majoration est portée à 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai, et à 80 % lorsque le document n'a pas été produit dans les trente jours suivant une deuxième mise en demeure (article 1728 A).

L'évaluation des biens immobiliers sera réalisée dans les conditions de droit de commun pour les successions ouvertes en 2002 et pour les années suivantes.

Le rétablissement d'une base légale pour l'évaluation des biens immobiliers est une condition nécessaire du retour au droit commun en matière de droits de succession puisque, aujourd'hui, en son absence, il n'existe pas d'assiette des droits de succession en Corse.

De plus, la mise en oeuvre de la sanction du défaut de déclaration restera inopérante tant qu'il n'y aura pas de base légale pour l'évaluation des biens immobiliers puisque la sanction est calculée en appliquant un intérêt de retard au montant des successions. Faute de cette disposition, seul le patrimoine non immobilier aurait pu être taxé.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI

Le présent article propose pour la Corse un régime spécifique, dérogatoire du droit commun, en matière de délais de déclaration des successions, et de sanctions de leur non respect. Ce faisant, et même s'il ne modifie pas le texte de l'arrêté du 21 prairial an IX, il rend sans objet les dispositions de l'article 21 de la loi de finances pour 1999 en matière de sanction du défaut de déclaration des successions. Votre rapporteur observe néanmoins qu'il conviendrait de reporter l'entrée en vigueur de celles-ci, faute de quoi le droit commun s'appliquerait en Corse dès le 1 er janvier 2002.

En revanche, s'agissant des règles d'évaluation des biens immobiliers situés en Corse, les dispositions du présent article sont sans incidence sur celles de l'article 21 de la loi de finances pour 1999.

A. ALLONGER LE DÉLAI DE DÉCLARATION DES SUCCESSIONS

Le rétablissement des sanctions de droit commun de la non déclaration des successions en Corse pourrait se heurter à un problème pratique. Quand bien même les héritiers voudraient s'acquitter de leur obligation légale (déclaration dans les six mois du décès), tous ne seraient pas en mesure de le faire, en raison de l'absence fréquente de titres de propriétés en Corse, et des difficultés à les reconstituer.

Afin de lever cet obstacle, le I du A du présent article insère dans le code général des impôts un article 641 bis , qui porte de six à vingt-quatre mois le délai maximal de déclaration des successions :

- lorsque la déclaration de succession comporte des immeubles ou droits immobiliers situés en Corse pour lesquels le droit de propriété du défunt a été constaté antérieurement ;

- lorsque la déclaration de succession comporte des immeubles ou droits immobiliers situés en Corse pour lesquels les titres de propriété (« les attestations notariées visées au 3° de l'article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ») ont été reconstitués au cours du délai de vingt-quatre mois.

L'allongement du délai est applicable aux successions ouvertes entre le 1 er janvier 2002 et, suite à l'adoption en première lecture par les députés d'un amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission des lois, le 31 décembre 2008 . La rédaction initiale du projet de loi prévoyait que le délai de vingt-quatre mois serait applicable jusqu'au 31 décembre 2010.

Le critère emportant le bénéfice d'allongement du délai de déclaration est celui de l'existence ou non, au sein de la succession, d'immeubles et droits immobiliers situés en Corse. Ce critère s'applique quel que soit le lieu de résidence du défunt, et indépendamment de l'existence ou non de titres de propriétés avant la mort du défunt. A contrario, l'allongement ne s'applique pas aux successions ne comportant pas d'immeubles ou de droits immobiliers , quand bien même le défunt ou ses héritiers résideraient en Corse.

B. INCITER À LA RECONSTITUTION DES TITRES DE PROPRIÉTÉ PAR DES EXONÉRATIONS DE DROITS DE SUCCESSIONS JUSQU'EN 2012

Le III du A du présent article insère dans le code général des impôts un article 1135 bis qui met en place, au profit des contribuables ayant déclaré leurs successions dans le délai de vingt-quatre mois et qui auront pu produire les titres de propriété dans ce délai, un « bonus » : une exonération de droits de mutation par décès (droits de succession) dus au titre des immeubles ou droits immobiliers situés en Corse. Le reste des successions est imposable.

L'exonération est totale pour les successions ouvertes entre le 1 er janvier 2002 et le 31 décembre 2008 . Elle est applicable à concurrence de la moitié de la valeur des immeubles et droits immobiliers situés en Corse entre le 1 er janvier 2009 et le 31 décembre 2012 . Le droit commun s'applique pour les successions ouvertes à compter du 1 er janvier 2013 .

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le terme du premier délai était fixé au 31 décembre 2010 et celui du deuxième délai au 31 décembre 2015. Les délais ont été raccourcis à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale d'amendements présentés par le rapporteur au nom de la commission des lois.

La proposition initiale du Gouvernement ( neuf ans d'exonération totale) était déjà en retrait par rapport à la proposition du Gouvernement aux « représentants élus de la Corse » du 20 juillet 2000 qui indiquait que « pendant [une] période de dix ans, l'exonération sera complète ».

C. LES SANCTIONS PRÉVUES

Bien que la rédaction du présent article entretienne la confusion, il convient de distinguer les sanctions applicables en cas de non respect des délais de déclaration et les sanctions applicables en cas de non reconstitution des titres de propriété.

Les sanctions prévues par les deux régimes étant calculées par référence à la valeur des biens et droits immobiliers, les mesures proposées par le présent article ne pourront être appliquées en pratique que lorsque les dispositions de l'article 21 de la loi de finances pour 1999, qui rétablissent une base légale pour l'évaluation des biens immobiliers en Corse, entreront en vigueur.

Le I du présent article crée un article 641 bis du code général des impôts qui porte à vingt-quatre mois les délais de déclaration pour les successions comportant des immeubles situés en Corse pour lesquels les titres de propriété existaient à la mort du défunt ou pour lesquels les titres de propriété ont été reconstitués dans les vingt-quatre mois du décès.

Le II du présent article modifie l'article 1728 A du code général des impôts afin de tenir compte de ce nouveau délai pour l'application des sanctions de droit commun. Il en résulte, en cas de dépôt de la déclaration de succession postérieurement à l'expiration du délai de vingt-quatre mois :

- que, si les titres de propriété n'ont pas tous été reconstitués dans les vingt-quatre mois du décès, les sanctions s'appliquent comme si le délai de droit commun (six mois) n'avait pas été respecté . Les pénalités sont alors calculées à compter de l'échéance du délai de six mois et s'appliquent à la totalité de la succession. Les sanctions encourues sont l'acquittement des droits dus, un intérêt de retard qui court à compter du sixième mois du décès et une majoration de 10 % à compter du treizième mois du décès ;

- que, si les titres de propriété existaient à la mort du défunt (donc pour les contribuables qui se trouvent dans la même situation que les héritiers de biens situés sur le continent, pour lesquels les titres existent dans la plupart des cas), les sanctions courent seulement à compter de l'échéance du délai de vingt-quatre mois, et s'appliquent également à toute la succession.

Pour éviter d'avoir à payer des pénalités sur l'ensemble de la succession, les héritiers de biens pour lesquels les titres de propriétés n'existaient pas à la mort du défunt pourront déclarer la fraction de la succession ne posant pas de problème particulier dans le délai de six mois puis, lorsqu'ils auront reconstitués les titres de propriété, compléter leur déclaration par une déclaration complémentaire. Si cette déclaration complémentaire intervient dans le délai de vingt-quatre mois, aucune pénalité ne leur sera appliquée. Si elle est postérieure, les pénalités ne seront appliquées qu'aux biens figurant dans la déclaration complémentaire.

Le IV du présent article introduit dans le code général des impôts un article 1840 G undecies dont l'objet n'est pas de sanctionner le défaut de déclaration mais uniquement la non reconstitution des titres de propriété dans le délai de vingt-quatre mois. Cette sanction est conçue comme celle d'une « usurpation » de l'exonération de droits de succession mise en place par la rédaction proposée par le II du présent article pour l'article 1135 bis du code général des impôts.

L'exonération s'applique aux biens immobiliers situés en Corse pour lesquels les titres existaient à la mort du défunt ou pour lesquels les titres ont été reconstitués dans les vingt-quatre mois du décès. Si cette dernière condition n'est pas remplie, les héritiers sont réputés avoir bénéficié à tort de l'exonération depuis la mort du défunt. Il est donc proposé de leur faire acquitter dans le mois suivant l'expiration du délai de vingt-quatre mois, les droits de succession, un droit supplémentaire de 1 % et l'intérêt de retard, lequel court à compter des six mois du décès.

Le régime de sanction proposé appelle de la part de votre rapporteur plusieurs remarques :

- le dispositif d'allongement des délais de déclaration est source d'insécurité juridique pour les héritiers de biens et droits immobiliers situés en Corse pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt.

Le délai de déclaration des successions a été porté à vingt-quatre mois car cette durée est considérée techniquement nécessaire pour reconstituer les titres de propriété, le délai de six mois étant jugé irréaliste au vu de la situation corse.

Dans ces conditions, il est inéquitable, voire contestable, que le non respect d'un délai jugé techniquement nécessaire (délai de vingt-quatre mois) soit sanctionné comme si c'était le délai jugé irréaliste (délai de six mois) qui avait été méconnu ;

- le dispositif proposé aboutit à appliquer aux héritiers de biens immobiliers situés en Corse se trouvant dans une situation identique à celle des héritiers de biens immobiliers situés sur le continent (existence des titres de propriété à la mort du défunt) un régime de sanctions (le défaut de déclaration sanctionné à compter du vingt-quatrième mois du décès) plus favorable qu'aux héritiers de biens situés en Corse pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt et qui n'ont pas été publiés dans les vingt-quatre mois du décès. Cette situation est d'autant plus paradoxale que l'allongement du délai à vingt-quatre mois est justifié par la volonté de mettre en place un régime favorable aux héritiers des biens pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt ;

- il sera en pratique impossible d'appliquer la disposition de l'article 1840 G undecies selon laquelle l'absence de reconstitution des titres dans les vingt-quatre mois du délai s'accompagne de l'acquittement des droits dus dans le mois suivant l'expiration du délai de vingt-quatre mois. En effet, tant que les titres de propriété ne sont pas publiés, l'administration fiscale ne dispose d'aucun moyen d'être informée qu'un contribuable bénéficie indûment de l'exonération de droits de succession. ;

- les sanctions de l'article 1840 G undecies (qui sont calculées par référence à la valeur du bien immobilier) peuvent d'autant moins être appliquées que, tant que les titres de propriété n'ont pas été publiés et que le bien n'a pas été déclaré, il n'est pas possible de connaître la valeur du bien dont l'exonération de droits de successions est usurpée, et par conséquent la sanction n'a pas d'assiette ;

- les sanctions prévues par la rédaction proposée pour l'article 1840 G undecies (acquittement des droits dus au titre du bien pour lequel les titres de propriété n'ont pas été reconstitués, majoration de 1 %, intérêt de retard) recoupent les sanctions de droit commun en cas de défaut de déclaration dans les délais (acquittement des droits dus, majoration de 10 %, intérêt de retard). Il se demande si les deux régimes sont exclusifs l'un de l'autre, ou si les sanctions prévues à l'article 1840 G undecies s'ajoutent aux sanctions de droit commun (auquel cas le redevable devrait acquitter deux fois les droits dus et l'intérêt de retard).

Il a été indiqué à votre rapporteur qu'aucune de ces deux hypothèses ne devait être retenue, et que les deux régimes devaient être « combinés » :

Droits dus

Majoration de 10 %

Intérêt de retard

Droit supplémentaire de 1 %

Biens déclarés dans les 24 mois mais titres reconstitués postérieurement

X

X

X

Bien déclaré « hors délai » mais titres reconstitués dans les 24 mois du décès

X

X

X

Bien déclaré « hors délai » mais titres reconstitués postérieurement aux 24 mois du décès

X

X

X

X

Votre rapporteur considère que cette combinaison entre les différentes sanctions encourues n'apparaît pas clairement dans la rédaction actuelle du présent article.

D. PROROGER LE DISPOSITIF ACTUEL D'INCITATION À LA SORTIE DE L'INDIVISION

L'article 11 de la loi de finances pour 1986, relatif à la fiscalité des entreprises nouvelles en Corse, comporte, à la suite de l'adoption par les députés d'un amendement de M. Nicolas Alfonsi présenté en nouvelle lecture, deux dispositions devenues les articles 750 bis A et 1135 du code général des impôts, dont l'objet est d'inciter les contribuables corses à sortir du régime de l'indivision et à procéder au partage des successions :

- l'article 750 bis A exonère, entre le 1 er janvier 1986 et le 31 décembre 2001, à hauteur de la valeur des immeubles situés en Corse, les actes de partage des successions et les licitations de biens héréditaires du droit de 1 % dû lorsque ces actes interviennent au profit de membres originaires de l'indivision, de leur conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou des ayants droits à titre universel de l'un ou de plusieurs d'entre eux ;

- l'article 1135 dispose que les procurations et les attestations notariées après décès sont exonérées de toute perception au profit du Trésor, entre le 1 er janvier 1986 et le 31 décembre 2001, lorsqu'elles sont établies en vue du règlement d'une indivision successorale comportant des biens immobiliers situés en Corse.

A l'occasion de l'examen par le Sénat, le 18 décembre 2000, d'un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2000, présenté par notre rapporteur général M. Philippe Marini, demandant au Gouvernement de réaliser un bilan de ces dispositions, la secrétaire d'Etat chargée du budget a considéré que « la vérité oblige cependant à reconnaître que ces mesures, certes utiles, ont eu un très faible effet. Je le déplore, mais cela doit être mis en rapport avec les vicissitudes des retours ou non-retours au droit commun. Il faut bien admettre que, pour cette raison, ce dispositif n'a pas été très incitatif ».

Le présent article modifie ces dispositions sur deux points :

- le 1 du VI du A du présent article porte du 31 décembre 2001 au 31 décembre 2012 le terme du bénéfice des exonérations ;

- le 2 du VI du A du présent article ajoute à la liste des actes bénéficiant de l'exonération prévue à l'article 1135, à compter du 1 er janvier 2002, « les actes de notoriété [...] en vue du règlement d'une indivision successorale comportant des biens immobiliers situés en Corse ». Cette modification ne semble pas de nature à modifier l'analyse développée l'année dernière par la secrétaire d'Etat chargée du budget. Votre commission spéciale vous propose un amendement rédactionnel précisant que l'exonération porte sur les biens et droits immobiliers.

E. APPLIQUER LE DROIT COMMUN AUX BIENS IMMOBILIERS ACQUIS APRÈS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI

En première lecture, l'Assemblée nationale a complété le dispositif proposé par le Gouvernement en introduisant un C dans le présent article, issu de l'adoption, contre l'avis du Gouvernement, d'un amendement présenté par notre collègue M. Charles de Courson, défendu en séance par notre collègue M. René Dosière et auquel le rapporteur au nom de la commission des lois a donné un avis favorable, le présentant comme « un amendement de moralisation ».

Le nouveau paragraphe propose de limiter le bénéfice de l'allongement du délai de dépôt des déclarations de succession et de l'exonération de droits de successions aux biens et droits immobiliers acquis 219 ( * ) en Corse avant l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi.

L'objectif recherché est de permettre, par le biais des outils proposés par le présent article, la normalisation de la situation des titres de propriété des immeubles et droits immobiliers détenus en Corse avant l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi (le « stock »), tout en évitant que ces outils ne donnent lieu à des acquisitions (« flux ») en Corse motivées par des effets d'aubaine plutôt que par l'évolution normale du marché immobilier.

Par exemple, il pourrait être envisageable que certains contribuables âgés résidant en Corse ou sur le continent, estimant leur espérance de vie inférieure à la date d'expiration de l'exonération de droits de succession, achètent des immeubles en Corse, dont leurs héritiers deviendraient propriétaires sans avoir à acquitter les droits de succession.

De plus, puisque les acquéreurs de biens et droit immobiliers situés en Corse après l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi bénéficieront par définition d'un titre de propriété, l'opportunité de les englober dans le champ de dispositions tendant précisément à favoriser la reconstitution de titre de propriété n'est pas totalement apparente.

Votre rapporteur observe que l'application des dispositions du présent C obligerait les héritiers à déposer deux déclarations pour une même succession lorsque celle-ci comporte à la fois des biens acquis avant l'entrée en vigueur des dispositions du présent article pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt et des biens acquis après l'entrée en vigueur des dispositions du présent article.

La mesure « anti-abus » proposée par le présent C ne doit cependant pas conduire à geler les partages de biens entre héritiers indivisaires. Dans cette perspective, votre commission spéciale vous propose un amendement disposant que l'exonération de droits de succession s'applique aux biens et droits immobiliers ayant fait l'objet d'une licitation ou d'un rachat entre indivisaires, même postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions du présent article.

F. LA COORDINATION AVEC LE RÉGIME DE L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

L'article 885 H du code général des impôts dispose qu'un certain nombre d'exonérations en matière de droits de mutation ne s'appliquent pas pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le V du A du présent article ajoute à cette liste l'exonération prévue dans le nouvel article 1135 bis , créé par le présent article.

Le V du A du présent article procède également à la suppression de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 H, selon laquelle ne sont pas applicables à l'ISF les « règles dévaluation propres aux droits de succession tenant au lieu de situation des immeubles et à l'absence de sanction pour défaut de déclaration pour le paiement de ces droits ». En d'autres termes, à l'heure actuelle, il n'existe pas de spécificité corse en matière d'ISF : lorsque des titres de propriété existent, l'impôt est calculé selon les modalités de droit commun et le défaut de déclaration est sanctionnée.

La suppression de cette phrase ne s'explique pas par une volonté de mettre en place une spécificité corse en matière d'ISF, mais parce que cette disposition, avec le rétablissement des sanctions et l'adoption par la Corse du droit commun en matière d'évaluation des biens immobiliers, devient sans objet.

Votre rapporteur observe que c'est l'article 21 de la loi de finances pour 1999, et non le présent article, qui soumet l'évaluation des biens immobiliers situés en Corse au droit commun. Par conséquent, et pour éviter toute conséquence fâcheuse qui pourrait résulter d'un éventuel décalage entre la date d'entrée en vigueur des dispositions du présent article et celle d'entrée en vigueur de l'article 21, votre commission spéciale vous propose deux amendements, tendant à conditionner la suppression de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 H à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 21 de la loi de finances pour 1999.

En effet, si pour une raison ou pour une autre, les dispositions du présent projet de loi entraient en vigueur en 2002 mais l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 21 de la loi de finances pour 1999 était différée au delà du 1 er janvier 2003, le droit commun en matière d'évaluation des biens immobiliers pour le calcul des cotisations d'ISF ne pourrait plus s'appliquer, les biens immobiliers situés en Corse ne seraient plus taxés à ce titre.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

A. SUR LES OBJECTIFS RECHERCHÉS

Votre rapporteur est favorable au processus de normalisation du régime fiscal des successions immobilières en Corse, initié en 1999, à l'Assemblée nationale, par nos collègues MM. Charles de Courson et Didier Migaud 220 ( * ) et au Sénat, par nos collègues MM. Michel Charasse 221 ( * ) et Philippe Marini 222 ( * ) .

Deux types de considération justifient qu'il soit mis fin à la situation actuelle :

1. Des considérations tenant à l'égalité des citoyens devant l'impôt

Si des raisons historiques et l'héritage du passé justifient que le retour dans le droit commun du régime fiscal des biens et droits immobiliers situés en Corse soit réalisé selon des modalités progressives et dérogatoires au droit commun, aucune différence de situation ni aucun objectif d'intérêt général ne justifie en revanche que les héritiers, donataires ou légataires de biens situés en Corse n'acquittent pas les droits de succession dans les mêmes conditions que les héritiers de biens et droits immobiliers situés sur le continent.

On rappellera qu'en 1994, les membres du groupe socialiste du Sénat avaient déféré devant le Conseil la loi relative au statut fiscal de la Corse, contestant le fait que ce texte fasse référence à des dispositions qui, « en raison d'une absence d'évaluation des biens immobiliers situés en Corse, permettent à ces derniers de bénéficier d'une exonération de fait, contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi et devant l'impôt ». Dans sa décision n° 94-350 DC, le Conseil constitutionnel n'a pas retenu ce moyen, mais pour des raisons de pure procédure 223 ( * ) .

2. Pour des considérations tenant au développement économique de la Corse

Si, sur le plan symbolique, la spécificité du régime fiscal des successions en Corse est parfois considérée comme une compensation accordée aux corses en dédommagement de traitements d'une qualité inférieure au reste de la France dans d'autres domaines, cette approche émotionnelle doit être dépassée.

La spécificité corse en matière de fiscalité des successions, qui aboutit à un taux anormal d'indivision et d'absence de titre de propriété, constitue non pas une faveur mais un handicap subi par l'économie corse.

Les inconvénients de l'absence de titres de propriété ont été mis en évidence par le rapport de la commission mixte chargée de formuler des propositions relatives au régime fiscal spécifique applicable en Corse et destinées à faciliter la sortie de l'indivision, instituée en application des dispositions de l'article 22 de la loi de finances pour 1999 :

« Cette absence de titres, même si elle ne touche qu'une part minoritaire du patrimoine en valeur, est un handicap important pour l'île.

- En premier lieu, elle se traduit par des indivisions inorganisées dont les inconvénients seront évoqués ci-dessous.

- En second lieu, cette absence de titres est un frein au développement et à la modernisation de l'agriculture . Elle empêche la présentation de baux réguliers, est un obstacle à l'obtention de prêts hypothécaires en l'absence de prise de sûretés, ne facilite pas l'accès au statut du fermage et à d'autres modes d'organisation agricole plus modernes.

- En troisième lieu, c'est un facteur négatif pour le développement économique et la mise en valeur touristique car les transactions foncières sont entravées ; la détérioration du patrimoine qui en résulte favorise la désertification des villages et l'exode rural.

- En quatrième lieu, la protection de l'environnement n'est pas facilitée , l'abandon de fait de nombreux terrains avec le développement corrélatif du maquis ne permet pas une lutte préventive efficace contre l'incendie.

- Enfin, cela compromet l'exercice des prérogatives de la puissance publique, la fonction judiciaire et l'application de la loi , par exemple dans les domaines du remembrement et des expropriations pour cause d'utilité publique, rendant plus longue et difficile dans certains cas la réalisation d'équipements publics et privant de ressources les collectivités locales . »

Enfin, on peut également considérer que le fort taux d'indivision en Corse pénalise l'ensemble de la Nation puisque, si elle constitue une forme légitime d'exercice du droit de propriété, l'indivision se traduit par de moindres recettes fiscales pour l'Etat.

En effet, l'indivision diminue la valeur des biens immobiliers concernés (qui souvent, s'agissant de terres agricoles abandonnées, est déjà faible), donc leur valeur vénale, qui représente l'assiette des droits de succession, de mutation à titre onéreux et de l'impôt de solidarité sur la fortune.

B. SUR LES MODALITÉS PROPOSÉES

Le dispositif proposé doit être apprécié au regard de trois critères :

- est-il conforme au principe d'égalité des citoyens devant l'impôt ?

- est-il de nature à permettre la reconstitution des titres de propriété et la sortie de l'indivision ?

- les sanctions prévues en cas de non reconstitution des titres de propriété et de non déclaration des successions sont-elles applicables ?

1. Le dispositif proposé est-il conforme au principe d'égalité des citoyens devant l'impôt ?

Les dispositions du présent article introduisent des différences de traitement entre les redevables des droits de succession :

- entre, d'une part, les propriétaires de biens et droits immobiliers situés sur le continent et pour lesquels les titres de propriété existent avant la mort du défunt, qui doivent déclarer la succession dans un délai de six mois et qui acquittent les droits et d'autre part, les propriétaires de biens et droits immobiliers situés en Corse et pour lesquels les titres de propriété existent avant la mort du défunt qui, jusqu'en 2013, devront faire leur déclaration dans un délai de vingt-quatre mois et seront exonérés de droits de succession ;

- au sein des propriétaires de biens et droits immobiliers situés en Corse, entre ceux qui héritent de biens et droits immobiliers acquis avant l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi, et ceux qui héritent de biens et droit immobiliers acquis postérieurement à cette entrée en vigueur.

La première différence de traitement a conduit le Conseil d'Etat à « disjoindre » les dispositions du présent article, considérant que la rédaction proposée pour l'article 641 bis du code général des impôts, en étendant le bénéfice de l'allongement aux successions pour lesquels les titres de propriété existaient avant la mort du défunt, laisserait « subsister, pendant longtemps, entre les héritiers de biens immobiliers, selon que ces biens sont situés en Corse ou sur le continent, des discriminations qui ne peuvent pleinement être justifiées ni par des différences de situation ni par des objectifs d'intérêt général en rapport avec l'objet du projet de loi et seraient donc contraires au principe constitutionnel d'égalité ».

Votre rapporteur considère que, en l'espèce, il importe surtout de ne pas traiter les héritiers de ceux qui avaient fait l'effort de détenir des titres de propriété d'une manière moins favorable que les héritiers de ceux qui n'en possédaient pas.

La situation que les dispositions du présent projet de loi laisseraient « subsister, pendant longtemps » (et pour une durée raccourcie en première lecture par l'Assemblée nationale) est celle qui existe en Corse depuis 1801, dans laquelle l'ensemble des héritiers de biens et droits immobiliers situés en Corse (indépendamment de l'existence de titres de propriété) est traité différemment de l'ensemble des héritiers de biens et droits immobiliers situés sur le continent. Le présent article ne fait que prolonger, temporairement, cette distinction, dans le but de mieux la faire disparaître.

Lorsque le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution des dispositions de la loi de finances pour 1999, il n'a pas estimé que le législateur, en fixant au 1 er janvier 2001 le retour de la Corse dans le droit commun, laissait subsister pendant longtemps des discriminations entre propriétaires. Le Conseil constitutionnel n'a pas non plus conclu en ce sens à l'occasion de son examen de la conformité à la Constitution des dispositions de la loi de finances rectificative pour 2000 du 30 décembre 2000, lorsque le législateur a encore repoussé d'un an le retour de la Corse dans le droit commun.

Votre rapporteur constate également que les amendements proposés par votre commission spéciale ont pour effet d'appliquer aux héritiers de biens immobiliers situés en Corse pour lesquels les titres de propriété existaient à la mort du défunt les mêmes délais de déclaration que les héritiers de biens de même nature situés sur le continent.

S'agissant de la distinction entre les héritiers de biens et droits immobiliers situés en Corse en fonction de la date à laquelle ont été acquis le biens transmis, elle ne peut être regardée comme attentatoire au principe d'égalité des citoyens devant l'impôt. Les bénéficiaires des mesures favorables (allongement des délais de déclaration, exonération de droits de successions) ont été déterminés en fonction de l'objectif poursuivi : mettre de l'ordre dans le régime des titres de propriété en Corse, en apurant le passé, afin d'encourager le développement économique de l'île et de mettre fin à une inégalité devant l'impôt.

Si les propriétaires de biens et droits immobiliers acquis en Corse postérieurement à l'éventuelle entrée en vigueur des dispositions du présent article détiendront nécessairement des titres de propriété, ce ne sera pas par civisme (comme ça pouvait l'être auparavant, lorsque ce n'était pas obligatoire) mais par simple application de la loi. Il n'apparaît donc pas justifié de les faire bénéficier d'un traitement favorable, d'autant plus que, si tel était le cas, des risques d'effets d'aubaine existeraient.

Le régime des sanctions applicables en cas de non respect des délais de déclaration présente des incohérences :

- les héritiers de biens pour lesquels les titres de propriété existaient à la mort du défunt, dont on peut penser qu'ils auront peu de difficultés à respecter le délai de vingt-quatre mois pour déclarer leur succession, se voient appliquer, en cas de non respect de ce délai, des sanctions moins lourdes que les héritiers de biens pour lesquels les titres n'existaient pas et qui n'ont pas réussi à les reconstituer dans les vingt-quatre mois du décès ;

- les héritiers de biens situés en Corse pour lesquels les titres n'existaient pas à la mort du défunt, et qui n'ont pas réussi à les reconstituer dans les vingt-quatre mois du décès, sont sanctionnés en cas de non respect du délai de vingt-quatre mois de la même manière que les héritiers de biens situés sur le continent, alors que les héritiers de biens situés en Corse mais présentant les mêmes caractéristiques que les biens situés sur le continent (les titres de propriété existent à la mort du défunt) bénéficient d'un régime préférentiel ;

- les héritiers de biens situés en Corse se voient accorder un délai plus long que sur le continent au motif que le délai applicable sur le continent est jugé irréaliste pour la reconstitution des titres de propriété. Mais si le délai allongé n'est pas respecté, les héritiers sont sanctionnés comme s'ils n'avaient pas respecté le délai jugé irréaliste.

Les amendements que votre commission vous soumet, et qui vous sont présentés ci-dessous, permettent de lever ces incohérences.

2. Le dispositif proposé est-il de nature à permettre la reconstitution des titres de propriété et la sortie de l'indivision ?

Le présent article repose sur la logique suivante : si les actuels dispositifs d'incitation fiscale à la sortie des indivisions et à la reconstitution des titres de propriété doivent être maintenus, seul le rétablissement de la sanction en cas de non déclaration des successions et la mise en place de sanctions en cas de non publication des titres de propriété par les héritiers sont de nature à permettre un retour progressif à une situation normale.

Le retour pur et simple au droit commun (sanction de la non déclaration dans un délai de six mois) étant voué à l'échec car impraticable, le délai de six mois de déclaration des successions est porté à vingt-quatre mois.

S'il est plus souple que le droit commun, votre rapporteur observe que ce délai reste fortement contraignant pour les héritiers de biens et droits immobiliers situés en Corse, si l'on se réfère au rapport établi en 1984 par MM. André Valls et Noël de Saint-Pulgent, inspecteurs des finances, qui estimaient que « l'obligation de déclaration ne peut pas toutefois être rétablie sans ménagements ni transition en Corse, car souvent le partage des biens n'y a pas été effectué depuis plusieurs générations et les successions consécutives n'ont pas été liquidées. Or, pour que les successions futures puissent être déclarées, il faut que celles qui les ont précédées aient préalablement été réglées. La remise en ordre de la situation héritée du passé requiert du temps ( au minimum cinq à dix ans dans certains cas ). L'obligation de déclaration ne pourrait donc entrer en vigueur que progressivement. »

Votre rapporteur n'a pas le sentiment que les évolutions de la situation des titres de propriété en Corse intervenues depuis 1984 soient forcément de nature à raccourcir les délais nécessaires, d'autant plus que, plus le temps passe, et moins nombreux sont ceux qui ont la mémoire des partages oraux auxquels il a pu être procédé. La procédure habituelle des actes de notoriété, dans lesquels des témoins assurent de la réalité des partages oraux auxquels il a pu être procédé, peut de moins en moins être utilisée.

En outre, le projet de loi ne reprend pas une disposition de la « proposition du Gouvernement soumise aux représentants élus de la Corse » du 20 juillet 2000, qui prévoyait que, pour inciter à la reconstitution des titres de propriété, des mesures « d'aide à l'expertise seront financées avec le concours de la collectivité et de l'Etat ».

La mise en oeuvre de telles aides, dont le Gouvernement a assuré votre rapporteur qu'elle ne nécessitait pas de disposition législative, est indispensable compte tenu du coût élevé de la recherche des titres de propriété 224 ( * ) pour les redevables. Comme le souligne le rapport de la commission mixte chargée de formuler des propositions relatives au régime fiscal spécifique applicable en Corse et aux dispositions destinées à faciliter la sortie de l'indivision, mise en place en application de l'article 22 de la loi de finances pour 1999, « il importe que les opérations de reconstitution des titres de propriété ne soient pas entravées par des obstacles pécuniaires ».

Cette commission suggérait « que l'Etat, avec le concours de la collectivité territoriale de Corse, prenne en charge les frais d'intervention, non des notaires dont l'intervention est obligatoire pour l'établissement des actes translatifs de la propriété immobilière et dont le rôle a un caractère purement privé, mais des géomètres experts et des généalogistes dont la présence peut seule, généralement, permettre la reconstitution des titres de propriétés ». Si elles ne sont pas complétées par la mise en oeuvre de telles aides, l'efficacité des diverses exonérations de droits d'enregistrement et de timbre reconduites ou créées par le présent article n'est pas susceptible de s'améliorer.

La commission proposait également un nombre important de mesures techniques susceptibles d'encourager la sortie de l'indivision. Leur mise en oeuvre ne nécessite pas d'intervention du législateur.

La reconstitution des titres de propriété et l'encouragement de la sortie de l'indivision nécessitent des mesures plus incitatives que celles proposées par le présent article, qui représentent néanmoins un progrès par rapport à la situation actuelle.

Le règlement des seules successions résultant des décès de propriétaires de biens et droits immobiliers situés en Corse qui interviendront avant le 1 er janvier 2013 ne suffira vraisemblablement pas à remettre en ordre les titres de propriété relatifs aux immeubles situés en Corse dans les proportions qui seraient souhaitables.

Votre commission spéciale vous propose, afin d'aller plus loin, un amendement créant une exonération de droits de mutation à titre gratuit entre vifs pour les donations . Cette exonération serait calquée sur l'exonération de droits de succession mise en place au III du A du présent article et concernerait les seuls biens et droits immobiliers contenus dans la donation pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la date d'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi.

Une telle mesure serait de nature à inciter les propriétaires de biens et droits immobiliers situés en Corse dont l'espérance de vie est supérieure au 31 décembre 2012 à procéder au partage de leurs biens et, par là, à reconstituer leurs titres de propriété.

Elle permettrait également de favoriser la transmission de biens à des générations plus soucieuses de détenir des titres de propriété. La dépense fiscale correspondante ne devrait pas être très élevée puisque, aujourd'hui, selon les informations recueillies par votre rapporteur, les donations auxquelles il est procédé en Corse concerneraient assez peu les biens immobiliers.

Par coordination, et pour éviter les abus, votre commission spéciale vous propose un amendement écartant du bénéfice de la mesure les donations afférentes à des biens acquis après l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi.

Votre commission spéciale vous propose un autre amendement , qui revient à la rédaction initiale du projet de loi s'agissant des périodes d'exonérations de droits de succession.

Pour les biens et droits immobiliers pouvant en bénéficier, l'exonération serait totale entre 2002 et 2010, puis de 50 % entre 2011 et 2015. Le droit commun serait applicable à compter de 2016.

3. Les sanctions prévues en cas de non reconstitution des titres de propriété et de non déclaration des successions sont-elles susceptibles d'être appliquées en Corse ?

Si des sanctions ne sont pas appliquées efficacement en cas de défaut de déclaration d'une succession, tout l'édifice du présent article s'écroule car la situation actuelle perdurera.

Les sanctions étant assises sur la valeur des biens immobiliers, le dispositif proposé par le présent article ne sera viable que lorsque les dispositions de l'article 21 de la loi de finances pour 1999, qui prévoient le retour de la Corse dans le droit commun pour l'évaluation des biens immobiliers, seront entrées en vigueur.

Le droit actuel permet aux services fiscaux de retrouver les héritiers et de s'assurer que des droits de mutation sont bien acquittés sur les biens transmis par le défunt.

Le rapport remis au Parlement en application de l'article 22 de la loi de finances pour 1999 rappelle les moyens dont disposent les services fiscaux :

« L'article L. 102 A du livre des procédures fiscales fait obligation aux maires « d'adresser dans les mois de janvier, avril, juillet et octobre au service des impôts les relevés des actes de décès établis au cours du trimestre ». Ces relevés (1 fiche par défunt) doivent comporter le nom de ce dernier, le nom des héritiers connus ainsi que les éléments du patrimoine successoral. Les services locaux apurent les fiches au fur et à mesure au vu des déclaration de mutation. Lorsque les déclarations fiscales ne sont pas parvenues au centre des impôts, le service destinataire recherche s'il y avait un intérêt fiscal à ce que le dépôt soit fait. Dans la négative, il procède à un classement sans suite. Dans l'affirmative, il relance les héritiers par voie de mise en demeure si ceux-ci sont connus, la connaissance d'un seul étant suffisante en raison de la solidarité pesant sur les héritiers pour le paiement des droits de mutation par décès (art. 1709 du CGI).

Si les héritiers ne sont pas connus, le centre des impôts local doit entreprendre toute recherche utile au moyen de tous les éléments d'information dont il peut disposer (fiches d'immeuble du bureau des hypothèques, registre des formalités pour la période antérieure au 1 er janvier 1956, fichier des notaires qui ont passé les actes, syndics de copropriété, etc...), dans le but de retrouver au moins l'un des héritiers. Une telle identification devrait permettre de contribuer à la reconstitution de la chaîne des héritiers. »

Cependant, en l'absence de connaissance précise du patrimoine du défunt tant par les services fiscaux que parfois par les héritiers eux-mêmes, l'exhaustivité des déclarations de succession qui seront déposées en Corse n'est pas garantie. Par conséquent, il est à craindre qu'une partie du patrimoine immobilier de Corse ne figure pas dans les déclarations de succession et que ce défaut de déclaration ne puisse pas être sanctionné, l'administration ne pouvant apporter la preuve de la propriété de l'héritier. Cette situation ne devrait pas être rare s'agissant des terrains non bâtis du centre de l'île.

Si elle approuve la logique des modalités retenues par le présent article pour accompagner le retour au droit commun en Corse en matière de sanction du défaut de déclaration (allongement du délai, exonération), et si elle approuve le principe de la mise en place de sanctions en cas de défaut de reconstitution des titres dans les vingt-quatre mois du décès, votre commission spéciale souhaite modifier le dispositif proposé afin que les sanctions soient véritablement efficaces, et qu'elles ne frappent pas de manière aveugle.

Dans cette optique, elle vous soumet un amendement , modifiant le texte proposé pour l'article 641 bis du code général des impôts, afin de réserver l'allongement du délai de déclaration des successions à vingt-quatre mois aux seuls biens et droits immobiliers pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt .

Ainsi, les héritiers devraient déposer leur déclaration de succession dans les six mois du décès, et y faire figurer l'ensemble des biens non immobiliers et des biens immobiliers pour lesquels les titres de propriété existaient à la mort du défunt. Les biens pour lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt devront faire l'objet d'une déclaration complémentaire dans les vingt-quatre mois du décès.

Cette disposition n'est pas destinée à pénaliser les propriétaires d'immeubles situés en Corse, mais à les protéger. Dans le dispositif proposé par le présent article, si les titres de propriété ne sont pas reconstitués dans le délai de vingt-quatre mois, les pénalités de droit commun s'appliquent à l'ensemble de la succession.

Cet amendement a également pour effet de supprimer les ambiguïtés du texte du projet de loi provoquées par la notion d' « allongement conditionnel » du délai de déclaration, en prévoyant que les sanctions du défaut de déclaration s'appliquent à compter de l'expiration du délai de vint-quatre mois.

Par coordination avec cet amendement, votre commission vous propose un amendement de conséquence au C du présent article.

Un autre amendement , modifiant le texte proposé pour l'article 1840 G undecies du même code, prévoit que les sanctions de la non reconstitution des titres de propriété dans le délai de vingt-quatre mois s'appliquent à compter de la date de publication de ces titres.

Faute de cette précision, le dispositif proposé est inopérant. Il est notamment impossible d'obliger un héritier à acquitter des droits de succession « dans le mois suivant l'expiration du délai de deux ans » alors que les titres prouvant qu'il en est bien le propriétaire n'auraient pas été reconstitués.

Avec l'amendement qui vous est soumis, le dispositif proposé par le présent article devient opérationnel. Dans sa rédaction actuelle, l'article 1840 G undecies est inopérant car les sanctions n'ont pas d'assiette.

Cet amendement permet également de coordonner de manière plus claire le régime des sanctions du défaut de déclaration et le régime des sanctions de la non reconstitution des titres de propriété dans le délai de vingt-quatre mois.

Sous le bénéfice de ces observations, et de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous propose d'adopter le présent article.

Article 45 bis
Prise en charge par l'Etat d'une partie des cotisations sociales
dues par les employeurs de main d'oeuvre agricole en Corse

I . LA SITUATION ACTUELLE

A. DES AGRICULTEURS CORSES TRES ENDETTES

1. La dette globale

Evoquant les multiples dettes du monde agricole en Corse, le rapport de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse, constituée en 1998 à l'Assemblée nationale, distinguait « trois grandes masses de dettes : les dettes bancaires, les dettes sociales, et les impayés d'eau ».

Ce rapport estimait la dette au Crédit Agricole à environ 1 milliard de francs, la dette sociale à 880 millions de francs et les impayés d'eau à plus de 56 millions de francs.

Il jugeait « saisissant » le rapprochement entre ces montants et le revenu brut d'exploitation de l'agriculture corse, qui s'établissait à 445 millions de francs en 1997.

2. La dette au titre des cotisations sociales

La caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA) a fourni à votre rapporteur les éléments suivants relatifs à la dette sociale des agriculteurs exerçant leur activité en Corse :

Impayés de cotisations légales et conventionnelles au 31 décembre 1999

(en millions de francs)

Actifs

Radiés

Total

Cotisations exploitants

216,1

48,1

264,3

Cotisations sur salaires

259,4

53,5

313,0

Total cotisations

475,5

101,7

577,2

Majorations de retard

279,2

117,9

397,1

Total général

754,7

219,6

974,3

Source : caisse centrale de la mutualité sociale agricole

Les arriérés de cotisations dus par les actifs représentent les trois quarts de la dette constatée à la fin de l'année 1999. Les majorations de retard constituent environ 40 % de l'endettement.

Celui-ci est la conséquence d'un taux de recouvrement très faible jusqu'en 1999 :

Part des restes à recouvrer dans le total des émissions au titre de l'exercice, et du solde restant dû au 31 mars suivant :

(en %)

1995

1996

1997

1998

1999

Caisse de Corse

67,71

68,06

71,06

71,22

74,49

Moyenne des caisses de la Mutualité sociale agricole

7,08

6,81

6,46

6,58

6,17

Source : caisse centrale de la mutualité sociale agricole

Le solde global des restes à recouvrer au titre des cotisations légales et conventionnelle s'est réduit de 22,7 % entre 1999 et 2000. Il s'établissait au 31 décembre de l'année 2000 à 753,6 millions de francs.

Cette amélioration tient sans doute, en partie, aux réformes entreprises au sein de la caisse de la Mutualité sociale agricole de Corse depuis 1999.

B. UNE CAISSE DE LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE PAS ENCORE REDRESSEE

1. Une gestion pas encore rigoureuse

Le rapport de la commission d'enquête constituée à l'Assemblée nationale, ainsi que les contrôles sur pièces et sur place auxquels s'est livré notre collègue M. Charles de Courson, rapporteur spécial du budget annexe des prestations sociales agricoles au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, ont révélé de graves dysfonctionnements au sein de la MSA de Corse.

Il en a résulté la suspension par le ministre de l'agriculture de son conseil d'administration, le 30 septembre 1998, et la nomination d'un administrateur provisoire. Le nouveau conseil d'administration été installé le 17 janvier 2000.

Il semble cependant que la MSA de Corse ne soit pas encore parvenue à remédier au désordre comptable dans lequel elle se trouvait.

A titre d'illustration, on constate que, en 1999, pour trois affaires concernant la MSA de Corse jugées par la Cour d'appel de Bastia, la MSA a perdu trois fois. En 2000, pour quatre appels, la MSA n'a obtenu gain de cause que deux fois. Au premier septembre 2001, la MSA avait perdu huit fois sur neuf. Le même phénomène serait constaté dans les tribunaux de première instance.

Dans le cadre des procédures contentieuses qui l'opposent à des agriculteurs qu'elle tient pour endettés à son endroit, la MSA ne parvient généralement pas à justifier les montants qu'elle réclame, et place les magistrats dans l'obligation de lui donner tort. Pourtant, la caisse centrale de la MSA a indiqué à votre rapporteur que les frais d'huissiers et de contentieux engagés par la MSA de Corse étaient dix fois supérieurs à ceux constatés dans des caisses de même taille.

2. Une caisse qui fonctionne grâce aux interventions de la caisse centrale

Les informations communiquées à votre rapporteur laissent penser que la survie de la caisse de la MSA en Corse ne serait due qu'aux interventions de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, qui lui accorde un régime d'avances de trésorerie plus favorable qu'aux autres caisses.

Par ailleurs, la caisse centrale de la MSA verse à la caisse de Corse une dotation annuelle de 20 millions de francs, prélevée sur les fonds institutionnels du réseau.

II. LE DISPOSITIF PROPOSE

Le présent article résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, en première lecture, d'un amendement présenté par le Gouvernement. Donnant l'avis de la commission sur cet amendement, le rapporteur au nom de la commission des lois s'est contenté d'indiquer que « cet amendement a été adopté par la commission ».

Le présent article a pour objet d'alléger la « dette sociale » des employeurs de main d'oeuvre agricole exerçant leur activité en Corse. Ses dispositions ne sont pas codifiées.

A. LA PRISE EN CHARGE PAR L'ETAT DE LA MOITIE DES ARRIERES DES COTISATIONS PATRONALES

1. Une prise en charge versée à la MSA

La I du présent article prévoit la mise en place, au profit de certains employeurs de main d'oeuvre agricole, d'une aide de l'Etat au titre de leur arriérés de cotisations patronales dues au régime de base obligatoire de sécurité sociale des salariés agricoles pour des périodes antérieures au 1 er janvier 1999.

L'aide ne peut excéder 50 % des cotisations dues.

Le huitième alinéa du II prévoit que l'aide ne peut être versée que si le bénéficiaire a autorisé « l'Etat à se subroger dans le paiement des cotisations sociales auprès de la caisse de mutualité sociale agricole ». Cette disposition signifie que l'aide ne sera pas versée à l'agriculteur, mais directement à la MSA.

Votre rapporteur se demande s'il ne conviendrait pas de préciser que l'Etat se subroge pour le paiement de la moitié des arriérés de cotisations patronales dus pour les périodes antérieures au 1 er janvier 1999.

Le V dispose que les aides au désendettement des personnes rapatriées sont déduites du montant de l'aide créée par le présent article. Le VI précise que l'aide ne peut être versée aux employeurs dont l'exploitation est soumise à une procédure de liquidation judiciaire.

Les crédits correspondant au versement de cette aide pourraient figurer à l'article 43 du chapitre 44-77 « Compensation de l'exonération de cotisations sociales » du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Cette précision figure dans les observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi de finances rectificative de l'hiver 2000. Elle s'appliquait à un dispositif de même nature que celui du présent article, qui a fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel 225 ( * ) .

2. Une prise en charge qui ne concerne que les cotisations patronales

Le I précise que l'aide ne peut porter que sur les « cotisations patronales » dues par les employeurs de main d'oeuvre agricole. Sont donc exclues du champ de l'aide :

- les cotisations salariales (le « précompte ouvrier ») ;

- les cotisations « exploitants » (que les employeurs acquittent pour leur propre couverture sociale) ;

- les cotisations conventionnelles, c'est-à-dire les cotisations recouvrées par la MSA pour le compte de l'UNEDIC, au titre de l'assurance chômage ; et de la CAMARCA, au titre de la couverture complémentaire des retraites des salariés agricoles ;

- les majorations de retard.

3. Une prise en charge à certaines conditions

Le I limite le bénéfice de l'aide à la moitié des cotisations dues « pour des périodes antérieures au 1 er janvier 1999 ».

Le II conditionne le bénéfice de cette aide au respect de certaines conditions :

- apporter la preuve de la viabilité de l'exploitation par un audit extérieur ;

- être à jour de ses « cotisations sociales » afférentes aux périodes d'activité postérieures au 31 décembre 1998. L'expression « cotisations sociales » englobe toutes les cotisations, et pas seulement les cotisations patronales ;

- être à jour de la part salariale des cotisations patronales, ou s'engager à leur paiement intégral par la conclusion d'un échéancier de deux ans signé « entre l'exploitant et la caisse ». Bien que le texte ne le précise pas, on peut penser que la « caisse » désigne la caisse de mutualité sociale agricole de Corse.

La part salariale des cotisations patronales étant une sous-catégorie des cotisations sociales, on peut penser, bien que le texte ne le précise pas, que cette condition s'applique à la part salariale des cotisations patronales dues pour les périodes antérieures au 1er janvier 1999. Pour les périodes postérieures à cette date, l'obligation d'être à jour de la part salariale des cotisations patronales est couverte par la condition, déjà mentionnée, exigeant d'être « à jour des cotisations sociales afférentes aux périodes d'activité postérieures au 31 décembre 1998 » ;

- avoir fait la preuve de sa volonté de rembourser sa dette soit en acquittant d'emblée la moitié des arriérés de cotisations patronales, soit en convenant avec la MSA, dans des conditions qui ne sont pas précisées, un échéancier de remboursement pour une période ne pouvant excéder quinze ans. Dans ce dernier cas, l'aide peut intervenir lorsque l'employeur aura acquitté les échéances correspondant aux huit premières années de cet échéancier.

Votre rapporteur déplore que la rédaction du sixième alinéa du II, qui prévoit cette condition, soit inintelligible pour qui ne se serait pas fait expliquer l'objectif recherché. Il est notamment fait référence à un « plan » dont on ne précise pas la teneur. De manière générale, votre rapporteur regrette que le présent article, appelé à figurer dans la loi, soit rédigé comme s'il s'agissait d'une circulaire administrative ou d'un document interne à la mutualité sociale agricole ;

- avoir demandé à bénéficier de l'aide dans l'année suivant l'entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi, en application du III .

Si les demandes doivent être effectuées dans ce délai, les autres conditions d'éligibilité ne doivent pas obligatoirement être remplies à cette date. Mais l'aide ne sera versée que lorsqu'elles le seront toutes (simultanément).

4. Une prise en charge qui entraîne l'abandon des poursuites

Le IV prévoit que, dans le cadre la procédure mise en place par le présent article, « la conclusion d'un échéancier de paiement de la dette avec la caisse de mutualité sociale agricole entraîne la suspension des poursuites ». Il n'est pas précisé quelles poursuites seraient ainsi suspendues. Sachant qu'une lecture interprétative du sixième alinéa du II laisse entendre que l'échéancier ne devrait porter que sur la dette au titre des cotisations patronales 226 ( * ) , il est vraisemblable que la suspension ne porterait elle aussi que sur les poursuites relatives à ces cotisations.

Le présent article ne précise pas non plus si le choix du terme « suspension » signifie que, en cas de non respect par l'agriculteur des engagements auxquels il a souscrit, les poursuites pourraient être « réactivées », et dans quelles conditions.

En tout état de cause, votre rapporteur note que l'adhésion d'un grand nombre d'employeurs de main d'oeuvre agricole exerçant leur activité en Corse pourrait se révéler très utile à la MSA. En concluant des échéanciers de paiement, ceux-ci signent, de fait, une reconnaissance de dettes. Par ce biais, la MSA pourra espérer recouvrer plus d'arriérés de cotisations que par le recours à des procédures contentieuses puisque, devant les tribunaux, celle-ci est souvent bien en peine de prouver la réalité des créances dont elle demande le paiement.

B. UNE MESURE DEJA CENSUREE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le présent article constitue la nouvelle mouture d'une disposition déjà adoptée par le Parlement dans le cadre de la loi de finances rectificative de l'hiver 2000, et qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel.

1. Le texte censuré par le Conseil constitutionnel

Le présent article est légèrement différent de l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000).

Alors que le présent article prévoit le versement par l'Etat d'une aide à la MSA représentant au plus la moitié des arriérés de cotisations patronales dues par certains exploitants, l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 2000 ouvrait à ces exploitants la possibilité de bénéficier d'un plan d'apurement 227 ( * ) de leur dette au titre des cotisations patronales. L'apurement portait sur les cotisations patronales, mais aussi sur les pénalités et majorations de retard.

Les conditions pour bénéficier de ce plan étaient les mêmes que celles fixées par le présent article pour bénéficier de l'aide. Cependant, l'article 64 était plus précis que le présent article, et nombre de critiques apportées à la rédaction n'auraient pu s'appliquer à l'article 64 du collectif budgétaire de l'hiver dernier.

Il y était notamment précisé que la condition relative à l'acquittement de la part salariale des cotisations sociales concernait les cotisations dues pour les périodes antérieures au 1 er janvier 1999, que la suspension des poursuites était levée en cas de refus de signer le plan d'apurement et que les poursuites étaient définitivement abandonnées au terme de l'exécution du plan d'apurement des dettes.

L'article 64 prévoyait en outre des conditions supplémentaires pour bénéficier de l'aide. Etaient exclues les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d'oeuvre ou pour fraude fiscale au cours des cinq années précédant l'entrée en vigueur de la loi. Les personnes ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts en vue d'obtenir le bénéfice du plan, celles qui n'auraient pas respecté l'échéancier de paiement ou qui ne paieraient pas leurs cotisations courantes étaient également écartées du bénéfice de la mesure.

Votre rapporteur se demande si, a contrario, ces personnes pourront bénéficier des dispositions du présent article.

2. Les raisons de la censure

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2000, le Sénat n'avait pas souscrit au dispositif proposé par le Gouvernement, le jugeant contraire à la Constitution. Il avait supprimé l'article en adoptant un amendement présenté au nom de la commission des finances par notre collègue M. Philippe Marini, rapporteur général. Soixante sénateurs avaient contesté la conformité à la Constitution devant le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision DC 2000-441 du 28 décembre 2000 « qu'il ne résulte ni des termes de la disposition contestée ni des travaux parlementaires qu'une situation particulière justifierait que les exploitants agricoles qui y soient installés bénéficient d'un plan d'apurement de leurs dettes sociales ; que la seule circonstance que les retards observés dans le paiement des cotisations sociales agricoles sont plus importants qu'ailleurs ne saurait justifier la différence de traitement entre les exploitants agricoles installés en Corse et ceux installés sur le continent qui seraient dans une situation analogue ; qu'en outre, ni la loi ni les travaux parlementaires n'évoquent un motif d'intérêt général de nature à fonder une telle différence de traitement ».

2. L'argumentaire du Gouvernement à l'appui du présent article

La présentation par le ministre de l'intérieur de l'amendement devenu le présent article témoigne d'une lecture particulièrement attentive de la décision du Conseil constitutionnel.

Ayant pris acte que la seule circonstance que des retards de paiement plus importants qu'ailleurs ne sauraient justifier la différence de traitement entre les exploitants installés en Corse et ceux exerçant leur activité sur le continent, le ministre s'est efforcé de faire apparaître dans les travaux parlementaires, en l'occurrence le journal officiel des débats, la situation particulière des agriculteurs exerçant leur activité en Corse qui serait de nature à fonder une telle différence de traitement.

Les arguments tendant à mettre en évidence la situation particulière des exploitants agricoles installés en Corse

En présentant la mesure, le ministre de l'intérieur a fait valoir que :

- « la situation particulière de la Corse justifie que les exploitants agricoles qui y sont installés bénéficient de la mesure » ;

- le fort endettement des agriculteurs corses « est lié à l'implantation tardive de l'agriculture en Corse qui ne s'est réellement développée qu'après la Seconde Guerre mondiale. Pour rattraper ce retard, dans les conditions tant géographiques que climatiques propres à cette île, un très important effort d'investissement s'est révélé nécessaire » 228 ( * ) ;

- « des crises conjoncturelles liées à la situation particulière des exploitants sont venues rendre le remboursement de leurs dettes extrêmement difficile pour nombre d'entre eux » ;

- « En l'absence d'une telle disposition, c'est environ un tiers des exploitations qui pourraient être condamnées à la liquidation judiciaire en raison du passif accumulé pour les raisons déjà évoquées ».

Ces arguments avaient déjà été développés, pratiquement mot pour mot, par le Gouvernement dans ses observations sur les recours dirigés contre la loi de finances rectificative pour 2000.

Constatant qu'ils n'avaient pas permis de convaincre le Conseil constitutionnel, le ministre de l'intérieur les a complétés en laissant entendre que les arriérés de paiement constatés en Corse ne seraient pas le seul fait d'exploitants agricoles récalcitrants, mais également une conséquence du désordre constaté au sein de la mutualité sociale agricole de Corse : « les rapports d'inspection diligentés par l'Etat et les travaux parlementaires ont fait apparaître que les défaillances dans le recouvrement des cotisations, qui ont justifié la mise en place de nouvelles instances dirigeantes à la caisse de mutualité agricole de Corse, à partir de 1998, ont provoqué l'accumulation d'un arriéré de paiement important à l'égard de cet organisme.

« Or, une part significative de l'endettement obérant durablement de le développement agricole en Corse est constitué d'arriérés de paiement de cotisations sociales ».

En d'autres termes, le ministre semble considérer qu'il n'est pas entièrement légitime de réclamer aux exploitants agricoles des cotisations qu'ils n'ont pas payées parce qu'on ne les leur a pas réclamées, ou réclamées selon des procédures irrégulières.

Le ministre a également entendu démontrer la situation particulière dans laquelle se trouveraient les employeurs de main d'oeuvre agricole en évoquant « la situation spécifique en Corse [qui] résulte notamment d'une situation économique induisant des charges et des contraintes qui n'existent pas sur le continent ». Il a illustré ce propos en évoquant des données statistiques comparant la situation financière des exploitations situées sur le continent et celle des exploitations situées en Corse. Ces données statistiques, et leur portée, sont analysées plus loin par votre rapporteur.

Les arguments tendant à justifier un traitement particulier en faveur des exploitants agricoles installés en Corse

A l'occasion du débat à l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur a développé un argument nouveau. Il a placé la mesure en faveur des agriculteurs corses sous le signe de l'aménagement du territoire : « le dispositif proposé par le gouvernement est vertueux. Il est aussi vital pour l'avenir de l'agriculture en Corse, dont le rôle est décisif dans l'aménagement du territoire de l'île ».

Mais surtout, le ministre a contesté implicitement l'analyse de la mesure censurée en décembre 2000 faite à cette occasion par le Conseil constitutionnel. Alors que celui-ci avait en partie justifié son annulation sur l'absence de « motif d'intérêt général de nature à fonder une telle différence de traitement », le ministre choisit de n'évoquer aucun motif d'intérêt général dans son propos.

Il ne reprend pas l'argument développé par le Gouvernement en décembre 2000, dans ses observations sur les recours contre la loi de finances rectificative pour 2000, selon lequel « un évident motif d'intérêt général s'attache à ce que le législateur prenne les mesures permettant de maintenir le tissu agricole insulaire ».

Le ministre ajoute même, sans que cette possibilité ait jamais été évoquée préalablement, qu'il « ne serait cependant ni économiquement, ni opportun en équité, de prendre en la matière des dispositions générales ». Ce faisant, il revendique le traitement spécifique accordé aux exploitants agricoles installés en Corse et confirme son intention d'inscrire la mesure proposée sur le terrain de l'aménagement du territoire. Le ministre n'ignore pas que, en effet, le Conseil constitutionnel a déjà considéré comme conformes à la Constitution des différences de traitement pour des motifs d'aménagement du territoire.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

A. UNE MESURE ATTENDUE

Evoquant le problème de l'endettement, la Chambre régionale d'agriculture de Corse, dans un document remis à votre rapporteur, considère que « ne pas régler ce problème équivaudrait à rejeter tout espoir de développement ».

Cette analyse semble largement partagée puisque, dès l'année 2000, la secrétaire d'Etat chargée du budget et le ministre de l'agriculture ont institué, en Corse, une commission régionale de conciliation (CRC), présidée par le Trésorier-payeur-général de la région et regroupant à la fois les services de l'Etat et les créanciers des exploitants agricoles.

Cette commission a pour objet de procéder à l'examen de l'endettement de 366 agriculteurs endettés. La caisse centrale de la MSA a indiqué à votre rapporteur que, dans ce cadre, « des abandons de créances, autres que de cotisations sociales, des prises en charge au titre des fonds rentrant dans le cadre des dispositifs « agriculteurs en difficulté », ainsi que des échéanciers de paiement doivent permettre de traiter la situation des exploitations qui établissent être économiquement viables ».

De toutes les dettes contractées par les agriculteurs, les arriérés de cotisations patronales sont les seules pour lesquelles il ne soit pas possible aujourd'hui d'abandonner des créances. Le présent article a donc pour objet d'appliquer à ces dettes le même régime que pour les dettes bancaires ou les arriérés de paiement des factures d'eau.

B. UNE MESURE DE PORTEE LIMITEE

Il a été indiqué à votre rapporteur que, parmi les dossiers examinés à ce jour par la commission régionale de conciliation, les dettes correspondant aux arriérés de cotisations patronales pour les années antérieures à 1999 représentaient seulement de l'ordre du sixième des dettes totales. Au cas par cas, cette proportion peut être plus ou moins importante.

Mais surtout, votre rapporteur constate que, à ce jour, très peu d'employeurs de main d'oeuvre agricole exerçant leur activité en Corse remplissent les critères d'éligibilité à la mesure. Le tableau ci-dessous retrace les questions posées par votre rapporteur à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, et les réponses qu'il a obtenu :

Question

Réponse

1. Combien y a-t-il d'employeurs de main d'oeuvre agricole installés en Corse redevables de cotisations patronales ?

246 (ce chiffre correspond aux employeurs en activité à ce jour)

2 . Combien y a-t-il d'employeurs de main d'oeuvre agricole installés en Corse redevables de cotisations patronales dues au régime de base obligatoire de sécurité sociale des salariés agricoles pour des périodes antérieures au 1 er janvier 1999 ?

177 (parmi les 246 de la question 1)

3 . Parmi la population visée à la question 2, combien d'employeurs sont à jour de leurs cotisations sociales afférentes aux périodes d'activité postérieures au 31 décembre 1998 ?

58

4. Parmi la population visée à la question 2, combien d'employeurs sont à jour de la part salariale des cotisations de sécurité sociale afférentes aux périodes d'activité antérieures au 1 er janvier 1999 ?

38

Il ressort de la combinaison de ces différents critères que, à ce jour, 38 exploitants au plus pourraient bénéficier des dispositions du présent article. Le caractère très réduit du nombre de bénéficiaires potentiels de la mesure contraste avec l'assertion du ministre de l'intérieur selon laquelle, en l'absence des dispositions proposées par le présent article, le tiers des exploitation agricoles de Corse serait susceptible d'être placé en liquidation judiciaire.

La caisse centrale de la mutualité sociale agricole a indiqué à votre rapporteur que les arriérés de cotisations patronales pour les périodes antérieures au 1 er janvier 1999 s'élevaient à 78,8 millions de francs pour les employeurs en activité à ce jour. Ce montant comprend « les cotisations légales (y compris la part ouvrière) et les cotisations conventionnelles (chômage, retraite complémentaire...) des employeurs en activité à ce jour ». Les cotisations conventionnelles et la « part ouvrière » ne sont pas éligibles à l'aide prévue par le présent article.

Pour les seuls employeurs en activité et à jour de leurs cotisations sociales afférentes aux périodes d'activité postérieures au 31 décembre 1998, les arriérés de cotisations (légales et conventionnelles) pour des périodes antérieures au 1 er janvier 1999 s'élèvent à 14,5 millions de francs.

Ces montants contrastent avec le coût des dispositions du présent article annoncé par le Gouvernement, soit de 150 millions de francs.

C. LES AGRICULTEURS CORSES SONT-ILS DANS UNE SITUATION DE NATURE A JUSTIFIER UNE DIFFERENCE DE TRAITEMENT ?

L'agriculture corse est incontestablement dans une situation très difficile. L'emploi non salarié dans ce secteur a diminué de 38 % entre 1990 et 1999. L'INSEE constate que, en terme de part de l'agriculture dans la valeur ajoutée, la Corse se situe dans la moyenne nationale, mais à un niveau inférieur à la France métropolitaine hors Ile-de-France.

A l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur a considéré que certaines charges et contraintes n'existant pas sur le continent, « et qui se retrouvent dans le revenu moyen par exploitant », expliquaient « l'existence d'un pourcentage plus important que sur le continent d'exploitations endettées ».

Il a précisé son propos en indiquant que « si l'on se réfère aux déclarations fiscales de 1998, le revenu professionnel moyen par exploitation est de 80.000 francs, contre 24.000 francs en Cors e ».

A cet égard, la situation s'est encore dégradée en 1999 puisque le revenu moyen par exploitation pour la France entière (et non pour le seul continent) s'établissait à 84.100 francs, contre 22.200 en Corse.

Le ministre déduisait de cet écart « qu'il en résulte mécaniquement un endettement supérieur en Corse. Selon les résultats 1999 (...) le montant d'endettement 229 ( * ) est de 600.000 francs pour 715.000 francs de production sur l'exercice pour les exploitations sur l'ensemble de la France, alors qu'en Corse, il est de 615.000 francs pour 480.000 francs de production. »

Votre rapporteur a eu connaissance de la décomposition région par région des données avancées par le ministre, qui sont reproduites dans le tableau ci-dessous :

Comparaison des exploitations corses avec celles des autres régions (exploitations « professionnelles »)

(en milliers de francs)

Année 1999

Revenu professionnel moyen par exploitation

(1)

Dettes totales moyennes par exploitation

(2)

Résultats économiques

Production moyenne de l'exercice par exploitation

(2)

Alsace

110,1

660,8

889,5

Aquitaine

79,8

707,9

901,6

Auvergne

48,7

365,6

385,7

Basse-Normandie

70,8

666,1

685,1

Bourgogne

121,5

734,8

812,8

Bretagne

70,4

886,1

921,0

Centre

107,8

718,4

751,9

Champagne-Ardenne

206,9

1.036,1

1.393,3

Franche-Comté

75,3

441,3

575,7

Haute-Normandie

113,6

795,3

869,7

Ile-de-France

149,6

790,4

915,1

Languedoc-Roussillon

43,8

507,0

626,6

Limousin

40,9

325,3

339,3

Lorraine

99,6

882,4

840,4

Midi-Pyrénées

47,4

395,4

397,4

Nord-Pas-de-Calais

118,1

718,3

868,1

Pays-de-la-Loire

81,8

682,0

795,6

Picardie

174,3

1.142,7

1.152,9

Poitou-Charentes

73,2

563,4

626,0

Provence-Alpes Côte d'Azur

67,4

428,4

756,1

Rhône-Alpes

64,0

371,6

550,7

Corse

22,2

663,4

486,1

France entière

84,1

615,7

715,3

Sources : COTNS (1) et RICA (2). Ministère de l'agriculture et de la pêche.

Il ressort de ce tableau que 14 régions métropolitaines ont une dette totale par exploitation supérieure à celle de la Corse et trois régions métropolitaines ont une production moyenne par exploitation inférieure à celle de la Corse.

La région Auvergne est dans une situation plus défavorable que la Corse pour les deux critères.

De ce point de vue, la Corse n'est donc pas dans une situation particulière puisqu'elle n'arrive au dernier rang pour aucun des deux critères, et qu'une région est plus mal placée qu'elle pour les deux critères.

Les données présentées ci-dessus peuvent être complétées par une comparaison des taux d'endettement des exploitations agricoles dans les régions métropolitaines, ainsi que des composantes de ce ratio.

Les données le permettant figurent dans le tableau ci-dessous :

Composantes du taux d'endettement des exploitations agricoles

(en milliers de francs)

Année 1999

Actif total moyen par exploitation

Dettes totales moyennes par exploitation

Taux d'endettement

Alsace

1 816,9

660,8

36,31

Aquitaine

2 152,5

707,9

32,81

Auvergne

1 514,2

365,6

24,11

Basse-Normandie

12 627,5

666,1

40,79

Bourgogne

2 260,4

734,8

32,43

Bretagne

1 644,8

886,1

53,70

Centre

1 961,1

718,

36,54

Champagne-Ardenne

3 524,0

1 036,1

29,32

Franche-Comté

1 612,7

441,3

27,32

Haute-Normandie

1 936,6

795,3

41,03

Ile-de-France

1 586,3

507,0

39,74

Languedoc-Roussillon

1 586,3

507,0

31,89

Limousin

1 614,8

325,3

20,13

Lorraine

2 311,2

862,4

37,22

Midi-Pyrénées

1 442,7

295,4

27,37

Nord-Pas de Calais

1 876,3

718,3

38,17

Pays de la Loire

1 585,2

682,0

42,91

Picardie

2 546,2

1 142,7

44,75

Poitou-Charentes

1 777,7

583,4

32,73

Provence Côte d'Azur

1 449,2

428,4

29,45

Rhône-Alpes

1 277,0

371,6

29,03

Corse

1 304,4

663,4

50,84

France entière

1 751,8

615,7

35,06

Source : RICA (2). Ministère de l'agriculture et de la pêche.

Il apparaît que, en proportion de l'actif du bilan des exploitations agricoles, les exploitations situées en Corse ne sont pas dans la situation la plus défavorable puisque les exploitations bretonnes ont un taux d'endettement supérieur au leur.

S'agissant des composantes de ce ratio, 14 régions ont une dette moyenne par exploitation supérieure à celle de la Corse, et dans l'une d'elles, la région Rhône-Alpes, est constaté un actif total moyen par exploitation inférieur à celui des exploitations situées en Corse.

Le ministre de l'intérieur a également indiqué au cours du débat à l'Assemblée nationale que « les exploitations corses se distinguent de celles du continent en ce que le nombre des exploitations dont le montant total de dettes est supérieur ou égal à 90 % du total du bilan est trois fois plus important que la moyenne nationale. Elles représentent 10,7 % des exploitations endettées alors que, sur le continent, ce pourcentage n'est que de 3,6 %. De plus, ces exploitations cumulent 43 % des dettes totales alors que, sur le continent, ce pourcentage n'est que de 9 % ».

Le 17 juillet 2001, votre rapporteur a demandé au ministre de l'intérieur de lui communiquer ces données pour chacune des régions métropolitaines. Il a reçu, la veille de l'examen de son rapport par votre commission spéciale, les données relatives aux exploitations dont la dette représente plus de 90 % du total de leur bilan. En revanche, il n'a toujours pas été destinataire de la part de l'endettement total constitué par l'endettement de ces exploitations.

Pourcentage des exploitations dont la dette représente plus de 90 % du total de bilan

Année 1999

Pourcentage des exploitations endettées à plus de 90 %

Alsace

2,3

Aquitaine

2,2

Auvergne

0,2

Basse-Normandie

6,7

Bourgogne

3,3

Bretagne

8,7

Centre

3,4

Champagne-Ardenne

1,2

Franche-Comté

0,2

Haute-Normandie

4,2

Ile-de-France

6,8

Languedoc-Roussillon

3,7

Limousin

0,5

Lorraine

0,2

Midi-Pyrénées

2,1

Nord-Pas de Calais

1,9

Pays de la Loire

3,9

Picardie

2,6

Poitou-Charentes

4,8

Provence Côte d'Azur

7,3

Rhône-Alpes

1,9

Corse

10,7

France entière

3,5

Source : RICA 99. Ministère de l'agriculture et de la pêche

Il ressort de ce tableau que la Corse est la région dans laquelle est constatée la plus forte proportion d'exploitations très endettées.

Ce constat général recoupe les informations recueillies par votre rapporteur relatives aux arriérés de cotisations sociales. La caisse centrale de la mutualité sociale agricole constate en Corse à la fois une concentration de la dette sur un petit nombre de gros débiteurs et un éparpillement de la dette sur une multitude de petits débiteurs.

Le rapport de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion de services publics en Corse soulignait que « les agriculteurs accusant des retards de paiement de leurs prêts bancaires à la caisse régionale de Crédit agricole ont, pour la plupart d'entre eux, des arriérés - parfois très importants - dans le paiement de leurs cotisations à la mutualité sociale agricole » 230 ( * ) .

Votre rapporteur se demande pour quelle raison le ministre de l'intérieur a choisi de faire référence à la concentration de la dette agricole constatée en Corse pour justifier la mise en oeuvre d'une mesure destinée à bénéficier uniformément à tous les exploitants agricoles endettés implantés en Corse, à concurrence de la moitié de leurs arriérés de cotisations patronales, indépendamment de leur niveau d'endettement.

A cet égard la mesure proposée par le présent article est différente du dispositif prévu par l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 2000, censuré par le Conseil constitutionnel, qui proportionnait l'allégement des dettes au titre des cotisations patronales « à l'ensemble des dettes de l'exploitation agricole ».

Les données présentées ci-dessus peuvent être récapitulées de la manière suivante :

Critère de comparaison

Régions métropolitaines dans une situation plus défavorable que la Corse

Production moyenne de l'exercice par exploitation

Auvergne, Limousin, Midi-Pyrénées

Dettes totales moyennes par exploitation

Aquitaine, Auvergne, Basse Normandie, Bourgogne, Bretagne, Centre, Champagne-Ardenne, Haute Normandie, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Nord-Pas de Calais, Pays-de-la-Loire, Picardie.

Actif total moyen par exploitation

Rhône-Alpes

Taux d'endettement

Bretagne

Pourcentage d'exploitations dont l'endettement est supérieur à 90 % du total de bilan

Aucune

Revenu moyen par exploitation

Aucune

Il ressort de ces éléments que l'agriculture corse connaît indiscutablement une situation difficile. Toutefois, rien n'interdit au Gouvernement, pour y remédier, de mettre en place des dispositifs d'aide aux filières en crise, telles que la production d'agrume, qui est spécifique à la Corse, sur le modèle des aides mises en place sur le continent au bénéfice de la filière bovine touchée par la crise de la « vache folle » (dont la Corse a d'ailleurs été épargnée).

Il apparaît également que les productions agricoles exploitées en Corse procurent aux agriculteurs installés dans l'île un revenu moyen par exploitation très inférieur aux autres régions métropolitaines. Il conviendrait cependant, pour juger de la pertinence de ce critère, de disposer d'une comparaison par région du revenu moyen des exploitations de France métropolitaines, afin de comparer si, pour un même type de production, les exploitants agricoles installés en Corse sont toujours dans une situation défavorable.

Quoi qu'il en soit, la Corse, en tant qu'entité géographique, ne peut en rien être considérée comme relevant d'une situation particulière.

En conséquence, et sous le bénéfice de ces observations, votre commission spéciale vous propose de supprimer et article.

TITRE IV
PROGRAMME EXCEPTIONNEL D'INVESTISSEMENTS

Article 46
Mise en oeuvre du programme exceptionnel d'investissements

I. LE DISPOSITIF PROPOSE

Le présent article résulte de l'une des « propositions du Gouvernement aux représentants élus de la Corse » formulées le 20 juillet 2000.

Ce document indique que « le Gouvernement proposera au Parlement de voter un dispositif législatif prévoyant une programmation sur 15 ans d'investissements publics destinés à combler les retards d'équipement dont souffre encore la Corse dans plusieurs secteurs. Ces investissements seront financés par l'Etat et la collectivité territoriale de Corse, selon des proportions tenant compte des capacités de financement de la collectivité ; en moyenne 70 % seront à la charge de l'Etat.

« La programmation portera notamment sur les grandes opérations d'infrastructures routières et ferroviaires nécessaires au désenclavement des territoires.

« La mise au point de cette programmation sera effectuée en concertation entre le préfet de Corse, qui recevra un mandat du Gouvernement, et la collectivité territoriale.

« Un dispositif d'assistance à l'ingénierie publique sera mis en place ».

La rédaction du présent article est relativement fidèle à la proposition formulée le 20 juillet 2000.

Il est prévu la mise en oeuvre d'un programme exceptionnel d'investissement (PEI), qui « exprime un effort exceptionnel de la collectivité nationale envers la Corse ». Ce programme devra être réalisé en quinze ans et établi en coordination avec le contrat de plan Etat-région et la programmation des fonds structurels européens.

Le PEI doit aider la Corse à surmonter, « par un effort d'investissement conséquent », non seulement son déficit en équipement et en services collectifs structurants, mais aussi le « handicap naturel que constituent son insularité et son relief ».

Les « modalités de la mise au point de la programmation » seront déterminées par convention entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse. Le mandat du Gouvernement que recevra le préfet n'est pas confirmé.

Interrogé par votre rapporteur sur le contenu éventuel du PEI, le Gouvernement a transmis les indications suivantes :

« Le projet de programme exceptionnel d'investissement a fait l'objet d'une concertation étroite avec la collectivité territoriale de Corse et d'un travail interministériel intense qui n'est pas achevé. Aussi il n'est pas possible de donner dans le détail le contenu du programme qui n'est pas encore arrêté définitivement par le Gouvernement. Cependant, le document présente dans sa rédaction actuelle les grandes lignes des catégories d'investissements nécessaires pour rattraper le retard de développement de l'île.

Il s'agit, en premier lieu, des infrastructures de transports et de communications . En effet, la Corse dispose d'un réseau routier étendu de plus de 7 000 km au parcours très accidenté en raison du relief. La maîtrise d'ouvrage de ce réseau est répartie entre la collectivité territoriale de Corse pour 574 km, les deux départements pour 2 430 km et les communes pour 2 400 km. Si on considère exclusivement le réseau routier de la collectivité territoriale de Corse, nous sommes loin d'un réseau moderne répondant aux attentes de la population et de l'économie.

L'aménagement de ce réseau est donc un impératif majeur. De même, certaines routes départementales d'intérêt régional doivent faire l'objet d'un programme d'amélioration significatif.

Le réseau ferré nécessite des investissements lourds pour sortir ce moyen de communication de son caractère quasi confidentiel.

Des investissements sont également nécessaires sur les ports d'Ajaccio et de Bastia dont le transfert à la collectivité territoriale de Corse est envisagé.

Le deuxième thème abordé par le programme exceptionnel d'investissement concerne la maîtrise de l'environnement et la valorisation des territoires de l'intérieur . Il s'agit, dans ce chapitre, de mettre à niveau les infrastructures de base concernant l'assainissement et l'eau. De même des programmes ciblés en matière agricole peuvent y prendre place.

Un autre aspect important du projet de programme exceptionnel d'investissement est la cohésion sociale et la formation . Les investissements qui pourraient être retenus dans ce domaine sont relatifs à l'enseignement secondaire ou supérieur, à la culture, aux équipements sportifs et aux infrastructures hospitalières. Il sera également indispensable de trouver dans ce projet de programme les investissements concernant le développement urbain, qu'il s'agisse de voiries proches des agglomérations ou des rocades proprement dites et des opérations de requalification des villes.

Enfin, compte tenu de son importance sur l'économie, le tourisme pourrait également faire partie des catégories d'opérations inscrites. »

Le montant du PEI n'est pas précisé, mais il est prévu que l'Etat ne pourra pas financer plus de 70 % de ce montant. La part de la collectivité territoriale de Corse dans le financement du PEI n'est pas plafonnée.

Le rapport de notre collègue M. Bruno Le Roux au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale estime que le montant du PEI pourrait s'élever à 13 milliards de francs, soit 866,6 millions de francs par an.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPECIALE

Votre commission spéciale partage le principe de la mise en place d'un programme exceptionnel d'investissement, ainsi que les objectifs qu'il poursuit. Le déficit de la Corse en équipements et en services collectifs structurants est évident, et les handicaps naturels que constituent le relief et l'insularité justifient que la Corse bénéficie de dispositions spécifiques, comme l'a rappelé le Sénat à l'occasion de l'examen des différents textes relatifs à la Corse (statuts de 1982 et 1991, statut fiscal de 1994, zone franche de 1996).

Votre commission spéciale se félicite que, s'agissant de la Corse, le Gouvernement se rallie à la logique qui était celle du Sénat lors de l'examen du projet de loi d'aménagement et de développement durable du territoire, au printemps 1999. Notre Haute Assemblée avait alors insisté sur la nécessité d'accompagner la logique de demande, qui avait la faveur du Gouvernement et qui est traduite par les schémas de services collectifs, par une logique d'offre, en développant les infrastructures.

Votre commission spéciale s'interroge sur la signification de la coordination prévue avec le contrat de plan Etat-région et la programmation des fonds structurels. Si elle juge indispensable d'élaborer le PEI en complémentarité avec les objectifs poursuivis par ces instruments, elle considère qu'il serait malvenu que l'Etat inclue dans sa participation au financement du PEI les crédits qu'il consacre par ailleurs aux contrats de plan et aux opérations inclues dans la programmation des fonds structurels, qui auraient été réalisées avec ou sans le PEI.

Votre rapporteur a demandé au Gouvernement si la part de l'Etat et celle de la collectivité territoriale de Corse seraient calculées en tenant compte des fonds structurels ou « hors fonds structurels ». Il a reçu la réponse suivante, pleine d'ambiguïtés : « Le programme exceptionnel d'investissement pour la Corse est en principe indépendant aussi bien du contrat de plan que du DOCUP, lesquels portent d'ailleurs sur une durée plus courte (2000-2006).

Les opérations inscrites au PEI relèvent donc d'un financement exclusivement national, apporté par l'Etat et par la collectivité territoriale de Corse selon une clef de répartition propre à chacune d'elles.

Ce principe n'interdit cependant pas de rechercher, au cas par cas, un cofinancement communautaire pour celles des opérations du PEI qui répondraient aux conditions d'éligibilité définies par le DOCUP ».

Votre rapporteur interprète cette réponse comme signifiant que les crédits des fonds structurels peuvent venir s'ajouter à l'effort financier de l'Etat (qui doit en tout état de cause représenter 70 % du total) et à ce titre être compris dans le calcul des 30 % restants.

Votre commission spéciale s'inquiète de la capacité de la collectivité territoriale de Corse à s'acquitter de sa part du financement du PEI. En retenant l'hypothèse d'un coût total du PEI de 13 milliards de francs et d'une participation de la collectivité territoriale de Corse à hauteur de 30 %, soit 3,9 milliards de francs, la collectivité territoriale de Corse devra consacrer 260 millions de francs par an aux opérations du PEI.

Sachant que le montant des crédits inscrits en section d'investissement du budget primitif de la collectivité territoriale de Corse pour 2001 s'établit, hors dotation de continuité territoriale, à 806,8 millions de francs, le financement du PEI représenterait 32 % des dépenses d'investissements annuelles de la collectivité territoriale de Corse.

Votre commission spéciale s'étonne du caractère peu normatif de certaines des formules employées par le présent article (« effort d'investissement conséquent », « effort de solidarité exceptionnel ») et de la novation juridique que constitue la notion de « collectivité nationale » 231 ( * ) .

Votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à inscrire le PEI dans le code général des collectivités territoriales, à reformuler la rédaction proposée par le présent article et à souligner que le PEI doit être élaboré en coordination avec les objectifs du contrat de plan et de la programmation des fonds structurels.

Elle observe que le PEI sera mis en oeuvre sur une durée correspondant à deux contrats de plan, que la mise en oeuvre du prochain contrat de plan, à compter de 2007, est conditionnée à l'entrée en vigueur du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADU) et que, par conséquent, il serait souhaitable que le contenu du programme exceptionnel d'investissement puisse faire l'objet d'une évaluation à cette occasion, de manière à tirer les conséquences du bilan de l'actuel contrat de plan et de l'entrée en vigueur du PADU.

En outre, votre rapporteur jugerait utile que les documents budgétaires relatifs aux différents départements ministériels fournis chaque année à l'appui du projet de loi de finances identifient, pour chacun des chapitres concernés, les montants consacrés chaque année au financement du PEI.

Sous le bénéfice de ces observations, et de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

TITRE V
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 47
(art. L. 4421-3 du code général des collectivités territoriales)
Conférence de coordination des collectivités territoriales

Cet article a pour objet d'insérer un article L. 4421-3 dans le code général des collectivités territoriales, afin de créer une conférence de coordination des collectivités territoriales de Corse.

La question de la coordination des politiques menées par l'Etat, la collectivité territoriale, les deux départements et les 360 communes de l'île n'avait pas été spécifiquement abordée dans le statut de 1991.

Le code général des collectivités territoriales, dans son article L. 5421-1, autorise les conseils généraux de départements même non limitrophes à créer des institutions ou des organismes interdépartementaux pouvant associer des conseils régionaux ou des conseils municipaux .

Ces organismes sont des établissements publics investis de la personnalité civile et de l'autonomie financière. Leur administration est assurée par les conseillers généraux élus à cet effet, conformément aux règles édictées pour la gestion départementale.

C'est ainsi que les conseils généraux de la Savoie et de la Haute-Savoie ont décidé, au cours du premier semestre 2001, de créer une assemblée des pays de Savoie, afin de gérer en commun les compétences facultatives qu'ils peuvent exercer : économie, tourisme, culture, agriculture, enseignement supérieur 232 ( * ) .

Lorsqu'ils associent des conseils régionaux ou des conseils municipaux, ces organismes interdépartementaux sont régis par les dispositions relatives aux « syndicats mixtes ouverts », c'est-à-dire associant des collectivités territoriales, leurs groupements et d'autres personnes morales de droit public. Leur conseil d'administration comprend des représentants de tous les conseils ainsi associés.

Le présent projet de loi prévoit la création d'une instance de concertation plus souple , sur le modèle des conférences interdépartementales qui permettent de débattre de questions d'intérêt commun 233 ( * ) .

Présidée par le président du conseil exécutif de Corse, la conférence de coordination serait composée des présidents des conseils généraux et, en tant que de besoin, des maires et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale de l'île. Elle pourrait également entendre des personnalités qualifiées. Cette flexibilité devrait permettre à la nouvelle instance de siéger dans des formations différentes selon les sujets évoqués .

La conférence de coordination devrait se réunir au moins une fois par an, sur un ordre du jour fixé par son président, pour « échanger des informations, débattre de questions d'intérêt commun et cordonner l'exercice des compétences des collectivités territoriales, notamment en matière d'investissements. »

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. José Rossi, avec l'avis favorable de la commission des Lois et après un avis de sagesse du Gouvernement, prévoyant la participation du président de l'Assemblée de Corse à la conférence de coordination, en tant que membre de droit.

Votre commission spéciale approuve la création d'une telle instance de concertation. Comme l'indiquait notre collègue Jacques Oudin dans son rapport 234 ( * ) remis en 1994 au Premier ministre M. Edouard Balladur : « Le foisonnement administratif de la Corse qui, pour seulement moins de 250.000 habitants, dispose de deux départements et d'une région, c'est-à-dire de deux conseils généraux, d'une assemblée de Corse, d'un conseil exécutif, de deux préfets, etc... rend nécessaire l'organisation d'une coordination qui associerait les principaux acteurs dans une instance informelle de réflexion et de discussion. Beaucoup d'entre eux en effet se disent insuffisamment informés et consultés sur les grands dossiers intéressant l'avenir de l'île. Le grand nombre d'acteurs et le grand nombre d'instruments différents rendent nécessaire une telle coordination, même si elle demeure informelle et souple. »

Votre commission spéciale tient cependant à mettre en exergue les ambiguïtés qui entourent la création de la conférence de coordination.

Dans son relevé de conclusions du 20 juillet 2000, le Gouvernement laissait entendre qu'elle constituerait le prélude à la disparition , annoncée en 2004, des deux départements de l'île. Le relevé disposait en effet : « Tant que les trois collectivités subsisteront, la collectivité territoriale de Corse pourra mettre en place avec les deux départements un dispositif de coordination de leurs politiques, dans le respect des compétences de chacun. »

L'exposé des motifs du présent projet de loi est plus prudent, qui indique que « Cette conférence de coordination est instituée dans le respect des compétences de chaque collectivité et n'anticipe pas sur la deuxième phase de la réforme qui devrait conduire à une révision constitutionnelle permettant la création d'une collectivité unique et la suppression des départements 235 ( * ) . »

Dans son avis sur l'avant projet de loi modifiant et complétant le statut de la collectivité territoriale de Corse, l'Assemblée de Corse souligne quant à elle que « La collectivité territoriale ne pourrait se satisfaire de n'avoir qu'à constater l'évolution des politiques (notamment en matière de budget, de création de services, de définition d'objectifs ou de recrutement de personnels) mises en oeuvre par des collectivités dont la disparition est programmée : les mécanismes de concertation -auxquels l'Etat devrait être associé- devront donc aller au-delà de la simple coordination des politiques tout en respectant le principe de l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre. »

Votre commission spéciale s'oppose à toute disposition qui anticiperait sur une éventuelle révision constitutionnelle dans un avenir aussi proche qu'incertain. A cet égard, la création d'une conférence de coordination peut sembler une mesure également utile dans la perspective du maintien des départements.

Votre commission spéciale rappelle également, comme elle l'a fait à l'occasion de l'examen de plusieurs autres articles du présent projet de loi, que l' interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre , posée dans la loi 236 ( * ) , constitue une dimension essentielle du principe de la libre administration des collectivités locales consacré à l'article 72 de la Constitution.

A cet égard, les attributions reconnues à la conférence de coordination ne semblent pas induire un quelconque pouvoir de contrainte de la collectivité territoriale de Corse sur les conseils généraux, les communes ou leurs groupements.

Il eût été par ailleurs envisageable, à l'instar de notre collègue Jacques Oudin, d'élargir la composition de cette conférence de coordination aux représentants de l'Etat ou même aux parlementaires, afin de lui conférer un rôle de coordination de l'ensemble des politiques conduites dans l'île. En dépit du transfert de compétences, l'Etat conservera en effet d'importantes prérogatives et la mission de faire prévaloir l'intérêt national.

Cependant, les préfets resteront en mesure en mesure de faire valoir les positions de l'Etat dans les nombreuses instances de concertation prévues par les textes en vigueur et continueront d'exercer le contrôle de légalité des actes des collectivités locales.

Votre commission spéciale ne formule donc aucune objection de principe à la création d'une instance de coordination des politiques des seules collectivités locales. Elle vous soumet néanmoins un amendement tendant à prévoir la participation , de droit, des présidents des associations départementales des maires à la conférence de coordination.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 47 ainsi modifié .

Article 48
(art. L. 4422-9 du code général des collectivités territoriales)
Désignation des vice-présidents de l'Assemblée de Corse

Cet article tend à modifier l'article L. 4422-9 du code général des collectivités territoriales, afin de préciser les modalités de désignation des deux vice-présidents de l'Assemblée de Corse.

Depuis la loi n° 91-428 du 13 mai 1991, l'Assemblé de Corse est composée de 51 membres élus pour six ans au scrutin de liste à deux tours, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec une prime de trois sièges à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages au premier tour ou arrivée en tête au second tour.

Lors de sa première réunion, elle procède à l'élection de son président et des dix autres membres de la commission permanente , parmi lesquels elle doit désigner deux vice-présidents .

Le président est élu au scrutin secret pour la durée du mandat de l'Assemblée. L'élection est acquise à la majorité absolue des suffrages lors des deux premiers tours, à la majorité relative au troisième. L'Assemblée ne peut délibérer que si les deux tiers de ses membres sont présents ou représentés, sinon une réunion se tient de plein droit trois jours plus tard, sans condition de quorum.

Aussitôt après l'élection du président et sous sa présidence, l'Assemblée de Corse procède à l'élection des dix autres membres de la commission permanente, sous les mêmes conditions de quorum, mais pour une durée d'un an seulement 237 ( * ) .

Les candidatures sont déposées auprès du président, dans l'heure qui suit l'élection. Si, à l'expiration de ce délai, le nombre des candidats n'est pas supérieur à celui des postes à pourvoir, les nominations prennent effet immédiatement. Dans le cas contraire, les membres de la commission permanente sont élus au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.

L'article L. 4422-9 du code général des collectivités territoriales dispose que l'Assemblée doit ensuite désigner ses deux vice-présidents parmi les membres de la commission permanente. Il ne prévoit leur élection -au scrutin majoritaire- que dans le cas où le nombre de candidats serait supérieur au nombre de postes à pourvoir, sans préciser dans quel ordre la désignation doit être réalisée.

A la suite d'un recours d'un candidat malheureux, le Conseil d'Etat a été conduit, en 1997, à annuler l'élection des vice-présidents de l'Assemblée de Corse 238 ( * ) . En l'espèce, le président de l'Assemblée de Corse avait, dans un premier temps, fait un appel à candidatures pour le poste de premier vice-président, qui n'est au demeurant pas prévu par les textes. Deux candidats s'étaient alors déclarés. Au lieu de faire procéder à l'élection, le président de l'Assemblée avait finalement décidé de pourvoir simultanément les deux postes. Tandis que l'un des deux candidats déclarés renonçait à se présenter, un troisième membre de la commission permanente annonçait son intention de briguer une vice-présidence. Les postes furent ainsi pourvus, le troisième candidat obtenant celui de deuxième vice-président.

Sur le recours du conseiller qui estimait avoir été évincé, le Conseil d'Etat a jugé que la procédure suivie avait entraîné une confusion ayant abusivement écarté l'un des candidats et qu'en tout état de cause, les textes ne faisant pas de distinction entre les deux vice-présidents, leur désignation ne pouvait avoir lieu suivant leur ordre de nomination. Pour ce motif, il annulé l'élection.

Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, vise donc à préciser que l'Assemblée de Corse désignera successivement les deux vice-présidents après avoir déterminé leur ordre de nomination. S'il n'y a qu'un candidat par poste, les nominations prendront effet immédiatement. Dans le cas contraire, il sera procédé à l'élection, poste par poste, dans les mêmes conditions que pour l'élection du président.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement d'ordre rédactionnel et vous propose d'adopter l'article 48 ainsi modifié .

Article 49
(art. L. 4422-19 du code général des collectivités territoriales)
Nombre des conseillers exécutifs de Corse

Cet article a pour objet de modifier l'article L. 4422-15 du code général des collectivités territoriales, qui deviendrait l'article L. 4422-19 en application du II de l'article 3 du présent projet de loi, afin de porter de six à huit, en sus du président, le nombre des conseillers exécutifs de Corse. Il a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture.

La loi n° 91-428 du 13 mai 1991 a créé un conseil exécutif de Corse, distinct de l'assemblée délibérante mais responsable devant elle , et lui a confié l'entière responsabilité de la gestion de la collectivité territoriale.

Aux termes de l'article L. 4424-3 du code général des collectivités territoriales, il « dirige l'action de la collectivité territoriale de Corse (...), notamment dans les domaines du développement économique et social, de l'action éducative et culturelle et de l'aménagement de l'espace. Il élabore, en concertation avec les collectivités locales de l'île, et met en oeuvre le plan de développement de la Corse et le schéma d'aménagement de la Corse. »

Le conseil exécutif est composé d'un président et de six conseillers 239 ( * ) , dont les fonctions sont respectivement assimilées aux mandats de président et de membre du conseil régional 240 ( * ) . L'Assemblée de Corse les élit en son sein, au scrutin de liste, après avoir désigné les membres de sa commission permanente. Le président est le candidat figurant en tête de la liste élue 241 ( * ) .

Les fonctions de conseiller exécutif et de conseiller de l'Assemblée Corse sont incompatibles. Les membres du conseil exécutif, sitôt élus , sont regardés comme démissionnaires de leurs fonctions à l'Assemblée et remplacés par leur suivant de liste.

Si le conseil exécutif est un organe collégial , son président occupe une place prépondérante . En témoignent, outre les pouvoirs classiques dévolus à un exécutif local de droit commun, la reconnaissance d'un pouvoir réglementaire « sans équivalent dans les autres régions françaises » 242 ( * ) qui lui permet de préciser, d'une part les modalités d'application des délibérations de l'Assemblée de Corse, d'autre part les règles d'organisation et de fonctionnement des services de la collectivité. Ces arrêtés sont délibérés en conseil exécutif.

Le président du conseil exécutif maîtrise, par ailleurs, l'ordre du jour de l'Assemblée et dispose d'un droit d'accès à ses séances, au même titre que les autres conseillers exécutifs.

Le rôle prépondérant du président se mesure également à l'aune des délégations d'une partie de ses attributions qu'il peut consentir « sous sa surveillance et sa responsabilité » aux conseillers exécutifs, ainsi qu'à la désignation par ses soins, au sein des membres du conseil exécutif, des présidents des offices territoriaux.

Cette primauté se manifeste, enfin, par le régime de vacance des sièges de conseiller exécutif autres que celui du président : c'est en effet sur la proposition de ce dernier que l'Assemblée de Corse procède, par nouvelle élection, au remplacement.

Selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, l'accroissement des compétences dévolues à la collectivité territoriale de Corse nécessiterait d'augmenter de six à huit le nombre des conseillers exécutifs.

Conformément au souhait de l'Assemblée de Corse « de ne pas modifier l'équilibre existant au sein de l'instance exécutive 243 ( * ) » , cette disposition entrerait en vigueur lors du prochain renouvellement du conseil exécutif suivant la publication de la loi.

Toutefois, en cas de mise en cause de la responsabilité du conseil exécutif par l'Assemblée de Corse, le dispositif trouverait à s'appliquer avant le terme normal des fonctions des conseillers exécutifs, c'est-à-dire 2004.

Votre commission spéciale vous soumet donc un amendement destiné à préserver l'équilibre, semble-t-il fragile, au sein de la collectivité territoriale, aux termes duquel l'augmentation du nombre de conseillers exécutifs n'interviendra qu'à l'issue du renouvellement de l'Assemblée de Corse.

Elle vous propose d'adopter l'article 49 ainsi modifié .

Article 50
(art. L. 4422-25 du code général des collectivités territoriales)
Empêchement du président du conseil exécutif

Cet article a pour objet de compléter l'article L. 4422-17 du code général des collectivités territoriales, qui deviendrait l'article L. 4422-25 en application du II de l'article 3 du présent projet de loi, afin de prévoir le remplacement du président du conseil exécutif en cas d'empêchement.

L'actuel article L. 4422-17 244 ( * ) ne prévoit, en effet, que le cas de vacance du siège : il dispose que les fonctions de président du conseil exécutif sont provisoirement exercées par un conseiller exécutif, choisi dans l'ordre de son élection, jusqu'à l'élection d'un nouveau président.

Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, tend à transposer ces dispositions au cas d'empêchement : le président du conseil exécutif serait provisoirement remplacé par un conseiller exécutif dans l'ordre de la liste élue.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article 50 sans modification .

Article 50 bis
(art. L. 4425-8 du code général des collectivités territoriales)
Information de l'Assemblée de Corse
par la chambre régionale des comptes

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative conjointe de sa commission des Lois et de M. René Dosière contre l'avis du Gouvernement, a pour objet de compléter l'article L. 4425-7 du code général des collectivités territoriales, qui deviendrait l'article L. 4425-8 en application du V de l'article 3 du présent projet de loi, afin de permettre à l'Assemblée de Corse de disposer d'un avis de la chambre régionale des comptes sur les conditions d'exécution du budget de la collectivité territoriale et de lui demander de procéder à des vérifications.

1. L'examen des conditions d'exécution du budget de la collectivité territoriale de Corse

A l'instar de ses homologues du continent et d'outre-mer, la chambre régionale des comptes remplit une triple mission de jugement des comptes -sa seule activité juridictionnelle-, de contrôle budgétaire et d'examen de la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Comme le faisait remarquer le groupe de travail du Sénat sur les chambres régionales des comptes, le contrôle budgétaire, né du vide créé par la suppression de la tutelle, « est à la fois précisément défini et relativement bien accepté par les collectivités locales 245 ( * ) . »

Le rétablissement des budgets des collectivités locales par les chambres régionales se range parmi les fonctions administratives exercées par les juridictions financières. Dans ce cadre, elles interviennent sur saisine du préfet, dans le but de faire respecter les principes régissant les finances publiques locales.

Le rôle des chambres est de proposer au représentant de l'Etat une solution qu'il met en oeuvre en se substituant à la collectivité locale défaillante. Le préfet, conservant en l'espèce un pouvoir d'appréciation, peut s'écarter des propositions de la chambre régionale en motivant toutefois sa décision. Il n'exerce son pouvoir de substitution qu'à la condition que l'assemblée délibérante concernée rejette la proposition de rétablissement faite par la chambre.

La loi a prévu quatre cas de saisine des chambres régionales par le représentant de l'Etat : l'absence de budgets votés dans les délais ; l'adoption d'un budget en déséquilibre réel ; l'existence d'un compte administratif présentant un déficit ; l'omission de l'inscription de dépenses obligatoires. Dans ces quatre cas, les juridictions financières ont reçu une mission de dialogue avec les collectivités locales et avec le préfet dans le but de garantir le respect des règles budgétaires définies par la loi.

Le premier paragraphe (I) du présent article tend à confier à la chambre régionale des comptes la mission de vérifier « les conditions d'exécution du budget de la collectivité territoriale avant l'arrêt du compte administratif par l'Assemblée de Corse » et de lui remettre « un rapport dans les deux mois à compter de l'ouverture de la première session ordinaire de l'année suivant l'exercice ».

Selon M. Bruno Leroux, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, « compte tenu de la séparation des pouvoirs existants entre l'Assemblée de Corse et le Conseil exécutif, un mécanisme d'information de l'organe délibérant de la collectivité territoriale par la juridiction financière de l'île serait tout à fait justifié. Celui-ci s'inspirerait ainsi utilement de la mission d'information qui revient à l'échelon national à la Cour des comptes vis à vis du Parlement en application des dispositions de l'article 47 de la Constitution. Un tel dispositif permettrait, dans le même temps, de s'assurer du contrôle régulier de l'exécution du budget par le conseil exécutif 246 ( * ) . »

La disposition aurait pour objet d'introduire plus grande transparence dans un budget de la collectivité territoriale appelé à croître fortement sous le double effet des transferts de compétences et du programme exceptionnel d'investissement.

Le compte administratif devant être accompagné des développements et explications nécessaires, l'organe délibérant peut, dans le droit en vigueur, exiger la communication des documents relatifs à la situation de consommation des crédits à une date donnée 247 ( * ) . En revanche, les membres de l'assemblée ne peuvent pas demander directement aux agents de la collectivité territoriale les renseignements nécessaires 248 ( * ) . La juridiction administrative contrôle le caractère suffisant de la communication des documents annexés par l'organe exécutif 249 ( * ) .

Enfin, l'organe délibérant ne peut valablement délibérer sur le compte administratif s'il ne dispose pas de l'état de situation de l'exercice clos, c'est-à-dire le compte de gestion, dressé par le comptable de la collectivité 250 ( * ) . Tel est le cas, notamment, pour l'examen du compte administratif du budget annexe des régies municipales.

La mission confiée à la Cour des comptes résulte de l'article 47 de la Constitution, de l'article L.O. 132-1 du code des juridictions financières et des articles 35 et 36 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Elle a été précisée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Tout en reconnaissance l'intérêt de la démarche de l'Assemblée nationale, votre commission spéciale ne peut souscrire au dispositif proposé. Inapplicable en l'état, il se concilie mal avec la procédure de contrôle budgétaire et se heurte au principe d'impartialité qui doit prévaloir en matière de jugement des comptes.

Pour devenir applicable, la procédure d'examen des conditions d'exécution du budget prévue par l'Assemblée nationale devrait être sensiblement modifiée.

Si l'on voulait renforcer les similitudes avec la Cour des comptes, on pourrait ainsi prévoir l' annexion du rapport de la chambre régionale au compte administratif.

Il conviendrait également de fixer la date de remise du rapport par la chambre régionale des comptes au 1 er juin de l'année suivant l'exercice, en même temps que le compte de gestion. En effet, la première session de l'Assemblée de Corse débutant le 1 er février 251 ( * ) , la chambre régionale des comptes devrait présenter son rapport à la fin du mois de mars, selon le texte de l'Assemblée nationale, alors qu'en pratique, le compte administratif n'est rarement prêt avant les mois d'avril-mai. Il serait donc à tout le moins souhaitable de prévoir dans la loi une date de remise du compte administratif et du compte de gestion à la chambre régionale des comptes, au plus tard le 1 er mai, afin de lui permettre de remplir sa mission.

Enfin, les effectifs et les moyens de la chambre régionale des comptes de Corse devraient être sensiblement renforcés et l'entrée en vigueur du dispositif devrait être reportée à l'exercice suivant celui de la promulgation de la loi.

Pour autant, en dépit de ces améliorations, le dispositif proposé au présent article se concilierait difficilement avec la procédure de contrôle budgétaire.

Saisie du compte administratif, la juridiction financière ne pourrait vraisemblablement s'en tenir à l'examen des seules conditions d'exécution du budget ; sous peine de fragiliser son intervention, elle devrait également délivrer un avis sur la sincérité des comptes et leur équilibre. Présentera-t-elle dans son rapport à l'Assemblée de Corse des propositions de redressement alors que celles-ci font actuellement l'objet d'une procédure spécifique qui fait intervenir le représentant de l'Etat ? Ou se contentera-t-elle de signaler les irrégularités constatées, en laissant au préfet et au conseil exécutif le soin d'élaborer ultérieurement avec elle les mesures de redressement nécessaires ?

Enfin, confier à la chambre régionale des comptes la mission d'informer l'Assemblée de Corse sur les conditions d'exécution du budget risquerait de remettre en cause l'impartialité du contrôle juridictionnel des comptes.

Pour remplir cette nouvelle mission, la chambre régionale serait en effet conduite à confronter le compte administratif au compte de gestion produit par le comptable de la collectivité.

Elle devrait donc examiner, dans un cadre consultatif, des comptes qu'elle devra, par la suite, juger à titre juridictionnel. Comme l'a souligné le groupe de travail du Sénat sur les chambres régionales des comptes, faute d'effectifs suffisants, ce dédoublement fonctionnel de la juridiction financière pourrait poser des problèmes au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La jurisprudence administrative a récemment sanctionné la participation au délibéré de la formation de jugement d'une chambre régionale des comptes chargée de se prononcer sur une déclaration de gestion de fait du rapporteur auquel a été confiée la vérification de la gestion de l'organisme dont les deniers sont en cause 252 ( * ) . En d'autres termes, il est clairement établi que le principe d'impartialité applicable à toutes les juridictions administratives fait obstacle à ce que le rapporteur d'une chambre régionale des comptes participe au jugement de comptes dont il a eu à connaître à l'occasion d'une vérification de gestion.

Le Conseil d'Etat, dont la jurisprudence sur ce point est moins sévère que celle de la Cour de cassation 253 ( * ) , a défini quatre critères pour décider si le rapporteur peut participer ou non au délibéré sans nuire à l'impartialité de la formation du jugement 254 ( * ) : ne pas être à l'origine de la saisine ; ne pas participer à la formulation des griefs ; ne pas avoir le pouvoir de classer l'affaire ou au contraire d'élargir le cadre de la saisine ; ne pas disposer de pouvoirs d'investigation l'habilitant à faire des perquisitions, des saisies ou à procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de l'instruction.

2. La possibilité pour l'Assemblée de Corse de demander à la chambre régionale des comptes de procéder à des vérifications.

Le présent article tend, par ailleurs, à étendre à l'Assemblée de Corse la possibilité, déjà reconnue au préfet de Corse et au président du Conseil exécutif, de demander à la chambre régionale des comptes, par une délibération motivée, de procéder à des vérifications.

Cette possibilité, issue de l'article 4-XIX de la loi n° 96 - 142 du 21 février 1996, n'a jamais été exercée jusqu'ici par les autorités disposant du pouvoir de saisine.

La possibilité reconnue d'une saisine de la chambre régionale des comptes par le préfet ou le président du conseil exécutif de Corse aux fins d'une vérification d'un office ou d'une agence répondait à la nécessité d'assurer un contrôle continu de l'exécutif sur les démembrements de son administration . Les saisines de l'Assemblée de Corse risqueraient d'être motivées par une considération plus politique de contrôle de l'action de l'exécutif .

En second lieu, à effectif inchangé, de trop nombreuses demandes de l'Assemblée de Corse pourraient, à effectifs inchangés, distraire la chambre régionale des comptes de sa mission première de jugement des comptes et d'examen et l'empêcher de conduire son propre programme d'examen de la gestion locale .

Enfin, la suppression des offices et des agences, transformés en services de la collectivité territoriale de Corse sans autonomie juridique ou financière, rendrait inutile l'adoption de cette disposition.

Pour l'ensemble de ces motifs, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de l'article 50 bis .

Article 51
Entrée en vigueur de la loi

Cet article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, prévoit que la loi entrera en vigueur à compter du 1 er janvier de l'année suivant sa publication.

Toutefois, les plans d'élimination des déchets approuvés ou en cours d'élaboration à la date de publication de la loi demeureraient soumis au régime actuellement en vigueur 255 ( * ) . D'autre part, le nombre des membres du conseil exécutif de Corse ne serait porté de six à huit qu'à compter de son prochain renouvellement 256 ( * ) .

Compte tenu des délais d'examen du présent projet, la loi ne deviendrait donc applicable qu'en 2003, si elle n'était pas promulguée avant la fin de l'année 2001.

Votre commission spéciale vous soumet donc un amendement de suppression de cet article .

Article 52
Décret d'application

Indépendamment des décrets déjà prévus par différentes dispositions du projet de loi, le présent article renvoie, « en tant que de besoin », à des décrets en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application de la loi. Il a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, a émis le souhait qu'ils figurent dans la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales consacrée à la collectivité territoriale de Corse.

Souscrivant à ces observations, votre commission spéciale souligne, en outre, que la consultation du Conseil d'Etat sur les mesures réglementaires d'application de la présente loi constitue une précaution utile.

Elle vous propose d'adopter l'article 52 sans modification .

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission spéciale vous propose d'adopter le projet de loi relatif à la Corse.

ANNEXES

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées lors de la Mission d'information de la commission spéciale du 10 au 15 septembre 2001 en Corse

Annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnées par la Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la Corse

Annexe n° 3 : Incidence budgétaire du statut fiscal de la Corse (tableau récapitulatif)

ANNEXE N° 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER
LE PROJET DE LOI RELATIF À LA CORSE

- M. Daniel VAILLANT, ministre de l'Intérieur

- M. Jack LANG, ministre de l'Education nationale

- Mme Florence PARLY, secrétaire d'Etat au Budget

- M. Jean BAGGIONI, président du Conseil exécutif de Corse

- M. Camille de ROCCA-SERRA, vice-président de l'Assemblée de Corse

- M. Jean-Claude GUAZZELLI, président de l'Agence de développement économique de la Corse

- M. Jérôme POLVERINI, président de l'« association des communes du littoral de la Corse »

- M. Guy CARCASSONNE, professeur de droit à l'Université de Paris X

- M. Louis FAVOREU, professeur honoraire à l'Université d'Aix-Marseille III

- M. Jean MAGNI, président de l'association « Unione Corsa »

- Mme Marie-Dominique ROUSTAN-LANFRANCHI, présidente de l'« Association pour la défense des droits de la Corse dans la République »

ANNEXE N° 2

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES LORS DE LA
MISSION D'INFORMATION DE LA COMMISSION SPÉCIALE,
DU 10 AU 15 SEPTEMBRE 2001 EN CORSE

Lundi 10 septembre 2001 :

- M. Dominique DUBOIS, préfet de Corse du Sud, préfet de Corse

- M. Ange MANCINI, préfet adjoint pour la sécurité

- M. Jean-Marie MISEREY, directeur régional des affaires culturelles

- M. Régis BERTOGLI, directeur régional de la jeunesse et des sports

- M. Jean CAGNIART, directeur régional de l'Equipement

- M. Gérard COURTALIN, directeur régional des services fiscaux

- Mme Catherine SERTIER, directeur régional du Tourisme

- M. Maurice BOISSON, directeur régional de l'Office national des forêts

- M. Nicolas ALFONSI, premier vice-président du Conseil général de Corse-du-Sud

- M. Simon RENUCCI, maire d'Ajaccio

Mardi 11 septembre 2001 :

- M. Jacques PANTALONI, recteur de l'Académie de Corse

- M. Jean BAGGIONI, président du Conseil exécutif de Corse

- M. François PIAZZA-ALESSANDRI, président de l'Office des transports de la Corse

- M. Antoine GIORGI, président de l'Agence du tourisme de la Corse

- Mme Jocelyne FAZI-MATTEI, maire de Renno, présidente de l'« Association départementale des maires de Corse du Sud »

- Me Alain SPADONI, président de l'association de défense des « arrêtés Miot »

- M. Camille de ROCCA-SERRA, maire de Porto-Vecchio

Mercredi 12 septembre 2001 :

- M. Françis CHOKROUN, chef du SRPJ de Corse

- M. André PICHON, directeur interdépartemental de la police de l'Air et des Frontières

- M. Laurent GUMBEAU, chef de la délégation régionale des CRS

- M. Henri GUITARD, directeur régional des renseignements généraux

- M. Christian GATARD, directeur régional des douanes

- M. le Colonel Roland Gilles, commandant de la légion de Gendarmerie de Corse

- M. Jean-Pierre MOSCA, chef de la brigade de Surveillance du territoire

- M. José ROSSI, président de l'Assemblée de Corse

- L'ensemble des groupes de l'Assemblée de Corse : « Le Rassemblement », « Mouvement pour la Corse », « Communiste et démocratie de progrès », « Groupe socialiste », « Groupe Corsica Nazione », « Groupe Corse nouvelle »

- M. Antoine SINDALI, maire de Corte

- M. Jacques-Henri BALBI, président de l'Université de Corte

Jeudi 13 septembre 2001 :

- M. Christian SAPEDE, préfet de Haute-Corse

- M. Ange-Pierre VIVONI, président de l'« association départementale des maires de Haute-Corse »

- M. Paul GIACOBBI, président du Conseil général de Haute-Corse

- M. Michel BEREVAGGI, secrétaire général CFDT de Haute-Corse

- M. François GUIDECELLI, secrétaire régional de l'UNSA-FEN de Corse

- M. Pierre AGOSTINI, secrétaire départemental de la FSU de Haute-Corse

- M. Jean-Louis GRAZIANI, secrétaire général CGT de Haute-Corse

- M. Jean BRIGNOLE, responsable du syndicat STC-PTT de Haute-Corse

- M. Blaise BATTESTI, secrétaire général de la CGC de Haute-Corse

- M. Noël ZICCHINA, secrétaire général de la CGT de Corse-du-Sud

- M. Philippe-Antoine PASQUALINI, premier vice-président de l'Union régionale des PME

- M. Charles CAPPIA, président du MEDEF Corse

- M. Jean-Noël MARCELLESI, vice-président de la chambre de commerce et d'industrie de Corse-du-Sud

- M. Jean FEMENIA, président de la chambre de commerce et d'industrie de Haute-Corse

- M. Claude DESJOBERT, président de la chambre des métiers de Haute-Corse

- M. André PALDACCI, président de l'UPA de Haute-Corse

- M. Denis LEONCINI, président de l'UPA de Corse-du-Sud

- M. Etienne SUZZONI, président de la chambre régionale d'agriculture de Corse

- M. Michel JEANNOUTEAU, premier président de la Cour d'appel de Bastia

- M. Bernard LEGRAS, procureur général près la Cour d'appel de Bastia

Vendredi 14 septembre 2001 :

- M. Patrice VERMEULEN, directeur régional de l'environnement

- Mme Michèle SALOTTI, représentante de l'association de défense de l'environnement « U Levante »

- M. Gérard BONCHRISTIANI, représentant de l'« Association pour le libre accès aux plages et la défense de l'environnement »

- M. Bruno TOISON, délégué du Conservatoire du littoral

- M. Dominique CERVONI, président de l'association pour la gestion des espaces naturels en Corse

- M. André VALAT, président de la chambre régionale des comptes de Corse

- M. Jean-Pierre PANAZZA, président du tribunal administratif de Bastia

- Mme Paule GRAZIANI, représentante du « Manifeste pour la vie »

- Mme Marie-Thérèse MARIANI, présidente des « Femmes contre la violence en Corse ».

ANNEXE N° 3
INCIDENCE BUDGETAIRE DU STATUT FISCAL DE LA CORSE

1. Mesures législatives
(en millions de francs)



Impôt


Texte de référence


Nature de la mesure

Incidence budgétaire 2000

I - Zone franche Corse (loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse


1

Impôt sur les sociétés

Impôt sur le revenu


Art. 44 decies du CGI

Exonération limitée à 400.000 F par an des bénéfices réalisés pendant une période de 60 mois, par les entreprises exerçant ou créant en Corse une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou une activité professionnelle non commerciale lorsque l'effectif des salariés en Corse est égal ou supérieur à trois. Pour les contribuables déjà implantés en Corse au 1 er janvier 1997, l'exonération porte sur les bénéfices maintenus dans l'exploitation.

L'exonération ne s'applique pas en cas de défaut de dépôt d'une déclaration de TVA s'il s'agit de la 2 ème omission consécutive (art. 302 nonies du CGI, loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant DDOEF).

200

2

Imposition forfaitaire annuelle

Art. 223 nonies du CGI

Exonération en faveur des sociétés exonérées d'impôt sur les sociétés en application de l'article 44 decies du CGI (cf. ci-dessus).

15


3


Taxe professionnelle


Art. 1466 B du CGI

Sauf délibération contraire des communes ou de leurs groupements dotés d'une fiscalité propre, les contribuables exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou une activité professionnelle non commerciale et dont l'effectif est égal ou supérieur à 3, sont exonérés de taxe professionnelle pendant 5 ans pour leurs établissements existant ou créés en Corse entre le 1 er janvier 1997 et le 31 décembre 2001. L'exonération est applicable dans la limite d'un montant de base nette imposable fixé pour 2000 à 2.691.000 F par établissement.

150

(23 Meuro)


Coût des mesures fiscales dans le cadre de la zone franche

365

II - Autres mesures


4


Taxe professionnelle

Art 1586 bis, 1599 bis, 1472 A ter, 1648 A et 1648 D du CGI (art. 2 de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994)

A compter de 1995 :

- suppression des parts de taxe professionnelle perçues au profit des deux départements et de la collectivité territoriale de Corse ;

- abattement de 25 % sur les bases de taxe professionnelle imposées en Corse au profit des communes et de leurs groupements. Le seuil d'écrêtement au profit des fonds départementaux de péréquation est corrigé à due concurrence ;

- exonération totale de la cotisation nationale de péréquation (art. 1648 D du CGI) pour les établissements situés en Corse.

282

5

Impôt sur le revenu

Art. 81-23 du code général des impôts (CGI) (art. 19-II de la LFR 1989 n°89-936 du 29 décembre 1989)

Exonération de l'indemnité compensatoire pour frais de transport allouée aux fonctionnaires et agents publics en service en Corse.

NC

6

Taxe foncière sur les propriétés non bâties


Art. 1586 E et 1394 B du CGI (art. 3 de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 précitée)

A compter de 1995, exonération totale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties agricoles perçue au profit des communes, leurs groupements et les départements (les articles 1586 D et 1599 ter D du CGI ont exonéré tous les contribuables français des parts départementale et régionale).


13,4

7

Art. 297 du CGI (art. 66 de la loi n° 85-1403 du 30 décembre 1985)

Application de taux particuliers (0,90 %, 2,10 %, 8 % et 13 %) à certaines opérations réalisées en Corse.

- 630

8

Taxe sur la valeur ajoutée


Art. 262-II-11° du CGI

Exonération des transports maritimes de marchandises ou de voyageurs en provenance ou à destination de la Corse.

Les transports aériens de voyageurs ou de marchandises ainsi que les déménagements à destination ou en provenance de la Corse ne sont soumis à la TVA qu'à raison du trajet effectué au-dessus de la France continentale.


NC

9


Art. 265 quinquies du code des douanes

Réfaction de 6,63 F par hectolitre pour les essences et supercarburants destinés à être utilisés en Corse ou livrés dans les ports corses pour l'avitaillement des bâtiments de plaisance ou de sport.

9

10

Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP)


Art. 195 du code des douanes

Exemption des droits de douane et des taxes intérieures sur les produits pétroliers destinés à l'avitaillement des aéronefs effectuant des liaisons commerciales au-delà du territoire douanier de la France continentale.

NC

11


Art. 2-IV de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 précitée

A compter de 1995, prélèvement sur recettes de l'Etat égal à 3 % (1,5 % par département) du produit de la TIPP tiré des produits mis à la consommation en Corse, au profit des départements (compensation de la part départementale de la taxe professionnelle en Corse).

23


12

Art. 5 de la loi n° 94-1131 du 27 décembre 1994 précitée

A compter de 1994, prélèvement sur recettes de l'Etat égal à 10 % du produit de la TIPP tiré des produits mis à la consommation en Corse (compensation du solde des charges provenant des transferts de compétence résultant de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse).


77


13

Droit de consommation sur les alcools (art. 402 bis et s. du CGI)

Art. 34 de la LFI 1993 n° 92-1376 du 30 décembre 1992

A compter de 1993, affectation au budget de la collectivité territoriale de Corse du produit du droit de consommation sur les alcools perçu en Corse.


32

14

Art. 23-II-C de la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 portant statut particulier de la région Corse. Art. 78 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 précitée

Affectation du produit du droit, à concurrence :

- d'un quart au budget des départements de la Corse ;

- de trois quarts au budget de la collectivité territoriale de Corse.

172


15

Droit de consommation sur les tabacs

Art. 268 bis du code des douanes

Art. 575 E bis du CGI

Les taux sont fixés de telle sorte qu'ils permettent la vente au détail à des prix égaux:

- au deux tiers des prix pratiqués en France continentale pour les cigarettes, tabacs à fumer ou à mâcher ou à priser, tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes, autres tabacs à fumer;

- aux 85 centièmes des prix pratiqués en France continentale pour les cigarettes et cigarillos.


NC

16

Droits de succession

Art. 3 de l'arrêté du conseiller d'Etat André-François Miot du 21 prairial an IX et art. 20 de la LF 1968
N° 67-1114 du 21 décembre 1967
Art. 25 de la loi de finances rectificative pour 2000

Non application en Corse des sanctions pour défaut de dépôt des déclarations de succession dans le délai de 6 mois suivant le décès.

Exonération de fait des biens immobiliers situés en Corse transmis par voie successorale pour les successions ouvertes jusqu'au 31 décembre 2002.

NC


17


Art. 750 bis du CGI (art. 25 de la loi de finances rectificative pour 2000)

Jusqu'au 31 décembre 2001, exonération du droit de 1 % perçu sur les actes de partage de succession et les licitations de biens héréditaires entrant dans le champ d'application de l'article 750-II du CGI, à hauteur de la valeur des biens immobiliers situés en Corse.

18


Art. 1135 du CGI (art. 25 de la loi de finances rectificative pour 2000)

Jusqu'au 31 décembre 2001, exonération des droits (articles 680 et 846 bis I du CGI) sur les procurations et attestations notariées après décès, établies en vue du règlement d'une indivision successorale comportant des biens immobiliers situés en Corse.


19

Droit de francisation et de navigation

Droit de passeport

Art. 223 du code des douanes (art. 6 de la loi n° 94-1131 du 27 dé-cembre 1994 précitée)

A compter de 1995, l'Assemblée de Corse perçoit le produit du droit de francisation et de navigation ainsi que du droit de passeport.

Elle fixe les taux du droit de francisation et de navigation dans une fourchette comprise entre 50 et 90 % des taux applicables en France continentale. Le port d'attache des navires de plaisance francisés doit être situé en Corse et ceux-ci doivent stationner dans un port corse au moins une fois au cours de l'année écoulée.

16


20

Taxe sur le transport public aérien et maritime

Art. 1599 vicies du CGI (art. 60 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 précitée)

Institution au profit de la collectivité territoriale de Corse d'une taxe due par les entreprises de transport public aérien et maritime desservant l'île. Le taux de la taxe est fixé par l'Assemblée de Corse. La taxe est due pour toutes les opérations d'embarquement et de débarquement réalisées à compter du 1 er juillet 1993.


120

Coût des autres mesures

1134,4

Mesures fiscales spécifiques applicables en Corse

2. Autres mesures



Impôt


Texte de référence


Nature de la mesure

Incidence budgétaire 2000 (en mf)

21

Documentation administrative
DB 3 A 2324 n° 4

Exonération du trafic des colis postaux entre la France continentale et la Corse (assimilé à un trafic international).


NC

22

Taxe sur la valeur ajoutée

Documentation administrative

DB 3 G 122

Exonération des opérations effectuées et des prestations fournies pour les besoins des transports maritimes entre la France continentale et la Corse (assimilées à des exportations).

NC

23

Décision ministérielle du 17 octobre 1967

Exonération des ventes de vins produits et consommés en Corse.

NC

24

Décision ministérielle du 28 octobre 1968

Extension aux matériaux et outillages de construction du taux particulier de TVA de 8 % applicable aux travaux immobiliers.


NC


25


Taxe sur les salaires

Art. 51-1 de l'annexe III au CGI

Exonération de l'indemnité compensatoire pour frais de transport allouée aux agents publics en service en Corse.


NC


26

Droit de circulation applicable aux boissons (art. 438 du CGI)

Documentation administrative DB 2 D 13 à 1322

Exonération des boissons (vins, cidres, poirés, hydromels) produites ou consommées en Corse.


3

27

Droit de licence sur les débits de boissons (art. 1568 du CGI)

Art. 16 du décret impérial du 24 avril 1811 et décision ministérielle du 22 décembre 1961

Exonération.

3

28

Impôt local sur les spectacles (art. 1559 du CGI)

Art. 16 du décret impérial du 24 avril 1811 et décision ministérielle du 13 juillet 1962

Exonération.

NC

29

Taxe à l'essieu (taxe spéciale sur certains véhicules routiers)

Non appliquée en Corse.

Les véhicules entrant dans le champ d'application de la taxe sont soumis à la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, à moins que leur propriétaire ne puisse justifier de leur assujettissement à la taxe spéciale dans d'autres départements.


NC

TABLEAU COMPARATIF

* 1 Rapport n° 69 (Sénat, 1999-2000) de M. René Garrec au nom de la commission d'enquête sur la conduite de la politique de sécurité en Corse présidée par M. Jean-Patrick Courtois, page 27.

* 2 Rapport n°69 (Sénat, 1999-2000), page 33.

* 3 Dans la nuit du 11 au 12 janvier 1996, à la veille de la venue en Corse du ministre de l'intérieur, une centaine d'hommes fortement armés et encagoulés organisèrent un conférence de presse pour annoncer une trêve. Cette manifestation spectaculaire suscita un vif émoi dans l'opinion publique.

* 4 Le 5 octobre 1996.

* 5 L'amnistie de 1981 : dans le cadre de la loi d'amnistie postérieure à l'élection présidentielle sont intégrées (art. 2-4) « les infractions commises en relation avec des élections de toutes sortes, ou avec des incidents d'ordre politique ou social survenus en France, à condition que ces infractions n'aient pas entraîné la mort, ou des blessures ou infirmités.»

L'amnistie de 1982 : à l'occasion de l'examen de la première loi de décentralisation en Corse, l'Assemblée nationale prévoit l'amnistie de « toute action en relation avec des événements d'ordre politique et social », et rejette un amendement de l'opposition qui en exclut les crimes de sang. Le gouvernement de l'époque souhaite, en effet, que la mise en place de l'Assemblée régionale de Corse s'accompagne de mesures de clémence envers les activistes.

L'amnistie de 1989 : lors de l'élaboration de la loi d'amnistie postérieure à l'élection présidentielle de 1988, le gouvernement tire la leçon du peu de résultats de son initiative de 1982, et ne prévoit pas d'inclure les nationalistes corses dans son champ. A l'initiative d'élus de l'île, le texte leur est cependant étendu : le garde des sceaux Pierre Arpaillange s'en remet sur ce point à la sagesse de l'Assemblée.

* 6 Rapport n° 347 (Sénat, 1990-1991) de M. Lucien Lanier, au nom de la commission de contrôle chargée d'examiner la gestion administrative, financière et technique de l'ensemble des services relevant du ministère de l'intérieur qui contribuent à un titre quelconque, à assurer le maintien de l'ordre public et la sécurité des personnes et des biens, présidée par M. Louis Boyer, page 41.

* 7 Assemblée nationale, rapport de M. Christian Paul au nom de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse, n° 1077, 1998, p. 371.

* 8 Toutefois, les dispositions de la loi utilisent les termes « région de Corse » et non ceux de collectivité territoriale.

* 9 Rapport n° 234 (Sénat, 1990-1991) de M. Jacques Larché au nom de la commission des Lois.

* 10 Le mode de scrutin pour l'élection des conseillers de l'Assemblée de Corse (scrutin de liste proportionnel à deux tours, avec correctif majoritaire, les deux départements constituant une seule circonscription) correspond pour l'essentiel au régime des autres régions, fixé par la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux. La collectivité territoriale de Corse garde néanmoins ses spécificités (en particulier, la prime accordée à la liste arrivée en tête reste limitée à trois sièges).

* 11 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du 17 mai 2001, page 3089.

* 12 Compte rendu de la réunion du lundi 15 mai 2001, à 16 heures, page 1.

* 13 Réponse à la question de M. Henri Plagnol, Assemblée nationale, 3 octobre 2000.

* 14 Votre rapporteur observe que la première de ces solutions, en définitive écartée, aurait également suscité une difficulté d'ordre constitutionnel.

* 15 Cf. sa déclaration, JO, Débat, Assemblée nationale, 3 e séance du 15 mai 2001, page 2915.

* 16 Réponse à M. Henri Plagnol, député, 3 octobre 2000.

* 17 Discours des voeux pour 2001 du Premier ministre à la presse.

* 18 Cf. Le Monde du 8 octobre 1999.

* 19 www.premierministre.gouv.fr/FAIT/SEPTEMBRE00/CORSE.

* 20 Cf. Regards sur l'actualité, n° 273, juillet-août 2001, chapitre 5, le Problème Corse.

* 21 La décision du Conseil constitutionnel du 9 mai 1991 souligne que l'organisation « spécifique » des compétences entre l'Assemblée de Corse et le Conseil exécutif a un caractère administratif. Cf. DC n° 91-290 du 9 mai 1991 considérant n° 20.

* 22 Relevé des conclusions de la réunion du jeudi 20 juillet à 16 heures, page 4.

* 23 Celui-ci a organisé, en dix jours, des « auditions de la société civile » en optant pour une « consultation la plus large et la plus ciblée possible » organisée grâce à treize ateliers thématiques qui ont réuni plus de 300 personnes. Cf. le compte rendu de ces auditions remis au Président de l'Assemblée de Corse le 17 février 2001.

* 24 Relevé de conclusions de la réunion du 22 mai 2001, à 16 heures, page 3.

* 25 Assemblée nationale, projet de loi n° 2931, page 3.

* 26 Page 4.

* 27 Cf compte rendu page 4.

* 28 Cf comptes rendus pages 4 et 6.

* 29 Cf compte rendu page 5.

* 30 Cf page 3 du compte rendu de cette réunion.

* 31 Cf compte rendu page 6.

* 32 Compte rendu de la réunion du 22 mai 2000, page 7.

* 33 Cf compte rendu page 7.

* 34 Cf compte rendu page 6.

* 35 Compte rendu de la réunion du 22 mai à 16 heures, page 7.

* 36 Cf compte rendu page 5.

* 37 Cf compte rendu page 6.

* 38 Cf compte rendu page 4.

* 39 Cf compte rendu page 6.

* 40 Cf compte rendu page 5.

* 41 Page 2.

* 42 Page 3.

* 43 II du texte de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé.

* 44 IV de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé.

* 45 Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 relative à la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

* 46 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 relative à la loi organique portant statut de la Polynésie française.

* 47 Rapport n° 2995 (AN, XI ème législature) de M. Bruno Le Roux au nom de la commission des Lois, page 183.

* 48 Rapport n° 2854 (AN, XIème législature) de M. Emile Blessig au nom de la commission des Lois, sur la proposition de loi constitutionnelle tendant à introduire dans la Constitution un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales », page 10.

* 49 Décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 relative à la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 50 Rapport n° 190 (Sénat, 1981-1982) de M. Paul Girod au nom de la commission des Lois.

* 51 La loi n° 82-214 du 2 mars 1982 disposait quant à elle que l'Assemblée de Corse « règle par ses délibérations les affaires de la région de Corse. Elle vote le budget et arrête le compte administratif . »

* 52 Premier alinéa de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. » De même premier alinéa de l'article L. 3211-1 concernant le département et premier alinéa de l'article L. 4221-1 pour la région.

* 53 Décision n° 84-174 du 25 juillet 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion.

* 54 En 1991, le Sénat avait introduit la possibilité pour l'Assemblée de Corse d'agir de sa propre initiative.

* 55 Décret n° 95-367 du 1 er avril 1995 modifiant le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat et des personnels des collectivités territoriales.

* 56 Du point de vue de leur objet, les décrets peuvent être individuels , lorsqu'ils intéressent une ou plusieurs personnes nominativement désignées, ou réglementaires , lorsqu'ils contiennent des dispositions générales s'adressant à l'ensemble de la population ou à des catégories indéterminées de celle-ci ; il en est de même lorsqu'ils précisent l'organisation d'un service. Les décrets réglementaires ne peuvent être pris que par le Premier ministre.

* 57 Du point de vue de leur forme, on distingue les décrets simples qui comportent généralement la signature du Premier ministre et, exceptionnellement, celle du Président de la République, avec le contreseing d'un ou plusieurs ministres ; ensuite, les décrets en conseil des ministres , qui sont signés par le Président de la République, après délibération du conseil des ministres et qui portent le contreseing de tous les ministres. C'est là l'exception majeure à cette indication générale que le pouvoir réglementaire est exercé par le Premier ministre. Enfin, on note l'existence de décrets en Conseil d'Etat , pris à l'invitation du législateur ou spontanément.

* 58 Décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990 sur la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé. Conseil d'Etat 27 1966, Société de crédit commercial et immobilier.

* 59 Conseil d'Etat, 6 Octobre 1967, Duchêne. Conseil d'Etat, 10 Juillet 1996, Urssaf de la Haute Garonne.

* 60 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 sur loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le Conseil constitutionnel utilise les termes « d'autorité de l'Etat » dans cette décision.

* 61 Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996 sur la loi de réglementation des télécommunications.

* 62 Décision n° 93-324 DC du 3 août 1993 sur la loi relative au statut de la Banque de France.

* 63 Décision n° 91-304 DC du 15 janvier 1992.

* 64 Conseil d'Etat, 7 Février 1936, Jamart : « Même dans les cas ou les ministres ne tiennent d'aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité . »

* 65 Conseil d'Etat, 4 février 1976, CFDT du centre psychothérapique de Thuir.

* 66 Conseil d'Etat, 10 juin 1988, Département de l'Orne : le décret n'ayant renvoyé à aucune disposition le soin de fixer les modalités d'élection d'une commission administrative, il appartient à l'organe du service d'incendie et de secours compétent de fixer lui-même les règles de cette élection et les modalités du scrutin.

Conseil d'Etat, 13 février 1985, Syndicat communautaire d'aménagement de l'agglomération nouvelle de Cergy Pontoise.

* 67 L'avis du Conseil d'Etat du 17 mai 1979 explicite les termes du code des postes et télécommunications qui disposent que le directeur général du Centre national de la cinématographie exerce le pouvoir réglementaire conféré à cet établissement public : « le directeur général du Centre peut user de son pouvoir réglementaire dans les matières de sa compétence pourvu que la réglementation qu'il édicte réponde à l'un des buts qui lui sont assignés. Il ne le peut toutefois qu'à la condition de respecter les dispositions législatives en vigueur. »

* 68 Fixation du nombre des adjoints au maire (article L. 2122-2 du code général des collectivités territoriales), règlement intérieur (article L. 2121-8, L. 3121-8, L. 4132-6)).

* 69 Décision de Conseil constitutionnel n° 90-274 DC « droit au logement ».

* 70 Conseil d'Etat, 20 mars 1992, préfet du Calvados : bien que la loi ait expressément prévu que l'assemblée délibérante des collectivités locales fixerait le régime indemnitaire de ses agents dans les limites de ceux dont bénéficient les agents de l'Etat, le Conseil a jugé que la loi n'était pas suffisamment précise pour être appliquée avant l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat.

* 71 Conseil d'Etat, 2 décembre 1994, Commune de Cuers : « les dispositions de la loi qui confèrent aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics compétence pour déterminer, dans le respect des critères fixés par la loi, les emplois auxquels peut être attachée l'attribution d'un logement de fonction sont applicables sans que l'édiction par les autorités de l'Etat d'un texte réglementaire, qu'elles ne prévoient d'ailleurs pas, soit nécessaire ».

* 72 Conseil d'Etat, 1 er avril 1996, Département de la Loire.

* 73 Conseil d'Etat, 5 octobre 1998, Commune de Longjumeau : « Les communes, en vertu de l'article R. 449-1 du code de la construction et de l'habitation, ont la faculté de définir, par voie de dispositions de portée générale, les orientations ou les règles sur la base desquelles elles entendent formuler ces propositions d'attributions de logements], à condition, toutefois, qu'aucune atteinte ne soit portée par ses dispositions à l'ensemble des prescriptions législatives et réglementaires en vigueur ».

* 74 Voir l'ouvrage : « Le pouvoir réglementaire des collectivités locales » de Bernard Faure, éditions LGDJ, 1998.

* 75 Décisions du Conseil constitutionnel n° 76-94 L du 2 décembre 1976 « Vote par procuration » et n° 80-115 DC du 1 er juillet 1980 sur la loi d'orientation agricole.

* 76 Conseil d'Etat, 27 novembre 1964, Veuve Renard

* 77 Conseil d'Etat, 30 décembre 1998, Portejoie

* 78 Les cinq délibérations de l'Assemblée de Corse portant propositions de modification de mesures réglementaires ont été exposées au I.

* 79 Décrets n° 97-110 du 7 février 1997 relatif à la composition de diverses instances consultatives en matière de travail et d`emploi dans la collectivité territoriale de Corse et décret n° 97-111 relatif à la composition du comité régional et des comités départementaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi dans la collectivité territoriale de Corse.

* 80 Délibération n° 2000/170 AC de l'Assemblée de Corse portant adoption de l'avis sur l'avant-projet de loi modifiant et complétant le statut de la collectivité territoriale de Corse.

* 81 L'article L. 4423-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction actuelle, dispose que les délibérations de l'Assemblée de Corse et du conseil exécutif ainsi que les aces du président de l'Assemblée de Corse et du président du conseil exécutif sont soumis au contrôle de légalité.

* 82 Articles 134 et 201 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie.

* 83 Articles 39 et 93 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 84 « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre, par ordonnances, pendant un délai déterminé, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.

A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ».

* 85 Rapport n° 2995 (AN, XI ème législature) de M. Bruno Le Roux au nom de la commission des Lois, page 183.

* 86 Rapport n° 2854 (AN, Xième législature) de M. Emile Blessig au nom de la commission des Lois, sur la proposition de loi constitutionnelle tendant à introduire dans la Constitution un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales », page 10.

* 87 Article 74 : « Un protocole national fixe les modalités d'une évaluation des difficultés de fonctionnement du dispositif du revenu minimum d'insertion institué par la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1998. Cette évaluation doit permettre de formuler des propositions d'aménagement de ce dispositif susceptibles d'accroître la maîtrise de la dépense publique, de favoriser l'insertion des bénéficiaires et de mieux définir le rôle des acteurs du système de protection sociale. Ces propositions sont expérimentées localement par voie conventionnelle. Un comité national, dont la composition est fixée par décret, est consulté sur le contenu du protocole national et sur sa mise ne oeuvre. En outre, il assure le suivi des expérimentations locales. »

* 88 L'objet de ces expérimentations était de valider une procédure de reconnaissance de la dépendance fondée sur une grille nationale d'évaluation, à savoir la grille AGGIR, d'étudier les conditions de mise en place d'une nouvelle prestation destinées exclusivement aux personnes âgées dépendantes et d'organiser une coordination des aides à la dépendance. L'expérimentation était menée dans un cadre juridique inchangé .

* 89 Article 67 : « afin d'assurer la mise en oeuvre de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire, une loi définira, après une phase d'expérimentation qui débutera un an au plus après l'adoption de la présente loi, les modalités d'organisation et de financement des transports collectifs d'intérêt régional et les conditions dans lesquelles ces tâches seront attribuées aux régions, dans le respect de l'égalité des charges imposées au citoyen ainsi que l'égalité des aides apportées par l'Etat aux régions. Sous réserve de l'expérimentation, cette loi devra prendre en compte le développement coordonné de tous les modes de transports et assurer la concertation entre toutes les autorités organisatrices de transports ».

* 90 A ce titre, il existe un décalage entre l'acception juridique du terme « compétences » et son utilisation dans le langage commun. En toute rigueur, les lois de décentralisation n'ont pas reconnu aux collectivités territoriales des « compétences », mais leur ont dévolu de nouvelles attributions.

* 91 Par exemple : l'article 17 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 92 Statut des cultes, jours fériés, urbanisme, législation sur les professions, la chasse, l'artisanat, le livre foncier...

* 93 Proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières.

* 94 Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.

* 95 Renuméroté L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales par l'article 3 du présent projet de loi.

* 96 JORF, Débats, Sénat, séance du 4 mai 2000, page 2388.

* 97 Projet de loi initial n° 2931 (Assemblée nationale), pages 11 et 12.

* 98 Cf. Le plan d'aménagement de la Corse, Septembre 1993, pages 19 à 30.

* 99 CGCT, article L. 4424-19, alinéa premier.

* 100 Chiffres à jour au 1 er janvier 1998, cités par l'Evaluation environnementale élaborée par la Préfecture de Corse et la collectivité territoriale de Corse avant l'établissement du DOCUP, 2000-2006, page 14.

* 101 Page 11.

* 102 Portions du littoral situées entre les plus hautes et les plus basses mers.

* 103 Type stratigraphique. La stratotypie est l'étude des couloirs sédimentaires déposés à la surface du sol.

* 104 Page 11.

* 105 Rapport n° 2995, page 223.

* 106 Pages 11 et 12.

* 107 CAA de Nantes, 4 mai 1994, Commune de Crozon, et 24 novembre 1994, Jacob et Monchoi ; Conseil d`Etat, 20 octobre 1995, commune de Saint Jean Cap Ferrat, 29 juin 1998 Chouzenoux, cités dans le Rapport sur les conditions d'application de la loi « littoral », du Conseil général des Ponts et Chaussées du 25 juillet 2000, page 34.

* 108 C'est ainsi que les construction temporaires et amovibles entrent dans le champ d'application du permis dès lors qu'elles présentent les caractéristiques d'un bâtiment, de même que les bâtiments dépourvus de fondations. Cf. Crim. Dame Leccia, 26 février 1969.

* 109 C'est à dire le PADU, cette expression est actuellement utilisée pour le schéma d'aménagement de la Corse, cf. art. L. 144-5 du CU et L. 4414-11 ( nouveau ) du CGCT proposé par le projet de loi.

* 110 Par l'article 5 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 précitée.

* 111 Par l'article 44 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 précitée.

* 112 Dans le régime antérieur, le plan était adopté après consultation du CES tandis que le schéma d'aménagement était soumis pour avis au Conseil des sites. Cf. les articles L. 4424-19 alinéa 4 du CGCT et L. 144-3 alinéa 3 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur.

* 113 Codifiés aux articles L. 4424-25 à L. 4424-31 du CGCT.

* 114 L'article 222-1 du code de l'aviation civile prévoit que la création d'un aérodrome destiné à la circulation aérienne publique, lorsqu'il n'appartient pas à l'Etat, est subordonnée à la conclusion d'une convention entre le ministre chargé de l'aviation civile et la personne physique ou la personne morale de droit public ou de droit privé qui crée l'aérodrome.

* 115 « Un droit de port peut être perçu dans les ports maritimes relevant de la compétence de l'Etat, des départements et des communes, à raison des opérations commerciales ou des séjours des navires qui y sont effectués. L'assiette de ce droit, qui peut comporter plusieurs éléments, et la procédure de fixation des taux de ce droit sont fixées par voie réglementaire ».

* 116 Conseil d'Etat, 30 mai 1930, chambre syndicale du commerce en détail de Nevers.

* 117 J.-C. Nemery, Le nouveau régime des interventions économiques des collectivités locales, Actualité juridique du droit administratif, 20 février 1993, page 65.

* 118 Lois n° 82-6 du 7 janvier1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983 et n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 119 Articles L. 2251-1 et L. 3231-1 du code général des collectivités territoriales.

* 120 Conseil d'Etat, 18 novembre 1991, département des Alpes-Maritimes, avec les conclusions du commissaire du Gouvernement Pochard, Revue de droit public, 1992, page 354.

* 121 Conseil d'Etat, 15 février 1993, région Nord-Pas-de-Calais.

* 122 Les départements, les communes et leurs groupements ne peuvent que compléter l'aide régionale lorsque celle-ci n'atteint pas le plafond fixé par décret ; ils ne doivent intervenir que dans les zones et les secteurs d'activités retenus par le conseil régional ; enfin, ils ne peuvent accorder une aide directe à une entreprise que si la région a décidé, au préalable, de lui octroyer une aide. Toutefois, la région ne peut rien faire qui s'apparenterait à une mise sous tutelle des départements et des communes, prohibée par l'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales (Tribunal administratif de Montpellier, 20 juin 1983, commune de Narbonne c/ région Languedoc-Roussillon).

* 123 Conseil d'Etat, 17 mars 1993, conseil régional de Bourgogne.

* 124 Articles L. 1511-3 et R. 1511-19 et suivants du code général des collectivités territoriales.

* 125 Article L. 1511-3, L. 4253-1 et R. 1511-24 et suivants du code général des collectivités territoriales.

* 126 Articles L. 2253-7, L. 3231-7, L. 4253-3 et R. 1511-36 à R. 1511-39 du code général des collectivités territoriales.

* 127 Créées en application du décret n° 55-876 du 30 juin 1955, les sociétés de développement régional ont pour vocation de concourir au financement des investissements productifs dans leurs zones géographiques respectives. Ce sont des établissements de crédit qui relèvent de la catégorie des institutions financières spécialisées disposant d'un certain nombre de privilèges et d'obligations du fait d'une convention passée avec l'Etat : garantie d'un dividende minimal pour leurs actionnaires, exonération fiscale pour leurs produits financiers et leurs plus values. Les sociétés de développement régional peuvent apporter aux entreprises l'ensemble des produits financiers à moyen et long terme : interventions en fonds propres, prêts à long terme, crédit-bail immobilier, cautionnement de crédits bancaires à moyen terme.

* 128 Articles L. 3231-3 et L. 4211-1 6°.

* 129 L'article L. 4424-20 du code général des collectivités territoriales permet à l'Assemblée de Corse de déterminer le régime des aides prévues au titre 1 er du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales. Or les dispositions concernées figurent respectivement aux articles L. 4253-1, L. 4253-3, L. 4211-1 6° et aux articles L. 1521-1 et suivants du même code et sont donc applicables à la collectivité territoriale de Corse.

* 130 En l'état actuel du droit, les autres régions ne peuvent que prendre des participations au capital des sociétés de développement régional et des sociétés de financement interrégional.

* 131 Cour de justice des Communautés européennes, 27 mars 1984, Commission c/ République italienne, pour un régime d'aide à l'agriculture institué par la région de Sicile.

* 132 Règlements (CE) n° 69/2001, n° 70/2001 et n° 68/2001 de la Commission européenne du 12 janvier 2001.

* 133 L'article L. 4424-21 dispose que « Le comité de coordination pour le développement industriel de la Corse est composé par tiers de représentants de l'Etat, de représentants de l'Assemblée de Corse à la proportionnelle des groupes et de représentants des sociétés nationales. Il se réunit à la demande du Premier ministre ou de l'Assemblée de Corse. Il anime et coordonne les actions des sociétés nationales en Corse afin de réaliser des projets industriels d'intérêt régional.»

* 134 La convention devrait notamment déterminer l'objet, le montant et le fonctionnement du fonds d'investissement, les modalités d'information de la collectivité territoriale par la société, ainsi que les conditions de restitution des dotations versées en cas de modification ou de cessation d'activité du fonds.

* 135 Rapport n° 1077 (Assemblée nationale, onzième législature) de M. Christian Paul au nom de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des fonds publics en Corse présidée par M. Jean Glavany, pages 173 à 189.

* 136 Régime cadre communautaire n° 448-2001.

* 137 « La décentralisation - Messieurs de l'Etat encore un effort ! » Rapport n° 239 (Sénat, 1996-1997) au nom du groupe du travail présidé par M. Jean-Paul Delevoye.

* 138 « Sécurité juridique, conditions d'exercice des mandats locaux : des enjeux majeurs pour la démocratie locale et la décentralisation », rapport n° 166 (1999-2000).

* 139 Article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales.

* 140 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, deuxième séance du 17 mai 2001, page 3089.

* 141 Voir article 19 du présent projet de loi.

* 142 Pierre Py, La loi du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, Revue de droit public, 1994, page 215.

* 143 Premier alinéa de l'article L. 4424-23 du code général des collectivités territoriales.

* 144 Les espaces touristiques ne coïncident pas toujours avec le territoire communal. Les stations d'altitude constituent un exemple caractéristique de cette distinction physique entre les lieux de résidence et les lieux d'accueil des touristes.

* 145 Article L. 2231-3 du code général des collectivités territoriales.

* 146 Décret n° 68-1031 du 14 novembre 1968 et arrêté du 23 mars 1973.

* 147 Le classement peut être prononcé d'office, mais cette possibilité ne semble pas utilisée.

* 148 Cf les articles R. 2231-8 et R. 2231-9 du code général des collectivités territoriales relatifs aux obligations en matière d'hygiène des stations hydrominérales et climatiques.

* 149 Conseil d'Etat, 9 février 1966, Le Touquet-Paris-Plage, à propos de la sécurité de baigneurs.

* 150 Les offices municipaux de tourisme sont des établissements publics industriels et commerciaux. A ce titre, ils sont plus étroitement contrôlés par les conseils municipaux que les offices de tourisme et les syndicats d'initiative, associations de la loi de 1901 créées par les professionnels.

* 151 Les stations balnéaires, thermales ou climatiques.

* 152 Article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales.

* 153 Présidé par le préfet, le conseil départemental d'hygiène est consulté, en application de l'article L. 1416-1 du code de la santé publique, sur toutes les questions intéressant la santé publique et la protection sanitaire de l'environnement. Il comprend des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des usagers et des personnalités compétentes.

* 154 Article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales.

* 155 Créées en 1965, régies par le décret n° 85-249 du 15 février 1985, les commissions départementales de l'action touristique sont présidées par le préfet et composée de membres permanents, représentants de l'administration, des comités départementaux du tourisme et des chambres consulaires, et de membres siégeant uniquement pour les affaires qui les intéressent. Elles sont chargées de donner un avis au préfet sur toutes les affaires touristiques relevant des attributions de l'Etat..

* 156 Arrêté du 11 mars 1976.

* 157 Article L. 314-1 du code rural.

* 158 Etablissement public national créé en 1966, le CNASEA assure l'application concrète des dispositions législatives et réglementaires de sa compétence, par l'intermédiaire de délégations régionales ou départementales et le concours contractuel des associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles. Les actions du CNASEA sont relatives à l'installation ou à la cessation d'activité des agriculteurs, à l'aménagement rural, à la modernisation des exploitations. Des mesures communautaires, aides au retrait des terres arables ou au développement des productions extensives, mesures forestières en agriculture, programme agri-environnemental sont aussi mises en oeuvre par cet établissement.

* 159 Cf la loi n° 82-847 du 6 octobre 1982 relative à la création d'offices d'intervention dans le secteur agricole et l'organisation des marchés.

* 160 Article R. 112-32 du code rural.

* 161 Article R. 112-33 du code rural.

* 162 Article R. 112-34 du code rural.

* 163 Article L. 112-13 du code rural.

* 164 Article R. 112-26 du code rural.

* 165 La forêt et le droit- droit forestier et droit général applicables à tous bois et forêts. Editions La Baule, 1997, page 195.

* 166 Voir article 21.

* 167 Aux termes de l'article L. 2 du code forestier, « la politique forestière relève de la compétence de l'Etat qui en assure la cohérence nationale. Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent passer des contrats avec l'Etat, notamment dans le cadre des chartes forestières de territoire, en vue de concourir à la mise en oeuvre de cette politique. »

* 168 Article L. 4 du code forestier.

* 169 Article L. 221-1 du code forestier.

* 170 « Corse : l'indispensable sursaut. » Rapport n° 1077 (Assemblée nationale, 1998) de M. Christian Paul au nom de la commission d'enquête présidée par M. Jean Glavany, pages 157 à 170.

* 171 Le COREF est une instance purement consultative : composé de représentants de l'Etat, de la région et des partenaires sociaux, présidé par le préfet ou le président du conseil régional selon les sujets abordés, il est informé des programmes et moyens mis en oeuvre dans chaque région par l'Agence nationale pour l'emploi et l'Association pour la formation professionnelle des adultes (A.F.P.A.).

* 172 Pour une République territoriale - l'unité dans la diversité. Rapport n° 447 (Sénat, 1999-2000) de M. Michel Mercier au nom de la mission commune d'information sur la décentralisation présidée par M. Jean-Paul Delevoye, page 377.

* 173 Ne seraient plus consultés les organismes consulaires, le conseil académique de l'Education nationale, le comité régional de l'enseignement agricole, ni même les organisations d'employeurs et de salariés, alors qu'ils doivent l'être actuellement dans le cadre de l'élaboration du plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes. Aucune consultation ne serait désormais prévue avant l'approbation du plan.

* 174 En l'état actuel du droit, la collectivité territoriale de Corse, à l'instar des autres régions, passe des conventions avec les établissements et organismes de formation pour la mise en oeuvre du plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes.

* 175 Articles L. 118-5 et L. 118-6 du code du travail et article 18 de la loi n° 87-572 du 23 juillet 1987, complété par loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988.

* 176 Article L. 118-7 du code du travail.

* 177 Avis n° 96 - Tome V (Sénat, 2000-2001) de Madame Annick Bocandé, page 16.

* 178 Le plan devrait avoir pour objet, en sus des objectifs qui lui sont actuellement assignées, d'assurer « la progression professionnelle des jeunes et des adultes » et de définir des « priorités relatives à la validation des acquis professionnels. »

* 179 Cf. page 267.

* 180 JO Débats, page 3119.

* 181 Page 35.

* 182 Avis de M. René Boué, La réforme de la politique de l'eau, page 82.

* 183 Ibidem pages 82-83.

* 184 JO, Débat, AN, page 3100.

* 185 Page 33.

* 186 Page 34.

* 187 Pour chacun des services concernés, une convention, conclue entre le préfet de Corse et le président du conseil exécutif, a déterminé la liste des emplois concernés. Ces conventions ont été approuvées par arrêté ministériel.

* 188 Journal officiel, Débats, Assemblée nationale, deuxième séance du 17 mai 2001, page 3101.

* 189 Deux premiers alinéas de l'article L. 4422-30 du code général des collectivités territoriales, qui renvoient à l'article L. 4151-1, et article L. 4422-31.

* 190 Article 125 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 191 Deux ans dans le droit commun.

* 192 Article 123 de la loi n° 8453 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 193 Droit commun : deux ans.

* 194 Cette différence avec les fonctionnaires était déjà prévue dans le droit commun (article 123-1 de la loi statutaire du 26 janvier 1984).

* 195 Pour les autres conditions, voir l'article premier de la loi du 3 janvier 2001.

* 196 En tenant compte du fait que les candidats reçus sont soumis, le cas échéant, à une période de stage préalable à la titularisation qui peut être plus ou moins longue, il ne peut être exclu le délai prévu par l'Assemblée nationale au présent article soit trop court. Prenons un exemple : un agent non titulaire passe la dernière épreuve du concours réservé le 3 janvier 2006. Il est admis, puis titularisé le 3 mars 2007 (en admettant que la correction des épreuves, la proclamation des résultas et la mesure de titularisation interviennent dans un délai de trois mois, et qu'il n'ait qu'une année de stage à effectuer). Si la loi relative à la Corse entre en vigueur avant le 3 mars 2002, il ne pourra bénéficier du droit d'option qu'elle lui ouvre.

* 197 Pour les dépenses de fonctionnement transférées, le droit commun s'applique.

* 198 Pour la compensation du transfert de l'entretien du réseau ferré, ce ne sont pas les dépenses de l'Etat qui sont prises en compte mais les dépenses de la société nationale des chemins de fer français (SNCF).

* 199 Article 9 du projet de loi.

* 200 Article 15 du projet de loi.

* 201 Article 21 du projet de loi.

* 202 Article L. 5211-16 du code général des collectivités territoriales.

* 203 L'année 2000 constitue un exemple atypique puisque l'office des transport a réparti entre les compagnies concessionnaires un montant supérieur à celui de la DCT pour l'exercice. Cela s'expliquerait par un accroissement inattendu des charges d'exploitation des entreprises de transport, dû à l'augmentation du prix du carburant.

* 204 Votre rapporteur note que, le 23 octobre 2001, le tarif d'un aller-retour Paris-Bastia ou Paris-Ajaccio sur Air France s'élevait à 2.060 francs. Sur la même compagnie, le trajet Paris-Aurillac était facturé 3.540 francs et Paris-Limoges 2.800 francs.

* 205 Voir article 51 du présent projet de loi.

* 206 Articles L. 112-11 à L. 112-15 du code rural.

* 207 Article L. 4424-29 du code général des collectivités territoriales.

* 208 Article L. 4424-18.

* 209 Rapport n° 1077 (AN, XIième législature) de M. Jean Glavany, au nom de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse : « Corse : l'indispensable sursaut ».

* 210 L'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales dispose que les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics de coopération intercommunale ou les syndicats mixtes, pour l'exploitation directe d'un service public industriel et commercial, constituent une régie.

L'article L. 1412-2 du même code ajoute qu'ils peuvent individualiser la gestion d'un service public administratif relevant de leur compétence par la création d'une régie. Sont toutefois exclus les services qui, par leur nature ou par la loi, ne peuvent être assurés que par la collectivité locale elle-même.

* 211 Par un jugement du 27 février 1997, le tribunal administratif de Bastia a déclaré illégal l'article 27 des statuts de l'ODARC qui institue un pouvoir de contrôle des délibérations du conseil d'administration de l'office par le président du conseil exécutif.

* 212 Voir l'article du 15 mai 2001 du quotidien Corse Matin, intitulé : « Agences et offices : les propos rassurants de la collectivité territoriale de Corse ».

* 213 La durée normale d'utilisation d'un investissement est appréciée au cas par cas. Pour les ordinateurs, par exemple, il a été indiqué à votre rapporteur qu'elle était de trois ans.

* 214 JO Assemblée nationale, 2 ème séance du 17 mai 2001, p. 3127.

* 215 Il convient de rappeler que la perte de recettes résultant de la suppression de la part « salaires » est compensée par ailleurs aux collectivités locales.

* 216 Sur ce point, se reporter au commentaire de l'article 43 du présent projet de loi.

* 217 Didier Migaud, rapporteur général, JO AN, première séance du vendredi 16 octobre 1998, discussion de l'article 14 du projet de loi de finances pour 1999.

* 218 Sénat, 2000-2001, n° 149, p. 161.

* 219 Les héritiers de biens eux-mêmes hérités par le défunt postérieurement à l'éventuelle entrée en vigueur des dispositions du présent article pourront bénéficier de l'exonération et de l'allongement du délai de déclaration.

* 220 Auteurs d'un amendement au projet de loi de finances pour 1999 tendant à supprimer le défaut de sanction pour non déclaration des successions en Corse. Une fois adopté par l'Assemblée nationale, cet amendement est devenu l'article 14 ter du projet de loi de finances pour 1999.

* 221 Auteur d'un amendement à l'article 14 ter tendant à mettre en place une date d'entrée en vigueur pour le rétablissement des sanctions, et à préciser que les règles d'évaluation des biens immobiliers seraient celles de droit commun.

* 222 Auteur d'un sous amendement précisant la rédaction de l'amendement de M. Michel Charasse. L'article 21 de la loi de finances pour 1999 reprend la rédaction proposée par M. Philippe Marini.

* 223 «La régularité au regard de la Constitution de dispositions de nature législative ne peut être utilement contestée qu'à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui les modifient, les complètent ou en affectent le domaine », ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

* 224 Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ce coût pourrait parfois être supérieur au produit fiscal résultant de l'imposition de la succession.

* 225 Sur ce point, voir le B du II du présent commentaire d'article.

* 226 Dans le II du présent article, la conclusion de l'échéancier est la deuxième branche d'une alternative, dont la première porte sur l'acquittement d'au moins 50 % de la dette relative aux cotisations patronales de sécurité sociale « antérieures au 1 er janvier 1999 », c'est-à-dire dues au titre de périodes d'activité antérieures à cette date.

* 227 Ce plan est sans doute à l'origine de la référence, dans le texte du présent article, à un « plan » indéterminé.

* 228 La note de l'inspecteur général des finances François Cailleteau, en date du 16 juin 1997 , présente une autre explication du niveau élevé de l'endettement des agriculteurs exerçant leur activité en Corse : « Les exploitations sont assez généralement lourdement endettées, le remboursement des emprunts et le paiement des dettes courantes aux organismes publics (MSA essentiellement) menaçant à tout moment d'être collectivement interrompu, selon un mécanisme classique, jusqu'à obtention d'un moratoire épongeant, grâce à l'argent public, le gros des arriérés ».

* 229 L'endettement auquel se réfère le ministre est l'endettement total des exploitations, et non le seul endettement au titre des arriérés de cotisations sociales.

* 230 Assemblée nationale, , onzième législature, n° 1077, p.262.

* 231 Il se demande également comment s'articule cette notion avec celle de « solidarité nationale », dont la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à l'allocation personnalisée d'autonomie prévoit qu'elle assure une partie du financement de cette allocation.

* 232 La Gazette des communes, 4 juin 2001, page 8.

* 233 Article L. 5411-2 du code général des collectivités territoriales.

* 234 Rapport sur la continuité territoriale et le développement économique de la Corse, 29 décembre 1994.

* 235 Projet de loi n° 2931 (Assemblée nationale, onzième législature), pages 25 et 26.

* 236 Article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales.

* 237 Dans les régions du continent, la commission permanente est composée du président du conseil régional, de quatre à quinze vice-présidents, sous réserve que leur nombre ne soit pas supérieur à 30 % de l'effectif du conseil, et, éventuellement, d'un ou plusieurs autres membres. Les membres de la commission permanente sont nommés pour la même durée que le président du conseil régional. Le Bureau est formé du président, des vice-présidents et, le cas échéant, des membres de la commission permanente ayant reçu délégation. On rappellera toutefois qu'à la différence des autres régions, la collectivité territoriale de Corse est administrée par un conseil exécutif distinct de l'assemblée mais responsable devant elle.

* 238 Conseil d'Etat, 3 novembre 1997, M. Bianchi.

* 239 Article L. 4422-15 du code général des collectivités territoriales.

* 240 Article L. 4422-18 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, en ce qui concerne leur régime indemnitaire, les fonctions de conseiller exécutif de Corse sont assimilées à celles de membre de la commission permanente.

* 241 Article L. 4422-14 du même code.

* 242 P. Ferrari - Le statut de la collectivité territoriale de Corse - Commentaire de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991, Actualité juridique du droit administratif, page 701.

* 243 Avis de l'Assemblée de Corse sur l'avant projet de loi modifiant et complétant le statut de la collectivité territoriale de Corse.

* 244 L'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà le cas d'empêchement du maire : « En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau. »

* 245 « Chambres régionales des comptes et élus locaux, un dialogue indispensable au service de la démocratie locale », rapport n° 520 (Sénat, 1997-1998) de M. Jacques Oudin au nom du groupe de travail sur les chambres régionales des comptes présidé par M. Jean-Paul Amoudry, page 50.

* 246 Rapport n° 2995 (Assemblée nationale, onzième législature), page 358.

* 247 Conseil d'Etat, 13 novembre 1992, commune de Louviers.

* 248 Conseil d'Etat, 9 novembre 1973, commune de Pointe-à-Pitre.

* 249 Conseil d'Etat, 29 juin 1990, commune de Guitrancourt. Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, 17 octobre 1990, M. Vergès c/ commune de Saint-Paul.

* 250 Conseil d'Etat, 3 novembre 1989, M. Gérard Ecorcheville et autres

* 251 Article L. 4422-4 du code général des collectivités territoriales.

* 252 Conseil d'Etat, 6 avril 2001, SA Entreprise Razel Frères.

* 253 Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 février 1999, COB contre Oury. Cour de cassation, première chambre civile, 5 octobre 1999. Cour de cassation, chambre commerciale, 5 octobre 1999, Campenon-Bernard SGE.

* 254 Conseil d'Etat, 3 décembre 1999, Didier.

* 255 Article 28 du présent projet de loi.

* 256 Article 49 du présent projet de loi.

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