Rapport n° 228 (2001-2002) de M. Jacques CHAUMONT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 février 2002

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N° 228

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 février 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale du 21 octobre 1976 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun ,

Par M. Jacques CHAUMONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Lambert, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, René Trégouët.

Voir le numéro :

Sénat : 181 (2000-2001)

Traités et conventions.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de l'avenant à la convention signé le 28 octobre 1999 entre la France et le Cameroun.

Cet avenant vise à mettre un terme à une différence d'interprétation portant sur l'article 20 de la convention fiscale initiale qui opposait les deux administrations fiscales. Il précise le régime fiscal applicable aux rémunérations pour études et assistance technique et procède à quelques ajustements techniques.

INTRODUCTION

Le Cameroun a une superficie de 475.000 km² et une population de 14 millions d'habitants . Avec un taux de croissance annuel de 2,5 %, ce chiffre devrait atteindre 26 millions en 2025.

Découvert par les Portugais (« Rio dos Camaroes »), le pays a connu trois administrations : allemande de 1884 à 1915, suivie de mandats confiés par la Société des nations puis l'Organisation des Nations Unies à la fois à la France, sur une majeure partie du territoire de 1915 à 1960, et à la Grande Bretagne, à l'ouest, de 1915 à 1961. Suite au référendum de 1961, une partie de la zone anglaise -« Southern Cameroon »- a choisi le rattachement au Cameroun, d'abord constitué en fédération, puis, après l'extinction, en 1970, de la guerilla armée de l'Union des populations du Cameroun dans l'ouest, proclamé Etat unitaire en 1972 par le Président Ahidjo, ce qui fut mal ressenti par les anglophones. Aujourd'hui, le pays compte 80 % de francophones et 20 % d'anglophones. Les chrétiens représentent 55 % de sa population (34 % de catholiques et 20 % de protestants), les musulmans, plutôt situés au nord, 20 %, et les animistes, répartis sur tout le territoire, environ 25 %. Les sectes ont une influence grandissante au Cameroun. La population camerounaise est composée de plus de 200 ethnies, parmi lesquelles dominent les Bamiléké (4 millions d'habitants), concentrés dans l'ouest.

Le Cameroun a été gouverné dans la stabilité depuis 1960 et n'a connu que deux présidents : Amadou Ahidjo, puis Paul Biya, alors Premier Ministre, qui lui a succédé à la tête de l'Etat en décembre 1982.

I. LA SITUATION INTÉRIEURE DU CAMEROUN ET LES RELATIONS BILATÉRALES AVEC LA FRANCE

A. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

1. Une démocratie fragile

L'arrivée au pouvoir du Président Paul Biya avait suscité de nombreux espoirs car elle était censée créer une rupture avec la politique menée par le Président Ahidjo dont témoignait la création d'un nouveau parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), « laboratoire de la démocratie pluraliste ».

En réalité, sa prise de fonction s'est accompagnée d'un relatif immobilisme. Ce n'est que sous la pression populaire que le nouveau Président a décidé, fin 1990, l'introduction du multipartisme, sans pouvoir éviter certaines violences.

Les premières élections législatives pluralistes de mars 1992, boycottées par une partie de l'opposition dont le Front social démocratique (SDF), dirigé par l'anglophone John Fru N'Di, n'ont été remportées qu'à la majorité relative (88 sièges sur 180) par le RDPC. En octobre 1992, l'élection présidentielle , au scrutin majoritaire à un tour, a abouti à une réélection difficile du Président Paul Biya par 40 % des voix, contre 36 % à M. Fru N'Di, qui a obtenu ses meilleurs résultats dans l'ouest (zone la plus prospère, peuplée par les bamilékés) et 19 % à M. Bello Bouba Maïgari candidat de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès, dont les appuis sont dans le nord musulman.

La régularité du scrutin a été contestée par M. Fru N'Di et par certains observateurs internationaux. L'état d'urgence a été proclamé dans le nord-ouest pendant deux mois et le leader du SDF a été assigné à résidence. Assuré d'une majorité grâce au ralliement d'un petit parti (MDR), le pouvoir a ensuite observé un certain immobilisme et refusé le dialogue avec l'opposition. La révision constitutionnelle engagée par la « conférence tripartite » de 1991, et prévoyant la création d'un Sénat, d'une Cour constitutionnelle et une large décentralisation, n'a été adoptée par l'Assemblée qu'en décembre 1995 et à l'heure actuelle aucune mesure n'a encore été prise pour traduire cette réforme dans les faits.

Une forte tension a précédé les échéances électorales de 1997 (élections législatives en mai et élection présidentielle en octobre). Le régime, « sur la défensive » depuis les élections de 1992 et les élections municipales de janvier 1996 qui avaient confirmé l'audience du SDF et de l'UNDP dans la plupart des grandes villes, s'est efforcé d'assurer les moyens de sa victoire.

Le gouvernement a ainsi, dans des conditions juridiques controversées, nommé au printemps 1996 à la tête des principales villes des « délégués du gouvernement », provoquant un appel du SDF à des journées « villes mortes », mot d'ordre cette fois-ci peu suivi. La presse, indépendante et dynamique, mais très souvent excessive, a été régulièrement soumise à la censure et des journalistes ont été condamnés à des peines de prison. Des troubles ont éclaté dans le nord du pays en mars 1996, vraisemblablement fomentés par le mouvement indépendantiste Southern Cameroon National Council. De son côté, l'opposition (SDF, UNDP et UDC), qui avait réclamé la création d'une commission électorale nationale indépendante (CENI), a critiqué les conditions d'organisation des scrutins et a appelé au boycott de l'élection présidentielle. Des observateurs internationaux ont effectivement relevé, lors des législatives, des obstacles aux inscriptions sur les listes électorales et des cas avérés de fraudes. Les scrutins se sont malgré tout déroulés dans le calme, signe d'une probable lassitude de la population.

Les élections législatives ont cependant sensiblement modifié le paysage politique. Le RDPC a fortement accru le nombre de ses élus (116 sièges sur 180); le SDF, qui entrait pour la première fois à l'Assemblée nationale (43 sièges), a confirmé son emprise sur l'ouest anglophone; l'UNDP de M. Bello Bouba Maïgari (13 sièges), deuxième parti d'opposition mais en perte de vitesse (68 sièges dans la législature précédente), reste très majoritaire dans le nord. Quatre autres petits partis sont représentés au Parlement.

En ce qui concerne les élections présidentielles, alors que l'opposition avait appelé au boycott, M. Paul Biya a été sans surprise réélu pour un mandat de sept ans, avec 92,57 % des voix (et un taux officiel de participation de plus de 80 %, peu vraisemblable et contesté par l'opposition).

Le nouveau mandat de M. Paul Biya a débuté sous le signe du dialogue et de l'ouverture, contrairement aux prévisions pessimistes de certains. En effet, l'UNDP participe au nouveau gouvernement constitué le 7 décembre 1997 et dans lequel lui reviennent deux portefeuilles ministériels (dont un confié à M. Bello Bouba Maïgari) et un secrétariat d'Etat. Une équipe gouvernementale nouvelle, nombreuse et largement dominée par le RDPC (45 membres sur 50) a été constituée sous l'autorité du même Premier ministre, issu de l'ouest comme ses prédécesseurs, M. Peter Mafany Mussonge. Un remaniement gouvernemental d'ampleur limitée (14 changements sur 60 membres), intervenu le 18 mars 2000, a été l'occasion pour le Président Paul Biya de remplacer quelques ministres impliqués dans des affaires de corruption et de marquer la priorité accordée à la lutte contre l'insécurité.

Les élections législatives se dérouleront au niveau local avant le 21 juillet 2002 et les présidentielles en 2004.

2. Les principaux défis politiques du pays

a) Un pays dépendant du bon vouloir du FMI et de la Banque mondiale

Depuis les élections de 1997, l'immobilisme des autorités en matière de réformes s'est traduit par la persistance de la pauvreté liée à l'action du FMI, la recrudescence de l'insécurité, et le développement de la corruption. Soutenant la politique incohérente du Fonds monétaire international, heureusement tempérée par la Banque mondiale, les bailleurs de fonds cherchent à se présenter comme les principaux leviers du changement sur ces différents fronts. Ils soumettent le franchissement des étapes de l'ajustement (approbation du « point de décision » pour l'éligibilité du Cameroun à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés, le 10 octobre 2000, prochaine signature d'une FRPC 1 ( * ) ) à la réalisation de conditions nombreuses.

Après la dévaluation du franc CFA en janvier 1994 et la signature d'un accord de Facilité d'ajustement structurel renforcé avec le Fonds monétaire international en 1997, le Cameroun s'est convenablement acquitté de son ajustement macro-économique mais au prix de coupes budgétaires dans les secteurs sociaux et d'une dévalorisation de la fonction publique, résultats classiques des interventions du FMI. Loin de régresser, les inégalités se sont accentuées. Le pays a adopté une stratégie de lutte contre la pauvreté et un plan de renforcement des secteurs de la santé et de l'éducation. Un rattrapage symbolique des salaires de la fonction publique a été mis en oeuvre au cours de l'été 2000.

b) Un taux de criminalité élevé

Malgré l'absence de statistiques unifiées et fiables, la criminalité a progressé tant en province qu'au sein des villes, sous la forme d'agressions parfois violentes. En janvier 2000, l'assassinat d'un ressortissant français, résidant à Douala, a conduit la France à demander aux autorités un renforcement de leur dispositif de sécurité. Cette préoccupation s'est étendue ensuite au reste de la communauté internationale suite notamment aux agressions en février 2000 contre l'ambassadeur des Etats-Unis et le chargé d'affaires des Pays-Bas.

Les autorités ont créé un commandement opérationnel unifié à Douala, et renforcé les moyens des forces de sécurité à Yaoundé. Les membres du gouvernement en charge de la sécurité ont été remplacés lors du remaniement ministériel du 18 mars 2000. Les statistiques indiquent que la criminalité a été stabilisée dans les grandes villes mais s'est déplacée dans les centres secondaires. Ainsi, une religieuse française a été agressée et est morte d'une crise cardiaque en août 2000 dans une petite ville à 100 km de Yaoundé.

Par ailleurs, les forces de l'ordre, notamment le Commandement opérationnel de Douala, semblent avoir commis des entorses aux droits de l'homme. La communauté internationale s'en est inquiétée (lettre de l'ambassadeur des Etats-Unis au Président Paul Biya avançant le chiffre de 80 exécutions sommaires, démarches discrètes des ambassadeurs de l'Union Européenne). L'image du pays en matière d'Etat de droit s'est quelque peu améliorée en raison des mesures récemment prises par les autorités : nomination d'un nouveau ministre de la justice en mars 2000, création d'un observatoire de lutte contre la corruption en mai, installation à Yaoundé d'un centre régional des Droits de l'homme en juin. Membre de la Commission des droits de l'homme des Nations-Unies, le Cameroun y a présenté en mai 2000 un rapport qui n'a pas donné lieu à des observations particulières.

c) Un pays miné par la corruption

L'organisation non gouvernementale « Transparency International » a classé le Cameroun en 2000 au septième rang mondial de la corruption après l'avoir placé en 1998 et en 1999 au premier rang. Quoique critiquable, ce classement a amené le Chef de l'Etat à faire de la lutte contre la corruption une de ses priorités (comme il l'a affirmé dans son discours du Nouvel an en janvier 2001). Dans la pratique, seuls ont pu être observés un mouvement de mutation des cadres intermédiaires de certains ministères, en 1998 (administration territoriale, éducation, justice, armée) et la mise en détention de deux personnages importants en septembre 1999 2 ( * ) . Les trois ministres remplacés en mars 2000 suite notamment à des affaires de corruption intervenues dans leurs départements ministériels, n'ont fait l'objet d'aucune enquête.

Les premiers résultats d'un recensement de la fonction publique ont révélé en septembre 2000 la présence de 15.000 fonctionnaires « fantômes » sur un total de 135.000. La lutte contre la corruption et le renforcement des "capacités administratives" sont d'autant plus importants que la baisse du service de la dette négociée avec les institutions financières internationales augmente les disponibilités financières du pays.

3. Une situation économique dramatique

En termes de niveau de développement humain, le Cameroun se situe à la 132 ème place mondiale, et en 12 ème position en Afrique subsaharienne, du classement des pays en voie de développement établi par le programme des Nations-Unies pour le développement.

Le Cameroun compte 14,5 millions d'habitants. Son produit intérieur brut par habitant s'élève à 633 dollars. Son taux de croissance est de 5 % en 2001. L'espérance de vie moyenne à la naissance n'atteint que 55 ans et 37 % au moins des adultes sont considérés comme analphabètes.

a) Des atouts non négligeables

Le Cameroun dispose de nombreux atouts: ressources agricoles (bananes, cacao, café, coton), forestières et pétrolières. Sa population est relativement bien formée et industrieuse. Son produit intérieur brut (8,8 milliards de dollars) représente la moitié de celui de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale.

b) Un pays très dépendant de l'aide internationale

De 1965 à 1985, le Cameroun a connu une croissance soutenue. La situation économique s'est ensuite fortement dégradée jusqu'à la dévaluation du franc CFA : le produit intérieur brut a baissé de 25 à 30 %, la production pétrolière a décru (5 millions de tonnes en 1995, contre 10 millions de tonnes en 1989). Le premier plan d'ajustement structurel a été mis au point en 1989.

La dévaluation de 1994 a relancé la compétitivité des filières agricoles et l'économie camerounaise a renoué avec la croissance : 3,3 % en 1994-1995, moyenne de 5 % par an de 1996 à 2001. Entre juillet 1998 et juin 1999, les termes de l'échange ont baissé de 13 % et la croissance n'a été que de 4,4 %. Toutefois, depuis juin 1999, la hausse des prix du pétrole et du dollar a permis au Cameroun d'achever avec plus d'aisance son premier programme d'ajustement structurel.

Le FMI avait conclu avec le Cameroun le 21 août 1997 une facilité d'ajustement structurel renforcé (FASR) de 205,9 millions d'euros, suivie en octobre d'un réaménagement de la dette au Club de Paris. Le conseil d'administration du FMI, du 10 octobre 2000, a conclu à la bonne exécution de ce programme. L'ouverture d'une seconde facilité triennale, dénommée « facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) » a été décidée. Il a estimé par ailleurs que le Cameroun avait franchi le « point de décision » de l'initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Cela signifie que le service de la dette sera allégé d'un montant de 324,7 millions d'euros entre 2001 et 2003. Lorsque le pays aura rempli les conditions de passage au « point d'achèvement », la réduction de dette pourra atteindre 1,3 milliard de dollars en valeur actualisée nette.

La Banque mondiale, « ambulance du FMI », a pour sa part décidé le 26 juin 1998 d'octroyer au Cameroun un crédit d'ajustement structurel (CAS) triennal, le troisième du genre, de 182 millions de dollars (en euros) (le deuxième CAS était de 102 millions de droits de tirage spéciaux). Après une première tranche de 50 millions de dollars payée en septembre 1998, une deuxième tranche de 25 millions de dollars a été débloquée en juin 1999. Quatre tranches flottantes de 25 millions de dollars chacune sont en outre prévues, dont le décaissement est conditionné à l'avancée des réformes structurelles et notamment des privatisations. La France a accordé au Cameroun en novembre 1999 un prêt d'ajustement structurel de 38,1 millions d'euros, dépense dont on peut légitimement douter de l'utilité.

Aujourd'hui, le Cameroun est endetté vis-à-vis de l'extérieur à hauteur de 5,8 milliards d'euros (soit 56 % de son PIB et un service de la dette représentant 15,5 % de ses exportations de biens et services). Son entrée dans le processus de désendettement prévu par l'initiative PPTE, ainsi que le niveau des prix du pétrole et du dollar lui permettent d'envisager une croissance de 5,5 % et un déficit budgétaire de seulement 2 % du PIB. Les ressources issues de l'allègement de la dette sont déposées sur un compte spécial et financent les dépenses prévues dans le « cadre stratégique de réduction de la pauvreté », dont la bonne exécution fait partie des conditions de réalisation du « point d'achèvement ». Le gouvernement a notamment préparé des stratégies sectorielles pour l'éducation et la santé.

c) Les perspectives économiques : la lutte contre la pauvreté et la poursuite des réformes structurelles

Sacrifié aux nécessités de l'ajustement structurel, le système éducatif s'est dégradé au cours des années 1990. Sa part a baissé dans le budget, s'agissant notamment de l'enseignement supérieur, en dépit de l'augmentation régulière des inscriptions. La progression de l'épidémie de sida est importante au Cameroun, qui comptait, à la fin de l'année 2000, 320.000 séropositifs officiellement déclarés, pour une population de 15 millions d'habitants, soit une séroprévalence de 6 %. Les inégalités de développement demeurent fortes entre le sud et le nord du pays. Les provinces du nord connaissent périodiquement des crises alimentaires, liées à leur forte croissance démographique, à l'insuffisance des pluies et à la médiocrité des circuits de commercialisation avec le reste du pays.

Les réformes structurelles et la libéralisation de l'économie sont suffisamment engagées pour être progressivement passées au second plan des priorités des bailleurs, après la lutte supposée contre la pauvreté. S'agissant de l'amélioration des méthodes de gouvernance, de nouveaux organes de gestion du port de Douala ont été mis en place, un audit de la société nationale des hydrocarbures a été réalisé, les bases d'un nouveau système de passation des marchés publics ont été jetées. En matière de privatisations, le processus progresse assez lentement, notamment parce qu'il remet en cause certaines positions acquises et touche à des enjeux ethniques. C'est le cas en particulier des grandes entreprises, même si certaines d'entre elles ont été privatisées comme Camerail, la compagnie de chemin de fer. La majorité des privatisations a jusqu'à présent été réalisée au profit d'entreprises françaises.

B. LES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE LE CAMEROUN ET LA FRANCE

1. Des relations politiques étroites

Les relations politiques entre la France et le Cameroun sont étroites. Le Président Paul Biya se rend souvent en France, soit en visite officielle (mai 1987), soit à titre privé (mai et novembre 1996, juillet 1997, mai 1998, mai 1999, mai 2000). Il s'est rendu au sommet Afrique France de novembre 1998 et à la réunion du nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, début février 2002. Le président de la République a réalisé une visite d'Etat au Cameroun le 24 juillet 1999 mais a dû interrompre son séjour en raison du décès du roi du Maroc Hassan II. M. Charles Josselin s'était rendu en visite à Yaoundé en avril 1998. Le secrétaire général de la présidence du Cameroun a réalisé une visite de travail à Paris du 28 au 30 avril 2000.

2. Coopération civile : l'implication financière de la France

La France est le premier bailleur de fonds bilatéral du Cameroun. Le montant de son aide publique au développement (APD) varie d'une année à l'autre selon l'importance de ses prêts à l'ajustement structurel (PAS). Elle atteignait 126 millions d'euros en 2001. Outre les prêts à l'ajustement structurel, notre aide publique au développement recouvre principalement les interventions de l'agence française de développement -dont le Cameroun est le premier pays d'intervention dans le monde- et du ministère des affaires étrangères. Les assistants techniques civils sont au nombre de 150 au Cameroun.

Les quatre principales orientations à moyen terme (OMT) de notre coopération sont les suivantes :

- le soutien à la consolidation des institutions de l'Etat de droit et à l'enracinement de la démocratie ;

- l'accompagnement de la relance économique ;

- l'appui aux secteurs sociaux et au développement des ressources humaines ;

- la mobilisation de la société civile dans la lutte contre la pauvreté.

Principal opérateur de notre coopération, l'Agence française de développement (AFD) verse au Cameroun les prêts français à l'ajustement structurel (205,8 millions d'euros de 1997 à 1999), lui octroie des prêts à taux concessionnel (durée de 19 ans dont 7 ans de différé, à un taux de 2,5 %) pour financer des projets de développement (35 millions d'euros par an en moyenne au cours des cinq dernières années), et finance des opérateurs privés (12,5 millions d'euros en 1999, 6,4 millions d'euros en 2000) à travers sa filiale Proparco. L'AFD a donné au cours des dernières années la priorité à la réhabilitation des infrastructures de base, pour pallier la baisse de l'investissement public camerounais (1,4 % du produit intérieur brut en 1996, dernière estimation connue). Cela reste son premier objectif en l'an 2002 avec pour projets principaux la réhabilitation du pont sur le Wouri à Douala, le co-financement avec la Banque mondiale et la Banque européenne d'investissements, de la réfection de la voie ferrée Yaoundé-Ngaoundéré, la rénovation d'une partie de la voirie de Douala.

La France est étroitement associée au processus d'allégement de la dette, au titre des pays pauvres très endettés (PPTE), dont la première étape a été franchie avec succès par le Cameroun (« point de décision » atteint le 10 octobre 2000). D'importantes annulations de la dette française devraient intervenir en 2002. Les montants correspondants devront être réaffectés à des projets destinés à lutter contre la pauvreté (santé, éducation, infrastructures rurales). Le principal défi désormais lancé aux bailleurs de fonds du Cameroun et notamment à la France est le renforcement des capacités administratives camerounaises à gérer ces sommes. Il est notamment demandé aux autorités camerounaises, à travers le plan stratégique de lutte contre la pauvreté qu'elles ont adopté, d'améliorer leurs méthodes de gestion et d'associer davantage la société civile aux projets menés. La France, pour sa part, devra adapter son dispositif d'aide en ajustant ses moyens aux nouveaux objectifs sectoriels (santé, éducation, renforcement des capacités administratives).

3. Une coopération militaire soucieuse de garantir la stabilité du pays

La coopération militaire vise à garantir la stabilité d'un pays situé au voisinage de plusieurs zones de crise, et à ménager la possibilité d'exploiter ses plates-formes aéroportuaires pour une évacuation de nos ressortissants présents en Afrique centrale. Elle vise par ailleurs à renforcer, dans un cadre régional, les capacités camerounaises de maintien de la paix.

Le Cameroun et la France ont conclu en 1974 un accord spécial de défense et un accord de coopération militaire. L'enveloppe de la coopération militaire en 2000 s'est élevée à 7,8 millions d'euros, consacrés principalement aux coopérants militaires (au nombre de 37 en 2000, soit le plus fort effectif en Afrique centrale), à l'aide logistique (renforcement du dispositif camerounais à Bakassi) et à l'organisation de stages pour des officiers. Parmi les principaux projets figure l'ouverture d'un pôle aéronautique à vocation régionale à Garoua en janvier 2001. L'acquisition des principes et des pratiques de l'Etat de droit par le Cameroun constitue une préoccupation majeure pour la France.

4. Des relations économiques et commerciales privilégiées

Avec 35 % de part de marché et 485 millions d'euros d'exportations en l'an 2000, la France reste le premier fournisseur du Cameroun. Le Cameroun se place au troisième rang des clients de la France en zone franc, après la Côte d'Ivoire et le Sénégal. Notre commerce avec le Cameroun est structurellement excédentaire. Les principaux produits exportés en l'an 2000 vers le Cameroun sont les préparations pharmaceutiques (12,2 %), les véhicules et équipements automobiles (8,3 %), les équipements informatiques (4,5 %), les appareils de transmission (3,8 %), les céréales et plantes industrielles (3,3 %). Les échanges commerciaux bilatéraux se sont orientés en 2001 à la hausse, tant en ce qui concerne les exportations que les importations.

Les investissements français au Cameroun sont redevenus positifs à partir de 1995. Beaucoup d'entreprises françaises ayant résisté à la crise des années 1986-1994, la France est aujourd'hui le premier investisseur étranger au Cameroun avec 20 % (soit 214 millions d'euros) du stock d'investissements directs étrangers. Parmi les 140 filiales d'entreprises françaises employant plus de 20.000 personnes se trouvent principalement la Société Générale, le Crédit Lyonnais, BGI Castel, Total-Elf-Fina, Péchiney, la Compagnie Fruitière, la CFAO, le groupe Bolloré, Lafarge, France Câbles et Radio.

La France est par ailleurs très impliquée dans le programme de privatisations en cours. L'entreprise de sucre Camsuco a été rachetée par le groupe Soomdia, la compagnie nationale des chemins de fers camerounais par un consortium où figure Bolloré, la Banque Bicec par le groupe des Banques Populaires, la société camerounaise des palmeraies (Socapalm) par Bolloré et un partenaire local. Les positions françaises sont solides dans les privatisations en cours : CDC (bananes, hévéa...) avec la Compagnie Fruitière et Bolloré, Socar (assurances) avec Chanas & Privat.

Par ailleurs, plus de 533,5 millions d'euros de contrats de travaux et de services ont été adjugés à des entreprises françaises pour la construction de l'oléoduc Doba-Kribi, dont plus de 1.000 km traversent le territoire camerounais. Bouygues et sa filiale Dragages et travaux publics construiront la route tchadienne parallèle à l'oléoduc (45,7 millions d'euros), Sogea réalisera deux tronçons de routes au Cameroun (91,4 millions d'euros) et Spie-Capag participera à la pose de l'oléoduc (167,7 millions d'euros), en coopération avec une firme américaine.

Une délégation du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), conduite par M. Michel Roussin, s'est rendue au Cameroun en janvier 1999. Reçue par le Président Paul Biya, elle a retenu de son séjour que les firmes françaises pouvaient contribuer à une plus grande ouverture du Cameroun sur les marchés mondiaux.

Les firmes françaises se heurtent toutefois à l'insécurité juridique du pays. Les irrégularités judiciaires et fiscales dont elles sont victimes conduisent certaines d'entre elles à fermer leurs portes. Ainsi, Plantecam, filiale de Rhône Poulenc, qui employait 170 personnes, a fermé en janvier 2000 et Aéroports de Paris a renoncé à maintenir son assistance technique auprès d'Aéroports du Cameroun.

Les principales filiales de banques françaises au Cameroun (Crédit Lyonnais, Bicec-Groupe Natexis, SGBC-Société Générale) font face actuellement à des procédures judiciaires opaques. D'autres opérateurs français (France Câble Radio, Groupe Rougier, Groupe Lafarge) sont également en conflit avec l'administration camerounaise.

II. L'AVENANT À LA CONVENTION FISCALE DU 21 OCTOBRE 1976

A. UNE DIFFÉRENCE D'INTERPRÉTATION SUR L'ARTICLE 20 DE LA CONVENTION OCDE RELATIF AUX REDEVANCES

1. Une première tentative pour mettre fin à une divergence d'interprétation sur l'article relatif aux redevances

La France et le Cameroun sont actuellement liés par une convention fiscale en date du 21 octobre 1976.

Celle-ci a fait l'objet de premières modifications par un avenant signé le 31 mars 1994 qui visait l'article « Redevances » : les rémunérations pour études, assistance technique, financière ou comptable n'étaient plus automatiquement considérées comme des redevances. Au contraire, les rémunérations pour études de nature spécifique, géologique ou technique étaient maintenues dans le champ de cet article.

En pratique, le dispositif de 1994 ôtait au Cameroun la possibilité d'appliquer sur les rémunérations pour études, assistance technique, financière ou comptable de source camerounaise payées à des non-résidents ne disposant pas d'établissements au Cameroun une retenue à la source de 15 % prévue par son droit interne.

2. Un différend persistant

Or, à l'occasion de demandes de règlement de différends portées auprès des autorités compétentes des deux Etats par des entreprises opérant au Cameroun, il est apparu que les autorités fiscales de cet Etat faisaient une interprétation de l'avenant de 1994 diamétralement opposée à l'objectif poursuivi par la France lors de la négociation dudit avenant.

Les autorités fiscales camerounaises considèrent en effet que les rémunérations pour études, assistance technique, financière ou comptable demeurent soumises aux dispositions de l'article 20 relatif aux redevances et peuvent donc faire l'objet d'un prélèvement à la source de 15 %.

Compte tenu de cette divergence d'interprétation, les deux Etats ont été conduits à renégocier les termes d'un avenant afin de clarifier le régime fiscale applicable à ces rémunérations.

B. LE NOUVEL AVENANT DU 28 OCTOBRE 1999

1. Le nouveau compromis sur l'article relatif aux redevances

Le nouvel avenant a été signé à Yaoundé le 28 octobre 1999. L'article 4 de cet avenant réintroduit, à la demande du Cameroun, dans l'article 20 de la convention relatif aux redevances, un nouveau paragraphe 4. Ce paragraphe permet à l'Etat de la source d'imposer les rémunérations pour études, assistance technique, financière ou comptable, mais plafonne le taux de la retenue à la source à 7,5 % du montant brut de ces rémunérations. Il est prévu que cette disposition rétroagisse au 1 er janvier 1998.

Concrètement, ce taux permet d'aligner l'accord franco-camerounais sur les conventions fiscales récemment conclues par la France avec d'autres Etats africains tels que le Botswana, le Gabon ou le Zimbabwe.

Financièrement l'article 4 de l'avenant conduira la France, afin d'éliminer la double imposition, à accorder des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source opérées au Cameroun dans la limite de 7,5 % à raison des rémunérations pour études, assistance technique, financière ou comptable de source camerounaise.

2. Le toilettage de la convention de 1976

Cette nouvelle négociation a en outre permis d'améliorer sur d'autres points le cadre juridique conventionnel issu de l'avenant du 31 mars 1994.

L'accent peut être mis sur deux d'entre eux, adoptés à l'initiative de la partie française.

L'article 1 de l'avenant intègre dans l'article 5 de la convention un nouveau paragraphe 5 permettant à une personne physique qui exerce un emploi dans un des Etats contractants de déduire de son revenu imposable les cotisations versées à un régime de retraite dans l'autre Etat, dans les limites posées par la législation de l'Etat dans lequel cet emploi est exercé.

Cette disposition, au demeurant classique dans les conventions fiscales conclues récemment par la France, permettra donc aux Français qui s'expatrient provisoirement au Cameroun de conserver leurs droits à une pension de retraite en France tout en bénéficiant des avantages fiscaux prévus dans ce domaine par la législation fiscale camerounaise.

En outre, l'article 3 de l'avenant supprime le transfert de l'avoir fiscal aux résidents du Cameroun, conformément aux orientations actuelles de notre politique conventionnelle qui conduisent à restreindre le transfert de l'avoir fiscal. Certes, le Cameroun ne contribue que faiblement au coût budgétaire afférent au transfert de l'avoir fiscal. Toutefois, la suppression de ce transfert dans le cadre franco-camerounais devrait avoir une incidence favorable sur le budget de la France.

III. LE RETARD FRANÇAIS DANS LA PROCÉDURE REQUISE POUR L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA CONVENTION

L'avenant à la convention fiscale franco-camerounaise a été approuvé par l'Assemblée Nationale camerounaise au cours de la session parlementaire qui s'est tenue du 7 mars au 4 avril 2000.

La France, elle, n'adoptera cet avenant définitivement qu'au mieux en 2002, soit avec deux ans de retard par rapport au Cameroun et alors même que cet avenant défend les intérêts économiques des entreprises françaises.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 13 janvier 2002, sous la présidence de M. Roland du Luart, vice-président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jacques Chaumont, à l'examen du projet de loi tendant à autoriser l'approbation de l'avenant à la convention fiscale signé le 28 octobre 1999 entre la France et le Cameroun.

Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi dont le texte suit :

« Article unique

Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention fiscale du 21 octobre 1976 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun, signé à Yaoundé le 28 octobre 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

* 1 Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance.

* 2 Le ministre des postes et télécommunication et le président de la Caisse nationale de prévoyance sociale, en septembre 1999.

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