B. DES POINTS DE PASSAGE OBLIGÉS, DES PISTES À CREUSER
Il n'appartient pas à ce rapport de tracer les contours d'une réforme appelée à être négociée entre les partenaires sociaux et l'Etat. Néanmoins, au vu des travaux déjà menés, et des constats plusieurs fois réitérés, votre rapporteur se bornera à formuler quelques observations.
1. Les éléments imposés à la réforme du premier pilier
a) La recherche d'une certaine justice entre les assurés
Les grandes différences existant dans les conditions d'acquisition et de liquidation des droits à retraite entre les assurés sont un phénomène bien connu car maintes fois exposé : durée de cotisation variable, bases de calcul différentes, avantages annexes divergents, etc. Sans doute ces différences -produits de l'histoire tout autant que de raisons objectives- sont-elles inévitables dans un système d'assurance vieillesse où le régime général est lui même minoritaire.
Le fractionnement de la prise en charge du risque vieillesse n'est pas en soi une difficulté, du moins tant qu'il n'entretient pas des guerres pichrocolines ou chacun s'arc-boute jusqu'aux dernières extrémités sur tel avantage réputé « acquis ».
Certes l'unification intégrale du système de base d'assurance vieillesse n'est-elle pas souhaitable. Elle ne correspond pas à l'esprit des retraites en France, qui s'est toujours construit dans le cadre professionnel. Sans doute serait-elle injuste tant que certains particularismes conservent leur légitimité.
A tout le moins est-il nécessaire d'assurer l'équité, c'est-à-dire à situation égale, droits égaux. Dans ce contexte, certaines professions pénibles ou dangereuses justifieront au regard de tous des avantages non plus acquis mais désormais compensatoires.
b) Assurer une lisibilité en termes de taux de remplacement.
Les perspectives de l'assurance vieillesse dessinent le risque d'une forte chute du taux de remplacement dans les années futures. Le COR a établi, d'autres l'ont fait avant lui, qu'en l'absence de toutes mesures, le taux de remplacement tomberait de 78 % à 46% entre 2000 et 2040.
Rien ne saurait mieux précipiter la fin du système par répartition qu'une telle diminution. Aussi la réforme des retraites doit-elle viser à garantir un certain niveau de ressources, notamment pour les plus modestes, et une bonne lisibilité future pour les autres afin que ceux qui le souhaitent puissent mettre en oeuvre, dans la durée, des solutions de complément.
Un tel objectif implique que les mesures prises soient suffisamment importantes pour ménager des règles convenables, à défaut d'être généreuses, d'indexation des pensions et des salaires portés au compte.
Cette dernière variable attire particulièrement l'attention de votre rapporteur. Les simulations récentes réalisées par la CNAVTS à destination du COR mettent en évidence qu'une revalorisation des salaires portée au compte et des pensions sur l'indice des prix majoré de 0,8 % double le besoin de financement du régime général à l'horizon 2040.
Impact sur le besoin de financement de la
CNAVTS,
exprimé en points de cotisations supplémentaires de
différents scénarii
d'indexation des pensions et salaires
portés au compte
Règles d'indexation |
2010 |
2020 |
2040 |
Indice des prix |
- |
+ 2,30 |
+ 6,51 |
Indice des prix + 0,8 % |
1,05 |
+ 5,20 |
+ 12,15 |
Indice des prix + 1,2 % |
1,71 |
+ 6,81 |
+ 15,50 |
Source : CNAVTS
La revalorisation des pensions sur l'indice des prix qui prive les retraités de l'accroissement tendanciel de la productivité du travail est en soi une difficulté à long terme. Pour sa part, la même indexation des salaires portés au compte diminue sensiblement le taux de remplacement, ce qui est encore davantage contestable.
En effet, Mme Danielle Karniewicz a rappelé, devant la commission, que l'indexation des salaires portés au compte sur le seul indice des prix ferait tomber le taux de remplacement global d'un salarié payé au salaire minimum de croissance (SMIC) de 81 % à 68 % du salaire net entre 2000 et 2040 et celui d'un cadre moyen de 75 % à 58 % sur la même période. Pour autant, la seule revalorisation des salaires portés au compte augmente le besoin de financement de la CNAVTS de l'équivalent de plus de deux points de cotisations à l'horizon 2040.
Le constat est ainsi fait que la réforme assurant l'équilibre des retraites ne saurait être construite a minima sans risquer d'être rapidement intenable.
c) Revaloriser le minimum contributif
A l'occasion de l'examen de son avis sur le présent projet de loi, le conseil d'administration de la CNAVTS a attiré une nouvelle fois l'attention des pouvoirs publics sur la situation du minimum contributif.
Ce minimum est attribué aux salariés du régime général bénéficiant d'une retraite à taux plein et totalisant 150 trimestres d'assurance. Il permet, la plupart du temps, de porter le montant de la pension à un niveau minimum.
Cette garantie de prestation fut créée en 1983 dans l'esprit de garantir aux retraités un revenu proche du SMIC (au moins 95 %). Or, du fait des règles de revalorisation divergentes entre ces deux « minima », la revalorisation du SMIC faisant l'objet de « coups de pouce » alors que le minimum contributif n'est revalorisé que selon l'inflation, ce dernier ne représente plus qu'une prestation d'environ 60 % du SMIC, prestations des régimes complémentaires comprises. C'est de ce niveau de pension dont bénéficient près de trois millions de retraités aujourd'hui.
Auditionnée par la commission des Affaires sociales, Mme Danièle Karniewicz a rappelé que « le montant du minimum contributif versé par la CNAVTS en 1999 ne s'élevait qu'à 39.416 francs par an, majoré de 25 % au titre des régimes complémentaires soit environ 50.000 francs annuels alors que, pour la fonction publique, l'équivalent de ce minimum se chiffrait à 67.300 francs annuels, le régime de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) offrant à ses salariés, justifiant de 25 années de service et partant entre 50 et 55 ans, un montant de 70.440 francs ».
La question du minimum contributif figure, avec les retraites agricoles, des droits des conjoints et la situation des pluripensionnés parmi celles qu'à juste titre M. Denis Jacquat dénomme « les situations défavorables qui auraient dû trouver leur solution » 12 ( * ) . Puissent-elles donc trouver leur place parmi les points de passage obligés de la réforme des retraites par répartition.
* 12 Source : Denis Jacquat, député - Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 - Rapport n° 330 - Tome IV - pages 23 et suivantes.