Rapport n° 163 (2002-2003) de M. André BOYER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 5 février 2003

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 février 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) :

- sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l' immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris ;

- sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l' immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris ;

- sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l' indemnisation de la République d'Estonie pour l' immeuble de son ancienne légation à Paris.

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Guy Penne, Jean-Marie Poirier, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, André Ferrand, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 150, 151, 152, 372 et T.A . 54, 55, 56 .

Sénat : 109 , 110 et 111 (2002-2003)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a adopté, le 19 décembre dernier, les trois projets de loi autorisant l'approbation des accords conclus le 13 décembre 2001 entre la France d'une part, la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie d'autre part, au sujet du statut des immeubles de leur légation respective à Paris.

Le dossier dit des « légations baltes » est redevenu d'actualité lors du retour de ces trois pays à l'indépendance, au début de la précédente décennie. Les immeubles qu'ils avaient acquis à Paris, durant l'entre-deux guerres, pour y installer leur ambassade, avaient été occupés dès 1940 par les services diplomatiques soviétiques. Pour autant, aucun transfert de propriété n'a été opéré, la France n'ayant jamais reconnu l'annexion de ces Etats par l'URSS.

C'est donc à bon droit que l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont revendiqué auprès de la Russie la restitution de ces immeubles.

Les accords aujourd'hui soumis à l'approbation parlementaire découlent directement du rôle qu'a voulu jouer la France pour faciliter le règlement de ce contentieux auquel elle n'est officiellement pas partie et qui ne concernait que la Russie et les trois pays baltes.

Ces accords apportent une réponse définitive à la demande des Etats baltes, sous la forme d'une indemnité représentative de la valeur des immeubles concernés qui leur sera versée par la France.

Parallèlement, la France a négocié avec la Russie un autre accord intergouvernemental, afin d'obtenir de cette dernière une compensation financière en contrepartie de son engagement sur ce dossier. La conclusion de cet accord est actuellement en bonne voie.

Le règlement du contentieux russo-balte sur la situation des immeubles parisiens aura également des répercussions positives sur nos relations avec les trois Etats baltes, compte tenu de la contribution qu'y a apporté la France.

Votre rapporteur effectuera un bref rappel historique de ce dossier, avant de présenter les trois accords, ainsi que le schéma global du règlement proposé incluant un prochain accord franco-russe.

I. LES DONNÉES HISTORIQUES ET JURIDIQUES DU DOSSIER DES « LÉGATIONS BALTES »

La question des légations baltes à Paris renvoie aux principaux épisodes de l'histoire européenne du XX ème siècle, qui ont entraîné le passage des immeubles concernés sous le contrôle de l'Union soviétique puis de la Russie.

A. UN HÉRITAGE DE LA PREMIÈRE INDÉPENDANCE DES PAYS BALTES LORS DE L'ENTRE-DEUX GUERRES

Situés aux confins des mondes slave, scandinave et germanique, les territoire des actuels États baltes ont tour à tour été occupés, tout au long de leur histoire, par leurs principaux voisins.

Associée à la Pologne à partir du XIV ème siècle dans le cadre d'une union dynastique, la Lituanie a totalement perdu son indépendance en 1795 lors de son annexion par l'Empire russe.

L'ancienne Livonie, qui couvrait au Moyen-Age les territoires actuels de l'Estonie et de la Lettonie, fut annexée au XIII ème siècle par l'ordre des Chevaliers teutoniques, avant de connaître, au début du XVII ème siècle, l'occupation suédoise, puis, un siècle plus tard, l'absorption par l'Empire russe.

L'effondrement de l'Empire russe et la défaite allemande de 1918 ont favorisé l' accession des trois pays baltes à l'indépendance .

Conquise par l'armée allemande en 1915, la Lituanie devint le 16 février 1918 un État théoriquement indépendant, mais soumis à l'Allemagne. Toutefois, le 2 novembre 1918, les Lituaniens constituèrent un gouvernement d'indépendance nationale favorable aux Alliés. Après une tentative de reconquête par l'Armée rouge en 1919, et un différend avec la Pologne sur le sort de la ville de Vilnius, l' indépendance de la Lituanie fut confirmée, avec sa reconnaissance le 20 août 1919 par les Alliés occidentaux, dont la France, puis par la Société des Nations (SDN), et enfin par l'URSS, dans le cadre du traité russo-lituanien de Moscou du 12 juillet 1920.

A la suite du traité de Brest-Litovsk de mars 1918, l'Estonie et la Lettonie furent également soustraites à la souveraineté russe mais restèrent occupées par l'armée allemande. Un gouvernement estonien s'installa à Tallin le 11 novembre 1918. En Lettonie, l'indépendance fut proclamée le 18 novembre 1918 mais fut contestée dans un premier temps par les soviétiques, qui tentèrent en vain de reconquérir le pays.

Après sa reconnaissance par les Alliés le 20 août 1919 puis par la SDN, l' indépendance de l'Estonie et de la Lettonie fut acceptée en 1920 par Moscou (traité de Tartu du 2 février 1920 pour l'Estonie, traité de Riga du 11 août 1920 pour la Lettonie).

C'est dans les années qui suivirent la confirmation de leur indépendance que les pays baltes se dotèrent d' ambassades à Paris.

La Lituanie a acheté en juillet 1925 l'Hôtel Fournier, sis 14, place Malesherbes, devenu depuis lors place du Général Catroux, dans le 17 ème arrondissement. Le contrat d'acquisition, pour un montant de 1,5 million de francs de l'époque, avait été dûment inscrit à la conservation des hypothèques de Paris. La Lituanie avait payé l'intégralité du prix en quatre versements, le dernier ayant été effectué en 1928.

La Lettonie fit pour sa part l'acquisition en 1927 d'un immeuble situé 8, rue de Prony, dans le 17 ème arrondissement.

Quant à l' Estonie , elle acheta en janvier 1936 pour 1 million de francs intégralement payés lors de la signature du contrat, un immeuble situé 4, rue du Général Appert, dans le 16 ème arrondissement, immeuble sur lequel elle engagea en 1937 d'importants travaux de reconstruction et de rénovation.

La Première indépendance des États baltes fut de courte durée puisque les trois pays furent envahis en juin 1940 par les troupes soviétiques. En effet, les protocoles secrets du traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique du 23 août 1939 (pacte Molotov-Ribbentrop) et du traité germano-soviétique de délimitation et d'amitié du 28 septembre 1939 prévoyaient le partage des territoires situés entre les deux pays et attribuèrent les pays baltes à la zone d'influence soviétique. Les trois pays baltes, érigés en républiques soviétiques, furent incorporés à l'URSS dès l'été 1940.

Bien que la France n'ait pas reconnu cette annexion, les clefs des trois ambassades baltes à Paris furent remises en août 1940, sur demande du gouvernement de Vichy, à la préfecture de police qui les transmit à l'ambassade d'URSS.

En juin 1941, lors du déclenchement de l'offensive allemande contre l'Union soviétique, les trois immeubles furent réquisitionnés par l'Ambassade d'Allemagne.

A la Libération, en septembre 1944, l'ambassade d'URSS obtint des autorités françaises de pouvoir réintégrer les trois immeubles qu'elle avait temporairement occupés en 1940-1941. L'année suivante, après la défaite allemande, les trois pays baltes furent réintégrés de force à l'URSS.

Depuis lors, les trois immeubles parisiens n'ont cessé d'être utilisés par les services diplomatiques soviétiques puis russes .

B. LA VOLONTÉ DES PAYS BALTES DE FAIRE VALOIR LEURS DROITS SUR LES ANCIENNES LÉGATIONS

Ayant recouvré leur indépendance (en 1990 pour la Lituanie et en 1991 pour l'Estonie et la Lettonie), les trois États baltes ont immédiatement engagé des démarches auprès de la Russie pour obtenir la restitution de leurs immeubles à Paris .

La Russie a pour sa part invoqué divers arguments pour ne pas accéder favorablement à cette demande.

S'agissant de l' ancienne légation d'Estonie , elle a fait valoir que la ville de Paris avait délivré à l'ambassade d'URSS un permis de démolir en 1978, puis un permis de construire en 1979, en vue de l'édification d'un nouvel immeuble qui abrite désormais des logements pour les personnels de la délégation commerciale russe. Ces permis de démolir et de construire sont cependant sans effet sur la propriété du sol. L'État estonien a pour sa part engagé une procédure judiciaire mais le tribunal s'est déclaré incompétent en invoquant l'immunité de juridiction dont bénéficiait l'immeuble.

En ce qui concerne l'immeuble de l' ancienne légation de Lettonie , qui abrite actuellement la mission permanente russe auprès de l'UNESCO et les archives du Consulat, il apparaît que l'URSS était parvenue à le faire inscrire comme sa propriété sur le cadastre de Paris. Cependant, la vente de cet immeuble a été empêchée à plusieurs reprises, les autorités soviétiques puis russes n'ayant pu produire des documents prouvant leur droit de propriété.

Enfin, l' ancienne légation de Lituanie abrite le centre d'information de l'Agence de presse Ria-Novosty. Saisie par l'État lituanien, la Cour d'appel de Paris, en 1994, s'est déclarée incompétente pour statuer sur le litige car un diplomate russe qui bénéficiait de l'immunité diplomatique avait la responsabilité du bureau situé dans l'immeuble.

Face à ce différend, la France a réaffirmé à plusieurs reprises que d'un point de vue juridique, la situation était claire, les pays baltes n'ayant jamais cessé d'être propriétaires de leur immeuble respectif, comme en témoignent les mentions figurant au registre des hypothèques. Cette position a été régulièrement exprimée dans des réponses à des questions parlementaires.

Votre rapporteur se permet de citer ici la réponse qu'il avait reçue du Ministre des affaires étrangères le 6 avril 2000 à sa propre question 1 ( * ) :

« N'ayant jamais reconnu l'annexion des pays baltes, la France n'a, à aucun moment, reconnu un quelconque transfert de propriété de ces immeubles à l'Union soviétique. En outre, c'est sans succès que la France a demandé dès 1991 aux autorités russes de remettre les clés des immeubles afin de permettre aux États baltes redevenus indépendants de retrouver la jouissance de leurs propriétés. En continuant à occuper sans aucun titre ces immeubles dont les États baltes n'ont jamais cessé, en droit, d'être propriétaires, la Fédération de Russie, État successeur de l'URSS, porte la responsabilité première de ce contentieux. »

Le ministre reconnaissait toutefois « qu'une considération strictement juridique de ce contentieux ne saurait seule permettre d'avancer vers une solution. De fait, même une décision de justice en faveur des États baltes se heurterait à l'immunité d'exécution dont pourrait toujours se prévaloir la Russie. »

Ainsi la France a-t-elle accepté d' agir en faveur du règlement de ce différend , en intervenant régulièrement auprès de la Russie d'une part, et en permettant l' installation provisoire des nouvelles ambassades baltes à Paris dans des locaux dont elle a pris en charge, depuis 1991, le loyer et les charges locatives.

Les trois ambassades baltes ont ainsi pu fonctionner dans un immeuble situé 14, boulevard Montmartre, dans le 9 ème arrondissement.

En 1997, la Lettonie a installé son ambassade dans un immeuble acquis 6, villa Saïd, dans le 16 ème arrondissement, dont elle assure depuis lors la charge. Il en va de même, depuis 1999, de l'Estonie, dont l'ambassade est installée 46, rue Pierre Charon, dans le 8 ème arrondissement. La Lituanie est la dernière à avoir quitté les locaux loués par la France et son ambassade est désormais située 22, boulevard de Courcelles dans le 17 ème arrondissement.

Toutefois, les solutions mises en oeuvre pour l'installation provisoire n'étaient en rien alternatives au règlement juridique du dossier.

Face au blocage persistant de la situation, les autorités françaises ont pris l'initiative de proposer un schéma global de règlement dont les accords aujourd'hui soumis au Parlement constituent le premier volet.

II. LES ACCORDS FRANCO-BALTES ET LE SCHÉMA GLOBAL DE RÈGLEMENT DU DOSSIER DES LÉGATIONS BALTES

Bien que n'étant pas directement partie à ce différend, comme elle a constamment pris le soin de le rappeler, la France a souhaité contribuer activement à la recherche d'une solution pour résoudre ce dossier qui, de facto, pesait sur ses relations avec les trois Etats baltes, futurs membres de l'Union européenne.

Le secrétaire général du Quai d'Orsay a proposé, lors d'un entretien le 11 avril 2001 avec l'ambassadeur de Russie et ses trois collègues baltes, un schéma permettant la résolution définitive de ce dossier . Il a été convenu que chacune des parties consentirait à des efforts substantiels dans les domaines juridique, financier et budgétaire, pour aider à la solution de ce dossier.

La proposition française « d'opération triangulaire » a été inspirée du précédent suisse (achat par Berne à la Lettonie en 1994 du titre de propriété de son ancienne légation auprès de la SDN à Genève, occupée par la Russie, puis échange de ce titre de propriété avec la Russie contre celui de la résidence helvétique à Moscou).

Sur ce modèle, la France s'est engagée à acquérir la propriété des immeubles des trois légations baltes à Paris en échange d'une contrepartie financière, pour solde de tout compte.

A l'occasion de la visite d'Etat du Président de la République dans les pays baltes en juillet 2001, les autorités françaises et celles des trois pays sont parvenues à un accord sur le montant de la contrepartie qui sera versée par la France en échange des droits de propriété des bâtiments concernés.

Dans les six mois suivant l'entrée en vigueur des accords conclu le 13 décembre 2001 avec les Etats baltes, la France deviendra propriétaire des trois bâtiments des anciennes légations baltes à Paris, que la Russie occupe sans titre.

Le deuxième volet de cette « opération triangulaire », dont la négociation avec la Russie est en voie d'aboutir, consiste à obtenir de cette dernière une contrepartie financière portant sur la résidence de France à Moscou (Maison Igoumnov).

A. LES ACCORDS ENTRE LA FRANCE ET LES TROIS ETATS BALTES

Les trois accords signés simultanément à Paris le 13 décembre 2001 entre la France et la Lettonie, la France et la Lituanie, la France et l'Estonie sont bâtis sur un même modèle . Il s'agit donc de trois textes pratiquement identiques et extrêmement brefs puisqu'ils ne comportent que 4 articles.

En préambule, les accords reconnaissent aux Etats baltes la propriété des immeubles abritant leur légation respective , constatent leur occupation sans titre par « le représentant diplomatique d'un Etat tiers » et affirment la volonté des parties d'apporter « une solution à la privation de jouissance » de ces immeubles par leur légitime propriétaire.

Par l'article 1 er de chacun des trois accords, la France s'engage à acquérir la propriété de ces immeubles dans un délai de six mois à compter de leur entrée en vigueur.

L'article 2 consacre l'engagement de chacun des Etats baltes à céder la propriété des immeubles à la France dans le même délai. Il fixe également le montant de la « contrepartie financière » à la charge de la France :

- 3 963 674 euros pour l'immeuble de la légation de Lettonie,

- 3 506 327 euros pour celui de la légation de Lituanie,

- 3 917 939 euros pour celui de la légation d'Estonie.

Dans les trois cas, un premier versement de 1 524 450 euros doit être effectué dès la conclusion du contrat de vente, le solde étant acquitté dans un délai d'un an à compter du premier jour de l'année civile suivant le jour d'entrée en vigueur de l'accord (c'est-à-dire le 1 er janvier 2004 si l'accord entre en vigueur en 2003).

Le montant de la « contrepartie financière » a été établi en déduisant de la valeur des immeubles, évaluée par les services fiscaux, les loyers versés par la France pour l'installation provisoire des ambassades des pays baltes à Paris depuis 1991. Il tient compte également de certaines demandes spécifiques et du préjudice subi depuis la seconde guerre mondiale.

L'article 3 des accords franco-estonien et franco-letton stipule que la France prend en charge les éventuels frais d'actes, droits et taxes liées au transfert de propriété de l'immeuble. L'article 3 de l'accord franco-lituanien prévoit qu'un contrat de vente sera conclu dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de l'accord.

L'article 4 de chacun des trois accords détermine les conditions d'entrée en vigueur, les accords prenant effet le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception, par le premier Etat à avoir ratifié, de la notification de la ratification par l'autre Etat.

B. LE VOLET FRANCO-RUSSE DE LA NÉGOCIATION

En prenant à sa charge l'indemnisation des Etats baltes, la France doit obtenir en contrepartie une compensation financière de la Russie , selon le principe même du schéma « triangulaire » proposé au printemps 2001.

Sans rejeter le principe de ce schéma, sur l'idée duquel elle avait été associée au printemps 2001, la Russie n'en avait pas pleinement approuvé les modalités de mise en oeuvre, qui restaient donc largement à définir.

La difficulté est venue du fait que deux négociations ont été menées en parallèle, l'une avec les pays baltes, qui a abouti rapidement, l'autre, plus lente, avec la Russie. Cette dernière considérait d'une certain manière que l'accord réalisé entre la France et les pays baltes ne l'obligeait en rien à accepter d'emblée les compensations demandées par la France, celles-ci ayant vocation à être discutées.

Sur un plan politique, la question de l'adhésion des Etats baltes à l'Union européenne, et surtout à l'OTAN, est devenue moins sensible pour la Russie dès lors que celle-ci s'est finalement rangée, par réalisme, à cette nouvelle donne. Dans ce cadre, Moscou pouvait également souhaiter résoudre, à propos des légations baltes à Paris, un différend certes ponctuel, mais pesant négativement sur ses relations avec les trois pays concernés.

Sur un plan pratique cependant, le ministère des affaires étrangères russe entendait défendre pleinement ses intérêts financiers, et ne pouvait renoncer à l'argumentation développée des années durant en vue de légitimer l'occupation des immeubles contestés.

La proposition initiale de la France consistait à échanger avec la Russie les titres de propriété des légations baltes contre un titre de propriété équivalent, en l'occurrence la résidence de notre ambassadeur à Moscou, la maison Igoumnov. La partie russe s'est montrée très réservée sur cette solution, invoquant l'appartenance de cette résidence au patrimoine national russe, ce qui ne permet pas d'envisager sa cession. Elle s'est également efforcée de lier cette question à d'autres dossiers de nature immobilière ou fiscale concernant les immeubles de ses services diplomatiques en France.

Les négociations se sont finalement orientées vers l'octroi à la France, par la Russie, d'un avantage financier prenant la forme :

- d'une réduction de loyers sur la résidence de France à Moscou,

- et, éventuellement, de la prise en charge de travaux au sein de cette même résidence.

À la date de rédaction du présent rapport, le montant global de cette compensation n'avait pas fait l'objet d'un accord définitif entre la France et la Russie, de même que sa répartition entre la réduction de loyer, qui en constituera en tout état de cause la majeure partie, et l'éventuelle prise en charge de travaux.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la partie française a demandé que le montant global de la contrepartie accordée par la partie russe s'élève à 6 millions d'euros, étant rappelé que les indemnités versées par la France aux États baltes représenteront pour leur part 11,4 millions d'euros.

III. LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LES PAYS BALTES

L'implication de la France dans le règlement du contentieux des anciennes légations contribuera à renforcer des relations politiques déjà solides, qui avaient été soulignées lors de la visite d'État du Président de la République en Lituanie, Lettonie et Estonie à l'été 2001.

Il est également souhaitable qu'avec la perspective prochaine de l'entrée de ces trois pays dans l'Union européenne, consacrée lors du Conseil européen de Copenhague, les relations économiques, actuellement modestes, s'amplifient.

DONNÉES PRINCIPALES SUR LES PAYS BALTES

LITUANIE

LETTONIE

ESTONIE

Capitale

Vilnius

Riga

Tallin

Population

3 500 000 h

81,6% de Lituaniens
8,7% de Russes
7,0% de Polonais
1,6% de Biélorusses
1,1% d'Ukrainiens

2 380 000 h

57% de Lettons
30% de Russes
4% de Biélorusses
3% de Polonais
3% d'Ukrainiens
2% de Lituaniens

1 366 000 h

68% d'Estoniens
26% de Russes

Superficie

65 200 km²

64 600 km²

45 227 km²

PIB/habitant

6 860 €

2 760 €

8 925 €

A. LES RELATIONS FRANCO-LITUANIENNES

La France entretient des relations de qualité avec la Lituanie, le plus peuplé des trois pays baltes, comme en témoigne la fréquence des contacts politiques bilatéraux.

La Lituanie vient de connaître une alternance au sommet de l'État lors de l'élection présidentielle du 22 décembre 2002 qui a vu la victoire, avec 54,9% des voix de M. Rolandas Paksas, ancien premier ministre et leader du parti libéral démocrate, face au président sortant Valdas Adamkus. Le nouveau chef de l'État est issu d'une formation minoritaire au Parlement, le Seimas étant dominé par une coalition de gauche soutenant le gouvernement de M. Algirdas Brazauskas, leader du parti social-démocrate, ancien président du parti communiste lituanien et ancien président de la République. La Lituanie possède un régime parlementaire dans lequel les prérogatives du président de la république se limitent à la politique étrangère, à la défense et à la nomination à certains emplois.

Ces évolutions politiques intérieures ne remettent pas en cause la continuité qui inspire la politique de la Lituanie depuis plusieurs années, qu'il s'agisse, sur le plan international, de l'adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne, acceptées lors du sommet de Prague de novembre dernier et du Conseil européen de Copenhague en décembre, ou sur le plan économique, des réformes structurelles visant à libéraliser l'économie, notamment grâce aux privatisations.

Dans un contexte de forte relance de la croissance (5,7% en 2001) et de réduction des déficits publics, les échanges économiques avec la France se sont développés. La France, 9 ème client de la Lituanie et 5 ème fournisseur, a vu sa part de marché doubler en cinq ans, passant de 2% en 1996 à 4% en 2001. Les investissements français demeurent cependant modestes, notre pays ne se situant qu'au 15 ème rang avec environ 60 compagnies implantées et un stock d'investissements évalué à 50 millions d'euros. Cette situation devrait évoluer après le succès remporté par le chauffagiste français Dalkia dans l'appel d'offre sur la rénovation du réseau de chauffage de la ville de Vilnius, qui devrait entraîner 150 millions d'euros d'investissements sur 15 ans.

La coopération franco-lituanienne est axée sur la reprise par ce pays de l'acquis communautaire, notamment en matière juridique et policière, ainsi que dans le domaine des transports.

Des trois pays baltes, la Lituanie est sans doute celui dont la proximité culturelle avec la France est la plus forte, comme en témoigne le statut d'observateur dans les institutions de la francophonie. Un effort particulier est donc effectué en direction de la promotion du français, notamment vis à vis des fonctionnaires lituaniens.

B. LES RELATIONS FRANCO-LETTONES

Les élections législatives du 5 octobre 2002 en Lettonie ont été marquées par le succès d'une nouvelle formation politique dirigée par l'ancien gouverneur de la banque centrale, M. Repse, la domination globale du centre-droit et de la droite n'étant pas remise en cause. Avec près de 20% des suffrages, le parti défendant les intérêts de la minorité russophone a également effectué une percée. On rappellera qu'à l'indépendance du pays, seuls les habitants de la Lettonie avant la seconde guerre mondiale et leurs descendants avaient été autorisés à acquérir la nationalité lettone. Depuis lors, la législation a été progressivement assouplie, mais aujourd'hui encore, environ 58% des 750 000 habitants d'origine russe ne peuvent accéder à la citoyenneté lettone et ne peuvent donc participer aux scrutins.

Avec une croissance de 6,6% en 2000 et de 7,6% en 2001, la Lettonie possède des indicateurs macro-économiques parmi les meilleurs de tous les prochains pays membres de l'Union européenne, d'autant que l'inflation ne dépasse pas 3% et que le taux de chômage est inférieur à 8%.

Bien qu'en progression, les échanges franco-lettons demeurent modestes, la France n'étant que le 12 ème fournisseur avec une part de marché de 3%. Les investissements français sont pour l'instant limités, mais pourraient se développer à la faveur des privatisations dans le secteur énergétique.

Un accord de coopération culturelle, éducative, technique, scientifique et technologique entre la France et la Lettonie a été signé en avril 1997 et un nouveau centre culturel français doit être prochainement construit à Riga. En dépit de l'absence de tradition francophone, près de 8 000 élèves lettons apprennent aujourd'hui le français, un programme de formation au français de fonctionnaires lettons ayant par ailleurs été mis en place dans la perspective de l'adhésion à l'Union européenne.

Les autres domaines de coopération concernent l'agriculture, la santé (formation de médecins hospitaliers), la police et l'administration.

C. LES RELATIONS FRANCO-ESTONIENNES

Dotée d'un régime parlementaire, l'Estonie a connu depuis l'indépendance la succession de nombreux gouvernements. Depuis un peu plus d'un an, le gouvernement associe une formation social-démocrate (parti du Centre) et une formation de droite (parti de la Réforme), alors que le Parlement doit être renouvelé lors des élections législatives de mars 2003.

L'Estonie a réussi son passage d'une économie centralisée à une véritable économie de marché viable et performante, notamment grâce à un programme de privatisations désormais achevé. La croissance économique s'élevait à 6,9% en 2000 et 5,4% en 2001, dans un contexte d'inflation relativement modérée et de stabilité de la monnaie.

Les échanges franco-estoniens ont enregistré une forte progression en 2000 et 2001 mais demeurent modestes, la France n'étant que le 11 ème fournisseur avec une part de marché de 2,4%. De même, les investissements français ne représentent que 0,9% du stock d'investissements étrangers, un accroissement étant espéré avec les perspectives existant dans les domaines de l'énergie et des transports ferroviaires.

En matière de coopération bilatérale, priorité a été donnée à l'appui au processus d'adhésion à l'Union européenne (jumelages institutionnels, réforme de l'administration publique, formation des fonctionnaires), à la promotion de l'expertise française dans les domaines de la police, de la justice, des affaires sociales et de l'agriculture, et à la formation au français de fonctionnaires.

CONCLUSION

La signature prochaine, du moins faut-il l'espérer, d'un accord intergouvernemental entre la France et la Russie permet de disposer désormais de l'ensemble des éléments nécessaires pour apprécier les conditions de règlement du contentieux des légations baltes.

Il apparaît en premier lieu que la France a joué un rôle particulièrement important pour la résolution de ce litige qui ne la concernait pas directement.

Il faut souligner son implication politique, par ses démarches auprès de la Russie et son initiative d'un schéma global réglant le dossier, mais aussi l'effort financier qu'elle consent, puisqu'elle supportera finalement près de la moitié du coût de l'indemnisation des États baltes, le restant étant à la charge de la Russie.

On peut se réjouir qu'à travers les accords signés par la France soit enfin résolue une question lancinante qui nous renvoyait à des épisodes particulièrement douloureux de l'histoire de l'Europe.

En contribuant à résoudre un contentieux russo-balte, les trois accords soumis à l'examen du Parlement influeront également positivement sur nos relations bilatérales avec la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie. Ces relations étaient déjà de bonne qualité, quoique encore modestes sur le plan économique. Il était nécessaire de les renforcer à l'heure où les pays baltes se préparent à nous rejoindre au sein de l'Union européenne.

Votre commission vous propose en conséquence d'adopter les trois projets de loi autorisant l'approbation des accords signés le 13 décembre 2001 entre la France d'une part, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie d'autre part, et portant sur le statut des immeubles de leurs anciennes légations à Paris.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné la présent rapport lors de sa séance du 5 février 2003.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin a demandé des précisions sur les perspectives d'aboutissement des négociations franco-russes en vue d'un règlement définitif du contentieux.

Il a également interrogé le rapporteur sur l'évolution des relations entre la Russie et les États baltes.

M. Louis Moinard a évoqué la question de l'accès de la Russie à la mer Baltique, et notamment la situation de l'enclave de Kaliningrad.

En réponse à ces interventions, M. André Boyer, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- l'accord en cours de négociation avec la Russie devrait permettre à la France d'obtenir de la Russie une compensation financière en contrepartie de l'indemnisation des États baltes. Le gouvernement a prévu d'inscrire les projets de loi autorisant l'approbation des accords avec les États baltes à l'ordre du jour du Sénat, postérieurement à la finalisation de l'accord avec la Russie. Les conditions globales de règlement définitif du contentieux seront ainsi pleinement connues ;

- la présence d'une forte minorité russophone en Lettonie et en Estonie et le souhait des trois États baltes d'intégrer l'OTAN constituaient les deux difficultés majeures pesant sur les relations entre la Russie et les États baltes. Ces deux difficultés sont en voie d'atténuation, l'intégration des populations russophones s'améliorant avec le temps alors que la Russie a désormais accepté la nouvelle donne issue de l'élargissement de l'OTAN ;

- la Russie demeure préoccupée par l'obligation de faire transiter par les pays baltes bon nombre de ses produits d'exportation ou d'importation acheminés par voie maritime dans la mer Baltique. Elle projette le renforcement de ses installations portuaires sur ses propres côtes, ces dernières étant toutefois bloquées par le gel une partie de l'année. La question de l'accès à Kaliningrad à partir de la Russie n'est en outre toujours pas pleinement résolue.

A la suite de ce débat, la commission a adopté les trois projets de loi.

PROJETS DE LOI

(Textes adoptés par l'Assemblée nationale)

1° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie.

Article  unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris, signé à Paris le 13 décembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

2° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris.

Article  unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris, signé à Paris le 13 décembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. 3 ( * )

3° Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l'indemnisation de la République d'Estonie pour l'immeuble de son ancienne légation à Paris.

Article  unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l'indemnisation de la République d'Estonie pour l'immeuble de son ancienne légation à Paris, signé à Paris le 13 décembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. 4 ( * )

* 1 Voir Journal officiel - Questions parlementaires Sénat - 6 avril 2000, pp. 1236 et 1237.

* 2 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 150 (12 ème législature)

* 3 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 151 (12 ème législature)

* 4 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 152 (12 ème législature).

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