C. LE CONTRÔLE LÉGAL DES COMPTES

Le présent projet de loi comprend de très nombreuses dispositions visant à renforcer la déontologie et l'indépendance des commissaires aux comptes, en premier lieu par l'institution d'un contrôle externe à cette profession sous la forme d'un Haut conseil du commissariat aux comptes. Ces dispositions interviennent à la suite d'initiatives prises, depuis plusieurs années, par la profession.

1. Les initiatives des professionnels

De même que les entreprises, qui ont engagé une réflexion depuis de nombreuses années sur le meilleur moyen de mettre en oeuvre une gestion moderne et plus transparente des sociétés, les commissaires aux comptes, qui font l'objet d'une réglementation contraignante, ont cherché à renforcer leurs normes professionnelles et leurs règles déontologiques.

Ils ont ainsi créé le comité d'examen national d'activité (CENA) qui est une émanation de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et qui contrôle les commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne. Le programme de contrôle du CENA est établi conjointement avec la COB. Le CENA publie un rapport d'activité annuel.

Ils ont également créé, par un accord du 2 février 1999, le comité de déontologie de l'indépendance (CDI) des commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne. La mise en place de ce comité figurait parmi les recommandations présentées, en décembre 1997, par le groupe de travail de M. Yves Le Portz sur l'indépendance des commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne.

2. La création d'une autorité de surveillance extérieure à la profession : le Haut conseil du commissariat aux comptes

L' article 61 du présent projet de loi propose de créer un Haut conseil, institué auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, présidé par un membre de la Cour de Cassation, et comprenant douze membres dont une minorité de commissaires aux comptes (trois magistrats, le président de l'Autorité des marchés financiers ou son représentant, un représentant du ministre chargé de l'économie, un professeur des universités, trois personnalités qualifiées dans les matières économique et financière, trois commissaires aux comptes).

Le Haut conseil a pour mission d'assurer la surveillance de la profession , avec le concours de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes.

Il est également chargé de veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance de la profession, et de définir les bonnes pratiques professionnelles, d'organiser des contrôles périodiques, d'émettre un avis sur les normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes avant leur homologation par arrêté du garde des sceaux et enfin d'assurer l'inscription et, comme instance d'appel, la discipline des commissaires aux comptes.

La Compagnie nationale des commissaires aux comptes reçoit par ailleurs une consécration législative. Instituée auprès du garde des sceaux, elle est qualifiée d'établissement d'utilité publique, dotée de la personnalité morale, et chargée de représenter la profession de commissaire aux comptes auprès des pouvoirs publics. Elle concourt au bon exercice de la profession, à sa surveillance, ainsi qu'à la défense de l'honneur et de l'indépendance de ses membres ( article 61 ).

3. De nouvelles modalités de contrôle et une simplification des procédures disciplinaires

Aujourd'hui, le contrôle des commissaires aux comptes, qui consiste en un examen national d'activité des commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne, est effectué par le comité d'examen national d'activité (CENA), émanation de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes.

Les modalités de contrôle sont modifiées ( article 61 ) : le Haut conseil exercerait des contrôles périodiques de l'activité professionnelle des commissaires aux comptes, la Compagnie nationale continuant cependant d'exercer des contrôles occasionnels. Par ailleurs, il est précisé que la Compagnie nationale procède, en collaboration avec l'Autorité des marchés financiers, aux contrôles des commissaires aux comptes des personnes faisant appel public à l'épargne.

De surcroît, deux autorités pourront faire diligenter une inspection, distincte du contrôle : le garde des sceaux avec le concours notamment de l'Autorité des marchés financiers et de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, et l'Autorité des marchés financiers pour les personnes faisant appel public à l'épargne, avec le concours de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Si de cette inspection découlent des suites disciplinaires, le président de l'Autorité des marchés financiers ou son représentant ne siège pas lors de l'instance disciplinaire.

S'agissant des normes professionnelles, dites « normes d'audit », des règles plus simples sont prévues. Aujourd'hui, les normes professionnelles sont préparées, examinées et débattues au sein d'un comité constitué de commissaires aux comptes et mis en place par la Compagnie nationale, avec la collaboration des compagnies régionales. Désormais, le Haut conseil sera chargé d'émettre un avis sur les normes d'exercice professionnel élaborées par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes avant leur homologation par arrêté du garde des sceaux.

S'agissant des moyens , le Haut conseil, pour remplir au mieux sa mission, pourra constituer en son sein des commissions consultatives et s'adjoindre des experts. Par ailleurs, les crédits nécessaires au fonctionnement du Haut conseil seront inscrits au budget du ministère de la justice, ce qui, sur ce plan, ne traduit pas un niveau élevé d'autonomie ...

Enfin, une refonte et une simplification des dispositions relatives à l'inscription des commissaires aux comptes sont proposées. Le recours contre les décisions de la chambre régionale de discipline peut être exercé devant le Haut conseil du commissariat aux comptes, à l'initiative des autorités de saisine ou du professionnel intéressé ( article 64 ).

4. Des règles déontologiques renforcées et des obligations nouvelles

Il est proposé d'interdire au commissaire aux comptes chargé de certifier les comptes d'une société de fournir toute prestation de service, notamment de conseil, avis ou recommandation , à cette société ou aux personnes qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par elle. Seules les diligences directement liées à la mission sont autorisées ( article 65 ).

Cette disposition introduit une séparation stricte entre la certification des comptes et toutes les autres prestations de service , qui sont désormais interdites, sauf dans le cadre de la mission de certification.

L'interdiction s'étend au réseau des commissaires aux comptes pour la société qui fait l'objet de la certification. Nul commissaire aux comptes d'un réseau national ou international ne peut certifier les comptes d'une société si le réseau auquel il appartient fournit à cette société des prestations de service, en dehors des diligences directement liées à la mission. Le Haut conseil du commissariat aux comptes est chargé d'apprécier ces diligences.

Il est également proposé d'interdire au commissaire aux comptes, personne physique, ainsi qu'au membre signataire d'une société de commissaire aux comptes, de certifier pendant plus de six exercices consécutifs , les comptes des personnes morales faisant appel public à l'épargne. Ces dispositions ne seraient applicables qu'à compter de la troisième année suivant la date de promulgation de la loi ( article 73 ).

La non-coïncidence des mandats en matière de co-commissariat aux comptes , c'est-à-dire le fait que le mandat du deuxième commissaire aux comptes ne peut se recouper avec le mandat du premier sur une période supérieure à trois ans, deviendrait la règle. Par ailleurs, les deux commissaires aux comptes devraient examiner ensemble de manière contradictoire les conditions et les modalités d'établissement des comptes ( article 65 ).

La nomination comme commissaire aux comptes de professionnels chargés, au cours des deux derniers exercices, de vérifier les opérations d'apports ou de fusion d'une société anonyme ou des sociétés que celle-ci contrôle, serait interdite ( article 70 ).

Le montant des honoraires versés à chacun des commissaires aux comptes est mis, au siège de la personne contrôlée, à disposition des associés et actionnaires et, pour les associations, des adhérents et donateurs ( article 68 ).

De nouvelles dispositions sont prévues pour la désignation des commissaires aux comptes : ils sont proposés à la désignation de l'assemblée générale par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance. Pour les sociétés faisant appel public à l'épargne, ne prennent pas part au vote sur le choix des commissaires aux comptes : le directeur général et le directeur général délégué, s'ils sont administrateurs ; les administrateurs liés par un contrat de travail à la société ou à une société la contrôlant ou à toute société contrôlée directement ou indirectement par elle ( article 66 ).

Enfin, les commissaires aux comptes de sociétés faisant appel public à l'épargne pourront interroger l'Autorité des marchés financiers sur toute question soulevée dans l'exercice de leur mission, et susceptible d'avoir un effet sur l'information financière de la société. Par ailleurs, les commissaires aux comptes de sociétés faisant appel public à l'épargne informent l'Autorité de tout fait ou décision entraînant le refus de certification des comptes ( article 72 ).