Rapport n° 398 (2004-2005) de M. Alain MILON , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 15 juin 2005

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N° 398

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 juin 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , portant réforme de l' adoption ,

Par M. Alain MILON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2195 , 2231 et T.A. 418

Sénat : 300 (2004-2005)

Enfants.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Après les lois fondatrices des 22 décembre 1976, 5 juillet 1996 et 6 février 2001 relatives au droit de l'adoption, la proposition de loi présentée par Yves Nicolin, député et président du conseil supérieur de l'adoption, s'attache à moderniser l'organisation institutionnelle et administrative de l'adoption.

En effet, le système français en la matière n'a guère fait la preuve de son efficacité. Le nombre des candidats à l'adoption agréés durant l'année 1992 par les départements atteignait 5.928, soit un stock de 13.428 agréments en cours de validité. En 2003, ces deux chiffres s'établissaient respectivement à 8.029 et 24.772. A l'heure actuelle, près de 25.000 candidats sont en attente d'un enfant à adopter. Environ 8.000 nouveaux agréments sont accordés chaque année et l'écart entre le nombre d'agréments valides et le nombre d'enfants effectivement adoptés ne cesse de se creuser.

En 2004, 5.000 adoptions ont été réalisées, dont près de 4.000 à l'étranger (contre 935 en 1980 et 1.988 en 1985). Ce nombre est à rapprocher des 45.000 enfants concernés chaque année par l'adoption internationale.

Toutefois, il convient de rappeler que plusieurs pays se sont fermés ou ont été fermés à ces pratiques, notamment le Cambodge et la Roumanie, en raison du comportement de certaines familles prêtes à adopter à tout prix et d'orphelinats guidés par des intérêts qu'il n'était pas faux de qualifier de mercantiles.

Parallèlement, le nombre d'adoptions d'enfants français ne cesse de diminuer : il s'établit désormais à un millier.

L'organisation « à la française » des procédures d'adoption paraît donc aujourd'hui inapte à faire face aux besoins, tant au niveau des départements que des intervenants servant d'intermédiaire avec les autorités étrangères.

Afin d'augmenter, dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, le nombre d'adoptions réalisées par des ménages français, la proposition de loi poursuit la réforme de notre système d'adoption sur deux axes :

- l'amélioration des procédures d'agrément au niveau départemental avec la mise en place d'un document homogène et plus précis pour les autorités des pays d'origine ;

- la rationalisation des démarches individuelles par la mise en place d'une agence nationale de l'adoption (AFA), avec pour mission de conseiller et d'accompagner les familles qui ne passent actuellement pas par l'intermédiaire d'un organisme agréé pour l'adoption (OAA).

Lors de son examen par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, le texte s'est enrichi d'un troisième axe de réforme en vue de développer, via la déclaration judiciaire d'abandon prévue par l'article 350 du code civil, l'adoption des pupilles de l'État.

Votre commission salue cette initiative parlementaire dont elle approuve très largement l'esprit et le contenu. Elle souhaite la mise en place rapide des dispositions proposées, afin de répondre au plus vite à l'attente des milliers d'enfants abandonnés en France comme à l'étranger et à celle des nombreux candidats qui ont satisfait aux exigences des départements et espèrent se voir confier un enfant.

Notre pays avancera ainsi plus avant dans la voie tracée par la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et la convention de La Haye du 29 mai 1993 relative à la coopération en matière d'adoption internationale, ratifiée par la France en 1995, qui ont retenu, dans l'intérêt de l'enfant, le principe d'une double subsidiarité : le maintien dans la famille biologique prime sur l'adoption et, dans ce dernier cas, l'adoption interne doit être préférée à l'adoption internationale.

I. UN SYSTÈME COMPLEXE QUI A MONTRÉ SES LIMITES

Le système français d'adoption repose sur une organisation départementale, qui introduit des différences de traitement entre les candidats, et une multiplicité d'intervenants qui nuit à son efficacité au regard des exigences croissantes des pays d'origine.

A. UNE ORGANISATION DÉPARTEMENTALE SOURCE D'INÉGALITÉS

1. Des différences considérables entre les départements...

La première formalité à laquelle doivent se soumettre les candidats à l'adoption consiste en l'obtention d'un agrément délivré par le président du conseil général de leur département de résidence.

Les postulants sont soumis à une enquête minutieuse sur leur environnement, leur projet d'adoption, leurs capacités à accueillir un enfant, ainsi qu'à une évaluation psychologique parfois mal vécue. En général, les équipes qui en sont chargées appartiennent au service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Les dossiers sont ensuite visés par la commission départementale d'adoption, qui émet un avis que le président du conseil général n'est pas contraint de suivre (environ 8 % des agréments sont délivrés avec un avis réservé ou négatif de la commission).

Chaque département est donc libre de fixer, dans certaines limites, ses propres critères. Dans les faits, le nombre de refus d'agrément est ainsi très variable d'un département à l'autre, ce qui donne aux candidats le sentiment d'une inégalité de traitement en fonction de leur provenance géographique.

En outre, le contenu et la forme de l'agrément sont eux-mêmes différents et plus ou moins précis, notamment en ce qui concerne la transcription de l'enquête psychologique 1 ( * ) .

Enfin, certains départements ne fournissent pas, en sus du document d'agrément, les renseignements supplémentaires relatifs au projet d'adoption des candidats. Cette lacune apparaît contraire à l'article 15 de la convention de La Haye, qui stipule que l'État d'accueil doit fournir des renseignements sur les enfants que le requérant serait apte à prendre en charge.

2. ... qui suscitent l'incompréhension des pays d'origine

Ces procédures non normalisées suscitent, très légitimement, les réactions mitigées des pays d'origine des enfants lorsqu'ils reçoivent des candidats français dont les agréments varient considérablement dans leur forme, leur contenu et leurs critères d'obtention.

Ils regrettent également, pour la plupart, l'insuffisant degré de précision des informations relatives aux candidats et à leur projet (nombre d'enfants, âge, etc.). A titre d'illustration, les autorités colombiennes font systématiquement refaire l'enquête psychologique, notamment lorsqu'elle a été établie par un psychiatre qui, secret professionnel oblige, ne rend pas publics les éléments qui lui ont permis d'aboutir à ses conclusions.

Cette situation nuit donc à la crédibilité des candidats français dans les pays étrangers.

B. L'ADOPTION INTERNATIONALE : UN PARCOURS DU COMBATTANT

1. Des intervenants multiples

Le contexte français de l'adoption internationale se caractérise par un grand nombre d'acteurs, source de complication pour les candidats et handicap pour la France vis-à-vis des pays d'origine des enfants.

Le Conseil supérieur de l'adoption et l'autorité centrale pour l'adoption internationale

Ces deux instances ont un rôle de réflexion et de prospective s'agissant de la politique menée par la France en matière d'adoption.

Le Conseil supérieur de l'adoption (CSA), qui rassemble les divers acteurs de l'adoption (OAA, juristes, représentants des ministères concernés, associations de parents adoptifs, etc.) a pour rôle de réfléchir à la politique de la France sur cette question et de proposer des améliorations institutionnelles et législatives.

L'autorité centrale pour l'adoption internationale, régie par le décret n° 98-863 du 23 décembre 1998, concourt à la définition de la politique de coopération internationale dans le domaine de l'adoption d'enfants étrangers. Elle exerce à ce titre les missions générales de collaboration, d'information réciproque et de prévention des pratiques contraires à la convention de La Haye. Elle regroupe les ministères chargés de la justice, des affaires étrangères et de la famille.

La mission de l'adoption internationale (MAI)

Attachée au ministère des affaires étrangères, la MAI exerce depuis 1986 les missions suivantes au titre de la responsabilité de l'État en matière d'adoption internationale :

- centraliser et diffuser l'information aux familles, via une cellule d'accueil (2.000 visiteurs, 20.000 demandes de renseignement par courrier ou courriel et 100.000 appels téléphoniques par an) et un site Internet (80.000 interrogations par mois, jusqu'à 120.000 lors de la survenance du tsunami en Asie du Sud-Est) ;

- contrôler les organismes autorisés pour l'adoption (OAA), les subventionner et les habiliter à exercer dans les pays ;

- assurer le secrétariat de l'autorité centrale pour l'adoption internationale ;

- être l'interlocuteur permanent des autorités étrangères chargées de l'adoption internationale ;

- enfin, contrôler la légalité des procédures en autorisant ou non la délivrance des visas « long séjour adoption » par les services consulaires.

En outre, au titre du rôle qui lui a été dévolu en application de la convention de La Haye, la MAI est chargée de transmettre à ses homologues étrangers les dossiers des candidats à l'adoption qui ne souhaitent ou ne peuvent pas passer par des OAA.

Son double rôle confronte la MAI à un conflit d'attribution. En effet, le fait qu'elle puisse elle-même transmettre des dossiers individuels la place en position de concurrence avec les OAA qu'elle contrôle par ailleurs.

Enfin, les moyens humains mis à sa disposition sont en priorité affectés vers le traitement des dossiers (10.000 par an pour 4.000 adoptions réalisées), au détriment des actions de coordination avec les OAA, les associations de parents adoptifs, les autorités centrales étrangères et les postes consulaires français.

Les organismes autorisés pour l'adoption (OAA)

Les OAA sont des associations régies par la loi de 1901. Ils sont habilités par la MAI pour agir dans certains départements et dans un à trois pays étrangers.

Les OAA sont aujourd'hui extrêmement sélectifs dans le choix des dossiers qu'ils acceptent de traiter. Leurs exigences sont nombreuses (localisation géographique du couple dans le département, refus des candidats célibataires, etc.), leurs ressources bénévoles insuffisantes (il leur est interdit de facturer leurs services aux candidats avant l'acceptation de leur dossier, malgré le fort taux d'abandon, et le coût d'une installation dans un pays étranger revient à 5.000 euros) et leur homologation limitée en France comme à l'étranger.

En outre, la majorité d'entre eux souhaite rester des associations à taille humaine, ce qui explique le paysage morcelé des OAA français, par comparaison avec d'autres pays étrangers qui disposent d'un nombre réduit d'organismes puissants, plus efficaces dans leurs liens avec les pays d'origine. A titre d'exemple, alors que les OAA français ne réalisent que 491 adoptions en Chine, ce nombre est supérieur à mille en Espagne.

Ainsi, la France compte près de cinquante OAA, dont seulement neuf réalisent plus de cinquante adoptions internationales par an.

En conséquence, la proportion des adoptions internationales réalisées par l'intermédiaire d'un OAA ne dépasse pas 35 à 40 % selon les années , alors que tous les états d'accueil qui ont ratifié la convention de La Haye, et au premier chef l'Italie, l'Espagne, les pays scandinaves et l'Allemagne, imposent le recours à ce type d'intermédiaire.

Compte tenu de ces difficultés, 60 % des candidats à l'adoption choisissent d'engager des démarches individuelles dont le taux de réussite est élevé mais qui sont de moins en moins appréciées par les pays d'origine et pour lesquels les parents candidats ne bénéficient d'aucun accompagnement 2 ( * ) .

Classement 2004 des organismes autorisés pour l'adoption

Rang

F(1)

Fr(2)

Et(3)

Nom de l'OAA

NB Nat

Nb Int

Nb total

Cumul

% cumulé

1

x

Médecins du monde

321

321

321

19

2

x

Rayon de soleil de l'enfant étranger

195

195

516

30

3

x

Les amis des enfants du monde

156

156

672

39

4

F

x

Enfants de Reine de miséricorde

95

95

767

45

5

x

Children of the sun

85

85

852

49

6

F

x

Orchidée adoption

73

73

925

54

7

F

x

x

La famille adoptive française

7

63

70

995

58

8

F

x

x

OEuvre adoptive lyonnaise/Lyon

3

66

69

1.064

62

9

x

De Pauline à Annaëlle

58

58

1.122

65

10

F

x

Enfance avenir

44

44

1.166

68

11

F

x

Edelweiss accueil

44

44

1.210

70

12

x

Lumière des enfants

42

42

1.252

73

13

F

x

x

Adoption des tout-petits/Lille

0

42

38

1.294

75

14

F

x

Les enfants avant tout

38

37

1.332

77

15

x

x

Vivre en famille

3

34

36

1.369

80

16

F

x

Enfants du monde - France

36

31

1.405

82

17

F

x

Adoption et parrainage/Cognac

31

28

1.436

83

18

x

Comexseo

28

27

1.464

85

19

F

x

Païdia

27

25

1.491

87

20

F

x

Accueil aux enfants du monde

25

23

1.516

88

21

F

x

x

OEuvre de l'adoption/Marseille

0

23

22

1.539

89

22

x

Passerelle

22

18

1.561

91

23

F

x

Foyer des tout petits/Montauban

18

17

1.579

92

24

F

x

Accueil et partage

17

17

1.596

93

25

F

x

x

Foyer des tout-petits/Bordeaux

0

17

17

1.613

94

26

F

x

Amadea

17

16

1.630

95

27

F

x

Emmanuel

16

11

1.646

96

28

x

Arc en ciel

11

10

1.657

96

29

F

x

Ayuda

10

6

1.667

97

30

F

x

Diaphanie

6

6

1.673

97

31

F

x

OEuvre de l'adoption/Brive

6

5

1.679

98

32

x

Solidarité fraternité

5

5

1.684

98

33

x

Terre d'espoir adoption

5

5

1.689

98

34

F

x

Renaître

5

5

1.694

98

35

F

x

Les nids de Paris

5

4

1.699

99

36

x

Kasih Bunda

4

3

1.703

99

37

F

x

x

La cause

0

3

3

1.706

99

38

F

x

Accueil sans frontières

3

3

1.709

99

39

x

Agir pour l'enfant

3

3

1.712

99

40

x

Le chemin de vie

3

3

1.715

100

41

x

Les liens du coeur

3

2

1.718

100

42

F

x

Les enfants de l'espérance

2

2

1.720

100

43

F

x

Enfants espoir du monde

2

0

1.722

100

44

x

Ti malice

0

0

1.722

100

45

F

x

Accueil et famille/Toulouse

0

0

1.722

100

46

F

x

Entraide des femmes françaises

0

0

1.722

100

47

x

SOS enfants sans frontières

0

0

1.722

100

48

x

Destinées

0

1.722

100

Total

29

14

41

Total adoptions France

40

1.682

1.722

%

60

29

85

Total adoptions par FFOAA

31

709

740

Part réalisée par la FFOAA

78 %

42 %

43 %

Chiffres communiqués par les OOA

(1) Membres de la Fédération française des OAA

Chiffres issus des statistiques MAI

(2) OAA habilités pour la France

(3) OAA habilités pour l'étranger

2. Des pays prudents et exigeants

L'origine géographique des enfants adoptés par les ménages français a beaucoup varié ces dernières années : 26 % des enfants viennent aujourd'hui d'Amérique du Sud, 27 % d'Afrique, 21 % d'Europe et 26 % d'Asie (contre 44 % il y a six ans). Les pays de naissance des enfants adoptés sont au nombre de soixante-dix-sept, au premier plan desquels figurent Haïti (507 adoptions en 2004), la Chine (491), la Russie (445), l'Éthiopie (390), le Vietnam (363) et la Colombie (314).

Ces pays, au fur et à mesure qu'ils mettent en place des législations protectrices de l'enfance et qu'ils adhèrent à la convention de La Haye, deviennent plus exigeants envers les candidats et, plus généralement, sur les procédures d'adoption.

Ils marquent ainsi une nette préférence pour les adoptions réalisées via un intermédiaire institutionnel, un OAA ou un organisme national comme il en existe par exemple en Italie. En Chine et en Éthiopie, les démarches individuelles sont interdites. Elles sont très difficiles en Russie et en Bulgarie. Le nombre de pays qui modifient leur législation dans ce sens va croissant, afin de se prémunir contre les dérives dont les adoptants et les adoptés peuvent être victimes dans le cas d'une adoption par la voie individuelle.

En ce qui concerne le choix des candidats, ils posent également de nombreuses conditions en matière d'écart d'âge maximal entre l'adopté et l'adoptant (trente-cinq ans en Colombie, trente-huit ans à Madagascar), de composition de la famille adoptante (pas de concubins en Russie, de famille trop nombreuse à Madagascar, dix ans de mariage au moins à Haïti), de religion (recommandation d'un prêtre ou d'un pasteur à Madagascar) ou de revenus (minimum de 800 euros mensuels par membre du foyer pour la Russie).

En outre, un nombre croissant de pays attache une importance particulière à la période de suivi de l'enfant après son adoption. Or, les rapports de suivi sont loin d'être toujours établis dans notre pays et, lorsqu'ils le sont, demeurent d'une qualité très inégale. Cette désinvolture peut conduire certains pays à réduire, sinon suspendre, les adoptions par les Français.

3. Un coût prohibitif

S'ajoute à ces nombreux obstacles le coût de l'ensemble des démarches pour les candidats : la procédure, la traduction des documents, le voyage (qui suppose un congé professionnel prévu par le code du travail, mais non rémunéré), les visas, etc.

In fine , le coût total d'une adoption internationale est estimé entre 8.000 et 17.000 euros par enfant, selon les pays. Cette échelle n'est pas différente selon que les parents candidats aient fait appel aux services d'une OAA ou aient agi par leurs propres moyens. En effet, de nombreux orphelinats se livrent une surenchère à l'égard des personnes qui ne sont pas accompagnées par un professionnel.

C. UN NOMBRE INSUFFISANT D'ADOPTIONS NATIONALES

1. Les réticences des parents adoptants

En 2001, seuls 1.150 des 2.882 pupilles de l'État 3 ( * ) ont fait l'objet d'un placement en vue d'adoption. Cela signifie que près de 1.700 enfants n'ont pas trouvé de parents en raison de leur état de santé, de leur appartenance à une fratrie ou de leur âge (1.142 pupilles ont plus de douze ans).

Ce chiffre est particulièrement faible lorsqu'on le compare aux 1.500 adoptions nationales en Italie et surtout aux 5.000 réalisées chaque année au Royaume-Uni, soit le nombre annuel total d'adoptions en France.

Un fichier recensant les pupilles de l'État et les parents prêts à adopter des enfants « à particularité », le système d'information pour l'adoption des pupilles de l'État (SIAPE), a toutefois été ouvert récemment pour faciliter les rapprochements, à l'instar du fichier national britannique très efficace. Il peine encore malheureusement à devenir opérationnel.

En réalité, la majorité des parents candidats se tournent vers l'adoption internationale, qui leur garantit souvent de se voir confier un enfant plus jeune.

2. L'adoption nationale comme dernier recours pour les services sociaux

Le premier obstacle auquel se heurte l'adoption nationale tient au faible nombre de pupilles adoptables . Le problème est régulièrement soulevé par les associations de parents adoptifs : des enfants délaissés par leurs parents biologiques et placés sous la protection de l'aide sociale à l'enfance ne peuvent être adoptés parce qu'ils n'ont pas été légalement abandonnés, notamment par la procédure prévue à l'article 350 code civil.

Les services sociaux privilégient en effet, parfois jusqu'à l'absurde, les statuts qui maintiennent un lien entre le mineur et ses parents biologiques.

Les différents statuts juridiques des mineurs

Les mineurs peuvent être soumis à des régimes juridiques divers :

- la tutelle (articles 390 et suivants du code civil) : elle concerne le mineur dont le père et la mère sont décédés ou sont privés de l'autorité parentale et l'enfant naturel dont aucune filiation n'est établie. La tutelle comprend au moins un tuteur, pris dans la famille de l'enfant ou, à défaut, un tiers, un conseil de famille et le juge des tutelles ;

- la tutelle départementale : si la tutelle est vacante (impossibilité de désigner un tuteur et un conseil de famille), elle est confiée au département dans les conditions prévues par l'article 433 du code civil. Elle ne comporte alors pas de conseil de famille ;

- les délégations d'autorité parentale (articles 377 et suivants du code civil) : à la demande soit des parents, soit de l'aide sociale à l'enfance (ASE), du particulier ou de l'établissement ayant recueilli un mineur, le juge aux affaires familiales peut déléguer tout ou partie de l'autorité parentale à un délégataire ;

- le retrait partiel ou total de l'autorité parentale (articles 378 et suivants du code civil) : il est prononcé par le tribunal et sanctionne les parents condamnés pour un crime ou un délit commis sur leur enfant ou ceux qui mettent manifestement en danger sa santé, sa sécurité ou sa moralité. Le retrait total entraîne soit la désignation d'un tiers à qui l'enfant est provisoirement confié et qui est chargé de requérir l'organisation d'une tutelle, soit la remise du mineur à l'ASE ;

- l'enfant déclaré judiciairement abandonné (article 350 du code civil) : l'autorité parentale est déléguée à l'ASE, à l'établissement ou au particulier qui a recueilli l'enfant ou à qui il a été confié. L'enfant est admissible comme pupille de l'État. La déclaration judiciaire d'abandon ne rompt pas les liens juridiques de l'enfant avec sa famille et n'empêche pas l'établissement d'une filiation ; elle n'entraîne pas davantage l'obligation de placer l'enfant en vue de son adoption ;

- l'enfant placé en vue de l'adoption (article 351 et suivants du code civil) : quand l'enfant est juridiquement adoptable (et que son adoption est envisagée), il est remis au futur adoptant. Le placement fait obstacle au retour de l'enfant dans sa famille d'origine et fait échec à tout établissement d'une nouvelle filiation autre qu'adoptive ;

- les pupilles de l'État (articles L. 224-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles) : le mineur est placé sous le régime de la tutelle ; il a un tuteur (le préfet) et un conseil de famille comprenant des représentants du conseil général, des membres d'associations concernées par la situation et des personnalités qualifiées ;

- l'enfant faisant l'objet d'une mesure d'assistance éducative (articles 375 et suivants du code civil) : cette mesure concerne le mineur dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger ou dont les conditions d'éducation sont gravement compromises. Le mineur peut être retiré de son milieu habituel et confié à un autre parent, à un tiers digne de confiance, à un service ou un établissement sanitaire ou d'éducation ou à un service départemental de l'ASE. Toutefois, les père et mère de l'enfant ainsi confié conservent l'exercice des attributs de l'autorité parentale ;

- l'enfance délinquante (ordonnance modifiée du 2 février 1945) : le juge peut prendre des mesures de rééducation du mineur (liberté surveillée, placement hors de son milieu habituel, etc.) ;

- l'enfant provisoirement pris en charge par le service de l'ASE du département (article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles) : cette prise en charge n'entraîne par elle-même aucun effet sur le statut juridique de l'enfant.

On observe par conséquent un nombre croissant d'enfants placés sous tutelle : 2.730 en 1999, 3.995 en 2003. Or, lorsque ces enfants sont confrontés à des situations d'abandon manifeste de la part de leurs parents, il serait légitime de prononcer une décision judiciaire d'abandon afin de permettre au mineur d'accéder, le plus tôt possible, au statut plus protecteur de pupille de l'État et de lui donner la chance d'intégrer une autre famille.

II. DEUX AXES DE RÉFORME : L'ENCADREMENT DES PROCÉDURES ET L'ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES

Face à ce constat, la proposition de loi explore plusieurs pistes de réforme : un agrément plus précis et harmonisé entre les différents départements, un accompagnement renforcé des familles, un encadrement plus efficace des procédures d'adoption internationale avec la création de l'Agence française de l'adoption, enfin l'aide au développement de l'adoption d'enfants français.

A. UN AGRÉMENT AMÉLIORÉ

1. Un document unique et évolutif

L'article premier de la proposition de loi reprend l'essentiel des propositions du Conseil supérieur de l'adoption, dont un groupe de travail a travaillé sur l'agrément au cours de l'année 2003.

L'agrément sera désormais délivré par un arrêté dont la forme et le contenu seront définis par décret afin que les départements produisent un document unique plus lisible pour les pays d'origine des enfants. Il sera accordé ou refusé dans un délai de neuf mois à compter de la confirmation de la demande du candidat et non plus à partir de la date de la demande elle-même. Dans les faits, ce délai est en effet actuellement difficile à respecter, et ce d'autant que l'intéressé doit communiquer les pièces permettant l'instruction de l'agrément uniquement au moment de la confirmation de sa demande.

L'agrément devra être accompagné d'une notice précisant le projet d'adoption des candidats (nombre, âge et caractéristiques des enfants susceptibles d'être confiés), utile durant la phase d'apparentement, notamment lorsqu'elle est effectuée par des autorités étrangères qui disposeront ainsi d'informations plus complètes. Cette notice pourra être révisée à tout moment en fonction de l'évolution du projet d'adoption. Cette nouvelle formule permettra de donner un caractère plus concret à l'agrément, trop souvent perçu comme un « permis d'adopter ».

L'harmonisation des procédures sur l'ensemble du territoire exigera nécessairement un effort de formation des équipes qui en sont chargées dans les services départementaux. Il conviendra également d'envisager des regroupements régionaux lorsque le nombre d'agréments sollicités chaque année dans un département ne permet pas une véritable professionnalisation de ces équipes. Celles-ci pourront en outre s'appuyer sur un guide des bonnes pratiques qui leur sera distribué, destiné à uniformiser de la grille d'évaluation lors de la procédure d'agrément.

En ce qui concerne l'écart d'âge maximal acceptable entre l'adopté et l'adoptant, le texte n'a pas retenu la proposition du CSA tendant à instaurer un écart de quarante-cinq ans applicable au plus jeune des époux, comme c'est déjà le cas en Italie, au Danemark ou en Croatie. Les auteurs de la proposition de loi ont en effet estimé que les législations des pays d'origine, auxquels il revient d'effectuer l'apparentement, devaient s'appliquer.

2. Le renforcement du suivi des familles durant la durée de validité de l'agrément

Il est prévu que les conseils généraux proposent systématiquement aux candidats à l'adoption des réunions facultatives d'information durant la période d'agrément. Le Conseil supérieur de l'adoption avait lui-même préconisé l'assistance à des réunions obligatoires au cours de l'instruction de l'agrément afin d'informer les candidats sur les réalités de l'adoption et de les aider à construire un projet adapté à leur situation.

En effet, la procédure d'agrément se résume trop souvent à une évaluation alors que ce temps devrait être davantage utilisé par les postulants pour avancer dans leur démarche et mûrir leur réflexion sur l'adoption, ou même renoncer.

Il est ainsi apparu, lors des auditions menées par votre rapporteur, que les adoptants ne sont actuellement pas suffisamment informés sur les réalités de l'adoption et sur les répercussions qu'elle peut avoir sur leur famille.

La plupart des autres pays européens organisent déjà de telles réunions à thème, voire de véritables formations, notamment l'Espagne, le Danemark, où elles sont obligatoires, la Suède et les Pays-Bas.

Votre commission souhaite, à cet égard, que les réunions soient animées par d'autres intervenants que les seuls travailleurs sociaux, notamment par des associations de parents adoptifs qui jouent déjà de facto un rôle important en matière d'information des postulants. Cette ouverture permettrait de sortir l'information de la logique de la stricte évaluation.

B. DES ADOPTANTS MIEUX AIDÉS

1. Pallier les insuffisances des OAA et éviter les risques d'une démarche individuelle : la création de l'AFA

Pour assurer les états étrangers de la qualité du système français d'adoption internationale et aider les familles dont le dossier n'a pas été retenu par un OAA, la proposition de loi prévoit la création de l'agence française de l'adoption internationale (AFA).

Cette structure, qui remplacera la MAI dans l'essentiel de ses missions actuelles, se voit confier un rôle tant sur le plan interne qu'international.

Les missions à conduire en France se rapporteront à :

- l'information et au conseil aux familles sur l'adoption internationale ;

- la participation à la gestion du site Internet de l'autorité centrale ;

- l'aide aux familles dans la constitution de dossiers en vue d'adopter à l'étranger, notamment via le correspondant dont disposera l'AFA dans chaque département.

Les missions à mener à l'étranger la conduiront à :

- être l'interlocuteur des pays étrangers, en particulier ceux fermés aux démarches individuelles comme la Chine, la Russie, Madagascar ou Haïti ;

- mettre en place des relais locaux placés aux côtés des relais consulaires chargés des relations avec les autorités locales, du suivi des dossiers envoyés et de l'information des familles sur place ;

- rendre accessibles de nouveaux pays aux démarches individuelles. L'AFA n'a pas vocation à supprimer les démarches individuelles mais à en réduire le nombre en offrant un service supplémentaires aux adoptants, en plus de celui proposé par les OAA. Elle proposera donc une troisième voie pour l'adoption internationale.

Les OAA continueront ainsi à exister, même s'il est probable que leur nombre diminuera pour permettre la rationalisation nécessaire du paysage français de l'adoption internationale.

A la différence des OAA, l'Agence acceptera tous les dossiers sans critères discriminants mais sans apporter de garantie d'apparentement, celui-ci demeurant du choix des pays d'origine.

Avec la création de l'AFA, la MAI deviendra, au sein de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères, le secrétariat général de l'autorité centrale. Celle-ci reprendra les compétences régaliennes de la MAI qui disparaîtra : la détermination et la coordination de la politique de l'adoption internationale, la coopération avec les pays d'origine, l'habilitation et le contrôle des OAA et l'autorisation de délivrance des visas « long séjour adoption ».

Très favorable à cette mesure, votre commission vous proposera toutefois de préciser que les associations de parents adoptifs et les OAA sont membres du conseil d'administration de l'AFA et y disposent d'une voix consultative.

2. Compenser plus justement le coût d'une adoption internationale

L'article 7 de la proposition de loi reprend une disposition adoptée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, puis censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'elle n'était pas portée par un véhicule législatif adéquat.

Il a pour objet de majorer la prime à l'adoption versée aux familles à l'arrivée de l'enfant, sur le modèle de la prime à la naissance précédemment créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 lors de la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE).

Il en résultera un doublement de la prime qui devrait passer de 812,37 euros à 1.624,74 euros (chiffres 2005). Cette aide supplémentaire ne couvrira qu'une faible partie des frais engagés pour une adoption internationale, mais elle constituera un « coup de pouce » bienvenu pour les familles.

3. Poursuivre l'accompagnement après l'adoption

Afin de soutenir les familles nouvellement créées, d'assister les parents adoptants et de contrôler le bien-être des enfants adoptifs, la proposition de loi prévoit un suivi renforcé des enfants après leur adoption.

L'objectif de tenir compte à la fois des exigences des états d'origine, soucieux d'être rassurés sur le devenir de l'enfant qu'ils ont confié, du respect, par les familles adoptantes, des engagements moraux pris envers ces autorités étrangères et des règles de droit interne qui ne peuvent imposer un suivi social à une famille que si la santé, la sécurité et la moralité de l'enfant sont en danger, sous peine d'atteinte au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention européenne des droits de l'homme.

Désormais, le suivi de l'enfant s'imposera aux familles et à l'ASE ou à l'OAA compétent jusqu'au prononcé de l'adoption plénière ou à la transcription du jugement étranger. Son prolongement sera obligatoire si l'adoptant le demande, notamment s'il s'y est engagé envers l'État de naissance de l'enfant.

En accompagnant plus longtemps l'enfant, c'est aussi l'ensemble de la famille qui sera mieux soutenu dans les premières années suivant l'adoption. Il apparaît en effet indispensable que des professionnels avertis entourent la famille, souvent confrontée à des difficultés inattendues (régression infantile, maladie non diagnostiquée, rejet affectif de l'enfant, etc.), pour la rassurer et éviter une crise qui pourrait aller jusqu'à l'échec de l'adoption.

C. VERS UN DÉVELOPPEMENT DES ADOPTIONS D'ENFANTS FRANÇAIS ?

1. La modification utile de l'article 350 du code civil

A l'initiative de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales, l'Assemblée nationale a joint à la proposition de loi initiale un article visant à assouplir les critères auxquels se réfère le juge pour accepter ou refuser la demande de déclaration d'abandon d'un mineur accueilli par un particulier ou, plus généralement, par les services de l'ASE.

Ainsi, la décision du tribunal d'instance ne prendra plus en compte les seuls cas de grande détresse des parents, mais se fondera sur les critères affectifs et objectifs de la notion de désintéressement prolongé de l'enfant.

Cette disposition a pour ambition d'inciter les juges, et plus encore les services sociaux auxquels il revient de présenter la demande, à utiliser cette procédure pour offrir un avenir à des enfants visiblement délaissés. Les travailleurs sociaux ne doivent plus voir la demande de déclaration judiciaire d'abandon comme le symbole de l'échec de leur travail de maintien des liens avec les parents biologiques.

La reconnaissance de l'abandon permet, en effet, à l'enfant de pouvoir être adopté comme pupille de l'État. Tel ne sera pas le destin des 135.000 enfants actuellement placés auprès des services de l'ASE, mais on peut espérer qu'un plus grand nombre d'entre eux soit accueilli dans une famille adoptive.

2. Une réflexion à mener : les passerelles entre les différents statuts des mineurs

Outre l'incitation à un recours accru à l'article 350 du code civil, d'autres pistes, qui ne figurent pas dans la proposition de loi, ont été imaginées par le Conseil supérieur de l'adoption en vue de développer l'adoption des enfants français.

Il a notamment été envisagé d'insérer la déclaration judiciaire d'abandon parmi les mesures de protection de l'enfance et de faciliter les passerelles entre les dispositifs protecteurs en fonction de l'intérêt de l'enfant.

Les passages de la tutelle d'État, de la délégation totale d'autorité parentale, du retrait d'autorité et du recueil par les services de l'ASE vers des statuts ayant vocation à prendre en compte sur le long terme la situation du mineur, comme celui de pupille de l'État, mériteraient ainsi d'être plus fréquents.

Il conviendrait, à cet égard, d'organiser un examen régulier de la situation des enfants placés, souvent pour de très longues périodes, afin de le faire passer, le cas échéant, sous un régime plus protecteur et offrant de meilleures garanties pour l'avenir, l'adoption notamment.

Par ailleurs, votre commission souhaite, lorsque l'AFA aura atteint sa vitesse de croisière, qu'une réflexion soit menée pour confier à l'Agence, en matière d'adoption nationale, une mission identique à celle dont elle a la charge dans le domaine de l'adoption internationale.

*

* *

Sous réserve de ces observations et de l'amendement qu'elle vous présente, votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter la proposition de loi portant réforme de l'adoption.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. L. 225-2 et L. 225-3 du code de l'action sociale et des familles)
Modalités de délivrance de l'agrément

Objet : Cet article a pour objet d'encadrer plus strictement la procédure d'agrément et de rapprocher les pratiques des départements.

I - Le dispositif proposé

A. Les règles actuellement applicables à l'agrément

L'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles détermine qui peut valablement adopter un pupille de l'État ou un enfant étranger. Il s'agit des personnes, notamment des assistants familiaux, à qui le service départemental de l'ASE a confié un enfant français pour en assurer la garde, de celles qui ont obtenu un agrément en vue d'une adoption et des ressortissants de pays liés par une convention avec la France et dont la législation nationale garantit leur aptitude à accueillir un enfant.

Seules les personnes relevant de la deuxième catégorie d'adoptants sont soumises à l'obtention préalable d'un agrément délivré par le président du conseil général de leur département de résidence. Celui-ci s'appuie, sans être tenu de le suivre, sur l'avis motivé de la commission départementale d'agrément composée de trois membres du service de l'aide sociale à l'enfance, de deux membres du conseil de famille des pupilles de l'État et d'une personnalité qualifiée dans le domaine de la protection sociale et sanitaire de l'enfance.

Cette commission fonde son avis sur les résultats de l'enquête sociale diligentée par les services du département et qui consiste à évaluer la situation familiale des demandeurs, leurs capacités éducatives et leur projet d'adoption. La commission peut également entendre directement les candidats.

L'agrément est accordé pour cinq ans , dans un délai de neuf mois à compter du jour de la demande. Il est délivré pour l'accueil d'un ou de plusieurs enfants simultanément et peut être assorti d'une notice de renseignements mentionnant le nombre, l'âge et les caractéristiques des enfants susceptibles d'être adoptés par les personnes qui en sont titulaires.

L'article L. 225-3 précise que les personnes qui demandent l'agrément peuvent se faire assister par un tiers au cours de la procédure, se voir communiquer tout document relatif à leur dossier et exiger qu'il soit procédé à une nouvelle série d'investigations sociales et psychologiques devant d'autres professionnels.

En outre, le refus ou retrait d'agrément doit être motivé (article L. 225-4) ; dans ce cas, une nouvelle demande peut être déposée dans un délai de trente mois (article L. 225-5).

Lorsque les personnes agréées changent de département, leur agrément demeure valable sous réserve d'une déclaration préalable adressée au président du conseil général de leur nouveau département de résidence (article L. 225-6).

Enfin, les décisions relatives à l'agrément sont transmises au ministre chargé de la famille par le président du conseil général compétent (article L. 225-7).

B. Un agrément précis et harmonisé

Le paragraphe I du présent article modifie et complète l'article L. 225-2 en apportant quatre éléments nouveaux à la procédure d'agrément :

désormais, le délai de neuf mois dont dispose le président du conseil général pour accorder ou refuser un agrément court à compter de la date de confirmation de la demande et non à partir de la demande elle-même.

Actuellement, en vertu du décret n° 98-771 du 1 er septembre 1998, le président du conseil général est tenu de donner, dans un délai de deux mois, à toute personne qui dépose une demande d'agrément en vue de l'adoption, les informations utiles à la réalisation de son projet. A l'issue de cette réunion d'information, le candidat doit confirmer sa demande d'agrément. Or, le constat a été fait que plus de 15 % des requérants ne maintenaient pas leur choix lorsqu'ils ont connaissance des réalités de l'adoption. La disposition proposée permettra donc aux services départementaux d'examiner les seuls dossiers confirmés, et ce dans un temps plus adapté à la précision de l'enquête ;

la forme et le contenu de l'agrément seront définis par décret ;

la notice, dont la forme et le contenu seront également définis par décret, devient obligatoire. Elle décrit le projet d'adoption des personnes agréées et peut être révisée, sur leur demande, par le président du conseil général ;

l'agrément sera caduc à compter de l'arrivée au foyer d'un enfant, français ou étranger, ou de plusieurs simultanément.

Le paragraphe II complète l'article L. 225-3 pour prévoir que les candidats bénéficieront de réunions d'information durant la procédure d'agrément.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à préciser que les réunions d'information proposées aux candidats par les conseils généraux sont facultatives.

III - La position de votre commission

Votre commission est favorable à l'harmonisation de la forme et du contenu de l'agrément sur l'ensemble du territoire national, ce qui rendra plus compréhensible ce document juridique essentiel pour les autorités des pays d'origine.

Elle estime, par ailleurs, qu'il est légitime de prévoir un écart d'âge maximal entre les adoptants et l'enfant ; considérant toutefois que les pays de naissance des enfants adoptables choisissent d'eux-mêmes de respecter cet écart (en général de quarante à quarante-cinq ans), il ne lui paraît pas indispensable de l'inscrire dans la législation relative à l'agrément.

Elle soutient également le principe du caractère obligatoire de la notice, qui aidera les autorités étrangères lors de la phase d'apparentement entre l'enfant et ses parents adoptifs. Elle considère que la notice doit effectivement être révisable à tout moment mais souhaite que cette révision s'effectue dans un délai minimum afin que le document « colle » au plus près de l'évolution du projet des candidats. En effet, l'agrément et la notice seront accordés à une personne ou un ménage en fonction d'une situation donnée. Si celle-ci change (décès, séparation, grossesse), le service de l'aide sociale à l'enfance doit modifier sa décision en conséquence par un changement du contenu de l'agrément ou son retrait. De la même manière, les enquêtes devraient être systématiquement actualisées pour rendre compte de l'évolution des futurs adoptants tout au long de la période de validité de leur agrément.

En ce qui concerne l'accompagnement des candidats, votre commission se réjouit de la mise en place de réunions, qui existent parfois déjà, dans l'ensemble des départements. Elle regrette toutefois qu'elles n'aient pas de caractère obligatoire, même si elle admet que la plupart des familles souhaiteront s'informer.

Sous réserve de ces observations, elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 2
(art. L. 225-15 à L. 225-18 et L. 225-18 nouveau du code de l'action sociale
et des familles, art. L. 122-28-10 du code du travail
et art. 1067 du code général des impôts)
Accompagnement de l'enfant adopté par les services sociaux

Objet : Cet article vise à améliorer le suivi des enfants adoptés par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance. Il procède également à plusieurs coordinations dans le code de l'action sociale et des familles, le code du travail et le code général des impôts.

I - Le dispositif proposé

Cet article procède tout d'abord à plusieurs renumérotations d'articles dans le code de l'action sociale et des familles pour tenir compte de la création de la nouvelle Agence française de l'adoption (AFA) à l'article 4 de la présente proposition de loi. Ainsi :

- la section 3 du chapitre V du titre II du livre II, relative à l'adoption internationale, devient la section 4 du même chapitre ( ) ;

- les articles L. 225-15 (condition préalable d'agrément), L. 225-16 (suivi de l'enfant adopté), L. 225-17 (pénalisation du placement illégal de mineurs) et L. 225-18 (décret en Conseil d'État d'application du chapitre) deviennent respectivement les articles L. 225-17, L. 225-18, L. 225-19 et L. 225-20 ( ).

En outre, l'ancien article L. 225-16 devenu L. 225-18 voit sa rédaction modifiée par le . L'article L. 225-16 prévoit, dans sa forme actuelle, que le mineur adopté ou placé en vue d'une adoption bénéficie d'un accompagnement par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance ou par l'OAA qui a procédé à l'adoption, sur la demande ou avec l'accord de l'adoptant. La durée de ce suivi est fixée à un minimum de six mois à compter de l'arrivée de l'enfant dans son nouveau foyer et, dans tous les cas, jusqu'au prononcé de l'adoption plénière en France ou jusqu'à la transcription du jugement étranger. L'accompagnement peut être prolongé avec l'accord ou à la demande de l'adoptant.

Désormais, cet accompagnement devient obligatoire , à compter de l'arrivée de l'enfant, jusqu'à son adoption plénière ou la transcription du jugement étranger. L'adoptant pourra ensuite choisir de le prolonger ou non. Il le fera notamment lorsqu'un engagement aura été pris par les parents adoptifs envers le pays d'origine. Dans ce cas, l'accompagnement s'effectuera selon des modalités de calendrier déterminées entre l'adoptant et les autorités du pays de naissance de l'enfant.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination rédactionnelle dans le code du travail, celui de la sécurité sociale et le code général des impôts pour tenir compte des renumérotations d'articles effectuées au présent article.

III - La position de votre commission

Votre commission est très favorable au renforcement du suivi des enfants adoptés. Il constituera, d'une part, un accompagnement indirect des familles adoptives, dont on mesure l'utilité durant les premiers mois de l'enfant au foyer ; il devrait, d'autre part, permettre de rassurer les pays qui ont fermé leurs orphelinats à l'adoption des ménages français ou ont considérablement diminué le nombre de dossiers traités, notamment en raison de l'insuffisant retour d'informations sur le devenir des enfants dans leur nouvelle famille.

Si votre commission comprend les préoccupations de ces États et partage le souci d'améliorer le suivi des enfants, elle note aussi que les pays d'origine formulent souvent des exigences parfois très pesantes pour les parents adoptifs. Elle souhaite à cet égard que l'AFA, dont ce sera l'une des missions, mette rapidement au point, avec ces pays, des procédures de suivi mieux harmonisées et orientées vers un examen plus qualitatif de l'intégration de l'enfant dans son nouvel environnement.

Enfin, votre commission demande qu'une réflexion soit menée sur la prise en charge par l'État d'une partie des frais qui devront être engagés par les départements et les OAA pour assurer l'accompagnement ainsi renforcé des enfants.

Sous réserve de ces remarques, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 3
(art. 350 du code civil)
Abandon des enfants victimes d'un désintérêt parental prolongé

Objet : Cet article vise à assouplir les critères permettant l'abandon des enfants délaissés par leurs parents.

I - Le dispositif proposé

Aux termes de l'article 347 du code civil, peuvent être adoptés :

- les enfants pour lesquels les parents ou le conseil de famille ont valablement consenti à l'adoption ;

- les pupilles de l'État ;

- les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues à l'article 350.

L'article 350 prévoit que l'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande d'abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance, sauf le cas de grande détresse des parents . La demande en déclaration d'abandon est transmise par le particulier ou l'aide sociale à l'enfance.

Le désintérêt manifeste est caractérisé lorsque les parents n'ont pas entretenu avec leur enfant les relations nécessaires au maintien du lien affectif : la simple rétraction du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention exprimée, mais non suivie d'effet, de reprendre l'enfant ne sont pas considérées comme des marques d'intérêt suffisantes.

Si, au cours du même délai, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette démarche est jugée conforme à l'intérêt de ce dernier, l'abandon n'est pas déclaré.

On rappellera que l'article 350 a été introduit dans le code civil par la loi du 11 juillet 1966 portant réforme de l'adoption. La loi du 22 décembre 1976 a ensuite précisé la notion de désintérêt des parents en la détachant des seuls éléments objectifs pour faire référence aux liens affectifs.

La loi du 5 juillet 1996 a marqué une rupture en introduisant l'exception de grande détresse des parents : il ne s'agit plus de préserver uniquement l'intérêt de l'enfant, mais aussi celui des parents. Ce changement d'approche a conduit à une diminution considérable du nombre de demandes en déclaration d'abandon.

Demandes en déclaration d'abandon

Années

Nombre

1996

388

1997

361

1998

287

1999

255

2000

247

2001

215

2002

183

2003

211

Source : S/DSED répertoire général civil

Le présent article a été introduit dans la proposition de loi initiale lors de son examen par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale.

Il propose de supprimer la mention « sauf le cas de grande détresse des parents » dans les critères régissant la déclaration d'abandon d'un enfant par le tribunal de grande instance et donc d'en revenir au droit applicable avant la loi du 5 juillet 1996.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Cet article a été modifié par un amendement rédactionnel de l'Assemblée nationale.

III - La position de votre commission

Votre commission est favorable à la modification proposée pour les conditions d'application de l'article 350 du code civil.

Elle souhaite qu'il en résulte une augmentation des décisions judiciaires d'abandon, lorsqu'elles sont justifiées, afin qu'un nombre plus important d'enfants délaissés puissent bénéficier du statut protecteur de pupille de l'État qui évite les placements successifs de l'enfant.

Il n'est pas dans ses intentions de « profiter » de la détresse économique, sociale ou psychologique de certains parents pour accroître le nombre des enfants adoptables mais d'offrir un avenir à des enfants véritablement délaissés sur le plan affectif, pour qui l'adoption peut constituer un réel secours.

En effet, la déclaration judiciaire d'abandon ne rompt pas les liens juridiques avec la famille d'origine mais permet au conseil de famille des pupilles de l'État d'élaborer un projet d'adoption (ces liens ne sont alors rompus qu'en cas d'adoption plénière) et, dans tous les cas, oblige ce dernier à revoir chaque année la situation de l'enfant dans son intérêt.

Cependant, votre commission se demande si l'assouplissement proposé par le présent article aura un effet sur les décisions des magistrats en la matière. Il apparaît, en effet, que les acceptations de demandes de déclaration d'abandon sont déjà majoritaires (90 %) lorsque le service social a fait la démarche de présenter un dossier.

Votre commission est convaincue de l'intérêt de faire évoluer les mentalités des travailleurs sociaux. On peut comprendre qu'ils hésitent à faire acter officiellement la situation du mineur délaissé, mais il faut souhaiter qu'ils parviennent, avec la finesse que requiert cet exercice difficile, à trouver le point d'équilibre entre l'aide à accorder aux parents et l'intérêt supérieur de l'enfant.

Sous ces réserves, elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 4
(art. L. 225-15 et L. 225-16 nouveaux
du code de l'action sociale et des familles)
Création de l'Agence française de l'adoption

Objet : Cet article propose la création de l'Agence française de l'adoption, dispositif central de la proposition de loi.

I - Le dispositif proposé

Le présent article constitue le coeur de la proposition de loi : il crée, dans le code de l'action sociale et des familles, une nouvelle section 3 relative aux missions et à l'organisation de l'Agence française pour l'adoption (AFA) et qui comprendra les articles L. 225-15 et L. 225-16.

L'objectif est de rendre plus lisible le dispositif d'adoption internationale pour une meilleure lisibilité, afin de faciliter les démarches des familles et d'améliorer les conditions de la mise en relation de la famille et de l'enfant.

L'AFA sera organisée et financée sous la forme d'un groupement d'intérêt public composé de l'État, des départements et de personnes morales de droit privé.

Aux termes de l' article L. 225-15 nouveau , l'agence aura pour missions d'informer et de conseiller les familles et de servir d'intermédiaire pour l'adoption de mineurs étrangers dans l'ensemble des départements et dans les états parties à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale. Pour exercer son activité dans les autres pays d'origine des enfants, elle devra obtenir une autorisation du ministre chargé des affaires étrangères.

Pour mener à bien sa mission à l'étranger, l'Agence disposera d'un réseau de correspondants dans les pays où elle jugera cet appui nécessaire.

Il convient d'indiquer à cet égard que le ministère des affaires étrangères devrait prochainement nommer, dans les postes consulaires des principaux pays d'origine, un « référent adoption » chargé d'informer et de conseiller les adoptants sur les spécificités du pays, d'assurer la relation officielle avec les organismes locaux et d'instruire les demandes de visas. Ce référent aura également des relations privilégiées avec le correspondant de l'AFA dans le pays.

L'article L. 225-6 nouveau précise, pour sa part, que chaque président de conseil général désignera, au sein de ses services, au moins une personne chargée d'assurer les relations avec l'AFA au niveau départemental.

Outre les moyens mis à la disposition de l'agence par les personnes morales de droit privé qui en sont membres, la prise en charge financière de ce nouvel organisme sera assuré par l'État et le département dans des conditions définies par voie réglementaire.

En outre, le personnel de l'agence sera soumis au secret professionnel et se verra appliquer les mêmes règles que les OAA pour ce qui se rapporte aux relations avec les candidats, soit la communication obligatoire des dossiers individuels aux intéressés, et la conservation des archives.

L'agence reprendra donc à sa charge les compétences de l'actuelle mission de l'adoption internationale (MAI) en matière d'information des candidats et de transmission des dossiers hors OAA aux autorités des pays d'origine. De son côté, l'autorité centrale pour l'adoption internationale sera renforcée et dotée d'un secrétariat général qui reprendra les attributions « étatiques » de l'actuelle MAI. Ses compétences seront réorientées sur les fonctions interministérielles de régulation, de coordination, d'impulsion et de coopération institutionnelle interétatique. Enfin, avec le transfert des missions consultatives de l'autorité centrale au conseil supérieur de l'adoption, cette instance pourra assumer intégralement ses compétences sur les questions d'adoption nationale et internationale.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, outre un amendement rédactionnel, deux précisions au présent article :

- l'activité de l'AFA dans un pays pourra être suspendue ou arrêtée dans tout pays pour lequel le ministre chargé des affaires étrangères, après avis de l'autorité centrale pour l'adoption internationale, jugera que les procédures d'adoption ne répondent pas aux exigences de la convention de La Haye ;

- l'AFA devra respecter les principes de neutralité et d'égalité dans l'exercice de ses missions.

III - La position de votre commission

Votre commission salue la mise en place, qu'elle espère rapide, de l'AFA. Elle souhaite que cette nouvelle structure permette de prendre en charge le plus grand nombre de candidatures, qui ne recourent actuellement à la voie individuelle que faute d'avoir pu faire appel à l'assistance d'un OAA.

Sur ce point, votre commission estime que la création de l'AFA doit s'inscrire dans une perspective de complémentarité et non de concurrence, avec les OAA. Il serait singulier que l'AFA « débauche » les correspondants des OAA dans les pays pour créer son propre réseau.

En outre, votre commission est très favorable à l'organisation de l'agence sous la forme d'un GIP, structure qui a l'avantage de permettre la mise en place de partenariats souples entre ses différents acteurs et de mutualiser les moyens humains et financiers nécessaires à son fonctionnement.

Votre commission estime toutefois que le texte demeure trop vague sur la composition exacte de ce GIP et du rôle des personnes morales de droit privé. Elle vous propose donc un amendement visant à préciser que ces personnes morales sont les OAA et les associations de parents adoptifs et qu'elles disposent, au sein du conseil d'administration du GIP, d'une voix consultative.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5
(art. L. 331-7 du code de la sécurité sociale)
Coordination dans le code de la sécurité sociale

Objet : Cet article procède à une coordination dans le code de la sécurité sociale, pour tenir compte de la création de l'AFA.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 331-7 du code de la sécurité sociale dispose qu'une indemnité journalière de repos est accordée à tout assuré à qui un service départemental d'aide sociale à l'enfance ou un OAA confie un enfant en vue de son adoption. Cette indemnité est également accordée au titulaire de l'agrément qui adopte ou accueille un enfant en vue de son adoption par décision de l'autorité étrangère compétente.

L'indemnité est due pendant dix semaines au plus (vingt-deux semaines en cas d'adoption multiple), à condition que l'intéressé cesse tout travail salarié durant la période qui débute soit à l'arrivée de l'enfant au foyer, soit, si le salarié choisit cette solution, dans les sept jours qui la précèdent. La durée de son versement est portée à dix-huit semaines lorsque, du fait de l'adoption, le ménage assume la charge d'au moins trois enfants âgés de moins de seize ans.

L'indemnité est accordée à l'un des deux conjoints assurés. Toutefois, la période d'indemnisation peut faire l'objet d'une répartition entre le père et la mère adoptifs. Dans ce cas, la durée de l'indemnisation est augmentée de onze jours (dix-huit en cas d'adoption multiple) et ne peut être fractionnée en plus de deux parties, dont la plus courte ne peut être inférieure à onze jours.

Le présent article a été introduit dans la proposition de loi initiale lors de son examen par la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale. Il a pour objet de préciser que l'indemnité journalière de repos versée durant le congé d'adoption est également due lorsque l'enfant est confié à la famille par la nouvelle agence française de l'adoption.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté une modification rédactionnelle.

III - La position de votre commission

Dans un souci de clarté de la législation, votre commission approuve la mise en cohérence des articles relatifs à l'adoption dans le code de la sécurité sociale avec les dispositions de la présente proposition de loi.

Elle vous demande donc d'adopter cet article sans modification.

Article 6
(art. L. 122-26 du code du travail)
Coordination dans le code du travail

Objet : Cet article procède à une coordination dans le code du travail, pour tenir compte de la création de l'AFA.

I - Le dispositif proposé

Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail, tout salarié à qui un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ou un OAA confie un enfant vue de son adoption a le droit de suspendre son contrat de travail pendant une période de dix semaines au plus (vingt-deux en cas d'adoption multiple) à compter de l'arrivée de l'enfant au foyer ou à partir de sept jours avant cette date si le salarié choisit cette option. Cette période est fixée à dix-huit semaines si l'adoption a pour conséquence de porter à trois au moins le nombre d'enfants âgés de moins de seize ans à la charge du ménage.

Si les deux parents adoptifs sont salariés, le congé d'adoption peut être fractionné en deux parties et allongé de onze jours (dix-huit en cas d'adoption multiple).

Le présent article a été introduit par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales lors de l'examen de la proposition de loi. Il propose d'effectuer une coordination dans l'article L. 122-26 précité du code du travail relatif au congé d'adoption : celui-ci sera également de droit lorsque l'enfant est confié par l'AFA.

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

II - La position de votre commission

Dans le même souci qu'à l'article précédent dont le présent article constitue le pendant en matière de droit du travail, votre commission est favorable à la mise en cohérence du code du travail avec la création de l'AFA.

C'est pourquoi, elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 6 bis (nouveau)
(art. L. 122-30 du code du travail)
Amélioration de la protection du salarié candidat à l'adoption

Objet : Cet article, ajouté par l'Assemblée nationale, vise à pénaliser l'employeur qui ne respecte pas les obligations du code du travail en matière de congés en vue d'une adoption.

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article L. 122-30 du code de travail soumet l'employeur à l'obligation de verser des dommages intérêts à son salarié en cas de violation des droits afférents à la grossesse, à la maternité et à la paternité (recrutement, congés, conditions de travail, etc.).

Cet article additionnel propose, dans son paragraphe I , de soumettre à la même pénalité le fait, pour un employeur, de ne pas respecter les dispositions suivantes :

- le droit de bénéficier d'un congé non rémunéré en cas de maladie ou d'accident, constatés par certificat médical, d'un enfant de moins de seize ans dont le salarié assume la charge. La durée maximale de ce congé est de trois jours par an ; elle peut toutefois être portée à cinq jours si l'enfant est âgé de moins d'un an ou si le salarié assume la charge de trois enfants ou plus, âgés de moins de seize ans (article L. 122-28-8 du code du travail) ;

- le droit de travailler à temps partiel ou de bénéficier d'un congé de présence parental pour tout salarié dont l'enfant de moins de seize ans à charge est victime d'une maladie, d'un accident ou d'un handicap grave et dont l'état nécessite la présence d'une personne à ses côtés. Ce droit est ouvert pour une période de quatre mois, renouvelable deux fois dans la limite de douze mois (article L. 122-28-9) ;

- le droit, pour tout salarié titulaire d'un agrément, de bénéficier d'un congé non rémunéré de six semaines pour se rendre à l'étranger, dans un département d'outre-mer, un territoire d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Mayotte en vue de l'adoption d'un enfant (article L. 122-28-10).

Le paragraphe II complète cet article en précisant que ses modalités d'application seront définies par décret.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve cette initiative et souhaite qu'elle garantisse mieux à l'avenir le respect, par les employeurs, des droits des salariés en cas de maladie d'un enfant ou, ce qui justifie son introduction dans la présente proposition de loi, d'absence en vue d'une adoption internationale ou ultra-marine.

Elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 7
(art. L. 531-2 du code de la sécurité sociale)
Majoration de la prime d'adoption

Objet : Cet article a pour objet de doubler le montant de la prime versée aux parents adoptants à l'arrivée de l'enfant.

I - Le dispositif proposé

La prime d'adoption constitue l'une des composantes de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), créée par l'article 60 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Aux termes de l'article L. 531-2 du code de la sécurité sociale, qui en fixe les modalités d'attribution, cette prime est versée sous condition de ressources en fonction du rang de l'enfant adopté, de la taille et des revenus du ménage. Elle est due à l'arrivée de l'enfant dans son foyer adoptif.

La prime est versée pour chaque enfant, quel que soit son âge. Son montant, qui évolue en fonction de l'inflation, est identique à celui de la prime à la naissance, soit 812,37 euros en 2005.

L'objectif est de mieux prendre en compte le coût, pour les familles, des démarches effectuées en vue d'une adoption, estimé entre 8.000 et 17.000 euros pour un enfant adopté à l'étranger, soit 80 % des 5.000 adoptions réalisées chaque année en France. Ces dépenses comprennent des frais de dossiers, de nombreux déplacements entre la France et l'étranger et, bien souvent, le paiement des frais d'entretien de l'enfant avant même son arrivée en France.

Pour conforter l'avancée majeure qu'a constituée l'intégration des enfants adoptés dans le dispositif PAJE par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, cet article propose de doubler la prime à l'adoption . Les familles adoptantes recevront ainsi 1.624,75 euros sous réserve du plafond de ressources fixé par le décret du 31 décembre 2003 relatif à la PAJE.

Le coût de cette mesure est estimé à 2 millions d'euros par an à la charge de la branche famille.

Cette disposition figurait déjà dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 (article 24) mais avait été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 décembre 2004 au motif qu'elle n'avait pas sa place dans une loi de financement.

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

II - La position de votre commission

Votre commission avait déjà soutenu cette mesure proposée au profit des familles adoptives lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Elle se réjouit donc que la présente proposition de loi permette enfin sa mise en oeuvre après la décision d'annulation du Conseil constitutionnel.

L'augmentation de la prime à l'adoption lui apparaît en effet essentielle pour aider au mieux les familles qui poursuivent un projet d'adoption. Elle constitue le complément financier indispensable à la réforme institutionnelle des procédures d'adoption qui vise à simplifier et à sécuriser les démarches des familles.

A cet égard, votre commission appelle de ses voeux le développement des systèmes d'aides en faveur des familles modestes qui souhaitent adopter, notamment des prêts sans intérêt proposés par certains départements.

Elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 8
Gages financiers

Objet : Cet article vise à prévoir la compensation financière des charges qui pourraient résulter des dispositions de la proposition de loi.

I - Le dispositif proposé

Dans sa rédaction initiale, la présente proposition de loi avait prévu, comme il se doit, une compensation financière pour la majoration des charges publiques entraînée par ses dispositions.

Ainsi, le paragraphe I indique que les frais supplémentaires mis à la charge des collectivités territoriales du fait du présent texte devront être compensés par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement. Il est ici fait référence, pour l'essentiel, au coût, pour les départements, de la création d'un poste de référent AFA et du renforcement du suivi des enfants adoptés par le service de l'aide sociale à l'enfance.

Pour les charges revenant à l'État, le paragraphe II prévoit leur compensation via l'institution d'une taxe additionnelle à la taxe spéciale sur les contrats d'assurance mentionnée à l'article 1001 du code général des impôts. Il s'agit notamment de compenser les conséquences financières de la mise en place de l'AFA.

Enfin, le paragraphe III dispose que les organismes de sécurité sociale, ici la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui verse la prime d'adoption majorée par l'article 7 du projet de loi, devront voir leurs charges supplémentaires compensées par une contribution additionnelle à la contribution sociale sur les sommes engagées ou produits réalisés à l'occasion des jeux visée à l'article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Le gage ayant été levé par un amendement du Gouvernement, cet article a été supprimé par l'Assemblée nationale.

III - La position de votre commission

Le gage de charges supplémentaires, impossible en toute autre circonstance, permet la discussion à l'Assemblée nationale de propositions de loi tombant sous le coup de l'article 40 de la Constitution. Cet artifice ne permet donc pas une véritable compensation du coût des dispositions proposées, notamment pour les départements et la CNAF.

Votre commission aurait préféré que le Gouvernement s'engage, à l'occasion de la levée du gage, à compenser effectivement les charges nouvelles et souhaite qu'il en soit in fine ainsi à la mise en oeuvre du texte.

Sous réserve de cette observation , elle vous demande de confirmer la suppression du présent article.

*

* *

Votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 15 juin 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Milon sur la proposition de loi n° 300 (2004-2005), adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'adoption .

M. Alain Milon, rapporteur, a tout d'abord indiqué qu'après les lois des 22 décembre 1976, 5 juillet 1996 et 6 février 2001, qui ont organisé le droit de l'adoption, ce texte s'attache à en moderniser l'organisation institutionnelle et administrative qui n'est pas encore suffisamment efficace. En effet, 25.000 candidats à l'adoption sont en attente d'un enfant, auxquels s'ajoutent chaque année 8.000 nouveaux agréments. Or, en 2004, 5.000 adoptions seulement ont été réalisées, concernant dans 80 % des cas des enfants de nationalité étrangère. A cet égard, le rapporteur s'est dit préoccupé par la diminution continue du nombre d'adoptions d'enfants français.

Il a ensuite exposé les trois axes majeurs de la réforme proposée : l'amélioration des procédures d'agrément au niveau départemental, le renforcement de l'aide aux candidats à l'adoption internationale et le développement de l'adoption nationale via la déclaration judiciaire d'abandon prévue par l'article 350 du code civil.

Sur le premier point, M. Alain Milon, rapporteur, a rappelé que la délivrance des agréments au niveau départemental entraîne des inégalités dans le traitement des dossiers. C'est la raison pour laquelle le texte propose de définir par décret la forme et le contenu que devra prendre le document d'agrément. Cet agrément serait désormais accordé ou refusé dans un délai de neuf mois à compter de la confirmation de la demande, plutôt qu'au dépôt de la demande initiale, afin d'instruire au mieux les dossiers, et il sera accompagné d'une notice précisant le projet d'adoption des futurs parents, révisable à tout moment.

Pour ce qui concerne la définition d'éventuelles conditions d'âge, le rapporteur a précisé qu'il n'est pas utile d'en fixer, puisque les pays d'origine des enfants eux-mêmes les imposent aux familles candidates. Il a enfin approuvé le fait que des réunions d'information seront proposées aux candidats à l'adoption et souligné l'importance d'entreprendre un effort de formation des équipes dans chaque service départemental pour mettre en oeuvre l'ensemble de ces nouvelles procédures.

M. Alain Milon, rapporteur , a fait valoir ensuite la nécessité de venir en aide aux candidats à l'adoption internationale, aujourd'hui pénalisés par le fait du très grand nombre d'acteurs qui interviennent en la matière. Le système comprend, en effet, le conseil supérieur de l'adoption, l'autorité centrale pour l'adoption internationale, la mission de l'adoption internationale (MAI) et une cinquantaine d'organismes autorisés pour l'adoption (OAA).

La MAI, qui est rattachée au ministère des affaires étrangères, est chargée des missions d'information aux familles, des contrôles des organismes autorisés pour l'adoption à l'étranger et de l'interface avec les autorités étrangères. Elle peut aussi transmettre à ses homologues étrangers les dossiers individuels des candidats à l'adoption, ce qui la place d'ailleurs en position de concurrence avec les organismes qu'elle contrôle, les OAA.

Ces OAA, associations régies par la loi de 1901, sont habilités par la MAI pour intervenir dans certains départements ou dans certains pays étrangers nommément désignés. Cette spécialisation les conduit à se montrer souvent trop sélectifs dans le choix des dossiers qu'ils soutiennent, ce qui favorise les démarches individuelles d'adoption, alors même qu'elles sont désormais moins bien accueillies par les pays d'origine des enfants adoptables.

Afin de réduire le nombre des démarches individuelles et de mieux répondre aux exigences fixées par les pays étrangers, le texte propose de créer une Agence française de l'adoption internationale (AFA), qui remplacera la MAI dans ses missions essentielles : l'information et le conseil aux familles, la participation à la gestion du site Internet de l'autorité centrale pour l'adoption internationale, l'aide aux familles dans la constitution des dossiers, le dialogue avec les pays étrangers et la mise en place de relais locaux placés aux côtés des relais consulaires.

M. Alain Milon, rapporteur , s'est dit très favorable à la création de l'AFA, mais s'est montré soucieux que les associations de parents adoptifs et les OAA soient membres de son conseil d'administration et y disposent d'une voix consultative, ce qu'il proposera d'ajouter au texte par voie d'amendement.

Il a également souligné le coût très élevé que représentent les démarches d'adoption pour les adoptants, celui-ci pouvant atteindre jusqu'à 17.000 euros par enfant, selon les pays. Aussi s'est-il réjoui que la proposition visant à doubler la prime à l'adoption permette d'en alléger le coût pour les familles : elle devrait ainsi passer de 812,37 à 1.624,74 euros en 2005.

Il a enfin indiqué que la proposition de loi organise un réel suivi des enfants après leur adoption, cet aspect constituant un axe fort de la réforme puisqu'il devrait permettre d'aider les familles à surmonter les difficultés rencontrées dans les premiers temps de l'arrivée de l'enfant au foyer, tout en rassurant les pays d'origine de ces enfants sur la qualité de l'accueil qui leur est réservé.

M. Alain Milon, rapporteur , s'est attaché ensuite à présenter les mesures favorisant le développement de l'adoption nationale, notamment via la déclaration judiciaire d'abandon prévue par l'article 350 du code civil.

En premier lieu, il a rappelé qu'une faible proportion des pupilles de l'État fait l'objet d'un placement en vue d'adoption chaque année, notamment en raison de leur état de santé, de leur appartenance à une fratrie ou de leur âge, les adoptants préférant le plus souvent se voir confier un tout jeune enfant.

Il a néanmoins reconnu que la longueur de la procédure d'abandon est à l'origine, bien souvent, de l'élévation de l'âge moyen des enfants adoptables. Le système actuel prévoit que les enfants délaissés par leurs parents biologiques sont placés sous la protection de l'aide sociale à l'enfance et ne peuvent être adoptés qu'à condition d'être légalement abandonnés en application des termes de l'article 350 du code civil. Or, cette procédure suppose une intervention préalable des services sociaux, qui ont souvent tendance à privilégier le lien entre l'enfant et ses parents biologiques et le privent, de ce fait, de la chance de pouvoir bénéficier d'un foyer adoptif stable.

C'est pourquoi M. Alain Milon, rapporteur , a insisté sur le caractère indispensable de la mesure qui prévoit d'assouplir les critères auxquels se réfère le juge pour accepter ou refuser la demande de déclaration d'abandon d'un mineur : désormais, seuls les critères affectifs et objectifs de la notion de désintéressement prolongé de l'enfant pourront être retenus, ce qui signifie que l'état de grande détresse des parents ne pourra plus faire obstacle à cette déclaration. Au-delà de cette mesure, il a souligné la nécessité d'inciter les juges et surtout les services sociaux qui présentent les demandes, à utiliser cette procédure en respectant des délais raisonnables dans l'intérêt de l'enfant et des familles candidates à l'adoption.

M. Bernard Seillier s'est ému du fait que l'Assemblée nationale ait supprimé l'exception liée à l'état de grande détresse des parents biologiques parmi les critères d'appréciation devant être pris en compte à leur décharge lorsqu'ils délaissent leurs enfants. Il a souhaité que l'on tienne compte de l'accompagnement qu'offrent certaines associations à ces familles pour protéger leurs intérêts. Il s'est dit prêt à déposer un amendement pour rétablir cette disposition dans le texte de l'article 350 du code civil.

Mme Sylvie Desmarescaux a partagé les réserves de M. Bernard Seillier tout en reconnaissant la nécessité de définir rapidement de nouveaux critères permettant aux enfants d'être adoptés, lorsque leur situation le justifie.

Mme Bernadette Dupont s'est tout d'abord interrogée sur l'origine de la proposition de loi examinée, puis a demandé au rapporteur de préciser les critères d'agrément retenus par les conseils généraux pour mieux comprendre en quoi ils peuvent varier d'un département à l'autre.

Elle a ensuite souligné l'utilité de prendre en compte la grande détresse des familles et rappelé la tendance naturelle des enfants délaissés à rechercher leurs racines. Elle a appelé de ses voeux la recherche d'un équilibre, qui permette à la fois de préserver l'intérêt des parents biologiques et le bien-être de l'enfant. Elle s'est en outre interrogée sur les critères susceptibles d'être retenus pour permettre à un enfant d'être adopté ; elle a soulevé notamment le problème de leur état de santé, se demandant s'il constitue réellement un obstacle à l'adoption. Elle a enfin souhaité savoir quelle sera la durée du suivi de l'enfant dans sa famille d'accueil.

M. Alain Gournac a regretté les blocages et les difficultés que rencontrent les candidats à l'adoption. Pour autant, il a souhaité rétablir l'exception liée au cas de grande détresse des parents pour repousser la déclaration d'abandon, considérant qu'elle n'est pas contradictoire avec l'objectif que s'est fixé la proposition de loi de favoriser l'adoption.

Mme Claire-Lise Campion a souligné les éléments positifs du texte, notamment ceux relatifs à l'accompagnement des familles et au suivi des enfants, ce qui permettra selon elle de réduire les échecs qui, au-delà du drame humain qu'ils représentent, ne sont pas dénués de coûts pour les services de l'ASE. Elle a proposé ensuite que la commission présente un amendement pour rétablir la disposition relative aux familles en situation de grande détresse. Elle a regretté enfin que la création de l'AFA n'entraîne pas la disparition des autres acteurs, ce qui aurait permis d'offrir aux familles un interlocuteur unique.

M. Guy Fischer s'est réjoui du dépôt de ce texte, qui facilitera l'adoption internationale et permettra de conforter l'adoption nationale. Il a appelé de ses voeux la constitution rapide de groupes de travail pour approfondir certaines questions, notamment celle relative à la revalorisation des primes d'adoption, ainsi que le problème de l'exclusion, par la loi du 6 février 2001, des procédures d'adoption internationale des pays de droit coranique, comme l'Algérie, le Maroc et le Bengladesh. En outre, dans un souci d'équité, il s'est dit prêt à déposer un amendement relatif au congé de paternité en cas d'adoption. Enfin, il a rappelé son attachement au droit à l'adoption des personnes célibataires. Il a conclu en affirmant son absence d'opposition majeure sur ce texte qui améliore selon lui sensiblement la situation actuelle.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir si le personnel employé par la MAI serait ensuite transféré au service de la nouvelle agence. Elle s'est inquiétée également de la complexité du mode de fonctionnement de cette agence, qui aura un statut de groupement d'intérêt public. Enfin, comme ses collègues, elle a fait valoir ses réserves sur la disposition relative aux familles en situation de grande détresse.

Mme Isabelle Debré s'est prononcée en faveur d'un approfondissement de la réflexion sur cette disposition sensible. Elle s'est étonnée que personne n'ait jusqu'à présent évoqué l'intérêt de l'enfant et a souhaité l'élaboration d'une rédaction plus satisfaisante de l'article 350 du code civil, qui concilierait l'intérêt de l'enfant et la levée des blocages à la déclaration d'abandon.

Mme Raymonde Le Texier a regretté que la commission n'ait pu organiser d'auditions sur un sujet aussi sensible. Elle s'est inquiétée qu'aucun délai d'intervention ne soit imposé aux services sociaux ni au juge en cas d'abandon manifeste de l'enfant par sa famille biologique et a indiqué son intention de déposer un amendement en ce sens.

Mme Françoise Henneron s'est étonnée du caractère dérisoire de la prime d'adoption au regard des sommes considérables engagées par les familles pour adopter un enfant à l'étranger.

M. Nicolas About, président, a indiqué à cet égard que certains réseaux illégaux ont été écartés des circuits d'adoption internationale, ce qui a permis de limiter les dérives. Toutefois, une centralisation des procédures au niveau de chaque pays demeure nécessaire, afin de limiter le coût de l'adoption aux frais de justice, de voyage et à la contribution au fonctionnement des organismes favorisant les démarches.

Mme Sylvie Desmarescaux a évoqué son expérience personnelle en soulignant combien les obstacles que rencontrent les familles lors de la procédure peuvent les décourager dans la poursuite de leur projet d'adoption.

M. Nicolas About, président, est revenu sur l'aménagement possible de l'article 350 du code civil, invitant à la recherche d'un équilibre entre le respect des liens de l'enfant avec ses parents biologiques et la nécessité de réduire la durée des procédures lorsque l'abandon est manifeste. Il s'est dit prêt à réfléchir à la possibilité d'une mise à l'épreuve des parents biologiques, après une mise en demeure ou un rappel à la loi par le juge ou par les services sociaux, avant de procéder à un jugement définitif d'abandon.

Mme Raymonde Le Texier s'est interrogée sur la nature de l'autorité la mieux à même de reprendre contact avec la famille biologique pour lui signaler une mise en demeure ou un rappel à la loi.

M. Alain Vasselle a suggéré que l'on puisse faire appel aux officiers de police judiciaire, afin de donner un caractère solennel à la mise en demeure, sans pour autant exclure la compétence naturelle du juge en la matière. Il a ajouté que la réduction des délais suppose que le Gouvernement soit sensibilisé à la nécessité de dégager les moyens humains pour y faire face.

En réponse à Mme Bernadette Dupont, M. Alain Milon, rapporteur , a rappelé que cette proposition de loi a été déposée par M. Yves Nicolin, député UMP de la Loire, président du conseil supérieur de l'adoption (CSA). Il a souligné que l'harmonisation du document d'agrément a pour vocation de réduire les disparités observées d'un département à l'autre et indiqué que le délai de délivrance d'agrément ne devra pas excéder neuf mois, tandis que l'agrément lui-même est valide pour cinq ans.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Alain Milon, rapporteur , s'est dit réservé sur l'opportunité d'ouvrir le débat sur la structure des familles d'accueil, considérant qu'il s'agit d'un sujet sans rapport direct avec la réforme des structures et des procédures. En revanche, il ne s'est pas montré hostile au dépôt d'une proposition de loi sur ce thème. Il a enfin rappelé que les conditions actuelles prévoient, dans le cas de l'adoption d'un enfant, dix semaines de congés pour l'un ou l'autre parent adoptif (ou cinq semaines pour l'un et l'autre) et, dans le cas de l'adoption d'une fratrie, dix-huit semaines (ou neuf semaines pour l'un et l'autre).

Abordant la question de l'article 350 du code civil, M. Alain Milon, rapporteur , a rappelé qu'actuellement, l'ASE a en charge 135.000 enfants et que le nombre de déclarations d'abandon par le juge s'est fortement réduit depuis l'introduction d'une disposition préservant le lien des familles avec leurs enfants en cas de grande détresse. Il a insisté sur le fait que la procédure actuelle assure une réelle protection aux parents biologiques quelle que soit leur situation financière, puisqu'elle suppose le franchissement de trois obstacles : le constat fait par les services sociaux d'un désintéressement manifeste des parents biologiques par rapport à l'enfant pendant une durée minimum d'un an, l'intervention, souvent non immédiate, de l'ASE auprès du juge pour qu'il prononce le jugement d'abandon, puis la décision du juge après des enquêtes contribuant parfois à allonger encore la procédure.

En réponse à Mme Claire-Lise Campion, M. Alain Milon, rapporteur , a rappelé l'importance de la disposition relative au renforcement du suivi de l'enfant et de l'accompagnement des familles, ce qui devrait permettre de réduire le nombre des échecs.

Mme Isabelle Debré a également fait valoir l'intérêt d'une information à destination des parents ainsi qu'une formation à destination des juges et des personnels de l'ASE.

En réponse à Mme Françoise Henneron, M. Alain Milon, rapporteur , a précisé que les frais engagés par la famille adoptante correspondent au coût des voyages vers le pays d'origine, aux visas, aux congés non rémunérés, à la traduction des documents, aux frais de justice et aux éventuels frais médicaux qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale tant que l'enfant n'est pas formellement adopté.

M. Nicolas About, président , s'est demandé si la voie de l'adoption simple, qui serait accordée par le juge même sans l'accord des parents biologiques, pourrait constituer une solution à explorer comme une situation transitoire avant une éventuelle adoption plénière. Elle permettrait en effet de stabiliser l'enfant dans un cadre affectif d'accueil durable, tout en préservant les liens avec sa famille biologique, le temps que la procédure suive son cours. Ce mode de fonctionnement n'est finalement pas si éloigné de celui des familles recomposées où le nouveau conjoint du parent divorcé participe à l'éducation des enfants du premier lit sans que soit rompu le lien avec le parent biologique.

A Mme Bernadette Dupont qui s'interrogeait sur la faculté de revenir sur la décision d'accouchement sous x, M. Nicolas About, président , a confirmé que cette décision était possible à tout moment, y compris après l'accouchement.

M. Alain Milon, rapporteur , a tenu à rappeler l'intérêt de raccourcir le délai du jugement d'abandon pour faciliter l'adoption, les parents préférant se voir confier des enfants plus jeunes.

M. Alain Vasselle a préconisé la référence à des textes d'ordre législatif ou réglementaire afin de fiabiliser les dispositions prévues pour la mise en application de la procédure qui conduit à la déclaration judiciaire d'abandon.

Puis la commission a adopté l'amendement présenté par son rapporteur à l'article 4 (création de l'Agence française de l'adoption), afin de préciser que les organismes agréés pour l'adoption et les associations de parents adoptifs seront membres de droit du conseil d'administration de l'Agence française de l'adoption et y disposeront d'une voix consultative.

La commission a ensuite adopté la présente proposition de loi ainsi modifiée .

ANNEXE
-
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

M. Richard Bos , directeur, Mission de l'Adoption internationale, ministère des Affaires étrangères ;

Mme Geneviève Miral , secrétaire générale, Enfance et familles d'adoption ;

Dr Geneviève André-Trevennec , OAA Médecins du Monde, Mme Martine Crémadès , OAA Les Amis des Enfants du Monde ;

Mme Brigitte Godde , présidente, OAA Enfance et avenir ;

Mme Marie Christine Le Boursicot , magistrat, membre du Conseil Supérieur de l'Adoption ;

M e Guillaume Le Maignan , avocat à la Cour ;

Mme Hélène Mahéo , présidente, Mme Nadine Pinget , vice-présidente, M. Jacques Chomelier , vice-président, Mme Martine Gazel , présidente d'honneur, Mouvement pour l'adoption sans frontière ;

Mme Monique Sassier , directrice générale, M. Paul Yonnet , UNAF ;

M. Bernard Cazeau , sénateur, président du Conseil général de la Dordogne, Mme Marylène Jouvien , ADF.

* 1 Cf. Jean-François Mattéi. « Enfant d'ici, enfant d'ailleurs, l'adoption sans frontière », 1995.

* 2 Cf. Marie-Christine Le Boursicot. Rapport au ministre de la famille, « L'accompagnement de l'adoption » septembre 2002.

* 3 Le nombre de pupilles de l'État s'établissait, après la Seconde guerre mondiale, à 65.000.

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