EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

Article premier
Report d'un an des élections sénatoriales de septembre 2007

Cet article tend à reporter, de septembre 2007 à septembre 2008, le renouvellement des sénateurs élus en septembre 1998 et à fixer en septembre 2013, soit un an avant l'échéance normale, la date du renouvellement des sénateurs élus en 2008.

La composition du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales dont le rôle a été accru par la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République 33 ( * ) , peut être considéré comme le reflet de la démocratie locale .

En effet, les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect dans chaque département (ou collectivité) par un collège électoral composé des députés, des conseillers régionaux de la section départementale correspondant au département (et des conseillers de l'Assemblée de Corse), des conseillers généraux et des délégués des conseils municipaux ou des suppléants de ces délégués.

La désignation des délégués des conseils municipaux

Elle doit intervenir au moins six semaines avant le jour de l'élection des sénateurs. Les conseils municipaux élisent, dans les communes de moins de 9.000 habitants :

- un délégué pour les conseils municipaux de neuf et onze membres ;

- trois délégués pour les conseils municipaux de quinze membres ;

- cinq délégués pour les conseils municipaux de dix-neuf membres ;

- sept délégués pour les conseils municipaux de vingt-trois membres ;

- quinze délégués pour les conseils municipaux de vingt-sept et vingt-neuf membres.

Dans les communes de 9.000 habitants et plus, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit.

En outre, dans les communes de plus de 30.000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires à raison de 1 pour 1.000 habitants en sus de 30.000.

Le nombre de suppléants est de trois quand le nombre de titulaires est égal ou inférieur à cinq. Il est augmenté de un par cinq titulaires ou fraction de cinq.

Le régime électoral du Sénat est caractérisé par de nombreuses spécificités comme le principe de son renouvellement partiel , en vigueur depuis 1875, ou son double mode de scrutin (scrutin majoritaire dans les départements les moins peuplés, représentation proportionnelle dans les autres).

En vue d'actualiser ce régime électoral et de conforter sa représentativité, le Sénat, par les lois du 30 juillet 2003 et la loi du 10 mai 2004, a initié son «auto-réforme 34 ( * ) impliquant en particulier :

- l'abaissement de 35 ans à 30 ans, de l'âge d'éligibilité des sénateurs ;

- l'abaissement, de neuf ans à six ans, de la durée du mandat sénatorial et le passage d'un renouvellement du Sénat par tiers à un renouvellement par moitié ;

- l'actualisation de la représentation sénatoriale pour tenir compte des évolutions démographiques des collectivités territoriales ;

- l'application du scrutin majoritaire dans les départements élisant trois sénateurs au moins et de la représentation proportionnelle au-delà.

Des dispositions transitoires ont été prévues entre 2004 et 2013 (voir tableau ci-dessous) pour faciliter la mise en oeuvre de l'abaissement de la durée du mandat sénatorial, du renouvellement du Sénat par moitié et de l'actualisation de ses effectifs tout en préservant les mandats en cours.

L'entrée en vigueur progressive de l'abaissement
de la durée du mandat sénatorial

En raison du fractionnement de la série C prévu par la loi organique du 30 juillet 2003, les sénateurs élus dans les départements du Bas-Rhin à l'Yonne ont été les derniers à bénéficier d'une durée de mandat de neuf ans tandis que les sénateurs des départements de l'Ile-de-France, des Antilles, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été les premiers à être concernés par le mandat de six ans lors du renouvellement partiel du 26 septembre 2004.

Depuis ce renouvellement, l'effectif du Sénat est fixé à 331 sièges . La série A compte 102 sièges, tout comme la série B (en raison de la suppression du siège de l'ancien territoire des Afars et des Issas).

La série C (sièges des sénateurs des départements du Bas-Rhin à l'Yonne, de l'Essonne aux Yvelines, de la Guadeloupe et de la Martinique ainsi que des sièges de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon et de quatre sénateurs représentant les Français établis hors de France) compte 127 sièges (gain de dix sièges).

A l'issue du renouvellement de 2008, initialement prévu en septembre 2007 , la série A, également élue pour six ans, comptera 112 sièges (gain de dix sièges), l'effectif de la Haute Assemblée étant fixé à 341 sièges .

Initialement prévu en 2010, le renouvellement par moitié du Sénat devrait être mis en oeuvre à compter du renouvellement partiel de 2011 (voir commentaire de l'article 1 er du projet de loi organique) avec l'élection de la série 1, composée des sièges de l'ancienne série B et des sièges des sénateurs de l'ancienne série C élus pour six ans en 2004, qui comprendra 170 sièges .

Cette composition tiendra compte de l'augmentation du nombre de sièges de l'ancienne série B, désormais incorporée à la série 1 (gain de 5 sièges). L'effectif du Sénat sera alors porté à 346 sièges .

La série 2, qui devait être initialement élue en 2013, serait élue en 2014, composée des sièges de l'ancienne série A et des sièges de sénateurs des départements du Bas-Rhin à l'Yonne de l'ancienne série C, et comprenant 176 sièges . A cette date, tous les sénateurs seront élus pour six ans .

La plupart des dispositions de cette réforme et son calendrier, issus des réflexions du groupe de travail pluraliste présidé par notre ancien collègue Daniel Hoeffel, ont fait l'objet d'un large consensus au sein de la Haute Assemblée. Mais ce calendrier doit aujourd'hui être concilié avec l'aménagement de l'organisation des élections de l'année 2007 prévue par le présent texte.

En effet, pour faire face à l'encombrement du calendrier électoral de 2007, le Gouvernement avait initialement prévu d'organiser le report d'un an des seules élections locales du mois de mars (élections municipales et cantonales).

Toutefois, selon le ministère de l'intérieur, dans cette hypothèse, les sénateurs de la série A seraient renouvelés en septembre 2007 par des conseillers municipaux et généraux qui, selon le mandat qui leur a été donné à l'origine par les électeurs, ne devraient plus être en fonction.

Dans ses observations précitées sur les échéances électorales de 2007, le Conseil constitutionnel a indiqué que le report d'un an des élections locales précitées, justifié par le souci d'un bon déroulement de l'élection présidentielle, posait « nécessairement » la question du report des élections sénatoriales.

Dispositions transitoires de la réforme du régime électoral sénatorial
(adopté en 2003)

Première série

Deuxième série

Série B

Moitié C
Ile-de-France
et outre-mer

Moitié C
Bas-Rhin à Yonne (sauf Seine-et-Marne)

Série A

2004

Election (6 ans)

Election (9 ans)

2005

2006

2007 (municipales)

Election (6 ans)

2008

2009

2010

Renouvellement total (6 ans)

2011

2012

2013 (municipales)

Renouvellement total (6 ans)

2014

2015

2016

Renouvellement total (6 ans)

2017

2018

2019 (municipales)

Renouvellement total (6 ans)

En conséquence, le présent article tend à reporter d'un an, c'est-à-dire en septembre 2008, l'élection des sénateurs de la série A . Les sénateurs élus en septembre 1998 effectueraient donc un mandat de dix ans. En revanche, en septembre 2008, les 112 sénateurs concernés seraient élus pour cinq ans, soit jusqu'en septembre 2013, afin de ne pas perturber la mise en oeuvre de la réforme du Sénat.

Le dispositif constituerait le premier report d'une élection sénatoriale. Le choix d'un report des élections sénatoriales avant septembre 2008, par exemple en janvier 2008 ainsi que le suggèrent les propositions de loi de nos collègues Jean-Louis Masson et Jean-Pierre Bel, n'a pas semblé compatible avec le calendrier des sessions parlementaires (voir exposé général).

Concernant le dispositif proposé, il convient de constater que le report d'un an de l'élection sénatoriale serait la durée la plus longue autorisée pour la modification d'un mandat parlementaire en cours , mais qu'elle est cohérente avec la durée du report fixée pour les élections municipales et cantonales de 2007.

De même, la diminution à cinq ans de la durée du mandat des sénateurs élus en septembre 2008 serait inédite , issue de la volonté de rétablir au plus vite le calendrier de la réforme du régime électoral sénatorial provisoirement « perturbé ».

Cependant, cette dernière option suscite quelques interrogations au regard des prérogatives du Sénat et du lien existant entre la fréquence des élections municipales et celle des élections sénatoriales.

En premier lieu, en diminuant à cinq ans la durée du mandat des sénateurs élus en 2008 et en fixant des renouvellements partiels du Sénat en 2008 et 2010, le dispositif gouvernemental perturberait deux fois le rythme de renouvellement triennal du Sénat , qui structure son fonctionnement ainsi que celui de ses instances internes depuis 1875. Ainsi, le Président du Sénat est élu à la première séance publique suivant chaque renouvellement partiel 35 ( * ) . Les autres membres du Bureau (six vice-présidents, trois questeurs, douze secrétaires), qui a tous pouvoirs pour présider aux délibérations du Sénat et pour organiser et diriger tous ses services, sont élus à la séance suivante.

Or, dans un premier temps, une durée de 4 ans séparerait le dernier renouvellement partiel (2004) et le prochain (2008). Puis, dans un deuxième temps, deux ans seulement sépareraient le dernier du suivant (2010).

En second lieu, après avoir maintenu l'élection des sénateurs par des conseillers municipaux et généraux fraîchement élus en 2008, elle instituerait, à compter de 2013-2014, un ordre inédit sous la Cinquième République entre élections municipales et sénatoriales , les premières ayant désormais lieu six mois après les secondes au lieu de les précéder de six mois. Or, rien ne paraît légitimer cette inversion de l'ordre des élections municipales et sénatoriales.

A titre d'exemple, les conseillers municipaux élus en 2008 désigneraient par deux fois les sénateurs de la série A (en septembre 2008 et en septembre 2013, lesdits sénateurs étant alors élus au sein de la série 2).

En droit, un élu est légitime du premier jour au dernier jour du mandat que le peuple souverain lui a confié et l'élection des sénateurs par une majorité d'élus locaux en fin de mandat peut-être envisagée.

Néanmoins, elle serait moins satisfaisante au regard du rôle de représentant des collectivités territoriales reconnu par la Constitution au Sénat 36 ( * ) . Elle ne serait pas cohérente avec le choix opéré par ce dernier en 2003 d'harmoniser à six ans la durée du mandat de ses membres avec celle des élus locaux afin de favoriser en son sein une représentation plus fidèle des collectivités territoriales.

C'est pourquoi votre commission vous propose un amendement tendant à :

- maintenir à six ans la durée du mandat des sénateurs de la série A élus en 2008 et de proroger d'un an celle des sénateurs de la série C élus pour neuf ans en 2004, afin de permettre leur renouvellement au sein de la future série 2 en septembre 2014 ;

- proroger d'un an la durée du mandat des sénateurs de la série B (élus en 2001) et des sénateurs de la série C élus en 2004 pour six ans, en vue de permettre leur renouvellement en septembre 2011 au sein de la future série 1 .

Cette solution semble la plus satisfaisante pour surmonter les difficultés de l'année électorale 2007 dans le respect des institutions et de la cohérence de la réforme sénatoriale, qui répond en partie à des exigences constitutionnelles.

L'exigence constitutionnelle du caractère exceptionnel et transitoire des prorogations de mandats proposées serait respectée puisque dès 2008, les sénateurs seraient élus pour six ans. L'actualisation de la répartition des sièges de sénateurs serait effective en 2011 et le renouvellement par moitié du Sénat en 2014.

Avec ce calendrier, les conseillers municipaux et les conseillers généraux élus simultanément participeraient, selon leur département d'élection, à l'élection des sénateurs au cours de leur mandat, après 6 mois ou 3 ans et demi d'exercice.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié.

Article 2
(art. 5 de la loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003)
Coordination-mention du renouvellement partiel de 2008

Cet article tend à modifier le II de l'article 5 de la loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, afin d'y mentionner la nouvelle échéance de renouvellement fixée à 2008.

L'article 5 de la loi organique du 30 juillet 2003 précitée a modifié l'article LO 274 du code électoral relatif au nombre de sénateurs élus dans les départements pour fixer ce dernier à 326 au terme de la période transitoire 2004-2013 au cours de laquelle la répartition des sièges de sénateurs aura été actualisée (voir commentaire de l'article premier).

Pendant la période transitoire, conformément au II de l'article 5 précité, ce nombre de sénateurs est de 313 depuis le renouvellement partiel de 2004 et sera de 322 à l'issue de celui initialement prévu en 2007 et désormais fixé en 2008. Le présent article est une coordination tendant à remplacer la référence à l'année « 2007 » par celle à l'année « 2008 ».

Par coordination avec l'amendement proposé à l'article 1 er proposant le report d'un an du renouvellement partiel sénatorial de 2010, votre commission vous propose d'adopter un amendement opérant les modifications rédactionnelles nécessaires pour substituer la référence à l'année « 2010 » par celle à l'année « 2011 » au III de l'article 2, relatif à la mise en oeuvre du renouvellement par moitié du Sénat, ainsi qu'au IV de l'article 3 relatif au renouvellement par moitié des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 2
(art. L.O. 276 du code électoral)
Périodicité des élections municipales et sénatoriales

Cet article additionnel tend à modifier l'article L.O. 276 du code électoral afin d'y renforcer le lien entre la périodicité des élections sénatoriales et celle des élections municipales.

Représentant constitutionnel des collectivités territoriales, le Sénat est, comme cela a été souligné, élu par un collège électoral composé en majorité d'élus locaux, et principalement de délégués des conseils municipaux.

Les renouvellements partiels confirment régulièrement l'adéquation fréquente entre les évolutions de la démocratie locale et leur représentation sénatoriale, tout en conférant au Sénat la stabilité nécessaire à son fonctionnement.

Toutefois, jusqu'en 2003, la durée de neuf ans du mandat sénatorial, « décalée » par rapport à la durée de six ans des mandats locaux, ne permettait pas à certains élus locaux de désigner une série de sénateurs au cours de leur mandat.

C'est bien la volonté de renforcer encore les liens entre sénateurs et élus locaux qui a incité le Sénat en 2003 à harmoniser à six ans la durée du mandat de ses membres et celle des conseillers municipaux, généraux et régionaux.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a progressivement précisé les implications de la représentation des collectivités territoriales au Sénat, prévue à l'article 24 de la Constitution , sur le statut et les modalités d'élection de ce dernier , qui doit « être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation des collectivités territoriales ».

Ce corps électoral doit être « essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales », toutes les catégories de collectivités territoriales devant y être représentées. En outre, la représentation des communes doit refléter leur diversité. Enfin, cette représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes « doit tenir compte de la population qui y réside ».

Ainsi, les dispositions de l'article 24, combinées à celles de l'article 3 et celles de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789  imposaient « au législateur de modifier la répartition par département des sièges de sénateurs pour tenir compte des évolutions de la population des collectivités territoriales » 37 ( * ) , ce qui a été effectué par les lois du 30 juillet 2003.

Dans ses observations précitées du 7 juillet dernier, le Conseil constitutionnel a examiné les relations entre les élections locales et les élections sénatoriales prévues en 2007 et semble conclure à l'existence d'une succession « légitime » entre ces scrutins : les élections locales , notamment municipales, qui désignent la majorité des grands électeurs du Sénat, doivent précéder les renouvellements de ce dernier et non avoir lieu l'année suivante, afin de faciliter la représentation la plus fidèle possible des collectivités territoriales au Sénat .

L'article L.O. 276 du code électoral (complété par l'article 2-III de la loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003) prévoit que le Sénat sera renouvelé par moitié, en deux séries 1 et 2, à compter du renouvellement partiel de 2010, qui serait reporté en 2011.

Le présent article additionnel tend à compléter cet article pour y lier explicitement la périodicité des élections municipales et celle des renouvellements partiels du Sénat .

Il serait ainsi précisé que, conformément à la position du Conseil constitutionnel, les sénateurs de la série 2 (désignés pour la première fois en 2014) seront élus au mois de septembre de l'année des élections municipales.

Sans remettre en ca le droit pour le législateur organique de modifier cette périodicité, le dispositif proposé aurait l'intérêt de conforter le lien des élections municipales et sénatoriales jusque dans leur calendrier de renouvellement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel sans modification.

* 33 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003.

* 34 Loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, loi n° 2003-697 du même jour portant réforme de l'élection des sénateurs et loi n° 2004-404 du 10 mai 2004 actualisant le tableau de répartition des sièges de sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs.

* 35 Article 32 de la Constitution et article 2 du Règlement du Sénat.

* 36 Comme le résume l'exposé des motifs de la proposition de loi organique n° 165 présentée par notre collègue Jean-Pierre Bel, « les élections sénatoriales ne sont pas détachables des élections locales ».

* 37 Considérant 5 de la décision n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003.

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