B. L'AMF, GARDIENNE DES PRINCIPES GÉNÉRAUX DES OFFRES

Le droit français des offres publiques a été largement constitué à partir de la fin des années 80 22 ( * ) et se révèle plutôt favorable à l'offrant. Il comporte relativement peu de dispositions législatives, qui sont prévues dans le code de commerce 23 ( * ) , le code monétaire et financier 24 ( * ) et le code du travail 25 ( * ) .

L'autorité de marché joue de fait un rôle pivot dans l'établissement du cadre juridique du triple point de vue de la réglementation applicable - prévue par le Titre III 26 ( * ) , relatif aux offres publiques d'acquisition (articles 231-1 à 238-10), du Livre II du règlement général - de la doctrine et des initiatives que l'AMF peut prendre en cours d'offre.

L'AMF promeut ainsi un certain nombre de principes généraux régissant le bon déroulement des offres publiques, mentionnés dans l'article 231-3 de son règlement général, que sont le libre jeu des offres et de leurs surenchères, l'égalité de traitement et d'information des détenteurs des titres des personnes concernées, la transparence et l'intégrité du marché et la loyauté dans les transactions et compétition.

Au-delà du régime qu'elle contribue à façonner, l'AMF dispose également d'une certaine latitude pour clarifier les modalités d'une offre imminente ou en cours , que ce soit par exemple en vue de demander des précisions à un offrant pressenti par des rumeurs 27 ( * ) ou pour invalider certaines mesures de défense prises par la cible. La position ainsi exprimée le 23 avril 2004 par l'AMF lors de l'émission des bons de souscriptions d'actions dénommés « Plavix » (du nom du médicament générique dont la possible perte du brevet devait constituer un des facteurs déclenchants de l'émission des bons) par la société Aventis, pour contrer l'offre initiée par Sanofi 28 ( * ) , est emblématique du pouvoir dont dispose l'AMF non seulement pour apprécier la recevabilité d'une offre, mais encore celle d'éventuelles mesures de défense décidées en période d'offre.

L'AMF entend donc veiller au respect des droits des actionnaires minoritaires. Elle peut néanmoins également octroyer certaines dérogations au profit d'un émetteur, mais dont la sécurité juridique n'est pas garantie, ainsi qu'en témoigne un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 13 septembre 2005, qui a annulé une décision rendue par l'Autorité pour contraindre une société à procéder à une offre obligatoire sur une autre dont elle détenait la « majorité de fait ».

* 22 Notamment par la loi n° 89-531 du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier , qui a introduit le principe de l'offre publique obligatoire lorsqu'un actionnaire vient à détenir plus du tiers du capital ; la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières , et la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques , qui a renforcé la protection des salariés.

* 23 Essentiellement de manière indirecte, par les dispositions relatives aux franchissements de seuil et aux déclarations d'intention, à l'interdiction des participations croisées, aux délégations consenties par l'assemblée générale ou aux augmentations et réductions de capital.

* 24 Articles L. 433-1 et L. 433-2 relatifs aux offres publiques d'achat ou d'échange, article L. 433-3 relatif à l'obligation de déposer un projet d'offre publique, article L. 433-4 relatif aux offres publiques de retrait et au retrait obligatoire.

* 25 Article L. 432-1 relatif à l'obligation de consultation et d'information du comité d'entreprise en cas de prise de participation externe ou dans le capital de la société.

* 26 Ce titre comporte ainsi huit chapitres détaillant les règles générales et dispositions communes, la procédure normale d'offre, la procédure simplifiée, le dépôt obligatoire d'un projet d'offre publique, la procédure de garantie de cours, l'offre publique de retrait, le retrait obligatoire et les offres publiques portant sur des titres de créance ne donnant pas accès au capital.

* 27 L'AMF a ainsi publié le 25 juillet 2005 un communiqué de presse intitulé « l'AMF fait le point sur les rumeurs d'OPA concernant Danone » , dans lequel elle précisait :

« Par application de l'article L. 621-18 du code monétaire et financier, qui dispose que l'Autorité des marchés financiers peut porter à la connaissance du public les informations qu'elle estime nécessaires , l'AMF confirme qu'elle a reçu, à sa demande, de PepsiCo, la confirmation que cette entreprise n'était pas, vis-à-vis de Danone, dans la situation visée par l'article 222-7 du règlement général de l'AMF.

« L'AMF a par ailleurs recommandé à PepsiCo de veiller au respect de son règlement général en cas d'évolution de la situation.

« Il est rappelé que l'article 222-7 du règlement général fait obligation à toute personne « qui prépare une opération financière susceptible d'avoir une incidence significative sur le cours d'un instrument financier de porter à la connaissance du public les caractéristiques de cette opération » .

* 28 Dans ce cas topique de « pilule empoisonnée », l'AMF avait émis un avis argumenté mais circonstancié, dans lequel elle estimait que le dispositif, qui contribuait à terme à diluer Sanofi de 16 % dans le nouveau groupe, constituait un relèvement unilatéral du prix offert par l'initiateur de l'ordre de 25 %, susceptible de contrevenir au principe de libre jeu des offres et des surenchères. L'offre ayant été déclarée recevable par l'AMF, il n'appartenait pas à Aventis d'en modifier les termes de façon aussi radicale sans l'accord de Sanofi. Les bons de souscription émis ont ainsi été perçus comme un facteur de perturbation plutôt que de correction du marché, indépendamment de certaines controverses portant notamment sur leur caractère stipulé non transférable, alors que ce type de valeur mobilière est supposé être négociable.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page