III. DONNER TOUTE SON EFFICACITÉ À LA CONVENTION

A. NE PAS EN IGNORER LES « FAIBLESSES »

1. Le Fonds international pour la diversité culturelle

Créé par l'article 18, il ne disposera peut-être pas de ressources importantes puisque celle-ci sont constituées par :

. Les contributions volontaires des Parties ;

. Les fonds alloués à cette fin par la Conférence générale de l'UNESCO ;

. Les versements, dons ou legs que pourront faire d'autres Etats, des organisations et programmes du système des Nations unies, d'autres organisations régionales ou internationales, et des organismes publics ou privés ou des personnes privées ;

. Tout intérêt dû sur les ressources du Fonds ;

. Le produit des collectes et les recettes des manifestations organisées au profit du Fonds.

2. L'articulation de la Convention avec les autres instruments juridiques internationaux

Elle est prévue par l'article 20, selon lequel, sans subordonner cette convention aux autres traités, les Parties encouragent le soutien mutuel entre cette convention et les autres traités auxquels elles sont Parties. En clair, s'agissant de l'Organisation Mondiale du Commerce, cela signifie que la Convention ne préjuge pas de l'inclusion ou de l'exclusion des biens et services culturels dans les futurs accords commerciaux.

3. Le règlement des différends

La procédure de résolution des litiges est, aux termes de l'article 25, laissée à la discrétion des parties et n'est assortie ni de clauses contraignantes ni de sanctions. En cas d'échec des négociations, les parties peuvent recourir à la médiation d'un tiers ou à une commission de conciliation prévue par la Convention et chargée de proposer une solution dont l'application restera à la discrétion des Parties.

Toutefois, ces faiblesses ne doivent pas masquer le progrès incontestable que représente cette convention.

Le système de règlement des différends n'est certes pas contraignant mais il amène les Etats à soumettre leurs litiges à un mécanisme spécialement prévu pour que des considérations culturelles et non commerciales soient prises en compte.

De plus, en ce qui concerne l'articulation de la convention avec l'OMC, elle encourage les parties à prendre en considération la notion de diversité culturelle lors des négociations commerciales. C'est donc un progrès considérable de la protection de la diversité culturelle au niveau international .

B. RENFORCER LE POIDS INTERNATIONAL DE LA CONVENTION

1. Ne pas sous-estimer le rôle des Etats-Unis

Le marché mondial est dominé par l'industrie culturelle anglo-saxonne. Le marché des biens et services culturels au niveau mondial est passé, entre 1994 et 2002, de 38 à 60 milliards de dollars et s'est concentré entre les mains d'un nombre très limité de pays. Aux Etats-Unis, les industries liées à la culture sont devenues le premier poste d'exportation. 8 des 10 films ayant réalisé le plus grand nombre d'entrées en Europe en 2005 sont d'origine américaine.

Dans un tel contexte, l'industrie cinématographique américaine considère avec inquiétude la convention sur la diversité culturelle. D'ailleurs les Etats-Unis (dont le retour à l'UNESCO après dix-neuf ans d'absence, a coïncidé avec la négociation de la convention) et Israël ont été les deux seuls pays qui ont voté contre cette convention.

Le lendemain de son adoption se tenaient les Rencontres cinématographiques de Beaune, sur le thème « OMC-UNESCO, quelle complémentarité pour quelle diversité culturelle ? ». Dan Glickman, président de la Motion Picture Association, s'est déclaré « préoccupé » par les « ambiguïtés » de la convention, ajoutant « le diable est dans les détails » et « tous les pays qui négocient des accords commerciaux pourront trouver qu'il existe toujours un point de vue culturel dans le café, la banane, le coton ou le fromage ».

Parallèlement, Kristen Silverberg, haut responsable du département d'Etat américain, a déclaré à Rome que les Etats-Unis pourront « tenter d'empêcher » les Etats de ratifier la convention ou « d'entraîner les Etats à ne pas en abuser » 3 ( * ) .

C'est dire à quel point la vigilance est indispensable. C'est dire aussi la nécessité de mettre en place, dès les 30 premières ratifications acquises, les organes de la Convention, avec un plan de travail concret, à l'occasion de la Conférence Générale de l'UNESCO en octobre 2007.

2. Adopter une démarche d'explication et de coopération

Les pays signataires doivent faire comprendre que cette convention n'est en rien une atteinte à la liberté d'expression de quelque pays que ce soit. Elle peut être définie comme une permission d'agir donnée aux pouvoirs publics des Etats, cette autorisation d'intervention dans le domaine culturel étant compensée par des politiques d'échange . C'est tout le sens de l'article 12 de la convention qui précise que les Parties s'emploient à renforcer leur coopération bilatérale, régionale et internationale afin de créer les conditions propices à la promotion de la diversité des expressions culturelles, afin notamment de :

. Renforcer les partenariats avec la société civile, les organisations non gouvernementales et le secteur privé pour promouvoir la diversité des expressions culturelles ;

. Encourager la conclusion d'accords de coproduction et de codistribution.

Ces dispositions sont particulièrement importantes pour les pays en développement qui, comme certains pays d'Europe centrale et orientale, ne disposent pas d'un appareil de production. On peut d'ailleurs noter que l'article 16 prévoit un traitement préférentiel pour les pays en développement : « les pays développés facilitent les échanges culturels avec les pays en développement en accordant, au moyen des cadres institutionnels et juridiques appropriés, un traitement préférentiel à leurs artistes et autres professionnels et praticiens de la culture ainsi qu'à leurs biens et services culturels ».

3. Renforcer le poids de la Convention par une mobilisation internationale

La convention pourra entrer en vigueur trois mois après la date du dépôt du trentième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.

Au niveau européen, la décision autorisant l'adhésion de la Communauté européenne à la convention a été adoptée lors de la réunion du Conseil des ministres de la culture des 18 et 19 mai 2006, et la commission souhaite que la Communauté européenne dépose ses instruments de ratification conjointement avec le plus grand nombre d'Etats membres.

Au-delà de l'engagement européen, la communauté internationale peut jouer un rôle essentiel. Le Canada, l'Ile Maurice et le Burkina Faso ont déjà ratifié la convention. Il est indispensable que le nombre d'Etats ayant ratifié ce texte dépasse rapidement la trentaine, afin de lui conférer une autorité politique internationale s'appuyant sur une véritable masse critique. Cela permettra de faire « légitimement » référence à la notion de diversité culturelle en cas de conflit d'instruments juridiques internationaux. De plus, cela enverra un signal fort aux Etats qui sont encore hésitants et pourraient se laisser tenter par les conventions bilatérales de libéralisation des biens et services culturels proposées par les Etats-Unis aux pays économiquement fragiles.

Cette mobilisation internationale en faveur de la convention doit pouvoir s'appuyer sur l'action de la communauté francophone.

Au sein de cette communauté, la France, qui a toujours joué un rôle moteur pour la promotion de la diversité culturelle, devra, avant le Sommet de Bucarest (septembre 2006), ratifier cette convention et convaincre le plus grand nombre de ses interlocuteurs francophones à s'engager au plus vite dans la même voie.

4. Accroître la crédibilité et l'efficacité de la convention

- au niveau international : l'échange d'information

Il résultera de la mise en oeuvre des articles 9 et 19. L'article 9 prévoit que les Parties fournissent tous les quatre ans dans leur rapport à l'UNESCO l'information appropriée sur les mesures qu'elles ont prises sur leur territoire et au niveau international.

De plus, chaque Partie doit désigner un point de contact. Par ailleurs, aux termes de l'article 19, l'UNESCO doit constituer une banque de données des différents organismes publics, ou privés impliqués dans le secteur des expressions culturelles. Cette initiative favorisera bien entendu les contacts culturels internationaux.

- au niveau régional : la création d'observatoires

Ceux-ci pourraient couvrir des zones géographiques suffisamment étendues mais permettant d'effectuer des comparaisons des actions menées par les différents Etats. On peut envisager par exemple un observatoire pour l'Europe centrale et orientale, un autre pour la zone américaine, etc...

C'est une proposition qui a été émise par Monsieur Ghassan SALAMÉ, ancien ministre de la culture du Liban, lors du colloque organisé au Sénat les 27 et 28 avril dernier dans le cadre du festival « Francofffonies ».

- En tout état de cause, l'engagement financier des parties pour doter sérieusement le Fonds international pour la diversité culturelle sera la clé de l'effectivité de la Convention.

* 3 Le Monde des 23-24/XI/2005.

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