Rapport n° 484 (2005-2006) de M. André TRILLARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 21 septembre 2006

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N° 484

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 septembre 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relative aux obligations de service national en cas de double nationalité , ainsi qu'à l'échange de lettres franco-tunisien du 17 juin 1982 relatif à cette convention,

Par M. André TRILLARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 324 (2005-2006)

Traités et conventions

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui a pour objet l'approbation d'un avenant à la convention bilatérale du 18 mars 1982, signée entre la Tunisie et la France, et relative aux obligations de service militaire des doubles nationaux. Cet avenant a été signé le 4 décembre 2003 et permet de tenir compte de l'évolution de la législation française, qui a suspendu le service national obligatoire par la loi du 28 octobre 1997, alors que la législation tunisienne prévoit un service militaire obligatoire de 12 mois pour ses jeunes nationaux.

I. L'OBJECTIF DE L'AVENANT À LA CONVENTION DE 1982 : RESTAURER UN ÉQUILIBRE ENTRE LES JEUNES FRANCO-TUNISIENS QUANT AUX OBLIGATIONS MILITAIRES

En 1999, les autorités tunisiennes ont fait valoir que la réforme du service national en France en 1997 avait introduit un déséquilibre important entre les obligations militaires tunisiennes, qui prévoient un service militaire obligatoire de douze mois assorti d'une période incompressible de formation militaire, et celles en cours en France, limitées au recensement et à la journée d'appel de préparation à la défense.

Ce déséquilibre, aux yeux des autorités tunisiennes, incitait les Franco-tunisiens résidant en Tunisie, à souhaiter satisfaire, en France, à leurs obligations militaires.

Une telle situation conférait à ces derniers un privilège important puisqu'elle leur permettait, par une sujétion symbolique, de s'exonérer d'obligations militaires encore substantielles en Tunisie. Elle rendait nécessaire, au moins pour ces binationaux résidant habituellement en Tunisie, un aménagement de la convention, tout en préservant le principe du droit d'option pour un service dans l'un ou l'autre pays.

Des problèmes de même nature ont été résolus différemment suivant les pays avec lesquels la France avait passé des accords bilatéraux. Ainsi la convention franco-italienne du 10 septembre 1974 a été modifiée en décembre 1998. Il avait été alors précisé que la possibilité, pour un binational, d'effectuer son service militaire dans l'Etat où il n'avait pas sa résidence habituelle était subordonnée à l'accomplissement d'un service militaire effectif : en conséquence, un tel service n'étant plus prévu en France, les doubles nationaux nés après le 31 décembre 1978 et résidant en Italie ne pouvaient plus choisir d'effectuer leur service en France. Ces dispositions sont cependant devenues caduques depuis la décision du Parlement italien, en 2000, de renoncer à la conscription, décision devenue effective en janvier 2005.

Une solution spécifique a été retenue pour régler le problème relatif aux doubles nationaux franco-suisses résidant en Suisse. Un double national résidant en Suisse peut, à la suite de l'accord intervenu en décembre 1999, choisir d'effectuer ses obligations en France mais ce droit d'option est subordonné à la manifestation d'une volonté expresse d'accomplir sur le territoire français une sujétion dont le contenu dépasse largement la simple journée d'appel de préparation à la défense. Celle-ci peut consister en une préparation militaire, un volontariat civil, un volontariat dans les armées ou la souscription d'un engagement de servir dans les armées. Cette solution est relativement favorable aux intéressés qui choisissent la préparation militaire qui ne dure que 20 jours.

II. LA SOLUTION RETENUE PREND EN COMPTE LES MODALITÉS DE VOLONTARIAT OU D'ENGAGEMENT DANS LES ARMÉES FRANÇAISES

Le présent avenant à la convention franco-tunisienne prévoit une modalité différente. Les binationaux franco-tunisiens ayant leur résidence habituelle en Tunisie 1 ( * ) ont la possibilité d'effectuer leurs obligations militaires en France à condition de déclarer cette option avant l'âge de vingt ans. Par ailleurs, pour assurer l'équilibre des obligations parmi l'ensemble des jeunes Tunisiens, ce droit n'est accordé qu'à la condition que les binationaux concernés effectuent une période de volontariat ou d'engagement au sein des armées françaises (article 2, 3 e alinéa) pour une période équivalent au service national tunisien, soit douze mois.

Rappelons que le volontariat dans les armées a été instauré par la loi du 28 octobre 1997. Il est ouvert aux Français âgés de 18 à 26 ans lors du dépôt de la demande. Il est conclu pour une durée de douze mois renouvelable chaque année dans la limite de soixante mois.

Quant aux jeunes binationaux résidant en France, ils conservent la possibilité de choisir, avant l'âge de vingt ans, d'effectuer un service en Tunisie, dans les conditions prévues par la législation tunisienne. Il ne s'agit bien sûr que d'une possibilité.

Les binationaux ayant satisfait à leurs obligations dans l'un des deux Etats dans les conditions énoncées ci-dessus sont considérés comme ayant satisfait à leurs obligations dans l'autre Etat (article 3), ce qui évitera par exemple aux Franco-tunisiens résidant en France et ayant satisfait aux obligations françaises d'être éventuellement incorporés, contre leur gré, dans l'armée tunisienne lors d'un séjour dans ce pays.

CONCLUSION

Cet avenant à la convention franco-tunisienne du 17 juin 1982 sur les obligations de service national en cas de double nationalité rétablit entre binationaux résidant habituellement en France ou en Tunisie l'équilibre prévalant avant la suspension du service national en France et qui concernait alors, chaque année, quelque 100 à 150 franco-tunisiens résidant en Tunisie.

Votre rapporteur vous propose donc d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 septembre 2006, sous la présidence de M. Serge Vinçon, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relative aux obligations de service national en cas de double nationalité, signée à Paris le 18 mars 1982, ainsi qu'à l'échange de lettres franco-tunisien du 17 juin 1982 relatif à cette convention, fait à Tunis le 4 décembre 2003 et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

ANNEXE I - ÉTUDE D'IMPACT3 ( * )

FICHE D'EVALUATION JURIDIQUE

I - Etat de droit existant :

La convention de 1982 traite de la situation des jeunes franco-tunisiens vis-à-vis de leurs obligations de service national prévues dans les deux Etats. Elle fait obligation aux jeunes ressortissants franco-tunisiens d'accomplir leurs obligations de service national, en principe, dans l'Etat où ils ont établi leur résidence habituelle. Mais ceux-ci ont cependant le droit d'opter pour leur accomplissement dans l'autre Etat, dès lors qu'ils en déclarent l'option avant l'âge de 20 ans.

En 1999, les autorités tunisiennes ont sollicité une renégociation de la convention de 1982, conclue à une date où la durée de service national était alors similaire dans les deux Etats. Les autorités tunisiennes ont estimé que la réforme en 1997 limitant, en France, les obligations du service national aux seules obligations de recensement et d'accomplissement de la Journée d'Appel de Préparation à la Défense avait rompu l'équilibre de la convention, le service national tunisien conservant une durée de 12 mois assortie d'une période incompressible de formation militaire

II - Effets de l'accord sur l'ordonnancement juridique :

L'avenant permet de sauvegarder les acquis de la convention bilatérale, notamment en disposant que les jeunes binationaux ayant accompli leurs de service national dans l'un des deux Etats sont considérés comme ayant satisfait à leurs obligations à l'égard de l'autre Etat. Si, en principe, les jeunes accomplissent leurs obligations dans l'Etat où ils ont établi leur résidence habituelle, leur droit d'opter pour l'accomplissement de leurs obligations dans l'autre Etat est maintenu mais subordonné, s'agissant de la France, à la souscription d'un volontariat ou d'un engagement d'un an dans les armées françaises, pour rétablir l'équilibre entre les obligations de service national des deux Etats.

III - Modifications à apporter au droit existant et délais de réalisation :

L'approbation de l'avenant n'entraînera pas de modification du droit existant./.

ANNEXE II - CONVENTION INITIALE DU 18 MARS 1982

CONVENTION

ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET
LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE TUNISIENNE RELATIVE
AUX OBLIGATIONS DE SERVICE NATIONAL EN CAS CE DOUBLE NATIONALITÉ

Le Gouvernement de la République française,
et
Le Gouvernement de la République tunisienne,

Désireux de renforcer les relations d'amitié et d'étroite coopération existant entre les deux Etats,

Considérant qu'il est souhaitable qu'une personne qui possède la nationalité des deux Etats n'ait à remplir ses obligations de service qu'à l'égard de l'un d'eux,

sont convenus d'adopter les dispositions suivantes :

Article 1 er

Les obligations de service visées à la présente Convention concernent le service national en France ou le service militaire en Tunisie.

Le service national en France, le service militaire en Tunisie s'entendent, dans chacun des deux Etats, du service militaire obligatoire ou de tout autre service considéré comme équivalent par la législation de l'Etat où ce service est accompli.

Article 2

Les jeunes gens seront soumis à l'âge de vingt ans accomplis aux obligations de service de l'Etat sur le territoire duquel ils ont leur résidence habituelle, à moins qu'ils ne déclarent vouloir accomplir ces obligations dans l'autre Etat.

Ceux qui ont leur résidence habituelle sur le territoire d'un Etat tiers choisissent celui des deux Etats, dont ils possèdent la nationalité, dans lequel ils entendent être soumis à ces obligations.

Ces options sont formulées sur un certificat de déclaration modèle A dont la rédaction fera l'objet d'un Echange de lettres.

Article 3

L'expression résidence habituelle s'entend de la résidence effective, stable et permanente des jeunes gens eux-mêmes, en tenant compte du centre de leurs attaches et de leurs occupations.

Article 4

Les jeunes gens visés à l'article 2 de la présente Convention sont considérés comme ayant satisfait aux obligations du service national en France s'ils sont en règle vis-à-vis de la loi sur le service militaire en Tunisie et s'ils peuvent en justifier par la production d'une attestation officielle délivrée par les autorités tunisiennes.

Article 5

Les jeunes gens visés à l'article 2 de la présente Convention sont considérés comme ayant satisfait aux obligations du service militaire en Tunisie s'ils sont en règle vis-à-vis de la loi sur le service national en France et s'ils peuvent en justifier par la production d'une attestation officielle par les autorités françaises.

Article 6

Chacun des deux Gouvernements délivrera aux personnes visées aux articles 4 et 5, qui seront en règle vis-à-vis des obligations prévues par la législation en vigueur sur le territoire de son Etat, une attestation officielle modèle B, destinée à régulariser leur situation à l'égard des autorités de l'autre Etat, et dont la rédaction fera l'objet d'un Echange de lettres.

Article 7

Les dispositions de la présente Convention n'affectent en rien les droits acquis au séjour et à l'emploi des personnes auxquelles elles s'appliquent ni leur nationalité qui demeure exclusivement régie, en ce qui concerne la nationalité française, par la loi française, et, en ce qui concerne la nationalité tunisienne, par la loi tunisienne.

Article 8

Les dispositions de la présente Convention seront appliquées à tous les double nationaux encore soumis aux obligations de service en France et en Tunisie à la date de son entrée en vigueur.

Article 9

Les difficultés qui s'élèveraient à l'occasion de l'application de la présente Convention seront réglées par la voie diplomatique.

Article 10

Chacun des Etats contractants s'engage à notifier à l'autre l'accomplissement des procédures requises par sa Constitution pour l'entrée en vigueur de la présente Convention, qui prendra effet le premier jour du deuxième mois suivant la date de la dernière de ces notifications.

Article 11

La présente Convention est conclue pour une durée illimitée. Chacun des deux Etats contractants pourra à tout moment la dénoncer et cette dénonciation prendra effet six mois après la date de la réception de sa notification par l'autre partie.

En foi de quoi, les représentants des deux Gouvernements, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention et y ont apposé leur sceau.

Fait à Paris, le 18 mars 1982, en double exemplaire, en langues française et arabe, les deux textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement de la République française :

CLAUDE CHEYSSON,

Ministre des Relations extérieures. Pour le Gouvernement de la République tunisienne :

BÊJI CAÏD ESSEBSI,

Ministre des Affaires étrangères.

* 1 La notion de « résidence habituelle » est définie à l'article 3 de la convention de 1982 comme « la résidence effective, stable et permanente des jeunes gens eux-mêmes, en tenant compte du centre de leurs attaches et de leurs occupations ».

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 324 (2005-2006)

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires

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