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Rapport n° 439 (2009-2010) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 mai 2010

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N° 439

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de l o i de M. Thierry FOUCAUD, Mme Marie-France BEAUFILS, M. Bernard VERA, Mme Éliane ASSASSI, MM. François AUTAIN, Michel BILLOUT, Mme Nicole BORVO COHEN-SEAT, M. Jean-Claude DANGLOT, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, M. Guy FISCHER, Mmes Brigitte GONTHIER-MAURIN, Gélita HOARAU, M. Robert HUE, Mme Marie-Agnès LABARRE, M. Gérard LE CAM, Mmes Josiane MATHON-POINAT, Isabelle PASQUET, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Mmes Mireille SCHURCH, Odette TERRADE et M. Jean-François VOGUET tendant à abroger le bouclier fiscal ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

381 (2009-2010)

E xposé général

La proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal sera discutée en séance publique le 20 mai 2010, dans le cadre de la séance mensuelle réservées aux initiatives des groupes politiques d'opposition et des groupes minoritaires des assemblées, selon les dispositions de l'article 48 alinéa 5 de la Constitution.

Le texte, déposé par les membres du groupe communiste, républicain et citoyen et les sénateurs du Parti de gauche, se présente, dans son exposé des motifs, comme une réaction face à une situation « d'injustice fiscale » et dit viser à mettre fin au privilège dont profiteraient les « détenteurs de patrimoine considérable » et les « bénéficiaires de très haut revenu ».

Par cette proposition de loi, les auteurs mettent l'accent sur une question délicate dans la conjoncture actuelle , notamment au regard de la situation des comptes publics et des réformes envisagées en matière de retraite et de prise en charge du « cinquième risque ».

Toutefois, la solution préconisée apparaît inadéquate à votre rapporteur, la suppression pure et simple du bouclier fiscal, non incluse dans une réforme d'ensemble de la fiscalité des personnes, se traduisant par un retour à la situation antérieure marquée par le caractère confiscatoire de l'impôt pour un nombre non négligeable de contribuables, dont certains foyers modestes .

I. UN ÉTAT DES LIEUX DU BOUCLIER FISCAL

Le bouclier fiscal, dont le fonctionnement est détaillé ci-après au sein du commentaire de l'article 1 er de la présente proposition de loi, vise à limiter à la moitié de ses revenus le montant des impositions directes qu'un contribuable doit acquitter.

Le Gouvernement a récemment transmis au Parlement la ventilation provisoire des bénéficiaires du bouclier fiscal 2009 par décile de revenu de référence et par tranche de patrimoine en nombre de contribuables et en montant restitué total.

Le tableau suivant rend compte de ces chiffres.

Ventilation du bouclier fiscal en 2009 (données provisoires à février 2010)

Déciles de revenu fiscal de référence

Patrimoine < 770 000

Patrimoine < 1 240 000

Patrimoine < 2 450 000

Patrimoine < 3 850 000

Patrimoine < 7 360 000

Patrimoine < 16 020 000

Patrimoine > 16 020 000

Total

< 3 428 euros

Redevables concernés

8 445

177

235

80

82

45

14

9 078

Impact budgétaire total

4 775 445

521 793

1 283 555

782 095

1 772 323

2 530 707

2 269 519

13 935 437

dont autoliquidation sur ISF

41 398

242 004

270 686

491 619

682 218

772 681

2 500 606

Restitution moyenne

565

2 948

5 462

9 776

21 614

56 238

162 109

1 535

Moyenne des impôts avant restitution

681

3 798

7 205

13 598

31 649

70 649

219 258

1 985

Redevables concernés

83

61

131

36

36

9

5

361

entre 3 428

Impact budgétaire total

74 437

119 103

547 342

264 928

791 641

418 058

863 504

3 079 013

et 7 630

dont autoliquidation sur ISF

18 243

114 347

95 207

228 753

169 616

105 714

731 880

euros

Restitution moyenne

897

1 953

4 178

7 359

21 990

46 451

172 701

8 529

Moyenne des impôts avant restitution

1 971

4 275

7 880

12 559

29 178

64 965

304 599

14 036

Redevables concernés

32

19

96

39

14

9

2

211

entre 7 630

Impact budgétaire total

27535

38 367

385 626

359 802

243 751

644 762

324 850

2 024 693

et 10 670

dont autoliquidation sur ISF

1 543

94 833

94 757

60 868

294 024

193 094

739 119

euros

Restitution moyenne

860

2 019

4 017

9 226

17 411

71 640

162 425

9 596

Moyenne des impôts avant restitution

2180

6 308

9 376

16 067

23 724

83 178

163 029

14 801

Redevables concernés

19

8

48

26

14

9

2

126

entre 10 670

Impact budgétaire total

13 819

19 097

180 945

198 792

263 719

409 905

615 027

1 701 304

et 13 391

dont autoliquidation sur ISF

7 371

73 284

65 805

122 468

130 941

399 869

euros

Restitution moyenne

727

2 387

3 770

7 646

18 837

45 545

307 514

13 502

Moyenne des impôts avant restitution

1 874

5 796

10 062

15 445

31 541

60 039

489 272

23 230

Redevables concernés

17

8

45

37

28

9

6

150

entre 13 391

Impact budgétaire total

19720

30 526

168 727

352 908

553 894

413 673

1 577 270

3 116 718

et 15 958

dont autoliquidation sur ISF

1 126

53 483

121 233

101 417

303 039

801 694

euros

Restitution moyenne

1160

3 816

3 749

9 538

45 964

262 878

20 778

Moyenne des impôts avant restitution

3181

6 752

11 139

20 358

66 630

291 914

30 907

Redevables concernés

10

10

54

45

28

16

7

170

entre 15 958

Impact budgétaire total

17 591

24 059

212 866

401 310

452 219

803 612

2 508 569

4 420 226

et 19 230

dont autoliquidation sur ISF

2 853

78 052

133 765

131 289

439 143

869 447

1 654 549

euros

Restitution moyenne

1 759

2 406

3 942

8 918

16 151

50 226

358 367

26 001

Moyenne des impôts avant restitution

4742

9 541

12 968

19 238

28 619

66 071

364 150

35 973

Redevables concernés

17

12

63

51

41

26

11

221

entre 19 230

Impact budgétaire total

27 146

15 193

225 983

475 488

718 695

1 486 470

1 610 949

4 559 924

et 24 292

dont autoliquidation sur ISF

9 672

58 674

143 078

167 858

310 343

515 999

1 205 624

euros

Restitution moyenne

1597

1 266

3 587

9 323

17 529

57 172

146 450

20 633

Moyenne des impôts avant restitution

4 225

4 814

13 475

21 882

35 436

74 126

191 480

34 303

Redevables concernés

12

18

46

71

55

28

7

237

entre 24 292

Impact budgétaire total

23 047

31 170

223 318

631 049

984 136

1 271 842

1 686 042

4 850 604

et 31 142

dont autoliquidation sur ISF

23 096

79 930

250 504

378 545

447 567

210 396

1 390 038

euros

Restitution moyenne

1921

1 732

4 855

8 888

17 893

45 423

240 863

20 466

Moyenne des impôts avant restitution

5 767

7 045

17 138

23 572

35 123

70 977

252 040

35 195

Redevables concernés

16

33

46

133

128

56

22

434

entre 31 142

Impact budgétaire total

48 504

18 000

148 064

1 020 985

2 582 146

2 643 678

1 194 924

10 656 301

et 43 761

dont autoliquidation sur ISF

18 000

99 299

264 644

894 113

604 824

526 772

2 407 652

euros

Restitution moyenne

3032

545

3 219

7 677

20 173

47 209

190 678

24 554

Moyenne des impôts avant restitution

11 088

9 497

16 960

27 022

41 267

77 477

252 737

46 189

> 43 761euros

Redevables concernés

24

123

209

485

1 804

1 738

979

5 362

Impact budgétaire total

458 420

287 932

1 424 122

5 470 670

43 395 088

117 955 503

368 235 304

537 227 039

dont autoliquidation sur ISF

65 774

339 133

1 452 712

11 303 051

33 488 087

83 473 996

130 122 753

Restitution moyenne

19 101

2 341

6 814

11 280

24 055

67 869

376 134

100 192

Moyenne des impôts avant restitution

165 273

32 413

76 010

88 311

120 943

227 214

789 312

270 885

Total

Redevables concernés

8 675

469

973

1 003

2 230

1 945

1 055

16 350

Impact budgétaire total

5 485 664

1 105 240

4 800 548

9 958 027

51 757 612

128 578 210

383 885 958

585 571 259

dont autoliquidation sur ISF

189 076

1 233 039

2 892 391

13 999 960

36 668 180

86 971 138

141 953 784

Restitution moyenne

632

2 357

4 934

9 928

23 210

66 107

363 872

35 814

Moyenne des impôts avant restitution

1 200

12 225

24 269

53 242

104 467

210 725

751 057

93 477

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

Il convient naturellement d'interpréter avec prudence ces données, qui ne présentent qu'un caractère provisoire. Le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat n'a pas caché que les résultats définitifs pourraient faire apparaître une évolution à la hausse du coût du dispositif.

Pour l'heure, et sous ces réserves, il apparaît que 16.350 contribuables ont bénéficié du bouclier fiscal en 2009, dont le coût pour l'Etat s'est élevé à 585,6 millions d'euros , soit une moyenne de 35.814 euros par dossier .

Parmi les bénéficiaires, 8.675, soit plus de la moitié, ne sont pas assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le remboursement moyen de ces bénéficiaires est relativement faible, puisqu'il s'établit à 565 euros, pour un coût de 4,8 millions d'euros.

S'agissant des 7.675 bénéficiaires redevables de l'ISF, la réduction ou le remboursement du fait du bouclier fiscal a représenté 580,8 millions d'euros, soit 75.674 euros par dossier. Le coût du bouclier fiscal se concentre, de manière logique, sur les contribuables dont le patrimoine se situe dans les trois dernières tranches de l'ISF et dans le dernier décile des revenus. En effet, ces personnes étaient à la fois les plus gros contributeurs (ils le demeurent d'ailleurs) et les contribuables qui avaient été le plus pénalisés par le « plafonnement du plafonnement » de l'ISF (cf. infra ), que l'instauration du bouclier fiscal avait notamment pour objet de corriger. Les 4.521 foyers concernés ont perçu, au total, 529,6 millions d'euros.

II. LA SUPPRESSION DU « BOUCLIER » : UN ÉLÉMENT QUI NE PEUT ÊTRE TRAITÉ ISOLÉMENT

A. UNE MESURE RÉPONDANT À UN PROBLÈME RÉEL, DESTINÉE À ÉVITER QUE LA FISCALITÉ PRÉSENTE UN CARACTÈRE CONFISCATOIRE

Votre rapporteur tient tout d'abord à rappeler que le bouclier fiscal a été instauré dans le cadre de loi de finances pour 2006, puis renforcé par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), pour ôter à la fiscalité française le caractère confiscatoire qu'elle pouvait présenter pour certains contribuables .

A ce sujet, il convient de souligner qu'aux termes de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 relative à la loi de finances pour 2006, a précisé que l'exigence définie par l'article XIII précité « ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » et que, dès lors, l'article 74 de la loi de finances pour 2006 instaurant le bouclier fiscal « loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ». Le Conseil a confirmé sa position dans sa décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007 relative à la loi TEPA. Il a, en outre précisé que l'inclusion des contribution sociales dans le champ du bouclier « n'est pas inappropriée à la réalisation de l'objet que s'est fixé le législateur », que le taux de 50 % de plafonnement « n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation » et que « le dispositif de plafonnement consistant à restituer à un contribuable les sommes qu'il a versées au titre des impôts directs au-delà du plafond fixé par la loi ne peut procéder que d'un calcul global et non impôt par impôt » . Dès lors, il « s'ensuit que le grief tiré de ce que ce dispositif favoriserait les redevables de certains impôts doit être écarté ».

Parallèlement, la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 novembre 2003 1 ( * ) , avait accepté de prendre en considération le caractère éventuellement confiscatoire de l'impôt (en l'occurrence, de l'ISF), examinant ce point sous deux angles : celui de l'aliénation forcée de patrimoine et celui de l'absorption intégrale des revenus.

B. UN MÉCANISME DONT L'APPLICATION POURRAIT ENTRAÎNER DES DIFFICULTÉS DANS LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LES DÉFICITS

Pour autant, votre rapporteur reconnaît que l'application de l'actuel dispositif de « bouclier fiscal » pourrait entraîner des difficultés dans certaines situations, par exemple en cas de nécessité d'augmenter des impôts.

Cette question a ponctuellement surgi à l'occasion de la discussion de la loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion 2 ( * ) . En effet, le financement du dispositif s'est fait notamment au moyen de l'instauration d'une contribution additionnelle à la CSG et à la CRDS assise sur le patrimoine, dont le taux a été fixé à 1,1 %. Or, l'inclusion de cette nouvelle contribution au sein du bouclier fiscal a suscité un débat 3 ( * ) .

Ce sujet pourrait également se poser de manière plus générale si la gestion de l'augmentation de la dette publique ou le traitement d'une question comme le financement des retraites impliquait un alourdissement de la fiscalité. Il paraîtrait alors difficilement acceptable de ne pas faire participer les plus favorisés de nos compatriotes à l'effort national du fait de l'existence du bouclier fiscal.

C. UN ÉVENTUEL RÉEXAMEN NE POURRAIT CEPENDANT S'INTÉGRER QUE DANS LE CADRE D'UNE RÉFORME FISCALE PLUS COMPLÈTE

Néanmoins, pour les raisons exposées supra , votre rapporteur estime que l'éventuel réexamen du bouclier fiscal ne devrait intervenir que dans le cadre d'une réforme plus ambitieuse de notre fiscalité , qui allierait simplicité et justice sociale.

Les termes de ce débat ont été détaillés dans le cadre de l'examen des deux derniers projets de loi de finances initiale. Nos collègues Jean Arthuis, président de votre commission des finances, Philippe Marini, rapporteur général de cette commission, et Jean-Pierre Fourcade ont déposé un amendement fixant le schéma d'ensemble de la réforme proposée 4 ( * ) : il s'agissait alors d'associer la suppression du bouclier fiscal à l'abrogation de l'ISF, le manque à gagner pour l'Etat devant être compensé par la création d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu et par la suppression de certaines « niches fiscales » bénéficiant aux détenteurs de plus-values mobilières et immobilières. Le rapporteur général a également détaillé ces principes dans son dernier rapport d'information sur les prélèvements obligatoires 5 ( * ) .

En outre, une réforme fiscale d'importance telle que l'abrogation du bouclier fiscal ne devrait pas être examinée dans un autre cadre que celui de la loi de finances de l'année . Comme votre commission des finances l'a déjà exprimé à plusieurs reprises, les questions fiscales ne devraient être traitée qu'en loi de finances ou de financement de la sécurité sociale afin que le Parlement dispose d'une vision globale et cohérente des finances publiques lorsqu'il vote des dispositions ayant un impact sur le solde budgétaire.

* * *

Sous le bénéfice de ces observations, la commission n'est donc pas favorable à l'adoption de la présente proposition de loi. Cependant, elle a décidé de ne pas la rejeter, ni de la modifier afin que la discussion en séance publique porte sur le texte originel rédigé par ses auteurs, conformément aux dispositions de l'article 42 de la Constitution et de l'article 42-6 du règlement du Sénat.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er - Suppression du bouclier fiscal

Commentaire : le présent article a pour objet d'abroger les articles 1 er et 1649-0 A du code général des impôts, qui définissent le « bouclier fiscal ».

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DU BOUCLIER FISCAL

Le principe du bouclier fiscal a été introduit par l'article 74 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Il a été renforcé par l'article 11 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

Ainsi, aux termes du premier alinéa de l'article 1 er du code général des impôts issu de ces deux lois, « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus ».

Le positionnement de ces dispositions au sein du code général des impôts donne un caractère solennel à ce principe, dont les conditions d'application sont définies à l'article 1649-0 A du même code.

B. LE FONCTIONNEMENT DU BOUCLIER FISCAL

1. Un droit à restitution ou à « autoliquidation » de l'impôt trop versé

L'article 1649-0 A du code général des impôts définit, pour les contribuables domiciliés fiscalement en France, un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 50 % précité. Le droit à restitution du « trop d'impôt » est acquis par le contribuable au 1 er janvier de l'année suivant le paiement des impositions dont il est redevable, et doit être exercé avant le 31 décembre de la même année.

De plus, selon les dispositions introduites par l'article 38 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, adopté à l'initiative de votre rapporteur général, le contribuable redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), de la taxe foncière ou de la taxe d'habitation peut calculer lui-même le montant de son impôt en tenant compte de la créance qu'il détient sur l'Etat à raison des excédents d'impositions antérieurement acquittés (« autoliquidation du bouclier fiscal »).

2. Le calcul du plafonnement

a) Les impositions prises en compte au numérateur

Sous réserve qu'elles ne soient pas déductibles d'un revenu catégoriel de l'impôt sur le revenu et qu'elles aient été payées en France, les impositions prises en compte sont les impositions directes suivantes :

- l'impôt sur le revenu (IR) ;

- l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;

- les contributions sociales sur les revenus du patrimoine (CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine, prélèvement social et contribution additionnelle) ;

- les contributions sociales sur les revenus d'activité et de remplacement et les produits de placement (CSG et CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement, CSG, CRDS, prélèvement social et contribution additionnelle sur les revenus de placement) ;

- la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférents à l'habitation principale du contribuable et perçues au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

- la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale du contribuable et perçue au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les impôts locaux pris en compte ne concernent pas les impôts perçus au titre des résidences secondaires . Par ailleurs, sont prises en compte les taxes additionnelles aux taxes foncières et d'habitation perçues au profit des établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes, à l'exclusion de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

b) Les revenus pris en compte au dénominateur

Les revenus à prendre en compte sont ceux réalisés par le contribuable au titre de l'année qui précède celle du paiement des impositions.

Ils sont constitués de trois catégories de revenus :

- les revenus soumis à l'impôt sur le revenu nets de frais professionnels 6 ( * ) ;

- les produits soumis à un prélèvement libératoire ;

- les revenus exonérés d'impôt réalisés au cours de la même année en France ou hors de France .

Par ailleurs, peuvent être imputés, en diminution de ces revenus :

- les déficits catégoriels imputables sur le revenu global 7 ( * ) ;

- les pensions alimentaires ;

- les cotisations ou primes versées au titre de l'épargne retraite facultative qui sont déductibles du revenu global.

Enfin, parmi les revenus d'épargne soumis à l'impôt sur le revenu dont le prélèvement n'intervient qu'au terme du dénouement d'un contrat (comptes d'épargne-logement, plans d'épargne populaire et bons de capitalisation, et placements de même nature, autres que ceux en unités de comptes, c'est-à-dire en euros), le 6 de l'article 1649-0 A du code général des impôts prévoit que ces revenus sont pris en compte dans le calcul du plafonnement « à la date de leur inscription en compte ».

c) Les revenus non pris en compte au dénominateur

En revanche, le 4 de l'article 1649-0 A du code général des impôts exclut les plus-values immobilières exonérées en application des II et III de l'article 150 U du code général des impôts des revenus à prendre en compte au dénominateur du plafonnement. Il s'agit :

- des plus-values sur la résidence principale et ses dépendances, sur l'habitation des Français domiciliés hors de France, sur les biens faisant l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique et sur les biens faisant l'objet d'une opération de remembrement ;

- des plus-values constatées sur un montant de cession inférieur à 15.000 euros ;

- des plus-values réalisées par des titulaires d'une pension vieillesse non assujettis à l'ISF et disposant de revenus leur permettant d'être exonérés ou de bénéficier d'un dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties ou de taxe d'habitation ;

- des plus-values sur les biens cédés par les particuliers au profit d'un organisme HLM, d'une société d'économie mixte gérant des logements sociaux, d'un organisme sans but lucratif ou d'une union d'économie sociale exerçant une activité dans le cadre de la mise en oeuvre du droit au logement ou de lutte contre l'exclusion.

De même, un certain nombre de prestations sociales sont exclues du dénominateur du plafonnement . Il s'agit :

- des prestations familiales énumérées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale (prestation d'accueil du jeune enfant, allocations familiales, complément familial, allocation de logement, allocation d'éducation de l'enfant handicapé, allocation de soutien familial, allocation de rentrée scolaire, allocation de parent isolé et allocation de présence parentale) ;

- de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

- de l'allocation de logement et de l'aide personnalisée au logement.

- des revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance et qui ne sont pas soumis en application de l'article 15-II du code général des impôts à l'impôt sur le revenu ;

- des plus-values qui ne bénéficient pas d'une exonération mais ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d'abroger les articles 1 er et 1649-0 A du code général des impôts, ce qui revient à supprimer le bouclier fiscal .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur réitère le raisonnement qu'il a tenu dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

Si le bouclier fiscal n'est pas exempt de critique, il garantit aujourd'hui que l'impôt ne présente pas de caractère confiscatoire pour quelque contribuable que ce soit. Il apparaît donc indispensable dans le cadre actuel de la fiscalité française.

En revanche, une évolution, comportant la suppression du bouclier fiscal, gagnerait à être envisagée dans le cadre d'une réforme plus globale de la fiscalité des personnes, laquelle devrait avoir pour cadre l'examen de la loi de finances de l'année.

Décision de la commission : conformément à la position de principe présentée dans l'exposé général, votre commission n'a pas supprimé ou modifié cet article afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi. Elle vous propose de ne pas l'adopter.

ARTICLE 2 - Entrée en vigueur

Commentaire : le présent article tend à ce que la suppression du bouclier fiscal s'applique aux revenus de l'année 2009 et des années suivantes.

Ces dispositions sont de pure cohérence avec l'article premier visant à supprimer le bouclier fiscal.

Décision de la commission : conformément à la position de principe présentée dans l'exposé général, votre commission n'a pas supprimé ou modifié cet article afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi. Elle vous propose de ne pas l'adopter.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 12 mai 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier sur la proposition de loi n° 381 (2009-2010) tendant à abroger le bouclier fiscal.

M. Jean Arthuis , président. - Nous allons examiner la proposition de loi présentée par M. Foucaud et le groupe CRC-SPG et tendant à abroger le bouclier fiscal.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Je crains que M. Foucaud ne soit déçu par mon rapport. Le groupe CRC-SPG a déjà proposé cette abrogation dans des amendements à toutes les lois de finances, ainsi que dans une proposition de loi l'an dernier. Je salue sa constance, qui n'a d'égale que celle de la commission des finances et du Sénat, qui ont chaque fois repoussé cette idée. Je suggère de persévérer dans cette voie.

Sur le fond, le bouclier fiscal est un rempart indispensable compte tenu de l'architecture actuelle de la fiscalité des personnes. Le plafonnement a du reste été introduit par le gouvernement Rocard, jugeant que l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l'impôt sur le revenu (IR) cumulés ne devaient pas excéder 70% du revenu. Ce plafond a été porté à 85 % deux ans plus tard. Mais, par la suite, le plafonnement de l'ISF a lui-même été limité, à la moitié de l'ISF normalement dû. Dès lors, avant l'instauration du bouclier fiscal, certains contribuables étaient obligés de consacrer l'ensemble de leurs revenus au paiement de leurs impôts, ce qui n'est pas acceptable. La position du Conseil constitutionnel est très claire. Il a estimé que l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne serait pas respecté si l'impôt atteignait un niveau confiscatoire ou représentait une charge excessive par rapport à la capacité contributive. Le bouclier fiscal ne constitue pas une rupture de l'égalité devant l'impôt, il évite au contraire la rupture d'égalité. On met toujours en avant les restitutions, en oubliant de préciser que la moitié des bénéficiaires du bouclier ne sont pas des redevables de l'impôt sur la fortune. Le président de la République et le Premier Ministre ont indiqué que les hauts revenus devront contribuer au financement de la réforme des retraites. La question de l'inclusion de la CSG dans le bouclier se posera, par exemple ; mais ne traitons pas du bouclier isolément. MM. Arthuis, Marini, Fourcade ont ouvert une piste intéressante avec le triptyque : abrogation de l'ISF, création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu, réforme de la fiscalité des plus-values, en plus de la suppression du bouclier fiscal.

Sur la forme, une telle réforme fiscale relève de la loi de finances, comme toutes les mesures qui affectent significativement le solde budgétaire. Je songe aux décisions prises en loi de modernisation de l'agriculture, ou à d'autres d'ampleur égale, qui devraient elles aussi être traitées en loi de finances.

Je ne suis donc pas favorable à votre proposition de loi. Je propose à la commission de ne pas élaborer de texte et de discuter en séance publique sur la rédaction de nos collègues.

M. Jean Arthuis , président . - Le véhicule législatif approprié évoqué par le rapporteur risque de passer souvent : nous avons adopté il y a peu une deuxième loi de finances rectificative, il en faudra une troisième dans les prochains jours pour tirer les conséquences des engagements de solidarité européenne.

M. Thierry Foucaud . - Vous savez que 67% des Français souhaitent l'abrogation du bouclier fiscal : toute la gauche mais aussi une partie de la droite. Il ne se passe pas de jour sans qu'un représentant de votre camp ne fasse une déclaration à ce propos, un ministre en exercice par exemple, comme M. Lellouche...

M. Jean Arthuis , président . - On s'est mépris sur ses propos. Il a publié un démenti...

M. Thierry Foucaud . - MM. Méhaignerie, Balladur, Juppé en ont-ils publié un ? Le rapporteur parle de « rempart ». Oui, un rempart pour les plus riches, mais une ruine pour les plus pauvres ! On supprime 150 euros alloués jusqu'à présent à 3 millions de personnes, pour économiser 450 millions d'euros. Mais le maintien du bouclier fiscal en coûte 600. Les comptes publics sont depuis plusieurs années dans une situation critique. Le déficit budgétaire a explosé depuis 2007. Et le président de la République comme le Premier Ministre ont fait des déclarations qui orientent déjà le contenu de la prochaine loi de finances. La rigueur budgétaire se traduira par une croissance zéro des dépenses, une hausse de la pression fiscale et une remise en cause de certaines niches. Les mesures marqueront surtout la volonté du Gouvernement d'apporter un soutien forcené à un euro fort.

Nous estimons pour notre part nécessaire de diminuer le déficit public, en supprimant le bouclier fiscal qui apporte si peu à la collectivité. La moitié de ses bénéficiaires ne paient pas l'ISF. Certes. Mais l'essentiel des sommes reversées va aux redevables de l'impôt sur la fortune. Le bouclier concerne 16.000 personnes, sur 36 millions de contribuables et 550.000 redevables de l'ISF : c'est dire son efficacité. Nous proposons une mesure de justice fiscale et sociale.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Je suis d'accord pour réduire le déficit. De plus, les chiffres, comme le coût du bouclier fiscal pour l'Etat ou le montant des restitutions figurent dans mon rapport. Nous ne sommes pas, à la commission des finances, des fanatiques du bouclier fiscal. Mais vous ne traitez qu'une partie du problème. Le bouclier n'est pas la réponse ultime, unique, mais il faut se pencher aussi sur la fiscalité du patrimoine. La France est le seul pays en Europe à avoir maintenu l'ISF.

M. François Marc . - D'autres vont le rétablir.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Le barème de l'imposition est dissuasif, au regard de taux de placement, qui ont considérablement diminué : voyez ce que rapportent les obligations... Je rejoins l'idée de triptyque, réaliste en économie ouverte. La France ne doit pas maintenir l'ISF, dont le rendement n'a rien de spectaculaire...

M. Jean Arthuis , président . - Les concepteurs de l'ISF étaient bien conscients du risque de délocalisation, puisqu'ils ont retiré de son assiette les oeuvres d'art. Je souligne qu'un consensus nous réunit au moins sur la nécessaire disparition du bouclier. Mais M. Foucaud ne va pas assez loin.

M. Edmond Hervé . - Je rends hommage à l'objectivité du rapporteur. Il a indiqué que la moitié des bénéficiaires ne payaient pas l'ISF ; mais il a oublié de préciser que l'économie d'impôt, pour cette catégorie, représente 1% des 580 millions d'euros du bouclier ! Je suis plein de compassion à l'égard du président Arthuis que j'ai entendu dans le passé estimer que « le bouclier fiscal est une extrême injustice sociale ». Cessons de torturer notre président, mettons fin à cette mesure. Du reste, a-t-elle fait revenir les émigrés fiscaux ?

M. Jean Arthuis , président . - Non.

M. Roland du Luart . - Mais elle a sans doute évité que d'autres s'en aillent.

Mme Nicole Bricq . - Lors du débat sur la loi TEPA, j'ai présenté un amendement tendant à prévoir un rapport sur l'impact du bouclier : l'amendement a été adopté mais nous attendons toujours le rapport...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Nous ne disposons pas du chiffre des retours. Mais s'ils sont peu nombreux, c'est sans doute aussi par manque de confiance en la stabilité de notre système fiscal. Vos propositions récurrentes de suppression ne sont pas pour les rassurer ! L'incertitude est dissuasive.

M. Edmond Hervé . - C'est un argument que les élus locaux comprennent eux aussi parfaitement...

Mme Nicole Bricq . - Je sais les difficultés de la majorité parlementaire à l'égard de ce qui est un totem ou un tabou, selon le point d'où on le considère. La trilogie du président Arthuis est partielle et partiale. Elle mêle imposition du patrimoine et imposition du revenu, ce qui, pour paraître séduisant, n'a en fait pas de sens. La question de fond est celle-ci : quel type de fiscalité voulons-nous ? Le bouclier fiscal et les niches ont, ensemble, des effets plus que pervers ! Je trouve dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2010 le chiffre de 74 milliards d'euros pour l'ensemble des niches fiscales... Depuis 2002, 30 milliards d'euros ont ainsi été gaspillés injustement, parmi lesquels 20 milliards ont été redistribués aux 5% de contribuables les plus riches. Il y a en France un problème d'architecture fiscale : le bouclier fiscal en est le symbole. Le débat s'est ouvert ce matin sur le financement des retraites. Qu'importent les discours, alors qu'il faut trouver, dès maintenant, 30 milliards d'euros ! D'autre part, c'est tous les ans qu'il faudrait investir les 35 milliards du grand emprunt afin de répondre au problème du sous-investissement chronique de l'Etat. Vous vous en tenez à une autre solution : pressurer la dépense. Remettons plutôt à l'endroit notre système fiscal. Et pourquoi ne pas commencer par la suppression du bouclier ? Le reste suivra ! Refusez la fuite en avant. Je signale que le groupe socialiste présente aujourd'hui même à l'Assemblée nationale une proposition similaire.

M. Jean Arthuis , président . - Pour faire sens, la fiscalité doit être lisible. Notre système est devenu abscons ! Et les niches fiscales heurtent le principe républicain.

Mme Nicole Bricq . - Les réduire de 6 milliards d'euros est une plaisanterie.

M. Jean Arthuis , président . - Nous avons tous contribué à les créer, l'une après l'autre. Il en résulte des possibilités d'optimisation, des montages fiscaux, outre-mer par exemple, dont l'efficacité économique est sujette à caution !

M. François Marc . - M. le rapporteur est à court d'arguments. Il s'abrite derrière le Conseil constitutionnel. Il faut conserver le bouclier pour éviter une injustice fiscale... Mais les arguments invoqués lors de la création du bouclier étaient bien différents ! A la lumière de l'expérience, peut-on estimer qu'ils étaient pertinents ? Il s'agissait à l'époque de protéger les revenus qui sont le fruit du travail - « de l'argent honnêtement gagné », vous a-t-on entendu dire alors. Les contribuables devaient en conserver au moins 50%, pour que soit préservée la capacité d'initiative, source de croissance. Toute l'argumentation reposait sur le souci de restaurer la confiance et donc la croissance. Peut-on dire a posteriori que le dispositif a stimulé la croissance ? Je n'en suis pas certain.

Il s'agissait aussi d'éviter l'émigration fiscale : il ne semble pas que les émigrés soient revenus. A-t-on perçu plus de recettes fiscales ? La richesse produite a-t-elle été accrue ? Cela n'a pas été mesuré. Enfin, on invoquait le nombre de gens modestes qui bénéficieraient du bouclier, simulations à l'appui. J'apprécierais que le rapporteur s'exprime aujourd'hui sur ces points-là.

M. Thierry Foucaud . - Les réponses du rapporteur sont effectivement de moins en moins pertinentes et objectives. Et tandis que l'on maintient le bouclier, on taxe les accidentés du travail, on supprime la demi-part du conjoint survivant. Une femme qui, avec son mari, payait 85 euros en 2006 paye maintenant, veuve, 140 euros. Une récente étude de l'Insee indique que le nombre de ceux qui gagnent plus de 100.000 euros par an a augmenté de 20% entre 2004 et 2007, et le nombre de ceux qui gagnent plus de 500.000 euros, de 70%. Les inégalités sociales ont donc augmenté : car 8 millions de personnes perçoivent moins de 908 euros par mois. Le nombre des chômeurs s'accroît, le pouvoir d'achat baisse. Abrogeons le bouclier fiscal.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Il est normal, à l'époque de la mondialisation, de plafonner l'impôt direct à 50% du revenu. Le contraire ne serait pas adapté aux temps actuels. Mais le bouclier doit s'appliquer au revenu brut, non au revenu après les déductions correspondant aux niches et abattements. Et dans une période de déficit budgétaire aussi accusé, l'Etat ne devrait pas reverser les sommes mais conserver des créances jusqu'à retour à un déficit inférieur à 3% du PIB.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Si le plafonnement de l'ISF a été instauré en 1989 par le gouvernement Rocard, c'est que la fiscalité sur le revenu est progressive, alors que l'ISF est décorrélé du niveau de revenu, donc confiscatoire pour certains. Il serait plus simple de supprimer l'ISF...

Mme Nicole Bricq . - Supprimer l'ISF, alors que vous avez déjà arrasé les droits de succession et fixé à 18%, « flat », sans progressivité, l'impôt sur le patrimoine ? Il n'est pas exact que l'ISF soit une exception mondiale, car l'Allemagne ou les Etats-Unis ont une fiscalité immobilière très lourde, qui tient lieu d'impôt sur la fortune. En invoquant l'exemple de l'Ile de Ré, vous diffusez des idées fausses qui abusent les plus pauvres. Et votre raisonnement autour de la trilogie est faux.

M. Jean Arthuis , président . - Votre raisonnement est faux également, pourrais-je vous rétorquer. Ou peut-être avons-nous besoin d'un spécialiste pour nous aider à nous comprendre... M. Foucaud souligne que le nombre de contribuables qui perçoivent plus de 100.000 euros a beaucoup augmenté : précisément, nous voulons créer une tranche d'impôt sur le revenu à 45% ; et revoir à la hausse le barème d'imposition des plus-values. Par courtoisie, nous vous proposons que la proposition du groupe CRC-SPG soit soumise à la discussion en séance publique, mais le rapporteur suggérera alors de la repousser.

La commission décide de ne pas adopter de texte afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi. Elle décide également de demander au Sénat de ne pas adopter les articles de la proposition de loi et de rejeter celle-ci.

Mme Nicole Bricq . - Quid de votre trilogie, Monsieur le Président ?

M. Jean Arthuis , président . - Il s'agit pour être plus précis d'une tétralogie : deux abrogations, le bouclier fiscal et l'ISF, et deux impositions nouvelles, tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu et révision à la hausse de l'imposition des plus-values immobilières et mobilières.

M. Gérard Longuet . - On ne peut tout de même pas interdire aux gens d'être intelligents dans leurs placements.

M. Jean Arthuis , président . - Mais ils doivent contribuer au financement des charges publiques.

* 1 Cass. Com. 13 novembre 2003, Binet. Voir aussi Cass. Com. 26 février 2008, Vigneron.

* 2 Rapport n° 25 (2008-2009) de Mme Bernadette Dupont fait au nom de la commission des affaires sociales, et avis n° 32 (2008-2009) de M. Eric Doligé, fait au nom de votre commission des finances.

* 3 Compte-rendu des débats du Sénat, séance du 23 octobre 2008.

* 4 Compte-rendu des débats du Sénat, séances du 8 décembre 2008 et du 7 décembre 2009.

* 5 Rapport d'information Sénat n° 45 (2009-2010).

* 6 Toutefois, aux termes de l'article 101 de la loi de finances pour 2010 et de l'article 56 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009, les revenus de capitaux mobiliers imposés après application de l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts sont retenus à concurrence d'une fraction de leur montant brut fixée à 70 % pour ceux perçus en 2009, 80 % pour ceux perçus en 2010, 90 % pour ceux perçus en 2011 et 100 % pour ceux perçus en 2012 et au-delà, alors qu'ils ne sont pris en compte qu'à hauteur de 60 % pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

* 7 L'article 101 de la loi de finances pour 2010 a précisé que seuls les déficits catégoriels constatés l'année de réalisation des revenus peuvent être pris en compte.

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