Rapport n° 657 (2010-2011) de Mme Colette MÉLOT , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 22 juin 2011

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N° 657

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi présentée par MM. Robert NAVARRO, Jean-Pierre BEL, Jean-Marc PASTOR, Claude BÉRIT DÉBAT, Alain ANZIANI, Didier GUILLAUME, Jean-Jacques MIRASSOU, Jean-Noël GUÉRINI, Serge ANDREONI, Jean BESSON, Georges PATIENT, Mme Bernadette BOURZAI, M. Roland POVINELLI, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Roland COURTEAU, François MARC, Roland RIES, Yves CHASTAN, Richard TUHEIAVA, Simon SUTOUR, Mmes Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Michèle ANDRÉ, Catherine TASCA, Odette HERVIAUX, M. Gérard COLLOMB, Mme Maryvonne BLONDIN, MM. Marcel RAINAUD, Ronan KERDRAON, Jean-Luc FICHET, Yannick BOTREL, Serge LARCHER, Jacky LE MENN, Mme Françoise LAURENT PERRIGOT, MM. Gérard MIQUEL, Jean-Pierre SUEUR, Pierre MAUROY, Mme Jacqueline ALQUIER et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative au développement des langues et cultures régionales ,

Par Mme Colette MÉLOT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-Claude Carle , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Catherine Dumas , secrétaires ; M. Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Claude Léonard, Mme Claudine Lepage, M. Alain Le Vern, Mme Christiane Longère, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mmes Mireille Oudit, Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

251 rect. (2010-2011)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi n° 251 rectifié déposée par notre collègue Robert Navarro et les membres du groupe socialiste sur le développement des langues et cultures régionales est de vaste portée.

Intervenant à la suite de l'inscription des langues régionales dans l'article 75-1 de la Constitution en tant qu'éléments du patrimoine de la France, elle touche à tous les domaines de compétences de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Sont ainsi concernés aussi bien l'éducation, les médias et le spectacle vivant que la place des langues régionales dans la vie publique, la vie économique et sociale, l'onomastique et la toponymie. Nombre de ses dispositions sont communes avec celles de la proposition de loi n° 213 déposée par notre collègue Jean-Paul Alduy et plusieurs membres du groupe UMP.

Ces initiatives parlementaires, ainsi que les fréquentes questions orales et écrites posées depuis la révision constitutionnelle de 2008 sur le sujet, témoignent de l'intérêt partagé par l'ensemble du Sénat pour la question des langues et cultures régionales.

Au terme des nombreuses auditions qu'elle a conduites (ministères de l'éducation nationale et de la culture, Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), France Télévisions, Association des régions de France (ARF), Unesco, linguistes et associations de promotions des langues régionales), votre rapporteur est convaincue que le temps des « guerres linguistiques » est révolu.

Certes, il faut conserver un statut prééminent au français, qui est notre langue nationale commune, la langue de la vie publique et de la République, un des piliers de l'unification de notre pays. Les langues régionales n'en constituent pas moins une des richesses culturelles qui honorent notre pays. Elles ne sont pas une menace pour le français, qui doit plutôt lutter au plan international pour conserver sa place.

I. LA NÉCESSITÉ D'UNE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR N'EST PAS AVÉRÉE

A. DES SITUATIONS CONTRASTÉES SELON LES TERRITOIRES EXIGEANT UN TRAITEMENT SOUPLE

L'appellation de langues régionales, si elle constitue un terme générique commode d'emploi, a l'inconvénient de masquer la grande variété des situations locales. Sans évoquer plus avant des cas épineux d'identification ou de caractérisation de certaines langues comme l'occitan/langues d'oc ou le poitevin-saintongeais, votre rapporteur a pu constater au cours de ses auditions l'hétérogénéité du paysage linguistique français. Le seul trait qui semble réunir les langues régionales est leur opposition au français. Cette distinction entre la langue nationale commune, langue de la vie publique et de la République et les langues à vocation régionale et largement privée doit être préservée, parce qu'elle est un des piliers de l'unification de notre pays. Cependant, il convient de rejeter la tentation de l'anathème et de reconnaître le trésor culturel que constituent les langues régionales, chacune à sa manière.

Il y a peu en commun entre des langues comme le basque, le breton, l'occitan et ses variétés, l'alsacien, le catalan, le corse, le flamand occidental, les créoles, le tahitien, les langues kanaks et amérindiennes. Elles diffèrent par le nombre des locuteurs, dont l'estimation est d'ailleurs difficile, d'autant qu'il faudrait distinguer entre la compréhension passive et l'expression active, la maîtrise de l'oral et de l'écrit. Beaucoup d'entre elles en outre mer connaissent encore une transmission naturelle dans les familles. En revanche, celle-ci s'est complètement étiolée en métropole où les langues régionales survivent grâce à l'école, contrairement à un préjugé répandu.

Certaines langues sont confinées à des territoires très restreints comme le Pays basque, le Roussillon ou l'arrondissement de Dunkerque, tandis que les variétés de l'occitan couvrent la moitié Sud du pays. Certaines langues sont en fait internationales et reconnues dans des pays voisins à l'instar du catalan en Espagne et en Sardaigne. Si l'allemand est adopté comme forme écrite de l'alsacien, les locuteurs de flamand occidental n'adoptent pas le standard néerlandais. Les unes connaissent une littérature pluricentenaire comme le breton par exemple, certaines ne sont pas encore véritablement dotées d'un standard écrit.

De même, l'intervention des collectivités diffèrent d'un territoire à l'autre, en fonction des priorités librement déterminées de leur politique. Certaines régions comme l'Alsace mènent une politique vigoureuse en faveur de leur langue propre, d'autres pas. Parfois des organismes très structurés existent comme l'office public de la langue basque dont chacun salue l'efficacité et le succès. Faut-il pour autant imposer ce modèle partout ?

Votre rapporteur considère que la préservation du patrimoine des langues et cultures régionales est une responsabilité incombant prioritairement aux collectivités où elles sont en usage, ainsi que l'indique l'inscription des langues régionales au sein du titre de la Constitution consacré aux collectivités territoriales. Il revient à ces dernières de déterminer les modalités d'action qu'elles jugent pertinentes pour répondre à la demande sociale locale. Il ne paraît donc ni légitime, ni utile de confier au législateur la tâche de tracer un cadre uniforme commun, qui sera par nature mal ajusté aux spécificités de telle et telle langue, de tel et tel territoire.

L'hétérogénéité des langues et des territoires explique et justifie la diversité des politiques locales et des instruments employés. Plutôt que de figer des situations très évolutives et mouvantes par des normes nationales, il faut laisser les initiatives locales se développer. D'ailleurs, votre rapporteur a pu constater la vitalité des associations de promotion des langues régionales et des délégations régionales constituées à cet effet, en Aquitaine et en Midi-Pyrénées notamment. Le cadre légal et réglementaire actuel ne freine pas les projets nombreux mis en oeuvre localement. Tout au plus une circulaire pourrait-elle être utile pour lever certaines ambiguïtés d'interprétation.

B. UNE IMPLICATION DÉJÀ FORTE DE L'ÉTAT

1. L'engagement incontestable de l'éducation nationale

Si les collectivités territoriales sont très actives, l'État assume pleinement sa part de responsabilité. Votre rapporteur a notamment pu mesurer l'intensité et la pérennité de l'effort consenti par l'éducation nationale en faveur de l'enseignement des langues régionales. Dans les écoles, les collèges et les lycées, toutes formes d'enseignement confondues, ce sont quelque 193 500 élèves qui sont concernés par un enseignement de langues régionales , dont 125 000 environ dans le premier degré. Les demandes des parents paraissent globalement satisfaites par l'offre de formation actuelle et par les perspectives d'évolution inscrites dans la programmation du ministère de l'éducation nationale.

Enseignement des langues régionales à l'école primaire
Effectifs d'élèves (public et privé sous-contrat) - 2011

Enseignement extensif

Enseignement Renforcé

Enseignement bilingue à parité horaire

Enseignement par immersion

Aix-Marseille

4 299

2 993

367

74

Bordeaux

4 544

295

9 187

2 244

Clermont-Ferrand

1 101

--

12

Corse

11 019

7 006

5 302

-

Grenoble

885

-

-

-

Montpellier

10 552

43

2 690

1 740

Nancy-Metz

-

2645

2 733

-

Nantes

-

-

220

176

Nice

126

113

76

-

Rennes

7 989

-

8 316

1 507

Strasbourg

-

-

18 665

305

Toulouse

11 038

-

2 260

4 253

Total

51 553

13 095

49 816

10 311

TOTAL toutes catégories confondues

124 775

Source : DGESCO - ministère de l'éducation nationale

Votre rapporteur ne peut que se féliciter du sérieux avec lequel l'éducation nationale aborde l'enseignement des langues régionales. Ainsi, tous les programmes de langues régionales métropolitaines ont été rénovés afin de les inscrire dans le cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL), ce qui les place sur un pied d'égalité avec les langues vivantes étrangères apprises par plusieurs millions d'élèves. Élément indissociable des langues régionales comme éléments du patrimoine de notre pays, la culture et l'histoire régionales sont inscrites dans les programmes, notamment en histoire-géographie et au travers de l'enseignement obligatoire de l'histoire des arts, à l'école, au collège et au lycée. Les élèves peuvent donc être au contact des cultures régionales, même lorsqu'ils ne suivent pas d'enseignement spécifique de langue.

L'État et les collectivités territoriales ont également utilisé la faculté ouverte par l'article L. 312-10 du code de l'éducation afin de signer des conventions pour la promotion de l'enseignement des langues régionales. C'est le cas notamment dans les académies de Bordeaux (basque et occitan), de Martinique (créole), de Montpellier (catalan et occitan), de Rennes (breton), de Strasbourg (alsacien), Toulouse (occitan). La même démarche pourrait être adoptée dans l'académie de Lille pour étendre l'expérimentation, menée depuis plusieurs années dans des écoles primaires de l'arrondissement de Dunkerque, d'enseignement du flamand occidental, variété distincte du standard néerlandais.

Modalités d'enseignement des langues régionales

A l'école :

- Enseignement extensif

Une heure trente hebdomadaire est prise sur l'horaire de langue vivante selon des modalités définies dans le projet d'école. Pour certaines langues, dans le cadre des dispositions particulières qui les régissent (corse, tahitien) où cette langue est une matière d'enseignement incluse dans l'horaire normal d'enseignement, l'horaire est de trois heures.

- Enseignement renforcé

Enseignement dispensé selon un horaire hebdomadaire allant au-delà d'une heure et demie, par exemple de deux heures. Cette forme tend à disparaître au profit, dans certains cas, d'un alignement de l'enseignement extensif sur une durée de trois heures.

- Enseignement bilingue à parité horaire

Enseignement dispensé pour la moitié de l'horaire en langue régionale et pour l'autre moitié en français. Une partie des activités inscrites au programme de l'école se déroulent dans la langue régionale de la section.

- Enseignement bilingue par immersion

A l'école, les élèves apprennent à lire et à écrire dans la langue régionale concernée. Cette langue est non seulement langue des activités pour plus de la moitié de l'horaire mais également langue de la vie scolaire de l'école ou du collège et du lycée par la suite.

Au collège :

- Enseignement facultatif

En 6 e et 5 e , à raison d'une heure hebdomadaire, portée généralement à deux heures voire trois heures pour le corse et le tahitien. Cet enseignement se poursuit en classe de 4 e au titre d'enseignement optionnel facultatif.

- Enseignement optionnel obligatoire de deuxième langue vivante

Enseignement de LV2 pour trois heures hebdomadaires.

- Enseignement bilingue à parité horaire dans les sections « langues régionales »

Enseignement de langue et culture régionales de trois heures hebdomadaires minimum et enseignement d'une ou plusieurs disciplines dans la langue régionale permettant d'atteindre progressivement un enseignement à parité en français et en langue régionale.

- Enseignement bilingue par immersion

Selon les mêmes principes que dans le primaire.

Au lycée :

Dans le cadre de la nouvelle organisation des enseignements mise en oeuvre à partir de la rentrée scolaire de septembre 2010, les langues régionales sont proposées en LV 3 en tant qu'enseignement d'exploration ou facultatif. Cet enseignement se poursuit dans le cycle terminal des séries S, L et ES.

En outre, les enseignements bilingues suivis dans les sections « langues régionales » de collège, se poursuivent également au lycée selon des modalités d'organisation proches de celles qui régissent les sections européennes.

Source : DGESCO - ministère de l'éducation nationale

Pour atteindre ces résultats, l'éducation nationale a mobilisé des ressources importantes pour le recrutement d'enseignants. Ainsi, 133 postes « bivalents » de professeurs des écoles ont été proposés par les académies pour les concours dits « spéciaux » en 2010. Depuis 2002, le cumul se monte à 1 339 postes proposés. Avec à peine plus de deux présents et demi pour un poste proposé, ces concours ne paraissent cependant pas particulièrement attractifs. En effet, l'enseignement des langues régionales en primaire relève souvent d'un engagement personnel des enseignants et seuls le créole en Martinique et à la Réunion et le corse dépassent significativement deux candidats présents pour un poste.

Pour le second degré, les CAPES de langue régionale (basque, breton, catalan, créole et occitan), de langue corse et de tahitien recrutent des personnels enseignants depuis 1990. Ce ne sont pas, comme dans le premier degré, des enseignants bivalents. Le recrutement a concerné au total quelque 600 postes qui ont été offerts aux candidats dans les 20 dernières années, à travers les deux modes de recrutement principaux (CAPES externe et CAPES interne) et durant les plans de résorption de l'auxiliariat (CAPES réservé). Au collège et au lycée, les enseignements ont été assurés par 502 professeurs certifiés de langue régionale (hors tahitien) en 2010.

Évolution du nombre de postes de professeurs certifiés de langue régionale

2007-2008

2009-2010 (évolution)

Breton

88

87 (-1)

Basque

34

41 (+7)

Catalan

36

39 (+3)

Créole*

29

38 (+9)

Corse

129

116 (-13)

Occitan-langue d'oc

182

181 (-1)

Total (hors tahitien)

498

502 (+4)

* (Martinique, Guadeloupe, Réunion)

Source : ministère de l'éducation nationale

Enfin, l'enseignement privé immersif sous contrat (alsacien, basque, breton, catalan et occitan) est assuré par 560 enseignants. Le taux d'encadrement dans les écoles immersives est supérieur de 28 % en moyenne au taux d'encadrement constaté dans le premier degré privé sous contrat classique. Dans le second degré, l'écart de taux d'encadrement en faveur de l'immersif est supérieur de 20 %.

2. Un audiovisuel public mobilisé

L'effort de l'État pour affirmer la présence des langues régionales dans les médias n'est pas moins important. Votre rapporteur rappelle qu'aux termes de l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, les composantes du service public audiovisuel sont chargées d'assurer la promotion de la langue française et des langues régionales, d'une part, de mettre en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France, d'autre part. La mission de production et de diffusion d'émissions en langues régionales a été réaffirmée à l'occasion de la loi du 5 mars 2009 réformant l'audiovisuel public.

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions transcrit fidèlement cette exigence. Ainsi, est-il stipulé que la société « veille à ce que, parmi les services qu'elle édite, ceux qui proposent des programmes régionaux et locaux contribuent à l'expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain et en outre-mer. ». Plus spécifiquement, « la programmation de France 3 contribue à la connaissance et au rayonnement des territoires et, le cas échéant à l'expression des langues régionales ». De même, au sein du Réseau France Outre-mer (RFO), les programmes des Télé Pays et des Radio Pays doivent « faire appel à tous les genres dans une ligne éditoriale proche des cultures et environnements des territoires ultramarins français et contribue à l'expression des langues régionales. » Radio France est soumise aux même obligations, son cahier des charges prévoyant que ses stations locales contribuent à l'expression des langues régionales.

Votre rapporteur a découvert avec satisfaction que cette mission de soutien aux langues régionales était bien remplie par les différents acteurs qui en ont la charge, si bien qu'un pourcentage significatif des temps d'antenne est aujourd'hui réservé à l'expression en langues régionales et à la découverte des cultures régionales. France 3 a ainsi diffusé en métropole 253 heures d'émissions en 2009 contre 213 heures en 2008, soit une augmentation du volume horaire global près de 20 %. L'effort se poursuit. De plus, la chaîne Via Stella spécifique à la Corse a diffusé 905 heures supplémentaires de programmes en corse, bilingues français/corse et en corse sous-titré en français. En outre, pour France Télévisions comme pour Radio France, les journaux d'information et les émissions de la diffusion classique sont reprises dans l'offre en différé et à la demande notamment sur Internet, avec des compléments aux émissions diffusées, le cas échéant. Votre rapporteur estime qu'Internet constitue, plus que les antennes classiques, un excellent instrument de diffusion des langues régionales, souple, peu onéreux et touchant les jeunes.

Enfin, il convient de rappeler que les dispositifs d'aide financière dont bénéficient les médias écrits et audiovisuels en français sont également ouverts aux médias qui utilisent les langues régionales. La presse en langue régionale peut bénéficier des aides à la presse, en particulier celles du fonds d'aide au développement des services de presse en ligne.

L'engagement de l'État se traduit donc par des investissements très importants, qui sont parfois méconnus mais qui couvrent d'ores-et-déjà les besoins identifiés, sans qu'il soit nécessaire d'adapter le cadre légal et réglementaire en vigueur.

II. UNE PROPOSITION DE LOI N'OFFRANT PAS UNE BASE JURIDIQUE SATISFAISANTE

A. DES RISQUES D'INCONSTITUTIONNALITÉ

La proposition de loi n° 251 rectifié déposé par M. Navarro, ainsi que la n° 213 déposé par M. Alduy dans des termes très semblables, contiennent des dispositions dont la conformité à la Constitution paraît douteuse . D'une part, certaines pourraient être déclarées irrecevables à tout moment de la procédure parlementaire en invoquant l'article 40 de la Constitution, d'autre part, la conjugaison de certaines d'entre elles les unes avec les autres pourrait contrevenir aux principes d'unicité du peuple français et d'indivisibilité de la République, au statut du français comme langue de la République, voire à la libre administration des collectivités territoriales.

Votre rapporteur rappelle que l'article 40 de la Constitution borne la recevabilité financière des initiatives parlementaires, qu'elles prennent la forme d'amendements ou de propositions de loi. Est interdite toute aggravation d'une charge publique. Cette mesure s'impose à toutes les dépenses supplémentaires imputées à l'État, aux collectivités publiques, leurs établissements et à l'ensemble des personnes de droit public. La simple possibilité d'une charge nouvelle suffit à justifier l'irrecevabilité financière.

Les articles 57 et 58 de la proposition de loi proposent de gager les répercussions financières du texte sur les accises et les dotations budgétaires. Mais, ces gages sont sans objet. En effet, l'article 40 de la Constitution ne permet que la compensation des pertes de recettes et exclut toute compensation d'une aggravation de charge publique. Dès lors, la quasi-intégralité des titres I, II, III et IV qui entraînent des coûts supplémentaires dans les domaines éducatif, médiatique et culturel, pour l'État, les collectivités territoriales et l'audiovisuel public, devrait être censurée sur le seul motif de l'irrecevabilité financière.

Dans sa décision n° 2011-130 DC du 20 mai 2011, le Conseil constitutionnel a estimé que l'article 75-1 de la Constitution inscrivant les langues régionales au sein du patrimoine de la France n'instituait pas un droit ou une liberté que la Constitution garantissait, pour en conclure que sa méconnaissance ne pouvait être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité. La révision constitutionnelle de juillet 2008 ne conduit donc à aucun tempérament du principe d'unicité du peuple français exposé dans l'article premier de la Constitution. La décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999 sur la charte européenne des langues régionales ou minoritaires continue donc à fixer la doctrine du Conseil constitutionnel, qui s'oppose à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance.

La conjonction de certaines dispositions de la proposition de loi pourrait s'apparenter à la reconnaissance d'un droit collectif opposable à l'État par des groupes minoritaires défini sur cette base linguistique. Votre rapporteur vise particulièrement l'ensemble constitué par :

- le statut protégé pouvant être octroyé par les collectivités aux langues régionales d'après l'article 3 de la proposition de loi ;

- les obligations générales d'offre de formation en langue régionale, y compris de tous les enseignants du primaire et du secondaire, faite à l'éducation nationale au titre II ;

- l'attribution automatique de fréquence de radio à l'article 24 et des autorisations nécessaires aux télévisions régionales en langue régionale à l'article 30 ;

- l'obligation d'instaurer une signalétique bilingue dans les services publics à l'article 40 ;

- la présomption d'absence de discrimination dans l'organisation de toute activité éducative, sociale ou professionnelle en langue régionale à l'article 49.

La libre utilisation des langues régionales demeure protégée au titre du principe général de la liberté d'expression et de communication, garanti par l'article XI de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais, elle doit être conciliée avec la primauté accordée au français par l'article 2 de la Constitution. Langue de la République, le français, dans les termes de l'article premier de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics.

Certaines dispositions de la proposition de loi paraissent revenir sur cet équilibre et pourraient être censurées à ce titre , notamment l'article 2 sur la liberté d'utilisation des langues régionales sans restriction explicite, l'article 9 prévoyant une dérogation à l'obligation d'enseigner en français, l'article 12 qui prévoit la possibilité d'enseignement bilingue avec un recours majoritaire à la langue régionale, l'article 44 sur l'utilisation générale et illimitée dans la vie économique et sociale et dans la correspondance postale, ainsi que l'article 49 sur la non-discrimination à nouveau et l'article 50 sur le droit sans restriction à l'inscription en langue régionale sur les registres d'état civil. Toutes ces mesures ne sont pas suffisamment encadrées par un rappel des conditions d'usage obligatoire du français.

Enfin, en donnant compétence au conseil régional pour coordonner l'action des services de l'État et des autres collectivités locales en matière de politique linguistique, ce qui implique une intervention très extensive dans des champs de compétences qui ne sont pas les siens, le domaine éducatif notamment, l'article 4 pourrait méconnaître l'organisation générale des pouvoirs publics et le principe de libre administration des collectivités territoriales , garantis par l'article 72 de la Constitution. En outre, les articles 5 et 6 paraissent lier la compétence de l'État en matière de définition de la carte des formations et parallèlement d'affectation d'enseignants aux demandes des familles et surtout des collectivités. Ceci reviendrait tacitement et subrepticement à un transfert de compétences tendant à remettre en cause le principe même d'une éducation nationale, auquel votre commission demeure profondément attachée.

B. DES DISPOSITIONS COÛTEUSES ET LARGEMENT INUTILES

Outre les risques d'inconstitutionnalité non négligeables qu'encourt la proposition de loi, votre rapporteur estime l'intervention du législateur inopportune , alors que de nombreuses marges de manoeuvre en faveur des langues régionales restent inexploitées par les collectivités. Ainsi que le rappelait à votre commission M. Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France, « si l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, cet impératif ne s'oppose nullement à l'usage des langues régionales dès lors que leur expression est assortie d'une version en langue française, qui, seule, a valeur juridique, de sorte que les collectivités peuvent par exemple, pour l'information du public, recourir à une langue régionale, au côté du français, dans leurs actes d'état civil, sur leurs répondeurs téléphoniques, dans leur signalétique, sur leurs formulaires, leurs cartons d'invitation, leur papier à en-tête, les cartels d'expositions, les programmes culturels, dans les visites guidées, sur les sites internet... sans qu'il y ait besoin de se référer en la matière à un texte légal. » 1 ( * )

Plusieurs dispositions des titres IV, V et VI ne font qu'énumérer des facultés qui sont satisfaites par le droit existant et qu'il est inutile d'inscrire dans la loi. Outre l'effet d'encombrement et de redondance, il est préférable de ne pas mettre en avant certains cas particuliers, sous peine d'affaiblir la portée générale des possibilités offertes par le droit existant. Par exemple, il n'est pas judicieux de distinguer aux articles 44 et 45 de la proposition de loi les seuls services de la petite enfance et ceux qui accueillent des personnes âgées. En effet, ces énumérations peuvent nourrir des interprétations restrictives limitant les facultés d'emploi des langues régionales aux seuls cas mentionnés expressément dans la loi. Même si ces interprétations restrictives n'étaient pas in fine valides, elles ne manqueraient pas de fleurir, de troubler les élus et les acteurs de terrain et de susciter des recours devant les tribunaux, dont l'issue serait incertaine. Loin de clarifier et de protéger les possibilités offertes aujourd'hui, la proposition de loi par ses ambiguïtés crée paradoxalement les conditions d'un affaiblissement de la situation des langues régionales .

La loi n'a pas vocation à énumérer et régler tous les cas de figure, c'est là le rôle d'une circulaire , comme celle que prépare actuellement le ministère de la culture, en collaboration avec les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur, qui rappellera utilement les facultés existantes. Plus généralement, votre rapporteur ne peut approuver l'inclusion de dispositions d'ordre réglementaire dans un texte de loi. Dans tous les cas, la montée dans l'ordre législatif, outre qu'elle contrevient à l'article 34 de la Constitution, ne serait pas judicieuse car elle aboutirait à des différences de traitement injustifiées entre des situations semblables.

En particulier, l'article 18 du texte souhaite inscrire dans la loi les modalités de formation et de recrutement des enseignants de langue régionale si le statut général de la fonction publique est d'ordre législatif, l'organisation des statuts particuliers des corps de fonctionnaires est d'ordre réglementaire. L'organisation des concours et du recrutement des différents corps d'enseignants, ainsi que le détail des formations initiale et continue qui leur est réservée, ne dépendent pas de la loi, mais de décrets du ministre de l'éducation nationale ou du ministre de l'enseignement supérieur. Il ne peut être réservé sans fondement légitime un sort particulier aux seuls enseignants de langues régionales de l'éducation nationale, comme le voudrait la proposition de loi.

Enfin, votre rapporteur se doit d'insister sur le coût indéterminé mais potentiellement très élevé de la mise en oeuvre de toutes les mesures inscrites dans la proposition de loi. L'éducation nationale, le ministère de la culture, France télévisions, l'association des régions de France (ARF), lors de leurs auditions, se sont montrés préoccupés par l'impact financier du texte, tant pour l'État que pour les collectivités territoriales. Dans un contexte budgétaire très difficile, les efforts demandés par le texte paraissent excessifs. Ils visent essentiellement à faire émerger une demande de langues régionales au sein de la population, par tous les moyens, plutôt qu'à répondre à des besoins clairement identifiés, qui sont en réalité largement satisfaits .

Malgré son attachement sincère à la préservation de la richesse culturelle que porte les langues régionales, votre rapporteur ne peut dès lors qu'émettre un avis défavorable à l'adoption de la présente proposition de loi .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Reconnaissance des langues régionales comme richesse culturelle de la France

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article rappelle le statut du français comme la langue de la République et garantit la reconnaissance par l'État et les collectivités territoriales des langues régionales comme l'expression de la richesse culturelle de la France.

II. La position de votre commission

Votre commission partage la vision pacifiée de la coexistence entre le français et les langues régionales, le premier constituant bien le fondement du lien républicain et les secondes comme appartenant au patrimoine culturel de notre pays.

Elle remarque, cependant, que l'article premier de la proposition de loi est superfétatoire dans la mesure où il ne fait que reprendre dans une rédaction compliquée les principes simplement énoncés par les articles 2 et 75-1 de la Constitution : la langue de la République est le français et les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 2 - Liberté d'utilisation des langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que l'utilisation des langues régionales est libre. Il fait également obligation aux pouvoirs publics de protéger, garantir et promouvoir leur usage oral et écrit afin dans faire des instruments de communication courants.

II. La position de votre commission

La libre utilisation des langues régionales, que nul ne saurait remettre en cause dans la sphère privée, doit s'inscrire dans le respect des règles relatives à l'usage du français dans la sphère publique . Votre commission regrette que cette précision, opportunément apportée dans l'article précédent de la proposition de loi, ne soit pas reproduite dans cet article qui réaffirme une liberté publique. Elle rappelle que, conformément à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel , toute disposition tendant à reconnaître un droit collectif spécifique aux locuteurs d'une langue régionale devrait être frappée d'inconstitutionnalité. C'est ce qu'implique la nécessaire conciliation, rappelée dans la décision du 15 juin 1999 sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaire, entre l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen garantissant la liberté d'expression et l'article 2 de la Constitution clarifiant le statut du français.

En outre, votre commission est réservée sur le principe général de promotion des langues régionales imposée aux personnes publiques dans l'exercice de leurs compétences. La rédaction retenue est particulièrement floue puisqu'elle laisse ouverte une énumération des activités dans lesquelles la pratique courante des langues régionales est visée, si bien que virtuellement toutes les activités y compris publiques seraient concernées.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 3 - Octroi d'un statut protégé aux langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article autorise les collectivités territoriales à reconnaître et à octroyer un statut protégé aux langues régionales parlées sur leur territoire.

II. La position de votre commission

Votre commission estime qu'il n'est pas souhaitable de donner aux collectivités compétence pour reconnaître les langues régionales, en considérant que seul l'État en a la responsabilité, ce qui permet d'assurer une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire national.

En outre, la proposition de loi est trop imprécise dans sa référence à un statut protégé, dont elle ne définit aucune caractéristique, ni aucune conséquence. Cette disposition ambiguë apporte plutôt de la confusion que de la clarté.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

TITRE Ier -DÉFINITION DE LA POLITIQUE EN FAVEUR DES LANGUES ET DES CULTURES RÉGIONALES DE France
Article 4 (Art. L. 4271-1 à L. 4271-4 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) - Compétences des régions en matière de langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article complète le code général des collectivités territoriales (CGCT) par quatre articles constituant un nouveau titre consacré aux responsabilités des régions en matière de promotion des langues régionales.

L'article L. 4271-1 nouveau du CGCT donne compétence aux régions pour identifier les langues régionales parlées sur leur territoire, pour mettre en oeuvre des schémas de développement des langues régionales et pour coordonner les politiques des collectivités territoriales et des services publics en ce domaine. Il prévoit une possibilité de délégation à un département ou à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ainsi qu'une concertation interrégionale si nécessaire.

L'article L. 4271-2 nouveau prévoit la possibilité de créer dans les régions concernées un organisme de droit public présidé par le président du conseil régional, associant l'État, les autres collectivités territoriales et les associations de promotion des langues régionales. Cet organisme se voit confier une mission de veille, d'analyse et de définition d'une stratégie de développement de la langue régionale. En outre, il revient à la région d'établir un plan pluriannuel d'action pour la langue concernée.

L'article L. 4271-3 nouveau prévoit la possibilité d'un conventionnement entre l'État et les collectivités territoriales concernées pour favoriser le développement, l'enseignement et l'usage de la langue régionale. Il précise que des moyens supplémentaires sont inscrits dans ces conventions afin d'en permettre l'application.

L'article L. 4271-4 nouveau exige des services publics au sens large l'élaboration de plans d'action pour le développement de leur usage.

II. La position de votre commission

La création d'un organisme de droit public, l'octroi de moyens supplémentaires, la mise en oeuvre de plan d'action, toutes ces mesures en faveur des langues régionales devraient être frappées d'irrecevabilité financière . En effet, elles constituent des augmentations de charges publiques contraires à l'article 40 de la Constitution. Sans préjuger de leur capacité, douteuse par ailleurs, à compenser suffisamment les montants des dépenses nouvelles, les gages des articles 57 et 58 de la proposition de loi manquent absolument leur objet. En effet, l'article 40 de la Constitution ne permet que la compensation des pertes de recettes et exclut toute compensation d'une aggravation de charge publique. À ce seul titre, votre commission ne pourrait pas être favorable à ces dispositions comme à bon nombre d'autres dans la présente proposition de loi.

En outre, elle rejette la prééminence de principe accordée aux conseils régionaux dans la conduite de la politique des langues régionales. En premier lieu, la compétence de l'État pour l'identification et la caractérisation des langues régionales doit être maintenue pour éviter la reprise des querelles linguistiques picrocholines et garantir un traitement équitable. Il convient à ce sujet de saluer les travaux successifs de M. Bernard Cerquiglini et de M. Xavier North au sein de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France du ministère de la culture.

Chacun sait que le niveau régional d'intervention n'est pas toujours adéquat . Le texte de la proposition de loi reconnaît lui-même que dans certains cas, le département, l'intercommunalité ou l'interrégionalité sont des échelons beaucoup plus pertinents. Il suffit d'évoquer la situation du basque, du catalan, du picard, de l'occitan ou du flamand occidental pour s'en convaincre.

De plus, la légalité de la coordination par les régions des politiques de l'État et des autres collectivités paraît extrêmement douteuse . En particulier, il ne saurait revenir à la région de prévoir les modalités d'insertion de l'enseignement de langue et culture régionale dans le temps scolaire, qui relève des prérogatives de l'administration de l'éducation nationale. La même remarque vaudrait pour des injonctions aux services publics pris dans leur généralité, même s'ils ne sont pas sous tutelle régionale, même s'ils sont exercés par des personnes privées et même si leur objet est parfaitement détachable des pratiques linguistiques de la population.

Le noeud du problème réside dans ce qu'il paraît illusoire d'identifier une compétence en matière de politique des langues, distincte des compétences servant à la mettre en oeuvre , dans l'éducation et dans les médias notamment. Pour qu'il soit cohérent et effectif, le transfert de la compétence linguistique aux régions devrait s'accompagner d'un transfert beaucoup plus important, par exemple par la régionalisation de l'éducation.

Votre commission remarque d'ailleurs que l'Association des régions de France (ARF) ne s'est pas déclarée favorable , lors de son audition par votre rapporteur, à l'inscription dans la loi de ces nouvelles responsabilités pour les régions.

Il paraît inopportun à votre commission de mettre en place un cadre légal uniforme qui risquerait de figer des situations beaucoup plus diverses et mouvantes que le vocable générique de langue régionale ne le laisse penser. L'office public de la langue basque (OPLB), dont le succès est souvent salué, s'est créé sans qu'aucune intervention du législateur ne soit nécessaire. Votre commission souhaite de même laisser fleurir librement les initiatives locales sans contrainte supplémentaire.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

TITRE II - ENSEIGNEMENT DES LANGUES ET DES CULTURES RÉGIONALES
Article 5 - Responsabilité générale de l'État dans l'offre d'enseignement de langue régionale

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article non codifié prévoit que l'État permette, à la demande des collectivités territoriales, un enseignement de langue régionale ou en langue régionale pour tous les enfants intéressés. Il fait également obligation aux pouvoirs publics d'assurer l'information des familles sur ces enseignements.

II. La position de votre commission

Plusieurs remarques vaudront également pour les autres articles du titre II consacré à l'enseignement des langues et cultures régionales.

Il convient de noter en premier lieu l' ambiguïté de la formulation retenue dans cet article. On peut hésiter pour savoir s'il s'agit pour l'État, soit de ne pas interdire l'enseignement des langues régionales, soit de donner la possibilité effective de cet enseignement. Dans le premier cas, plus fidèle à la lettre de l'article, la disposition est inutile puisque le code de l'éducation y pourvoit déjà. Dans le second cas, plus cohérent avec le reste du texte, l'État se voit soumis à une obligation de développer une offre de formation de langues régionales ou en langues régionales sur sollicitation des collectivités pour couvrir tous les besoins potentiels.

En outre, le public scolaire concerné par la mesure n'est pas suffisamment précisé par la mention des « enfants intéressés » par les langues régionales . D'une part, il est difficile de savoir si l'obligation faite à l'État touche indistinctement le primaire, le secondaire, la scolarité obligatoire dans son ensemble, le lycée, voire l'enseignement supérieur. Cette disposition paraît résumer globalement celles des autres articles du titre II de la proposition de loi, ce qui conduit votre rapporteur à la fois à privilégier une interprétation extensive de son champ d'application et à la juger largement redondante.

D'autre part, l'intérêt des enfants eux-mêmes pour les langues régionales paraît difficile à estimer et à utiliser comme clef de calibrage de l'offre de formation. L'information obligatoire des familles, prévue parallèlement par cet article, vise sans doute à susciter des manifestations d'intérêt qui n'auraient pas spontanément lieu. La rédaction retenue ne précise toutefois pas les modalités d'intervention des parents et laisse un très large pouvoir d'appréciation aux collectivités, qui pourraient développer des visions tantôt très extensives et volontaristes, tantôt trop restrictives de la demande sociale sur leur territoire.

Votre commission considère qu'imposer à l'État une obligation d'offre de formation aussi générale et aussi imprécise n'est ni légitime, ni opportun. En effet, cette disposition conduit inévitablement à une hausse des charges publiques contraire à l'article 40 de la Constitution . Cet obstacle juridique est redoublé par la considération des contraintes budgétaires , dont il ne serait ni légitime, ni responsable de s'affranchir au nom du seul développement de l'enseignement des langues régionales.

En outre, la compétence de l'État en matière de définition de la carte des formations et parallèlement d'affectation d'enseignants, qui fait partie du principe même d'une éducation nationale, ne peut être liée ni par les demandes des collectivités, ni par celles des familles. Votre rapporteur estime plus judicieux de poursuivre localement la concertation entre toutes les parties.

Enfin, considérant que 193 000 élèves dans 18 académies bénéficient déjà d'un enseignement de langues régionales, dont 120 000 dans le premier degré, et que ces effectifs continueront à augmenter en raison de la montée pédagogique au collège, les efforts du ministère de l'éducation nationale ne peuvent être niés . Les demandes des parents paraissent globalement satisfaites par l'offre actuelle et par ses perspectives d'évolution, si bien que l'opportunité du dispositif proposé n'est pas avérée.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE Ier - Le droit à l'éducation
Article 6 (Art. L. 111-1 du code de l'éducation) - Obligation pour l'État de proposer un enseignement de langue régionale

I. Le texte de la proposition de loi

Le premier article L. 111-1 du code de l'éducation rassemble les principes fondamentaux du service public de l'éducation, première priorité nationale. Il fixe notamment à l'école la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République, de contribuer à l'égalité des chances, de garantir l'apprentissage et la maîtrise de la langue française, de poser les bases de l'éducation prioritaire, de reconnaître à chacun un droit à l'éducation tout au long de la vie et d'assurer à tous les jeunes l'acquisition d'une culture générale.

C'est après l'alinéa faisant référence à la maîtrise de la langue française que l'article 6 de la proposition de loi réitère l'obligation pour l'école, déjà formulée à l'article 5, de proposer un enseignement de langue régionale ou en langue régionale aux enfants intéressés sur demande de collectivités territoriales. Il faut d'ailleurs remarquer une erreur de rédaction, qui rendrait incompréhensible l'insertion en l'état de cette disposition du code de l'éducation : l'article 6 fait référence à des demandes de collectivités qui ne figurent pas dans l'art. L. 111-1 du code de l'éducation.

Enfin l'article 6 prévoit l'intégration de la littérature, de l'histoire-géographie et de l'économie régionales dans les programmes scolaires officiels.

II. La position de votre commission

Pour les raisons déjà exposés précédemment, votre commission est hostile à toute obligation nouvelle pour l'État d'assurer un enseignement de langue régionale ou en langue régionale. Elle ne souhaite pas créer de droit aux langues régionales opposable par les usagers à l'administration , qui serait alors tenue de trouver tous les moyens nécessaires pour acquitter cette nouvelle créance.

Par ailleurs, l'introduction des langues régionales dans l'article fondamental du code de l'éducation paraît maladroite. Même si votre commission reconnaît pleinement la valeur et l'intérêt des langues et cultures régionales, elle ne souhaite faire de leur développement une des priorités de la Nation au même titre que la transmission des valeurs de la République et des savoirs fondamentaux ou la lutte contre l'échec scolaire et les inégalités sociales .

Enfin, les programmes scolaires, qui ne relèvent pas d'une matière législative, intègrent d'ores-et-déjà la culture et l'histoire régionales, à l'école, au collège et au lycée.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 7 (Art. L. 113-1 du code de l'éducation) - Accueil des enfants d'âge préscolaire

I. Le texte de la proposition de loi

L'article L. 113-1 du code de l'éducation régule l'accueil dans des classes enfantines ou des écoles maternelles des enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire. Il pose le principe de l'accueil des enfants à partir de 3 ans sur demande de leur famille, dans l'école la plus proche du domicile. L'article 7 de la proposition de loi précise que lorsque la famille demande un accueil dans une classe en langue régionale, il est accordé dans l'école idoine la plus proche.

En outre, la version actuelle du code de l'éducation entend étendre l'accueil dès deux ans par priorité dans les zones socialement défavorisées, notamment en éducation prioritaire, dans les zones rurales et montagnardes et outre mer. La proposition de loi rajoute une catégorie prioritaire, mais de façon ambigüe. Dans la rédaction actuelle, il est malaisé de savoir si l'accueil dès deux ans doit être mené en priorité dans les écoles (cas restrictif) ou dans les régions (cas extensif), proposant un enseignement en langue régionale.

II. La position de votre commission

Les arguments légaux, financiers et d'opportunité développés précédemment demeurent valables pour l'article 7 de la proposition de loi.

En outre, la préscolarisation dès trois ans, offerte à toutes les familles dans la limite des places disponibles, sous la responsabilité des maires et de l'éducation nationale et sous le contrôle du juge administratif, constitue une politique générale sur l'ensemble du territoire. Les contraintes déjà fortes pesant sur l'organisation de ce service public, notamment en milieu rural, ne doivent pas être exagérément alourdies.

Enfin, il ne paraît pas légitime d'étendre inconsidérément l'accueil dès deux ans à toutes les zones virtuellement concernées par l'exercice d'une langue régionale . Une grand part du territoire national serait visée, ce qui, au-delà des coûts supplémentaires, diluerait la notion même de priorité accordée à certaines zones. De plus, les habitants des régions laissées de côté pourraient légitimement invoquer une rupture du principe constitutionnel d'égalité , alors qu'aucun motif d'intérêt général ne vient justifier la différence de traitement subie. Les langues régionales ne sont pas, en effet, particulièrement pratiquées dans des académies qui connaissent de grandes difficultés sociales ou scolaires. En revanche, c'est bien la volonté de traiter à la racine les difficultés scolaires importantes que connaissent les zones urbaines sensibles ou les régions d'outre-mer qui justifie la priorité qui est leur accordée pour l'extension de l'accueil dès deux ans.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE II - Objectifs et missions du service public de l'enseignement
Article 8 (Art. L. 121-1 du code de l'éducation) - Obligation d'offrir une formation de langue et culture régionale du primaire au supérieur

I. Le texte de la proposition de loi

L'article L. 121-1 du code de l'éducation rassemble les dispositions générales s'imposant à l'ensemble des formations dispensées dans les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur. La proposition de loi vise à remplacer la faculté actuelle d'offrir à tous les niveaux un enseignement de langues et cultures régionales par une obligation stricte.

II. La position de votre commission

Votre commission constate que cet article reprend à nouveau des dispositions déjà formulées dans les articles précédents. Son commentaire ne varie pas.

En conséquence, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 9 (Art. L. 121-3 du code de l'éducation) - Dérogation à l'obligation d'utiliser le français comme langue d'enseignement

I. Le texte de la proposition de loi

L'article L. 121-3 du code de l'éducation fait du français la seule langue de l'enseignement, des examens et des concours, les nécessités de l'enseignement des langues régionales ou étrangères pouvant justifier une exception.

L'article 9 de la proposition de loi vise à remplacer ce dispositif d'exception conditionnelle par une dérogation générale dans le cadre de l'enseignement en langue régionale.

II. La position de votre commission

Conformément à l'article 2 de la Constitution, le français est la langue de la République. Le code de l'éducation tire justement de ce principe constitutionnel une obligation générale d'enseignement en français , tempérée pragmatiquement pour répondre aux besoins de l'apprentissage d'autres langues. L'enseignement en langue régionale ne peut contrevenir à cette règle, que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, saisi à de multiples reprises, ont constamment rappelée . En particulier, l'usage d'une autre langue que le français ne peut être imposé ni aux élèves, ni aux enseignants et aucune discipline ne peut être enseignée exclusivement en langue régionale. Le respect des dispositions constitutionnelles, nécessaire par lui-même, est une condition de garantie du statut du français comme seule langue commune partagée par tous les citoyens.

Votre commission remarque que l'article 9 de la proposition tend à assimiler les établissements dispensant un enseignement en langue régionale aux écoles étrangères ou ouvertes pour accueillir des élèves étrangers et aux établissements à caractère international mentionnés à l'article L. 121-3 du code de l'éducation. Cette assimilation paraît hasardeuse, tant la dérogation « internationale » paraît aller de pair avec la vocation même des publics ou des formations concernées.

En outre, le cadre légal et réglementaire actuel n'interdit pas l'enseignement bilingue en français et en langue régionale . Ainsi, en 2010, l'enseignement privé immersif sous contrat scolarise 10 311 élèves dans le premier degré et 1 900 dans le second degré. Si l'on considère l'enseignement bilingue à parité horaire, on peut constater une forte progression entre 2004 et 2010 : en six ans, on passe de 3 926 à 8 848 élèves, soit plus qu'un doublement des effectifs scolarisés au collège et au lycée.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 10 (Art. L. 122-1-1 du code de l'éducation) - Introduction dans le socle commun des cultures régionales

I. Le texte de la proposition de loi

L'article L. 122-1-1 inséré dans le code de l'éducation par la loi d'orientation du 23 avril 2005 pour l'avenir de l'école définit le socle commun de connaissances et de compétences dont l'acquisition est garantie à chaque élève à la fin de sa scolarité obligatoire. Le contenu du socle, précisé par le décret n°2006-830 du 11 juillet 2006, comprend essentiellement la maîtrise de la langue française et des principaux éléments de mathématiques, une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté, la pratique d'une langue étrangère et la maîtrise des TIC.

L'article 10 de la proposition de loi vise à rajouter au socle la connaissance des cultures régionales de la France.

II. La position de votre commission

Votre commission n'estime pas opportun de modifier le contenu du socle commun , qui constitue un élément essentiel de la rénovation pédagogique de la scolarité obligatoire menée ces dernières années mais qui ne s'acclimate dans les classes et ne modifie les pratiques et les apprentissages que très progressivement. Les enseignants et les élèves ont besoin de stabilité , si l'on veut que les réformes entreprises portent leur fruit.

Même si votre commission n'était pas réticente à diluer encore le contenu d'un socle déjà bien large, il ne lui paraîtrait pas judicieux de distinguer aussi explicitement les cultures régionales prises globalement, qui peuvent déjà être prises en compte dans leurs traits les plus saillants au titre de l'acquisition d'une culture humaniste.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE III - De la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales
Article 11 (Art. L. 212-8 du code de l'éducation) - Participation de la commune de résidence au financement de la scolarisation en langue régionale menée dans une autre commune

I. Le texte de la proposition de loi

L'article L. 121-8 du code de l'éducation précise les modalités de financement par la commune de résidence de la scolarité d'un élève accueilli dans une école du premier degré d'une autre commune. La répartition des dépenses de fonctionnement doit faire l'objet d'un accord entre les communes de résidence et d'accueil. À défaut, le préfet fixe la contribution de chaque commune après avis du conseil départemental de l'éducation national (CDEN) qui regroupe des représentants des collectivités territoriales, des personnels et des parents d'élèves.

Si les capacités d'accueil dans ses propres écoles de la commune de résidence ne sont pas saturées, celle-ci doit participer au financement de la scolarité dans une autre commune seulement dans trois cas justifiant l'inscription de l'enfant ailleurs que sur son territoire :

- les obligations professionnelles des parents si la commune de résidence n'assume pas la restauration et la garde des enfants ;

- la réunion d'une fratrie ;

- des raisons médicales.

L'article 11 de la proposition de loi revient par un dispositif compliqué à ouvrir un nouveau cas de dérogation pour obliger la commune de résidence à participer au financement de la scolarisation d'un enfant en langue régionale dans une autre commune, si elle-même ne propose pas cette modalité d'enseignement dans ses propres écoles.

II. La position de votre commission

La question de la participation d'une commune de résidence qui disposent de capacités d'accueil suffisantes, au financement de la scolarité d'élèves accueillis dans une école d'une autre commune a déjà été très longuement débattue au Sénat à maintes reprises. C'est un problème délicat qu'il faut aborder avec une extrême prudence pour ne pas modifier les équilibres trouvés sur le terrain et déstabiliser les finances des petites communes, notamment en milieu rural.

Les motifs énumérés par le code de l'éducation pour justifier l'obligation de financement par la commune de résidence correspondent toutes à des contraintes très fortes qui rendraient très pénible aux familles la scolarisation dans la commune de résidence. Votre commission considère que le défaut d'un enseignement en langue régionale n'est pas de même nature et ne constitue pas un motif suffisant pour faire supporter les frais de scolarité à la commune de résidence. Si c'était le cas, on créerait une forme de droit à l'enseignement en langue régionale financé par les communes.

Votre commission remarque enfin que l'article 11 de la proposition de loi ne couvre que l'enseignement public et laisse étrangement de côté l'enseignement privé sous contrat d'association régi par l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation issu de la loi du 28 octobre 2009 à laquelle notre collègue Jean-Claude Carle a attaché son nom.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE IV - De l'organisation générale de l'enseignement
Article 12 (Art. L. 312-10 du code de l'éducation) - Modalités d'enseignement des langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

L'article L. 312-10 du code de l'éducation renvoie à des conventions entre l'État et les collectivités territoriales où des langues régionales sont en usage le soin de fixer les modalités de l'enseignement facultatif de langue et culture régionale.

L'article 12 de la proposition de loi reprend une fois de plus le principe d'obligation de proposer un enseignement de langue et culture régionale tout au long de la scolarité. La rédaction retenue cette fois est plus forte que dans les autres articles puisqu'il n'est plus fait référence aux seuls enfants intéressés mais à tous les élèves indistinctement. En outre, il est précisé que les parents peuvent demander que leurs enfants reçoivent un enseignement de langue régionale simple, un enseignement bilingue à parité horaire ou à majorité en langue régionale ou un enseignement intensif dont l'immersion est une modalité.

En outre, le principe du conventionnement est supprimé, les modalités d'organisation et les contenus des enseignements sont renvoyés au plan régional pluriannuel prévu à l'article 4 de la proposition de loi.

II. La position de votre commission

Cet article décrit les modalités d'enseignement nécessaires à la mise en oeuvre de l'obligation d'offre de formation faite à l'éducation nationale par le texte. Votre commission a déjà exposé les raisons qui l'inclinent à repousser dans son principe même cette nouvelle obligation . Elle a également rappelé l'importance de conserver le statut du français comme langue d'enseignement et précisé le cadre qui devait continuer de s'imposer à l'enseignement en langue régionale.

En outre, elle approuve le principe du conventionnement entre l'État et les collectivités retenu aujourd'hui dans le code de l'éducation et s'oppose à sa disparition. En effet, chaque langue régionale est un cas particulier dont l'histoire et le rapport avec ses locuteurs et son territoire est spécifique. Il est préférable de renvoyer au contrat le soin d'adapter l'offre à chaque situation singulière.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 13 (Art. L. 312-11 du code de l'éducation) - Suppression des possibilités de recourir dans le primaire aux langues régionales dans l'intérêt des apprentissages des élèves

I. Le texte de la proposition de loi

Issu de la loi Deixonne du 11 janvier 1951, l'article L. 312-11 du code de l'éducation autorise les maîtres à recourir aux langues régionales dans les écoles maternelles et élémentaires lorsqu'ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l'étude du français.

L'article 13 de la proposition de loi entend supprimer cette disposition.

II. La position de votre commission

Votre commission est hostile à la suppression d'une possibilité offerte aux professeurs des écoles d'utiliser les langues régionales pour améliorer les apprentissages des élèves et notamment du français. En effet, cette disposition peut sembler obsolète dans la mesure où dans leur immense majorité, les enfants connaissent aujourd'hui bien mieux le français qu'une langue régionale. Mais c'est oublier la situation spécifique de l'outre-mer où les créoles, langues régionales à part entière, connaissent encore une transmission naturelle et sont parlés par les enfants. Ainsi que le ministère de l'éducation nationale l'a confirmé à votre rapporteur, il peut être très utile outre-mer d'utiliser le créole comme voie d'accès au français en primaire.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 14 (Art. L. 312-11-1 du code de l'éducation) - Inscription des langues régionales dans le cadre de l'horaire normal des écoles

I. Le texte de la proposition de loi

L'article L. 312-11-1 du code de l'éducation prévoit spécifiquement dans le cadre du statut particulier de la Corse que la langue corse est enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires. L'enseignement du corse reste toutefois facultatif et ne peut avoir pour objet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements du service public de l'enseignement ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 mai 1991 sur la loi portant statut de la Corse.

L'article 14 de la proposition de loi veut généraliser la solution corse à l'ensemble des langues régionales en l'étendant, par ailleurs, aux collèges et aux lycées.

II. La position de votre commission

Votre commission rappelle que la situation corse constitue un cas particulier dont aucune conclusion générale ne peut être extrapolée et transposée à des contextes sociaux et politiques différents.

Une inscription des langues régionales dans l'horaire normal des écoles et des établissements secondaires pourrait s'interpréter comme une obligation de suivre un enseignement de langue régionale, sauf opposition dûment signalée des parents . Pour les raisons déjà évoquées ci-dessus, votre commission ne souhaite pas ouvrir cette possibilité tendant à généraliser l'apprentissage des langues régionales en imposant des contraintes lourdes à l'éducation nationale.

Les langues régionales constituent des matières optionnelles facultatives que l'éducation nationale peut proposer et dont l'inscription dans les emplois du temps ne peut intervenir qu'une fois positionnées les matières obligatoires. En outre, si les horaires sont souples dans le primaire, tel n'est pas le cas au collège et au lycée : une inscription automatique dans l'horaire normal des cours compliquerait dans les établissements l'organisation des cours. Votre commission ne perçoit donc pas l'opportunité de la mesure proposée.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE V - De l'enseignement supérieur
Article 15 (Art. L. 611-6-1 [nouveau] du code de l'éducation) - Contribution des établissements d'enseignement supérieur au développement des langues et des cultures régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article insère un nouvel article L. 611-6-1 pour donner mission aux établissements d'enseignement supérieur de contribuer au développement de l'enseignement de langues régionales ou en langues régionales, des cultures régionales et de leur diffusion. Il prévoit la signature de conventions entre les établissements, l'État et les collectivités à cet effet.

II. La position de votre commission

Alors que les universités organisent déjà des formations en langues régionales de leur propre initiative en fonction des débouchés professionnels qu'elles peuvent appréhender, votre commission ne juge ni utile, ni opportun de leur imposer d'obligation générale supplémentaire. La signature de conventions est déjà possible sans qu'il soit nécessaire de confirmer dans la loi cette faculté.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 16 (Art. L. 661-1 [nouveau] du code de l'éducation) - Prise en compte dans la recherche universitaires des langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article insère un nouvel article L. 661-1 dans le code de l'éducation, au sein du Titre VI consacré à la recherche universitaire qui ne contient aucune disposition d'ordre législatif. Il prévoit la prise en compte par la recherche universitaire des langues et cultures régionales comme éléments constitutifs du patrimoine national.

II. La position de votre commission

La reprise légèrement adaptée de l'article 75-1 de la Constitution faisant des langues régionales un élément du patrimoine de la France ne suffit pas à donner un contour précis au texte de la proposition de loi et aux exigences qu'il entend imposer au monde de la recherche.

En outre, les universités ont toute latitude aujourd'hui pour mener des recherches dans le domaine des cultures et langues régionales, sans qu'il soit nécessaire que le législateur se fasse inutilement prescriptif.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE VI - De l'enseignement agricole
Article 17 (Art. L. 811-2 et L. 813-2 du code rural et de la pêche maritime) - Enseignement des langues régionales dans les formations techniques agricoles publiques et privées

I. Le texte de la proposition de loi

Les articles L. 811-2 et L. 813-2 du code rural dessinent le cadre général de l'enseignement et de la formation professionnelle, publics et privés, aux métiers de l'agriculture, la forêt, de la nature et des territoires, nouvelle dénomination de l'enseignement agricole depuis la loi du 27 juillet 2010. L'article 17 de la proposition de loi demande que soient prévues des actions de formation aux langues et cultures régionales à destination de l'ensemble des publics accueillis dans l'enseignement agricole, qu'ils soient élèves, étudiants, apprentis ou stagiaires, dès lors qu'ils en font la demande.

II. La position de votre commission

Par cohérence avec ses positions à l'égard de l'enseignement des langues régionales dans l'éducation nationale, votre commission ne peut que réitérer ses objections de fond aux dispositions de la proposition de loi.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE VII - Des personnels de l'éducation
Article 18 (Art. L. 967-1 à L. 967-5 [nouveaux] du code de l'éducation) - Recrutement et formation des enseignants de langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article insère un nouveau chapitre dans le livre neuvième, au titre VI consacré aux personnels des établissements d'enseignement spécialisés, pour rassembler des dispositions nouvelles concernant les personnels de l'enseignement en langues ou des langues et cultures régionales.

L'article L. 967-1 nouveau du code de l'éducation prévoit l'ouverture de concours spécifiques, en précisant que leur organisation dans le premier degré doit permettre aux candidats de se présenter également aux concours généraux.

L'article L. 967-2 nouveau ouvre la possibilité de procéder à des détachements ou des recrutements de contractuels, si les concours spécifiques ne permettaient pas de couvrir l'ensemble des besoins de recrutement.

L'article L. 967-3 nouveau exige de l'État qu'il mette en place des formations en histoire et civilisation régionale pour les enseignants, tant dans le cadre de leur formation initiale que continue.

L'article L. 967-4 nouveau exige de l'État qu'il assure ou prenne en charge une formation de tous les enseignants dans les académies concernées à la maîtrise de la langue régionale et à son enseignement. À cet effet, il prévoit la création de centres de formation spécifiques et d'un diplôme d'aptitude à l'enseignement de langue régionale.

L'article L. 967-5 nouveau exige la création, pour chaque langue régionale, par voie de convention entre l'État et les collectivités territoriales concernées un organisme de droit public chargé de l'élaboration du matériel pédagogique destiné à l'enseignement de langue régionale. Il précise que cette mission peut être confiée aux centres régionaux de documentation pédagogique.

II. La position de votre commission

Pour des raisons tant de forme que de fond, votre commission ne peut approuver cet article de la proposition de loi. Son imputation dans un titre consacré aux personnels des établissements spécialisés comme les écoles d'architecture ou les établissements agricoles paraît arbitraire. Ces dispositions ne pourraient avoir leur place que réunies avec celles des titres II et III concernant les enseignants du premier et du second degré.

Mais précisément, si l'imputation était corrigée, il apparaîtrait clairement qu'il est réservé sans fondement légitime un sort particulier à certains enseignants dépendant de l'éducation nationale : ceux qui se consacrent aux langues régionales.

Votre commission rappelle que si le statut général de la fonction publique est d'ordre législatif, l'organisation des statuts particuliers des corps de fonctionnaires est d'ordre réglementaire . Il appartient à un décret en Conseil d'État de fixer les modalités d'application du statut général aux différents corps. L'organisation des concours et du recrutement des différents enseignants, ainsi que le détail des formations initiale et continue qui leur sont réservées, ne dépendent pas de la loi, mais de décrets du ministre de l'éducation nationale ou du ministre de l'enseignement supérieur. Si le législateur s'aventurait au-delà, encore faudrait-il qu'il le fasse pour tous les corps d'enseignants. C'est le cas notamment lorsqu'il prévoit un régime spécifique de responsabilité des membres de l'enseignement public à l'article L. 911-4 du code de l'éducation.

Du point de vue financier, votre commission constate à nouveau que les dispositions proposées contreviennent à l'article 40 de la Constitution puisqu'elles provoquent une aggravation des charges publiques. Leur coût budgétaire par lui-même parle contre elles, alors que la situation des comptes publics est préoccupante.

Enfin, votre commission n'est pas convaincue de l'existence d'une pénurie d'enseignant en langue régionale et n'estime nécessaire de prévoir ni concours, ni action de formation initiale ou continue spécifiques au-delà des efforts consentis actuellement par le ministère de l'éducation nationale.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

TITRE III - PROMOTION DES LANGUES ET CULTURES RÉGIONALES DANS LES MÉDIAS

La promotion des langues régionales est déjà largement prévue par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans ses articles 28, 33, 42, 43-11 et 44. Elle trouve de nombreuses applications.

L'article 28 précise ainsi que la convention passée avec les chaînes de radio porte notamment sur la proportion d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France.

S'agissant des radios qui n'utilisent pas les fréquences hertziennes, un décret en Conseil d'État prévoit les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie ainsi que celles relatives à la diffusion, sur les services de radio, d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France. Il s'agit ainsi d'autoriser à comptabiliser les chansons en langues régionales au titre des quotas dévolus aux chansons d'expression francophone à la radio.

L'article 42 fixe la règle selon laquelle le Conseil national des langues et cultures régionales peut demander au CSA d'engager une procédure de mise en demeure en cas de non-respect par les chaînes des obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires,

L'article 43-11 dispose quant à lui que France Télévisions, Radio France et Arte assurent la promotion de la langue française et, le cas échéant, des langues régionales et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France.

L'article 44 prévoit enfin que France Télévisions conçoit et diffuse en région des programmes qui contribuent à la connaissance et au rayonnement de ces territoires et, le cas échéant, à l'expression des langues régionales. Ces programmes sont diffusés à travers des décrochages spécifiques, y compris aux heures de grande écoute, et peuvent être repris au niveau national. A cet égard, l'article 40 du cahier des charges de France Télévisions dispose que la société « veille à ce que, parmi les services qu'elle édite, ceux qui proposent des programmes régionaux et locaux 2 ( * ) contribuent à l'expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain et en outre-mer » ;

De même, Radio France doit favoriser l'expression régionale sur ses antennes décentralisées sur l'ensemble du territoire. L'article 6 du cahier des charges reprend cette disposition en prévoyant que les stations locales de Radio France contribuent à l'expression des langues régionales. Trois types de cas existent : une séparation totale de l'antenne française et régionale, comme en Alsace où la FM diffuse principalement en français et om les ondes moyennes ont une diffusion en alsacien à travers France Bleu Elsass, une antenne complètement bilingue comme en Corse avec France Bleu Frequenza Mora, et la diffusion de programmes en langues régionales dans des espaces identifiés (France Bleu Pays Basque et France Bleu Breizh Izel).

Exemples de diffusion en programmes langues régionales sur Radio France : France Bleu Pays basque, France Bleu Breizh Izel et France Bleu Elsass

France Bleu Pays basque, en basque :

- Matinale : reportage de la rédaction à 6 h 38 et rediffusion 7 h 38

- Matinale : chronique bilingue sur la culture et les sorties à 8 h 40

- Session en basque avec dominante info en semaine et culture, sorties loisirs le week-end à 12 h 05-12 h 30 du lundi au dimanche.

- Traitement de l'actualité : une minute d'information en basque à 10 heures et 11 heures (semaine) dans la continuité du flash local en français avec, à 10 heures, annonce du sujet dominant l'actualité du journal en basque de
12 h 15 et à 11 heures présentation en basque de l'invité de 12 h 22.

- Antenne : agenda quotidien bilingue du lundi au vendredi, chronique Le Mot basque du jour en semaine à 11 h 24 et 17 h 52, chronique Un Basque à l'honneur les samedis et dimanches.

Le breton sur France Bleu Breizh Izel :

- Cultures Breizh de 13 h 30 à 14 h 30, quotidienne en breton et en français ;

- An Abadenn de 18 h 30 à 20 heures, quotidienne en breton ;

- Breizh o pluriel, hebdomadaire culturel de la Bretagne en breton (13 h/16 h) ;

- Hentou treuz, magazine en breton des pays de Bretagne, le dimanche 16 h/18 h 30

- Ar Veilladeg, contes en breton de 19 heures à 20 heures ;

L'alsacien sur France Bleu Elsass : programme en alsacien du lundi au vendredi de 7 heures à 12 h 30 et de 14 heures à 17 heures.

Le présent titre a pour objet de compléter le cadre juridique ainsi fixé afin de favoriser davantage la diffusion audiovisuelle des langues régionales.

Article 19 - Service public audiovisuel, garant de l'expression régulière des langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à prévoir que le « service public de l'audiovisuel » est garant de l'expression régulière en langue régionale dans les territoires où l'une d'entre elles est pratiquée.

La garantie prévue passerait par une diffusion  aux heures de grande écoute, d'émissions accessibles à tous et au contenu varié : information, culture, sport, vulgarisation scientifique, éducation, débats, divertissements, documentaires, fictions.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur note que la notion de service public audiovisuel est absente de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la loi évoquant le « secteur public de la communication audiovisuelle », qui englobe France Télévisions, Arte, Radio France, la chaîne parlementaire, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et l'Institut national de l'audiovisuel (Ina).

En outre, le spectre des programmes concernés est très large mais comprend là encore des notions dont la définition juridique n'est pas de rang législatif, quand elle n'est pas purement inexistante.

Votre rapporteur considère donc que le présent article présente deux inconvénients majeurs :

- d'une part, il est très difficilement applicable en raison du flou entourant les termes utilisés. Il risquerait donc à cet égard de mal s'articuler avec les autres dispositions prévoyant la promotion des langues régionales ou d'être dénué de portée normative ;

- d'autre part, son champ extensif (Arte, Ina) le rend potentiellement extrêmement coûteux, tant en termes de dépenses de production (de nouveaux programmes) que de coûts de traduction (des programmes existants). Soulignons par exemple que le doublage réalisé par France Télévisions de dessins animés en breton coûte 140 euros la minute, et le sous-titrage 75 euros la minute, contre 15 euros la minute pour un sous-titrage en français, du fait du faible nombre de locuteurs bretons maîtrisant les techniques du sous-titrage.

Il crée au demeurant une charge pour des personnes publiques et est donc contraire à l'article 40 de la Constitution.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE Ier - Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
Article 20 (Art. 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Extension du champ de compétences du CSA

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à compléter l'article 3-1 de la loi précitée du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, relatif au rôle et mission du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). L'article 3-1 précité dispose notamment que ce dernier « veille (...) à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture françaises ». Il s'agit ici de prévoir qu'il veille aussi à la promotion et au développement des cultures régionales.

II. La position de votre commission

Aux termes de l'article 3-1 précité, le conseil peut adresser des recommandations aux chaînes de radio et de télévision. Ainsi, le CSA a récemment pris les délibérations du 18 janvier 2011 relative aux modalités du relevé et de la transmission des temps d'intervention des personnalités politiques sur les antennes des services de radio et de télévision et du 18 mai 2010 relative aux conditions de diffusion, par les services de télévision et de radio, des communications commerciales en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard légalement autorisé.

Or celles-ci sont, d'une part, impératives 3 ( * ) , et d'autre part, peuvent concerner le respect de l'ensemble des principes énoncés dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, à savoir également les dispositions concernant la promotion des langues régionales .

Le cas des délibérations des 18 janvier et 18 mai 2011 est à cet égard tout à fait éclairant.

L'insertion d'une nouvelle disposition sur les langues régionales à l'article 3-1 de la loi précitée du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication paraît donc superflue.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 21 (nouvel article 15-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Compétences du CSA en matière de promotion de l'expression des langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article crée un nouvel article 15-1 dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui confie au CSA la mission de veiller à ce que les services de communication audiovisuelle « attribuent une place significative à l'expression des langues régionales, en vue du rétablissement des conditions de leur transmission naturelle ».

Cette disposition a donc une portée particulièrement large :

- elle crée en effet une obligation indirecte aux chaînes de télévision et de radio, publiques et privées , d'augmenter largement leur diffusion en langues régionales. L'intégralité des conventions applicables aux chaînes, des autorisations de diffusion et des cahiers des charges des sociétés nationales de programme devraient donc être modifiés ;

- et s'applique également aux services de communication audiovisuelle à la demande (vidéo à la demande, télévision de rattrapage), qui seraient donc également assujettis à de nouvelles obligations.

En outre, le nouvel article 15-1 prévoit que le CSA se concerte avec les collectivités territoriales compétentes, ou avec les organismes mis en place aux termes de l'article 4 (et non de l'article 5 comme mentionné) de la présente proposition de loi, afin de garantir le développement des langues et cultures régionales.

II. La position de votre commission

L'idée que les médias puissent rétablir les conditions de leur transmission naturelle, c'est-à-dire qu'ils permettent que les langues régionales soient transmises par le dialogue entre les générations, paraît particulièrement ambitieuse. Votre rapporteur considère que cela conduirait même à la diffusion de la majorité des programmes en langue régionale, ce qui est parfaitement illégitime en soi et impossible en termes de gestion des fréquences.

De plus, le principe à valeur constitutionnelle de liberté de communication impose que le régulateur ne puisse pas dicter le contenu de leurs programmes aux chaînes de télévision et de radio. Ainsi, dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, le Conseil constitutionnel a considéré que « la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s'adressent les moyens de communication audiovisuelle n'était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractères différents dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information ; qu'en définitive, l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions , ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché ».

Force est de constater que la constitutionnalité du présent article, qui soumet l'ensemble des services de communication audiovisuelle à des obligations très importantes, est sujette à caution.

Votre rapporteur considère que le présent article, d'apparence anodine, a à la fois un champ extrêmement étendu et une portée trop large, sinon hasardeuse.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 22 (Art. 20-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Exceptions apportées à l'emploi du français par les services de communication audiovisuelle

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à modifier l'article 20-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui dispose que l'emploi du français est obligatoire dans l'ensemble des émissions et des messages publicitaires des services de communication audiovisuelle, afin de prévoir une exception pour la diffusion des émissions et messages publicitaires en langue régionale.

Des exceptions sont prévues par la loi, relatives aux oeuvres musicales en langue étrangère, aux oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en langue originale, aux programmes conçus pour être diffusés en langue étrangère, aux émissions à visée pédagogique (apprentissage d'une langue) ou encore aux retransmissions de cérémonies culturelles.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur considère que l'exception prévue au présent article est déjà incluse dans le champ de l'article 20-1 précité, qui mentionne les programmes « conçus pour être diffusés en langue étrangère », disposition applicable aux éditeurs diffusant en langue régionale.

Elle constate au demeurant que :

- 62 stations de radio diffusent des émissions en langues régionales ;

- sur les 50 chaînes locales privées autorisées en métropole (novembre 2009), 17 chaînes diffusent des programmes en langues régionales ;

- et que les décrochages locaux de France Télévisions ou de Radio France diffusent également des programmes en langues régionales.

Par ailleurs, les publicités en langue régionale ne sont pas interdites par la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite loi « Toubon », dont l'article 21 prévoit que les dispositions de la loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 23 (Art. 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Extension du contenu des conventions conclues entre les CSA et les opérateurs de communication audiovisuelle diffusant par voie hertzienne

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à modifier l'article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui fixe les obligations devant figurer dans les conventions signées entre les services diffusés par voie hertzienne terrestre (autres que ceux diffusés par les sociétés nationales de programme) et le CSA.

Il s'agit de prévoir que les conventions passées entre le CSA et les opérateurs de communication audiovisuelle dans le cadre de la délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique doivent prévoir des dispositions propres à assurer la promotion et le développement des langues et cultures régionales de France .

II. La position de votre commission

Votre rapporteur note à cet égard que la délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique est déjà soumise à de nombreuses conditions, notamment via les quotas de diffusion et de production d'oeuvres audiovisuelles.

Il convient également de souligner qu'il serait extrêmement contraignant pour les grandes chaînes de télévision ou de radio à diffusion nationale de diffuser des programmes dans les multiples langues régionales de France ou même de multiplier les programmes relatifs aux langues régionales.

Elle considère donc en la matière que la liberté du choix éditorial doit plutôt constituer la règle.

En outre, elle constate que 17 chaînes de télévision locales (sur cinquante) diffusent des programmes en langues régionales.

Les 17 chaînes locales diffusant des programmes en langue régionale

Alsace 20 (alsacien) : Strasbourg - Mulhouse

Grand Lille TV (ch'ti) : Lille - Lambersart

Mirabelle TV (lorrain) : Metz, Verdun, Forbach, Longwy, Sarrebourg

Tébéo (breton) : Brest

TVPI (basque et gascon) : Bayonne

Demain Sud Bretagne (breton) : Lorient - Vannes

TV Rennes (breton) : Rennes - Saint-Brieuc

LCM (provençal) : Marseille - Roquevaire

TLT (béarnais et gascon) Toulouse

TPO (catalan) : Perpignan

TV Côte d'Opale (ch'ti) : Boulogne - Dunkerque

TV Paese (corse) : Haute-Corse

TVPI (basque et gascon) : Bayonne

TV Rennes (breton) : Rennes - Saint-Brieuc

TV Sud Camargue-Cévennes (occitan et provençal) : Nîmes - Alès

WEO (ch'ti) : Lille-Bouvigny

À cette liste s'ajoutent en outre les services de télévision diffusés sur d'autres supports (réseaux câblés, internet et ADSL), qui ne font pas l'objet d'une convention avec le CSA.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 24 (Art. 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Prise en compte de la diffusion en langue régionale dans les conditions d'attribution des fréquences pour la diffusion des services de radio

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à modifier l'article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui précise les modalités spécifiques d'autorisations d'usage par le CSA des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre. Sont ainsi prévues les procédures à respecter et les critères à prendre en compte.

Par ailleurs, l'article 29 précise que le CSA doit s'efforcer d'attribuer suffisamment de fréquences aux radios associatives, qui assurent une communication sociale de proximité ainsi qu'aux radios locales. Cet équilibre est extrêmement complexe et les recours contestant le respect des critères d'attribution des fréquences sont courants.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur considère que le droit existant permet déjà au CSA de faire une part aux radios émettant en langue régionale tout ou partie de leurs programmes.

Il a ainsi autorisé 62 stations de radio diffusant des émissions en langues régionales .

A titre d'exemple, dans la zone du comité technique radiophonique de Bordeaux, les radios diffusant en langue régionale :

RADIO BULLE (Agen) : occitan (1 heure)

CASTEL FM (Casteljaloux) : occitan (1 heure)

LA CLÉ DES ONDES : occitan

RADIO ENTRE DEUX MERS (Sauveterre) : occitan (1 heure)

RADIO GURE IRRATIA (Montagne) : basque

RADIO IRRULEGIKO IRRATIA (Saint-Palais) : basque

RADIO LAPURDI IRRATIA (Bayonne) : basque

RADIO MENDI LILIA (Mauléon) : basque, béarnais

RADIO OLORON (Oloron-Sainte-Marie) : béarnais (2 heures)

RADIO ORION RLC (Bergerac) : occitan (1 h 30)

RADIO ORTHEZ 2001 (Orthez) : béarnais, occitan (2 heures)

RADIO PAÏS (Aire-sur-Adour) : occitan, béarnais, gascon

RADIO PERIGUEUX 103 (Périgueux) : occitan (2 heures)

RADIO PONS (Pons) : patois charentais (1 heure)

RADIO MDM (Mont-de-Marsan) : gascon

RADIO QUATRE CANTONS (Villeneuve-sur-Lot) : occitan (1 h 40)

RADIO TERRE MARINE (Rochefort) : patois charentais

RADIO VDB-LA VOIX DU BÉARN (Pau) : basque (1 h 30), béarnais (1 h 30)

RADIO LA VOIX DE L'ARMAGNAC (Gabarret) : gascon

RADIO XIBEROKO BOTZA (Mauléon) : basque

Constatant cette réalité, votre rapporteur estime qu'une modification du droit existant risquerait de complexifier davantage le régime juridique de délivrance des fréquences de diffusion de radios.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 25 (Art. 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Promotion des langues régionales sur les chaînes distribuées sur les réseaux non hertziens

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à modifier l'article 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui renvoie à un décret en Conseil d'État, pris après avis du CSA, le soin de fixer un certain nombre d'obligations à chaque catégorie de services de radio ou de télévision distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le CSA (câble, satellite, réseaux ADSL).

Ce décret doit prévoir que figurent dans les conventions les règles générales de programmation, celles applicables à la publicité, au téléachat, au parrainage et à l'autopromotion, les dispositions de nature à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie, ainsi que les règles relatives à la diffusion, sur les services de radio, d'oeuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France.

Le présent article dispose que les règles relatives à la promotion et au développement des langues régionales devront être définies dans ces conventions.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur considère que la possibilité pour une chaîne de radio ou de télévision d'être distribuée sur les réseaux non hertziens est déjà très largement ouverte et permet aisément à des chaînes diffusant en langue régionale de se mettre en place.

Le problème majeur sur ces réseaux est celui de la difficulté à trouver un équilibre financier. Ainsi l'échec de TV Breizh montre la difficulté de mettre en place une chaîne de télévision avec une audience potentiellement réduite à une partie de la population correspondant aux locuteurs de la langue régionale. Le succès de certaines télévisions ultra-marines diffusant en créole prouve a contrario que de tels projets peuvent exister si le public est présent.

Par ailleurs les chaînes locales hertziennes diffusées par voie hertzienne sont en général également distribuées sur les autres réseaux.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 26 (Art. 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Promotion des langues régionales sur les chaînes distribuées sur les réseaux non hertziens

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article vise à compléter l'article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, relative aux missions des sociétés nationales de programme, afin de préciser leurs obligations en matière de promotion des langues régionales.

Plus spécifiquement, elle prévoit que :

- « les stations régionales concernées de télévision et de radio de service public... » : cela concernerait donc des décrochages régionaux (et locaux en toute logique) de France 3 et les stations de France Bleu ;

- « ... assurent la production et la diffusion d'émissions, de documentaires, de fictions réalisés, sous-titrés ou postsynchronisés en langue régionales... » : il s'agirait donc d'une obligation très lourde avec une production interne et des quotas de diffusion ;

- « ... en prenant en compte l'ensemble de la diffusion des chaînes de télévision ou des stations de radio publiques de la région concernée. » : votre rapporteur comprend là qu'il s'agirait de parvenir à un subtil équilibre entre les programmes diffusés par France 3 et émissions de France Bleu.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur peut faire les commentaires suivants sur cet article :

- le choix d'introduire de telles dispositions dans un article mentionnant les grandes missions des sociétés nationales de programme paraît pour le moins étrange. Des modifications de l'article 44 relatif notamment à France Télévisions et à Radio France auraient pu être plus pertinentes ;

- la précision des obligations les fait clairement relever du cahier des charges des sociétés nationales de programme, et donc du décret ;

- la définition de quotas de diffusion et de production entraînerait un coût certain pour ces personnes publiques, et leur introduction par voie de proposition de loi paraît donc contraire à l'article 40 de la Constitution.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 27 (Art. 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Extension des missions de l'Institut national de l'audiovisuel

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à modifier l'article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication relatif aux pouvoirs de l'Ina.

L'Ina a déjà pour mission :

- d'assurer la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme ;

- et de collecter des documents sonores et audiovisuels radiodiffusés ou télédiffusés au titre du dépôt légal. Les conditions d'application de cette mission sont définies aux articles L. 131-1 à L. 132-6 et R. 13233 à R. 13243 du code du patrimoine.

L'Ina peut aussi passer des conventions avec des personnes morales publiques ou privées en vue de la conservation et de l'exploitation de leurs archives audiovisuelles.

L'article tend ici à définir une nouvelle mission de collecte, de restauration, de conservation et de diffusion des archives audiovisuelles en langues régionales.

Votre rapporteur note que la tâche serait donc immense puisque cette obligation de conservation concernerait l'ensemble des « archives audiovisuelles en langues régionales, c'est-à-dire a priori à la fois les télévisions et radios publiques, les télévisions et radios privées, mais aussi les archives de l'ensemble des personnes morales ou physiques, publiques ou privées, qui en feraient la demande, à la condition qu'elles soient en langues régionales.

L'obligation en matière de langues régionales serait ainsi beaucoup plus large que pour les émissions diffusées en français.

Par ailleurs, l'Ina devrait créer à cette fin des instituts régionaux dans le cadre de conventions passées avec les régions.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur considère qu'il y a un doute sur l'objectif visé par les auteurs de la proposition de loi. Il peut s'agir :

- d'une part, d'élargir les obligations fixées à l'Ina en matière de conservation et d'exploitation des archives audiovisuelles des chaînes publiques à d'autres archives audiovisuelles, notamment privées ;

- d'autre part, d'agrandir légèrement le champ du dépôt légal, qui s'applique déjà en grande partie aux documents audiovisuels diffusés en langue régional. Dans ce cas, il aurait fallu modifier le code du patrimoine et préciser les nouvelles obligations imposées à l'Ina.

Le dispositif proposé tend à laisser penser que c'est la première option qui a été choisie, avec, dans ce cas, des conséquences majeures en termes de temps consacré à cette mission par l'Ina et de financement, dans des conditions assez contestables (coûts de conservation et d'exploitation publics pour des archives privées).

Les deux options entraîneraient en toute état de cause un coût important pour les finances publiques. Cela conduit à penser que cet article est contraire à l'article 40 de la Constitution.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 28 (Art. 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Nouvelles règles de répartition de la redevance

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à modifier l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication relatif aux contrats d'objectifs et de moyens des sociétés nationales de programme.

Il vise à prévoir que la répartition de la « redevance » tient compte de l'obligation faite aux chaînes de radiodiffusion et de télévision de promouvoir les langues régionales et d'en développer l'usage.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur est particulièrement perplexe sur le dispositif proposé par le présent article. En effet :

- il évoque la « redevance » audiovisuelle, alors que le nom de cette taxe est la « contribution à l'audiovisuel public » depuis l'adoption de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;

- il modifie l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui est principalement consacré aux contrats d'objectifs et de moyens des sociétés nationales de programme, et non pas l'article 1605 du code général des impôts qui fixe le régime juridique de la contribution à l'audiovisuel public, et notamment le champ de ses bénéficiaires ;

- il transforme le régime de financement de l'audiovisuel public en un système de sanctions s'appuyant sur le respect de dispositions très spécifiques relatives à la promotion des langues régionales ;

- et enfin il est contraire au 3° du I de l'article 34 de la loi organique n°2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, qui réserve aux lois de finances l'édiction de toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l'État.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE II - Dispositions diverses relatives aux services audiovisuels
Article 29 - Conventions entre les collectivités territoriales et les éditeurs de service de communication audiovisuelle sur le développement des langues et cultures régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à permettre aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec les chaînes de télévision et de radio diffusant des programmes en langue régionales relatives au développement des langues et cultures régionales pratiquées sur le territoire.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur considère que rien n'empêche, dans le droit existant, la signature de telles conventions. La disposition est donc satisfaite.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 30 - Création de services publics de radio et de télévision

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article prévoit que les collectivités territoriales peuvent créer des services publics territoriaux de radio et de télévision diffusant exclusivement ou principalement dans des langues régionales, soit « par voie de convention » avec des organismes participant au service public national de radio et de télévision, soit de leur initiative propre.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur peine à comprendre le régime juridique de ce nouveau « service public territorial de radio et de télévision ». Elle considère néanmoins que rien n'empêche les collectivités territoriales de :

- passer des conventions avec France Télévisions ou avec des antennes France Bleu afin de soutenir des décrochages locaux ou la diffusion de programmes en langue régionale ;

- et ou de financer des télévisions ou des radios locales diffusant en langues étrangères.

Force est pourtant de constater que le coût de tels dispositifs est souvent prohibitifs et les succès contrastés.

C'est au demeurant la raison pour laquelle la Direction générale des médias et des industries culturelles et le Conseil supérieur de l'audiovisuel ont souhaité lancé un marché pour une étude sur les conditions de réussite de la télévision locale en France , en soulignant que « le développement des chaînes de télévision locale répond à des besoins d'information de proximité et de mise en valeur de la diversité culturelle et des enjeux sociaux d'une région : elles encouragent l'expression des minorités, contribuent à la diffusion des langues régionales, accomplissent des missions sociales et éducatives (émissions sur l'emploi local, le logement, les loisirs), participent au développement d'un tissu d'entreprises locales de production ou contribuent aux politiques de la Ville (aides à l'intégration, réhabilitation de l'image de certains quartiers ) ».

Les résultats de cette étude permettront probablement de disposer d'une analyse fine sur les modalités de développement des télévisions locales en France, notamment en langues régionales. Des moyens adaptés pourront alors être mis en oeuvre.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 31 - Attribution des fréquences aux services publics territoriaux de radio et de télévision

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à prévoir que le CSA veille à attribuer des fréquences aux services publics territoriaux de radio et de télévision.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur considère qu'une ambiguïté importante pèse sur ce nouveau pouvoir attribué au CSA :

- en effet soit il ne lie pas réellement l'autorité de régulation et le présent dispositif s'apparente à celui proposé à l'article 23 de la présente proposition de loi, qui modifie l'article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication relative aux conventions passées entre le CSA et les opérateurs auxquels sont affectés des fréquences ;

- soit il crée un droit de priorité pour ces nouvelles chaînes, qui ne serait pas conforme au droit communautaire. Si le souhait est de mettre en place une telle obligation, l'encadrement législatif mériterait d'être fortement renforcé.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 32 - Réception des émissions diffusées à l'étranger dans les langues régionales pratiquées en France

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article vise à confier au CSA le pouvoir de faciliter la réception des émissions diffusées à l'étranger dans les langues régionales pratiquées en France.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur relève que le droit relatif à la diffusion hertzienne par delà les frontières des États relève de traités internationaux, notamment ceux signés dans le cadre de la conférence régionale des radiocommunications de l'Union internationale des télécommunications (UIT).

Le souhait exprimé de pouvoir recevoir en France des chaînes de télévision diffusant des chaînes étrangères supposerait donc pour être réalisé la signature de traités spécifiques, et non pas une modification législative.

Votre commission n'a donc pas adopté de texte pour cet article.

CHAPITRE III - Disposition relative à la presse écrite
Article 33 - Rôle des aides publiques à la presse dans l'incitation à l'utilisation des langues régionales

I. Le droit en vigueur

A. Les aides publiques en faveur de la presse : un dispositif de soutien fragmenté, évalué à plus d'1,4 milliard d'euros

Comme l'indique le rapport pour avis de la commission de la culture sur les crédits de la presse dans le projet de loi de finances pour 2011, les aides indirectes en faveur de la presse s'élèvent à près de 401 millions d'euros en 2011 et sont constituées principalement par les dépenses fiscales résultant de l'application aux publications de presse d'un taux de TVA super-réduit de 2,1 %, à hauteur de 190 millions d'euros, et de l'exonération de la contribution économique territoriale 4 ( * ) dans le secteur de la presse, à hauteur de 210 millions d'euros. La réduction de l'impôt sur les sociétés pour souscription au capital des sociétés de presse (article 220 undecies du code général des impôts), d'un coût de l'ordre d'un million d'euros, et la déduction d'impôt spéciale prévue en faveur des entreprises de presse (articles 39 bis et 39 bis A du code général des impôts), d'un coût inférieur à 0,5 million d'euros, constituent, pour leur part, des dépenses fiscales relativement marginales.

À ces aides indirectes, s'ajoutent des aides versées directement aux éditeurs et à d'autres organismes ou personnes chargées de la fabrication, de la distribution et de la diffusion de la presse, d'un montant total de 305,1 millions d'euros inscrits en crédits de paiement sur le programme 180 de la mission « Médias, livre et industries culturelles », dans la loi de finances pour 2011. Il convient également de tenir compte des 159 millions d'euros de l'aide au transport postal de la presse dans les zones peu denses au titre du programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Économie ».

Enfin, les aides directes en faveur de la presse comprennent également les abonnements de l'État à l'AFP, qui s'établiront, en 2011, à 115,4 millions d'euros.

Au total, on peut évaluer l'effort inscrit au budget général de l'État en faveur de la presse écrite à près de 980,5 millions d'euros dans la loi de finances pour 2011.

Néanmoins, il convient d'y inclure des dépenses directes ne figurant pas dans les maquettes budgétaires : on évalue ainsi l'effort de La Poste en matière de transport de la presse à 400 millions d'euros ; les effets du nouveau plan de modernisation sociale des imprimeries de presse dont le volet « IMPRIME » est entré en vigueur en 2010, à 25 millions d'euros ; et les effets du plan de restructuration du niveau 2 (dépositaires de presse) du circuit de distribution de la presse, à 15 millions d'euros par an pendant cinq ans.

Ainsi, le soutien public global consenti à la presse s'établirait à 1,42 milliard d'euros.

On pourrait également tenir compte, dans cette évaluation, du renforcement, conformément aux engagements du Président de la République à la suite des États généraux de la presse écrite, des dépenses publicitaires de l'État dans la presse qui correspondent désormais, en 2010, à 32 % de l'ensemble des investissements médias de l'État.

B. Les critères d'attribution des aides publiques à la presse

Les aides indirectes susmentionnées ne sont pas explicitement réservées à la presse en langue française. Toutefois, la qualification de publication d'information politique et générale est en général réservée par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) aux publications en langue française ou anglaise, les autres langues (étrangères ou régionales) étant considérées comme pratiquées par une « catégorie de lecteurs », au sens de l'article D. 19-2 du code des postes et des communications électroniques. Par conséquent, le tarif postal réduit consenti aux publications d'information politique et générale est réservé aux publications en langues française ou anglaise.

En outre, certaines aides directes sont explicitement réservées par les décrets les régissant aux seules publications en langue française :

- le décret n° 2002-629 du 25 avril 2002 réserve l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale aux « quotidiens nationaux d'information politique et générale de langue française » ;

- le décret n° 86-616 du 12 mars 1986 réserve l'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires aux « quotidiens nationaux d'information politique et générale de langue française » ;

- le décret n° 89-528 du 28 juillet 1989 réserve l'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces aux « quotidiens d'information politique et générale de langue française » ;

- le décret n° 99-79 du 5 février 1999, relatif au fonds de modernisation de la presse, n'impose pas explicitement de conditions de langue, mais renvoie aux critères d'attribution des aides aux publications d'information politique et générale. C'est pourquoi, compte tenu de la doctrine de la CPPAP en la matière, cette aide est réservée en pratique aux publications en langues française ou anglaise.

Toutefois, un certain nombre d'aides directes sont explicitement ouvertes à la presse diffusée en langue régionale :

- le décret n° 2004-1311 du 26 novembre 2004 réserve les aides à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger aux « publications majoritairement rédigées en français ou dans une langue régionale en usage en France » ;

- le décret n° 98-1009 du 6 novembre 1998 n'impose pas de critère de langue dans l'octroi de l'aide au portage ;

- le décret n° 2009-1379 du 11 novembre 2009 accorde une aide en faveur des « services de presse en ligne publiés pour une part significative en français ou dans une langue régionale en usage en France, ainsi que les services de presse en ligne publiés dans une langue étrangère si leur contenu est de nature à contribuer au rayonnement de la pensée et de la recherche scientifique françaises ».

II. Le texte de la proposition de loi

L'article 33 de la présente proposition de loi tend à instituer des mesures d'incitation à l'utilisation des langues régionales dans la presse écrite régionale, dans le cadre des dispositifs de soutien public et d'avantages fiscaux en faveur de la presse, et d'étendre à la presse écrite en langue régionale les mêmes aides que celles octroyées à la presse en langue française.

III. La position de votre commission

En l'espèce, les dispositions de cet article constituent une augmentation de charges publiques et sont donc contraires à l'article 40 de la Constitution. Toutefois, en vertu d'un accord politique au sein du Bureau du Sénat, les propositions de lois émanant d'un groupe de l'opposition n'ont pas vocation à faire l'objet de modifications au stade de l'examen en commission.

En outre, votre commission estime qu'il est difficile de se prononcer sur la faisabilité économique et technique d'une extension à la presse régionale des aides qui sont aujourd'hui réservées à la presse en langue française, dans la mesure où nous disposons de peu d'éléments sur le nombre de publications diffusées en langues régionales.

Toutefois, elle relève que, dans le cadre de la réflexion actuelle sur la réforme des aides à la presse, des bonifications sont prévues afin d'encourager certains comportements vertueux, notamment en matière de mutualisation de la production, de diversité des recrutements, etc., comme l'a souligné le ministre de la culture et de la communication dans son discours du 14 janvier 2010 prononcé à l'occasion de l'installation de l'instance de concertation destinée à définir les modalités de mise en oeuvre de la nouvelle gouvernance des aides publiques à la presse.

Néanmoins, il ne semble pas à votre commission souhaitable d'ajouter au sein de ces comportements vertueux l'usage des langues régionales, dès lors que ce sujet concerne le contenu éditorial des publications, sur lequel l'État doit bien se garder d'intervenir.

Votre commission n'a donc pas adopté de texte pour cet article.

TITRE IV - CRÉATION CULTURELLE EN LANGUE RÉGIONALE
Article 34 - Principe d'encouragement par les pouvoirs publics à l'usage des langues régionales dans les activités culturelles et artistiques

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article pose pour principe général que les pouvoirs publics - État comme collectivités territoriales - encouragent l'usage des langues régionales dans les activités culturelles et artistiques.

En droit, l'utilisation du présent de l'indicatif suffisant à conférer valeur obligatoire au dispositif , cet article tend à obliger l'État et les collectivités territoriales à inciter, favoriser, voire aider - selon les différentes acceptions du terme « encourager » - le développement de cet usage.

II. La position de votre commission

? Votre commission incite à la prudence dans ce domaine, cet article revenant à imposer à l'État et aux collectivités territoriales une obligation très générale, même si les autres articles du Titre IV de la proposition de loi viennent la préciser.

En effet, le principe de libre administration des collectivités territoriales , principe de rang constitutionnel, s'impose au législateur. Ce dernier peut certes définir des catégories de dépenses obligatoires pour les collectivités territoriales, mais ainsi que l'a précisé le Conseil constitutionnel, ces obligations doivent être définies avec précaution quant à leur objet et à leur portée.

Enfin, cette disposition conduirait sans doute à une hausse des charges publiques, contraire à l'article 40 de la Constitution .

? Par ailleurs, votre commission s'interroge sur l'opportunité d'une telle obligation, sachant que l'État et les collectivités territoriales conduisent d'ores et déjà de nombreuses actions tendant à satisfaire à l'objectif du Titre IV de la proposition de loi, ainsi que le préciseront les commentaires des différents articles le composant.

C'est pourquoi, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 35 - Champ d'application du principe général dans les différents secteurs de la création culturelle

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article vient préciser le principe général édicté à l'article 34, afin de décliner les obligations de l'État et des collectivités territoriales dans les différents secteurs de la création culturelle qu'il leur est demandé de « promouvoir et stimuler », à savoir, en résumé :

- dans le domaine de l'écrit :

. la création littéraire en langues régionales, la diffusion et la traduction dans d'autres langues d'oeuvres littéraires écrites en langues régionales, ainsi que la traduction en langues régionales d'oeuvres écrites dans d'autres langues;

. l'édition, la distribution et la diffusion de livres et de publications périodiques en langues régionales ;

. la production, l'édition et la distribution de matériel écrit et audio en langues régionales à destination des non-voyants, l'enregistrement de livres sonores et une offre culturelle de base, en langues régionales, à destination de ce public ;

- dans le domaine du cinéma :

. la production de films en langues régionales, le doublage et le sous-titrage d'autres oeuvres dans ces langues, la distribution « en n'importe quel format » et la diffusion de ces films. Précisons qu'il existe différents formats, de coûts variables, par exemple le 35 mm ou le 70 mm pour le grand format type IMAX, et que la 3D, onéreuse, se développe ;

- dans le domaine du spectacle vivant :

. la production et la représentation des arts du spectacle vivant en langues régionales ;

. la création, l'interprétation et la diffusion de chansons en langues régionales ;

- dans le domaine du patrimoine :

. la conservation et la mise à disposition des oeuvres, quel que soit leur support, produites en langues régionales.

II. La position de votre commission

Votre commission relève que l'État et les collectivités territoriales conduisent déjà de nombreuses actions en vue d'encourager l'usage des langues régionales dans les différents secteurs visés.

Les actions conduites par le ministère de la culture, et la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) qui lui est rattachée, invite à considérer les langues dans leur capacité à produire des oeuvres de culture, c'est-à-dire comme outils de création artistique plutôt que comme moyens de communication. Dans cette optique, le soutien de l'État se porte sur les oeuvres qui contribuent à installer et à « banaliser » la création en langues de France dans le paysage culturel.

Votre rapporteur en citera plusieurs exemples .

- Ainsi, le livre restant le premier support de diffusion culturelle, la DGLFLF apporte un soutien continu à l'édition en langues régionales et à la traduction, à travers le programme « Librairie des langues du monde », alimenté conjointement avec le Centre national du livre. Ce fonds spécial permet notamment de financer l'édition de dictionnaires bilingues : langues de France -français.

- Par ailleurs, le ministère soutient les points d'appui institutionnels des langues de France. A travers leur implication dans des projets originaux, se constitue ainsi progressivement un réseau d'institutions et d'organismes d'envergure nationale, représentatifs des langues de France . Ce réseau passe notamment par la Maison de la culture yiddish-bibliothèque Medem, l'Institut d'études occitanes (Toulouse), l'Institut occitan de Pau ou la Maison des sciences de l'homme Paris-Nord (avec son centre de ressources berbères). L'État soutient plusieurs axes d'activité de ces organismes, tels que la formation, l'édition, la socialisation à la langue ou la création de centres de ressources linguistiques.

- Des actions visent également à favoriser le dialogue des langues, notamment au travers de colloques, rencontres, débats et autres manifestations de sensibilisation à la pluralité des langues.

- Dans le domaine du spectacle vivant , le théâtre est toujours un mode d'expression privilégié, des aides publiques sont allouées à certains théâtres (tels que le Théâtre de la Rampe en Languedoc et le Centre dramatique occitan de Toulon, par exemple) au titre de leurs créations originales, ainsi que pour leurs activités de diffusion et de formation. Le caractère interrégional du travail des compagnies concernées est mis en avant dans l'intervention du ministère.

Le recours aux nouvelles technologies permet aussi de développer la socialisation aux langues minoritaires, de moderniser les représentations dont elles font l'objet et de concourir à leur mise en valeur. Ainsi, par exemple, le ministère a contribué à créer et encourage toujours, auprès du Hall de la chanson développé par le Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des musiques actuelles, le site « Langues de France en chansons », qui a développé cette année l'extension « L'Outre-mer en chansons ».

- Le soutien public se manifeste aussi dans le cadre des festivals , où s'exprime aujourd'hui le dynamisme des langues minoritaires et leur contribution à la vie culturelle en France. Ainsi, par exemple, l'Estivada de Rodez ou Vibrations caraïbes font découvrir de nouveaux talents dans toutes les disciplines artistiques.

- Dans le secteur du cinéma , les soutiens du Centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC) sont ouverts de manière générale aux productions en langue française ou dans une langue régionale en usage en France. Il en est de même des crédits d'impôt. Votre rapporteur détaillera ces actions à l'occasion du commentaire de l'article 37 de la présente proposition de loi, consacré à ce sujet.

- La connaissance des langues de France, et la conservation du patrimoine qui leur est liée, sont également des domaines où l'action de l'État se justifie pleinement et est avérée. Ainsi, votre rapporteur salue le travail de l'Observatoire des pratiques linguistiques . Il s'agit d'un comité d'experts installé à la DGLFLF pour recenser, développer et rendre disponibles les savoirs relatifs à la situation linguistique en France. Il fournit des données utiles à l'élaboration de politiques culturelles, éducatives ou sociales. Depuis trois ans, un de ses axes majeurs est le développement du programme « Corpus de la parole » , dont l'objectif de numériser et valoriser des corpus oraux (enregistrements de productions vocales traitées scientifiquement), afin de permettre leur conservation et leur transformation en ressources linguistiques numériques, au service de la recherche en sciences humaines, de l'enseignement et de l'ingénierie des langues. Depuis 2011, son site - corpusdelaparole.culture.fr - offre la possibilité d'entendre des corpus dans une trentaine de langues de France, ce qui représente d'ores et déjà plusieurs centaines d'heures d'écoute, rendant ce riche patrimoine national disponible à tous. En outre, l'observatoire publie le bulletin « Langues et Cité », régulièrement consacré à une langue de France (des numéros ont ainsi été consacrés, par exemple, à l'arabe, au breton ou au franco-provençal.

Enfin, il faut mentionner l'action des directions régionales des affaires culturelles ( DRAC ) en faveur des langues de France. En effet, outre les crédits déconcentrés spécifiques du ministère de la culture au titre de la diversité linguistique, les DRAC ont la possibilité d'intervenir à travers les procédures qui existent dans tous les domaines susceptibles d'être marqués sur le plan linguistique : patrimoine ethnologique, musique, théâtre, livre, archives, cinéma, audiovisuel...

- Relevons que deux grandes institutions font l'objet d'un soutien budgétaire important, qui traduit la politique linguistique de l'État. Elles ont pour mission essentielle de concevoir, définir et mettre en oeuvre les politiques linguistiques publiques :

. l'Office culturel de Bretagne, qui est récemment passé du statut associatif à celui d'établissement public de coopération culturel (EPCC) ;

. l'Office de la langue basque, groupement d'intérêt public (GIP), qui bénéficie du soutien convergent de l'État, du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques et de la Région Aquitaine. Son budget s'élève à plus de trois millions d'euros, compte tenu de la contribution de la Communauté basque espagnole, dont deux millions émanant des pouvoirs publics français (État et collectivités confondus) ;

. par ailleurs, une réflexion est en cours sur la création d'une structure interrégionale de promotion de l'occitan.

Votre commission se réjouit de l'importance de la politique linguistique conduite par les pouvoirs publics et nécessaire à la reconnaissance et à la promotion de la diversité linguistique de notre pays : à côté du français, les langues régionales ou minoritaires ont leur place dans la culture contemporaine et contribuent à la richesse de la société française.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, les moyens budgétaires mis en oeuvre par le ministère de la culture et de la communication à ce titre s'établissent à environ 950 000 euros (dont 150 000 euros pour l'administration centrale et 800 000 euros pour l'ensemble des DRAC). S'y ajoutent, en 2011, une enveloppe de 170 000 euros spécialement destinée à l'organisation des États généraux du multilinguisme dans les territoires ultramarins.

Pour les mêmes raisons que celles avancées à l'article 34 de la proposition de loi, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 36 - Formation professionnelle

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article concerne la formation aux métiers de la communication et de la création culturelle recourant aux langues régionales. Il demande à l'État et aux collectivités territoriales de veiller à la création de telles filières de formation.

II. La position de votre commission

Ainsi qu'il a été dit précédemment, des actions de formation en langues de France sont conduites, par exemple dans le domaine du spectacle vivant, certains théâtres étant aidés à ce titre.

Au-delà, est-il opportun de multiplier des filières de formation spécifiques ? Votre rapporteur ne le croit pas. En outre, les établissements, qu'ils soient universitaires ou non, disposent de l'autonomie leur permettant de créer, lorsque des besoins leur semblent avérés, de telles formations.

Enfin, votre commission s'est déjà inquiétée du risque de voir proliférer des filières de formation déconnectées des éventuels débouchés professionnels. Elle recommande donc la prudence dans ce domaine.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 37 (Art. L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée) - Nouvelle mission confiée au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article propose de compléter l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée, qui fixe les missions du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Il s'agirait de lui confier pour nouvelle mission de « promouvoir la production et la diffusion cinématographiques en langues régionales ».

II. La position de votre commission

Ainsi que votre rapporteur l'a exposé dans son commentaire de l'article 35, le CNC conduit déjà de nombreuses actions dans ce domaine et les aides de son compte de soutien sont ouverts aux productions en langue française ou dans une langue régionale en usage en France. Il en est de même des crédits d'impôt. Elle attribue ces aides en application des missions générales qui lui sont conférées en application de l'article du code précité 5 ( * ) .

L'encadré ci-après précise le cadre de ces interventions.

Cadre réglementaire des actions de soutien dans le secteur du cinéma

Ce cadre résulte principalement du décret n° 99-130 du 24 février 1999 relatif au soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'article 220 sexies du code général des impôts (CGI).

1. Le soutien financier mis en place par le CNC

Dès que le CNC impose une condition relative à la langue de réalisation, elle concerne aussi bien le français que les langues régionales en usage en France.

- Soutien à la production d'oeuvres cinématographiques de longue durée : dans le cadre du soutien automatique à la préparation (article 50-1 du décret précité), lorsque, notamment, les travaux de préparation donnent lieu à l'élaboration de documents littéraires et artistiques écrits ou exprimées en langue française ou dans une langue régionale en usage en France, l'entreprise de production peut bénéficier d'une allocation complémentaire de 25 %, voire de 50 % lorsque les dépenses correspondantes sont acquittées avant la mise en production. En ce qui concerne le soutien automatique à la production (article 32 du même décret), l'entreprise de production peut également bénéficier d'une allocation complémentaire de 25 % lorsque l'oeuvre est réalisée soit en français soit dans une langue régionale en usage en France. En outre, la langue est également prise en compte dans le cadre du soutien généré par l'oeuvre (arrêté du 22 mars 1999).

Le soutien financier sélectif à la production du CNC n'est ouvert qu'aux oeuvres réalisées en français ou dans une langue régionale : conception de projets (article 52-1 du décret précité), subventions à l'écriture ou à la réécriture (article 52-3), avance au développement de projets (article 53), avances sur recettes (article 61).

- Soutien à la production d'oeuvres cinématographiques de courte durée :

La réalisation de l'oeuvre en français ou dans l'une des langues régionales en usage en France est l'une des conditions justifiant l'octroi du soutien financier du CNC (article 78). En outre, elle permet de bénéficier d'une allocation complémentaire de 50 % (article 82).

- Soutien à la distribution d'oeuvres cinématographiques :

Des subventions sont accordées pour la distribution des oeuvres ayant bénéficié de l'avance sur recettes. Or, pour se voir accorder cette aide, l'oeuvre doit être réalisée en français ou dans une langue régionale.

2. Le dispositif fiscal

La réalisation de l'oeuvre en français ou dans une langue régionale en usage en France (article 220 sexies du code général des impôts) est l'une des conditions permettant de bénéficier du crédit d'impôt à la production d'oeuvres cinématographiques de longue durée.

3. Les aides mises en place par les régions

Le CNC abonde les fonds régionaux pour la production d'oeuvres qui sont susceptibles de bénéficier du soutien de l'établissement dans le cadre du dispositif 1€ pour 2 €.

Source : CNC

Dans ces conditions, votre commission estime l'article proposé superfétatoire et elle n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 38 - Politique culturelle à l'étranger

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article demande que l'État accorde, dans le cadre de sa politique culturelle à l'étranger, une « place appropriée » aux langues et cultures régionales.

II. La position de votre commission

D'après les informations fournies à votre rapporteur, l'État français conduit déjà des actions de promotion des langues et cultures régionales dans les parties du monde où cela lui semble avoir du sens.

En effet, certaines de ces langues et cultures sont enseignées dans le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger au titre de la politique mise en place par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Il s'agit du catalan pour les établissements d'enseignement français situés dans l'espace catalan espagnol, et du basque au pays basque espagnol. En effet, partout où ce réseau est présent, la langue et la culture locales sont proposées aux élèves.

Dans ce contexte, votre commission voit mal ce que cet article apporterait.

C'est pourquoi, elle n'a pas adopté de texte pour cet article.

TITRE V - VIE PUBLIQUE
Article 39 (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) - Rôle des agents publics dans la promotion des langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article tend à insérer, dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, un nouvel article 5 quinquies prévoyant que les agents de la fonction publique peuvent participer à la promotion des langues régionales et bénéficier, dans le cadre d'une formation initiale ou continue, d'un enseignement en langue régionale.

L'analyse de cette disposition renvoie à deux notions intégrées au corpus des droits et obligations du fonctionnaire : l'obligation de servir et le droit à la formation.

L'obligation pour l'agent public de servir comporte notamment celle d'effectuer les tâches qui lui sont confiées et le devoir d'obéissance hiérarchique, prévus à l'article 28 de la loi n° 83-634 précitée : « tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées . Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public . ».

Le droit à la formation est quant à lui précisé par les articles 21 et 22 de la loi n° 83-634 précitée, modifiés par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique qui modifie le statut général des fonctionnaires. Plusieurs types de formation existent (plan de formation, DIF -droit individuel à la formation, etc.), le critère de l'utilité professionnelle directe étant discriminant dans certains cas.

II. La position de votre commission

Le présent article prévoit une disposition qui manque de clarté pour que l'on puisse en apprécier précisément la portée. Sa rédaction (« peuvent participer à la promotion des langues régionales ») pourrait même conduire à une interprétation incompatible avec l'obligation de réserve qui complète l'obligation de servir décrite ci-dessus. En effet, soit il s'agit simplement de relayer, de mettre en oeuvre les orientations, les missions des services de l'État et des collectivités territoriales, et dans ce cas la participation du fonctionnaire ne traduit que l'obligation d'exécuter les tâches qui lui sont confiées dans le domaine de la promotion des langues régionales. Dans ce cas il est parfaitement inutile d'apporter cette précision superfétatoire, l'obligation de servir, implicite, étant suffisante. Soit il s'agit d'un droit individuel reconnu à chaque fonctionnaire qui, en dehors de toute mission liée aux langues régionales, pourrait néanmoins dans l'exercice de ses fonctions se permettre d'en faire la promotion. Non seulement cela pourrait s'avérer contraire à l'obligation de réserve, explicitement consacrée par la jurisprudence depuis 1935 (CE 11 janvier 1935, Bouzanquet) mais en créant un droit spécifique pour les fonctionnaires, ce serait également contraire à la Constitution.

La simple faculté d'un enseignement en langue régionale dans le cadre de la formation des agents paraît quant à elle totalement inutile.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 40 - Signalétique des bâtiments publics

I. Le texte de la proposition de loi

L'article 40 prévoit l'instauration (et non la faculté d'instaurer) une signalétique bilingue ou plurilingue par l'ensemble des services publics dans les territoires concernés par une ou plusieurs langues. Le champ d'application est très large puisqu'il concerne à la fois les bâtiments publics, les voies de circulation, les voies navigables et les supports institutionnels de communication.

La mise en oeuvre de cette disposition relèverait de l'organisme de droit public prévu à l'article 4 (et non 5) de la présente proposition de loi.

II. La position de votre commission

Cette disposition paraît inapplicable à plusieurs égards. En effet, en créant une obligation dans deux langues voire plus, elle induit tout d'abord des frais importants pour les territoires concernés.

En outre, la traduction systématique appliquée aux voies de circulation serait contraire à l'objectif de sécurité routière dont votre commission a déjà rappelé le caractère primordial à l'occasion de l'examen de la proposition de loi n° 136 relative à l'installation de panneaux d'entrée et de sortie de ville en langue régionale. Votre rapporteur avait d'ailleurs évoqué cette question, au coeur de la décision du tribunal administratif de Montpellier, pour apprécier la compatibilité d'une disposition concernant uniquement les entrées et sorties de ville. Rappelons qu'en la matière l'obligation de prudence et de sécurité impose une information claire pour la signalisation routière. Aussi peut-on penser que la traduction systématique de la signalétique ne manquerait pas de nuire à cet objectif de clarté.

Enfin en créant une obligation imposant l'usage de la langue régionale au même titre que le français, cette disposition pourrait être frappée d'inconstitutionnalité car créant de fait un droit en faveur d'un groupe de personnes (ou d'un territoire) défini par une communauté de langue.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 41 - Textes administratifs d'usage courant

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article prévoit la possibilité, pour l'État et les collectivités territoriales, de mettre à disposition de la population dans les territoires concernés des textes administratifs d'usage courant dans des versions bilingues français - langue régionale.

II. La position de votre commission

D'après les informations portées à la connaissance de votre rapporteur, cette faculté est déjà exercée par certaines collectivités. Les différentes réponses du ministre de la culture et de l'éducation aux questions écrites et orales des parlementaires 6 ( * ) ont de surcroît constamment rappelé l'existence de cette possibilité : « on peut envisager le développement des langues régionales sans avoir nécessairement à légiférer. En effet l'appareil législatif et réglementaire actuel offre des possibilités qui ne sont pas toujours exploitées. De la signalisation routière à la publication des actes officiels des collectivités territoriales, il y a maintes occasions de manifester un bilinguisme français-langue régionale ».

Beaucoup d'initiatives ont d'ailleurs déjà fleuri telles que celle du centre inter-régional de développement de l'occitan (CIRDOC), établissement public à vocation interrégionale chargé de la sauvegarde, de la promotion et de la diffusion du patrimoine et de la création occitans. A cet établissement, créé par la région Languedoc-Roussillon et la ville de Béziers, est associé un portail internet bilingue qui propose d'ailleurs certains documents tels que le rapport annuel à la fois en français et en occitan.

Cette disposition semble donc inutile dans la mesure où rien n'empêche aujourd'hui les collectivités d'offrir des traductions en langue régionale.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 42 - Bilinguisme dans les débats et textes officiels pour les régions concernées

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit la faculté, pour les collectivités territoriales des régions concernées, de promouvoir la publication bilingue français - langue régionale des textes officiels dont elles sont à l'origine et d'encourager l'usage du bilinguisme dans les débats de leurs assemblées.

II. La position de votre commission

Outre que cette disposition rappelle une faculté déjà existante comme cela est évoqué dans l'examen de l'article 41, elle soulève également une difficulté financière car le bilinguisme des débats nécessiterait d'engager des frais de traduction importants pour les collectivités concernées.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 43 - Condition d'attribution des aides et subventions

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit l'obligation, pour l'État et les collectivités territoriales, de tenir compte des objectifs de promotion des langues régionales de la présente proposition de loi pour définir les conditions d'attribution des aides et subventions.

II. La position de votre commission

Il est clair qu'une telle disposition soulève une difficulté majeure dans la mesure où la promotion des langues régionales, même lorsqu'elle reste facultative comme dans les articles précédents, devient de fait une obligation lorsqu'elle conditionne en partie les aides et subventions de l'État et des collectivités territoriales. Car la rédaction du présent article ne vise pas une simple faculté mais impose la prise en compte des objectifs visés par la proposition de loi. La référence aux objectifs est assez floue pour qu'elle puisse se décliner en autant d'objectifs que d'articles, faisant peser de fait une obligation là où ne sont évoquées que des facultés.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

TITRE VI - VIE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
Article 44 - Libre utilisation des langues régionales dans la vie économique et sociale

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que les langues régionales puissent être librement utilisées dans la vie économique et sociale, ainsi que dans les activités de loisir et de jeunesse et les actions destinées à la petite enfance et aux personnes âgées. Il autorise également leur usage dans le cadre de la correspondance postale.

II. La position de votre commission

Cet article, ainsi que les suivants, reprend et décline la disposition plus générale déjà prévue par l'article 2 de la proposition de loi.

Votre commission estime cet article satisfait par la législation actuelle, qui ne prohibe pas l'utilisation des langues régionales dans la vie économique et sociale. En revanche, elle s'étonne de la rédaction retenue qui mentionne spécifiquement comme cas où s'exerce la liberté d'utilisation des langues régionales dans la vie économique et sociale, les seules activités de loisir, de jeunesse et à destination des enfants et des personnes âgées. Si le principe de libre utilisation est général, il est inutile et potentiellement restrictif de distinguer ainsi des activités particulières .

Concernant la possibilité d'utiliser les langues régionales dans la correspondance postale, il faut mettre de côté tout ce qui relève des relations officielles des usagers avec les services publics, notamment avec l'administration fiscale . Conformément à l'article premier de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, qui développe l'article 2 de la Constitution, le français est la langue des services publics, ceci peut imposer que certaines démarches soient effectuées ou certains documents soient remplis obligatoirement en français, seule langue dont la maîtrise est requise des agents publics.

Par ailleurs, l'utilisation des langues régionales dans la rédaction des adresses n'est pas de nature à faciliter la bonne marche du service postal.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 45 - Accueil dans les langues régionales dans certains services locaux

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que les collectivités territoriales puissent organiser un accueil en langue régionale dans les services de la petite enfance et de la jeunesse, ainsi que dans les établissements accueillant des personnes âgées.

II. La position de votre commission

Votre commission estime cet article satisfait par la législation actuelle. Elle considère inutile de détailler dans la loi toutes les facultés dont disposent les collectivités territoriales en matière de langues régionales, au risque d'en omettre certaines et de nourrir des interprétations restrictives . C'est là le rôle d'une circulaire, comme celle que prépare le ministère de la culture et de la communication, en lien avec les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 46 - Utilisation des langues régionales en matière commerciale

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que les panneaux et les affiches d'information générale à caractère fixe, les documents d'offres de services des établissements commerciaux ouverts au public, les données qui figurent sur l'étiquetage, ainsi que l'emballage et les modes d'emploi des produits distribués puissent être rédigés en langue régionale, en complément de la langue française.

II. La position de votre commission

Votre commission ne peut que réitérer ses remarques formulées aux deux articles précédents. Les précisions apportées par cet article sont inutiles.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 47 (Art. L. 6111-2 du code du travail) - Développement des langues régionales dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie

I. Le texte de la proposition de loi

L'article L. 6111-2 du code du travail prévoit que la formation professionnelle s'appuie sur le socle commun acquis au cours de la scolarité obligatoire et que les actions de lutte contre l'illettrisme et en faveur de l'apprentissage de la langue française font partie de la formation professionnelle.

L'article 47 de la proposition de loi complète ces dispositions pour faire obligation à l'État, aux régions et à des partenaires - non identifiés par le texte mais qui ne peuvent être logiquement que les organisations syndicales et patronales représentatives - de développer une politique d'offre en matière d'apprentissage et de perfectionnement en langue régionale dans le cadre des dispositifs de formation professionnelle tout au long de la vie.

II. La position de votre commission

Par cohérence avec ses positions sur les articles de la proposition de loi concernant l'offre de formation en langues régionales dans l'éducation nationale, votre commission n'est pas favorable à ces dispositions qui en forment le pendant en matière d'apprentissage et de formation continue.

Les objectifs de la formation professionnelle sont l'insertion dans l'emploi, l'élévation du niveau de qualification, l'adaptation des salariés à leur poste ou leur reconversion. Les dispositifs prévus par le code du travail n'ont pas vocation à servir la promotion des langues régionales. L'assimilation avec le cas de l'apprentissage du français est fallacieuse, dans la mesure où l'absence de maîtrise de la langue commune rend impossible l'insertion professionnelle. Le législateur n'a fait là que reprendre la volonté légitime des partenaires sociaux. On ne peut en dire autant dans le cas des langues régionales, dont l'ignorance ne constitue pas un obstacle à l'entrée sur le marché du travail. En conséquence, votre rapporteur ne voit aucune raison d'imposer à l'État, aux régions et aux partenaires sociaux d'obligation particulière d'offre d'apprentissage des langues régionales dans le cadre de la formation professionnelle.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 48 - Obligation pour l'État et les collectivités territoriales en matière de technologies de l'information et de la communication

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit une obligation pour l'État et les collectivités territoriales d'encourager :

- la recherche, la production et la commercialisation de produits en langue régionale liés aux industries de la langue, notamment les systèmes de reconnaissance de voix et de traduction automatique ;

- la production, la distribution et la commercialisation des programmes informatiques, des jeux d'ordinateur, des éditions digitales et des oeuvres multimédia en langue régionale ;

- et l'élaboration de produits d'information en langue régionale dans les réseaux télématiques d'information.

II. La position de votre commission

Votre commission considère qu'il ne faut pas empêcher l'État ou les collectivités territoriales qui le souhaitent de soutenir le passage des langues régionales au numérique. En revanche, il n'y a pas lieu de les soumettre à des obligations extensives et coûteuses, surtout pour le développement de produits dont la demande et les marchés potentiels paraissent très restreints.

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 49 - Discrimination du fait d'organiser des activités en langue régionale

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que le fait d'organiser des activités éducatives, sociales ou professionnelles en langue régionale ne saurait être appréhendé comme une mesure de discrimination.

II. La position de votre commission

Votre commission regrette vivement l'ambiguïté de cet article. En effet, l'organisation d'activités d'ordre strictement privé en langue régionale ne constitue pas en elle-même une discrimination.

En revanche, il ne peut être exclu que les modalités d'organisation de certaines activités en langue régionale, notamment à caractère public ou recevant des fonds publics, revêtent un caractère discriminatoire, par exemple si l'usage du français y était interdit. Il convient de rappeler ici l'article 6 de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française qui protège le droit de tout participant à une manifestation, un colloque ou un congrès organisé en France par des personnes physiques ou morales de nationalité française de s'exprimer en français.

De même, toute activité professionnelle ne peut pas être organisée exclusivement en langue régionale dans n'importe quelle condition. En particulier, l'article L. 122-39-1 du code du travail dispose que « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français. »

Au bénéfice de ces observations, votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

TITRE VII - PROTECTION DES LANGUES RÉGIONALES DANS L'ONOMASTIQUE ET LA TOPONYMIE
Article 50 - Onomastique et inscription au registre d'état civil

I. Le texte de la proposition de loi

Le présent article crée, pour toute personne, deux droits : l'utilisation et l'inscription au registre d'état civil de la forme normative de ses noms et prénoms en langue régionale.

L'établissement à cette fin des listes normatives relève de la responsabilité de l'établissement public prévu à l'article 4 (et non pas 5) dans chaque région concernée, ou à défaut de toute structure dédiée à cet effet par la collectivité territoriale compétente.

II. La position de votre commission

Cette disposition est inconstitutionnelle en ce qu'elle crée un droit. En effet, elle s'inscrit dans la même logique que les clauses de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires jugées inconstitutionnelles dans la décision n°99-412 du 15 juin 1999 puisqu'elle crée un droit collectif à des groupes définis par une communauté de langue, rompant ainsi avec le principe fondamental d'unicité du peuple français.

La rédaction ne laisse par ailleurs aucune place à une interprétation plus large qui reviendrait à considérer qu'il s'agit simplement d'offrir la possibilité de traduire la version française du nom en langue régionale, les deux versions pouvant coexister. En effet l'alinéa premier de cet article, tel que rédigé dans la proposition de loi, pourrait déboucher sur une utilisation exclusive du nom en langue régionale, alors que seule la langue française a valeur juridique, notamment l'inscription au registre d'état civil.

En outre, on voit mal comment pourrait être garantie l'uniformité des listes normatives absolument nécessaire pour l'inscription au registre d'état civil. Chaque région concernée pourrait établir sa propre liste sans que soit imposée une mise en conformité entre régions concernées par une même langue régionale. Il n'est pas envisageable de permettre l'inscription au registre d'état civil d'un nom qui varierait selon la région concernée.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 51 - Toponymie et sauvegarde des dénominations traditionnelles

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que l'État et les collectivités territoriales sont garants de la sauvegarde des dénominations traditionnelles exprimées en langue régionale des voies et chemins, des ouvrages bâtis, lieux dits et autres indications toponymiques.

II. La position de votre commission

Lors de l'examen en séance de la proposition de loi n° 136 relative à l'installation de panneaux d'entrée et de sortie de ville en langue régionale, votre rapporteur avait tenu à préciser qu'il ne fallait « pas interpréter la volonté du législateur dans le sens d'une restriction de la pratique du bilinguisme pour les autres installations, notamment les panneaux de rues ». Le ministre de la culture avait d'ailleurs partagé ce point de vue, confirmant par là même l'existence d'une pratique déjà courante permise en l'état actuel, et déjà rappelée dans chacune de ses réponses aux questions parlementaires précitées.

Par ailleurs, la rédaction de cette disposition ne manquerait pas d'entraîner des difficultés d'application dans la mesure où État et collectivités territoriales sont conjointement « garants » sans que soient davantage précisée la portée de cette mission, notamment par rapport à la répartition actuelle des compétences. Car l'article ne précise pas non plus ce que signifie concrètement être « garants de la sauvegarde des dénominations traditionnelles ». Il pourrait s'agir d'établir et de mettre à jour un registre des dénominations traditionnelles comme d'assurer la pose de panneaux bilingues. Sans plus de précision, cette disposition est inapplicable.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 52 - Nomenclatures toponymiques

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que soit institué, dans chaque région concernée, un service chargé de proposer des nomenclatures toponymiques prenant en compte la langue régionale, consulté lors de la création de nouvelles voies ou de lotissements.

II. La position de votre commission

Cette disposition crée une charge supplémentaire pour les régions qui devraient instituer un service dédié aux nomenclatures toponymiques. Elle devrait en toute logique être frappée d'irrecevabilité financière au titre de l'article 40 de la Constitution.

En outre, une telle mesure paraît contraire au principe de libre administration des collectivités qui devraient pouvoir décider de la façon dont elles souhaitent gérer la problématique de la toponymie.

Enfin les collectivités concernées par une langue régionale n'ont pas attendu une législation en la matière pour s'organiser et prévoir des structures pouvant remplir un rôle de conseil en matière de toponymie. L'officiel public de la langue basque (OPLB), le centre interrégional de développement de l'occitan (CIRDOC) ou l'office public de la langue bretonne sont autant de preuves de l'inutilité d'une telle disposition.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

TITRE VIII - DISPOSITIONS FINALES
Article 53 (Art. 21 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française) - Compatibilité des règles régissant la langue française et les langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

L'article 21 de la loi Toubon du 4 août 1994 prévoit que les dispositions qu'elle contient s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales et ne s'opposent pas à leur usage. L'article 53 de la proposition de loi modifie cette rédaction de telle sorte que les dispositions de la loi Toubon ne puissent être interprétées comme faisant obstacle à l'usage des langues régionales et aux actions publiques et privées menées en leur faveur.

II. La position de votre commission

La rédaction suggérée par la proposition de loi n'apporte pas de clarification particulière à l'article 21 de la loi du 4 août 1994, qui dans sa version actuelle n'a pas empêché l'État et les collectivités territoriales d'intervenir avec force en faveur des langues régionales.

Cependant, dans une interprétation extensive, le texte de la proposition de loi tendrait à exonérer toute action menée en faveur des langues régionales, par opposition à leur simple usage, de devoir s'inscrire dans le cadre de la loi Toubon. L'usage et la promotion d'un usage ne sont pas du même ordre et l'on retrouve ici une problématique assez similaire à celle posée par l'article 49 de la proposition de loi prévoyant une présomption de non-discrimination pour toute activité menée en langue régionale.

On pourrait, par exemple, considérer la rédaction dans une langue régionale d'un contrat de travail, d'un règlement intérieur d'entreprise ou d'une convention collective d'établissement, sans aucune version française, comme une action privée en faveur de cette langue régionale. La rédaction actuelle de la loi Toubon conduirait à sanctionner cette pratique, mais pas celle qui est proposée dans la proposition de loi. Votre commission ne souhaite pas prêter le flanc à de telles ambiguïtés.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 54 - Compatibilité des règles régissant les langues étrangères et les langues régionales

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit qu'aucune disposition législative portant sur l'usage ou l'enseignement des langues étrangères ne puisse être interprétée comme tendant à restreindre l'emploi des langues régionales.

II. La position de votre commission

Votre commission fait remarquer que le texte proposé n'empêcherait pas le législateur futur, s'il le souhaitait le cas échéant, d'adopter des mesures plus favorables aux langues étrangères. Une norme antérieure ne l'emporte pas sur une norme postérieure de même niveau. Ce n'est là qu'une application du principe classique lex posterior derogat priori . La disposition n'aura donc pas d'effet.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 55 - Coopération transfrontalière

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article exige des pouvoirs publics qu'ils encouragent la coopération transfrontalière entre collectivités où une même langue régionale est pratiquée.

II. La position de votre commission

Il n'est pas aisé de déterminer à qui s'adresse l'obligation posée par le texte, dans la mesure où le terme de « pouvoirs publics » manque de précision. De même, les modalités d'encouragement à la coopération transfrontalière restent indéterminées. L'un dans l'autre, cet article relève de la déclaration d'intentions, alors que les collectivités territoriales qui le souhaitent peuvent déjà se rapprocher de leurs homologues à l'étranger, qu'elles partagent un même patrimoine linguistique ou non.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 56 - Prise en compte des langues régionales dans les recensements de l'INSEE

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que les enquêtes de recensement réalisées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) intègrent les données relatives, le cas échéant, à la pratique ou à la compréhension des langues régionales par les personnes interrogées.

II. La position de votre commission

Les dispositions proposées sont d'ordre réglementaire. Le recensement de la population est organisé dans ses grands principes par le titre V de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. En particulier, l'article 156 prévoit que le recensement a pour objet la description des caractéristiques démographiques et sociales de la population. Conformément à l'article 158, les modalités d'application sont renvoyées au règlement. L'introduction dans les enquêtes de recensement d'information spécifique, comme la pratique des langues régionales, doit donc employer le véhicule d'un décret en Conseil d'État et non celui de la loi.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 57 - Gage

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article vise à gager les conséquences financières pour l'État du texte sur la création d'une taxe additionnelle sur les tabacs.

II. La position de votre commission

Les conséquences financières du texte s'apparentant à des augmentations de charges publiques, et non une simple perte de recettes, la compensation par un gage sur les tabacs n'empêche pas l'application de l'article 40 de la Constitution.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

Article 58 - Gage

I. Le texte de la proposition de loi

Cet article vise à gager les conséquences financières pour les collectivités territoriales du texte sur une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

II. La position de votre commission

Pour les mêmes raisons que précédemment, ce gage n'empêche l'application de l'article 40 de la Constitution aux dispositions provoquant une augmentation des charges publiques.

Votre commission n'a pas adopté de texte pour cet article.

* *

*

Votre commission n'a pas adopté de texte de la proposition de loi, qui sera examinée en séance publique dans la version déposée par ses auteurs.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 juin 2011, sous la présidence de M. Jacques Legendre, président, la commission examine le rapport de Mme Colette Mélot sur la proposition de loi n° 251 rectifié (2010-2011) relative au développement des langues et cultures régionales .

Un débat s'engage après l'exposé du rapporteur.

M. Claude Bérit-Débat . - La proposition de loi va passer par pertes et profits, je le pressens. Mme la rapporteur dresse un tableau idyllique de la situation des langues régionales. Formation, information, tout va bien ; et tout ce qui est proposé peut se faire dans le cadre juridique actuel. Cette réponse est caricaturale ! En Dordogne, on a supprimé des places au Capes et des postes dans les établissements secondaires et primaires. C'est une régression. Ne dites pas que l'Éducation nationale fait des efforts pour appliquer les mesures décidées dans le passé.

Nous sommes tous des ardents défenseurs de nos langues régionales, de l'alsacien à l'occitan - lequel est un vaste ensemble comprenant le béarnais, le languedocien... Mais elles sont en train de mourir ! Quid de la biodiversité ? On protège les paysages, le biotope, les espèces, mais on laisse les langues dépérir, ainsi que les cultures. Je regrette que l'on ne puisse pas en discuter.

M. Jacques Legendre, président . - Mais on en discutera !

M. Claude Bérit-Débat . - Mais n'y aura-t-il pas une motion de procédure ?

M. Jacques Legendre, président . - Notre objectif n'est pas d'empêcher la discussion dans l'hémicycle. Simplement, comme il s'agit d'une proposition de loi émanant d'un groupe, la commission ne va pas établir de texte et c'est la rédaction des auteurs qui sera examinée en séance publique. Vous savez que j'ai désormais le pouvoir, en tant que président de commission, d'opposer l'article 40. Je ne l'ai pas fait afin que l'ensemble de la proposition vienne en discussion. Et celle-ci pourra être modifiée par des amendements en séance, même si aucun amendement n'a été déposé devant la commission dans les délais.

Je souligne qu'il s'agit d'un gros texte de 58 articles. Or le groupe socialiste en a inscrit un autre également, et les deux sont à examiner en quatre heures... Soit dit en passant, je fus rapporteur en 1994 de la loi sur la langue française et elle comptait moins d'articles. Ce sera en tout cas l'occasion de faire le point sur les langues régionales et sur ce que nous pouvons faire pour qu'elles vivent mieux.

M. Claude Bérit-Débat . - Nous sommes effectivement contraints par le temps, pour toutes les propositions de loi. Je prends acte de vos propos, Monsieur le président, mais la majorité ne présentera-t-elle pas une exception d'irrecevabilité ou une motion de renvoi en commission ? Parler des réalités, fixer des priorités, c'est très bien. Mais il faut que la discussion ait lieu, et non seulement la discussion générale.

M. Jacques Legendre, président . - Votre groupe a choisi de déposer deux textes importants pour une séance de quatre heures... Je vois mal comment la discussion sur les articles pourrait être menée à son terme. Mais, si je ne puis ici engager mon groupe, encore moins la majorité sénatoriale, à titre personnel je souhaite que le débat prospère car il est légitime. C'est un sujet qui traverse tous les groupes et, à l'UMP comme chez les socialistes, certains ont signé une proposition tandis que d'autres s'y opposaient.

Mme Colette Mélot, rapporteur . - Ce débat passionne le Parlement : le nombre de propositions de loi, de questions écrites, de questions orales, émanant de tous les groupes politiques, l'atteste. Si une motion était déposée, elle interviendrait après la discussion générale, de toute façon. Nous avons tous à coeur de préserver l'unicité de la langue française mais aussi l'existence des langues régionales.

Mme Maryvonne Blondin . - Je souscris aux propos de M. Bérit-Débat et remercie le président Legendre de veiller à ce que le texte vienne au moins jusqu'en discussion générale.

M. Jacques Legendre, président . - Et au-delà !

Mme Maryvonne Blondin . - J'espère que l'on ne brandira pas le drapeau de l'inconstitutionnalité contre les langues régionales, qui sont une richesse et non une menace pour la République et la nation. Paris, les gouvernements et la nation protègent les vins, les cuisines régionales, le patrimoine architectural ou naturel, mais ce patrimoine immatériel que sont les langues régionales survit à peine ! Depuis la loi Deixonne de 1951 les nombreuses propositions présentées depuis lors ont été systématiquement retoquées. Après la guerre, dans les années soixante-dix, dans les années quatre-vingt, il y a eu des sursauts, un renouveau de la musique, de la danse, de la culture régionales et un élan militant pour faire reconnaître la langue et les noms originels des lieux. L'article 75-1 de la Constitution a été introduit en 2002, mais il ne sert à rien, il est purement décoratif, car aucune loi n'organise son application concrète. Nous avons pourtant besoin d'un statut des langues de France. Cela donnerait un sens à la signature de la France aux documents de l'Unesco et du Conseil de l'Europe sur tout ce qui concerne les langues régionales et minoritaires.

Mme Mélot l'a dit, les collectivités se sont saisies de la question. En Bretagne, nous avons 112 000 brittophones, terme que je préfère à celui de « bretonnants ». Ils sont plus nombreux dans le Finistère qu'ailleurs. Nous avons 6 000 jeunes dans l'enseignement bilingue, dans le public et le privé, hors réseau associatif Diwan. Il existe aujourd'hui 75 000 locuteurs de 60 ans et plus : la langue est un outil d'utilité sociale, car les personnes qui souffrent d'Alzheimer retournent souvent à leur langue maternelle et ne parviennent plus à communiquer dans une autre langue. Au sein du conseil général, nous avons même créé des formations pour le personnel des établissements concernés.

La transmission familiale a fait défaut, quand la contrainte de l'État français n'a pas joué un rôle essentiel. Mes parents n'ont jamais voulu me parler en breton, par conséquent je ne le parle pas - mais je le comprends ! Les livres de Claude Hagège - L'enfant aux deux langues- et de Mona Ozouf montrent l'importance du bilinguisme pour parvenir au multilinguisme. Bref, la reconnaissance des langues régionales s'impose. Les élèves qui suivent un enseignement bilingue ont d'excellents résultats en français !

Nous avons eu à Quimper la visite de journalistes de CNN et d'Al Jazira, qui venaient étudier le problème de l'extinction des langues régionales ! Le reportage réalisé en décembre dernier était excellent. Aujourd'hui, les parlementaires ont le choix : accompagner la disparition de cette richesse en se limitant à des soins palliatifs ou accorder une réelle reconnaissance aux langues.

M. Jacques Legendre, président . - Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle, dit un proverbe africain.

Mme Marie-Christine Blandin . - La reconnaissance est inscrite dans la Constitution mais elle n'est pas d'application directe comme le principe de précaution. Or il n'y a pas de lois d'application ! Et localement, tout dépend du zèle du recteur : c'est ainsi que le flamand occidental et le picard souffrent d'un manque d'ouverture au sein des services de l'État. Sans formation des formateurs, la transmission n'est plus possible. N'importe qui ne peut enseigner n'importe quoi, évitons l'amateurisme. La proposition de M. Navarro fixe des obligations, des moyens, des outils, c'est pourquoi elle est si riche.

M. Jacques Legendre, président . - Et si coûteuse.

Mme Marie-Christine Blandin . - On peut aussi contester la façon dont elle tricote les choses. Mais on aurait pu attendre de la commission qu'elle profite de l'occasion pour donner chair à l'article 75-1. J'ai vu personnellement une proposition de loi sur les oeuvre visuelles orphelines, présentée par l'opposition, être certes érodée par la majorité, mais au moins inscrite dans le réel et en partie adoptée. Ici, on contemple le sujet comme un chef d'oeuvre en péril, on admire, on s'exclame, mais on ne fait rien de constructif. Les langues régionales sont des fenêtres sur le monde, l'acquisition de leur grammaire et de phonèmes différents forment un background précieux pour les apprentissages linguistiques ultérieurs.

M. Jacques Legendre, président . - Vous démontrez que la menace pour le français ne vient pas des langues régionales mais de l'anglo-américain !

Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Nous sommes attachés à ces langues qui forment un véritable patchwork et expriment nos racines les plus profondes. Si l'on rompt ce cordage, le bateau sera bientôt en perdition sur l'océan... Je soutiens la proposition et cosignerai l'amendement de M. Alduy. Chacun connaît ma position.

M. Jacques Legendre, président . - Peut-être y a-t-il un terme en occitan pour patchwork ?

M. René-Pierre Signé . - On ne saurait prétendre qu'il n'y a pas eu de nombreuses tentatives pour éradiquer les patois, depuis l'abbé Grégoire en 1794 : ce dernier ne s'est pas privé de dire qu'il fallait anéantir les patois au nom de l'universalité de la langue française, de l'unilinguisme au sein de la nation. Et ceux qui parlaient « ces jargons lourds et grossiers qui défendent des idées superstitieuses » étaient culpabilisés, accusés de résister au progrès social. Les dialectes vulgaires, disait-on encore, ne se prêtent pas à traduction : on voit pourtant en Suisse que le multilinguisme fonctionne !

En France, la reconnaissance des langues régionales a été tardive et leur renaissance est intervenue au moment où, moribondes, elles ne menaçaient plus l'unité nationale - si elles ne l'avaient jamais fait... Une reconnaissance réelle, qui ne soit pas soumise à l'arbitraire d'un recteur, est indispensable. Il ne s'agit pas de remettre en cause la place prépondérante du français, mais de donner un peu d'oxygène aux langues locales, un peu de dignité aussi, après deux siècles d'arrogance francophone.

Ni Balzac ni Montesquieu n'ont écrit dans la langue de leur région d'origine mais j'apprécie aussi la lecture de Bernard de Ventadour. On peut admirer le français sans dénigrer les cultures de moindre rayonnement. Mais que l'on n'agite pas le spectre du babélisme, comme le font volontiers les opposants aux langues régionales ! Je souhaite que ce texte de loi instaure un respect plus réel et un cadre culturel et juridique adapté.

M. Jean-Pierre Plancade . - Le sens de la proposition de loi m'intéresse plus que sa conformité à la Constitution. Je peux vous le dire en occitan, sinon en béarnais : podi parla en patois ...

M. Jean-François Humbert . - Ce qui veut dire ?

M. Jean-Pierre Plancade . - Cela illustre la première difficulté que je veux soulever !

Ma grand-mère ne parlait que l'occitan. Mon grand-père, après sept ans d'armée, connaissait le français. Mes parents interdisaient à mes grands-parents de « parler en patois au petit ». En CE2, je fus mis au piquet parce que je savais parfaitement nommer les objets dessinés au tableau noir, mais seulement en occitan. Et aujourd'hui, il faudrait que je réapprenne l'occitan ! A Toulouse, dans une ville qui accueille chaque année de nouveaux habitants venus de Bretagne et de partout ailleurs en France, de Grande-Bretagne et de partout ailleurs en Europe, vais-je devoir parler en occitan ?

Il y a trente ans, jeune conseiller général, j'ai défendu le projet d'enseignement de la langue occitane et je suis attaché à ce patrimoine immatériel ; mais je suis hostile au patriotisme de terroir, qui est une régression. J'ai voulu que mes enfants apprennent l'anglais ; aujourd'hui, je veux que ma petite-fille parle le chinois, qu'elle soit mondialisée et non occitane ! Je suis un homme inscrit dans le monde avec ma culture occitane mais je refuse cette loi du retour à la terre, ce texte de régression. Mme Bruguière parlait de bateau ivre sur l'océan : peut-être à notre époque a-t-on l'impression de perdre nos repères, mais ce n'est pas en apprenant l'occitan ou le breton que nous les retrouverons. La meilleure façon de communiquer, c'est encore de parler la même langue, c'est pourquoi je prends des cours d'anglais ! La proposition de loi est un texte de régression, mais je soutiens l'enseignement des langues régionales.

M. Jean-François Humbert . - Dans la Constitution, il est écrit que la République est une et indivisible. La proposition de nos collègues est contraire à cette idée. Je dis oui à la discussion du texte, non à son adoption.

J'appartiens à une génération où existait encore le service militaire. J'ai fait mes classes à la base de Dijon, où ma promotion comptait un « redoublant » : c'est parce qu'il parlait seulement le breton à son arrivée. Nous avons une langue magnifique, quel dommage de lui porter atteinte ! Soit dit en passant, j'aurais pu vous dire tout cela... en franc-comtois ! Je remercie notre rapporteur de se prononcer contre ce texte dangereux.

M. Ivan Renar . - Ce débat intéressant en appelle d'autres. Je ne pourrai me satisfaire d'à peine deux heures de discussion. Je partage les propos tenus par Mme Blandin, M. Bérit-Débat, M. Signé, mais le débat est faussé si l'on évoque exclusivement les langues et non les cultures. Il est compliqué, aussi, car il faut revenir à l'histoire, aux contraintes imposées par la République, avec virulence voire violence. Celle qui est en danger, c'est la langue française, menacée par l'anglais, bientôt langue régionale au niveau mondial. Il faut également vivifier l'enseignement du français, facteur d'intégration des nouveaux arrivants.

Voyons la complexe histoire de France comme une richesse : les pays de langue d'oc, qui se développèrent plus rapidement que les pays de langue d'oïl autour du marché du sel -véritable or méditerranéen- et des villes qui, telle Toulouse, préfiguraient déjà, avec l'amour courtois, la Renaissance. Plutôt que d'une loi qui divise, travaillons à une loi qui rassemble les Français autour de leurs cultures régionales, dont les langues régionales font partie. Mais attention à l'enseignement par immersion qui serait source de difficultés : comment un Brestois qui aurait appris la physique en breton pourrait-il travailler à Strasbourg ?

Le français est cette superbe langue des Lumières qui a fait la France, avec ses qualités et ses défauts ; celle qui a rassemblé les Français contre l'occupant nazi au nom de la liberté. Je souhaite un débat plus vaste !

M. Claude Léonard . - L'essentiel, a bien dit M. Renar, est d'abord de consolider le socle commun de la langue française. Certes, on peut regretter l'époque où les instituteurs interdisaient de parler le patois, et aussi apprenaient aux gauchers, à coups de règle sur les doigts, à écrire de la main droite. Depuis, la science nous a appris que le cerveau compte deux hémisphères polyvalents. Les gauchers sont aussi performants que les autres : nous en avons la démonstration tous les étés à Roland-Garros.

Je viens d'un département proche de la Wallonie et donc d'un pays, francophone à sa naissance il y a 250 ans et où règne un bilinguisme officiel. Les Wallons, désormais moins nombreux, sont obligés d'apprendre le néerlandais. Mais les Flamands ne prennent pas la peine de leur répondre ! Ce bilinguisme entraîne subrepticement la Belgique vers la catastrophe politique et économique : ils n'ont plus de gouvernement pour veiller à l'équilibre budgétaire.

M. Jean-Claude Carle . - Moi qui suis savoyard et, donc, Français depuis 150 ans seulement, je suis comme les autres aussi attaché à notre histoire, à nos racines et aux langues régionales. Pour autant, je considère, comme M. Plancade, que le développement et la transmission de ces dernières doivent s'appuyer sur le volontariat et les associations. Et, ce, parce que nos programmes scolaires sont déjà trop chargés ; qu'un tiers des élèves en sixième ne maîtrisent pas la langue française et que la priorité, aujourd'hui, est d'enseigner des langues étrangères ; enfin parce que, d'après les enquêtes, l'apprentissage des langues régionales, y compris en option, n'améliore pas les résultats scolaires.

Pour finir, le 6 juillet, le comité olympique choisira la ville qui accueillera les Jeux olympiques d'hiver de 2018. Pensez-vous qu'une présentation en patois savoyard renforcera les chances d'Annecy ?

Mme Bernadette Bourzai . - Connaissant mal l'occitan, il me faudrait feuilleter le dictionnaire occitan de Lavalade pour savoir comment on dit patchwork .

M. Jean-Pierre Plancade . - Peut-être mesclat ou barreja !

Mme Bernadette Bourzai . - Plutôt que d'opposer le Français aux langues régionales, trouvons une autre voie. L'intérêt de ce texte est d'ouvrir le débat. Pour avoir vécu quelques années à Bruxelles où l'on parle un sabir européen à base d'anglais mâtiné d'allemand et de français, je crains que le français ne devienne bientôt une langue régionale, résiduelle. Montrons donc un peu plus de compassion à l'endroit des langues qui connaissent déjà ce sort !

Au reste, je suis confiante. Le 15 juin, à Quimper, Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, déclarait avoir constaté, au cours de ses déplacements en métropole et en outre-mer, l'existence d'un « réservoir extraordinaire de langues » en France. « Il n'y a pas un combat pour la langue et une combat pour les langues. », ajoutait-il, avant de s'engager à présenter un texte à l'Assemblée nationale dans quelques semaines. Espérons que nous aurons plus de temps pour débattre de ce texte gouvernemental que nous n'en aurons pour cette proposition de loi !

M. Jacques Legendre, président . - Je propose que la commission n'établisse pas de texte. Mais nous pourrons avoir un débat intéressant en séance sur les langues régionales.

L'époque n'est plus où une langue s'opposait à une autre : le français n'est pas menacé par les langues régionales, il n'a pas vocation à les absorber. Ce serait appauvrir notre patrimoine commun.

En revanche, gardons à l'esprit que toute identification d'une langue à une communauté fragiliserait l'unité nationale. Cette conception dangereuse, qui va souvent de pair avec une vision de la nationalité fondée sur le droit du sang, existe en Europe. Je l'ai rencontrée quand j'ai siégé au Conseil de l'Europe. Ne nous y trompons pas ! Si aucun des membres de notre commission ne la partage, ayons-la à l'esprit lorsque nous discuterons de la meilleure manière de protéger notre patrimoine, qu'il soit matériel ou immatériel.

Notre prochaine réunion sera consacrée à l'examen des amendements extérieurs.

Le rapport est adopté.

* *

*

Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission a décidé de ne pas adopter de texte.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

*Association langues régionales

M. Paxkal Indo, représentant d'Euskal Konfederazioa (confédération des associations basques et du réseau national des écoles associatives bilingues par immersion)

M. Tangi Louarn, président d'EBLUL-France (confédération des associations des langues et cultures régionales de France et membre du Réseau européen des langues moins répandues)

M Gilbert Mercadier, ancien inspecteur de l'Éducation nationale pour l'occitan

*Association des régions de France(ARF)

Mme Karine Gloanec-Maurin

*Cabinet du ministre de la culture

M. Pierre Hanotaux, directeur

M. David Fajolles, membre du cabinet

*Cabinet du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Mme Brossé-Verbiest, conseiller parlementaire

M. Bernard Thomas, conseiller auprès du ministre

M. Frédéric Bonnot, sous-directeur de l'enseignement privé à la direction des affaires financières du ministère de l'éducation nationale

M. Yves Cristofari, sous-directeur du socle commun, de la personnalisation des parcours scolaires et de l'orientation à la direction générale de l'enseignement scolaire du ministère de l'éducation nationale

M. Raphaël Muller, conseiller diplomatique, chargé de la culture et de la mémoire

*Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

M. Patrice Gelinet, membre du CSA

Mme Nicole Gendry, responsable de la langue française au CSA

Mme Charlotte Michellet, chargée de mission à la direction Juridique

*Fédération des enseignants de langue et culture d'Oc (FELCO)

M. Philippe Martel, président

Mme Marie-Jeanne Verny, co-secrétaire

*France 3

M. François Guilbaud, directeur

M. Bertrand Scirpo, secrétaire général

*Inspection générale de l'Éducation nationale

M. Jean Salles-Loustau, inspecteur général, langues et cultures régionales

*UNESCO

M. Mauro Rosi, spécialiste du programme à la section de la diversité des expressions cultures, secteur de la culture de l'UNESCO

?M. Jean-Louis Calvet, linguiste, professeur à l'université d'Aix-en-Provence

?M. Christian-Pierre Ghillebaert, politiste travaillant sur la question des langues régionales, docteur en science politique

?M. David Grosclaude, délégué aux langues régionales au conseil régional d'Aquitaine

M. Guilhem Latrubesse, délégué langue et culture occitanes au conseil régional de Midi-Pyrénées

M. Belkacem Lounes


* 1 Audition du 1 er juin 2011.

* 2 Il s'agit de France 3 et RFO.

* 3 Dans une décision 9 février 2004, Société Télévision française 1 , le Conseil d'État a rejeté une requête de TF1 contre une recommandation du CSA précisant les conditions que les éditeurs doivent respecter afin que ne soient pas considérées comme relevant de la publicité clandestine, les incitations à appeler des services téléphoniques surtaxés ou des services télématiques, notamment en vue de participer à un concours, de faire acte de candidature, de voter ou de témoigner. Cette décision, en liant le pouvoir de recommandation du CSA à son pouvoir de sanction, considère ainsi que les manquements aux recommandations sont susceptibles de donner lieu à des sanctions et que les recommandations revêtent donc un caractère impératif.

* 4 La taxe professionnelle a été supprimée à compter du 1 er janvier 2010 et a été remplacée par la contribution économique territoriale (CET), qui est composée de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (article 1447-0 du code général des impôts).

* 5 Extrait du 2° de l'article L. 111-2 du code précité, qui lui confie pour mission : « de contribuer, dans l'intérêt général, au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l'image animée et d'en faciliter l'adaptation à l'évolution des marchés et des technologies. A cette fin, il soutient, notamment par l'attribution d'aides financières ».

* 6 On peut se référer notamment aux réponses données aux questions de MM. Robert Navarro, Roland Courteau ou de Mme Maryvonne Blondin respectivement publiées au JO Sénat des 4 mars 2010, 22 avril 2010, 1 er juillet 2010, 2 septembre 2010, et 23 décembre 2010.

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