II. UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE QUI DOIT CLARIFIER LE CAS DES oeUVRES VISUELLES

Le texte de la présente proposition de directive est à la fois ambigu et déséquilibré au regard des enjeux qui se posent à l'ensemble du patrimoine écrit.

Tout d'abord, les oeuvres visuelles ne sont pas traitées en tant qu'oeuvres indépendantes par la présente proposition de directive, comme le précise son article 11. Cette clause de réexamen prévoit de considérer cette question annuellement en fonction de l'évolution des sources d'information sur les droits d'auteur.

Pourtant, les mêmes oeuvres visuelles sont censées être prises en compte dès lors qu'elles figurent dans des ouvrages écrits , selon la présentation des éléments juridiques figurant dans l'exposé des motifs de la proposition de directive : « Dans le domaine de l'imprimé, elle s'applique aussi aux oeuvres visuelles, telles que les photographies et illustrations, figurant dans de tels ouvrages publiés ».

Il est regrettable que cela n'apparaisse pas plus clairement dans l'article premier qui définit l'objet et le champ d'application de la directive. Y sont mentionnées les « oeuvres publiées sous forme de livres, revues, journaux, magazines ou autres écrits et qui font partie des collections de bibliothèques, d'établissements d'enseignement, de musées ou d'archives accessibles au public ».

On peut en outre se demander ce qui justifie une telle dichotomie entre les oeuvres visuelles indépendantes et celles intégrées dans des ouvrages écrits dans la mesure où, dès lors que les oeuvres visuelles de l'écrit font partie du champ d'application, cela a plusieurs conséquences :


• il faudra en toute logique considérer qu'une photo dont on retrouverait l'ayant droit ferait tomber le caractère orphelin de l'ouvrage dans lequel elle figure. Compte tenu des risques de complication engendrés par le nombre élevé d'oeuvres visuelles pouvant figurer dans des ouvrages écrits, il est à craindre une application de la directive à deux vitesses et une tendance à considérer comme indépendantes, donc hors champ d'application, certaines oeuvres visuelles intégrées par ailleurs dans des ouvrages. Votre commission s'inquiète des risques qui résulteraient de cette vision segmentée du patrimoine culturel.

Votre commission a déjà souligné les risque liés à une telle approche, illustrée aux États-Unis par la plainte pour atteinte à la propriété intellectuelle portée contre Google par l'American Society of Media Photographers et les syndicats d'illustrateurs, écartés des négociations avec les éditeurs et qui rejetaient une numérisation partielle consistant à noircir les illustrations intégrées dans des ouvrages numérisés ;


• en application de l'article 3 de la proposition de directive, les États membres seraient tenus d'enregistrer les résultats des recherches diligentes d'oeuvres visuelles dans une base de données accessible au public. Mais si un tel outil est mis en place, votre rapporteur se demande quel est alors l'intérêt de reporter ultérieurement le traitement des oeuvres visuelles en tant qu'oeuvres indépendantes. En effet, les bases de données constituent l'obstacle pratique dont fait mention l'article 11 en faisant référence à « l'évolution des sources d'information sur les droits d'auteur » ;


• enfin, allant au-delà de la stricte approche institutionnelle et patrimoniale, l'article 7 précise les conditions dans lesquelles il est possible pour les bibliothèques, musées, ou établissements d'enseignement d'utiliser une oeuvre orpheline à une fin autre que celle de l'accomplissement d'une mission d'intérêt public. Cet article de la directive aura un impact direct sur le traitement, par les éventuelles législations nationales, de la question de l'utilisation des oeuvres orphelines à des fins commerciales. En effet les utilisations commerciales des oeuvres par les institutions culturelles ne manqueront pas de donner une impulsion forte et de marquer les méthodes utilisées par les acteurs privés dans des cadres juridiques nationaux. Aussi les outils qui y sont définis (registre des recherches diligentes et des utilisations, indication du nom de l'auteur à défaut d'une localisation, etc) méritent-ils une attention toute particulière. L'impact attendu plaide certainement en faveur d'une approche globale de l'écrit et d'une intégration des oeuvres visuelles orphelines dans le champ d'application défini à l'article premier du présent texte. On ne saurait comprendre pourquoi l'impulsion n'a favorisé la sécurité juridique que pour les livres alors que les oeuvres visuelles et en particulier les photographies, sont les plus concernées par les pratiques violant la propriété intellectuelle, comme l'a montré le développement abusif de l'utilisation de la mention des « droits réservés ».

Parce qu'elle donnera une définition de l'oeuvre orpheline et des outils et procédures à respecter pour les utiliser dans un cadre patrimonial, cette directive orientera nécessairement le développement de pratiques respectueuses de propriété intellectuelle. Elle permettra de construire un cadre matériel favorable à la recherche des ayants droit pour les oeuvres qui ne devraient pas être caractérisées d'oeuvres orphelines.

Enfin il est gênant intellectuellement de traiter différemment deux composantes du patrimoine écrit et pour ne favoriser l'accessibilité que d'un seul d'entre eux.

Telles sont les considérations qui ont guidé la commission de la culture dans l'élaboration de la présente proposition de directive adoptée le 12 juillet 2011.

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