II. LA PROPOSITION DE LOI : UNIFIER ET RENFORCER LE CONTRÔLE DES NORMES DANS UNE MÊME ENTITÉ

La présente proposition de loi déposée par nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, que le Sénat est appelé à examiner, propose de créer une nouvelle institution « dont l'autorité et la représentativité seraient incontestables » et dont la mission principale serait de renforcer le contrôle et l'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales.

A. LA FUSION DES DEUX COMMISSIONS AU SEIN D'UNE NOUVELLE HAUTE AUTORITÉ

Les deux commissions aujourd'hui existantes et chargée de contrôler les normes règlementaires ayant un impact sur les collectivités territoriales - la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) et la commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES) - seraient fusionnées au sein d'une Haute autorité d'évaluation des normes . Cette nouvelle autorité serait autonome budgétairement et n'aurait aucun lien organique avec le comité des finances locales, contrairement à la CCEN.

Sa composition reposerait sur celle de la CCEN aujourd'hui, avec toutefois un nombre de membres plus élevé (trente-cinq membres pour la Haute autorité contre vingt-deux pour la CCEN aujourd'hui). Afin de faire face à la faible participation des élus, la proposition de loi prévoit une composition plus souple, en précisant que chaque niveau de collectivités territoriales ou de leurs groupements serait représenté, non par des présidents, mais par des élus de base. L'appartenance des membres de la Haute autorité au Comité des Finances Locales ne serait plus requise, ce qui permettrait de faire appel à des élus donnant la priorité à cette préoccupation dans leur activité.

B. UN CHAMP DE COMPÉTENCE RENFORCÉ

La proposition de loi prévoit un champ de compétence de la nouvelle Haute autorité plus large que celui aujourd'hui exercé par la CCEN.

1. Une saisine obligatoire pour l'examen des projets de loi

La Haute autorité serait obligatoirement consultée - et non plus, comme aujourd'hui, facultativement - par le Gouvernement sur l'impact financier des projets de textes réglementaires ainsi que des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

A la demande du Gouvernement, elle émettrait un avis sur les projets de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités. En revanche, toutes les normes justifiées par la protection de la sûreté nationale demeureraient exclues du champ de compétence de la Haute Autorité.

La proposition de loi étend les autorités pouvant saisir la nouvelle autorité. Ainsi, les Présidents des deux assemblées pourraient saisir l'autorité pour l'examen d'une proposition de loi déposée par un de leurs membres, sauf si son auteur s'y oppose.

A ce sujet, votre rapporteur rappelle l'attention de ses collègues sur la question du niveau d'obligation conféré à cette consultation sur les projets et propositions de niveau législatif, dont l'évaluation préalable est souvent la clé pour prévenir le développement de normes proliférantes. Dans le système consultatif défini par notre droit public, la hiérarchie des normes implique qu'une consultation obligatoire s'applique rigoureusement sur un texte règlementaire : si cette consultation est omise, il s'agit d'une irrégularité qui peut entraîner l'annulation du texte par la juridiction administrative.

S'agissant d'un projet de loi, au contraire, une loi simple édictant une obligation de consultation n'entraîne pas d'effet impératif. Si le Gouvernement omet la consultation, la mise en discussion de ce projet de loi puis son adoption par le Parlement effacent l'irrégularité du défaut de consultation. La loi nouvelle est censée avoir implicitement écarté l'obligation consultative fixée par un texte antérieur de même niveau.

C'est la raison pour laquelle les auteurs de la proposition de loi, judicieusement, ont prévu que l'avis de la Haute autorité serait inclus dans l'étude d'impact aujourd'hui obligatoire sur tous les projets de loi. Néanmoins, cette précaution, pour prévaloir sur le risque d'un « effacement » de la consultation omise par la simple adoption du projet, doit être énoncée par une disposition organique comme celle qui, en application de la réforme constitutionnelle du 27 juillet 2008, a instauré l'étude d'impact obligatoire.

Cette obligation édictée par voie organique aurait deux conséquences positives pour l'efficacité de la consultation de la Haute autorité :

- d'une part, la conférence des présidents de la première assemblée parlementaire saisie peut écarter l'inscription d'un projet à l'ordre du jour si elle juge que l'étude d'impact qui l'accompagne est déficiente ou lacunaire ;

- d'autre part, le défaut d'un avis requis par une disposition de niveau organique, relevant du « bloc constitutionnel », peut être sanctionné par le Conseil Constitutionnel s'il est saisi d'une demande fondée sur le non-respect de la procédure législative régulière.

Votre rapporteur soumet donc au débat de la commission, et à l'appréciation des auteurs de la proposition de loi, la suggestion d'une disposition « consolidatrice » qui placerait au niveau d'une proposition de loi organique l'obligation d'insérer dans l'étude d'impact l'avis de la Haute autorité d'évaluation des normes sur un projet de loi.

2. Une compétence sur le stock de normes

Alors que la CCEN est aujourd'hui compétente sur le flux de normes, c'est-à-dire les projets de niveau réglementaire ayant pour effet d'établir des normes supplémentaires, la nouvelle autorité pourrait, soit sur auto-saisine, soit sur saisine du Gouvernement, des Présidents des assemblées parlementaires et par toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivité, évaluer toute norme réglementaire aujourd'hui en vigueur et ayant un impact technique ou financier sur les collectivités territoriales ou leurs groupements.

Les travaux de la Haute autorité à ce sujet - prenant la forme de recommandations, motivées et relativement détaillées, de modification du droit positif en vigueur - seraient remis, chaque année, au Premier ministre et aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, sur le modèle du rapport public annuel remis et présenté par le Premier président de la Cour des Comptes au Premier ministre et aux deux assemblées.

3. Des délais d'examen plus longs et une publicité des avis renforcée

La Haute autorité disposerait d'un délai de six semaines, contre cinq semaines actuellement, à compter de la transmission d'un projet de texte règlementaire ou d'une demande d'avis, pour rendre son avis. Une procédure d'urgence est prévue permettant, à la demande du Premier ministre, de réduire ce délai à deux semaines.

En cas d'avis défavorable de l'autorité, le Gouvernement disposerait d'un délai de six semaines pour présenter un nouveau projet de texte réglementaire, en tenant compte des observations des membres de ses membres.

Les avis de l'autorité sur les projets de textes règlementaires et les projets de loi seraient publiés au Journal officiel de la République française . De même, ses avis sur les projets de loi seraient annexés à l'étude d'impact dont ils constitueraient un complément destiné à renforcer l'information du Parlement dans le cadre de sa mission législative et de contrôle. Ces dispositions contribueront à renforcer la publicité des travaux de cette nouvelle institution et à responsabiliser les administrations centrales dans leurs travaux d'élaboration des projets règlementaires ou législatifs, ou dans leurs hésitations à remanier des normes reconnues comme excessivement complexes ou coûteuses.

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