EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER Créer de nouveaux droits pour les salariés
Section 1 De nouveaux droits individuels pour la sécurisation des parcours

Article 1er (art. L. 911-7 [nouveau], L. 911-8 [nouveau] et L. 912-1 du code de la sécurité sociale ; loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ; art. L. 2242-11 et L. 2261-22 du code du travail ; art. L. 113-3 et L. 322-2-2 du code des assurances ; art. L. 221-8 du code de la mutualité)
Généralisation de la couverture complémentaire santé en entreprise et portabilité des droits santé et prévoyance pour les chômeurs

Objet : Cet article vise, d'une part, à généraliser dans toutes les entreprises, à compter du 1 er janvier 2016 au plus tard, la couverture complémentaire santé collective obligatoire, d'autre part, à assurer la continuité des droits ouverts par les contrats complémentaires santé et prévoyance, pendant un maximum d'un an, pour les salariés qui perdent leur emploi.

I - Le dispositif proposé

1) Etat des lieux de la couverture complémentaire santé

Dès la création de la sécurité sociale par les ordonnances de 1945, le principe d'un reste à charge pour les assurés a été affirmé et s'est concrétisé dans une « participation aux frais », souvent appelée ticket modérateur. De ce fait s'est développé un secteur « complémentaire » destiné à prendre en charge tout ou partie de cette participation et qui a proposé, progressivement, de couvrir également une partie des dépenses engagées par les patients au-delà des tarifs de la sécurité sociale, notamment dans le dentaire et l'optique.

En 2011, l'assurance maladie prend en charge 75,5 % de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) 10 ( * ) en France, les autres acteurs publics (Etat, fonds CMU et collectivités territoriales) en représentant 1,2 %. Le reste à charge des ménages (23,3 % au total) est partiellement mutualisé grâce aux organismes complémentaires qui financent 13,7 % des dépenses de santé .

Si le financement par la sécurité sociale de base reste élevé, il s'effrite depuis une trentaine d'années au profit de la couverture complémentaire et il est inégal selon le type de soins et de prestations : la solidarité nationale demeure forte en hospitalisation, pour laquelle la part du financement public est déterminante (92 %), mais elle est nettement moins importante pour les soins de ville (65 %), les médicaments (67 %) et les autres biens médicaux (44 %). Entre 2000 et 2011, la part des organismes complémentaires dans les dépenses de santé a crû sensiblement, passant de 12,4 % à 13,7 %.

Même si le renoncement aux soins résulte d'un ensemble de facteurs très divers, en partie liés à des motivations personnelles, les différentes études qui existent sur cette question mettent clairement en avant deux explications majeures à ce phénomène : le niveau des revenus et le bénéfice d'une couverture complémentaire. Selon les indicateurs annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le taux de renoncement aux soins pour raison financière diminue pour les personnes bénéficiant d'une couverture complémentaire : en 2010, il s'élève à 32,6 % pour les personnes sans complémentaire , 20,4 % pour les bénéficiaires de la CMU-c et 14,7 % pour les personnes bénéficiant d'une complémentaire privée.

Selon l'enquête sur la santé et la protection sociale en 2010, réalisée par l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) en juillet 2012, environ 95 % des individus déclarent bénéficier d'une couverture complémentaire en santé. Un peu plus de trois millions de personnes seraient ainsi privées d'une complémentaire en France, principalement parmi celles qui ne disposent pas d'un emploi (retraités ou chômeurs).

Trois types d'acteurs économiques opèrent sur le marché de la complémentaire santé :

- les sociétés d' assurance , à but lucratif ;

- les mutuelles , personnes de droit privé à but non lucratif dont les structures de gouvernance sont élues par les sociétaires ;

- les institutions de prévoyance , également personnes morales de droit privé à but non lucratif mais gérés paritairement par des représentants des employeurs et des salariés.

Au total, les prestations versées par ces organismes se sont élevées à 27,5 milliards d'euros en 2011 pour un montant de primes perçues par eux égal à 31,1 milliards.

Sur les 495 organismes exerçant une activité de complémentaire santé et recensés par l'Autorité de contrôle prudentiel, 360 sont des mutuelles, 106 des sociétés d'assurance et 29 des institutions de prévoyance. Le secteur mutualiste connait, depuis une dizaine d'années, un mouvement de concentration important mais demeure morcelé. Les chiffres publiés par le fonds CMU diffèrent mais fournissent les mêmes ordres de grandeur : en 2011, les 559 mutuelles qui contribuent au fonds CMU représentent 82 % des organismes complémentaires et 56 % du chiffre d'affaires du secteur ; les sociétés d'assurance 14 % des organismes et 27 % du marché ; les institutions de prévoyance 4 % des organismes et 17 % du marché.

Tous types d'opérateurs confondus, 56 % des bénéficiaires d'une couverture complémentaire s'assurent à titre individuel et 44 % profitent d'une garantie collective via leur employeur.

Les mutuelles sont plus présentes sur le marché de l'individuel, couvrent une population relativement âgée et 91 % de leur chiffre d'affaires est issu de l'activité santé. En revanche, l'activité santé des sociétés d'assurance ne représente qu'une faible part de leur activité totale (14 % pour les sociétés qui ne distribuent pas d'assurance-vie et 6 % pour les sociétés dites mixtes, couvrant à la fois vie et non-vie). Les institutions de prévoyance, qui représentent un peu plus de 20 % des bénéficiaires d'une complémentaire santé, sont quasiment absentes du marché individuel mais sont le premier acteur du marché collectif et la moitié de leur chiffre d'affaires est générée par l'activité santé.

Répartition de la couverture complémentaire santé
par type d'organisme

(en % du nombre de bénéficiaires)

Individuel

Collectif

Total

Mutuelles

70 %

39 %

56 %

Institutions de prévoyance

4 %

41 %

20 %

Assurances

26 %

20 %

24 %

Source : Drees

La diffusion de la complémentaire santé collective reste inégale , puisque ce sont des établissements de grande taille , ceux qui emploient surtout des cadres ou le secteur de l'industrie qui la proposent le plus souvent 11 ( * ) :

- 67 % des entreprises de moins de 10 salariés ne proposent pas de complémentaire santé, 51 % de celles entre 10 et 49 salariés, 21 % de celles entre 50 et 249, mais seulement 7 % de celles de plus de 250 salariés ;

- 74 % des salariés déclarent y avoir accès par le biais de leur établissement et 60 % à en bénéficier effectivement. Les salariés déclarant ne pas avoir accès à une complémentaire collective sont majoritairement à faible niveau de salaire, en contrat à durée déterminée ou à temps partiel et des jeunes.

On peut d'ailleurs relever que, selon cette même enquête de l'Irdes, 75 % des salariés qui bénéficient d'une couverture collective préfèreraient la conserver plutôt que de lui substituer une augmentation de salaire.

Enfin, il est important de noter que la prévoyance collective est gouvernée par le principe de non-sélection individuelle , dont la mise en oeuvre a été assurée concrètement par la loi « Evin » de 1989 qui renforce les garanties des contrats d'assurance.

2) Les contrats collectifs sont moins coûteux pour le salarié et lui offrent plus de garanties

Selon la Drees 12 ( * ) , les garanties proposées dans les contrats collectifs sont souvent plus larges et plus avantageuses que celles des contrats individuels . Par exemple, le montant moyen remboursé pour un traitement d'orthodontie de 900 euros est le double en collectif par rapport à l'individuel : 400 euros contre 208 euros. Pour une prestation de 500 euros en optique dite « complexe », les contrats individuels remboursent en moyenne 220 euros contre 345 euros en collectif. Pour une prothèse auditive numérique de 3 000 euros, un contrat collectif prend en charge en moyenne 1 202 euros contre 696 euros pour un contrat individuel.

La Drees a mis en évidence un classement des contrats de complémentaire santé en quatre catégories : A, B, C et D, dans un ordre décroissant des garanties couvertes. Les enquêtes annuelles de la Drees révèlent que les contrats collectifs sont de très loin les mieux représentés dans la classe de garantie la plus élevée (A).

Répartition des contrats complémentaires santé par classe de garanties

(en % en 2007)

Contrats individuels

Contrats collectifs

A

4,3 %

31,2 %

B

36,9 %

32,1 %

C

47,4 %

31,4 %

D

11,4 %

5,3 %

Source : Drees

En termes de cotisations, si le montant moyen d'un contrat de complémentaire santé s'élève à 40 euros par mois et par personne, les primes des contrats collectifs sont inférieures de 6 à 7 euros à celles des contrats individuels .

D'ailleurs, les résultats financiers des contrats collectifs en santé sont systématiquement inférieurs à ceux des contrats individuels , ils sont même déficitaires en 2011 à l'exception de ceux des sociétés d'assurance « non-vie » qui parviennent tout juste à l'équilibre 13 ( * ) . Si les écarts entre les types d'organismes apparaissent faibles pour les seuls frais de gestion, ils sont significatifs pour les frais d'acquisition, dont le poids apparait relativement plus fort pour les sociétés d'assurance et plus particulièrement pour les contrats individuels.

D'une façon générale, les résultats des organismes complémentaires sont tirés à la baisse par la gestion de leurs contrats collectifs. En 2011, les charges de prestations (hors frais de gestion) représentent 82 % des primes collectées pour les sociétés d'assurance mixtes, 73 % pour les sociétés d'assurance « non-vie », 81 % pour les mutuelles et 92 % pour les institutions de prévoyance.

En outre, le montant de la prime est réduit pour les salariés par une participation de l'employeur qui s'élève en moyenne à 56 %. Seuls 6 % d'entre eux ne participent pas au financement.

Qui plus est, les contrats collectifs bénéficient de déductions fiscales tant pour le salarié que pour l'employeur, dans la limite de certains plafonds :

- les cotisations versées par les salariés sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur le revenu (la Cour des comptes estime cette perte de ressources fiscales entre 575 millions et 661 millions selon les hypothèses retenues) ;

- celles versées par les employeurs sont exemptées de l'assiette de cotisations sociales et font partie des charges déductibles du bénéfice imposable. Depuis le 1 er janvier 2012, les contributions patronales peuvent cependant être soumises au forfait social (taux dérogatoire de 8 % et seulement pour les entreprises d'au moins dix salariés). Les estimations de l'impact de cette exemption de cotisations sociales sur les finances publiques varient sensiblement, entre 1 milliard d'euros en net selon une annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et 3,37 milliards selon la Cour des comptes dans une hypothèse haute et avec un champ large.

Le bénéfice de ces déductions est accordé uniquement aux contrats collectifs qui respectent plusieurs critères, et non aux contrats individuels ; ils doivent être à adhésion obligatoire, sous réserve des dispenses d'affiliation possibles, et doivent respecter les conditions des contrats dits responsables et solidaires 14 ( * ) .

*

Dans ce contexte, les deux premiers articles de l'Ani apportent des réponses au déficit de couverture complémentaire santé et sont traduits tous deux fidèlement dans l'article 1 er du projet de loi.

3) La généralisation de la couverture complémentaire collective en santé

? Le principe : toutes les entreprises devront faire bénéficier leurs salariés, au plus tard à compter du 1 er janvier 2016, d'une couverture complémentaire santé collective obligatoire.

Le du paragraphe II introduit un nouvel article L. 911-7 au sein du code de la sécurité sociale. Il fixe le principe selon lequel, à compter du 1 er janvier 2016, les entreprises dont les salariés ne bénéficient pas déjà d'une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de santé, qui soit au moins aussi favorable qu'un niveau minimum fixé par décret, sont tenues de prendre une décision unilatérale pour le faire.

? Un niveau minimal de garanties sera fixé par décret.

Le même article L. 911-7 définit ensuite la couverture minimale que devra respecter tout contrat collectif obligatoire en entreprise. Elle devra comprendre la prise en charge totale ou partielle du ticket modérateur (part restant à la charge des assurés sur toute dépense faisant l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie de base), du forfait journalier hospitalier et des frais dentaires et liés à certains dispositifs médicaux à usage individuel (par exemple, l'optique).

Un décret déterminera précisément le niveau de prise en charge de ces dépenses, ainsi que la liste des dispositifs médicaux qui devront être remboursés. Si le projet de loi renvoie légitimement à une mesure réglementaire d'application, l'Ani est plus explicite : le panier de soins comprendrait 100 % du tarif de base des consultations, actes techniques et frais de pharmacie en ville et à l'hôpital, le forfait journalier hospitalier, 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires et un forfait optique de 100 euros par an.

Ce décret fixera également les catégories de salariés pouvant être dispensés de l'obligation d'affiliation eu égard à la nature ou aux caractéristiques de leur contrat de travail ou au fait qu'ils disposent par ailleurs d'une couverture complémentaire. Aujourd'hui, le bénéfice des exonérations sociales pour les contrats collectifs est notamment conditionné à une obligation d'affiliation sous réserve d'exceptions ; celles-ci sont fixées à l'article R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale et concernent principalement les salariés couverts en tant qu' ayant-droit par le régime collectif de leur conjoint, certains apprentis ou salariés à temps partiel pour lesquels la cotisation demandée dépasserait 10 % de leur rémunération brute, ainsi que les ressortissants du régime local d'Alsace-Moselle . Selon l'étude d'impact du projet de loi, le Gouvernement entend reprendre ces mêmes catégories de salariés en ce qui concerne la dispense possible d'affiliation dans le cadre de la généralisation des complémentaires collectives en santé.

Enfin, le nouvel article L. 911-7 prévoit que l'employeur doit assurer au minimum la moitié du financement de la couverture complémentaire santé.

? La voie de la négociation collective par branche puis, en cas d'absence d'accord, au sein de chaque entreprise.

Le paragraphe I fixe le calendrier et la méthode permettant d'aboutir, au plus tard le 1 er janvier 2016, à une couverture collective santé pour l'ensemble des salariés du secteur privé.

Une première phase s'échelonnera du 1 er juin 2013 au 30 juin 2014 : durant cette période, les partenaires sociaux devront négocier, par branche , afin de permettre la mise en place de garanties à un niveau au moins aussi favorable que celui fixé par décret pour la couverture minimale.

La négociation devra porter sur la définition et le niveau des garanties, la répartition de la charge entre employeurs et salariés, les modalités de choix de l'assureur, le financement éventuel d'outils de solidarité (action sociale ou droits non contributifs) et les situations de dispense d'affiliation. Cette négociation permettra également de fixer le délai de mise en oeuvre de l'accord de branche par les entreprises, délai qui devra être au minimum de dix-huit mois sans pouvoir excéder le 1 er janvier 2016.

A l'issue de cette première phase et en cas d' absence d'accord de branche, d'accord d'entreprise ou de décision unilatérale du chef d'entreprise, chaque employeur engagera une négociation sur ce thème entre le 1 er juillet 2014 et le 1 er janvier 2016 . Cette négociation se déroulera selon les modalités de droit commun de la négociation obligatoire en entreprise.

4) Dispositions diverses relatives à la complémentaire santé et à la prévoyance

Les organismes complémentaires sont régis par un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires, dans lesquelles le risque santé est le plus souvent dénommé « intégrité physique de la personne et maternité » ou encore « maladie, maternité ou accident ».

Parallèlement, les partenaires sociaux ont négocié la couverture d'autres risques que la seule maladie ; ce champ de la prévoyance couvre un ensemble de risques large, notamment le décès, l'incapacité de travail ou l'invalidité mais aussi la retraite complémentaire voire supplémentaire. Selon certaines définitions, la prévoyance inclut également le risque maladie ; pour une meilleure compréhension, le présent rapport distingue la prévoyance et la maladie / santé.

a) L'amélioration des droits

? La « portabilité » : maintien des droits à titre gratuit, pendant au maximum un an, pour les salariés dont le contrat de travail est rompu.

Le 1° du paragraphe II de l'article 1 er insère également un nouvel article L. 911-8 dans le code de la sécurité sociale, qui vise à compléter les droits des salariés lorsqu'ils se retrouvent au chômage.

Ainsi, les salariés couverts collectivement dans leur entreprise par une complémentaire santé ou un contrat de prévoyance bénéficieront du maintien de ces droits à titre gratuit en cas de rupture du contrat de travail, dans la limite de la durée de leur dernier contrat de travail, sans que ce maintien puisse excéder douze mois .

Plusieurs conditions sont fixées : la rupture du contrat ne doit pas être consécutive à une faute lourde et doit ouvrir droit à une prise en charge par le régime d'assurance chômage (exclusion des cas de démissions) ; les droits devaient être ouverts chez le dernier employeur pour éviter le maintien de la couverture en cas de reprise du travail même pour une courte période ; les garanties sont identiques à celles en vigueur dans l'entreprise ; le maintien des garanties ne peut pas conduire l'ancien salarié à percevoir des indemnités d'un montant supérieur à celui des allocations chômage (cas des personnes en arrêt maladie et percevant des indemnités journalières à la fois de la part de l'assurance maladie et d'organisme de prévoyance de leur ancienne entreprise). En outre, les anciens salariés devront justifier du respect de ces conditions auprès de leur ancien employeur durant le maintien des droits.

Selon le paragraphe VI , les entreprises et les organismes complémentaires ou de prévoyance devront appliquer cette « portabilité » à partir du 1 er juin 2014 pour le risque maladie et à compter du 1 er juin 2015 pour la prévoyance.

? La nécessaire adaptation de la loi « Evin » relative aux contrats d'assurance.

La loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dite loi « Evin », vise à renforcer les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques :

- son article 2 prévoit que l'organisme qui couvre la garantie santé ou prévoyance ne peut exclure aucune pathologie ou affection qui est incluse dans le champ de la sécurité sociale de base. Cet organisme doit également prendre en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat, sous réserve d'une éventuelle fausse déclaration de l'adhérent ;

- son article 4 permet le maintien des droits, sans condition probatoire ni examen ou questionnaire médical, d'une part, durant une période de douze mois pour les ayant-droits d'un salarié décédé, d'autre part, sans condition de durée pour les salariés qui quittent l'entreprise soit pour prendre leur retraite, soit en raison d'une incapacité ou invalidité, soit s'ils sont privés d'emploi. Les modalités et conditions de ce maintien sont prévues dès le contrat initial du salarié et les tarifs applicables ne peuvent être supérieurs de plus de 50 % aux tarifs globaux applicables aux salariés actifs 15 ( * ) ;

- son article 5 prévoit que le contrat d'assurance doit prévoir le délai de préavis applicable à sa résiliation ou à son non-renouvellement, ainsi que les conditions selon lesquelles l'organisme peut maintenir la couverture au profit des salariés concernés, sans condition de période probatoire, d'examen ou de questionnaire médicaux.

Le du paragraphe III de l'article 1 er du projet de loi permet d'étendre les dispositions des articles 2 et 5 de la loi de 1989 aux salariés qui perdent leur emploi et qui bénéficient du maintien des droits à titre gratuit durant une période maximale de douze mois au titre du nouvel article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l'article 4 de la loi de 1989 ne permet aux anciens salariés de présenter leur demande de maintien des garanties que durant une période de six mois après la rupture du contrat de travail. Le du même paragraphe III assure une articulation adéquate entre ce délai et le maintien des droits à titre gratuit en cas de perte d'emploi, en autorisant l'ancien salarié à opter pour le dispositif qui lui est le plus favorable.

? La programmation d'une négociation sur la prévoyance dans chaque branche.

Le paragraphe V prévoit que les partenaires sociaux engagent une négociation, avant le 1 er janvier 2016 , pour permettre aux salariés qui ne bénéficient pas d'une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de prévoyance d'accéder à une telle couverture.

Historiquement antérieure à la complémentaire santé d'entreprise, la prévoyance recouvre un ensemble de garanties destinées à assurer au salarié une indemnisation complémentaire en cas d'invalidité, d'incapacité, d'absence pour arrêt de travail ou de décès-veuvage. Deux établissements sur trois, couvrant 86 % des salariés, déclaraient en 2009 offrir un contrat de prévoyance à leurs salariés, soit vingt points de plus que ceux offrant une complémentaire santé. Un établissement sur deux prend par exemple en charge, via le contrat de prévoyance, les trois jours de carence durant lesquelles le salarié en arrêt maladie ne touche plus de salaire et pas encore d'indemnités journalières de la part de la sécurité sociale.

b) La transparence et la mise en concurrence en cas d'accord de branche

L'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale prévoit dès aujourd'hui que les accords de branche concernant la protection sociale complémentaire (maladie ou prévoyance) peuvent prévoir une mutualisation des risques au sein des entreprises de la branche en désignant un ou des organismes auxquels adhèrent obligatoirement les entreprises . Dans ce cas, les accords doivent comporter une clause de réexamen périodique dont la fréquence ne peut être supérieure à cinq ans.

Le du paragraphe II complète cet article L. 912-1 par une disposition permettant, dans ce cadre, d'assurer une mise en concurrence préalable et une transparence des procédures utilisées. Ainsi, lorsque les accords prévoient une mutualisation des risques et désignent un ou des organismes, il doit être procédé à une mise en concurrence préalable dans des conditions de transparence et selon des modalités qui seront fixées par décret. Cette procédure sera également applicable en cas de simple recommandation, sans valeur contraignante pour les entreprises concernées, d'un ou de plusieurs organismes par l'accord de branche.

c) L'adaptation des négociations collectives existantes

Le paragraphe IV modifie certaines dispositions du code du travail relatives aux négociations collectives pour les adapter à l'article 1 er du projet de loi.

Ainsi, la sous-section 3 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code, qui concerne aujourd'hui le « Régime de prévoyance maladie », s'intitulera désormais « Protection sociale complémentaire des salariés » ( ). En son sein, l'article L. 2242-11 prévoit que, lorsque les salariés ne sont pas couverts par un accord de branche ou par un accord d'entreprise définissant les modalités d'un régime de prévoyance maladie, l'employeur engage chaque année une négociation sur ce thème. Le fixe cette exigence en cas d'absence à la fois d'un régime de prévoyance et d'un régime en santé qui soit au moins aussi favorable que la couverture minimale fixée au nouvel article L. 911-7 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l'article L. 2261-22 du code du travail prévoit que, pour être étendue, une convention de branche doit notamment contenir des clauses portant sur « les modalités d'accès à un régime de prévoyance maladie ». Le modifie cet alinéa : il s'agira de clauses relatives aux « modalités d'accès à un régime de prévoyance ou un régime » complémentaire santé.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• La commission des affaires sociales n'a pas modifié substantiellement l'article 1 er du projet de loi.

Outre plusieurs amendements rédactionnels, elle a souhaité renforcer les droits des salariés, notamment en termes d'information :

- l'éventuelle dispense d'affiliation prévue dans les négociations de branche sera réalisée « à l'initiative du salarié » ;

- les salariés doivent être informés de l'éventuelle décision unilatérale de l'employeur de les faire bénéficier d'une couverture collective d'entreprise, en cas d'absence d'accord de branche ;

- l'employeur devra signaler dans le certificat de travail le maintien des garanties à titre gratuit durant au maximum un an. Le certificat de travail est un document remis par l'employeur au salarié à l'expiration du contrat de travail, quels que soit les motifs de la rupture (licenciement, démission, fin de CDD, départ en retraite...) et la durée du contrat ;

- en cas de départ de l'entreprise, l'organisme complémentaire devra proposer au salarié le maintien de ses droits dans un délai d'un mois après la rupture du contrat de travail.

En ce qui concerne les accords de branche qui désignent ou recommandent un ou des organismes complémentaires , la commission a ajouté, outre la mise en concurrence et la transparence, « l'impartialité et l'égalité de traitement entre les candidats » et elle a explicitement prévu que cette mise en concurrence sera également effectuée au moment de chaque réexamen (au maximum tous les cinq ans selon l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale).

Par ailleurs, alors que le projet de loi prévoyait le maintien des droits à titre gratuit pour la complémentaire santé et la prévoyance en cas de « rupture » du contrat de travail ouvrant droit à indemnisation chômage (hors faute lourde), la commission a préféré le terme « cessation » qui permet d'englober les fins de CDD.


• En séance publique, d'autres aménagements ont été apportés au texte de la commission.

A l'initiative du rapporteur, l'Assemblée nationale a précisé que les contrats qui résulteront soit d'un accord de branche, soit d'un accord d'entreprise, soit d'une décision unilatérale de l'employeur devront respecter le niveau minimum prévu par décret « pour chacune des catégories de garanties », ainsi que « la part du financement assurée par l'employeur ».

Le projet de loi prévoit que les négociations de branche portent notamment sur les cas où la situation particulière de certains salariés peut justifier une dispense d'affiliation. A l'initiative du groupe socialiste et du rapporteur, l'Assemblée nationale a inséré une référence aux « ayants droit, lorsqu'ils sont concernés par la couverture », qui pourront donc être dispensés de l'affiliation.

A l'initiative de plusieurs députés du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de Moselle, l'Assemblée nationale a permis aux négociations de branche de prévoir des « adaptations » pour les salariés relevant du régime complémentaire obligatoire d' Alsace-Moselle . En outre, le décret organisant la couverture minimale précisera « les adaptations dont fait l'objet la couverture » de ces salariés.

A l'initiative de son rapporteur, l'Assemblée nationale a prévu que les contrats collectifs d'entreprise respectent les conditions fixés par l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale qui concernent les contrats dits responsables et solidaires ( cf . note de bas de page supra .).

A l'initiative du groupe socialiste, l'Assemblée nationale a approfondi les conditions de mise en concurrence en cas de recommandation ou désignation d'un ou de plusieurs organismes par l'accord de branche, en prévoyant qu'elles « doivent notamment intégrer et préciser les éléments suivants : publicité préalable obligatoire, fixation des modalités garantissant un consentement éclairé des partenaires sociaux [...], règles en matière de conflit d'intérêts et détermination des modalités de suivi du régime en cours de contrat ».

A l'initiative de Francis Vercamer, député, et du rapporteur, l'Assemblée nationale a étendu aux sociétés d'assurance ( paragraphe VII ) et aux mutuelles ( paragraphe VIII ) l'obligation qui existe pour les institutions de prévoyance 16 ( * ) de maintenir les prestations en cas de défaut de paiement de la cotisation par l'entreprise, lorsque le contrat résulte d'une obligation prévue par un accord de branche.

A l'initiative de plusieurs députés du groupe UDI, l'Assemblée nationale a permis aux sociétés d'assurance de mettre en oeuvre au profit de leurs assurés une action sociale qui, lorsqu'elle se traduit par l'exploitation de réalisations sociales collectives, doit être gérée par une ou plusieurs personnes morales distinctes de l'assureur. Cette possibilité reprend celle qui existe pour les institutions de prévoyance (article L. 931-1 du code de la sécurité sociale) et les mutuelles (article L. 111-1 du code de la mutualité).

Ces deux dernières dispositions permettent de placer sur un pied d'égalité, en termes de prestations offertes aux entreprises, les trois catégories d'acteurs sur le marché de la complémentaire santé : les sociétés d'assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance.

III - Le texte adopté par la commission

Le bénéfice d'une complémentaire santé fait reculer les renoncements aux soins et améliore l'accès aux soins . En outre, les contrats collectifs présentent des avantages substantiels par rapport aux contrats individuels : leurs garanties sont en moyenne plus élevées ; leur coût est plus faible, que ce soit avant et a fortiori après imposition.

Dans ces conditions, votre rapporteur estime que la généralisation de la complémentaire santé en entreprise constitue un progrès social majeur . Cette mesure symbolise tout l'intérêt du dialogue social et la qualité de la démarche des partenaires sociaux ayant permis d'aboutir à l'Ani du 11 janvier. En outre, elle se mettra en place progressivement à la suite de négociations dans l'ensemble des branches professionnelles, ce qui conforte le processus d'appropriation du dialogue social par l'ensemble des acteurs.

La décision des partenaires sociaux s'inscrit dans la démarche engagée par le Président de la République qui a annoncé lors du congrès de la Mutualité française, le 20 octobre 2012, qu'il entendait « généraliser, à l'horizon 2017, l'accès à une couverture complémentaire de qualité ». Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a d'ailleurs entamé des discussions avec les acteurs du secteur et a chargé, en mars 2013, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam) de formuler un diagnostic et des propositions d'ici l'été 2013.

Le Gouvernement a également annoncé, dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, qu'il allait, à l'été 2013 également, relever de 7 % le plafond de ressources permettant de bénéficier de la couverture maladie universelle (CMU-c), le plafond de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) augmentant automatiquement d'autant. Ainsi, toutes les personnes se situant sous le seuil de pauvreté bénéficieront d'un dispositif d'aide à l'accès aux soins. On peut aussi mentionner la mission que le Gouvernement a confiée, en mars 2013, à notre collègue Aline Archimbaud sur l'accès aux soins des plus démunis.

Elargissement des droits à la CMU-c et à l'ACS et généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés du secteur privé, notamment dans les très petites, petites et moyennes entreprises, sont bien deux éléments convergents pour faciliter l'accès aux soins.

Ces mesures déterminantes ne doivent pas obérer la nécessité d'évaluer et d'améliorer la qualité des contrats complémentaires : la distinction entre contrats responsables et autres contrats n'est plus pertinente puisque la quasi-totalité des contrats complémentaires entrent aujourd'hui dans la première catégorie. Il est donc nécessaire de revoir, en partenariat avec les acteurs, dont les mutuelles, les sociétés d'assurance et les institutions de prévoyance, les cahiers des charges des contrats et le champ des prestations couvertes par les complémentaires santé.

En septembre 2011, la Cour des comptes a publié une étude sur les aides publiques au financement de la couverture maladie complémentaire, dans laquelle elle se montre sévère sur « les multiples incohérences » de ces aides, dont le montant atteint environ 6 milliards d'euros, et sur leur « ciblage très imparfait au regard même de l'équité sociale ». Cette question fait d'ailleurs partie de la lettre de mission adressée par le Gouvernement au Hcaam.

A l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté onze amendements pour revenir au texte initial du Gouvernement ou simplifier et améliorer certaines rédactions, ainsi qu' un amendement relatif au régime local d'Alsace-Moselle.

Elle a également adopté deux amendements de précision déposés par le groupe écologiste.

Alors que le principe de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise recueille un large assentiment de la part des différents partenaires, deux questions ont été particulièrement soulevées au moment de l'examen du texte par l'Assemblée nationale.

? Le débat sur les modalités de mise en oeuvre des accords de branche : la question de la clause de désignation.

Les régimes de prévoyance collective peuvent se constituer de trois manières : par une décision unilatérale de l'employeur, une ratification par la majorité des salariés dans le cadre d'un referendum au sein de l'entreprise ou une convention ou un accord collectif d'entreprise, de branche ou interprofessionnel.

L'intérêt des accords à un niveau plus large que celui de l'entreprise réside notamment dans la possibilité de mutualiser les risques, ce qui permet d'accéder à une complémentaire à un meilleur rapport qualité / prix, notamment pour les salariés âgés ou à fort risque. Il s'agit d'une logique assurantielle classique : plus le risque est dispersé et assis sur de nombreuses personnes, moins il est couteux pour chacun.

En outre, les partenaires sociaux ont estimé intéressant, dans certaines branches, de prévoir des couvertures spécifiques, adaptées au secteur professionnel concerné, notamment pour mettre en place des actions sociales, de prévention et / ou de santé publique.

Pour mutualiser les risques et initier des actions de prévention , il peut être utile que l'accord de branche recommande ou désigne un ou des assureurs, ce qui permet, d'une part, la fixation négociée de ces prestations au niveau de la branche, d'autre part, la connaissance et la prévisibilité pour l'organisme du nombre d'adhérents au contrat.

C'est pourquoi les partenaires sociaux de certaines branches ont décidé depuis de nombreuses années d'avoir recours aux outils de la recommandation ou de la désignation , sans d'ailleurs que les pouvoirs publics n'aient eu à adopter une disposition juridique de quelque ordre qu'elle soit. Ce second dispositif, décrié par un certain nombre d'acteurs économiques, a été jugé parfaitement licite par l'ensemble des juridictions qui ont pu être saisies au fil des années :

- le Conseil de la concurrence , dès son avis n° 92-A-01 du 21 janvier 1992, a considéré que la désignation d'un organisme de prévoyance n'est pas, en tant que telle, contraire au droit de la concurrence et que la clause de désignation et le choix du régime correspondant sont des éléments constitutifs de l'économie de la convention ;

- la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont également considéré que les clauses de désignation ne méconnaissent pas le droit de la concurrence. La Cour de cassation a même reconnu la licéité de telles clauses accompagnées de stipulations de « migration », c'est-à-dire qui obligent les entreprises disposant déjà d'un contrat à s'affilier à celui de la branche ;

- la Cour de justice de l'Union européenne considère aussi, depuis un arrêt de 1999, que les accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux et destinés à améliorer les conditions d'emploi et de travail ne relèvent pas du droit de la concurrence dans la mesure où le régime a une finalité sociale. Dans un arrêt de 2011 17 ( * ) , elle a même estimé que « la suppression de la clause de migration nuirait à l'objectif de solidarité car elle pourrait aboutir à une impossibilité, pour l'organisme concerné, d'accomplir la mission d'intérêt économique général qui lui a été impartie », notamment lorsque, en cas de non-paiement des cotisations, il n'est pas autorisé à résilier la garantie.

On le voit, l'un des intérêts de la mutualisation au niveau de la branche est de permettre le financement de l'action sociale et la constitution de droits non contributifs, c'est-à-dire l'obligation pour l'assureur de maintenir le versement des prestations alors même que l'entreprise n'est pas à jour dans le paiement des cotisations. De ce point de vue, l'Assemblée nationale a, de manière tout à fait pertinente, permis aux mutuelles et sociétés d'assurance d'être placées sur un pied d'égalité avec les institutions de prévoyance.

Finalement, la rédaction proposée par le Gouvernement s'inscrit en cohérence avec l'Ani : le législateur n'a pas à imposer aux partenaires sociaux une manière de gérer la prévoyance et la complémentaire santé des salariés de la branche . Pour autant, si les négociateurs doivent bien rester libres d'opter pour la désignation, la recommandation ou le choix de chaque entreprise, la loi doit encadrer cette liberté pour qu'elle s'exerce dans des conditions de transparence, d'équité et d'impartialité et pour prévenir les conflits d'intérêt. D'ailleurs, les partenaires sociaux ont d'ores et déjà réuni le groupe de travail qu'ils avaient eux-mêmes mentionné dans l'Ani et qui est chargé de définir « les conditions et les modalités d'une procédure transparente de mise en concurrence [...] du ou des organismes assureurs désignés ou recommandés ».

A cet égard, sans atténuer les exigences d'égalité et d'impartialité lors de la mise en concurrence entre organismes assureurs, votre rapporteur souligne qu'il sera tout de même nécessaire, pour des raisons linguistiques et, surtout, d'intelligibilité du droit, de simplifier la rédaction résultant des travaux de l'Assemblée nationale.

? La question du régime local d'Alsace-Moselle.

A l'occasion des négociations de l'Ani, les partenaires sociaux n'ont pas nécessairement envisagé les difficultés d'articulation entre la généralisation de complémentaire santé en entreprise, qui constitue clairement un droit nouveau pour les salariés, et les particularités du régime local d'assurance maladie complémentaire d'Alsace-Moselle.

Le régime local résulte d'une histoire et d'une culture qu'il ne saurait être question de remettre en cause. Notre commission a publié l'an passé, à l'initiative de notre collègue Patricia Schillinger, un rapport d'information 18 ( * ) présentant les enseignements de ce régime : l'autonomie de gestion par les partenaires dans le cadre prudentiel strict défini par le code de la sécurité sociale ; la solidarité du financement qui assure une redistribution intergénérationnelle et entre catégories de revenus.

Or, des différences structurelles existent entre ce régime et les contrats collectifs d'entreprise : financement assuré uniquement par le salarié contre participation des employeurs ; cotisation proportionnelle aux revenus et déplafonnée contre prime le plus souvent forfaitaire ; champ des bénéficiaires élargi aux chômeurs et aux retraités.

En outre, l'article L. 325-1 du code de la sécurité sociale limite les prestations versées par le régime local, qui ne peuvent jamais dépasser les tarifs de la sécurité sociale. De ce fait, le panier de soins du contrat socle en entreprise devrait se révéler supérieur à ce que peut proposer le régime local ; le Gouvernement a ainsi indiqué qu'il devrait reprendre, dans le décret définissant ce panier de soins, les dispositions de l'Ani qui prévoient notamment 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires et un forfait optique de 100 euros par an.

C'est pourquoi la commission, à l'initiative de votre rapporteur, a adopté un amendement pour autoriser le régime local à porter son niveau de prestations à celui des garanties minimales des contrats complémentaires en entreprise.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 1er bis Rapport sur la fiscalité applicable aux complémentaires santé

Objet : Inséré lors de l'examen du texte en séance publique par l'Assemblée nationale, cet article demande au Gouvernement la remise d'un rapport sur les aides accordées au financement de la complémentaire santé.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Inséré à l'initiative du groupe socialiste et du rapporteur qui a proposé deux sous-amendements, cet article demande la réalisation d'un rapport sur les aides directes et indirectes accordées au financement de la complémentaire santé, ainsi que sur une refonte de la fiscalité appliquée à ces contrats au regard de l'objectif de généralisation de la couverture santé complémentaire à tous les Français à l'horizon 2017.

Ce rapport doit également réaliser un point d'étape des négociations de branche en cours.

Il devra être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 15 septembre 2014.

II - Le texte adopté par la commission

Divers rapports ont déjà été publiés sur cette question, dont celui de la Cour des comptes en septembre 2011. En outre, le Gouvernement a déjà confié la charge au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam) de rédiger un tel rapport d'ici cet été, dans l'objectif de la généralisation de complémentaires santé de qualité, objectif annoncé par le Président de la République pour 2017.

En outre, l'article prévoit que le rapport réalise un point d'étape des négociations de branche en cours, mais avec un délai de remise du rapport au 15 septembre 2014 qui n'est pas cohérent avec la fin des négociations prévue pour juin 2014.

Même si la commission est souvent réticente à multiplier les rapports et surcharger ainsi l'administration de manière inutile, elle n'a pas souhaité remettre en cause les demandes de rapport formulées par l'Assemblée nationale.

En conséquence, la commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er ter Rapport sur le régime local d'assurance maladie complémentaire d'Alsace-Moselle

Objet : Inséré lors de l'examen du texte en séance publique par l'Assemblée nationale, cet article demande au Gouvernement la remise d'un rapport sur l'articulation entre le régime local d'Alsace-Moselle et les complémentaires collectives d'entreprise.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Inséré à l'initiative de plusieurs députés du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, de la Moselle, et du rapporteur qui a proposé un sous-amendement, cet article demande la réalisation d'un rapport sur l'articulation entre le régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire d'Alsace-Moselle et la généralisation de la complémentaire santé.

Il étudiera « l'hypothèse d'une éventuelle évolution » du régime local et ses conséquences.

Il devra être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 1 er septembre 2013.

II - Le texte adopté par la commission

La question du financement du régime local par les seuls salariés devra être étudiée avec attention, en concertation avec les partenaires sociaux. Il n'est pas certain qu'un nouveau rapport sur le régime local, après celui rédigé par la Cour des comptes à la demande de notre commission, soit absolument nécessaire pour connaître les données du problème. Pour autant, la commission n'a pas remis en cause les demandes de rapport formulées par l'Assemblée nationale.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er quater Rapport sur le maintien des couvertures santé et prévoyance en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise

Objet : Inséré lors de l'examen du texte en séance publique par l'Assemblée nationale, cet article demande au Gouvernement la remise d'un rapport sur le maintien des couvertures santé et prévoyance pour les salariés lorsqu'une entreprise est en liquidation judiciaire.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Inséré à l'initiative du groupe socialiste et du rapporteur qui a proposé trois sous-amendements, cet article demande la réalisation d'un rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures santé et prévoyance pour les salariés lorsqu'une entreprise est en situation de liquidation judiciaire.

Ce rapport présentera notamment la possibilité de faire intervenir un fonds de mutualisation, existant ou à créer, pour prendre en charge le financement de ce maintien, dans les mêmes conditions que celles prévues pour le maintien des droits à titre gratuit des anciens salariés qui se retrouvent au chômage.

Il devra être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 1 er mai 2014.

II - Le texte adopté par la commission

La question des droits non contributifs, à savoir le maintien des garanties du contrat même en l'absence de cotisation de la part de l'employeur, est importante pour les salariés et le projet de loi y répond partiellement. En effet, l'Assemblée nationale a utilement prévu que, comme les institutions de prévoyance aujourd'hui, les sociétés d'assurance et les mutuelles ne pourront pas résilier ou suspendre un contrat lorsque la souscription résulte d'une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel.

En outre, l'article L. 932-10 du code de la sécurité sociale prévoit, pour les institutions de prévoyance, que les garanties subsistent en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires. Dans un délai de trois mois à compter de la date du jugement, l'administrateur et l'institution de prévoyance conservent le droit de résilier l'adhésion ou le contrat.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (art. L. 6111-1, L. 6112-3 et L. 6314-3 [nouveau] du code du travail) Création du compte personnel de formation et institution du conseil en évolution professionnelle

Objet : Cet article a pour objet l'instauration d'un compte personnel de formation pour tous les actifs, quel que soit leur statut, et la mise en place d'un droit au conseil en évolution professionnelle à destination des salariés.

I - Le dispositif proposé

1) Les principes du compte personnel de formation

Le paragraphe I de l'article 2 complète l'article L. 6111-1 du code du travail, qui définit les objectifs de la formation professionnelle, en y inscrivant le principe d'un compte personnel de formation et les règles générales qui le gouverneront.

Conformément à l'article 5 de l'Ani du 11 janvier 2013, toute personne disposera donc d'un compte personnel de formation afin de favoriser l'accès de chacun à la formation professionnelle tout au long de la vie. Contrairement aux outils existants, comme le congé individuel de formation (Cif) ou le droit individuel à la formation (Dif), ce compte ne sera pas lié à la qualité de salarié de son titulaire mais bien indépendant de son statut.

Mis en place dès l'entrée de la personne sur le marché du travail, le compte personnel de formation sera intégralement transférable en cas de changement d'emploi et préservé pendant les périodes d'inactivité. Il sera donc mobilisable par une personne au chômage, sur le modèle de la portabilité du Dif, tout en étant maintenu pendant l'intégralité de la vie professionnelle de son détenteur.

2) Le conseil en évolution professionnelle

Le paragraphe II constitue la traduction législative d'un droit nouveau pour les salariés, reconnu à l'article 16 de l'Ani : celui de bénéficier d'un conseil en évolution professionnelle. Il l'insère au sein du chapitre du code du travail relatif au droit à l'information, à l'orientation et à la qualification professionnelles, dont le champ avait été étendu par la loi 19 ( * ) du 24 novembre 2009 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Cet article L. 6314-3 nouveau du code du travail prévoit que ce conseil en évolution professionnelle sera mis en oeuvre au niveau local par le service public de l'orientation. Il détermine également ce que l'accompagnement qui sera offert doit apporter aux salariés. Ce sont quatre volets distincts qui sont abordés :

- l'information du salarié sur son environnement professionnel et l'évolution des métiers sur son territoire ;

- la connaissance et la valorisation de ses compétences par le salarié ainsi que l'identification d'éventuelles compétences nouvelles à acquérir pour la poursuite du parcours professionnel ;

- l'identification, par le salarié, des offres d'emploi correspondant à ses compétences ;

- l'information du salarié et la connaissance, par celui-ci, des dispositifs auxquels il peut faire appel pour consolider son parcours professionnel.

Chaque salarié devra être informé de l'existence de ce droit au conseil en évolution professionnelle et des mesures d'accompagnement qui en découlent. Le rôle de l'employeur est, sur ce point, explicitement mentionné par la loi. Enfin, le compte personnel de formation, créé au paragraphe I, pourra servir d'outil de financement de ces prestations.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale n'a pas modifié les dispositions relatives au compte personnel de formation. En revanche, sur un amendement des députés du groupe UDI, elle a précisé le champ d'intervention du conseil en évolution professionnelle en prévoyant qu'il vise prioritairement un objectif de qualification.


• Cet article a été très largement enrichi lors de l'examen du projet de loi en séance publique. Les principes selon lesquels le compte personnel de formation sera organisé, présents dans l'Ani, ont été intégrés au texte :

- comptabilisation en heures ;

- financement de formations à titre individuel ;

- accord exprès du titulaire pour tout débit effectué.

Le service public de l'orientation apportera un appui à tout projet d'utilisation du compte, sans que cela n'entraîne un coût supplémentaire pour la personne. Le financement du compte a été précisé : il comprendra, outre les droits au titre du Dif, des abondements complémentaires, principalement de l'Etat ou des régions, visant notamment à favoriser l'accès à la qualification des personnes qui ont quitté le système scolaire prématurément ou sans diplôme. Il pourra intervenir en complément d'autres dispositifs de formation.

Concernant la traduction concrète de ces règles, la concertation entre les partenaires sociaux, l'Etat et les régions sur la mise en oeuvre du compte devra débuter avant le 1er juillet 2013, tandis qu'avant le 1er janvier 2014 le Parlement devra avoir été informé sur ses modalités de fonctionnement et les conditions de sa substitution au Dif.

Un amendement présenté par les députés membres du groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR) a été adopté afin de prévoir que la stratégie nationale relative à la formation professionnelle tout au long de la vie comporte un volet consacré aux personnes en situation de handicap. Un second amendement des mêmes auteurs vise à rappeler que la formation professionnelle constitue un « élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés ».

Le conseil en évolution professionnelle a, quant à lui, été recentré sur l'amélioration de la qualification des salariés qui en bénéficient et leur progression professionnelle, sans que le compte personnel de formation ait à être mobilisé pour y recourir.

III - Le texte adopté par la commission

1) Une transposition fidèle de l'Ani

Les dispositions de l'article 2 du projet de loi ne s'éloignent pas de celles de l'Ani. Ainsi, le paragraphe I , relatif au compte personnel de formation, est la traduction des trois grandes propriétés que l'article 5 de l'Ani donne à ce compte : il doit être universel, individuel et intégralement transférable. Il n'est pas réservé aux salariés mais est offert à toute personne, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu'à son départ à la retraite. Il lui reste attaché tout au long de son parcours professionnel.

Il en va de même pour le conseil en évolution professionnelle, à qui l'article 16 de l'Ani fixe comme objet l'évolution et la sécurisation professionnelle des salariés à travers une offre de service d'accompagnement « claire, lisible et de proximité ». Le paragraphe II reprend les trois buts de ce service, y ajoutant l'information sur les dispositifs existants en matière de sécurisation des parcours professionnels.

2) Une première étape législative avant une mise en oeuvre soumise à l'achèvement de négociations avec les acteurs concernés

Cet article fait entrer dans le code du travail deux nouveaux droits pour les actifs, en matière de formation et d'évolution professionnelles, promus par les partenaires sociaux. Toutefois, il ne fait que consacrer législativement leurs principes directeurs, sans en détailler la mise en oeuvre concrète. En effet, plusieurs négociations entre l'Etat, les partenaires sociaux et les régions, tous directement concernés dès lors qu'il s'agit de faire évoluer le droit en matière de formation et d'orientation professionnelles, sont nécessaires pour parvenir à définir leurs modalités d'application.

La question de leur articulation avec le droit existant se pose. La création d'un compte individuel de formation est une idée déjà ancienne mais qui est redevenue d'actualité à la suite de la grande conférence sociale de juillet 2012, à l'issue de laquelle le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage a demandé au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie de conduire une réflexion sur sa faisabilité. Dans son rapport rendu le 18 mars 2013, il étudie les différents scenarii envisageables. Ecartant d'emblée l'idée d'un compte qui viendrait remplacer l'ensemble des dispositifs de formation professionnelle actuels, il propose que ce compte prenne la forme d'un réceptacle recevant des abondements selon trois logiques complémentaires :

- l'épargne, soit le versement régulier de crédits horaires en lien avec l'activité professionnelle de la personne, éventuellement complétés par une contribution directe de sa part. C'est ainsi que fonctionne le Dif ;

- la dotation, soit l'abondement, par les pouvoirs publics ou d'autres acteurs, du compte en fonction de facteurs comme la formation initiale de la personne ou l'évolution de son parcours professionnel ;

- le droit de tirage, soit la garantie de l'exercice d'un droit par des financeurs en fonction des priorités définies par ceux-ci. C'est la logique du Cif.

Les partenaires sociaux ont fixé, dans l'article 5 de l'Ani, le cadrage de la négociation à venir : le compte personnel de formation, qui sera comptabilisé en heures, sera abondé annuellement de vingt heures par l'employeur au titre des droits acquis par le salarié. L'utilisation du compte pour financer une formation se fera d'un commun accord entre le salarié et l'employeur tandis que les personnes sorties du système scolaire sans qualification pourront bénéficier d'un compte avant leur premier emploi, à condition qu'il soit financé par l'Etat ou une autre personne publique.

Malgré ces précisions, les négociations à venir devront encore trancher ou inviter le législateur à intervenir sur de nombreux points, parmi lesquels :

- la façon dont ce compte universel, qui concerne potentiellement plus de vingt millions de personnes, sera géré ;

- la répartition des financements et le coût total du dispositif ;

- les modalités de sa substitution au Dif ;

- la place du financeur dans l'élaboration du projet de formation et l'accompagnement que pourra recevoir le salarié durant cette période ;

- les modalités de son utilisation durant les périodes d'activité professionnelle et durant la phase de transition entre deux emplois ;

- l'impact de la prochaine étape de la décentralisation, avec le renforcement des compétences des régions, dans le cadre du service public régional de la formation, envers de nouveaux publics et en matière d'achat de formations ainsi que le développement du service public régional de l'orientation ;

- son rôle dans la consécration d'un droit à la formation initiale différée, en lien avec le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République actuellement soumis au Parlement.

Extrait du projet de loi d'orientation et de programmation
pour la refondation de l'école de la République

L'article 8, dans sa rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, complète l'article L. 122-2 du code de l'éducation par les dispositions suivantes :

« Tout élève qui, à l'issue de la scolarité obligatoire, n'a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles doit pouvoir poursuivre des études afin d'acquérir ce diplôme ou ce titre. »

[...]

« Tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d'une durée complémentaire de formation qualifiante qu'il peut utiliser dans des conditions fixées par décret. »

Il en va de même pour le conseil en évolution professionnelle. L'article 16 de l'Ani stipule qu'il devra être proposé sur chaque territoire, grâce à la coordination des opérateurs publics et paritaires existants dans le champ de l'orientation, de la formation et de l'emploi. Afin de faire en sorte qu'il soit mis en oeuvre le plus rapidement possible, les partenaires sociaux sont convenus que les Fongecif et l'association pour l'emploi des cadres (Apec), organismes paritaires présents dans toute la France et spécialisés dans l'accompagnement des salariés, seraient mobilisés pour assurer l'effectivité de ce nouveau droit.

Néanmoins, de nombreuses questions restent en suspens, en lien notamment avec le futur projet de loi de décentralisation qui doit réformer le service public de l'orientation. L'articulation avec les lieux d'accueil et les réseaux locaux d'organismes labellisés « Orientation pour tous » par le préfet de région, sur la base d'un cahier des charges défini par le délégué à l'information et à l'orientation (DIO), se pose également. Alors que, dans l'état actuel des réflexions du Gouvernement, la compétence en matière d'orientation tout au long de la vie serait régionalisée, l'Etat devra s'assurer qu'un service homogène sera offert sur tout le territoire. Les acteurs potentiellement concernés ne sont pas non plus clairement définis ou énumérés : s'il ne serait sans doute pas opportun de restreindre le champ des organismes susceptibles d'offrir ce conseil en évolution professionnelle, on peut s'interroger sur la possible participation d'organismes publics, en particulier Pôle emploi.

La compétence de Pôle emploi envers les salariés en activité

Article L. 5312-1 du code du travail :

« Une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière a pour mission de :

[...]

2° Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi , à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel, prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et leur promotion professionnelle, faciliter leur mobilité géographique et professionnelle et participer aux parcours d'insertion sociale et professionnelle ; »

Dans ce contexte, votre rapporteur émet le voeu que les négociations rendues nécessaires pour l'application de cet article du projet de loi et des articles 5 et 16 de l'Ani débutent dans les plus brefs délais afin que le législateur puisse ensuite les traduire dans la loi et rendre le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle réellement effectifs pour tous les publics concernés. Les précisions apportées par l'Assemblée nationale sur ce point répondent à ce souhait ; il appartient désormais aux différentes parties de débuter leurs travaux.

3) Les modifications apportées par la commission

Sur proposition de votre rapporteur, plusieurs amendements ont été adoptés à cet article.

Au-delà de ceux dont l'objet était purement rédactionnel, la mission du service public de l'orientation envers celles et ceux qui voudront faire usage de leur compte personnel de formation a été mieux définie. Ce service devra être en mesure d'assurer l'information, le conseil et l'accompagnement de ces personnes.

Enfin, tout en préservant le principe selon lequel la stratégie nationale de formation professionnelle devra comporter un volet consacré aux personnes en situation de handicap, la commission a supprimé plusieurs mentions ne relevant pas du domaine de la loi.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 3 (art. L. 1222-12 à L. 1222-16 [nouveaux] du code du travail) Mobilité volontaire sécurisée

Objet : Cet article ouvre aux salariés d'une entreprise la possibilité de réaliser une période de mobilité volontaire sécurisée au sein d'une autre entreprise, sans rompre leur contrat de travail avec leur employeur initial.

I - Le dispositif proposé

Transposition de l'article 7 de l'Ani du 11 janvier 2013, cet article insère une section nouvelle, composée de quatre articles, dans le chapitre du code du travail relatif à l'exécution et à la modification du contrat de travail.

L'article L. 1222-12 (nouveau) définit le champ d'application de cette procédure de mobilité volontaire sécurisée d'un salarié d'une entreprise à une autre. Tout salarié d'une entreprise ou d'un groupe de plus de trois cents salariés et justifiant d'une ancienneté d'au moins deux ans peut en bénéficier, sous réserve de l'accord de son employeur. Pendant toute la durée de son activité dans une autre entreprise, l'exécution de son contrat de travail d'origine est suspendue.

L'employeur pouvant refuser cette mobilité à son salarié, celui-ci à un accès libre, après deux refus successifs, au Cif sans que les conditions d'ouverture prévues aux articles L. 6322-4 et L. 6322-7 du code du travail (ancienneté et pourcentage de salariés déjà bénéficiaires) ne puissent lui être opposées.

L'article L. 1222-13 (nouveau) précise les modalités de mise en oeuvre de cette période de mobilité. C'est un avenant au contrat de travail qui doit en déterminer l'objet, la durée, la date de prise d'effet et le terme. Il précise également le délai dont dispose le salarié pour informer son employeur s'il ne souhaite pas réintégrer son entreprise d'origine.

L'avenant doit également prévoir les situations et modalités d'un retour anticipé du salarié. Celui-ci reste possible à tout moment avec l'accord de l'employeur.

L'article L. 1222-14 (nouveau) porte sur les droits du salarié au terme de la période de mobilité volontaire sécurisée. A son retour dans l'entreprise d'origine, il doit retrouver son emploi précédent ou un emploi similaire. La qualification et la rémunération doivent être au moins équivalentes. Sa classification est maintenue à titre personnel.

L'article L. 1222-15 (nouveau) traite de la rupture du contrat de travail du salarié lorsqu'il décide de ne pas réintégrer son entreprise à l'issue de sa mobilité. Elle prend la forme d'une démission à laquelle ne s'applique aucun préavis, à l'exception de celui prévu par l'avenant au contrat de travail signé pour permettre cette mobilité.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications à cet article afin de renforcer la protection des salariés et l'information des institutions représentatives du personnel.

Sur proposition de son rapporteur, elle a tout d'abord précisé que le retour anticipé du salarié, selon les modalités fixées par l'avenant à son contrat de travail, doit intervenir dans un délai raisonnable, afin d'éviter qu'il ne puisse rester sans emploi pendant une longue période.

Elle a également créé un article L. 1222-16 nouveau au code du travail, en complément de ceux ajoutés par le projet de loi, en application duquel le comité d'entreprise sera informé par l'employeur semestriellement des demandes de période de mobilité volontaire sécurisée qu'il a reçues et des suites qu'il leur a données.

Enfin, sur proposition des membres du groupe socialiste, la commission a également prévu que le salarié pourra faire part à son employeur au cours de sa mobilité de sa volonté de ne pas réintégrer son entreprise d'origine.


• Aucun amendement n'a été adopté durant l'examen du projet de loi en séance publique.

III - Le texte adopté par la commission

Selon le préambule de l'article 7 de l'Ani, « afin de développer leurs compétences, les salariés souhaitent de plus en plus pouvoir changer d'emploi, mais peuvent y renoncer faute de la sécurisation adaptée ». Les partenaires sociaux signataires de cet accord ont décidé de répondre à ce constat en instituant une période de mobilité permettant à son bénéficiaire de « découvrir un emploi dans une autre entreprise ».

L'article 3 du projet de loi ne trahit pas cette volonté. Il garantit aux salariés volontaires de pouvoir exercer pendant une durée fixée par les parties une activité dans une autre entreprise dans un cadre juridique sécurisé, avec l'assurance de réintégrer leur entreprise d'origine à l'issue de cette période.

Outil innovant de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) pour les entreprises et d'enrichissement des parcours professionnels pour les salariés, la mobilité volontaire sécurisée n'est pas un droit opposable. Elle doit être construite dans la concertation avec l'employeur. Elle n'a pas pour objet, contrairement aux différents mécanismes de la formation professionnelle, l'acquisition d'une qualification.

Elle se distingue des autres périodes que le salarié peut passer en dehors de son entreprise sans rompre son contrat de travail, qui lui sont comparables. Le congé sabbatique, défini aux articles L. 3142-91 à L. 3142-95 du code du travail, s'il emporte bien la suspension du contrat de travail, nécessite une ancienneté de trente-six mois et sa durée plafond est de onze mois. De plus, le salarié ne peut invoquer aucun droit à être réemployé avant l'expiration du congé. Le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif est quant à lui organisé par une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice et par un avenant au contrat de travail du salarié concerné, qui définit notamment le travail qui lui sera confié, mais le contrat de travail de celui-ci n'est pas suspendu.

Dans le cadre de la mobilité volontaire sécurisée, le salarié signera un contrat de travail de droit commun avec l'entreprise qui l'accueille tandis que l'exécution de son contrat de travail d'origine sera suspendue. Le lien avec le premier employeur ne sera donc pas rompu et le salarié conservera des obligations envers lui, comme les obligations de loyauté 20 ( * ) et de discrétion auxquelles tout salarié est soumis. Il restera compté dans les effectifs de l'entreprise, tout en étant comptabilisé dans ceux de l'entreprise d'accueil.

Préservant la liberté des parties, le dispositif de mobilité volontaire sécurisée tel qu'il est instauré par cet article est déjà une réalité dans certaines entreprises, sur une base conventionnelle. Il fait partie des mesures permettant l'anticipation des évolutions de l'activité, des méthodes de production et des métiers. Grâce à lui, les salariés peuvent acquérir des compétences nouvelles, sans qu'elles aient à être sanctionnées par un diplôme, et ensuite les mettre en oeuvre dans leur entreprise d'origine.

Cette période de mobilité ne doit pas être un outil de gestion des effectifs et se substituer à des mesures de gestion des ressources humaines en cas de difficultés économiques, comme le plan de départ volontaire. L'encadrement juridique prévu ne le permettrait d'ailleurs pas. Au contraire, elle permet d'agir préventivement, avant que les mutations économiques ne viennent fragiliser les entreprises. Salariés et employeurs peuvent donc en tirer profit, dans le cadre d'une politique de GPEC véritablement prospective que votre rapporteur appelle de ses voeux.

Seuls des amendements rédactionnels ont été proposés à cet article.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 3 bis (art. L. 2325-28 et L. 2325-29 du code du travail) Faciliter l'accès au logement de certains salariés prioritaires

Objet : Inséré lors de l'examen du texte en séance publique par l'Assemblée nationale, cet article vise à faciliter l'accès au logement de certains salariés, notamment les jeunes de moins de trente ans, les salariés en mobilité et ceux en situation de précarité en ce qui concerne leur hébergement.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Depuis 1953, les entreprises du secteur privé non agricole doivent consacrer une partie de leur masse salariale au financement de la résidence principale des salariés : fixé à l'origine à 1 %, le taux de participation s'établit à 0,45 % depuis 1992. Cette participation des employeurs à l'effort de construction est assurée par l'intermédiaire de différentes structures, les comités interprofessionnels du logement (Cil) chargées à la fois de recueillir ces fonds et de les utiliser pour les missions qui ont été déterminées. « Action logement », anciennement dénommée « 1 % logement », fédère ces structures sur le plan national.

La compétence logement est également exercée au niveau de chaque entreprise. Ainsi, l'article L. 2325-27 du code du travail crée, dans les entreprises de trois cents salariés et plus, des commissions d'information et d'aide au logement des salariés , placées au sein des comités d'entreprise. L'article L. 2325-28 précise les missions de ces commissions : elles facilitent le logement et l'accession des salariés à la propriété et à la location. A cet effet, elles recherchent les possibilités d'offre de logements correspondant aux besoins du personnel et informent les salariés et les assistent dans leurs démarches pour l'obtention d'éventuelles aides financières.

L'article 10 de l'Ani du 11 janvier 2013, intitulé « Faciliter l'accès au logement en mobilisant Action logement », prévoit que « les services et aides bénéficieront prioritairement aux primo-entrants sur le marché du travail, aux salariés sous contrats courts et aux salariés en mobilité professionnelle ».

A l'initiative de son rapporteur, l'Assemblée nationale transpose cette disposition de l'Ani dans le code du travail, en prévoyant que :

- la commission d'information et d'aide au logement « prenne en compte la problématique de l'accès au logement des salariés lors de leur première embauche ou dans le cadre d'une mobilité organisée par l'entreprise » ;

- la liste des personnes prioritaires , qui comprend déjà les pensionnés militaires et civils, les pupilles de la Nation, les internés et déportés de la Résistance et les bénéficiaires d'une rente d'incapacité d'un taux au moins égal à 66 %, soit élargie aux jeunes de moins de trente ans, aux salariés en mobilité professionnelle ainsi qu'aux salariés qui répondent à l'un des critères suivants : dépourvus de logement, menacés d'expulsion sans relogement, hébergés ou logés temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logés dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, logés dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'ils ont au moins un enfant mineur, s'il présente un handicap ou s'il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap.

II - Le texte adopté par la commission

Votre rapporteur soutient l'initiative de l'Assemblée nationale de transposer l'article 10 de l'Ani dans l'article L. 2325-29 du code du travail. A son initiative, la commission a adopté un amendement pour simplifier la rédaction de cet article et ôter de la liste des salariés prioritaires pour l'aide accordée par les entreprises en matière de logement les internés et déportés de la Résistance, dont la mention n'est plus pertinente aujourd'hui à cet égard.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.


* 10 Indicateur statistique habituellement utilisé dans les comparaisons internationales et qui recouvre la consommation de soins hospitaliers, de soins de ville, de transports de malades, de médicaments et d'autres biens médicaux.

* 11 « Panorama de la complémentaire santé collective en France en 2009 et opinions des salariés sur le dispositif », Irdes, Questions d'économie de la santé, n° 181, novembre 2012.

* 12 « Les contrats les plus souscrits auprès des complémentaires santé en 2009 », Etudes et résultats, n° 789, février 2012.

* 13 Rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé, Drees, décembre 2012.

* 14 Les contrats d'assurance maladie relatifs à des opérations collectives à adhésion obligatoire doivent respecter les conditions suivantes : cotisations non fixées en fonction de l'état de santé ; non-prise en charge des participations forfaitaires, des franchises et des majorations liées au non-respect du parcours de soins coordonné.

* 15 Décret n° 90-769 du 30 août 1990 pris pour l'application des articles 4, 9 et 15 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques.

* 16 Cinquième alinéa de l'article L. 932-9 du code de la sécurité sociale.

* 17 Arrêt du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance c/ Beaudout, C-437/09.

* 18 « Les enseignements du régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle », rapport d'information de la commission des affaires sociales, Sénat, n° 443 (2011-2012).

* 19 Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie.

* 20 Cour de cassation, chambre sociale, 30 mars 2005, n° 03-16.167.

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