CHAPITRE II

Entreprises à participation publique
Section 1

Ratification et modification de l'ordonnance n° 2014-948
du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations
sur le capital des sociétés à participation publique

L'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique

L'ordonnance , prise sur le fondement de l'article 10 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, comprend 42 articles et procède à la refonte de l'ensemble du cadre juridique applicable à l'État en tant qu'actionnaire de sociétés commerciales . Le cadre juridique applicable à la gestion des établissements publics industriels et commerciaux reste celui défini par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Cette refonte était devenue indispensable tant les textes législatifs et réglementaires s'étaient empilés depuis trente ans avec les vagues successives de nationalisation puis de privatisation.

L'ordonnance s'applique à toutes les sociétés commerciales dont l'État ou ses établissements publics détiennent, directement ou indirectement, une participation au capital (article 1 er ) . D'après les éléments transmis par l'Agence des participations de l'État, environ 1 300 sociétés, filiales incluses, seraient ainsi concernées.

Le titre II de l'ordonnance prévoit des règles de gouvernance applicables à ces sociétés.

Il rapproche le mode de nomination des administrateurs de celui en vigueur dans le secteur privé . Le nombre de représentants de l'État au sein du conseil sera proportionnel à sa détention capitalistique, ce qui n'était pas le cas auparavant 295 ( * ) . La taille impérative des conseils d'administration ou de surveillance est supprimée. Ils seront désormais composés de trois à dix-huit membres. En revanche, le nombre de sièges réservés aux salariés reste fixé à un tiers des membres du conseil.

L'ordonnance permet également de choisir les administrateurs représentant l'État parmi des personnes qui ne sont pas agents publics. L'Agence des participations de l'État entend ainsi développer un « vivier » d'administrateurs ayant des expériences diversifiées, venant notamment du secteur privé. La rémunération de ces administrateurs est plafonnée à 30 % des jetons de présence, le surplus étant reversé au budget de l'État.

Enfin, la fonction de l'État actionnaire est bien différenciée de celle de l'État régulateur puisqu'un commissaire du Gouvernement peut être nommé et assister aux séances du conseil avec voix consultative pour exposer la « politique du Gouvernement dans le secteur d'activité [concerné] ».

Le titre III de l'ordonnance porte sur les opérations en capital
- acquisitions ou cessions - conduites par l'État
.

S'agissant des acquisitions, celles-ci sont décidées par un décret lorsqu'elles entrainent le transfert de la majorité du capital d'une société au secteur public. Dans les autres cas, elles sont décidées par arrêté du ministre de l'économie. La Commission des participations et des transferts ( cf. infra ) peut être saisie pour donne un avis simple sur le prix d'achat des titres par l'État.

S'agissant des cessions, plusieurs procédures existent en fonction de la taille de l'entreprise et de la part du capital transféré au secteur privé.

Une autorisation législative est nécessaire lorsque l'opération conduit au transfert au secteur privé de la majorité du capital d'une société :

- lorsque la société est entrée dans le secteur public en application d'une disposition législative ;

- lorsque l'État détient directement, depuis plus de cinq ans, plus de la moitié du capital et que :

* ses effectifs, y compris ceux des filiales, sont supérieurs à 1 000 personnes ;

* ou son chiffre d'affaires consolidé avec celui de ses filiales est supérieur à 150 millions d'euros.

C'est en application de ces dispositions que le projet de loi comprend plusieurs articles autorisant des opérations de privatisation.

La cession est effectuée par décret si elle conduit à ramener la participation en-dessous des deux tiers (possibilité de constitution d'une minorité de blocage contre l'État), ou du tiers (perte de la minorité de blocage). Il en va de même si la cession entraîne le transfert de la majorité du capital dans un cas qui ne nécessite pas une autorisation législative. Dans tous les autres cas, elle est effectuée par arrêté , comme ce fut récemment le cas pour la cession de 3,96 % du capital de la société Safran 296 ( * ) .

Enfin, pour l'application de ces dispositifs, il convient de considérer que la cession d'un actif représentant plus de 50 % de l'actif net comptable est équivalente à la cession de la majorité du capital.

De même, une opération d'augmentation de capital qui a des effets identiques à une cession en termes de perte de contrôle doit être décidée dans les formes rappelées ci-dessus.

L'ordonnance procède également à un renforcement du rôle de la Commission des participations et des transferts .

Ce collège indépendant de personnalités qualifiées a pour mission de rendre un avis conforme sur le prix des cessions réalisées par l'État . Le contrôle de la Commission permet d'éviter que l'État ne cède à vil prix ses participations.

Elle est obligatoirement consultée :

- pour toute cession qui n'est pas opérée sur les marchés financiers ;

- pour toute cession opérée sur les marchés financiers et qui réponde aux critères suivants :

* l'État transfère la majorité du capital d'une société au secteur privé ;

* l'État cède au moins 0,5 % du capital d'une société dont l'effectif est supérieur à 1 000 personnes et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros ;

* un établissement public de l'État ou une société dont il est majoritairement actionnaire transfère au secteur privé plus de la moitié du capital d'une société dont l'effectif est supérieur à 1 000 personnes et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros.

Article 43 A (art. L. 225-27-1 et L. 225-79-2 du code de commerce, 1136 du code général des impôts, 4, 6-2, 14, 15 et 17 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public) - Mise en cohérence de différents codes et de la loi du 26 juillet 1983 avec l'ordonnance du 20 août 2014

Dans sa version initiale, l'article 43 du présent projet de loi prévoyait une habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance à diverses corrections et modifications de l'ordonnance n° 2014-948.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'habilitation prévue à l'article 43 a été supprimée. Les modifications envisagées ont été introduites dans le présent projet de loi aux articles 43 A, 43 B et 43 C .

Le présent article procède à différentes coordinations entre les dispositions de l'ordonnance et le code de commerce, le code général des impôts et la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la modernisation du secteur public.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 43 B (art. 7, 8, 16, 22, 23, 24 et 34 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique) - Corrections apportées à l'ordonnance du 20 août 2014

Dans sa version initiale, l'article 43 du présent projet de loi prévoyait une habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance à diverses corrections et modifications de l'ordonnance n° 2014-948.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'habilitation prévue à l'article 43 a été supprimée. Les modifications envisagées ont été introduites dans le présent projet de loi aux articles 43 A, 43 B et 43 C .

Le présent article apporte des corrections à l'ordonnance n° 2014-948 ou bien la complète afin de clarifier le droit applicable, notamment en ce qui concerne les règles de représentation des salariés au sein des organes de gouvernance.

En séance publique, à l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements de précision rédactionnelle et un amendement qui complète l'ordonnance.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 43 CA (art. 21-1 [nouveau] de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique) - Règles de cession de la majorité du capital d'une société cotée

Objet : cet article prévoit que le transfert au secteur privé de la majorité d'une société « s'accompagne des garanties nécessaires à la préservation des intérêts essentiels de la Nation dans les domaines concernés ».

En séance publique, à l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit le présent article qui complète l'ordonnance n° 2014-948 précitée en disposant que « sans préjudice des dispositions particulières de l'article 31-1, toute opération de cession par l'État au secteur privé conduisant à transférer la majorité du capital d'une société s'accompagne des garanties nécessaires à la préservation des intérêts essentiels de la Nation dans les domaines concernés . Le cas échéant, le cahier des charges de l'appel d'offres portant cession du capital intègre cette exigence ».

Votre rapporteur note le caractère extrêmement vague de l'expression « intérêts essentiels de la Nation » qui rend le présent article plus déclamatoire que normatif .

Cette imprécision pourrait même se révéler préjudiciable puisqu'elle fait peser une incertitude juridique sur toutes les opérations de cession . Chacune de ces opérations pourra être contestée devant le juge sur le motif qu'un « intérêt essentiel de la Nation » n'a pas été préservé. Dans un tel cas, la conduite de la société sera fortement perturbée puisque le recours en justice fera peser un doute sur l'identité de son actionnaire majoritaire .

En outre, le présent article fait explicitement référence à l'article 31-1 de l'ordonnance ( cf. infra le commentaire de l'article 44) qui régit le recours par l'État aux actions spécifiques. Une action spécifique est un dispositif juridique précisément encadré qui permet à l'État de préserver ses intérêts dans les matières d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de la défense nationale . Le présent article est donc au mieux redondant avec les dispositions relatives aux actions spécifiques tout en étant moins précis.

Votre commission spéciale a supprimé cet article.

Article 43 C (art. 41 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique) - Encadrement des opérations de privatisation réalisées par les collectivités territoriales et leurs groupements

Objet : cet article encadre les modalités de cession au secteur privé de la majorité d'une entreprise détenue par une collectivité territoriale.

I - Le dispositif proposé

Dans sa version initiale, l'article 43 du présent projet de loi prévoyait une habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance à diverses corrections et modifications de l'ordonnance n° 2014-948.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'habilitation prévue à l'article 43 a été supprimée. Les modifications envisagées ont été introduites dans le présent projet de loi aux articles 43 A, 43 B et 43 C.

Le présent article porte sur l'encadrement des cessions des participations détenues par des collectivités territoriales.

En l'état actuel, le II de l'article 7 de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social prévoit que ces cessions « sont soumises à l'approbation de l'autorité administrative, dans des conditions fixées par les ordonnances mentionnées à l'article 5 ».

Les ordonnances mentionnées n'ont finalement pas été prises. Les conditions de l'approbation de l'autorité administrative ont été définies par les articles 20 à 22 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.

Ainsi, les opérations de cession portant sur des entreprises majoritairement détenues par une collectivité territoriale et dont les effectifs sont supérieurs à 1 000 ou dont le chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros doivent faire l'objet d'une autorisation préalable par décret .

L'article 20 de la loi n° 86-912 précitée dispose que « l'autorisation ne peut être donnée qu'au vu d'un dossier comprenant l'évaluation de la valeur de l'entreprise [...] par des experts indépendants désignés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. [...]

« L'autorisation ne peut être accordée si le prix d'offre ou le prix de cession est inférieur à la valeur fixée par les experts ou si les intérêts nationaux ne sont pas préservés ».

Un avis conforme de la Commission des participations et des transferts - qui fixe alors le prix de cession - est prévu pour les entreprises dont l'effectif dépasse 2 500 personnes ou le chiffre d'affaires 375 millions d'euros.

Les autres opérations font l'objet d'une déclaration préalable au ministre chargé de l'économie, qui peut s'y opposer dans les dix jours.

En l'état actuel, le II de l'article 41 de l'ordonnance n° 2014-948 prévoit le maintien du droit en vigueur - celui issu de la deuxième loi de privatisation de 1986 - pour les opérations de cession des collectivités territoriales.

Le présent article supprime ce II et établit la disposition suivante : « les opérations par lesquelles une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société réalisant un chiffre d'affaire supérieur à 75 millions d'euros ou employant plus de 500 personnes, appréciés sur une base consolidée, font l'objet d'une autorisation préalable de l'État, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État ».

II - La position de votre commission

Il faut d'abord souligner que, d'après les informations transmises à votre rapporteur, ce régime d'autorisation préalable n'a jamais été mis en oeuvre depuis sa création. Il soulève cependant une question au regard de sa constitutionnalité.

En 1986, dans sa décision sur la première loi de privatisation (loi n° 86-793 du 2 juillet 1986), le Conseil constitutionnel avait explicitement jugé que les dispositions encadrant la cession de sociétés par les collectivités territoriales et devant être prises par ordonnance « devront respecter le principe de libre administration de ces collectivités posé par l'article 72 de la Constitution » 297 ( * ) .

Finalement, le Gouvernement fit le choix ne pas prendre d'ordonnance et d'inscrire ces dispositions dans la seconde loi de privatisation (loi n ° 86-912 du 6 août 1986). Or cette dernière n'a pas été déférée devant le Conseil constitutionnel. La conformité du régime en vigueur avec le principe de libre administration des collectivités territoriales n'a donc pas été examinée.

Le régime d'autorisation préalable de 1986 avait pour objet d'empêcher une collectivité territoriale de céder une participation à vil prix , d'où le dispositif très circonstancié prévu par la loi. À l'inverse, le droit proposé par le présent article renvoie toutes les modalités de cette autorisation à un décret en Conseil d'État.

En tout état de cause, le régime de l'autorisation préalable - qu'il s'agisse du droit de 1986 ou du droit proposé - laisse subsister un doute sur le degré d'appréciation en opportunité conféré à l'État et donc sur sa conformité avec le principe de la libre administration des collectivités territoriales.

Afin de lever toute ambiguïté tout en contribuant à protéger le patrimoine des collectivités territoriales, votre rapporteur propose de substituer au régime de l'autorisation préalable un avis conforme de la Commission des participations et des transferts, à l'instar de la pratique suivie pour l'État .

En effet, la Commission a pour seule mission de déterminer la valeur de l'actif cédé et n'émet pas d'avis en opportunité .

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 43 (art. 2 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique) - Ratification et modification de l'ordonnance n° 2014-948

Objet : cet article procède à la ratification de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.

Le I du présent article ratifie l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Conformément à l'article 38 de la Constitution, une ordonnance doit être ratifiée de manière expresse .

Dans sa version initiale, le II du présent article prévoyait une habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance à diverses corrections et modifications rédactionnelles de l'ordonnance n° 2014-948.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'habilitation prévue a été supprimée par la commission spéciale. Les modifications envisagées ont été introduites dans le présent projet de loi aux articles 43 A, 43 B et 43 C.

En séance publique, à l'initiative de nos collègues députés Henri Emmanuelli et Clotilde Valter et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a ajouté un I bis au présent article. Il prévoit que, pour l'application de l'ordonnance, à l'exception du titre II qui concerne la gouvernance des participations, la Caisse des dépôts et consignations est assimilée à un établissement public de l'État .

En effet, plusieurs procédures prévues par l'ordonnance, notamment pour les cessions de participations, dépendent de seuils qui sont calculés en faisant masse des participations détenues par l'État conjointement avec ses établissements publics ou indirectement à travers ces derniers.

Compte tenu de son statut ad hoc , il subsistait une ambiguïté sur le mode de calcul de ces seuils lorsque la Caisse des dépôts détient une participation conjointement avec l'État, que la modification adoptée par l'Assemblée nationale permet de lever.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 43 bis (art. 22 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique) - Abaissement des seuils entraînant la compétence du législateur en cas de privatisation d'une société détenue par l'État

Objet : cet article abaisse de moitié les seuils entraînant la compétence du législateur pour autoriser la privatisation d'une entreprise détenue par l'État.

I - Le dispositif proposé

L'article 22 de l'ordonnance n° 2014-948 précitée prévoit que la cession de la majorité d'une société au secteur privé est autorisée par le législateur si l'État détient depuis plus de cinq ans la moitié du capital et si ses effectifs sont supérieurs à 1 000 ou si son chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, les seuils d'effectif et de chiffre d'affaires visés à l'article 22 de l'ordonnance ont été diminués de moitié, soit 500 personnes ou 75 millions d'euros.

II - La position de votre commission

D'après les informations transmises à votre rapporteur, l'abaissement des seuils à l'article 22 de l'ordonnance conduit à faire rentrer dans le champ de compétence du législateur trois sociétés supplémentaires : la Société de financement local (SFIL), la Semmaris (qui gère la concession du marché de Paris-Rungis) et l'Aéroport de Marseille-Provence.

Le présent article conduit à étendre l'autorisation parlementaire, si une privatisation devait être envisagée, à des sociétés importantes au regard de la sensibilité de leur activité. Elle est donc bienvenue.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 43 ter (art. 26 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique) - Abaissement des seuils entraînant la compétence de la Commission des participations et des transferts en cas de transferts de participations au secteur privé

Objet : cet article abaisse les seuils entraînant la compétence de la Commission des participations et des transferts.

I - Le dispositif proposé

Par analogie avec les modifications apportées par l'article 43 bis du présent projet de loi, la commission spéciale de l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, a diminué de moitié les seuils entraînant la compétence de la Commission des participations et des transferts.

Comme à l'article 43 bis , ils sont réduits de moitié et s'établissent respectivement à 500 personnes ou 75 millions d'euros.

II - La position de votre commission

Le présent article est cohérent avec l'article 43 bis du présent projet de loi, qui a été adopté par votre commission.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 43 quater (art. 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public) - Modalités de désignation des administrateurs des établissements publics

Objet : cet article permet que l'État nomme dans les conseils d'administration ou de surveillance des établissements publics industriels et commerciaux des personnalités qualifiées « ayant une connaissance des problématiques liées à l'innovation et au développement d'entreprises innovantes » .

I - Le dispositif proposé

La loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public régit les établissements publics industriels et commerciaux de l'État.

Son article 5 dispose notamment que « le conseil d'administration ou de surveillance comprend : [...]

« 2° des personnalités choisies, soit en raison de leur compétence technique, scientifique ou technologique, soit en raison de leur connaissance des aspects régionaux, départementaux ou locaux des activités en cause, soit en raison de leur connaissance des activités publiques et privées concernées par l'activité de l'entreprise, soit en raison de leur qualité de représentants des consommateurs ou des usagers , nommées par décret pris, le cas échéant, après consultation d'organismes représentatifs desdites activités ».

En séance publique, à l'initiative de notre collègue député Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit le présent article qui ajoute à la liste des personnalités pouvant être choisies en raison de leur compétence celles qui ont une « connaissance des problématiques liées à l'innovation et au développement d'entreprises innovantes ».

II - La position de votre commission

Cette disposition s'inspire des conclusions d'un rapport d'information sur le développement de l'économie numérique française 298 ( * ) présenté par nos collègues députées Corinne Erhel et Laure de la Raudière.

En tout état de cause, le présent article ne fait qu'offrir à l'État une faculté supplémentaire de choix pour la nomination des personnalités qualifiées.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .

Article 44 (art. 31-1 [nouveau] de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique) - Mise en conformité du droit applicable aux actions spécifiques avec le droit européen

Objet : cet article procède à la refonte du régime juridique applicable aux « actions spécifiques » par lesquelles l'État détient des pouvoirs exorbitants du droit commun dans certaines entreprises stratégiques.

I - Le dispositif proposé

L'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités de privatisation prévoit la possibilité pour l'État de convertir une action ordinaire en une « action spécifique » qui lui donne des droits exorbitants du droit commun.

Ainsi, les droits attachés à une action spécifique permettent à l'État :

- de s'opposer à la montée au capital d'un investisseur français ou étranger ;

- de nommer au conseil d'administration ou de surveillance un ou deux administrateurs sans voix délibérative ;

- de s'opposer à toute cession ou affectation à titre de garantie d'actifs qui serait de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux.

Les actions spécifiques détenues par l'État

Thales (décret n° 97-190 du 4 mars 1997 instituant une action spécifique de l'État au capital de Thomson CSF)

L'État dispose des droits et obligations suivants :

i. Approbation préalable par le ministre chargé de l'économie de tout franchissement à la hausse des seuils de détention directe ou indirecte de titres du dixième ou d'un multiple du dixième du capital ou des droits de vote de la société.

Tous les franchissements de seuil ont reçu l'approbation du ministre (montée de Dassault Aviation au capital de Thales en 2009).

ii. Nomination d'un représentant de l'État au conseil d'administration sans voix délibérative ;

iii. Droit d'opposition aux décisions de cession ou d'affectation à titre de garantie des actifs stratégiques définis par le décret.

Aucun veto n'a été notifié depuis la création de cette action spécifique.

Herakles , filiale de Safran (décret n° 2011-268 du 14 mars 2011 instituant une action spécifique de l'État au capital de SNPE Matériaux Énergétiques)

L'État dispose des droits et obligations suivants :

i. Approbation préalable par le ministre chargé de l'économie de tout franchissement à la hausse des seuils de détention directe ou indirecte de titres représentant le tiers ou la majorité du capital ou des droits de vote de la société ;

Tous les franchissements de seuil ont reçu l'approbation du ministre (création d'Herakles en 2011 par rachat de SPS par SNPE ME).

ii. Nomination d'un représentant de l'État au conseil d'administration sans voix délibérative ;

iii. Droit d'opposition aux décisions de cession ou d'affectation à titre de garantie des actifs stratégiques définis par le décret.

Aucun veto n'a été notifié depuis la création de cette action spécifique.

GDF-Suez (décret n° 2007-1790 du 20 décembre 2007 instituant une action spécifique de l'État au capital de Gaz de France SA)

L'État dispose des droits et obligations suivants :

i. Droit d'opposition aux décisions de cession ou d'affectation à titre de garantie des actifs stratégiques suivants : canalisations de transport de gaz naturel situées sur le territoire national ; actifs liés à la distribution de gaz naturel situés sur le territoire national ; stockages souterrains de gaz naturel situés sur le territoire national ; installations de gaz naturel liquéfié situées sur le territoire national.

Aucun veto n'a été notifié depuis la création de cette action spécifique.

Source : Agence des participations de l'État

Le présent article introduit un nouvel article 31-1 au sein de l'ordonnance n° 2014-948, qui modernise le cadre juridique applicable aux actions spécifiques, et abroge l'article 10 de la loi du 6 août 1986 précité.

Ces dispositions n'ont pas été intégrées à l'ordonnance dès sa publication car l'habilitation législative sur le fondement duquel elle a été prise ne le permettait pas.

A. Un encadrement strict par le droit européen

Les actions spécifiques sont des mesures restrictives à la liberté d'établissement ou de circulation des capitaux qui, en tant que telles, sont sévèrement encadrées par le droit européen et par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

Le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne autorise cependant quelques restrictions. En matière de liberté d'établissement, il est possible de prévoir des mesures spécifiques pour les ressortissants étrangers « justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique » (article 52 du Traité). En matière de liberté de circulation des capitaux, l'article 65 du Traité stipule que les États membres ont le droit de prendre des « mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique ».

Enfin, l'article 346 du Traité autorise tout État membre à « prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires ».

En outre, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré que des « raisons impérieuses d'intérêt général » pouvaient justifier des restrictions à la liberté de circulation des capitaux. Dans ce cas cependant, « la réglementation nationale doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint, en vue de répondre au critère de proportionnalité » 299 ( * ) .

B. Un cadre juridique adapté à la marge

Le nouvel article 31-1, introduit dans l'ordonnance n° 2014-948, diverge à la marge du droit actuellement applicable.

Tout d'abord, le droit actuel fait référence à « la protection des intérêts nationaux » tandis que le nouvel article 31-1 prévoit qu'une action spécifique peut être créée si « la protection des intérêts essentiels du pays en matière d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale » l'exige. Cette formulation est plus conforme au droit européen.

De même, afin de respecter la jurisprudence européenne, le nouvel article 31-1 précise que « les droits pouvant être attachés à une action spécifique [sont] définis dans chaque cas de façon à être nécessaires, adéquats et proportionnés aux objectifs poursuivis ».

Les trois catégories de droits attachés à une action spécifique demeurent inchangées.

Dans le droit actuel, les seuils, (calculés en pourcentage du capital ou des droits de vote) à partir desquels le ministre de l'économie doit émettre un avis préalable avant tout franchissement par un investisseur, sont fixés par le décret qui institue l'action spécifique. Le nouvel article 31-1 précise que ces seuils doivent être un des onze seuils mentionnés à l'article L. 233-7 du code de commerce, calculés en pourcentage du capital ou des droits de vote, allant de 5 % à 95 %.

À l'instar du droit existant, il est prévu qu'un « seuil particulier peut être fixé pour les participations prises par des personnes étrangères ou sous contrôle étranger ».

Dans tous les cas, l'agrément ne peut être refusé que « si l'opération en cause est de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays qui ont justifié la création de l'action spécifique ». Le refus d'agrément doit donc être une décision objective et non discriminatoire conformément à la jurisprudence européenne.

Afin de respecter le principe de stricte nécessité de la mesure dérogatoire, le nombre d'administrateurs sans voix délibérative pouvant être nommés au sein du conseil d'administration ou de conseil de surveillance est ramené à un seul (contre un ou deux dans le droit existant). En effet, dès lors que le représentant de l'État ainsi nommé n'a pas de voix délibérative, un seul administrateur suffit.

Enfin, la possibilité de s'opposer à la cession ou à l'affectation à titre de garantie d'un actif n'est pas modifiée.

Le nouvel article 31-1 reprend la disposition existante selon laquelle, « l'institution [d'une] action spécifique produit ses effets de plein droit. Hormis les cas où l'indépendance nationale est en cause, l'action spécifique peut à tout moment être définitivement transformée en action ordinaire par décret ».

Le II du nouvel article 31-1 reprend des dispositions législatives et réglementaires existantes 300 ( * ) .

Il prévoit que lorsque des prises de participations ont été effectuées en méconnaissance de l'obligation d'obtenir un agrément préalable du ministre de l'économie, les détenteurs des titres sont privés de leurs droits de vote (pour la partie des titres acquise en contravention avec la législation). Le ministre de l'économie informe le président de l'organe délibérant de la société qui, lui-même, doit informer la prochaine assemblée générale des actionnaires.

Dans le droit actuel, les titres ainsi acquis doivent être revendus dans un délai de trois mois, délai au-delà duquel il est procédé à leur vente forcée.

Afin de se conformer à la jurisprudence européenne au regard de la proportionnalité des mesures dérogatoires, le nouvel article 31-1 limite cette obligation de vente dans un délai de trois mois et, éventuellement, de vente forcée aux seuls titres des entreprises « dont l'activité relève des intérêts essentiels de la défense nationale ou de ceux mentionnés à l'article 346 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne » 301 ( * ) .

La vente forcée intervient après information du président de la société et le produit net de la vente des titres est tenu à disposition de leurs anciens détenteurs.

Le III permet qu'une action spécifique puisse être créée dans les entreprises détenues indirectement par l'État au travers de ses établissements publics ou de sociétés.

Enfin, le IV du nouvel article 31-1 prévoit que, en cas de scission ou de fusion d'une entreprise pour laquelle une action spécifique a été instituée, un décret procède à la transformation de ladite action spécifique en action ordinaire puis, dans les dix jours suivant l'opération, une nouvelle action spécifique doit être recréée au titre de la nouvelle entité (fusionnée ou scindée). Le même IV précise que « les droits attachés à cette action spécifique ne peuvent excéder ceux attachés à celle qu'elle remplace ».

C. Des dispositions transitoires

Tout d'abord, le II du présent article prévoit que les actions spécifiques existantes restent en vigueur à la date de publication de la présente loi.

Le V du présent article abroge l'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Le II de cet article 10 reste toutefois applicable « aux sociétés dans lesquelles ont été instituées des actions spécifiques », de sorte que les prises de participations par des personnes étrangères excédant 5 % sont soumises à agrément du ministre de l'économie.

Enfin, les III, IV et VI du présent article procèdent à différentes coordinations avec les dispositions législatives en vigueur, applicables respectivement aux sociétés GDF-Suez, DCNS et SNPE.

À l'initiative de notre collègue députée Clotilde Valter, rapporteure thématique, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a adopté dix amendements de précision rédactionnelle ainsi qu'un amendement apportant une précision sur le moment auquel la transformation de l'action ordinaire en action spécifique doit intervenir. Un amendement de nature rédactionnelle a également été adopté en séance publique.

II - La position de votre commission

Les actions spécifiques constituent un élément indispensable du maintien de notre souveraineté nationale dans une économie ouverte. À ce jour, deux actions spécifiques concernent la défense nationale et une l'approvisionnement énergétique, pour lesquelles le ministre de l'économie n'a pas eu à utiliser son droit de veto.

Le droit applicable à ces actions était devenu partiellement obsolète du fait de l'évolution du droit européen . Il importe donc de le moderniser et, par ailleurs, de l'intégrer à l'ordonnance n° 2014-948 qui devient le texte unique de référence pour le droit applicable aux sociétés dans lesquelles l'État est actionnaire.

À l'initiative de votre rapporteur, la commission a d'abord adopté un amendement procédant à plusieurs corrections rédactionnelles. Un amendement renvoyant au pouvoir réglementaire les modalités de la vente forcée de titres a également été adopté.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié .


* 295 La représentation de l'État était limitée à un tiers des membres du conseil dans les sociétés où il possédait plus de 90 % du capital.

* 296 Arrêté du 4 mars 2015 fixant le prix et les modalités d'attribution d'actions de la société Safran.

* 297 Décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986.

* 298 Assemblée nationale, rapport d'information n° 704, déposé par la commission des affaires économiques sur le développement de l'économie numérique française et présenté par Mmes Corinne Erhel et Laure de la Raudière, 14 mai 2014.

* 299 Arrêt du 2 juin 2005, Commission/Italie, C-174/04.

* 300 Décret n° 86-1141 du 25 octobre 1986 pris pour l'application de l'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations.

* 301 Article 346 : « intérêts essentiels [...] qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre ».

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