Section 6 - Amélioration du dispositif de sécurisation de l'emploi

Article 98 A (nouveau) (art. L. 5125-1, L. 5125-2 et L. 5125-4 à L. 5125-6 du code du travail) - Assouplissement des conditions de conclusion des accords de maintien de l'emploi et création des accords de développement de l'emploi

Objet : cet article additionnel, introduit par votre commission spéciale à l'initiative de votre rapporteur, assouplit les conditions de conclusion des accords de maintien de l'emploi et crée des accords de développement de l'emploi soumis aux mêmes règles.

Instaurés par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi 535 ( * ) , les accords de maintien de l'emploi n'ont pas rencontré le succès attendu puisque seulement six ou sept auraient été conclus .

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission spéciale a adopté un amendement portant article additionnel qui vise à assouplir les conditions de conclusion de ces accords « défensifs » , tout en créant des accords « offensifs » pour développer l'emploi dans les entreprises, ces deux accords relevant désormais d'un régime juridique unique dérogatoire au droit commun de la négociation collective. L'objectif est de supprimer les nombreux verrous législatifs qui ont entravé le développement de ces accords, afin d'apporter une véritable flexibilité interne aux entreprises.

L'article supprime diverses obligations formelles pesant sur ces accords comme :

- la clause relative aux « graves difficultés économiques conjoncturelles » qui conditionne l'existence même des accords ;

- le diagnostic préalable analysé avec les organisations syndicales représentatives de salariés ;

- les conditions dans lesquelles les dirigeants et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés ;

- la durée maximale de deux ans (la durée de validité de l'accord sera désormais librement fixée par les signataires) ;

- la clause pénale obligatoire en cas de non-respect des obligations de l'employeur 536 ( * ) ;

- la procédure de référé devant le président du tribunal de grande instance l'autorisant à suspendre voire à résilier l'accord.

Cet article 98 A prévoit en outre qu'à défaut d'un accord conclu avec les délégués syndicaux ou des salariés mandatés, l'accord peut être conclu directement avec les représentants du personnel, ou approuvé par les salariés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, dans le respect des principes généraux du droit électoral.

Toutefois, il ne remet pas en cause :

- les règles de l'ordre public social auxquelles il ne peut être dérogé (durée maximale du travail, repos quotidien, congés payés, etc.) ;

- le motif économique du licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié qui refuse l'application de l'accord.

Votre commission spéciale a adopté cet article additionnel.

Article 98 (art. L. 1233-5 du code du travail) - Périmètre d'application des critères relatifs à l'ordre des licenciements dans un plan de sauvegarde de l'emploi

Objet : cet article autorise les employeurs qui définissent unilatéralement un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) à fixer le périmètre d'application des critères relatifs à l'ordre des licenciements à un niveau qui ne peut être inférieur à la zone d'emploi d'un établissement.

Le plan de sauvegarde de l'emploi et les modifications
apportées par la loi de sécurisation de l'emploi


• Le licenciement économique désigne toute rupture du contrat de travail , à l'initiative de l'employeur, reposant sur un motif non inhérent à la personne du salarié.

Le motif économique peut donc résulter :

- d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ;

- d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail pour raisons économiques ;

- de difficultés économiques de l'entreprise ;

- de la sauvegarde de sa compétitivité ;

- de sa cessation d'activité.


• Communément appelé « plan social », le plan de sauvegarde de l'emploi n'est obligatoire que dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés qui licencient, sur une même période de trente jours , dix salariés ou plus .

Il présente toutes les mesures destinées à éviter les licenciements pour motif économique ou en limiter le nombre. Une attention particulière doit être accordée à certaines catégories de personnel : les salariés âgés et ceux qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.

Concrètement, un PSE peut comprendre les mesures suivantes :

- des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;

- des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ;

- des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;

- des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;

- des actions de formation , de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;

- la réduction ou l'aménagement du temps de travail ainsi que, sous conditions, des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires.


• La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 précitée n'a pas modifié le contenu du PSE, mais a apporté les modifications suivantes :

- l'employeur peut désormais conclure un accord d'entreprise « majoritaire » pour définir le contenu du plan ;

- les délais de consultation du comité d'entreprise sont simplifiés ;

- les prérogatives de l'administration du travail sont renforcées , car elle doit dorénavant valider les accords sur le PSE ou homologuer les documents unilatéraux de l'employeur, dans des délais légaux respectivement de quinze et vingt-et-un jours ;

- la législation tient compte des spécificités des redressements et liquidations judiciaires ;

- enfin, le juge administratif est désormais compétent pour contrôler ces nouvelles décisions administratives relatives à l'aspect collectif et formel du licenciement économique, tandis que le juge prud'homal demeure compétent pour les recours individuels des salariés licenciés pour motif économique, notamment pour statuer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Source : commission spéciale du Sénat

I - Le dispositif proposé

Selon l'article L. 1233-5 du code du travail, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il doit définir les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements , après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte :

- les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

- l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

- la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

- les qualités professionnelles appréciées par catégories de personnel.

Le périmètre d'application de l'ordre des licenciements est en principe constitué par l'ensemble des salariés de l'entreprise qui relèvent d'une même catégorie professionnelle , caractérisée par l'exercice de fonctions de même nature exigeant une formation commune.

Proche d'une jurisprudence de la Cour de cassation 537 ( * ) , l'article 20 de la loi du 14 juin 2013 précitée a indiqué que l'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères légaux. Cette même loi, à travers l'article L. 1233-24-2 du même code, a autorisé l'accord collectif définissant le PSE à modifier la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements.

Le présent article, dans sa version initiale, a complété ces dispositions par un alinéa précisant que pour les entreprises soumises à l'obligation d'établir un PSE, le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé à un niveau inférieur à celui de l'entreprise .

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Un amendement du rapporteur général et des rapporteurs thématiques adopté en commission spéciale a précisé que, dans l'hypothèse où le PSE était défini par un document unilatéral de l'employeur, le périmètre d'appréciation de l'ordre des licenciements ne pouvait être inférieur à celui de chaque zone d'emploi , au sens de l'Insee, dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois.

La zone d'emploi au sens de l'Insee

Selon l'Insee, une zone d'emploi est un « espace géographique à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l'essentiel de la main d'oeuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ». Leur élaboration découle des données de flux de déplacements domicile-travail collectées lors des recensements de la population.

Établi pour la première fois en 1983-84, l'atlas des zones d'emploi a été actualisé en 2010. Ainsi, au 1 er juillet 2011, la France comptait 322 zones d'emploi , y compris les départements d'outre-mer (dont Mayotte).

Près de la moitié de la population française réside dans les quarante zones d'emploi les plus peuplées .

Ce zonage peut guider la délimitation de territoires pour la mise en oeuvre des politiques territoriales initiées par les pouvoirs publics ou les acteurs locaux.

Source : commission spéciale du Sénat

Aucun amendement n'a été adopté en séance publique.

III - La position de votre commission

Au préalable, votre rapporteur souhaite indiquer qu'il existe, selon certains praticiens du droit du travail et certains tribunaux, dans le cadre du droit actuel, une incertitude sur la possibilité pour l'employeur d'appliquer les critères d'ordre des licenciements dans le cadre d'un PSE à un niveau inférieur à celui de l'entreprise. Cette interprétation, qui n'est pas partagée par les services du ministère du travail 538 ( * ) , se fonde sur les jugements du tribunal administratif de Cergy-Pontoise 539 ( * ) et de la cour administrative d'appel de Versailles 540 ( * ) qui ont estimé, dans l'affaire Mory-Ducros, que l'employeur ne pouvait unilatéralement instituer un PSE qui prévoit un périmètre inférieur à celui de l'entreprise. Or cette interdiction peut aboutir à des situations ubuesques , préjudiciables aux salariés comme à l'employeur. En effet, une entreprise qui dispose par exemple d'un établissement en difficulté à Lille, nécessitant un PSE, et d'un autre florissant à Marseille, devrait dans cette hypothèse appliquer un ordre des licenciements spécifique à chaque catégorie socio-professionnelle mais commun à ces deux sites. Le risque est alors que l'application de ces critères aboutisse à supprimer des postes à Marseille, et que les salariés de Lille soient in fine licenciés après avoir refusé les postes devenus vacants à Marseille.

Votre rapporteur considère toutefois que la version initiale du projet de loi n'était guère satisfaisante , car elle ne fixait aucune limite à l'employeur qui souhaitait appliquer l'ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l'entreprise. Rien ne l'aurait en effet empêché d'appliquer cet ordre au niveau d'un atelier, d'un service voire d'une équipe, ce qui aurait été contraire au principe d'objectivité dans le choix et l'application des critères de licenciement dans le cadre d'un PSE.

Le choix de l'Assemblée nationale de retenir comme plancher le niveau de la zone d'emploi au sens de l'Insee constitue, aux yeux de votre rapporteur, un compromis acceptable entre l'échelon de l'entreprise et celui de l'établissement . Si deux établissements appartiennent à une même zone d'emploi, l'employeur pourra appliquer un ordre des licenciements commun à ces deux établissements, car les salariés d'un établissement pourront éventuellement, avec un temps de transport raisonnable, pourvoir des postes dans l'autre entité, devenus vacants en raison de l'application de cet ordre. Cette faculté ne sera pas offerte à l'employeur si les établissements n'appartiennent pas à une même zone d'emploi. Si un seul établissement se trouve sur le territoire de la zone d'emploi, l'employeur pourra appliquer les critères d'ordre du licenciement au niveau de cette entité, mais pas à un niveau inférieur. Ce faisant, la législation continue d'attribuer une sorte de « prime » aux accords collectifs car seule cette voie permet à l'employeur d'appliquer ces critères à un niveau inférieur à l'établissement.

Au final, malgré le caractère inhabituel de l'introduction dans le code du travail d'une notion issue de la statistique publique, votre rapporteur approuve cette disposition, qui offre à l'employeur davantage de souplesse, sans toutefois encourir le risque d'un « ciblage » des salariés à un niveau inférieur à l'établissement . Votre rapporteur souhaite d'ailleurs que cette notion de zone d'emploi soit reprise expressément par la jurisprudence judiciaire lorsqu'elle a à connaître des contentieux liés à la mobilité des salariés, afin de ne pas multiplier les notions concurrentes en droit du travail (bassin d'emploi, zone géographique d'emploi du salarié pour l'accord de mobilité interne, zone d'emploi, etc.)

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 99 (art. L. 1233-53 du code du travail) - Correction d'une erreur matérielle

Objet : cet article vise à corriger une erreur matérielle dans l'article du code du travail qui traite des prérogatives de contrôle reconnues à l'administration en cas de licenciement économique collectif, hors procédure de PSE.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1233-53 du code du travail définit l'étendue du contrôle par l'autorité administrative des projets de licenciement économique qui concernent :

- les entreprises de moins de cinquante salariés ;

- ainsi que celles de cinquante salariés et plus lorsque le projet de licenciement concerne moins de dix salariés dans une même période de trente jours.

En l'occurrence, l'administration vérifie, dans un délai de vingt et un jours à compter de la date de la notification du projet de licenciement, que :

- les représentants du personnel ont été informés, réunis et consultés conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur ;

- les obligations relatives à l'élaboration des mesures sociales en vue d'éviter ou de limiter le nombre de licenciements ont été mises en oeuvre.

Le projet de loi maintient ces dispositions, mais supprime du champ d'application de l'article L. 1233-53 les projets de licenciement qui concernent moins de dix salariés dans une même période de trente jours dans les entreprises de cinquante salariés et plus.

En effet, il s'agit là d'une erreur matérielle car la loi du 14 juin 2013 précitée n'avait pas pour objet de modifier les règles relatives aux « petits licenciements économiques » (entre deux et neuf salariés sur une période de moins de trente jours) dans les entreprises employant plus de cinquante salariés. Ces règles sont régies par une section spécifique du code du travail, qui regroupe les articles L. 1233-8 à L. 1233-20.

Aucun amendement n'a été adopté par l'Assemblée nationale sur cet article.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur n'a pas d'observation à formuler sur cet article qui corrige une erreur matérielle dans le code du travail.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 100 (art. L. 1233-4 et L. 1233-4-1 du code du travail) - Aménagement des règles relatives aux offres de reclassement à l'étranger

Objet : cet article pose comme principe que l'employeur, avant un licenciement économique, doit proposer des offres de reclassement pour des emplois situés sur le territoire national, dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie, le salarié dont le licenciement est envisagé ayant accès, à sa demande, à la liste précise des offres d'emploi situées hors du territoire national.

I - Le dispositif proposé

Le I de cet article modifie l'article L. 1233-4 du code du travail, relatif aux offres de reclassement qui doivent être obligatoirement proposées avant tout un licenciement pour motif économique.

Le texte en vigueur prévoit que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé n'a pu être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Il indique que le reclassement du salarié doit s'effectuer sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Il dispose enfin que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.

Le présent article maintient ces dispositions mais précise que les offres de reclassement doivent concerner des emplois disponibles situés sur le territoire national , dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le II de cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1233-4-1 du même code, qui porte sur les droits des salariés à l'égard des offres de reclassement à l'étranger .

Le texte en vigueur indique que, lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national , l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de France , dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation.

Il dispose également que le salarié doit manifester son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus.

Enfin, il prévoit que les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir.

La nouvelle rédaction proposée par le présent article indique que le salarié dont le licenciement est envisagé a accès sur sa demande à la liste précise des offres d'emploi situées hors du territoire national disponibles dans l'entreprise ou dans les autres entreprises du groupe auquel elle appartient. En outre, le projet de loi renvoie à un décret le soin de préciser les modalités d'application de l'article L. 1233-4-1.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre des amendements rédactionnels, un amendement du rapporteur général et des rapporteurs thématiques, adopté en commission spéciale, a réécrit l'article L. 1233-4-1 du code du travail, en vue de simplifier la procédure actuelle , tout en garantissant les droits des salariés. La nouvelle rédaction propose en effet que si l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Le salarié doit alors préciser dans sa demande les restrictions éventuelles qu'il souhaite voir appliquer aux offres de reclassement, en matière de localisation et de rémunération notamment. L'employeur est alors obligé de transmettre au salarié concerné les offres correspondantes, qui doivent être écrites et précises.

En séance publique, outre un amendement rédactionnel, un amendement du rapporteur général et des rapporteurs thématiques a été adopté, indiquant que le décret devra préciser les modalités d'information du salarié sur la possibilité de demander des offres de reclassement hors du territoire national.

III - La position de votre commission

Votre rapporteur considère que le choix de donner au salarié, et non plus à l'employeur, la responsabilité d'initier la procédure de recherche d'offres de reclassement à l'étranger constitue une mesure de souplesse pour les entreprises, qui ne remet pas en cause les droits des salariés. Il convient de rappeler que cette obligation est aujourd'hui souvent purement formelle, la très grande majorité des salariés licenciés pour motif économique ne souhaitant pas travailler à l'étranger.

Le projet de loi prévoit que l'employeur devra informer les salariés dont le licenciement est envisagé qu'ils ont le droit de demander la liste des offres d'emploi à l'étranger. Mais si aucun salarié ne le demande, ou seulement un faible nombre, l'employeur s'épargnera, grâce au présent article, des démarches inutiles, et pourra d'ailleurs se concentrer sur les demandes des salariés véritablement intéressés par un emploi à l'étranger.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 101 (art. L. 1233-58 du code du travail) - Aménagements des règles relatives au contrôle par l'administration du plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire

Objet : cet article, qui concerne les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, indique que l'autorité administrative chargée d'homologuer un plan de sauvegarde de l'emploi doit examiner son contenu en fonction des moyens dont dispose l'entreprise.

I - Le dispositif proposé

Le présent article modifie l'article L. 1233-58 du code du travail qui définit les règles à suivre en cas de licenciements économiques dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire .

En particulier, le II de l'article L. 1233-58 précise l'étendue du contrôle exercé par l'administration sur l'accord collectif majoritaire ou le document unilatéral de l'employeur (ou, le cas échéant, de l'administrateur ou du liquidateur), définissant le plan de sauvegarde de l'emploi .

Au préalable, il convient de rappeler que l'un des apports essentiels de la loi du 14 juin 2013 précitée a été de permettre à un accord collectif de déterminer le contenu du PSE, à condition d'être signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles 541 ( * ) . L'accord peut comporter un volet facultatif , relatif aux modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements (comme la pondération et le critère d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, ou encore les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement 542 ( * ) ). A défaut d'accord collectif majoritaire , l'employeur demeure libre d'élaborer unilatéralement un document définissant le contenu du PSE 543 ( * ) , qui doit alors être assorti des dispositions relatives aux modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements.

L'autorité administrative valide l'accord collectif majoritaire 544 ( * ) dans un délai de quinze jours après s'être assurée que :

- l'accord a été valablement signé ;

- les mesures du volet facultatif respectent le cadre légal ;

- l'accord ne prévoit pas de dérogations interdites par le code du travail (il ne doit pas remettre en cause l'effort de formation, d'adaptation et de reclassement des salariés, les principes généraux d'information et de consultation du comité d'entreprise, et il doit proposer le cas échéant aux salariés le contrat de sécurisation professionnelle) ;

- la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a été régulière ;

- le contenu du PSE répond aux prescriptions légales ;

- les obligations pour l'employeur de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement , issues de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle (informations à l'égard des salariés, du comité d'entreprise, de l'autorité administrative et des candidats éventuels à la reprise) ont été respectées.

Cette même autorité homologue le document unilatéral de l'employeur portant PSE après avoir procédé à des vérifications similaires à celles prévues pour l'accord collectif majoritaire, dans un délai de vingt et un jours après réception du document complet 545 ( * ) . Cependant, son contrôle du contenu même du PSE est plus poussé puisqu'elle vérifie notamment l'adéquation du PSE avec les moyens dont dispose l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, les mesures d'accompagnement compte tenu de l'importance du projet de licenciement, ou encore l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

Les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire ne sont pas concernées par :

- les délais de droit commun imposés à l'administration pour rendre sa décision 546 ( * ) (qu'il s'agisse d'une décision de validation ou d'homologation, l'administration dispose de huit jours en cas de redressement et de quatre jours en cas de liquidation ) ;

- l'obligation de porter à la connaissance des salariés la décision de l'administration.

En revanche, quelle que soit la situation de l'entreprise 547 ( * ) :

- l'administration doit motiver sa décision , puis la notifier au comité d'entreprise, et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives qui en sont signataires ;

- le silence gardé par l'autorité administrative vaut décision d'acceptation de validation ou d'homologation 548 ( * ) .

Pour mémoire, parmi les quelques mille PSE mis en oeuvre chaque année en France, un tiers environ s'applique à des entreprises en difficulté . Parmi les refus d'homologation ou de liquidation, un tiers également concerne ces entreprises. Par ailleurs, parmi les 75 plans ayant fait l'objet d'une contestation devant le juge administratif depuis le 1 er juillet 2013, 29 concernaient des entreprises en redressement, et 17 des entreprises en liquidation.

Le projet de loi maintient les dispositions du premier alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail , mais il insère à sa suite deux alinéas afin d'assouplir la portée du contrôle par l'administration des PSE concernant les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire .

Le premier alinéa prévoit que par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, selon lequel l'autorité administrative chargée d'homologuer un PSE doit examiner les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, celle-ci contrôle le plan uniquement en fonction des moyens dont dispose l'entreprise en redressement ou liquidation judiciaire .

Le second alinéa indique que, par dérogation aux dispositions de l'article L. 1233-4, l'obligation de formation, d'adaptation et de reclassement doit également être mise en oeuvre au niveau de l'entreprise. Mais si celle-ci appartient à un groupe, il revient à l'employeur, à l'administrateur ou au liquidateur de solliciter les autres entreprises du groupe afin d'établir une liste d'emplois qui y sont disponibles et de la mettre à disposition des salariés susceptibles d'être licenciés.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre des amendements rédactionnels, un amendement du rapporteur général et des rapporteurs thématiques, adopté en commission spéciale, a supprimé les dispositions introduites par le projet de loi tendant à établir des règles spécifiques pour les offres de reclassement des salariés des entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, qui dérogeaient au droit commun prévu à l'article L. 1233-4 du code du travail, tel que modifié justement par l'article 100 du projet de loi.

En séance publique, un amendement des mêmes auteurs a été adopté, pour préciser que si l'autorité administrative doit homologuer le PSE uniquement en considérant les moyens dont dispose l'entreprise, l'employeur reste tenu de rechercher les moyens dont dispose le groupe . Un sous-amendement, présenté par notre collègue députée Colette Capdevielle, a précisé que cette recherche incombait selon le cas à l'administrateur, au liquidateur ou à l'employeur.

Par ailleurs, un amendement du rapporteur général et des rapporteurs thématiques a intégré au présent article les dispositions de l'article 102 bis , relatif à la neutralisation des conséquences d'une annulation de décision de validation ou d'homologation d'un PSE pour défaut de motivation dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, car elles modifient également l'article L. 1233-58 du code du travail. L'article 102 bis a été supprimé en conséquence.

III - La position de votre commission

Votre rapporteur rappelle qu'il n'existe pas d'obligation légale pour un groupe de participer au financement du PSE d'une filiale. Cette situation ne pose pas de difficultés particulières pour l'administration lorsqu'elle examine le contenu du PSE d'une entreprise in bonis : le groupe accepte souvent de réaliser des efforts financiers à la hauteur de ses capacités afin d'enrichir le contenu du plan et éviter ainsi le refus d'homologation ou de validation du plan. En revanche, le groupe, même en bonne santé financière, n'a pas forcément intérêt à participer financièrement au PSE de sa filiale en redressement ou en liquidation judiciaire. Il est donc souvent inutile que l'administration examine le PSE d'une entreprise en difficulté en fonction des moyens dont dispose le groupe auquel elle appartient.

Inutile, ce contrôle peut même nuire aux intérêts des salariés . En effet, si l'administration refuse d'homologuer un PSE en estimant que le contenu n'est pas proportionné aux moyens dont dispose le groupe, les salariés se retrouvent démunis et sans ressources au-delà de la période de paiement de salaire garantie par le régime de garantie des salaires (AGS) 549 ( * ) . Ils ne peuvent pas retrouver un autre emploi ou bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle, dans la mesure où leur licenciement n'a pas été autorisé faute de décision administrative favorable. Cette situation d'incertitude se trouve d'ailleurs prolongée si la décision de l'administration autorisant les licenciements n'examine pas les moyens dont dispose le groupe pour apprécier le plan mais se trouve ensuite attaquée par des salariés devant le juge administratif pour ce motif.

Au final, l'obligation pour l'administration de contrôler uniquement le PSE en fonction des moyens dont dispose l'entreprise en redressement ou liquidation judiciaire permet de défendre les intérêts des salariés, de sécuriser le rôle de l'administration du travail, et d'éviter des recours devant le juge administratif.

C'est pourquoi votre rapporteur ne s'oppose pas à cet article, d'autant qu'un amendement adopté à l'Assemblée a rappelé l'obligation « morale » pour l'employeur d'une entreprise en difficulté (ou l'administrateur ou le liquidateur) de rechercher les moyens dont dispose le groupe, sans que le défaut de recherche puisse justifier le refus par l'administration de valider ou homologuer le plan. Par ailleurs, en cas de faillite frauduleuse d'une entreprise, les salariés conservent la possibilité d'engager des actions judiciaires contre le groupe, afin de prouver l'existence éventuelle d'un co-emploi entre ce dernier et sa filiale, ou d'obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

A l'invitation de votre rapporteur, votre commission spéciale a adopté un amendement de coordination juridique .

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 102 (art. L.1235-16 du code du travail) - Neutralisation des conséquences d'une annulation de décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi pour défaut de motivation

Objet : cet article vise à neutraliser les conséquences de l'annulation par le juge administratif d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi pour défaut de motivation, en permettant à l'administration de reprendre une seconde décision motivée.

I - Le dispositif proposé

Le premier alinéa de l'article L. 1235-16 du code du travail prévoit que l'annulation de la décision de validation d'un accord collectif majoritaire définissant le contenu d'un PSE, ou de la décision d'homologation du document unilatéral de l'employeur, donne lieu, sous réserve de l'accord des parties, à la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Le second alinéa de cet article indique qu'à défaut de réintégration du salarié, ce dernier a droit à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois . Elle est due sans préjudice de l'indemnité de licenciement de droit commun, qui est due à tout salarié bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis plus d'un an sans interruption, et qui n'a pas commis de faute grave.

Le projet de loi complète l'article L. 1235-16 par deux alinéas pour préciser les conséquences de l'annulation d'une décision de validation ou d'homologation liée à un défaut de motivation.

Le premier alinéa prévoit qu'en cas d'annulation d'une décision de validation ou d'homologation en raison d'une insuffisance de motivation, l'autorité administrative doit prendre une nouvelle décision suffisamment motivée, qui est portée par l'employeur à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information.

Le second alinéa indique que si l'autorité administrative a satisfait à l'obligation d'édicter une seconde décision suffisamment motivée, l'annulation pour le seul motif d'insuffisance de motivation de la première décision est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne lieu ni à réintégration, ni au versement d'une indemnité à la charge de l'employeur.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, un amendement du rapporteur général et des rapporteurs thématiques, adopté en commission spéciale, a précisé que l'administration devait prendre sa nouvelle décision d'homologation ou de validation du PSE au plus tard quinze jours à compter de la notification du jugement d'annulation de la décision initiale pour défaut de motivation.

III - La position de votre commission

A la lumière des informations recueillies lors de ses auditions, votre rapporteur considère que cet article ne fait pas obstacle à l'autorité de la chose jugée et ne porte pas préjudice aux droits des salariés.

En effet, l'objectif est d'éviter de créer une insécurité juridique préjudiciable aussi bien aux salariés qu'aux employeurs. Les salariés sont actuellement incités à saisir les conseils de prud'hommes dès lors qu'une décision administrative d'homologation ou de validation du PSE a été annulée par le juge administratif, même si cette annulation se fonde uniquement sur un défaut de motivation. C'est pourquoi cet article fait obstacle aux demandes des salariés en lien avec leur licenciement économique devant la juridiction prud'homale pendant une période de quinze jours maximum, si la décision d'homologation ou de validation du PSE a été annulée uniquement pour un défaut de motivation et que l'administration reprend une décision autorisant le PSE dans ce délai.

La portée de cet article est donc limitée, d'autant qu'entre le 1 er juillet 2013 et mars 2015, seulement 9 décisions d'homologation de PSE ont été annulées pour défaut de motivation . Dans les faits, le juge administratif a annulé des décisions qui n'étaient pas assez exhaustives.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.

Article 103 (art. L. 1233-66 du code du travail) - Proposition du contrat de sécurisation professionnelle dans le cadre d'un plan de sauvegarde l'emploi

Objet : cet article oblige l'employeur à attendre la notification par l'autorité administrative de sa décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi avant de proposer aux salariés de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

I - Le dispositif proposé

Le premier alinéa de l'article L. 1233-66 du code du travail oblige les employeurs qui ne sont pas soumis à la législation relative aux congés de reclassement 550 ( * ) , à proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Cette proposition doit être présentée lors de l'entretien préalable au licenciement ou à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel lorsqu'il s'agit d'un licenciement collectif.

Le contrat de sécurisation professionnelle avant le 1 er janvier 2015

Créé par la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, le contrat de sécurisation professionnelle permet aux salariés dont le licenciement économique est envisagé, de bénéficier d'un parcours de retour à l'emploi pendant une durée maximale de douze mois , et d'une allocation spécifique de sécurisation professionnelle (ASP) égale à 80 % 551 ( * ) du salaire journalier de référence pour les salariés justifiant au moins d'un an d'ancienneté dans l'entreprise (soit l'équivalent du salaire net).

Le CSP concerne toutes les entreprises employant moins de mille salariés, ainsi que les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, quel que soit leur effectif. Il s'adresse à tout salarié pour lequel l'employeur envisage un licenciement économique, à titre individuel ou collectif, à condition qu'il bénéficie au moins d'un an d'ancienneté, sauf dans les entreprises en difficulté.

La proposition de l'employeur doit être individuelle et écrite , et présentée soit lors de l'entretien préalable au licenciement, soit à l'issue de la dernière réunion des représentants élus du personnel. Le salarié dispose alors d'un délai de réflexion de vingt et un jours , l'absence de réponse valant refus.

L'employeur finance le CSP par le versement à Pôle emploi de l'indemnité compensatrice de préavis (dans la limite de trois mois de salaire), et par un versement au titre du droit individuel à la formation (DIF) acquis par le salarié.

Le contrat de travail d'un salarié ayant accepté un CSP est rompu du fait du commun accord entre les parties. Par conséquent, cette rupture n'entraîne ni préavis, ni indemnité de préavis, mais elle ouvre droit à l'indemnité légale de licenciement, à une éventuelle indemnité conventionnelle, et, le cas échéant, au différentiel entre le montant de l'indemnité de préavis et la contribution de l'employeur au dispositif de la CSP. Pendant la durée du CSP et en dehors des courtes périodes de travail qu'il peut être amené à effectuer, le salarié a le statut de stagiaire de la formation professionnelle .

L'employeur qui a omis de proposer un CSP à un salarié doit verser à Pôle emploi une contribution spécifique correspondant à deux mois de salaire. Cette contribution est portée à trois mois lorsque l'ancien salarié adhère à une CSP sur proposition de Pôle emploi.

Source : commission spéciale du Sénat

Le présent article maintient le dispositif de l'article L. 1233-36, qu'il complète en précisant que si le licenciement pour motif économique donne lieu à un plan de sauvegarde de l'emploi, la proposition de bénéficier de CSP doit être formulée après la notification par l'autorité administrative de sa décision de validation ou d'homologation.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Un amendement du Gouvernement a été adopté en séance publique, afin de modifier l'article L. 1233-69 du code du travail. Cet article prévoit actuellement que les organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA) peuvent financer le CSP en affectant des ressources destinées aux actions de professionnalisation et au compte personnel de formation. L'amendement rend cette participation des OPCA obligatoire , en renvoyant à un décret le soin d'en préciser les modalités.

Toutefois, un sous-amendement du rapporteur général et des rapporteurs thématiques a supprimé l'obligation pour les OPCA d'affecter aux actions du CSP une part des ressources destinées aux actions de professionnalisation.

III - La position de votre commission

Votre rapporteur estime que cet article est protecteur des droits des salariés qui souhaitent bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle. En effet, quelques rares employeurs ont proposé à leurs salariés de bénéficier d'un CSP avant même d'obtenir la décision d'homologation ou de validation d'un PSE, afin de gagner du temps et de faire des économies de salaire. Or, la décision de l'administration peut intervenir après le délai de réflexion de trois semaines accordé au salarié pour adhérer au CSP, ce qui peut l'empêcher de bénéficier de ce dispositif. D'où la nécessité d'obliger l'employeur à attendre la décision de l'administration de validation ou d'homologation du PSE avant de proposer aux salariés concernés de bénéficier du CSP.

A l'initiative du rapporteur, la commission spéciale a supprimé par amendement le dernier alinéa de cet article, introduit en séance publique à l'Assemblée nationale, qui a davantage vocation à trouver sa place à l'article 103 bis du projet de loi.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 103 bis (art. L. 1233-69 du code du travail) - Financement par l'entreprise des formations réalisées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle

Objet : cet article transpose un accord des partenaires sociaux afin de permettre le financement des actions de formation des salariés licenciés pour un motif économique bénéficiant du contrat de sécurisation professionnelle au moyen des sommes consacrées, dans le cadre d'un accord d'entreprise, au financement du compte personnel de formation.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Dans les entreprises comptant moins de mille salariés , l'employeur doit proposer à ses salariés qu'il envisage de licencier pour motif économique le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), qui a pour objet « l'organisation et le déroulement d'un parcours de retour à l'emploi » (article L. 1233-65 du code du travail). Il comprend un accompagnement renforcé de ses bénéficiaires et, le cas échéant, des formations et des périodes de travail en entreprise. Il est financé en partie par l'employeur, qui doit verser à ce titre l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les droits acquis par le salarié au titre du droit individuel à la formation (DIF). Ce dernier mécanisme a été remplacé le 1 er janvier 2015 par le compte personnel de formation (CPF).

Toute entreprise doit verser une somme au moins égale à 1 % de sa masse salariale à un organisme collecteur paritaire agréé (OPCA) afin de financer la formation de ses salariés. Parmi ce 1 % , une fraction de 0,2 % est dédiée au CPF. Toutefois, l'article L. 6331-10 autorise les entreprises à conclure un accord collectif portant sur le CPF : s'il est décidé qu'au moins 0,2 % de la masse salariale lui est consacrée, l'entreprise n'a pas à verser cette somme à l'OPCA mais la gère directement.

Dans le cadre de leur accord 552 ( * ) sur l'affectation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), les partenaires sociaux sont convenus d'assurer un cofinancement du FPSPP et des OPCA pour les actions de formation engagées dans le cadre d'un CSP et éligibles au CPF.

Il est prévu que la part revenant aux OPCA soit issue des sommes qu'ils collectent au titre du CPF. Certaines entreprises n'étant pas tenues, en application d'un accord collectif, de reverser une contribution à leur OPCA pour le CPF, elles doivent financer directement, pour leurs salariés, les formations réalisées au cours d'un CSP en ayant recours aux sommes qu'elles dédient au CPF.

Le présent article 103 bis , issu d'un amendement déposé par les rapporteurs de la commission spéciale, traduit dans la loi ce circuit de financement . Il complète l'article L. 1233-69 du code du travail et dispose que les entreprises couvertes par un accord sur le CPF doivent reverser à leur OPCA tout ou partie des sommes qui y sont consacrées afin de financer des mesures de formation engagées au cours d'un CSP.

II - La position de votre commission

Institué par l'accord national interprofessionnel (ANI) du 31 mai 2011 553 ( * ) et la loi du 28 juillet 2011 554 ( * ) , le contrat de sécurisation professionnelle est un dispositif imaginé par les partenaires sociaux afin de développer l'accompagnement des salariés confrontés aux conséquences des mutations économiques et de diminuer les effets sur l'employabilité des demandeurs d'emploi résultant des ruptures dans les parcours professionnels. Renouvelé récemment 555 ( * ) à l'unanimité des organisations représentatives des employeurs et des salariés, il offre désormais pendant un an 556 ( * ) une allocation égale à 75 % du salaire précédemment perçu et des actions d'appui, d'orientation et de formation afin de définir un nouveau projet professionnel.

L'article 103 bis transpose dans la loi les décisions prises par les partenaires sociaux en application de l'article 15 de l'ANI du 8 décembre 2014, qui définit les actions de formation devant être réalisées dans le cadre du CSP comme celles « permettant un retour rapide à l'emploi durable qui préparent à des métiers pour lesquels les besoins de main d'oeuvre ne sont pas satisfaits ou à des métiers qui recrutent », ouvre aux bénéficiaires du CSP les formations éligibles au CPF et prévoit la participation du FPSPP et des OPCA à leur financement. La prise en compte du cas spécifique des entreprises ayant conclu un accord sur le CPF est donc nécessaire .

Votre rapporteur est donc favorable à cet article. Sur sa proposition, votre commission a adopté un amendement de coordination juridique , qui y insère des dispositions retirées de l'article 103 afin qu'un seul article du projet de loi modifie l'article L. 1233-69 du code du travail. Par ailleurs, le financement par les OPCA des actions de formation réalisées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle avec les ressources destinées aux actions de professionnalisation a été rétablie . Si le Gouvernement et l'Assemblée nationale affirment que la suppression de cette modalité de financement répondait à une demande des partenaires sociaux, telle n'est pas l'impression qu'a retirée votre rapporteur de ses auditions.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 104 - Entrée en vigueur des articles 98 à 103 du projet de loi

Objet : cet article prévoit que les articles 98 à 103 du présent projet de loi sont applicables aux procédures de licenciement économique engagées après sa publication.

I - Le dispositif proposé

Afin de ne pas remettre en cause la sécurité juridique des procédures de licenciement en cours, les articles 98 à 103 s'appliqueront aux procédures de licenciement pour motif économique engagées après la publication de la présente loi.

Le point de départ d'une procédure de licenciement économique est la première réunion du comité d'entreprise s'il s'agit d'examiner le PSE, en application de l'article L. 1233-30 du code du travail, ou sa consultation, s'il s'agit d'un projet de licencier moins de dix salariés sur une période de trente jours, conformément à l'article L. 1233-8 du code du travail.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Seule une modification rédactionnelle a été adoptée en commission spéciale à l'Assemblée nationale.

III - La position de votre commission

Votre rapporteur constate que cet article est de nature à assurer la sécurité juridique des procédures de licenciement économique en cours.

Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.


* 535 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, art. 17.

* 536 Cette clause, qui constitue en réalité une sanction civile, envoie un signal négatif aux employeurs qui souhaiteraient s'engager dans la conclusion d'un accord de maintien ou de développement de l'emploi.

* 537 La chambre sociale de la Cour de cassation a admis, le 15 mai 2013, qu'un accord collectif conclu au niveau de l'entreprise ou à un niveau plus élevé (groupe ou branche professionnelle) pouvait fixer un périmètre plus restreint.

* 538 L'article L. 1233-24-4 du code du travail est en effet explicite sur ce point. A défaut d'accord collectif définissant le PSE, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. Autrement dit, le document unilatéral de l'employeur peut traiter de la pondération et du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements (2° de l'article L. 1233-24-2), la référence aux dispositions légales et conventionnelles étant sans effet sur cette faculté.

* 539 TA Cergy-Pontoise, 11 juillet 2014, n° 1404370 et n° 1404270.

* 540 CAA Versailles, 22 octobre 2014, Sté Mory-Ducros.

* 541 Art. L. 1233-24-1 du code du travail, qui fait référence aux résultats du premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.

* 542 Art. L. 1233-24-2 du même code.

* 543 Art. L. 1233-24-4 du même code.

* 544 Art. L. 1233-57-2 du même code.

* 545 Art. L. 1233-57-3 du même code.

* 546 Le premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 du même code prévoit que ce délai est de quinze jours pour valider un accord collectif majoritaire, et de vingt et un jours pour homologuer un document unilatéral de l'employeur.

* 547 Deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 du même code.

* 548 Dans ce cas, l'employeur doit transmettre une copie de la demande de validation ou d'homologation, accompagnée de son accusé de réception par l'administration, au comité d'entreprise et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires.

* 549 Cette période est de vingt et un jours en cas de liquidation et d'un mois en cas de redressement.

* 550 En vertu de l'article L. 1233-71 du code du travail, dans les entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, ainsi que dans les entreprises appartenant à un groupe employant au total au moins mille salariés, l'employeur doit proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement qui a pour objet de lui permettre de bénéficier d'actions de formation et des prestations d'une cellule d'accompagnement dans les démarches de recherche d'emploi. Ce congé, d'une durée maximale de douze mois, est intégralement financé par l'employeur.

* 551 Niveau désormais fixé à 75 % en application de la convention conclue par les partenaires sociaux le 26 janvier 2015 sur le CSP.

* 552 Accord du 7 janvier 2015 entre les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel portant sur l'affectation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), article 4-5.

* 553 Accord national interprofessionnel du 31 mai 2011 relatif au contrat de sécurisation professionnelle.

* 554 Loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.

* 555 Par l'accord national interprofessionnel du 8 décembre 2014 relatif au contrat de sécurisation professionnelle.

* 556 Durée qui peut désormais être augmentée à due concurrence des périodes de travail intervenues après la fin de son sixième mois, dans la limite de trois mois.

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