II. LE CONTENU DU PROJET DE LOI

Le PLFSS comporte près de trente articles relatifs à l'assurance maladie , dont douze ont été insérés par l'Assemblée nationale.

Les sujets concernés sont nombreux , et certains d'entre eux ont déjà été abordés, le cas échéant sous un angle différent, dans le cadre du projet de loi relatif à la santé. On peut notamment penser au renforcement de l'accès à la contraception (article 41), à l'évolution de la filière visuelle (article 42), à la prévention de l'obésité chez les jeunes enfants (article 43), ou encore à l'organisation de la permanence des soins (articles 44 et 44 bis ). Votre rapporteur considère à ce titre que l'article 44, qui permet la pérennisation de l'expérimentation conduite par l'ARS des Pays de la Loire en matière de financement de la PDSA, est intéressant et montre que des solutions existent sur cette question particulièrement importante pour nos concitoyens.

D'autres sont entièrement nouveaux et ont été inspirés par les événements tragiques de notre actualité récente : il s'agit des articles 40 et 61, qui portent respectivement sur la prise en charge des frais médicaux pour les victimes d'actes de terrorisme et sur l'établissement d'un cadre légal pour les échanges d'informations entre les organismes de sécurité sociale et les services de renseignement (notamment dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale).

Parmi les articles insérés par l'Assemblée nationale figurent en particulier des mesures relatives à la régulation de l'installation des professionnels de santé non-médecins (article 45 bis ) et à la régulation des dépenses liées à la prise en charge des dispositifs médicaux (article 45 ter)

La mesure principale portée par le présent PLFSS concernant l'assurance maladie réside incontestablement dans la mise en place de la protection universelle d'assurance maladie (PUMA), prévue par l'article 39 .

Derrière cet acronyme se cache une réforme administrative d'ampleur pour les caisses, puisqu'il s'agit de les obliger à garder parmi leurs affiliés les personnes qui relèvent aujourd'hui de la couverture maladie universelle de base.

Concrètement, le droit à la prise en charge des frais de santé au travers des prestations en nature de l'assurance maladie sera garanti à toute personne majeure résidant durablement et légalement en France, et ce sans condition supplémentaire. Le droit aux prestations en espèces, c'est-à-dire aux indemnités journalières, restera en revanche régi par les règles propres à chaque régime. Afin de mettre en place cette mesure, la notion d'ayant droit majeur disparaît et se trouve remplacée par une affiliation directe au régime. Les mineurs restent ayants droit de l'un ou l'autre de leurs parents.

Sur le principe, votre rapporteur approuve cette mesure qui devrait simplifier la vie des assurés sociaux. Il est cependant permis de s'interroger sur les modalités de sa mise en oeuvre. L'ampleur de la tâche à accomplir par les différents régimes et les administrations, s'agissant notamment de l'adaptation des systèmes d'information, apparaît en effet considérable. Lors de son audition par la commission des affaires sociales, le directeur général de la Cnam a ainsi indiqué que le régime général comporte parmi ses affiliés quatre millions d'ayants droit majeurs, qu'il va falloir basculer vers l'affiliation directe.

Il faut donc espérer que la PUMA ne créera pas une nouvelle catastrophe industrielle qui, au lieu de simplifier la vie des assurés, aboutirait à des dysfonctionnements durables au sein de régimes déjà particulièrement sollicités, comme le régime social des indépendants. Le précédent constitué par l'instauration de l'interlocuteur social unique est, de ce point de vue, un exemple de triste mémoire.

Par ailleurs, le fait pour l'Acoss de retracer les sommes dues à chaque régime risque de se trouver complexifiée.

Une autre réforme d'ampleur est celle de la nouvelle tarification des soins de suite et réadaptation (SSR) à l'article 49 . A l'heure actuelle, différents modes de rémunération existent pour les établissements de SSR selon qu'ils sont publics, privés non lucratifs ou privés commerciaux. La réforme, dont le principe fait consensus, tend à mettre en place une nouvelle forme de tarification constituée de deux parts : une dotation forfaitaire et une part de rémunération fondée sur l'activité. Incontestablement, cette réforme de la tarification, si elle réussit, pourrait servir de modèle pour faire évoluer la rémunération des établissements encore financés par dotation, mais également la T2A.

Les bases sur lesquelles les nouveaux tarifs doivent être établis sont malheureusement incertaines et fortement contestées par les établissements privés lucratifs. De fait, les tarifs proposés se fondent sur des études nationales de coût dont l'article 51 du PLFSS nous propose de renforcer la fiabilité. Pour des établissements dont la pérennité dépend de cette réforme, on comprend l'inquiétude que suscite cet article alors que, encore une fois, le principe d'une réforme de la tarification des SSR est accepté par tous. La commission des affaires sociales a donc adopté des amendements destinés à lever ces incertitudes.

Enfin, deux mesures importantes concernent non pas la sécurité sociale mais les organismes complémentaires - elles ne respectent d'ailleurs l'obligation constitutionnelle de se traduire par un impact financier sur la sécurité sociale que par le biais des mécanismes d'exonération, d'ailleurs modestes, qui leur sont attachés. Il faut sans doute voir dans le rattachement de ces mesures au PLFSS une question de calendrier, puisque le régime des complémentaires d'entreprise obligatoires sera généralisé au 1 er janvier prochain.

L'article 21 est celui qui pose le plus de difficultés de principe. Il s'agit en effet de prévoir un mécanisme d'appel d'offres, devenu après le passage à l'Assemblée nationale une labellisation des contrats de complémentaire santé, pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Il s'agit là encore de tirer les conséquences de l'ANI qui, en prévoyant l'obligation de contrats collectifs pour les salariés, les fait basculer à l'âge de la retraite sur des contrats individuels.

Le droit des assurances interdit d'exclure des contrats les adhérents vieillissants. Ceux qui les souscrivent alors qu'ils sont encore en activité ne subissent donc pas, normalement, de discrimination une fois qu'ils ne le sont plus. Le marché du contrat individuel d'assurance complémentaire sera cependant désormais privé d'adhérents salariés actifs et concernera essentiellement les retraités. Or, pour une adhésion à l'âge de 65 ans, il est vraisemblable que les primes d'assurance demandées seront plus élevées - ce qui n'est d'ailleurs pas illégitime dans la mesure où le risque en matière de santé est plus élevé à partir de 65 ans.

Concrètement, le dispositif de l'article 21 prévoit la création d'un nouveau panier de soins pour les plus de 65 ans avec, pour l'adhésion aux contrats correspondant à ce panier de soins, le bénéfice pour l'assuré de cotisations plus faibles et pour l'assureur d'un crédit d'impôt de 2 % sur la taxe sur les contrats d'assurance.

Le Gouvernement insiste sur le fait que ce dispositif n'interdira pas aux personnes de plus de 65 ans d'adhérer au contrat de leur choix. On peut cependant penser que, pour les personnes qui sortent des contrats collectifs à l'âge de la retraite, l'effet prix sera particulièrement attractif avant même la prise en compte du taux réel de couverture. Les mutuelles, et parmi elles les mutuelles de fonctionnaires sont particulièrement opposées à l'idée d'une labellisation dont elles estiment qu'elle favoriserait les assurances.

Surtout :

- il existe de multiples dispositifs permettant aux personnes de plus de 65 ans ayant des revenus modestes d'accéder à une complémentaire santé, au premier rang desquels la CMU-C et l'ACS dont le montant a été augmenté l'année dernière pour les personnes de plus de 60 ans ;

- la cohérence et l'efficacité de ces dispositifs ne sera établie que lorsque le rapport finalement demandé à l'Inspection générale des affaires sociales à l'occasion du PLFSS, alors qu'il avait été promis dans la loi de sécurisation de l'emploi, sera remis et rendu public ;

- les mécanismes de mutualisation des risques sont les seuls véritablement susceptibles de faire baisser les primes pour les plus de 65 ans et que certains existent déjà, notamment pour les mutuelles de la fonction publique ;

- cet article pose des questions relatives à l'emploi dans le secteur des complémentaires.

La commission des affaires sociales a dès lors estimé prématuré de définir un nouveau panier de soins et de labelliser des contrats et a en conséquence proposé de supprimer cet article.

L'article 22 offre un droit d'option aux salariés en contrat court entre la complémentaire d'entreprise et un chèque permettant l'adhésion à un contrat individuel responsable. A quelques semaines de l'entrée en vigueur des dispositifs collectifs négociés par les entreprises, cette mesure paraît malvenue. En effet, s'il est souhaitable de garantir la couverture complémentaire des salariés en situation atypique, pour ne pas dire précaire, il ne saurait être question de remettre en cause l'équilibre des accords déjà négociés par les entreprises qui couvrent déjà ces salariés et ce au moment même où ils doivent entrer en application. La commission des affaires sociales a dès lors proposé de supprimer également cet article.

Ainsi que votre rapporteur l'a indiqué à propos des équilibres généraux, force est de constater que le Gouvernement, comme ses prédécesseurs, n'utilise pas tous les moyens nécessaires au retour à l'équilibre des comptes, maintenant de fait ce dernier à un horizon lointain. Après avoir recouru massivement à l'impôt du fait des marges de manoeuvre laissées en la matière par la précédente majorité, il n'est possible aujourd'hui d'agir sur les déséquilibres que par une baisse des dépenses. La commission vous propose donc de rétablir une mesure adoptée l'année dernière par le Sénat dans le cadre de la discussion du PLFSS pour 2015 : la mise en place de trois jours de carence pour les personnels de la fonction publique hospitalière.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page