B. L'AMÉLIORATION DU SOLDE DE LA BRANCHE FAMILLE EN 2016 RESULTERAIT ESENTIELLEMENT DE LA MONTÉE EN CHARGE DES MESURES ENTRÉES EN VIGUEUR EN 2015 ET D'UNE NOUVELLE ÉVOLUTION DE SON PÉRIMÈTRE

1. Les mesures entrées en vigueur en 2015 permettent une réduction des dépenses de la branche en 2016
a) La modulation des allocations familiales connaîtra sa première année de pleine d'application

La modulation des allocations familiales en fonction du revenu des ménages, qui a permis une économie de 440 millions d'euros en 2015, devrait représenter 880 millions d'euros en 2016. Ces 440 millions d'euros d'économies supplémentaires expliquent l'essentiel de la différence entre le solde prévisionnel pour 2015 (- 1,6 milliard d'euros) et le solde tendanciel pour 2016, tel qu'évalué par la CCSS de septembre 2015 (-1,2 milliard d'euros).

b) La réforme du congé parental ne devrait pas encore faire sentir ses effets budgétaires

La réforme du congé parental, visant à ce qu'il soit davantage partagé entre les deux parents, devrait conduire à une réduction de la durée de ce congé. Les hypothèses retenues par le Gouvernement tablent sur une moindre dépense de 290 millions d'euros par an à horizon 2017. La réforme étant applicable pour les enfants nés à compter du 1 er janvier 2015, son impact budgétaire ne devrait pas être pleinement observé avant 2017.

c) Le décalage du versement de la prime à la naissance a entraîné une moindre dépense en 2015 qui est reportée sur 2016

Une économie estimée à 200 millions d'euros a été réalisée du fait du versement de la prime à la naissance au deuxième mois suivant la naissance plutôt qu'au septième mois de grossesse. Cette mesure, dont la légalité paraît au demeurant incertaine 1 ( * ) ne constitue pas une économie pérenne puisqu'elle entraîne un report de dépenses de 2015 vers 2016. Ce décalage n'est toutefois pas neutre pour les familles concernées, la majorité des dépenses liées à l'accueil d'un enfant étant réalisée avant la naissance.

Mise en oeuvre des mesures prévues par la LFSS 2015

En 2015, deux mesures importantes ont été mises en oeuvre.

• La modulation des allocations familiales en fonction du revenu des ménages, rendue possible par l'article 85 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, a été mise en oeuvre par le décret n° 2015-611 du 3 juin 2015, qui précise le barème de modulation ainsi que le mécanisme de complément dégressif destiné à limiter les effets de seuil.

Conformément à ce décret, le montant des allocations familiales dues au titre du deuxième enfant s'élève à 32 % de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) et à 41 % de la BMAF au titre du deuxième enfant et de chacun des suivants. La majoration pour âge, lorsque l'enfant est âgé de plus de 14 ans, s'élève à 16 % de la BMAF. Ces montants sont divisés par deux lorsque le revenu annuel de la famille est supérieur à (55 950 euros + 5 595 euros par enfant à charge) et par quatre lorsque le revenu est supérieur à (78 300 euros + 5 595 euros par enfant à charge).

Figure n° 6 : Barème de modulation des allocations familiales

Une circulaire interministérielle détaille et explicite le mode de calcul des allocations et du complément dégressif.

Cette mesure a été l'occasion d'un approfondissement des échanges d'information entre la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf). Seules 80 000 personnes « non trouvées » ont été invitées à télé-déclarer leurs ressources. Par ailleurs, une information a été mise en oeuvre à destination des agents des Caf et des allocataires. D'un point de vue technique, il est donc possible de considérer que cette mesure, qui est entrée en vigueur le 1 er juillet 2015, a été mise en oeuvre sans problème majeur.

Selon la Cnaf, 10 % des bénéficiaires d'allocations familiales ont vu le montant de leurs allocations baisser, de 127 euros par mois en moyenne, et 90 % de ces « perdants » appartiennent aux deux derniers déciles de niveau de vie.

• La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a prévu la transformation du complément de libre choix d'activité (CLCA) en prestation partagée d'éducation de l'enfant (Prepare). Afin d'inciter les parents à partager le congé parental, la réforme mise en oeuvre par les décrets n° 2014-1705 et 2014-1708 du 30 décembre 2014 ouvre le droit, au titre du premier enfant, à un congé supplémentaire de six mois réservé au second parent. Pour les enfants suivants, chacun des parents aura le droit à un congé de 24 mois, contre 3 ans actuellement, dans la limite des 3 ans de l'enfant 2 ( * ) .

Cette réforme est applicable aux enfants nés à compter du 1 er janvier 2015. Son impact sur le comportement des familles ne pourra donc être mesuré qu'à partir de 2017.

2. L'ampleur des mesures du PLFSS 2016 concernant la branche famille est limitée
a) Les mesures du volet « famille » du projet de loi auront un impact non significatif sur le solde de la branche

L' article 31 prévoit la généralisation du mécanisme de garantie contre les impayés de pension alimentaire (Gipa) prévu à titre d'expérimentation par la loi du 4 août 2014 relative à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Cette mesure devrait entraîner un coût supplémentaire pour la branche estimé à 5 millions d'euros en 2016 et qui pourrait atteindre 40 millions d'euros par an à l'horizon 2019.

L' article 32 prévoit le transfert vers les caisses d'allocations familiales (Caf) de la gestion des allocations familiales dues aux fonctionnaires en poste dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion. Cette mesure, qui devrait entrer en vigueur au 1 er janvier 2017, aurait un impact positif sur le solde de la branche de l'ordre de 49 millions d'euros par an du fait du versement par l'Etat d'une cotisation employeur.

L' article 33 étend à Saint-Pierre-et-Miquelon l'allocation de soutien familial (ASF) et le complément de libre choix du mode de garde (CMG), pour un coût de 0,6 million d'euros supporté par la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

b) La modification des modalités de revalorisation annuelle des prestations sociales représenterait une économie ponctuelle de 200 millions d'euros pour la branche famille

L' article 57 prévoit une réforme des modalités de revalorisation des prestations de sécurité sociale. A partir de 2016, l'ensemble des prestations de sécurité sociale, à l'exception des pensions de retraite seront revalorisées au 1 er avril, sur la base de l'inflation constatée pour les douze derniers mois. L'objectif recherché est de rendre plus simples et plus lisibles les modalités de revalorisation des prestations en évitant notamment les rattrapages dus aux écarts entre les prévisions et l'inflation constatée. Si cette mesure devrait être neutre pour les finances sociales à moyen terme, elle devrait entraîner une économie de 200 millions d'euros pour la branche famille en 2016, dans la mesure où l'inflation devrait être moins importante au cours des douze mois précédant le 1 er avril 2016 que pour l'année 2016.

3. La réduction plus forte que la tendance spontanée du déficit de la branche s'explique en partie par l'évolution de son périmètre
a) Les pertes de recettes générées en 2015 par la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité ont été compensées par une évolution du périmètre de la branche

Le pacte de responsabilité et de solidarité annoncé dans le cadre des lois financières rectificatives de l'été 2014 3 ( * ) , prévoit plusieurs mesures visant à réduire le coût du travail.

Ainsi, la LFSS pour 2015 a prévu une baisse des cotisations familiales patronales de 1,8 point sur les salaires inférieurs à 1,5 Smic et un allègement dégressif des cotisations versées par les travailleurs indépendants dont le revenu est inférieur à 140 % du plafond de la sécurité sociale. La perte de recettes pour la branche famille, estimée à 4,7 milliards d'euros, a été compensée par le transfert vers le budget de l'Etat du financement des aides personnalisées au logement (APL)

b) Une nouvelle évolution du périmètre est prévue en 2016 pour compenser la montée en charge des mesures du pacte

Cet allègement est étendu à compter du 1 er avril 2016 4 ( * ) à l'ensemble des salaires inférieurs à 3,5 Smic (article 7 du projet de loi).

Cette nouvelle perte de recettes pour la branche famille, estimée à 3,1 milliards d'euros pour 2016 et à 4,4 milliards d'euros par an à l'horizon 2018, doit être compensée par le transfert vers le budget de l'Etat du financement de l'allocation logement à caractère familial (ALF) 5 ( * ) et du financement des mesures de protection des majeurs, actuellement financées par la branche famille. Ces deux mesures de compensation représentent une réduction des charges de la branche à hauteur, respectivement, de 4,7 milliards et 0,4 milliard d'euros.

En 2016, les dépenses sortant du périmètre de la branche (5,1 milliards d'euros) sont donc supérieures à la perte de recette, induite par le pacte de responsabilité et de solidarité (3,1 milliards d'euros).

c) Le PLFSS prévoit en outre une évolution des recettes affectées à la branche famille

Par ailleurs, la branche famille rétrocède 1,8 milliard d'euros de recettes fiscales aux autres branches de la sécurité sociale. Ce redéploiement vise, d'une part, à mettre la législation française en conformité avec la décision « de Ruyter » de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 26 janvier 2015 6 ( * ) (transfert vers le fonds de solidarité vieillesse de la part de CSG sur les revenus du capital pour 1 milliard d'euros et suppression du « préciput » sur les supports d'assurance vie pour 0,7 milliard d'euros) et, d'autre part, à limiter la surcompensation à la branche famille de l'effet du pacte de responsabilité (0,2 milliard d'euros de CSG sur les activités de remplacement et les jeux). La branche bénéficie toutefois de 0,2 milliard d'euros de recettes supplémentaires provenant de la taxe sur les salaires.

d) Ces mouvements de recettes et de dépenses expliquent la moitié de la réduction du déficit de la branche en 2016

Au total, la modification des modalités de revalorisation des prestations, qui sera neutre à moyen terme, explique la moitié de l'écart entre le solde tendanciel et l'objectif retenu. L'autre moitié de cet écart, soit 200 millions d'euros, s'explique donc uniquement par la différence entre d'une part les allègements de cotisations prévus par le pacte de responsabilité et de solidarité (- 3,1 milliards d'euros) et d'autre part les mesures de périmètre prévues en compensation (+ 5,1 milliards d'euros) et les mouvements de recettes fiscales (- 1,8 milliard d'euros). Or, ces allègements représenteront en année pleine (à partir de 2017) au moins un milliard d'euros de plus qu'en 2016. De nouvelles recettes devront donc être prévues si la trajectoire de retour à l'équilibre de la branche doit se poursuivre.

Figure n° 7 : Effets des différentes mesures prévues en 2016 sur le solde de la branche famille

(en milliards d'euros)

Solde tendanciel

-1,2

Allègements prévus par le pacte de responsabilité et mesures de compensation

Allègements de cotisations familiales

-3,1

Budgétisation des ALF

4,7

Budgétisation des mesures de protection juridique des majeurs

0,4

Transferts de recettes vers les autres organismes de sécurité sociale

CSG sur les activités de remplacement et les jeux

-0,2

-1,8

Taxe sur les salaires

0,2

Suppression du préciput

-0,7

CSG sur les revenus du capital

-1

Mesures 2016

Nouvelles modalités de revalorisation des prestations

0,2

Objectif de solde retenu

-0,8

Source : PLFSS, annexe 9

4. La complexification de la structure des recettes de la branche pose la question de la pérennité de son financement

Selon la CCSS de septembre 2015, les cotisations sociales effectives perçues par la branche famille devraient représenter 32,6 milliards d'euros en 2015, soit 61,7 % de ses recettes, le montant net de CSG affecté à la branche s'élevant à 11 milliards et les autres impôts et taxes affectés (Itaf) à 7,8 milliards.

Figure n° 8 : Composition des recettes de la branche famille en 2015

Source : CCSS, septembre 2015

En 2016, du fait de la mise en oeuvre des allègements prévus par le pacte de responsabilité et de solidarité, les cotisations effectives ne représenteraient plus que 30,3 milliards d'euros. Compte tenu des transferts de recettes fiscales, la part des cotisations dans les produits de la branche ne devrait pas évoluer. Toutefois, la fragmentation du financement de la branche entre plusieurs recettes fiscales ne peut être satisfaisante.

En effet, alors que les cotisations sont assises sur la masse salariale et progressent globalement en lien avec la croissance du produit intérieur brut (PIB), les diverses recettes fiscales affectées évoluent selon des dynamiques qui leur sont propres. Par exemple, l'agrégat du prélèvement sur les stock-options et de la contribution sur les jeux et paris devrait représenter, en 2016, 507,2 millions d'euros, soit 11,6 % de moins qu'en 2015, après avoir décru de 4,6 % entre 2014 et 2015. De même, la recette issue du « préciput » sur les assurances vie, qui est supprimée, devait décroître de 20 % en 2016.

Figure n° 9 : Évolution spontanée des impôts et taxes affectés hors CSG

Prévisions de recettes pour 2016 (en milliards d'euros)

Evolution 2016/2015

Panier TEPA

8,2

+0,5 %

Préciput 1

723

-20%

Contribution sur les jeux et paris et prélèvement sur les stock-options

507,2

-11,6 %

Taxe spéciale sur les contrats d'assurance et sur les primes d'assurance automobiles

2 196,6

0 %

Taxes tabac

1 074,4

+1 %

Taxe sur les salaires 1

2 430,4

+1,3 %

Taxe sur les véhicules de société

589

-6,8 %

Exit tax et autres taxes

1,7

-20,9 %

Total 1

7 530,9

-3,2 %

1 Les prévisions de la CCSS de septembre 2015 ne tiennent pas compte de la suppression du « préciput » sur les assurances-vie ni de l'affectation de 0,2 milliard d'euros supplémentaires de taxe sur les salaires.

Source : CCSS, septembre 2015

En raison de ces dynamiques différentes, chaque projet de loi de financement est l'occasion d'une nouvelle modification de la clé de répartition des recettes fiscales affectées, ce qui nuit à la lisibilité du financement de la branche et pose la question de sa pérennité.


* 1 Le décret n° 2014-1714 du 30 décembre 2014 a fixé la date de versement de cette prestation au deuxième mois suivant la naissance. Or, l'article L. 531-2 du code de la sécurité sociale dispose que la prime à la naissance est attribuée avant la naissance de l'enfant.

* 2 Dans le cadre de la loi du 4 août 2014, il avait été annoncé que la durée réservée au second parent serait de six mois.

* 3 Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 et loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

* 4 Initialement prévu au premier janvier 2016, cet allègement n'entrera finalement en vigueur qu'au 1 er avril.

* 5 Ainsi, l'ensemble des aides personnelles au logement (APL, ALF et aide au logement à caractère social, ALS) seront désormais financées par l'Etat. Ces aides restent néanmoins versées par les caisses d'allocations familiales (Caf).

* 6 CJUE, 26 février 2015, C-623/13 - Gérard de Ruyter.

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