Rapport n° 358 (2015-2016) de M. Claude NOUGEIN , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 3 février 2016

Disponible au format PDF (928 Koctets)


N° 358

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 février 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali ,

Par M. Claude NOUGEIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir les numéros :

Sénat :

483 (2014-2015) et 359 (2015-2016)

INTRODUCTION

Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 483 (2014-2015) autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali.

La coopération militaire entre la France et le Mali est actuellement encadrée par deux accords : d'une part, l'accord de coopération militaire technique avec la République du Mali, signé le 6 mai 1985, dont le champ d'application est essentiellement limité à la mise à disposition de la République du Mali de coopérants militaires techniques français et à la formation et au perfectionnement des cadres des forces armées maliennes dans les écoles militaires françaises ; d'autre part, l'accord sous forme d'échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu afin de garantir la sécurité juridique de l'opération militaire Serval. Tandis que le premier est désormais obsolète dans la mesure où il reflète un état des relations entre la France et les pays africains désormais révolu, le second est conçu spécifiquement pour assurer la sécurité juridique de l'intervention lancée par la France au début de 2013 pour arrêter la progression des groupes armées djihadistes qui tentaient de prendre le contrôle du Mali.

Dès lors, par lettre du 16 octobre 2013 adressée au président de la République française, le président de la République du Mali nouvellement élu a appelé de ses voeux la signature d'un traité de coopération dans le domaine de la défense afin de marquer l'engagement dans la durée de la coopération entre les deux États.

Le présent traité, très proche dans sa forme et son contenu des accords ou traités militaires déjà signés avec huit pays africains depuis 2008 (Togo, Cameroun, Gabon, République centrafricaine, Union des Comores, Djibouti, Cote d'Ivoire, Sénégal), fixe ainsi pour les relations de coopérations militaires de la France avec le Mali un cadre conforme aux grands axes de la politique internationale française, soucieux de la préservation et de la promotion des intérêts de notre pays mais faisant une large place aux interventions multilatérales - Nations-Unies et Union européenne au premier chef - et soutenant la construction d'une architecture de sécurité proprement africaine.

I. DE L'OPÉRATION SERVAL À L'OPÉRATION BARKHANE

Face au risque d'un effondrement de l'État malien et de la constitution d'une immense zone grise propice au développement des groupes terroristes, la France a lancé en 2013 une opération militaire nommée « Serval ». Après le succès de cette opération, la lutte contre les groupes terroristes a été pérennisée dans le cadre d'une seconde opération étendue à toute la bande saharo-sahélienne, dite « Barkhane ».

A. LE SUCCÈS DE L'OPÉRATION SERVAL

Le 14 janvier 2012, le mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) des Touaregs, alors allié à Ansar Eddine et à certains groupes armés djihadistes (GAD) implantés dans la zone, lance une offensive depuis l'Adrar des Ifoghas vers le sud du Mali (Ménaka, Tessalit, Aguelhok, Léré), puis proclame le 6 mars 2012 l' « indépendance » du Nord-Mali. Il contrôle rapidement les régions de Gao, Tombouctou et Kidal. Toutefois, les groupes armés djihadistes (Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l'unicité et la justice en Afrique de l'Ouest (MUJAO) et Ansar Eddine) affrontent et battent le MNLA, prenant le contrôle des grandes villes et des territoires du Nord et y imposant la charia.

Le 15 octobre 2012, peu après la réunion des Nations unies sur le Sahel où la France avait souligné l'urgence de la menace terroriste au Nord-Mali, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, la résolution 2071 , présentée par la France et coparrainée par l'Allemagne, l'Inde et le Royaume-Uni, ainsi que par les trois membres africains du Conseil de sécurité (Afrique du Sud, Maroc, Togo). Cette résolution appelait les autorités maliennes à engager un dialogue politique avec les groupes rebelles maliens ainsi qu'avec les représentants de la population locale du nord du pays afin de préserver la souveraineté de l'Etat et l'intégrité du territoire malien et de lutter contre le terrorisme international.

Tandis que le Président de la République française proposait aux organisations africaines un soutien pour la préparation d'une force militaire africaine, la MISMA, le 10 décembre 2012, les 27 ministres des affaires étrangères de l'Union européenne approuvaient la mise en oeuvre de la mission « European union training mission Mali » (EUTM Mali) visant à « améliorer les capacités militaires et l'efficacité des forces armées maliennes afin de permettre, sous autorité civile, le rétablissement de l'intégralité territoriale du pays », la France s'étant déclarée volontaire pour assumer le rôle de Nation-cadre de cette mission.

La crise s'est toutefois accélérée au début du mois de janvier 2013. Des groupes armés terroristes se sont en effet mis en mouvement vers le sud du Mali, faisant craindre une extension de leur territoire à la plus grande partie du pays et une déstabilisation de la transition politique en cours à Bamako. Les mesures internationales de formation et de défense (EUTM Mali et la MISMA) risquaient également d'être compromises par cette progression.

À la suite d'une demande d'aide formulée le 10 janvier 2013 par le Président du Mali, adressée à la France et au Conseil de sécurité des Nations unies, et au titre de l'article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense, la France a engagé, avec le soutien de huit pays (Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, Grande-Bretagne, Espagne, États-Unis et Pays-Bas) une intervention militaire, l'opération « Serval », afin d'atteindre trois objectifs :

- stopper l'offensive des terroristes et les empêcher de menacer l'État malien ;

- préserver et retrouver l'intégrité et la souveraineté du Mali ;

- faciliter la mise en oeuvre des décisions internationales en accélérant les programmes de soutien et de partenariat entre les forces africaines et les forces européennes.

La première phase de l'opération Serval a permis de stopper l'offensive des groupes armés djihadistes (GAD) vers le sud. Lors de la deuxième phase, les plateformes aéroportuaires du nord du Mali de Gao, Tombouctou, Kidal et Tessalit ont été successivement reprises aux GAD, ce qui a permis aux forces françaises de reprendre le contrôle du nord du pays. La troisième phase a consisté à neutraliser les GAD et à récupérer leurs matériels dans leur sanctuaire du Nord, au sein de l'Adrar des Ifoghas. Enfin, un transfert progressif de la mission aux partenaires maliens de la France ainsi qu'aux forces de l'ONU (mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, MINUSMA) a été opéré.

L'opération Serval a été un succès . Les groupes armés terroristes ont effectivement été profondément atteints dans leurs forces vives, des milliers de tonnes de matériels et de munition (200 tonnes d'armement et de munitions ainsi qu'une vingtaine de tonnes de nitrate d'ammonium) ayant été récupérés et des bases d'entraînement détruites. Les menaces à court terme pour le Sud du Mali ont été supprimées.

Il convient de souligner que le rôle des forces françaises prépositionnées en Afrique a été déterminant dans ce succès. Les unités prépositionnées au Tchad, en Côte d'Ivoire et au Sénégal ont ainsi eu un rôle essentiel dans l'opération Serval, en convergeant vers le Mali et en formant un « groupement tactique de circonstance », en liaison avec les forces spéciales et avec le soutien de l'armée de l'air.

L'opération Serval, succès militaire indéniable, n'a cependant pas supprimé la menace terroriste. Celle-ci est en effet loin de se limiter au Mali et s'étend à toute la zone sahélienne. Dès lors, en partenariat avec les États de la région, la France a décidé de mettre en place un dispositif global pour l'ensemble de la bande sahélo-saharienne : l'opération Barkhane.

B. L'OPÉRATION BARKHANE : SÉCURISER LA BANDE SAHÉLO-SAHARIENNE

L'opération Barkhane s'inscrit ainsi dans un partenariat avec les États du « G5 du Sahel ». Cette opération représente une double réussite qu'il convient de souligner : non seulement la France est parvenue à mettre en place une opération totalement internationale et transfrontière par son champ d'action, mais elle a aussi été le catalyseur d'une coopération inédite entre les cinq pays de la bande sahélo-saharienne (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) 1 ( * ) .

Par ailleurs, l'opération a été construite dans une logique de fusion et de partage des moyens qui jusqu'alors étaient dévolus à des opérations distinctes : l'opération Serval au Mali et l'opération Épervier au Tchad, déclenchée en 1986. La présence des forces françaises est ainsi maintenue au Mali et au Tchad, mais les moyens présents dans ces pays sont désormais mutualisés et les zones d'engagement étendues à l'ensemble de la bande sahélo-saharienne.

L'opération s'inscrit également dans une logique de soutien à la MINUSMA, encadrée par la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui « autorise l'armée française dans la limite de ses capacités et dans ses zones de déploiement, à user de tous moyens nécessaires, à partir du commencement des activités de la MINUSMA jusqu'à la fin du mandat autorisé par la présente résolution, à intervenir en soutien d'éléments de la Mission en cas de danger grave et imminent à la demande du Secrétaire général ».

L'opération Barkhane est commandée par un officier général depuis un poste de commandement unique stationné à N'Djamena, au Tchad. Les missions de la force Barkhane sont d'appuyer les forces armées des États partenaires de la bande sahélo-saharienne dans leurs actions de lutte contre les groupes armés terroristes et de contribuer à empêcher la reconstitution de sanctuaires terroristes dans la région.

L'opération Barkhane est forte aujourd'hui d'environ 3 000 militaires (volume susceptible d'évoluer entre 3 000 et 3 500 militaires), une vingtaine d'hélicoptères, 200 véhicules de logistique, 200 blindés, 8 avions de chasse, 3 drones et une dizaine d'avions de transport.

Les unités sont réparties sur deux points d'appui permanents à Gao au Mali et à N'Djamena au Tchad ainsi que sur des bases avancées temporaires, principalement au Nord Mali (Tessalit, Kidal, Aguelhok, Tombouctou, Ansongo) et au Niger (Madama). Au Mali, certaines de ces bases sont partagées avec la MINUSMA. Une représentation permanente de Barkhane est stationnée à Bamako pour assurer la liaison avec les autorités françaises, maliennes, européennes et internationales dans la capitale. Ce dispositif n'est pas figé et le commandant de la force peut faire basculer les troupes et les moyens en fonction de l'évolution de la menace. La présence militaire française ne devrait pas connaitre d'évolution majeure avant la fin de la mise en oeuvre des accords d'Alger (automne 2017).

Depuis le mois d'octobre 2015 commencent à se dérouler des opérations conjointes de forces africaines sans participation des forces françaises, comme l'opération lancée par le Mali et le Burkina Faso contre le front de libération du Macina ou encore l'opération conjointe Mali-Côte d'Ivoire dans le Sud du Mali. Barkhane a ainsi enclenché un cercle vertueux qui conduit actuellement les forces africaines à davantage prendre en charge de manière autonome la sécurité de la zone .

Au total, même s'il sera difficile d'éradiquer totalement le terrorisme au Sahel compte tenu de l'immensité de la zone, l'opération Barkhane a permis de perturber et de réduire de manière très importante la circulation des groupes armés, notamment entre la Libye et le Sahel . Il n'existe plus de véritable « sanctuaire » terroriste dans ces pays et ces groupes doivent rester en mouvement en permanence afin de ne pas être repérés. La nuisance que représentent les terroristes est ainsi maintenue sous un seuil qui permet aux États de la bande sahélo-saharienne de perdurer et de fonctionner alors même que l'objectif final de l'ensemble des groupes terroristes est d'obtenir un effondrement des États qui leur permettrait de se développer et de prospérer librement.

II. LES FORCES EN PRÉSENCE AU MALI ET LE PROCESSUS DE PAIX

L'armée française intervient en étroite coopération avec l'armée malienne, la MINUSMA et l'EUTM.

A. UNE ARMÉE MALIENNE EN COURS DE RECONSTRUCTION

Les forces armées (FAMa) et les forces de sécurité maliennes comprennent approximativement 30 000 hommes dont environ 6 000 combattants. Le soutien international et la volonté politique de Bamako de reconstruire son outil de défense ont permis de renforcer le caractère opérationnel des FAMa. Celles-ci sont désormais en mesure d'assurer la sécurité du sud du pays . Leur redéploiement dans le Nord doit se faire progressivement, avec le retour de l'Etat malien.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur lors de ses auditions, les officiers de l'armée malienne sont actuellement de bonne qualité. En revanche, il existe toujours un problème de gestion des ressources humaines après l'effondrement des forces armées maliennes en 2012-2013.

Les efforts de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères et du développement international et de l'EUTM ont permis, sans le cadre fixé par une loi de type « loi de programmation militaire », de structurer l'équivalent de six bataillons maliens, et bientôt huit bataillons.

L'armée malienne affronte régulièrement des forces du front de libération du Macina et de la Katibat Halid Ibn Walid dans la partie centrale du Mali et se comporte bien lors de ces accrochages, si bien que les groupes armés hésiteraient désormais davantage à la prendre pour cible de leurs attaques.

En revanche, l'armée souffre un manque d'équipement, notamment en hélicoptères et en ULM . Toutefois, depuis 2013, la France a cédé gratuitement au Mali des véhicules, de l'armement, des matériels de transmissions et des équipements tactiques individuels pour un montant total d'environ 6,7 millions d'euros. Dans sa loi d'orientation et de programmation militaire 2015-2019, le Mali prévoit en outre l'acquisition de deux Super Puma auprès d'Airbus Helicopter, pour un montant de 16 millions d'euros. Cet achat devrait s'accompagner d'une demande d'appui à la France dans les domaines de la maintenance et de la formation. Cette initiative a été complétée par l'acquisition d'un avion de transport moyen Casa 235.

Par ailleurs, le processus d'intégration des combattants des groupes dit « signataires » (des accords d'Alger) au sein de l'armée et des autres forces de sécurités maliennes vient tout juste d'être enclenché avec la mise en place de 24 sites de cantonnement, la MINUSMA ayant évalué 11 de ces sites et engagé des travaux sur trois d'entre eux.

B. LES FORCES DE L'ONU : LA MINUSMA

La MINUSMA, établie par la résolution 2100 du Conseil de sécurité le 25 avril 2013 , acteur majeur dans la résolution du conflit au nord Mali, regroupe plus de 8 000 militaires ainsi que plus de 1 050 policiers de l'ONU .

La composante militaire de la MINUSMA est structurée autour d'un état-major basé à Bamako, de trois états-majors de secteurs (Tombouctou, Gao, Kidal) et d'une vingtaine d'unités déployées sur l'ensemble du territoire malien. Un total de 29 militaires et 6 policiers français sont actuellement insérés dans ces états-majors.

Le mandat de la MINUSMA, défini par la résolution 2227 du 29 juin 2015, est centré sur des tâches de renforcement de la sécurité, de stabilisation et de protection des civils, d'appui au dialogue politique national et de réconciliation nationale, ainsi que d'appui au rétablissement de l'autorité de l'Etat dans tout le pays, de reconstruction du secteur de la sécurité malien, de promotion et de protection des droits de l'homme, enfin d'aide humanitaire.

À la suite des attentats de Paris du 13 novembre 2015, la France a mis en oeuvre la clause d'assistance prévue à l'article 42.7 du traité de Lisbonne. La participation de nouveaux partenaires aux opérations de maintien de la paix doit en effet permettre à la France d'alléger son dispositif déployé en OPEX et ainsi de renforcer son dispositif sur le territoire national.

Il convient toutefois de noter que la MINUSMA souffre de certaines lacunes qui concernent la sécurisation des convois logistiques, la lutte contre les engins explosifs improvisés (IED), les hélicoptères d'attaque, l'équipement complémentaire de certains contingents (Tchad, Sénégal, Niger et Burkina Faso) et les effectifs des officiers d'état-major dans les secteurs Nord et Est.

Au total, l'apport de la MINUSMA est essentiel : sans jouer un rôle opérationnel fort 2 ( * ) , ce rôle étant plutôt assumé par les troupes françaises, elle assure et manifeste la légitimité de l'intervention militaire au Mali .

C. LES FORCES DE L'UNION EUROPÉENNE : L'EUTM

L'EUTM Mali (mission européenne de formation de l'armée malienne) a été lancée le 18 février 2013 à la suite de l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU de la résolution 2085. Elle compte un effectif d'environ 550 militaires en provenance d'une vingtaine d'États membres, dont une douzaine de Français. Sa mission s'inscrit dans le cadre de l'approche globale conduite par l'UE pour renforcer la sécurité au Mali et au Sahel. Son rôle consiste à apporter un soutien à la formation et à la réorganisation des forces armées maliennes afin d'améliorer leur capacité militaire, dans l'objectif de rétablir, puis de garantir l'intégrité territoriale du Mali sous le contrôle des autorités civiles. Depuis le début de la mission de l'EUTM, six bataillons maliens ont été formés et équipés, dont quatre ont déjà bénéficié d'un cycle de réentraînement.

Le travail accompli par l'EUTM est d'une grande utilité pour la reconstruction de l'armée malienne et la sécurité du pays. Toutefois, il ne peut masquer un certain manque de soutien global de la part de l'Union européenne et des États européens, déjà souligné maintes fois par votre commission, malgré une inflexion récente (l'Allemange ayant décidé d'envoyer 650 soldats au Mali). La bascule des forces que l'on aurait pu attendre en 2014 du fait du désengagement de l'Afghanistan de certains Etats membres n'a pas eu lieu. Pourtant, les États membres ayant, comme la France, tout à craindre de la dégradation de la situation dans les États du Sahel, aux confins Sud de l'Europe, il serait sans doute logique qu'ils contribuent davantage aux efforts tant militaires qu'en matière d'aide au développement à destination de ces États.

D. LES GROUPES TERRORISTES

Les groupes armés terroristes au Mali sont estimés au total à moins de 1 000 hommes, d'après les appréciations de l'état-major des armées. Ils ne sont plus capables, depuis le succès de l'opération Serval, de mener des actions d'envergure . Toutefois, quelques attaques sporadiques, le plus souvent sous forme d'engins explosifs improvisés, continuent de frapper régulièrement les forces françaises et internationales et d'occasionner des dégâts matériels importants mais des pertes humaines relativement faibles.

La situation sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne n'a pas connu d'évolution majeure depuis la fin de l'opération Serval, en dépit des deux attaques terroristes qui ont frappé la capitale malienne en octobre puis novembre 2015. L'action combinée des forces du G5 Sahel, de la MINUSMA et de la force Barkhane permet de contenir la menace que font peser les groupes armés terroristes sur cette zone immense.

E. LES GROUPES « SIGNATAIRES »

Les autres groupes armés présents au Mali, dits « groupes armés signataires », ont signé les accords de paix d'Alger en juin 2015 et sont engagés dans la mise en oeuvre de ces accords. Ils se répartissent entre la « Plateforme » (groupes pro-Bamako) et la « Coordination » (groupes pro-Azawad). Le dialogue intercommunautaire lancé en marge du processus d'Alger contribue de manière significative, dans la lignée des accords d'Anéfis, à apaiser les tensions entre ces groupes, grâce au règlement de plusieurs différends tribaux.

F. UN PROCESSUS DE PAIX QUI NE PROGRESSE PAS ASSEZ RAPIDEMENT

Après les affrontements qui ont opposé Bamako aux groupes rebelles touaregs et qui ont mené au coup d'Etat qui a renversé le président Amadou Toumani Touré en mars 2012, les autorités algériennes, assistées d'une équipe de médiation comprenant notamment les Nations Unies, l'Union européenne et la France, se sont imposées comme médiateur. À partir de l'été 2014, elles sont ainsi parvenues à faire faire participer à la négociation les principaux acteurs du conflit : le gouvernement de Bamako, la Plateforme et la Coordination. Les accords d'Alger ont été signés par l'ensemble des parties le 20 juin 2015 à Bamako .

Ce texte prévoit notamment une vaste refondation de l'armée malienne afin de la rendre apte à se redéployer sur l'ensemble du territoire pour lutter contre le terrorisme, l'intégration des anciens combattants des groupes rebelles dans les forces étatiques et de sécurité maliennes, ainsi qu'un approfondissement de la décentralisation. Sur le plan sécuritaire, la mise en oeuvre de l'accord intermalien est certes relativement lente, mais tend à se concrétiser :

- une première patrouille mixte (FAMa, Plateforme et CMA) a eu lieu le 10 novembre 2015, partant de Gao en direction de la frontière algérienne. Une deuxième patrouille de ce type est en cours d'organisation ;

- en ce qui concerne le cantonnement, le processus de fusion des forces progresse également, en dépit de difficultés liées à la définition du nombre de sites. Un total de 24 sites de cantonnement devraient être mis en place, la MINUSMA ayant à ce jour évalué 11 de ces sites et engagé des travaux sur trois d'entre eux.

En revanche, la mise en oeuvre de l'accord d'Alger accuse un certain retard sur le plan politique . En particulier, les mesures prévues en matière de décentralisation peinent à se traduire dans le droit interne malien. La représentation des populations du Nord au sein des institutions nationales doit également progresser.

L'ensemble des parties continuent cependant à se rencontrer et à dialoguer régulièrement dans le cadre des instances de mise en oeuvre de l'accord : comité de suivi, sous-comités thématiques (questions politiques et institutionnelles ; défense et sécurité ; réconciliation, justice et questions humanitaires ; développement) et commission technique de sécurité, qui se réunissent tous les mois. Les parties signataires et les représentants de la communauté internationale, dont la France, siègent dans ces structures.

Par ailleurs, une conférence sur l'accompagnement de l'accord en termes de développement s'est tenue à l'OCDE le 22 octobre 2015. À cette occasion, 3,2 milliards d'euros ont été annoncés par les bailleurs du Mali pour les années 2015-2017, dont 605 millions d'euros pour les trois régions du Nord. Le président de la République François Hollande a annoncé une enveloppe de plus de 360 millions d'euros, dont près de 80 millions d'euros pour le Nord . Cet effort en faveur du développement est essentiel pour assurer la stabilité à long terme du Mali. En effet, l'enracinement du terrorisme dans les conditions économiques et sociales du Mali et des autres pays de la bande sahélo-saharienne est profond et n'est en rien affecté par les opérations militaires menées par les forces françaises ou internationales. Dans un contexte d'explosion démographique et d'agriculture insuffisamment productive et menacée par le réchauffement climatique, une partie des très nombreux jeunes qui entrent chaque année sur le marché du travail choisit de rejoindre les groupes armés qui font vivre leurs membres grâce à divers trafics (armes, drogue, otages, etc.). Dans ce contexte, le rôle du développement économique et de l'aide que les pays avancés peuvent apporter aux pays du Sahel est essentiel.

III. LE NOUVEAU TRAITÉ DE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉFENSE

Le présent traité de défense, signé par la France et par le Mali, doit permettre de renforcer la sécurité juridique de la coopération militaire entre les deux pays, celle-ci étant déjà très active.

A. UNE COOPÉRATION MILITAIRE DÉJÀ DYNAMIQUE

La coopération de défense conduite au Mali par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères et du développement international existait bien avant les événements de 2012-2013. Elle se décline actuellement en sept projets, dont une école nationale à vocation régionale (ENVR) 3 ( * ) et une école à statut international, pour un budget global de 4,6 millions d'euros .

- l'école de maintien de la paix (EMP) de Bamako , ancienne ENVR, dispose désormais d'un statut original d'école internationale avec un conseil d'administration. Ainsi, six pays (Allemagne, Canada, États-Unis, Japon, Pays-Bas et Suisse) sont associés à ce projet et ont rejoint le Mali et la France pour participer à sa construction, son équipement et son fonctionnement. Malgré le caractère récent de sa création, l'EMP bénéficie d'une notoriété continentale et forme des officiers de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO, 44 %), de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC, 32 %), de l'Intergovernmental Authority on Development in Eastern Africal (IGAD, 15 %), de l'Union du Maghreb arabe (UMA, 4 %) et de la Southern African Development Community (SADC, 5 %). Un coopérant y est placé comme directeur des études ;

- l'école militaire d'administration (EMA) de Koulikoro est une ENVR qui forme des officiers et sous-officiers aux techniques d'administration. Deux coopérants y assurent la direction des études et la direction des stages des sous-officiers ;

- le projet « appui au commandement et à l'organisation des armées » apporte conseil et expertise au ministère de la Défense et à l'état-major général des armées ;

- le projet « appui à la formation des cadres » est positionné auprès du directeur des écoles militaires à Bamako. Le coopérant travaille en liaison étroite avec l'Advisery Task Force d'EUTM. Il est assisté d'un officier chargé de l'appui aux écoles de formation initiale des officiers et sous-officiers ;

- le projet « appui à la chaîne logistique et de maintenance » apporte une aide à la formation des techniciens et à la mise en place des structures nécessaires au fonctionnement de la chaine logistique, au niveau de la direction du matériel, des hydrocarbures et des transports des armées (DMHTA). Ce projet est porté par un officier ;

- le projet « appui à l'aviation légère d'observation » est composé de deux coopérants. Le chef de projet est conseiller du chef d'état-major de l'armée de l'air. Un sous-officier mécanicien spécialiste ULM Tétras apporte son appui dans le domaine de la formation et de maintien en condition de la flotte d'ULM. Le poste de sous-officier sera fermé à l'été 2016. Le projet évoluera progressivement pour se concentrer exclusivement, à cette échéance, sur le conseil de haut niveau auprès du chef d'état-major de l'armée de l'air ;

- le projet « appui à la garde nationale malienne » consiste à conseiller le commandant de la Garde.

En outre, en 2015, la DCSD a assuré la mise en formation de 28 stagiaires maliens en France . Les formations suivies en France comprennent 1 place à l'institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) dans le cadre du Forum international pour le continent africain (FICA), 1 place à l'École de guerre, 4 places en formation initiale des officiers (2 à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr et 2 au Cours spécial de l'École de l'air), 11 places en école d'application (6 division d'application, 4 cours de formation des commandants d'unité, 1 officier maintenance et 11 places pour des stages dans le domaine du renseignement.

B. LES PRINCIPALES ÉTAPES DE LA NÉGOCIATION AYANT MENÉ À LA SIGNATURE DU TRAITÉ

Par lettre du 16 octobre 2013 adressée au président de la République française, soit un an après le début de l'opération Serval, le président de la République du Mali nouvellement élu a appelé de ses voeux la signature d'un traité de coopération dans le domaine de la défense afin de marquer l'engagement dans la durée de la coopération entre les deux États. Afin de répondre favorablement à cette demande, un projet de traité a été élaboré par le ministère de la défense français. Après une phase de consultations ministérielles, le projet de traité a été transmis à Bamako au mois de janvier 2014.

Ce projet ayant reçu un accueil favorable, une délégation du ministère de la défense s'est rendue à Bamako du 12 au 15 janvier 2014 afin de le finaliser. Au début du mois d'avril 2014, les autorités maliennes ont souhaité apporter quelques modifications non substantielles sur le projet, lesquelles ont pour la plupart été agréées par la Partie française au mois de mai 2014. Le traité a pu être signé par les ministres de la défense français et malien à l'occasion d'une rencontre à Bamako le 16 juillet 2014.

C. LES PRINCIPAUX APPORTS DU NOUVEAU TRAITÉ DE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉFENSE AVEC LE MALI

Deux raisons rendaient nécessaires la conclusion d'un accord de défense avec le Mali : d'une part, l'évolution globale des relations de la France avec certains pays africains, d'autre part, l'insuffisance de l'accord militaire de 1985 pour faire face à la situation à l'origine de l'opération Serval. Par ailleurs, le présent traité présente la particularité de ne pas abroger l'accord sous forme d'échanges de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu afin de garantir la sécurité juridique de l'opération militaire Serval .

1. Une évolution globale des relations entre la France et ses partenaires africains qui a déjà conduit à la signature de huit accords de défense

Au cours des années 1990, la présence militaire française en Afrique a décru. La fin de la guerre froide et les leçons tirées de certains de nos engagements, notamment au Rwanda, ont conduit à redéfinir les axes de notre relation de défense et de sécurité avec les pays africains. Ceux-ci consistent désormais en une présence permanente réduite, des engagements militaires bilatéraux en principe limités à la sécurité des ressortissants français, le recours privilégié au cadre multilatéral sous l'égide de l'ONU et de l'Union européenne, enfin l'appui aux forces africaines et aux organisations régionales de sécurité.

Dans un rapport d'information consacré à la gestion des crises africaines 4 ( * ) , votre commission avait déjà eu l'occasion de souligner les traits dominants de cette évolution qui, sans remettre en cause l'importance qu'attache la France au continent africain, suppose une transition progressive vers un partenariat de sécurité sur des bases nouvelles . La France n'entend pas être le « gendarme de l'Afrique » et soutient la mise en place de modalités nouvelles d'appui à la paix et à la sécurité en Afrique reposant en premier lieu sur les Africains eux-mêmes et bénéficiant de l'assistance de l'Union européenne.

L'objectif principal de notre coopération est ainsi désormais d'aider l'Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective (constitution de la « Force africaine en attente »), ce à quoi contribuent la coopération structurelle menée par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères et du développement international et la coopération militaire opérationnelle menée par l'état-major des armées (EMA) au sein du ministère de la défense

Annoncée par le Président de la République dans son discours du Cap le 28 février 2008, la renégociation des accords de défense nous liant à plusieurs pays africains s'inscrit ainsi initialement dans le contexte beaucoup plus général de l'évolution de notre politique extérieure de défense en Afrique . Les anciens accords de défense sont en effet apparus obsolètes dans le nouveau contexte (cf. encadré ci-dessous).

Les anciens accords de défense avec les pays africains

« Il n'existe pas de définition juridique établie de la notion d'accord bilatéral de défense. Généralement, on entend cette notion comme faisant référence aux accords ou traités conclus par la France dont l'une des dispositions comprend une clause relative à l'exercice du droit de légitime défense par un Etat agressé ainsi qu'aux conditions d'assistance que les parties se prêtent, à titre réciproque ou non réciproque, pour exercer ce droit.

L'accord de défense se distingue ainsi des accords de coopération militaire ou des arrangements, de nature essentiellement technique, en ce qu'il instaure un lien de défense de nature plus politique. Le champ de ces accords est variable. Ils peuvent aller au-delà de la défense contre un agresseur étatique. Certains d'entre eux comportent des clauses prévoyant l'assistance française en vue du maintien de l'ordre, ce qui les rend théoriquement applicables aux conflits avec des rebellions internes, voire aux tentatives de déstabilisation des pouvoir en place.

À la suite des indépendances, la France a signé des accords de défense avec une quinzaine de pays africains. Il s'agissait en quelque sorte d'apporter le garantie française à de jeunes États dont les armées restaient à construire et qui n'étaient donc pas encore en mesure d'assurer leur propre défense. Certains de ces accords ont été remplacés par des accords de coopération, d'autres sont restés en vigueur ou ont été mis à jour sans remettre en cause le principe d'assistance en cas d'agression.

Selon les critères établis, la France est liée par un accord de défense à huit pays africains : le Cameroun, la République centrafricaine, les Comores, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Sénégal et le Togo. Des accords de coopération la lient à d'autres pays africains, mais ils ne constituent pas des accords de défense. C'est par exemple le cas des accords conclus avec le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la Guinée équatoriale ou encore le Tchad. Il apparaît ainsi en premier lieu que l'on regroupe sous le vocable d'accords de défense un ensemble assez hétérogène d'instruments bilatéraux.

Les dispositions précisant les modalités de l'assistance française revêtent des formes variables, avec, dans certains cas, une extension au maintien de l'ordre intérieur. Par ailleurs, certains accords n'ont pas été publiés ou comportent des clauses secrètes.

En second lieu, un certain flou subsiste sur la portée exacte de ces accords. Lors du sommet franco-africain de La Baule, en juin 1990, le président Mitterrand avait affirmé que le rôle de la France n'était pas d'intervenir dans les conflits intérieurs. Plus récemment, au cours d'une audition devant notre commission, le 22 mars 2006, le général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, avait écarté toute intervention à caractère automatique en application de ces accords de défense, en indiquant que, « dans tous les cas, la France conservait la possibilité d'apprécier, en fonction de la situation, si la demande éventuelle d'un Etat correspond bien aux critères de mise en oeuvre de l'accord ».

Il est clair que les conditions de mise en oeuvre de ces accords ont changé et que les clauses relatives au maintien de l'ordre sont de facto caduques, comme l'a montré le refus de la France d'intervenir lors du coup d'Etat de 1999 contre le président Konan Bedié, en Côte d'Ivoire.

Pour le général Bentégeat, « toute intervention militaire de la France supposait une décision et un mandat de l'ONU, ainsi qu'une demande des organisations régionales ou sous-régionales » et « la responsabilité des opérations devait être aussi rapidement que possible confiée à d'autres acteurs, européens ou africains ».

Dans son rapport d'information précité, la commission s'était interrogée sur l'avenir de ces accords, jugeant leur révision souhaitable.

Source : rapport n° 639 (2009-2010) de M. Philippe PAUL, fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 7 juillet 2010, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense

Entre 2009 et 2012, la France a ainsi conclu des accords ou traités de coopération ou de partenariat de défense avec huit États africains (Togo, Cameroun, Gabon, République centrafricaine, Union des Comores, Djibouti, Cote d'Ivoire, Sénégal) tandis que la signature d'un nouvel accord de défense du même type est envisagée avec le Tchad. Tous ces accords sont entrés en vigueur entre 2011 et 2014. Rédigés sur le même modèle, ils mettent en place un partenariat ou une coopération de défense fondée sur le respect mutuel de la souveraineté, de l'indépendance et l'intégrité territoriale des deux États . Surtout, il ne comportent aucune clause d'intervention militaire automatique de la France en cas de menace de coup d'Etat ou de déstabilisation extérieure . Ils ont ainsi permis de refonder la coopération de défense de la France avec ses partenaires africains sur des bases adaptées au contexte contemporain.

Pour la France, il n'a pas été noté de difficulté particulière quant à l'application des stipulations de ces accords, y compris lorsqu'elle a été amenée à modifier le volume de ses forces stationnées de manière permanente en Afrique (réduction des effectifs à Djibouti et au Gabon, accroissement des effectifs en Côte d'Ivoire).

2. Un traité qui remplace un accord de coopération militaire technique devenu obsolète

Il existe certes déjà un accord de coopération militaire technique avec la République du Mali, signé le 6 mai 1985 . Son champ d'application est toutefois principalement limité à la mise à disposition de la République du Mali de coopérants militaires techniques français et à la formation et au perfectionnement des cadres des forces armées maliennes par leur accueil dans les écoles militaires françaises.

Le traité de coopération dans le domaine de la défense se différencie ainsi de l'accord de coopération militaire technique de 1985 sur plusieurs points :

- le traité envisage la coopération dans le domaine de la défense de manière plus globale que l'accord de coopération militaire technique, en incluant, outre la coopération structurelle menée par la DCSD, la coopération opérationnelle menée par l'EMA, notamment pour ce qui concerne l'organisation, l'équipement, l'entrainement (exercices conjoints) et le soutien logistique des forces. Le traité stipule également que la coopération de défense peut couvrir toute autre activité convenue d'un commun accord entre les Parties en fonction de leurs intérêts communs ;

- le traité met l'accent sur les nouvelles menaces pesant sur les Parties. Ainsi, la coopération en matière de défense est envisagée avec l'objectif partagé de concourir à une paix et une sécurité durable sur le territoire des Parties, notamment par la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme ;

- si, à l'instar de l'accord de 1985, le nouveau traité ne comporte pas de clause d'assistance, il permet tout de même aux Parties de coopérer par des échanges des vues et d'informations relatifs aux vulnérabilités, risques et menaces à la sécurité nationale, forme de coopération totalement absente dans l'accord de 1985 ;

- à la différence de l'accord de 1985, les stipulations du nouveau traité sont presque toutes rédigées sous une forme réciproque, ce qui permet de couvrir les actions de coopération sur le territoire des deux États ;

- dans le nouveau traité, le volet concernant le statut des membres du personnel et des personnes à charge est plus complet que dans l'accord de 1985. Notamment, aux termes du traité, un personnel français mis en cause devant une juridiction malienne bénéficie de garanties contre le risque de condamnation à des peines qui seraient contraires aux exigences constitutionnelles et aux engagements conventionnels de la France.

3. Un traité qui n'abroge pas l'accord par échange de lettres de mars 2013

La situation qui prévaut lors de la signature du présent traité de défense a évolué par rapport à celle qui était envisagée lorsqu'il a été décidé de faire évoluer notre coopération en matière de défense avec les États africains en 2008. Paradoxalement, les interventions de soldats français ont continué à se succéder à un rythme soutenu (en Côte d'Ivoire, en République centrafricaine, au Tchad, en Somalie et au Mali), près de 10 000 soldats français étant actuellement engagés sur le continent africain sans même prendre en compte les militaires participant à des missions de l'ONU.

Dès lors, si la « philosophie » qui sous-tend la nouvelle génération d'accords de défense avec les pays africains, en particulier l'accent mis sur la sécurité collective, est toujours valable, la pression des événements, la transformation des menaces et le caractère très progressif de la mise en place des mécanismes de sécurité collective proprement africains ne permettent pas toujours de s'en tenir à ces accords de coopération militaire qui ne permettent pas à l'armée française d'intervenir en soutien des Etats africains.

Si le nouvel accord de défense avec le Mali est comparable aux accords de coopération ou de partenariat de défense récemment conclus avec d'autres États, et ne comporte donc aucune clause publique ou secrète d'assistance militaire , il s'en distingue dès lors sur un point important : alors que ces nouveaux accords ont pour effet d'abroger les accords antérieurs, l'entrée en vigueur du présent traité n'entraînera pas l'abrogation de l'accord sous forme d'échanges de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu précisément afin de garantir la sécurité juridique de l'opération militaire Serval, opération qui dépasse largement le cadre de la coopération de défense au sens des nouveaux accords signés avec les pays africains. Les stipulations de cet accord de 2013 continueront ainsi à s'appliquer, à la demande de la Partie française, aux forces françaises à l'occasion d'opérations d'assistance militaire à l'Etat malien ou de protection de ressortissants français qu'elles pourraient encore être amenées à conduire . Ce mécanisme est détaillé à l'article 25 du traité.

Ainsi, en vertu de l'article 25 du nouveau traité de défense, les actions menées dans le cadre de l'opération Barkhane continuent à relever de l'échange de lettres de mars 2013 et non de ce nouveau traité. De même, les militaires français qui seraient présents au mali mais participeraient à l'opération Barkhane seraient juridiquement couverts par l'accord par échange de lettres et non par le traité.

S'agissant de son contenu, cet accord par échange de lettres est plus favorable aux troupes françaises que le nouveau traité de défense, dans la mesure où il prévoit un ensemble de mesures destinées spécifiquement à faciliter l'action des militaires français sur le territoire lors des opérations Serval et Barkhane , telle que la libre circulation sur tout le territoire malien sans aucune taxation ou droit de péage, la possibilité d'importer des équipements et de les réexporter ensuite vers la France en étant également exonéré de taxes, etc.

Surtout, cet accord comporte deux dispositions importantes au bénéfice des troupes françaises. Son article 1 er prévoit que « le personnel du détachement français bénéficie des immunités et privilèges identiques à ceux accordés aux experts en mission par la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1946 ». Il existe une clause similaire dans d'autres accords de défense, par exemple dans l'accord avec la République centrafricaine concernant le statut du détachement français déployé dans ce pays 5 ( * ) dans le cadre de Sangaris. De même, le Gouvernement irakien a accordé aux militaires des forces alliées en Irak des immunités diplomatique faisant référence à la convention de Vienne de 1961. Cette formule permet d'accorder aux militaires français une immunité pour tout crime et délit dans le cadre des opérations de guerre, alors que le traité de défense prévoit seulement un partage de compétences entre la juridiction française et la juridiction malienne.

En outre, l'article 9 de cet accord par échange de lettres comporte une disposition selon laquelle la Partie malienne prend à sa charge la réparation des dommages causés aux biens ou à la personne d'un tiers, y compris lorsque la Partie française en est partiellement à l'origine . Le nouveau traité de défense prévoit au contraire que « lorsque le dommage est imputable aux deux Parties, ou qu'il ne peut être précisément attribué à l'une ou l'autre des Parties, le montant des indemnités est réparti à parts égales entre les Parties ».

Enfin, il convient de noter que si l'accord par échange de lettre s'appliquait au départ aux militaires de Serval, sa formulation permet que ces clauses s'appliquent aussi bien à ceux qui interviennent dans le cadre de Barkhane qui lui a succédé 6 ( * ) .

4. Le champ couvert par le nouveau traité de coopération militaire

L'objectif principal du traité de défense est le même que celui poursuivi par les autres accords signés avec des pays africains : aider le Mali à reconstruire son armée dans le but de faciliter la mise en place d'un système de sécurité collective africain (constitution de la « Force africaine en attente »).

a) Principes généraux de la coopération

Le nouveau traité de défense précise les principes généraux sur lesquels se fonde le partenariat de défense et de sécurité, en prenant en considération deux dimensions nouvelles : la dimension régionale de la mission de coopération militaire confiée aux forces françaises et la dimension européenne . Même s'il reste d'abord bilatéral, cet accord prévoit ainsi que soit reconnue aux Parties la possibilité de conduire des actions de coopération dans toute la région et d'y associer une contribution d'un ou plusieurs États africains et d'un ou plusieurs États membres de l'Union européenne.

Les domaines de la coopération mise oeuvre dans ce cadre sont ensuite énumérés : ils couvrent les échanges d'informations, l'organisation, l'équipement et l'entraînement des forces, l'organisation de transits ou de stationnements temporaires, les missions de conseil, la formation dans des écoles françaises ou des écoles soutenues par la France.

Un comité de suivi est chargé de veiller à la mise en oeuvre de l'accord. Il est co-présidé par un représentant de chaque Partie.

b) Les dispositions relatives au statut des personnels

Le traité comporte des dispositions détaillées sur le statut des personnels engagés dans la coopération. Le pouvoir disciplinaire restera exercé par l'Etat d'origine. Le régime fiscal sera uniformisé, tous les personnels français étant imposés en France. Le traité fixe les règles de compétence juridictionnelle en cas d'infraction commises par un coopérant. Il offre un certain nombre de garanties lorsque les poursuites sont exercées devant les juridictions de l'Etat d'accueil. Il est également explicitement mentionné que dans le cas où elle serait prévue par la loi, la peine de mort ne serait ni requise, ni prononcée. Dans l'hypothèse où cette peine aurait été prononcée, il est prévu qu'elle ne soit pas exécutée. En effet, la peine de mort n'a pas été abolie au Mali. Il en va de même pour les traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le traité précise également les modalités du règlement des dommages causés par les Parties : sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle, chaque Partie renonce au recours qu'elle pourrait avoir contre l'autre pour les dommages causés à ses biens ou son personnel. La prise en charge par les Parties des indemnités versées pour la réparation des dommages causés aux tiers fait l'objet de règles spécifiques : lorsque le dommage est imputable aux deux Parties, le montant des indemnités est ainsi réparti à parts égales entre celles-ci.

c) Les facilités concernant l'exercice des activités de coopération

Le traité prévoit un certain nombre de facilités pour l'exercice des activités de coopération.

Il vise ainsi à permettre des exercices en commun et l'utilisation par nos forces de l'espace aérien du Mali sur autorisation de cet État, notamment dans le cas où un détachement français se rendrait sur le territoire malien pour effectuer un exercice. Il permet également une utilisation de l'espace aérien français dans l'hypothèse d'une escale d'un avion malien en France. En outre, il précise le régime fiscal et douanier applicable en matière d'importation de matériels et d'approvisionnements destinés à l'usage exclusif des forces.

d) L'entrée en vigueur de l'accord

La quatrième partie du traité est consacrée aux dispositions finales et prévoit notamment l'abrogation de l'accord de coopération militaire technique du 6 mai 1985 et des accords et arrangements subséquents.

Cependant, comme il a déjà été précisé, l'entrée en vigueur du traité n'aura pas pour effet d'abroger l'accord sous forme d'échanges de lettres des 7 et 8 mars 2013 dont les stipulations s'appliqueront, sur demande de la Partie française, aux opérations d'assistance militaire à l'État malien et de protection des ressortissants français que les membres du personnel de la partie française présents au titre du traité pourraient encore être amenés à conduire sur le territoire malien.

Le traité est conclu pour une durée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 3 février 2016, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, Président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Nougein sur le projet de loi n° 483 (2014-2015) autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Joël Guerriau. - Les premières attaques des groupes armés au Mali ont eu lieu en 2012, la France intervient en 2013, le traité est signé en 2014 et nous le ratifions en 2016. Nous sommes dans la longue durée ! Dès lors qu'il est difficile de contrôler tout le Sahel, pour combien de temps encore la France va-t-elle devoir maintenir sa présence ?

M. Jacques Legendre. - Il a été question dans l'exposé du rapporteur de l'impunité des troupes françaises qui serait garantie par le traité. Est-ce que des faits tels que ceux que l'on reproche à des soldats français dans un autre Etat africain, à savoir des abus sexuels commis par des soldats français sur des enfants, relèveraient de la justice malienne ou de la justice française ?

M. Jeanny Lorgeoux. - Soixante ans après les indépendances, nous ne pouvons que nous interroger sur la persistance des difficultés de ces États où des peuples de religion musulmane du Nord désertique sont en conflit avec des populations noires animistes du Sud. Ces conflits perdureront après nos interventions. Le problème majeur de l'Afrique, c'est bien la capacité des États à imposer leur autorité sur les composantes de leurs peuples.

M. Michel Billout. - Ce projet de traité a une apparence relativement anodine. Toutefois, compte-tenu des événements qui se déroulent dans cette région du monde, il me semble qu'il serait utile d'avoir un débat en séance publique. Notre groupe a de nombreuses interrogations sur la pertinence et l'efficacité de notre politique de coopération militaire. Les membres de notre groupe s'abstiendront à ce stade et demanderont l'examen en procédure normale en séance publique.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Il y a actuellement une grande inquiétude dans la région. Je me suis rendue dans trois pays. Au Sénégal et en Guinée, les hauts responsables que j'ai rencontrés m'ont fait part de leur grande inquiétude devant la détérioration de la situation. Nos soldats n'ont pas assez de moyens pour intervenir efficacement.

M. Hubert Falco. - Avons-nous aujourd'hui les moyens d'intervenir en Afrique ? Je pense que compte tenu de leur insuffisance, il faut faire des choix : ne faut-il pas privilégier notre territoire ?

M. André Trillard . - Soixante après les indépendances, le pays n'a pas une route pour relier les régions du Nord et du Sud du pays. C'est en soi une cause de division pour le pays. Devons-nous continuer à mettre en danger nos troupes dans cette région du monde ?

M. Alain Gournac. - La menace que nous affrontons vient aussi de cette région du monde : il faut y intervenir aussi. Mais je suis inquiet : les choses n'évoluent toujours pas dans le nord du Mali, où je me suis rendu. Il n'y a pas assez d'infrastructures, pas assez de professeurs, etc. Comment assurer la stabilité d'un tel pays ? Il faut absolument que l'Etat fasse l'effort de développer le Nord.

M. Daniel Reiner. - Le rapporteur a judicieusement resitué le présent traité dans l'ensemble des accords de coopération de défense que nous avons avec les pays africains. Les premiers accords de ce genre avaient été signés en même temps que les accords d'indépendance. Ils comportaient des clauses d'assistance un peu particulières, que ne comportent plus les nouveaux accords. Ceux-ci fixent un cadre tout à fait nouveau : celui de la responsabilité première des Africains dans leur propre politique de sécurité et celui de notre non-intervention. Nous nous réjouissons que le Mali, au milieu de ses difficultés actuelles, bénéficie à son tour d'un nouvel accord de coopération. Ce nouvel accord est porteur de clarté politique. Bien entendu, il ne va pas à lui seul régler les problèmes du Mali. L'antagonisme entre populations du nord et du sud du pays est aussi vieux que l'histoire pluricentenaire de ce pays. Ce n'est jamais que la quatrième révolte touareg depuis l'indépendance ! L'Etat est-il assez puissant pour assurer l'unité du pays ? Dès lors, comment parler de décentralisation ? Ainsi, si ce texte ne va pas régler tous les problèmes, au moins normalise-t-il nos relations. Depuis 1995, nous tenons à ce que les organisations africaines s'occupent elles-mêmes de la sécurité de leurs États membres. Elles ne le font pas encore assez, mais nous les y aidons grâce à notre coopération militaire structurelle.

Mme Nathalie Goulet. - L'article 21 du traité prévoit que des armes peuvent être placées sous la responsabilité de l'Etat malien. N'est-ce pas risqué ? Par ailleurs, nous n'évaluons pas assez les actions de coopération que nous menons. J'ai récemment rencontré le secrétaire général de l'organisation de la coopération islamique, qui était intéressé par l'aide au Mali : comment intégrer ce genre d'organisations dans le dispositif ?

Mme Leila Aïchi. - L'article 15 de la convention prévoit que le Mali est compétent par priorité pour les infractions commises sur son sol. Compte tenu de l'état de la justice malienne, nous avons beaucoup de réserves sur cette convention.

M. Jean-Marie Bockel. - Il y a encore une dizaine d'années, le Mali était donné en exemple : notre coopération décentralisée avec ce pays était efficace, la corruption était en baisse et des infrastructures étaient en cours de construction. La situation peut ainsi se dégrader à grande vitesse, mais les pays peuvent aussi très vite repartir vers l'avant. La coopération militaire avec le Mali est stabilisatrice mais elle pourrait aussi inciter les Maliens à ne pas renoncer à certains de leurs errements. En attendant que l'Afrique se dote véritablement de cette architecture de sécurité collective que nous appelons de nos voeux, il faut donc que nos amis maliens profitent de la sécurité que nous leur apportons pour repartir de l'avant. Nous n'en étions pas loin il n'y a pas si longtemps !

M. Yves Pozzo di Borgo. - Le problème fondamental est celui de notre stratégie de lutte contre Daesh car cette organisation est en train de s'étendre dans le monde entier, en Asie centrale - j'ai pu constater, par exemple, à quel point les responsables du Kazakhstan étaient inquiets - dans le nord de la Chine, en Malaisie, aux Philippines, au Moyen-Orient, en Afrique, et cela ne fera que s'aggraver. Notre intervention en Syrie n'a-t-elle pas pour conséquence le développement de Daesh en Libye ? Il nous faut une réflexion stratégique large sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Notre débat recouvre en réalité plusieurs sujets : celui du Mali, celui de notre coopération militaire, celui de la situation sécuritaire de l'Afrique en général, voire un débat plus large sur la lutte contre le djihadisme. Compte tenu de leur intérêt, nous pourrions focaliser un de nos débats de politique étrangère en séance, en présence du ministre des affaires étrangères, sur l'Afrique. Ceci permettrait d'aller au fond du sujet, davantage qu'avec les débats -par ailleurs légitimes et opportuns- que nous pourrions avoir à l'occasion du présent traité, dont l'objet est plus étroit.

M. Henri de Raincourt . - Hélène Conway et moi-même allons précisément rédiger un rapport sur l'évaluation de l'aide au développement apportée au Mali, qui permettra à la commission de débattre de cette question. Nous avons déjà commencé nos auditions de spécialistes du sujet et nous constatons en effet que le lien entre sécurité et développement est essentiel.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Il n'y a pas de sécurité sans développement et vice-versa. Le travail que nous effectuerons permettra d'avancer sur cette question.

M. Claude Nougein, rapporteur. - Il est vrai que nous affrontons un problème appelé à durer. Je me souviens d'une audition où un général nous avait dit : « nous ne sommes pas encore au jour où le Nord-Mali aura la tranquillité d'un canton suisse ». Je pourrais le répéter aujourd'hui. Nous en avons encore pour un certain temps !

Concernant les soldats, il s'agit d'une immunité, pas d'une impunité ! Elle protège nos soldats dans le cadre des opérations Serval puis Barkhane. Il n'y a pas d'impunité pour les actes commis dans le cadre de la coopération de défense. La justice malienne peut se saisir d'un certain nombre d'infractions. Il est prévu toutefois que la peine de mort ne pourra pas être requise dans ce cadre et que les garanties d'un procès équitable devront être assurées.

En ce qui concerne le développement du nord du pays, la mission de nos collègues Hélène Conway-Mouret et Henri de Raincourt nous permettra de nous faire une idée plus précise du sujet. Il est vrai que c'est un territoire difficile et complexe.

Les armes confiées au Mali ne sont que celles utilisées dans le cadre de la coopération militaire ordinaire, pas dans le cadre de l'intervention Barkhane.

Ce traité ne résout effectivement pas tout ! Toutefois, je suis persuadé qu'il va dans le bon sens. C'est le neuvième traité et un dixième devrait être signé avec le Tchad. Notre présence au Mali est utile et contribue à lutter contre les bases du terrorisme.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité (abstention des groupes communiste, républicain et citoyen et écologiste).

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

1- Audition du 12 janvier 2016

- M. Camille Grousselas , chef du bureau colloques et accords, direction de la coopération de sécurité et de défense, ministère des affaires étrangères et du développement international

- M. Fabrice Lesueur , officier géographique à la mission de l'Afrique subsaharienne, ministère des affaires étrangères et du développement international

- Mme Sandrine Barbier, chef de la mission des accords et traités, ministère des Affaires étrangères et du développement international

- Mme Catherine Sagnelonge , rédactrice à la mission des accords et traités, ministère des affaires étrangères et du développement international

- M. Guillaume Fayein , chef du bureau du droit international public général, direction des affaires juridiques, ministère de la défense

- Commandant Pierre-Yves Grenier, chargé d'études - bureau du droit international public général, sous-direction du droit international et européen, direction des affaires juridiques, ministère de la défense

- Colonel Nicolas Jovanovic , chef du département Afrique à la direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère de la défense

- Colonel Philippe Susnjara , chef du bureau Afrique à l'état-major des armées du ministère de la défense

2- Audition du 20 janvier 2016

- Général Jean-Pierre Palasset , ancien commandant de l'opération "Barkhane"


* 1 Cette coopération devant également beaucoup à la très bonne entente entre les chefs d'Etat de ces pays.

* 2 Le caractère de complexité qui s'attache à toute force internationale et la relative lenteur de la chaîne de commandement, qui contraste avec la rapidité de celle de la France, contribuent à expliquer cet état de fait.

* 3 Il existe 17 ENVR situées dans 10 pays africains. Écoles nationales thématiques à vocation régionale et, au-delà, continentale, elles sont soutenues par la France (DCSD) et d'autres partenaires. Les formations proposées abordent un large éventail de domaines, tous liés à la sécurité globale : santé, déminage, maintien de l'ordre, police judiciaire, génie-travaux, formation des cadres, protection civile ou sécurité maritime. Plus de 60 formations différentes sont ainsi assurées.

* 4 La France et la gestion des crises africaines :quels changements possibles ?

http://www.senat.fr/rap/r05-450/r05-450.html

* 5 Décret n° 2014-43 du 20 janvier 2014 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine concernant le statut du détachement français déployé en République centrafricaine dans le cadre de la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et du rétablissement de la sécurité en République centrafricaine, signé à Bangui le 18 décembre 2013.

* 6 Le mot de « Serval » n'est pas mentionné dans l'accord qui ne fait référence qu'au « détachement français pendant toute la durée de son déploiement sur le territoire de la République du Mali dans ses opérations d'assistance militaire à l'Etat malien et de protection des ressortissants français sur l'intégralité de son territoire ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page