B. LES CONSÉQUENCES ÉLECTORALES DE LA CRÉATION D'UNE COLLECTIVITÉ À STATUT PARTICULIER

L'ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse tire les conséquences en matière électorale de la création d'une collectivité territoriale à statut particulier regroupant la collectivité territoriale de Corse et les deux départements compris sur son territoire. Elle substitue dans le code électoral la référence à la collectivité de Corse à celle de collectivité territoriale de Corse ( article 8 de l'ordonnance).

Le régime électoral applicable à l'actuelle assemblée de Corse est maintenu pour l'élection de la future assemblée délibérante de la collectivité de Corse. Comme l'ont relevé les représentants du ministère de l'intérieur lors de leur audition par votre rapporteur, le Parlement a fait le choix en 2015 de ne pas habiliter le Gouvernement à modifier le régime électoral des membres de cette assemblée.

Le régime électoral de l'Assemblée de Corse

Inspirée de celui des conseillers régionaux, le régime électoral des conseillers à l'Assemblée de Corse est fixé au titre II du livre IV du code électoral.

Leur élection a lieu tous les six ans, en même temps que les élections régionales. Elle se déroule au niveau d'une circonscription unique sans présentation des listes par section départementale, contrairement aux élections régionales. Chaque liste doit comprendre alternativement un candidat de chaque sexe.

Les conditions d'éligibilité et les inéligibilités ainsi que les incompatibilités sont celles applicables aux conseillers régionaux.

Le scrutin a lieu en deux tours, à une semaine d'intervalle. Remporte l'élection la liste qui, au premier tour, a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés et, au second tour, la majorité relative des suffrages exprimés. La liste qui a obtenu le plus de suffrages emporte une « prime majoritaire » de 9 sièges sur les 51 sièges de l'assemblée. Le reste des sièges est réparti à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

À la différence du seuil de 10 % applicable à l'élection des conseillers régionaux, la condition pour qu'une liste présente au premier tour puisse se maintenir au second tour est d'avoir recueilli 7 % des suffrages exprimés. En revanche, le seuil nécessaire à une liste pour fusionner avec une liste pouvant se maintenir au second tour est, dans les deux cas, de 5 % des suffrages exprimés.

L'élection peut être contestée dans les dix jours suivant la proclamation des résultats devant le Conseil d'État.

À la différence d'habilitations récentes en matière électorale, celle consentie par les 1° à 3° du VII de l'article 30 de la loi du 7 août 2015 était particulièrement circonscrite, le Gouvernement ayant été autorisé à légiférer uniquement pour :

- préciser les modalités de fin de mandat des conseillers départementaux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse élus en mars 2015, notamment la date à partir de laquelle il n'est plus procédé au remplacement des sièges vacants ;

- modifier les références en droit électoral aux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse ou aux membres de leurs assemblées délibérantes devenues inutiles ;

- adapter les règles relatives à l'élection des sénateurs dans la collectivité de Corse, notamment la composition du collège électoral concourant à leur élection.

Le changement de dénomination, les dispositions relatives au nombre de conseillers à l'Assemblée de Corse et aux conseillers départementaux entreront en vigueur le 1 er janvier 2018, date de la création de la nouvelle collectivité de Corse ( article 9 de l'ordonnance). Les autres règles sont entrées en vigueur dès le 23 novembre 2016 mais n'auront vocation à s'appliquer qu'à l'occasion du prochain renouvellement général de l'Assemblée de Corse.

1. Les ajustements pour l'élection de l'Assemblée de Corse

Les mandats en cours des conseillers départementaux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse et de conseillers à l'Assemblée de Corse cesseront, comme l'a prévu le Parlement en 2015, au 1 er janvier 2018. Il est prévu que six mois avant cette date, aucune élection partielle ne puisse avoir lieu pour l'élection d'un conseiller départemental en raison de la vacance d'un siège ( article 5 de l'ordonnance). Cette disposition transitoire transpose une règle identique prévue par le VII de l'article L. 221 du code électoral pour le même délai précédant un renouvellement général du conseil départemental.

L'assemblée délibérante de la nouvelle collectivité de Corse sera élue selon le mode de scrutin actuellement en vigueur pour l'élection des membres de l'Assemblée de Corse, sous deux réserves prévues par le Parlement lors de l'adoption de l'article 30 de la loi du 7 août 2015.

D'une part, le nombre de conseillers sera porté de cinquante-et-un à soixante-trois. En conséquence, le nombre de sièges attribué à la liste remportant l'élection a été élevée en 2015 de 9 à 11 sièges, maintenant ainsi de manière relative la « prime majoritaire » par rapport à l'effectif total.

D'autre part, l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse aura lieu, à titre dérogatoire, en décembre 2017, provoquant un scrutin avancé par rapport à l'échéance normale. Les mandats actuels des conseillers départementaux et régionaux cesseront de manière anticipée puisque les conseillers départementaux ont été élus en mars 2015 et les conseillers à l'Assemblée de Corse en décembre 2015, en principe jusqu'en mars 2021 21 ( * ) .

Le mandat des prochains conseillers à l'Assemblée de Corse élus en décembre 2017 cessera en même temps que celui des conseillers régionaux élus en décembre 2015, c'est-à-dire en mars 2021 ( article 7 de l'ordonnance).

Exceptionnellement, le mandat des conseillers à l'Assemblée de Corse sera écourté de 33 mois par rapport à la durée normale. En application de la jurisprudence constitutionnelle, cette mesure législative doit être justifiée par un motif d'intérêt général et revêtir un caractère exceptionnel, transitoire et limité dans le temps afin de ne pas remettre en cause le droit des citoyens, tiré de l'article 3 de la Constitution, d'une « périodicité raisonnable ».

Cette disposition permet de retrouver la concomitance entre les élections régionales et celle de l'Assemblée de Corse. Or, le Conseil constitutionnel a admis comme un motif d'intérêt général des considérations liées à l'organisation de scrutins dans le but de favoriser la participation électorale 22 ( * ) . Il en serait ainsi en rétablissant le rythme concordant entre l'élection à l'Assemblée de Corse et l'élection des assemblées délibérantes des collectivités territoriales de niveau équivalent.

Par ailleurs, les incompatibilités spécifiques à la Corse pour les élections départementales sont supprimées à l'article L. 195 du code électoral mais rétablies, sans changement sur le fond, à l'article L. 367-1 du même code pour l'élection à l'Assemblée de Corse ( articles 1 er et 4 de l'ordonnance).

L'Assemblée de Corse tiendra sa réunion constitutive le 2 janvier 2018 ( article 7 de l'ordonnance). Entre le tour de l'élection à compter duquel l'élection sera acquise et cette réunion constitutive, les affaires urgentes et courantes seront expédiées par :

- le président du conseil départemental pour chaque département jusqu'au 31 décembre 2017, date de la disparition de la collectivité départementale ;

- le président du conseil exécutif pour la collectivité territoriale de Corse jusqu'au 31 décembre 2017, date de la disparition de la collectivité ;

- le président du conseil exécutif pour la nouvelle collectivité de Corse le 1 er janvier 2018.

2. Les coordinations pour l'élection des sénateurs en Corse

S'agissant de l'élection du sénateur de la Haute-Corse ainsi que du sénateur de la Corse-du-Sud, leur circonscription d'élection demeure le département. Toutefois, leur collège électoral ne comporterait plus de conseillers départementaux. En application de l'article L. 280 du code électoral, il ne comprendrait plus, à compter du 1 er janvier 2018, que le sénateur, les députés, les conseillers à l'Assemblée de Corse 23 ( * ) et les délégués désignés par les conseils municipaux.

En conséquence, est supprimée à l'article L. 282 du code électoral la possibilité pour un conseiller départemental de désigner un remplaçant au sein du collège électoral s'il est également conseiller à l'Assemblée de Corse dès lors que cette situation de cumul n'est plus possible en Corse ( article 3 de l'ordonnance).

De même, en raison de l'augmentation du nombre total de conseillers à l'Assemblée de Corse, leur nombre au sein de chaque collège électoral est élevé en conséquence ( article 4 de l'ordonnance), à savoir :

- vingt-neuf conseillers au lieu de vingt-quatre en Corse-du-Sud ;

- trente-quatre conseillers au lieu de vingt-sept en Haute-Corse.

Cette répartition législative demeure fondée sur une répartition des conseillers de l'Assemblée de Corse en fonction de la population respective de chaque département à la règle de la plus forte moyenne.

Enfin, une disposition transitoire ( article 6 de l'ordonnance) règle l'hypothèse où une élection partielle pour l'élection d'un sénateur en Corse serait nécessaire 24 ( * ) après le renouvellement sénatorial de 2017. Jusqu'à cette échéance, aucune élection partielle n'est possible en application de l'article L.O. 322 du code électoral interdisant toute élection partielle l'année précédant un renouvellement de l'assemblée. Si une élection partielle devait être convoquée après cette date, le Gouvernement disposerait d'un délai de trois mois pour l'organiser. Or, selon la date qu'il choisirait - avant ou après le 1 er janvier 2018 - pour provoquer cette élection, le collège électoral serait différent. Pour éviter d'ouvrir au Gouvernement une option qui présenterait des incidences sur le résultat du scrutin, la loi encadre, à titre exceptionnel, cette prérogative. Le scrutin sénatorial devant se tenir un dimanche, la première date éligible en 2018 - c'est-à-dire avec un collège électoral sans conseillers départementaux - serait le 7 janvier 2018. C'est pourquoi pour une vacance de siège intervenant à partir du 7 octobre 2017, soit trois mois avant au maximum, l'élection partielle est reportée à compter du 7 janvier 2018. Seule une vacance avant cette date permettrait de convoquer les conseillers départementaux au collège électoral pour désigner le sénateur.

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La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.


* 21 4° du II de l'article 10 de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

* 22 Conseil constitutionnel, 6 décembre 1990, n° 90-280 DC ; Conseil constitutionnel, 11 février 2010, n° 2010-603 DC.

* 23 Les conseillers à l'Assemblée de Corse, élus au niveau d'une circonscription régionale, sont répartis par l'assemblée corse, un mois après son renouvellement, entre les collèges électoraux de chacun des deux départements.

* 24 Dans un des deux départements corses, une élection partielle s'impose, en application de l'article L.O. 319 du code électoral, en cas de vacance de siège sauf si elle résulte du décès, de l'acceptation des fonctions de membre du Gouvernement, de membre du Conseil constitutionnel, de Défenseur des droits ou de la prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement.

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