Rapport n° 517 (2020-2021) de M. Daniel CHASSEING , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 avril 2021

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N° 517

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 avril 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi d' expérimentation visant à favoriser le retour à l' emploi des bénéficiaires
du Revenu de Solidarité Active ( RSA ),

Par M. Daniel CHASSEING,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Patrick Boré, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Élisabeth Doineau, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Dominique Théophile .

Voir les numéros :

Sénat :

34 rect. et 518 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

La commission des affaires sociales a examiné, le mercredi 7 avril 2021, le rapport de M. Daniel Chasseing sur la proposition de loi d'expérimentation visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

La commission a adopté le texte avec modifications .

I. L'EXPÉRIMENTATION D'UN CUMUL TEMPORAIRE ENTRE LE RSA ET DES REVENUS D'ACTIVITÉ

A. LA CRÉATION DU RSA ET DE LA PRIME D'ACTIVITÉ A IMPARFAITEMENT ATTEINT SON OBJECTIF INCITATIF

Depuis 2008, les réformes du système français de minima sociaux ont visé à éliminer les désincitations à l'emploi et à faire en sorte que le travail paie .

Le RSA a succédé le 1 er juin 2009 au revenu minimum d'insertion (RMI) et à l'allocation de parent isolé (API) afin notamment d'en corriger les effets désincitatifs. À sa création, il comportait deux volets : un volet « socle » et un volet « activité » visant à intéresser financièrement les bénéficiaires à la reprise d'un emploi.

Le RSA « socle », financé par les départements, est une allocation différentielle qui complète les ressources initiales du foyer pour qu'elles atteignent le seuil d'un revenu garanti, ou montant forfaitaire, dont le barème varie selon la composition du foyer. Ainsi, le RSA est versé tant que les revenus du foyer bénéficiaire sont inférieurs à ce montant et décroît à mesure que les ressources de l'allocataire augmentent. Au 1 er avril 2021, celui-ci est fixé à 565,34 euros pour une personne seule sans enfant. 1,99 million de foyers bénéficiaient du RSA fin juin 2020, selon la CNAF.

Nombre d'allocataires du RSA (2020)

% d'allocataires du RSA
depuis 2 ans ou plus (2019)

Hausse des dépenses de RSA 2019-2020

En 2016, le RSA « activité » a été fusionné avec la prime pour l'emploi et remplacé par la prime d'activité . Sa formule de calcul, complexe, emprunte simultanément à la logique familiale et à la logique individuelle afin de tenir compte de la situation d'emploi de chacun des membres du foyer et d'offrir un complément de revenus d'activité aux travailleurs modestes . Son montant est progressif jusqu'à un niveau de revenus qui dépend de la situation familiale et dégressif au-delà.

La bonification individuelle de la prime d'activité a fait l'objet, au 1 er janvier 2019, d'une revalorisation exceptionnelle de 90 euros qui a eu pour effet d'élargir mécaniquement le public éligible en rehaussant le plafond de ressources pour y prétendre, mais aussi d'améliorer le taux de recours à la prestation. Fin 2019, 4,5 millions de foyers bénéficiaient ainsi de la prime d'activité, occasionnant une dépense annuelle totale de 9,6 milliards d'euros pour l'État.

En pratique, un allocataire reprenant une activité professionnelle cumule intégralement, pendant les trois premiers mois, RSA et rémunération professionnelle mais ne perçoit pas encore la prime d'activité. Les trois mois suivants, son RSA est diminué à concurrence du niveau de sa rémunération. En revanche, il perçoit la prime d'activité qui vient compenser une partie de la baisse du RSA. L'articulation du RSA et de la prime d'activité se veut ainsi vertueuse et incitative.

Cumul des revenus professionnels, du RSA
et de la prime d'activité (personne seule)
(en euros)

Cependant, si ces réformes ont éliminé l'essentiel des « trappes à inactivité », l'objectif incitatif de la création du RSA n'a pas été totalement atteint . Les bénéficiaires du RSA sont très majoritairement sans emploi et la plupart d'entre eux ont plus d'un an d'ancienneté en tant qu'allocataires. Plus leur ancienneté dans les minima sociaux est élevée, moins ils ont de chances d'en sortir d'une année sur l'autre.

Fin 2019, selon la DREES, 61 % des bénéficiaires du RSA étaient allocataires depuis au moins 2 ans, 37 % depuis au moins 5 ans et 16 % depuis au moins 10 ans.

B. LA PROPOSITION DE LOI VISE À MIEUX SOUTENIR LA TRANSITION DES ALLOCATAIRES DU RSA VERS L'EMPLOI

Inspirée d'une initiative portée par le département de l'Allier, cette proposition de loi déposée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues part du constat d'un paradoxe : d'un côté, les entreprises peinent à trouver les compétences qu'elles recherchent quand, de l'autre, de nombreux chômeurs ne trouvent pas d'emploi. En particulier, des bénéficiaires de minima sociaux qui seraient en capacité de travailler ne parviennent pas à reprendre une activité en raison d'un ensemble de freins monétaires et non monétaires. Pour ces personnes, qui ont parfois été sans activité pendant plusieurs années, la reprise d'un emploi à temps plein peut s'avérer problématique.

L'article 1 er prévoit ainsi la mise en place pour une durée de quatre ans, dans des départements volontaires, d'une expérimentation visant à soutenir financièrement le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA. L'article 2 vise à gager financièrement le dispositif.

Cette expérimentation s'adresse aux bénéficiaires du RSA « privés d'emploi depuis au moins un an » et résidant dans le département. Elle permettrait aux personnes concernées d'être embauchées par des entreprises tout en conservant le bénéfice de leur allocation pendant une durée d'un an , dans la limite d'un plafond fixé par décret. Ce maintien en tout ou partie du RSA pourrait se cumuler avec la prime d'activité.

Le coût pour le département du dispositif ferait l'objet d'une compensation financière par l'État dans les conditions applicables au financement du RSA. En effet, la loi permet déjà à un département de décider de conditions et de montants plus favorables que le droit commun ; il doit alors en assumer les conséquences financières. En l'état, le principal apport de la proposition de loi est donc d'étendre à cette expérimentation le principe de la compensation financière versée par l'État via la dotation globale de fonctionnement (DGF) - laquelle ne couvre au demeurant que de manière incomplète le coût réel du RSA.

L'expérimentation ferait l'objet d'une évaluation au plus tard un an avant son terme sur la base de rapports établis par les départements expérimentateurs.

C. LE DISPOSITIF SE VEUT COMPLÉMENTAIRE DE LA PALETTE D'OUTILS EXISTANTS

En matière d'insertion dans l'emploi des chômeurs de longue durée, il n'existe pas de solution miracle et le dispositif proposé ne saurait constituer une panacée. Il s'inscrirait ainsi dans un paysage déjà dense de dispositifs, incluant les structures d'insertion par l'activité économique (SIAE), auxquelles le Gouvernement accentue son appui cette année dans le cadre du plan de relance, les parcours emploi compétences (PEC), qui représentent la nouvelle génération de contrats aidés, ainsi que des expérimentations comme « Territoires zéro chômeur de longue durée ».

Le dispositif de la proposition de loi, qui se veut complémentaire des dispositifs existants, présente l'intérêt de permettre à des chômeurs de longue durée souhaitant s'engager dans une démarche de retour à l'activité de bénéficier, au-delà d'un soutien monétaire, de l'accompagnement dû aux allocataires du RSA tout en s'intégrant progressivement dans le monde de l'entreprise. Il se fonde ainsi sur le potentiel des personnes en leur donnant les moyens de franchir la distance qui peut les séparer de l'emploi durable. Il vise tout autant à responsabiliser les entreprises en les incitant à être les acteurs de cette démarche d'insertion .

Pour le rapporteur, la philosophie de cette expérimentation est bien distincte de celle des solutions de type revenu universel, lesquelles, outre leur coût colossal pour les finances publiques, présentent le risque de laisser les bénéficiaires livrés à eux-mêmes et de générer un certain isolement social.

II. UN DISPOSITIF RENFORCÉ PAR LA COMMISSION POUR LUI PERMETTRE D'ATTEINDRE SES OBJECTIFS

A. LA COMMISSION A ÉTOFFÉ LE DISPOSITIF EN DÉROGEANT À LA DURÉE DE TRAVAIL HEBDOMADAIRE MINIMALE ET EN SUSPENDANT LE BÉNÉFICE DE LA PRIME D'ACTIVITÉ

Il est apparu souhaitable à la commission d'apporter, avec l'accord de son auteur, des modifications au dispositif de la proposition de loi afin de lui permettre d'atteindre sa cible et ses objectifs.

La commission a d'abord introduit, en lieu et place de la condition de privation d'emploi, notion qui peut prêter à équivoque, une condition d'ancienneté minimale d'un an dans le RSA visant à cibler un public connaissant des difficultés particulières. Les bénéficiaires devraient en outre être inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi.

La commission a également prévu la possibilité de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail de droit commun pour un contrat à temps partiel , qui est de 24 heures en l'absence de dispositions conventionnelles prévoyant une durée différente. Conformément au projet initial des promoteurs de l'expérimentation, les bénéficiaires pourraient ainsi être embauchés, pendant la première année du contrat, pour une durée de 15 heures hebdomadaires minimum , ce qui peut permettre à des personnes durablement éloignées de l'emploi de se réadapter au monde de l'entreprise tout en limitant les charges pour l'employeur.

Afin de limiter les éventuelles distorsions introduites par le dispositif tout en garantissant un gain au travail pour les bénéficiaires, ceux-ci ne pourraient pas percevoir la prime d'activité pendant la période de maintien du RSA . Ainsi, ils bénéficieraient toujours de ressources plus élevées que s'ils se voyaient appliquer les règles de droit commun. Cette modification génère par ailleurs une économie pour les finances publiques.

Effets de l'expérimentation sur le revenu d'une personne seule
travaillant 15 heures par semaine au SMIC

La commission a enfin prévu que le maintien du RSA serait assuré au moyen de l'exclusion des revenus professionnels perçus dans le cadre d'un CDD d'un an ou d'un CDI , jusqu'à un plafond fixé par décret, dans les ressources prises en compte pour l'attribution et le calcul de l'allocation.

B. LES CONDITIONS DE FINANCEMENT ET D'ÉVALUATION ONT ÉTÉ PRÉCISÉES

La commission a adopté à l'initiative du rapporteur un amendement visant à lever toute ambigüité sur l'application du principe de compensation par l'État des dépenses occasionnées par l'expérimentation.

Par ailleurs, la commission a veillé à encadrer le contenu des rapports qui devront être établis, d'une part, par les départements expérimentateurs et, d'autre part, par le Gouvernement en vue de dresser le bilan de l'expérimentation au regard de ses objectifs initiaux et d'envisager les conditions d'une éventuelle généralisation.

Enfin, la commission a précisé les conditions d'application du dispositif , en faisant débuter la période prévue pour l'expérimentation à la date de parution du décret d'application afin de garantir que cette période dure effectivement quatre ans, et en confiant au ministre chargé de l'action sociale la responsabilité d'établir la liste des départements retenus pour l'expérimentation.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Expérimentation visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires
du revenu de solidarité active

Cet article propose d'expérimenter dans les départements volontaires le cumul temporaire entre les revenus professionnels perçus dans le cadre d'un contrat de travail et le revenu de solidarité active.

La commission a adopté cet article avec modifications.

I - Le dispositif proposé : l'expérimentation d'un cumul temporaire entre le RSA et des revenus d'activité

A. Le RSA et la prime d'activité ont été conçus pour inciter à la reprise d'une activité professionnelle

1. Le RSA « socle », un minimum social strictement différentiel

Le revenu de solidarité active (RSA) est le premier minimum social en France en nombre d'allocataires, avec 1,99 million de foyers bénéficiaires fin juin 2020 1 ( * ) . Il est financé par les conseils départementaux 2 ( * ) et versé par les caisses d'allocations familiales (CAF) et de la mutualité sociale agricole (MSA).

En comptant les conjoints et les enfants à charge, 3,85 millions de personnes étaient couvertes par le RSA fin 2018, soit 5,8 % de la population 3 ( * ) .

Aux termes de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF), le bénéfice du RSA est subordonné au respect des conditions suivantes :

- être âgé de plus de 25 ans ou assumer la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître ;

- être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler ;

- ne pas être élève, étudiant ou stagiaire, sauf si le bénéficiaire est parent isolé et perçoit un RSA majoré à ce titre ou si ses revenus d'activité sont supérieurs à 500 euros en moyenne par mois ;

- ne pas être en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité.

Par ailleurs, la loi de finances pour 2010 a étendu le RSA aux personnes de moins de 25 ans justifiant de deux ans d'activité en équivalent temps plein au cours des trois années précédant la demande 4 ( * ) . À la différence du RSA de droit commun, ce RSA « jeune actif » est entièrement financé par l'État.

Le RSA est une allocation différentielle qui complète les ressources initiales du foyer pour qu'elles atteignent le seuil d'un revenu garanti, ou montant forfaitaire, dont le barème varie selon la composition du foyer. Ainsi, le RSA est versé tant que les revenus du foyer bénéficiaire sont inférieurs à ce montant. Au 1 er avril 2021, celui-ci est fixé à 565,34 euros pour une personne seule sans enfant. Il est de 848,01 euros pour une personne avec un enfant ou pour un couple sans enfant. Depuis 2017, il est revalorisé chaque année en fonction de l'inflation.

Les ressources prises en compte incluent notamment les indemnités de chômage et certaines prestations familiales. Les aides au logement sont prises en compte sous la forme d'un forfait, égal à 67,84 euros pour une personne seule sans enfant. Ainsi, en pratique, une personne seule, sans revenu professionnel et percevant une aide au logement perçoit 497,50 euros de RSA ( cf . graphique ci-dessous).

Source : commission des affaires sociales du Sénat

En outre, une majoration peut être accordée temporairement, sans condition d'âge, à un parent isolé assumant la charge d'un ou de plusieurs enfants ou à une femme enceinte isolée 5 ( * ) . Le montant du RSA majoré s'élève, au 1 er avril 2021 à 967,96 euros pour une personne avec un enfant.

2. Les droits et devoirs des allocataires

Le bénéficiaire du RSA a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique 6 ( * ) . S'il est sans emploi, ou si ses revenus d'activité sont inférieurs à 500 euros par mois en moyenne sur les trois derniers mois, il est soumis aux « droits et devoirs » : il est tenu « de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle » 7 ( * ) . Il doit alors être orienté vers un organisme chargé de l'accompagner. En moyenne, fin 2018, 95 jours s'écoulaient toutefois entre la date d'entrée dans le RSA et celle de la première orientation 8 ( * ) .

Les allocataires du RSA bénéficient en outre de droits connexes : en particulier, ils ont droit à la Complémentaire santé solidaire sans acquitter de participation financière 9 ( * ) .

Ils peuvent également bénéficier d' aides locales , sous la forme de tarifs réduits ou de l'accès gratuit à certains services (transports, cantine, etc .), ainsi que d'une réduction sur leur abonnement téléphonique.

3. La prime d'activité, un complément de revenus s'adressant aux travailleurs modestes

Le RSA a succédé le 1 er juin 2009 au revenu minimum d'insertion (RMI) et à l'allocation de parent isolé (API) afin notamment d'en corriger les effets désincitatifs 10 ( * ) . À sa création, il comportait deux volets :

- un volet « minimum social » ou « socle » qui est le seul à subsister aujourd'hui ;

- un volet « complément de revenus d'activité » visant à inciter financièrement les bénéficiaires à la reprise d'un emploi .

Ce second volet, qui avait vocation à s'adresser à des populations plus diverses que le RSA « socle » au regard de leur insertion et de leur situation d'emploi, s'est distingué par un taux de recours insuffisant (généralement estimé à 32 % 11 ( * ) ), explicable en partie par le caractère stigmatisant du RSA. Il a coexisté plusieurs années avec la prime pour l'emploi (PPE), créée en 2001 caractérisée pour sa part par un effet de « saupoudrage » préjudiciable à son efficacité.

En conséquence, la loi « Rebsamen » du 17 août 2015 12 ( * ) a institué à compter du 1 er janvier 2016, en lieu et place du RSA « activité » et de la PPE, la prime d'activité, une prestation qui se donne simultanément pour missions de lutter contre la pauvreté et de fournir une incitation financière à l'accès ou au retour à l'emploi . Elle est intégralement financée par l'État 13 ( * ) et versée par les CAF.

Tout en s'inscrivant dans la continuité du RSA « activité », la prime d'activité s'est adressée à de nouveaux publics, notamment aux jeunes de 18 à 24 ans, et a intégré le principe de bonifications individuelles pour chaque membre du foyer exerçant une activité professionnelle.

Pour un foyer dont les revenus professionnels n'excèdent pas le montant forfaitaire du RSA « socle », elle peut venir compléter les ressources du foyer en se cumulant au RSA.

Prime d'activité

=

Montant forfaitaire : 553,71 € (éventuellement majoré selon
la composition
du foyer)

+

61 % des revenus professionnels du foyer

+

Bonification(s) individuelle(s) :

161,14 € maximum

-

Ressources
du foyer
(réputées
au moins égales au montant forfaitaire)

Empruntant simultanément à la logique familiale et à la logique individuelle, la formule de la prime d'activité s'établit schématiquement comme suit :

Source : commission des affaires sociales du Sénat

Elle est initialement fondée sur un montant forfaitaire , égal à 553,71 euros pour une personne seule au 1 er avril 2021 14 ( * ) , augmenté d'une proportion des revenus professionnels du foyer, fixée par décret à 61 % . Les ressources du foyer sont soustraites à ce total et donnent ainsi le montant de la part familialisée de la prime d'activité .

S'y ajoute le montant de la bonification individuelle , versée à partir d'un revenu professionnel net égal à 50 % du SMIC et croissant proportionnellement à ce revenu jusqu'à atteindre un plafond de 161,14 euros à hauteur du SMIC. Elle est constante au-delà.

Source : commission des affaires sociales du Sénat

Ce dernier montant a fait l'objet, au 1 er janvier 2019, d'une revalorisation exceptionnelle de 90 euros, décidée par le Président de la République à la suite de la crise des « gilets jaunes » afin de soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs rémunérés au niveau du SMIC. Cette réforme a eu pour effet d'élargir mécaniquement le public éligible à la prime d'activité en rehaussant le plafond de ressources pour y prétendre, mais aussi d'améliorer le taux de recours à la prestation.

Fin 2019, 4,5 millions de foyers bénéficiaient de la prime d'activité 15 ( * ) , occasionnant une dépense annuelle totale de 9,6 milliards d'euros 16 ( * ) .

Le projet de revenu universel d'activité 17 ( * )

Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement prévoyait de rénover en profondeur le système de minima sociaux à travers la création d'un revenu universel d'activité (RUA) fusionnant « le plus grand nombre possible de prestations » et dont l'État serait « entièrement responsable », parallèlement à la mise en place d'un service public de l'insertion 18 ( * ) .

La concertation lancée en juin 2019 en vue de cette réforme a consisté en un triple processus : une concertation institutionnelle ; une concertation grand public reposant notamment sur une consultation en ligne ouverte du 9 octobre au 20 novembre 2019 ; une concertation citoyenne consistant à réunir, dans le cadre d'ateliers organisés dans plusieurs villes sur le territoire, des représentants des collectivités territoriales, associations, bénéficiaires et personnes concernées.

Enfin, un jury citoyen a été mis en place pour se prononcer sur deux questions : « Quelles sont les conditions d'élaboration et de mise en oeuvre du revenu universel d'activité que les citoyens considèrent comme justes et acceptables ? » et « À quelles conditions le revenu universel d'activité pourrait être étendu aux 18-25 ans ? ».

Les résultats de la concertation ont été rendus publics en décembre 2019 pour les ateliers et en avril 2020 pour le jury citoyen. Ils ont dessiné un schéma général du RUA :

- un socle correspondant à une fusion du RSA et de la prime d'activité ;

- des suppléments (logement, handicap, personne âgée) ayant pour objectif de prendre en compte les accidents de parcours et spécificités des individus.

En raison des spécificités de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), le Président de la République a annoncé, le 11 février 2020, que cette prestation ne serait pas incluse dans le RUA.

La crise sanitaire due à l'épidémie de covid-19 a suspendu ce processus, qui n'a pas repris son cours à ce jour. Le Premier ministre a toutefois indiqué, le 24 octobre 2020, que « les travaux sur le revenu universel d'activité vont se poursuivre », sans plus de précisions sur leur calendrier ni sur leurs modalités. En tout état de cause, cette réforme ne devrait pas avoir lieu au cours du présent quinquennat.

B. La proposition de loi vise à expérimenter un maintien temporaire du RSA afin de soutenir la transition des allocataires vers l'emploi

1. Le système RSA-prime d'activité n'a pas éliminé tous les freins à la reprise d'un emploi

a) Des allocataires durablement éloignés de l'emploi

Les bénéficiaires du RSA sont très majoritairement sans emploi . Selon la DREES, 11 % d'entre eux déclaraient exercer un emploi salarié fin décembre 2016. Une faible part des bénéficiaires de minima sociaux (4 % fin 2017) exerce par ailleurs une activité indépendante.

Les allocataires sont aussi plus concernés par la précarité de l'emploi. Plus d'un quart des salariés bénéficiaires du RSA étaient ainsi en contrat à durée déterminée (CDD), contre 9 % de l'ensemble des salariés fin 2016. Moins d'un tiers d'entre eux (32 %) travaillaient à temps complet.

L'échantillon national étudié par la DREES montre que la majorité des allocataires du RSA le restent d'une année sur l'autre . Sur 100 bénéficiaires du RSA non majoré fin 2017, 73 le percevaient encore fin 2018, 4 percevaient un autre minimum social sans toucher le RSA non majoré et 23 étaient sortis des minima sociaux. Parmi les sortants des minima sociaux, 11 percevaient la prime d'activité et 3 étaient indemnisés au titre du chômage. Quant au RSA majoré, sur 100 bénéficiaires fin 2017, 49 l'étaient toujours fin 2018, 30 percevaient désormais le RSA non majoré et 21 étaient sortis des minima sociaux. Parmi ces derniers, 10 touchaient la prime d'activité et 3 étaient indemnisés au titre du chômage.

Il ressort en outre que plus le bénéficiaire a d'ancienneté dans l'ensemble des minima sociaux, moins il a de chances d'en sortir d'une année sur l'autre. À l'inverse, 40 % des bénéficiaires du RSA non majoré fin 2017 ayant moins d'un an d'ancienneté dans les minima sociaux n'en percevaient plus fin 2018 19 ( * ) .

Au total, 76 % des bénéficiaires du RSA non majoré et 65 % des bénéficiaires du RSA majoré avaient au moins un an d'ancienneté dans le RSA, fin 2018.

Ainsi, bien que la mise en place de la prime d'activité en 2016 et sa revalorisation en 2019 aient éliminé la plupart des « trappes à inactivité », l'activation des minima sociaux reste insuffisante pour favoriser la sortie des minima sociaux de personnes durablement éloignées de l'emploi. En tout état de cause, l'objectif incitatif de la création du RSA en 2009 n'a pas été totalement atteint.

b) L'existence de freins non professionnels au retour à l'emploi

Indépendamment de leur qualification professionnelle, les allocataires du RSA rencontrent souvent des difficultés sociales (santé, logement, mobilité, éloignement du système bancaire, etc .) pouvant freiner leur accès ou leur retour à l'emploi.

Il est probable que la perspective de perdre des droits connexes au RSA, combinée à la diminution ou à la perte éventuelle des aides au logement, constitue également un frein à la sortie des minima sociaux. À cet égard, on peut regretter que l'étendue réelle et les conditions de ces droits, le plus souvent locaux, ne fassent pas l'objet d'un recensement exhaustif et d'une meilleure information des allocataires.

Il convient toutefois de relativiser l'idée que la perte du RSA entraîne nécessairement la perte des aides connexes locales. D'après les résultats de l'enquête ASCO 2014 menée par la DREES pour l'accès aux aides en nature, 85 % de l'ensemble des communes et 48 % de celles de plus de 10 000 habitants déclarent ne pas recourir à un barème formel tenant compte des prestations sociales versées (dont le RSA).

Pour le rapporteur, certains de ces freins pourraient, lorsqu'ils existent, être levés par un soutien temporaire visant à soutenir les démarches de recherche d'emploi des bénéficiaires.

c) Des initiatives locales visant à soutenir le revenu des allocataires reprenant une activité

La loi autorise le conseil départemental à décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables au RSA ; le département doit alors en assumer les conséquences financières 20 ( * ) .

Plusieurs départements ont ainsi mis en place des dispositifs de cumul temporaire entre le RSA et des revenus professionnels . Ainsi le département de la Manche permet-il un cumul emploi-RSA pour des emplois saisonniers ou des CDD de moins de six mois dans le maraîchage ou l'ostréiculture, dans la limite de 500 heures travaillées. Il en va de même pour les revenus tirés des vendanges dans plusieurs départements viticoles. Ces dispositifs n'ont pas encore fait l'objet d'une véritable évaluation à ce jour.

Pour sa part, dans le contexte de la recentralisation du RSA dans ce territoire, le département de La Réunion expérimente depuis 2020 le dispositif « R+ », destiné aux allocataires du RSA ayant un projet de retour à l'activité professionnelle.

Le dispositif expérimental R+ à la Réunion

La loi de finances pour 2020 21 ( * ) a prévu la recentralisation du RSA à La Réunion 22 ( * ) . Depuis le 1 er janvier, la CAF de La Réunion exerce les compétences d'instruction et d'attribution du droit. En outre, la compétence d'orientation des bénéficiaires du RSA a été transférée de la collectivité de La Réunion à la CAF au 1 er décembre dernier.

La dynamique de la dépense liée au RSA devenait en effet intenable dans un département confronté à d'importants enjeux de pauvreté. Les moyens de la politique d'insertion avaient fortement diminué en conséquence du gonflement des dépenses d'allocation, essentiellement dû à des décisions prises par l'État (plan de revalorisation du RSA de 2013 à 2017, puis diminution des contrats aidés à partir de 2017).

Dans ce contexte, le département a pris l'initiative d'expérimenter, depuis le 1 er septembre 2020, une allocation complémentaire, temporairement cumulable avec des revenus d'activité, dénommée R+. Il s'agit d'un dispositif local, alternatif au cumul entre RSA et revenus professionnels, visant à donner confiance aux bénéficiaires dans leurs démarches de retour à l'emploi.

Les personnes ciblées sont des bénéficiaires du RSA depuis au moins 6 mois, qui souhaitent s'engager dans un parcours d'insertion à temps partiel, soit dans le cadre d'un emploi salarié en entreprise, soit au sein d'une structure d'insertion par l'activité économique, soit au moyen d'une création d'entreprise, soit via une mobilité professionnelle.

Le montant du R+ est égal à 50 % du revenu d'activité perçu durant le parcours d'insertion, sans pouvoir excéder le montant de RSA perçu par le bénéficiaire avant la reprise d'activité. Il est versé dès le premier mois de la perte du RSA et cumulable avec la prime d'activité. En mars 2021, un montant moyen de 400 euros, complétant un revenu professionnel de 800 euros, était ainsi versé à 1 500 bénéficiaires.

Un contrat d'engagements réciproques est conclu entre le département et le bénéficiaire, la finalité étant une intégration de ce dernier dans un emploi durable à l'issue du parcours.

Selon l'estimation du département, les dépenses liées au dispositif seraient de 15 millions d'euros en année pleine. Une première évaluation du dispositif sera réalisée mi-2021 en vue de sa reconduction éventuelle.

D'autres dispositifs visent à soutenir les bénéficiaires du RSA qui entrent en formation . Le département de l'Allier a par exemple mis en place le Parcours Persévérance dans le cadre d'un partenariat avec la région Auvergne-Rhône-Alpes.

En complément de la rémunération d'environ 652 euros par mois assurée par la région, le département verse une aide financière complémentaire de 472 euros par mois pendant toute la durée de la formation afin d'inciter au maintien dans la formation et au retour à l'emploi. Selon les informations fournies au rapporteur, environ 150 personnes ont bénéficié de ce dispositif depuis son lancement en septembre 2018. Son coût a représenté près de 112 800 euros en 2020.

2. La proposition de loi prévoit l'expérimentation d'un cumul de revenus professionnels et de la prime d'activité avec le RSA

L'article 1 er de la proposition de loi déposée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues prévoit la mise en place pour une durée de quatre ans, dans des départements volontaires, d'une expérimentation visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA.

Cette expérimentation s'adresse aux bénéficiaires du RSA « privés d'emploi depuis au moins un an » et résidant dans le département. Elle permettrait aux personnes concernées d'être embauchées par des entreprises , sous contrat à durée déterminée d'une durée au moins égale à un an ou à durée indéterminée, tout en conservant le bénéfice de leur allocation pendant une durée d'un an , dans la limite d'un plafond fixé par décret. Ce maintien en tout ou partie du RSA pourrait se cumuler avec la prime d'activité.

Le coût pour le département du dispositif ferait l'objet d'une compensation financière par l'État dans les conditions applicables au financement du RSA.

L'expérimentation ferait l'objet d'un rapport d'évaluation remis au Parlement au plus tard un an avant son terme, sur la base d'un bilan établi par chaque département participant dix-huit mois avant la fin de l'expérimentation.

Ce dispositif s'inspire d'une initiative du département de l'Allier, laquelle procède du constat d'un paradoxe : d'un côté, les entreprises peinent à trouver les compétences qu'elles recherchent quand, de l'autre, de nombreux chômeurs ne trouvent pas d'emploi. Il vise ainsi à remobiliser des allocataires du RSA qui seraient sensibles à une meilleure incitation monétaire au retour à l'emploi et à favoriser l'appariement entre le vivier des chômeurs de longue durée et la demande de travail des entreprises.

Selon des documents que le rapporteur a pu consulter, cette initiative a recueilli le soutien de nombreuses entreprises locales interrogées par le conseil départemental de l'Allier, lesquelles ont notamment mis en avant leurs difficultés de recrutement et le caractère désincitatif des aides sociales. Elle est également soutenue par plusieurs organisations d'employeurs et réseaux d'entrepreneurs du département.

II - La position de la commission : un dispositif complémentaire des outils existants, sous réserve de modifications

Cette expérimentation s'inscrit dans la philosophie des solutions du type « travail pour tous », fondées sur une activité de travail, un accompagnement personnalisé et un complément de revenu transitoire, soutenues par Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d'Alsace, dans un rapport de 2018 de l'Assemblée des départements de France (ADF) 23 ( * ) .

Pour le rapporteur, elle présente l'intérêt de permettre à des allocataires souhaitant s'engager dans une démarche de retour à l'activité de bénéficier, au-delà d'un soutien monétaire, de l'accompagnement dû aux allocataires du RSA . Elle se fonde sur le potentiel des personnes en leur donnant les moyens de franchir la distance qui peut les séparer de l'emploi durable. Le département de l'Allier prévoit ainsi un accompagnement spécifique de trois mois au démarrage, renouvelable une fois, qui permettra de sécuriser à la fois le salarié et l'employeur et d'éviter les abandons.

Le rapporteur considère que la philosophie de cette expérimentation est bien distincte de celle des solutions de type revenu universel, lesquelles, outre leur coût colossal pour les finances publiques, présentent le risque de laisser les bénéficiaires livrés à eux-mêmes et de générer un certain isolement social.

Il lui est cependant apparu souhaitable d'apporter, avec l'accord de son auteur, des modifications au dispositif de la proposition de loi afin de lui permettre d'atteindre sa cible et ses objectifs.

A. Les conditions pour bénéficier du dispositif et son mécanisme

1. L'introduction d'une condition d'ancienneté dans le RSA

La condition de privation d'emploi posée par la proposition de loi rappelle la formulation de « personnes volontaires privées durablement d'emploi depuis au moins un an » retenue dans le cadre de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » 24 ( * ) . Cette notion reste cependant mal définie juridiquement, car pouvant recouvrir diverses situation de sous-emploi, et peut prêter à équivoque.

Il serait donc plus clair d'introduire, en lieu et place de cette condition de privation d'emploi, une condition d'ancienneté minimale d'un an dans le RSA visant à cibler un public réellement en difficulté. Les statistiques de la DREES montrent en effet que les personnes ayant plus d'un an d'ancienneté dans le RSA ont moins de chances de sortir des minima sociaux d'une année sur l'autre ( cf. supra ).

Les bénéficiaires devraient en outre être inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi afin de garantir un suivi de ces personnes par le service public de l'emploi.

2. La possibilité de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail afin de conclure des contrats de 15 heures

Le texte déposé ne fait pas référence à la durée du travail dans le cadre de l'expérimentation. Or, le projet du département de l'Allier visait initialement à encourager une reprise d'activité à temps partiel pour une durée assez réduite, comme l'a confirmé Annie Corne, vice-présidente du conseil départemental, au rapporteur. En effet, l'éloignement de l'emploi pour une longue durée et l'existence de freins périphériques peuvent compliquer un retour à l'activité pour une durée hebdomadaire proche d'un temps plein.

Il paraît donc cohérent avec les objectifs de la proposition de loi d'introduire la possibilité de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail de droit commun pour un contrat à temps partiel , qui est de 24 heures en l'absence de dispositions conventionnelles prévoyant une durée différente 25 ( * ) .

Les bénéficiaires pourraient ainsi être embauchés, pendant la première année du contrat, pour une durée de 15 heures hebdomadaires minimum . Cette durée dérogatoire pourrait permettre à des personnes durablement éloignées de l'emploi de se réadapter au monde de l'entreprise en leur laissant le temps de s'organiser et de se former tout en limitant les charges pour l'employeur.

Par ailleurs, pour permettre l'application du dispositif à des personnes embauchées en CDD d'une durée d'un an, ce qui est rare en pratique dans le cadre des cas de recours au CDD énumérés à l'article L. 1242-2 du code du travail, il serait fait mention de la possibilité de conclure un CDD au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi 26 ( * ) .

3. La recherche d'une meilleure insertion du dispositif dans le paysage des minima sociaux

L'articulation du dispositif avec le paysage actuel des prestations sociales, et notamment avec la prime d'activité, doit également être interrogée.

Dans le droit actuel, un allocataire reprenant une activité professionnelle cumule, pendant les trois premiers mois, intégralement le RSA et sa rémunération professionnelle : c'est le mécanisme des « effets figés ». Il ne perçoit pas encore la prime d'activité. Les trois mois suivants, son RSA est diminué à concurrence du montant de sa rémunération professionnelle. En revanche, il perçoit la prime d'activité qui vient compenser partiellement la baisse du RSA.

À titre d'exemple, une personne seule bénéficiant d'une aide au logement qui occuperait un emploi de 15 heures hebdomadaires rémunérées au SMIC horaire (soit un salaire de 527,57 euros net mensuel) percevrait, après les trois premiers mois, 281,51 euros de prime d'activité mais perdrait le droit au RSA.

Dans le cadre de l'expérimentation, cette personne conserverait le RSA à hauteur de 497,50 euros. Si la prime d'activité s'ajoutait à ces revenus comme le prévoit le texte déposé, le bénéficiaire disposerait d'un total de 1 306 euros, inférieur de moins de 100 euros au total perçu par un salarié à temps plein rémunéré au SMIC et bénéficiant de la prime d'activité (1 399 euros). Une personne seule travaillant 19 heures par semaine dans ces conditions dépasserait même le revenu global d'un salarié travaillant 35 heures ( cf . tableau ci-dessous).

Effet sur le revenu d'une personne seule d'un cumul du RSA,
de revenus professionnels et de la prime d'activité

Source : commission des affaires sociales du Sénat

Ce dépassement serait plus rapide encore dans le cas d'une personne avec enfant ou d'un couple monoactif : il interviendrait alors dès 16 heures travaillées par semaine.

Cet effet n'est pas souhaité par les représentants des départements auditionnés par le rapporteur et présente le risque, en voulant encourager le retour à l'activité de certains bénéficiaires de minima sociaux, de créer une « trappe à sous-emploi ».

Afin de limiter les distorsions introduites par le dispositif tout en garantissant un gain au travail pour les bénéficiaires, le rapporteur estime préférable de prévoir la suspension du bénéfice de la prime d'activité pendant la période de maintien du RSA. Les bénéficiaires disposeraient toujours de ressources plus élevées que s'ils se voyaient appliquer les règles de droit commun, mais le total de leurs revenus resterait proportionné aux conditions d'exercice de leur reprise d'emploi à temps partiel.

Cette modification génèrerait par ailleurs une économie pour l'État, qui finance la prime d'activité.

Effet sur le revenu d'une personne seule d'un cumul du RSA
et de revenus professionnels (avec suspension de la prime d'activité)

Source : commission des affaires sociales du Sénat

4. Les précisions visant à rendre le dispositif plus opérationnel

Le texte déposé se borne à indiquer que les bénéficiaires de l'expérimentation pourraient être embauchés par des entreprises « sans perdre le bénéfice de leur allocation pendant une durée d'un an, dans la limite d'un plafond fixé par décret ».

Or, le montant du RSA n'est pas individualisé mais dépend notamment de la situation familiale et de l'ensemble des ressources du foyer.

Afin de permettre l'intégration du dispositif dans le système d'information des CAF, la technique qui semble la plus opérationnelle est l'exclusion des revenus professionnels perçus dans le cadre de l'expérimentation dans les ressources prises en compte pour l'attribution et le calcul de l'allocation.

Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, une personne seule bénéficiant d'une aide au logement et embauchée à temps partiel percevrait bien un montant de RSA de 497,50 euros, cumulable avec son salaire, pendant la durée de l'expérimentation. En revanche, ce montant pourrait évoluer à la hausse ou la baisse si la composition de son foyer ou le total de ses ressources connaissaient des changements pendant cette période.

Un décret fixerait le plafond à partir duquel des revenus professionnels supplémentaires seraient pris en compte dans le calcul du RSA. À titre d'exemple, si ce plafond était fixé à 800 euros, tout revenu professionnel perçu au-delà de ce montant viendrait réduire d'autant le montant du RSA. Ceci aura pour effet de neutraliser les gains au travail à partir d'une certaine durée travaillée et d'inciter à une reprise d'activité pour une durée de travail limitée dans le cadre de l'expérimentation, conformément au souhait de ses promoteurs.

*

Sur la proposition du rapporteur, la commission a donc adopté un amendement (COM-2) tendant à :

- conditionner le bénéfice du dispositif à une ancienneté d'au moins un an dans le RSA et à une inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ;

- déroger aux durées minimales hebdomadaires de travail pour permettre aux bénéficiaires d'être engagés pour une durée de 15 heures hebdomadaires minimum ;

- suspendre le bénéfice de la prime d'activité pendant la durée du cumul RSA-revenus professionnels ;

- rendre possible le maintien du RSA en excluant pendant un an des ressources prises en compte pour son attribution et son calcul, les revenus professionnels perçus dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée d'un an ou d'un contrat à durée indéterminée, jusqu'à un plafond fixé par décret.

B. Les conditions du financement de l'expérimentation

Si le RSA est financé par les départements, son coût fait l'objet d'une compensation par l'État dans le cadre des articles L. 1614-1 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Il convient toutefois de rappeler que le montant de cette compensation est jugé insuffisant par l'ADF, en particulier depuis les revalorisations exceptionnelles du RSA intervenues entre 2013 et 2017, qui ont donné lieu à une hausse de 10 % du montant de l'allocation 27 ( * ) . À la suite d'un recours contentieux formé par les départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne, un arrêté a récemment fixé à 1,4 milliard d'euros par an, à compter du 1 er septembre 2018, le montant des accroissements de charges résultant pour les départements de ces revalorisations exceptionnelles 28 ( * ) .

Une juste compensation de l'État est d'autant plus nécessaire dans le contexte actuel d'augmentation des dépenses liées au RSA due à la crise, l'ADF évoquant une hausse de 9,2 % entre 2019 et 2020.

Les articles L. 121-4 et L. 262-26 du code de l'action sociale et des familles autorisent le conseil départemental à prévoir des conditions et des montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables au RSA, sous réserve que les dépenses afférentes soient prises en charge par le département, c'est-à-dire non compensées.

Afin de lever toute ambigüité sur l'application du principe de compensation par l'État des dépenses occasionnées par l'expérimentation, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement (COM-3) visant à exclure l'application de ces dispositions à la décision du département de participer à l'expérimentation .

C. Les modalités de l'évaluation de l'expérimentation

En matière de politique d'insertion, la démarche expérimentale est pertinente à condition de répondre à des objectifs clairement définis et de s'accompagner d'évaluations rigoureuses.

Conformément aux objectifs de l'expérimentation, le bilan établi par chaque département participant devrait ainsi s'attacher :

- à préciser la situation individuelle des bénéficiaires avant leur entrée dans l'expérimentation et évaluer leur situation à la sortie du dispositif ;

- à présenter l'évolution du nombre de bénéficiaires du RSA, mais aussi celle du nombre d'emplois non pourvus dans le département au cours de la période expérimentale ;

- à détailler les dépenses occasionnées par le dispositif.

Quant au rapport devant être remis au Parlement par le Gouvernement, il devrait, sur la base de ce bilan, évaluer l'impact du dispositif sur le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA, sur l'appariement entre l'offre et la demande de travail ainsi que sur les finances publiques.

La commission a donc adopté un amendement COM-4 du rapporteur précisant le contenu des rapports qui devront être établis, d'une part, par les départements expérimentateurs et, d'autre part, par le Gouvernement en vue de dresser le bilan de l'expérimentation et d'envisager les conditions d'une éventuelle généralisation.

D. Les mesures d'application du dispositif

À l'initiative du rapporteur, la commission a enfin adopté un amendement COM-1 précisant les conditions d'application du dispositif .

Cet amendement vise à faire débuter la période prévue pour l'expérimentation à la date de parution du décret d'application, et non à la date d'entrée en vigueur de la loi, afin de garantir que cette période dure effectivement quatre ans.

Il confie par ailleurs au ministre chargé de l'action sociale la responsabilité d'établir la liste des départements retenus pour l'expérimentation, la proposition de loi ne mentionnant que les départements « volontaires ».

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Gage financier

Cet article propose de compenser la charge résultant pour l'État et les collectivités territoriales de la proposition de loi par un gage sur les droits de consommation sur les tabacs.

La commission a adopté cet article.

I - Le dispositif proposé

Afin de compenser la charge engendrée par la proposition de loi, le présent article a recours au traditionnel « gage tabac » en prévoyant que :

- la charge résultant pour l'État de la proposition de loi est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ;

- la charge résultant pour les collectivités territoriales de la proposition de loi est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation générale de fonctionnement (DGF) et, corrélativement pour l'État, par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II - La position de la commission

Cet article vise à assurer les conditions de la recevabilité financière du texte en prévoyant un gage qu'il appartiendra le cas échéant au Gouvernement de lever.

La commission a adopté cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 7 avril 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de M. Daniel Chasseing, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 34 rectifié, 2020-2021) d'expérimentation visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport de notre collègue Daniel Chasseing sur la proposition de loi d'expérimentation, déposée par Claude Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants-République et Territoires, visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - La présente proposition de loi vise à mettre en oeuvre, à titre expérimental, un dispositif d'incitation au retour à l'emploi ciblé sur les bénéficiaires du revenu de solidarité active afin de favoriser leur insertion sur le marché du travail.

Il me revient d'abord de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives à la mise en place et aux modalités d'une expérimentation visant à permettre le cumul du RSA et de revenus professionnels, ainsi qu'aux conditions d'emploi et aux règles d'attribution de la prime d'activité aux bénéficiaires de ladite expérimentation. En revanche, ne présenteraient pas de lien avec le texte des amendements relatifs aux règles générales d'attribution, de calcul, de service et de financement du RSA et de la prime d'activité, aux autres dispositifs d'insertion sociale et professionnelle, aux aides sociales, à l'action sociale, ou à l'indemnisation du chômage.

J'en viens à mon rapport sur la proposition de loi.

Depuis 2008, les réformes de notre système de minima sociaux ont visé à éliminer les désincitations à l'emploi et à faire en sorte que le travail paie davantage que l'inactivité. Le revenu de solidarité active a succédé le 1 er juin 2009 au revenu minimum d'insertion (RMI) et à l'allocation de parent isolé (API) afin, notamment, d'en corriger les effets désincitatifs. Il comportait deux volets : un volet « minimum social » ou « socle », qui est le seul à subsister aujourd'hui ; un volet « activité » tendant à intéresser financièrement les bénéficiaires à la reprise d'un emploi. Le RSA « socle », financé par les départements, est une allocation différentielle qui complète les ressources initiales du foyer pour qu'elles atteignent le seuil d'un revenu garanti, ou montant forfaitaire, dont le barème varie selon la composition du foyer. Le RSA est versé tant que les revenus du foyer sont inférieurs à ce montant et décroît à mesure que les ressources de l'allocataire augmentent. Au 1 er avril 2021, celui-ci est fixé à 565,34 euros pour une personne seule sans enfant. 1,99 million de foyers bénéficiaient du RSA fin juin 2020, selon la CNAF.

En 2016, le RSA « activité » a été fusionné avec la prime pour l'emploi et remplacé par la prime d'activité. Sa formule de calcul, complexe, tient compte de la situation d'emploi de chacun des membres du foyer afin d'offrir un complément de revenus d'activité aux travailleurs modestes. Son montant est progressif jusqu'à un niveau de revenus qui dépend de la situation familiale, et dégressif au-delà.

La bonification individuelle de la prime d'activité a fait l'objet, au 1 er janvier 2019, d'une revalorisation exceptionnelle de 90 euros, qui a élargi mécaniquement le public éligible en rehaussant le plafond de ressources pour y prétendre, mais aussi amélioré le taux de recours à la prestation. À la fin de 2019, quelque 4,5 millions de foyers bénéficiaient de la prime d'activité, occasionnant une dépense annuelle de 9,6 milliards d'euros pour l'État.

En pratique, un allocataire reprenant une activité professionnelle cumule pendant les trois premiers mois RSA et rémunération professionnelle, mais il ne perçoit pas encore la prime d'activité. Les trois mois suivants, son RSA est diminué à concurrence du niveau de sa rémunération. En revanche, il perçoit la prime d'activité qui vient compenser une partie de la baisse du RSA. L'articulation du RSA et de la prime d'activité se veut vertueuse et incitative.

Si ces réformes ont éliminé l'essentiel des « trappes à inactivité », l'objectif incitatif du RSA n'a pas été totalement atteint. Les bénéficiaires du RSA sont majoritairement sans emploi, et la plupart ont plus d'un an d'ancienneté en tant qu'allocataires. Plus cette ancienneté est élevée, moins ils ont de chances d'en sortir. Fin 2019, près de 61 % des bénéficiaires du RSA étaient allocataires depuis au moins deux ans, 37 % depuis au moins cinq ans et 16 % depuis au moins dix ans.

La présente proposition de loi tend à mieux soutenir la transition des allocataires du RSA vers l'emploi. Elle comprend deux articles, l'article 2 visant à gager financièrement le dispositif. Inspirée d'une initiative portée par le département de l'Allier, elle procède du constat d'un paradoxe : d'un côté, les entreprises peinent à trouver les compétences qu'elles recherchent quand, de l'autre, de nombreux chômeurs ne trouvent pas d'emploi. En particulier, les bénéficiaires de minima sociaux qui pourraient travailler ne parviennent pas à reprendre une activité en raison d'un ensemble de freins monétaires et non monétaires. Plus leur ancienneté dans les minima sociaux est élevée, moins ils ont de chances d'en sortir d'une année sur l'autre.

L'article 1 er prévoit la mise en place, pour une durée de quatre ans, dans des départements volontaires, d'une expérimentation visant à soutenir financièrement le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA. Cette expérimentation s'adresse aux bénéficiaires du RSA « privés d'emploi depuis au moins un an » et résidant dans le département. Elle permettrait aux personnes concernées d'être embauchées par des entreprises tout en conservant le bénéfice de leur allocation pendant une durée d'un an, dans la limite d'un plafond fixé par décret. Ce maintien en tout ou partie du RSA pourrait être cumulé avec la prime d'activité.

Le coût du dispositif pour le département ferait l'objet d'une compensation financière par l'État dans les conditions applicables au financement du RSA. En effet, la loi permet déjà à un département de décider de conditions plus favorables que le droit commun, à condition qu'il en assume les conséquences financières. Le principal apport de la proposition de loi est donc d'étendre à cette expérimentation le principe de la compensation financière versée par l'État via la dotation globale de fonctionnement (DGF) - laquelle ne couvre que de manière incomplète le coût réel du RSA, comme le déplore régulièrement l'Assemblée des départements de France (ADF). L'expérimentation ferait l'objet d'une évaluation au plus tard un an avant son terme, sur la base de rapports établis par les départements expérimentateurs.

En matière d'insertion dans l'emploi des chômeurs de longue durée, il n'existe pas de solution miracle. Le dispositif proposé s'inscrirait dans un paysage déjà dense incluant les structures d'insertion par l'activité économique, en faveur desquelles le Gouvernement a renforcé son appui dans le cadre du plan de relance, les parcours emploi compétences (PEC) - la nouvelle génération de contrats aidés -, ou des expérimentations comme « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Il viendrait compléter les dispositifs existants et présenterait l'intérêt de permettre à des chômeurs de longue durée de bénéficier, au-delà d'un soutien monétaire, de l'accompagnement des allocataires du RSA tout en s'intégrant progressivement dans l'entreprise. Il se fonde sur le potentiel des personnes en les aidant à franchir la distance qui les sépare de l'emploi durable. Il vise tout autant à responsabiliser les entreprises pour qu'elles soient, comme elles le souhaitent, des acteurs de cette démarche d'insertion.

La philosophie de cette expérimentation est bien distincte de celle des solutions du type du revenu universel, lesquelles, outre leur coût colossal pour les finances publiques, présentent le risque de laisser les bénéficiaires livrés à eux-mêmes. Il me paraît cependant souhaitable d'apporter des modifications au dispositif afin de lui permettre d'atteindre sa cible et ses objectifs. Tous les amendements que je vais vous présenter ont recueilli l'approbation de l'auteur de la proposition de loi.

Je vous suggérerai d'abord d'introduire, en lieu et place de la condition de privation d'emploi, notion équivoque, une condition d'ancienneté minimale d'un an dans le RSA, afin de cibler un public réellement en difficulté. Les bénéficiaires devraient en outre être inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi pour un suivi garanti. Je vous présenterai aussi un amendement prévoyant la possibilité de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail de droit commun pour un contrat à temps partiel, qui est de 24 heures. Conformément au projet initial des promoteurs de l'expérimentation, les bénéficiaires pourraient être embauchés, pendant la première année, pour une durée de 15 heures hebdomadaires minimum, ce qui favoriserait, à moindre coût pour l'employeur, la réadaptation professionnelle des personnes durablement éloignées de l'emploi.

Afin de limiter les éventuelles distorsions introduites par le dispositif tout en garantissant un gain au travail pour les bénéficiaires, il est préférable que ceux-ci ne puissent pas percevoir la prime d'activité pendant la période de maintien du RSA. Cette mesure ne modifierait pas leurs ressources, toujours plus élevées que s'ils étaient soumis au droit commun, mais elle permettrait au dispositif de mieux s'insérer dans le paysage des minima sociaux, tout en entraînant une économie pour l'État, qui finance la prime d'activité.

Le maintien du RSA, dont les modalités ne sont pas précisées, pourrait être assuré par l'exclusion des revenus professionnels perçus dans le cadre d'un contrat à durée déterminée (CDD) d'un an ou d'un contrat à durée indéterminée (CDI), jusqu'à un plafond fixé par décret, dans les ressources prises en compte pour l'attribution et le calcul de l'allocation.

Outre ces modifications réécrivant le coeur de la proposition de loi, je vous proposerai des amendements précisant les conditions de financement, d'évaluation et d'application du dispositif. Je vous soumettrai ainsi un amendement visant à lever toute ambigüité sur l'application de la compensation par l'État des dépenses occasionnées par l'expérimentation. Par ailleurs, il convient d'encadrer le contenu des rapports qui devront être établis par les départements expérimentateurs et le Gouvernement, en vue de dresser le bilan de l'expérimentation au regard de ses objectifs initiaux et d'envisager les conditions d'une éventuelle généralisation. En effet, une expérimentation n'est utile que si elle s'accompagne d'une évaluation rigoureuse. Devront être pris en considération l'évolution de la situation des bénéficiaires ainsi que les effets du dispositif sur le nombre de bénéficiaires du RSA, sur l'appariement entre l'offre et la demande de travail et sur les finances publiques. Enfin, un dernier amendement précisera les conditions d'application du dispositif, en faisant débuter l'expérimentation à la date de parution du décret, afin de garantir que cette période dure effectivement quatre ans, et en confiant au ministre chargé de l'action sociale la responsabilité d'établir la liste des départements retenus pour l'expérimentation.

Ce projet a obtenu le soutien de très nombreux employeurs de l'Allier, ainsi que des départements de la Manche ou de La Réunion que nous avons auditionnés. Ce dispositif ne s'adresse évidemment pas à tous les publics, mais l'insertion par l'activité économique reste pertinente pour aider les personnes les plus éloignées de l'emploi. En outre, il ne peut fonctionner que si l'accompagnement par le département et le service public de l'emploi est une réalité. Telle est bien l'intention du conseil départemental de l'Allier, qui prévoit un accompagnement spécifique de trois mois au démarrage, renouvelable une fois, afin de sécuriser toutes les parties prenantes. Le dispositif pourrait s'articuler vertueusement avec l'« accompagnement global » déployé dans le cadre de la stratégie pauvreté et avec le futur service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE).

Pour toutes ces raisons, je demande à la commission de bien vouloir adopter cette proposition de loi.

Mme Pascale Gruny . - Je remercie Daniel Chasseing pour son rapport, mais en tant qu'élue d'un des départements les plus pauvres où l'on constate un taux de chômage quatre à cinq fois supérieur à la moyenne nationale, et un nombre très élevé de bénéficiaires du RSA, je puis vous dire que ces sujets ont déjà été largement évoqués. Des expérimentations ont même eu lieu. Nous avons notamment mis en place une plateforme entre les entreprises et les bénéficiaires du RSA, mais sans prendre en charge une augmentation de leur rémunération.

Le dispositif que vous proposez, nous l'utilisons pour les saisonniers lors des vendanges, car, monsieur Savary, nous avons également du champagne dans l'Aisne ! C'est la durée d'un an qui suscite ma perplexité. Il faudrait peut-être la réduire, et encore... Moi qui étais directeur des ressources humaines il y a peu, je puis vous dire que la coexistence de travailleurs au SMIC et de ceux qui cumuleront pendant un an leur salaire avec le RSA risque de dégrader le climat social. Et la différence du nombre d'heures travaillées ne fera qu'accentuer ce phénomène.

Pour ce qui est de l'accompagnement financier de l'État, il nous manque 40 % pour que le coût du RSA soit compensé. Dès lors, je doute fort de l'efficacité du dispositif. La situation est la même pour les PEC, qui fonctionnent moins bien que les contrats aidés, car trop coûteux pour les collectivités territoriales.

Le travail est socialement important et permet à chacun de retrouver sa dignité. Les chantiers d'insertion sont intéressants, car ils comportent un volet formation insuffisamment évoqué dans le texte. Soyons vigilants : quand le travail manque dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), on entend que les travailleurs en parcours d'insertion, comme les auto-entrepreneurs, font de la concurrence aux artisans. La proposition de loi suscite de nombreuses questions. C'est pourquoi je n'y suis pas favorable.

Mme Frédérique Puissat . - Je remercie à mon tour Daniel Chasseing pour sa présentation et je tiens à lui dire tout le bien que je pense de cette proposition de loi, et ce pour trois raisons. Premièrement, elle émane des territoires. L'audition des représentants de l'Allier à laquelle j'ai assisté a conforté mon sentiment : il existe une vraie dynamique locale dans ce département, et le Sénat est à même de répondre à cette attente de décentralisation. Deuxièmement, un amendement en ce sens avait été déposé lors de l'examen de la proposition de loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Cet amendement avait été frappé d'irrecevabilité en application de l'article 40 de la Constitution, mais j'avais pris la parole dans l'hémicycle pour le soutenir. Troisièmement, cette proposition de loi offre un panel supplémentaire de perspectives dont peuvent se saisir un certain nombre de départements.

Nous devons porter une attention particulière sur notre capacité à évaluer cette expérimentation, et ce d'autant que nous nous sommes heurtés, lors de la prolongation de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », à une controverse relative à son coût pour les finances publiques. C'est pourquoi il faut apporter une précision sur ce que l'on veut expérimenter et évaluer. Le pouvoir de contrôle du Parlement doit ensuite nous permettre de savoir si l'on peut généraliser l'expérimentation.

M. René-Paul Savary . - J'aurai une position intermédiaire et je vous confirme qu'il y a bien du champagne dans l'Aisne ! On a déjà expérimenté depuis des années un certain nombre de dispositifs sur le terrain, mais les freins sont toujours d'ordre financier. Dans le département que j'ai présidé pendant quinze ans, je me suis acharné à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA. Au début, le dispositif nous coûtait 42 millions d'euros ; en 2007, il atteignait 96 millions d'euros. La compensation par l'État était toujours à l'euro près, soit 42 millions, à charge pour les départements de financer le reste. Nous étions tellement ponctionnés que les actions d'insertion, qui s'élevaient au départ à 11 millions d'euros, ont progressivement diminué à 3 millions ou 4 millions d'euros.

En quinze ans, les choses n'ont pas beaucoup évolué. Les bénéficiaires du RSA étaient divisés en trois catégories, avec une certaine fongibilité : ceux qui étaient victimes de la conjoncture, du fait des mutations industrielles ou des crises économiques, et se sont retrouvés dans le système des minima sociaux ; ceux qui étaient dans le dispositif depuis un certain temps et dont la sortie nécessitait des actions d'insertion professionnelle ; enfin, pour les accidentés de la vie qui étaient hors du système depuis très longtemps, il fallait avant tout des actions sociales. Le curseur pouvait varier d'un dispositif à l'autre.

Je suis préoccupé par la condition pour les bénéficiaires du RSA d'être privés d'emploi depuis au moins un an. J'opterai plutôt pour ceux qui se trouvent dans le dispositif depuis seulement quelques mois, car leur insertion est plus facile
- ou plutôt moins difficile vu le contexte économique - et supposera un accompagnement social plus léger. Je suis prêt à déposer un amendement pour que nous puissions en discuter.

Par ailleurs, la durée d'un an du cumul du RSA et du salaire va poser des problèmes au sein de l'entreprise : avoir, à nombre d'heures égales, une rémunération supplémentaire peut poser question. De plus, si la personne est bien dans l'emploi, elle n'a plus besoin d'insertion et profite alors d'un effet d'aubaine. La situation est tout autre pour ceux qui ne sont toujours pas dans l'emploi et qui ont absolument besoin de ces aides. Il faudrait proposer une solution différente, sous peine de distorsions compliquées.

Pourquoi ne pas garder la prime d'activité et diminuer le RSA ? Il n'y a pas de raison que l'État bénéficie de l'économie plutôt que le département. Pourquoi ne pas diminuer le RSA, allocation différentielle et subsidiaire, avec laquelle on peut faire jouer la dégressivité ?

Néanmoins, mon département serait partant pour tester cette expérimentation. Aucun dispositif ne doit être exclu. Il faut beaucoup d'humilité dans l'approche de l'insertion ; tout ce qui est novateur à ce sujet mérite d'être essayé.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Merci pour toutes ces explications. On sent le vécu du président de département...

M. Philippe Mouiller . - Je salue ce texte qui porte un certain nombre de messages positifs. Comme nous l'avions déjà identifié, la peur de perdre les aides
- notamment le RSA - rend plus difficile le retour à l'emploi. La question de l'incitation est aussi décisive.

Il y a donc ces deux délais d'un an qui s'appliquent : il faut bénéficier du RSA depuis au moins un an pour pouvoir cumuler l'allocation et des revenus d'activité pendant un an. Ne faudrait-il pas fonctionner avec des maximums et des minimums ? Cela donnerait de la souplesse et laisserait à chaque département la possibilité d'adapter le dispositif en fonction de la situation et de la typologie des demandeurs d'emploi.

Je partage l'inquiétude sur la compensation financière de l'État. Je comprends la mécanique du raisonnement - la prime d'activité et le RSA n'ont pas la même vocation -, mais on pourrait trouver un moyen de participation.

L'expérimentation est prévue pour une durée de quatre ans. On peut imaginer que, durant cette période, l'État aura la volonté d'avancer sur le revenu universel d'activité (RUA). Peut-on envisager une coordination ?

L'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi est nécessaire. Les initiatives et les expérimentations sont nombreuses dans ce domaine. Se pose, une nouvelle fois, la question de la coordination de tous ces outils.

M. Laurent Burgoa . - Toutes les expérimentations venant du terrain sont une bonne chose. Le sujet nous prépare aux débats concernant la future loi « 4D », avec un parfait exemple de différenciation. Il serait d'ailleurs intéressant que cette proposition de loi soit associée aux débats, dans la mesure où, comme vous le savez, le Gouvernement propose de renationaliser le RSA.

Une fois de plus, M. Malhuret est précurseur, visionnaire, provocateur. Je ne suis ni pour ni contre, mais, encore une fois, tout ce qui vient du terrain mérite d'être débattu. Cette expérimentation ne doit-elle pas être limitée à un nombre déterminé de départements ?

Je suis également très dubitatif sur l'accompagnement financier de l'État. Cette problématique du RSA est, d'un point de vue financier, insupportable pour nos départements.

Mme Élisabeth Doineau . - Je suis favorable à cette proposition de loi, mais cela ne m'empêche pas de trouver pertinentes les questions posées par mes collègues.

Deux mots me viennent à l'esprit : inspiration et exploration. L'inspiration nous vient des territoires, et les initiatives locales doivent recevoir un regard bienveillant du Sénat. En matière d'insertion professionnelle, l'exploration est de mise, tous les outils peuvent être importants.

La question de l'accompagnement des demandeurs d'emploi relève du département. Je verrais bien, adapté à l'emploi, le même type de dispositif mis en place pour le logement avec l'accompagnement vers et dans le logement (AVDL). Cette mission serait réalisée par les professionnels de l'insertion dans les départements, et l'on pourrait également envisager une forme de tutorat ou de compagnonnage dans les entreprises.

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - Pour répondre à Pascale Gruny, la durée d'un an correspond à la double volonté d'intégrer les volontaires dans l'emploi durable et de distinguer le dispositif de celui qui s'applique aux emplois saisonniers.

Actuellement, les allocataires qui reprennent un emploi bénéficient encore du RSA, auquel s'ajoute un salaire, pendant trois mois ; ils reçoivent ensuite la prime d'activité, mais n'ont plus droit au RSA.

La formation est une condition de réussite du dispositif. Une sorte de tutorat, dans l'entreprise, est une piste intéressante. En tout cas, les entreprises sont intéressées.

Dans le cadre d'un contrat de 15 heures, le revenu reste suffisamment éloigné de celui d'une personne à temps plein percevant la prime d'activité. Sous réserve de l'adoption de mon amendement qui suspend la prime d'activité, la différence de revenu entre la personne bénéficiaire de l'expérimentation et celle qui travaille 35 heures pour le salaire minimum resterait importante - 1 025 euros pour la première, 1 400 euros pour la seconde.

Ceux qui le peuvent ont la possibilité de reprendre un emploi à temps plein, même rémunéré au SMIC. Nous avons proposé de fixer un plafond - autour de 800 euros - pour conserver le RSA. Au-dessus de ce plafond, le RSA baisserait, ce qui permettrait de rester en dessous du SMIC.

Madame Puissat, l'expérimentation ouvre effectivement de nouvelles possibilités. Je présente un amendement afin de préciser ses modalités d'évaluation.

Pour répondre à René-Paul Savary, l'un des objectifs est bien de lever l'obstacle financier pour mener l'expérimentation en prévoyant une participation de l'État. En revanche, la compensation du RSA par l'État dépasse le cadre du texte.

Afin d'éviter les effets d'aubaine, l'expérimentation doit inciter à la reprise de l'emploi tout en conservant le RSA. Il s'agit d'accompagner des personnes qui ne sont pas encore complètement éloignées de l'emploi.

La durée peut se discuter. Le pari de cette proposition de loi est d'arriver à diminuer, à l'issue de l'expérimentation, le nombre de bénéficiaires du RSA.

Pour répondre à Philippe Mouiller, la prime d'activité est un dispositif hybride, entre la lutte contre la pauvreté et le revenu supplémentaire pour les travailleurs modestes. Le but n'est pas que l'État fasse des économies. Au bout d'un an, les bénéficiaires du dispositif pourront de nouveau toucher la prime d'activité. Je propose de retirer temporairement la prime d'activité afin que la personne travaillant 15 ou 20 heures ne perçoive pas un revenu supérieur au SMIC.

Il faudrait adapter le dispositif dans le cadre du RUA. Mais cette réforme, pour l'instant, n'est pas à l'ordre du jour.

Monsieur Burgoa, la recentralisation du RSA dépasse le cadre du texte. À La Réunion, où cette recentralisation a déjà eu lieu, le conseil départemental expérimente une aide locale afin d'intéresser les bénéficiaires du RSA qui reprennent un travail en complément de la prime d'activité. Elle est prise en charge par le département, mais cela fonctionne car le RSA y est totalement pris en charge par l'État.

Madame Doineau, les structures d'insertion par l'activité économique (IAE) mènent des expériences intéressantes en matière d'accompagnement des employeurs. Il n'est pas facile d'encadrer des chômeurs de longue durée dans une démarche de retour à l'emploi. Cette question doit être prise en compte par les départements volontaires.

Quand le contrat dure trois mois, les personnes s'inquiètent de ne plus bénéficier du RSA. En le perdant, elles craignent de perdre également des droits connexes : la Complémentaire santé solidaire, l'aide pour les transports, une partie de la prise en charge du téléphone ou de l'aide personnalisée au logement (APL). Conserver le RSA pendant un an représente une sécurité.

M. Olivier Henno . - Je salue le mérite de ce texte qui, bien sûr, concerne le pays tout entier, mais, peut-être plus spécifiquement encore, un certain nombre de départements. Dans le Nord, 8 % des foyers bénéficient du RSA ; dans certains secteurs, comme à Roubaix, plus du tiers des foyers est concerné.

Au-delà de la question financière, l'important pour les personnes est d'avoir l'assurance de retrouver le RSA. Sur ce point, la proposition de loi est à améliorer.

J'ai un doute sur la suspension de la prime d'activité financée par l'État. Cela pourrait créer une distorsion de coût par rapport aux départements. Le débat, c'est le reste à charge - et non la renationalisation.

Ma question concerne l'accompagnement. Quel type de partenariat peut-on envisager avec Pôle emploi ?

Mme Monique Lubin . - Sur le principe, je suis favorable à ce texte, mais je me pose également beaucoup de questions. Concernant la durée hebdomadaire, je crains l'effet d'aubaine. Il sera facile pour certains employeurs, dans certains domaines, de ne plus proposer que des contrats de très courte durée, en se disant que les gens continueront à bénéficier du RSA.

Je m'interroge également sur la durée du contrat. Quand on devient bénéficiaire du RSA, on a déjà rencontré beaucoup de difficultés ; on a connu le chômage, puis la fin des droits ; on est éloigné de l'emploi depuis un moment déjà. Exiger un contrat de travail d'une durée d'un an me paraît excessif. Si l'on veut inciter les personnes à revenir vers l'emploi, il faut leur permettre d'accéder à des contrats de plus courte durée.

Je ne comprends pas l'idée du CDI. Quand on est en CDI, on est déjà inséré. Il n'y a aucune raison de continuer à bénéficier du RSA, d'autant que la prime d'activité existe.

Les départements qui expérimentent déjà sont assez nombreux. Dans mon département, nous donnons la possibilité aux bénéficiaires du RSA de pouvoir « cumuler » avec des emplois saisonniers. Ces départements devront-ils s'inscrire également dans l'expérimentation de la proposition de loi ? Si tel est le cas, cela risque d'être très contraignant.

Concernant la durée limite d'inscription, pourquoi réserver cette expérimentation à des personnes dans le dispositif depuis obligatoirement un an ?

Cette proposition de loi prouve que les dispositifs actuels ne sont pas satisfaisants. Peut-être faudrait-il réfléchir à une véritable loi dans laquelle nous remettrions tous ces dispositifs à plat.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Il est clair que les dispositifs s'empilent...

Mme Victoire Jasmin . - J'ai compris que cette proposition de loi n'intéressait que les entreprises. Depuis trois ans, dans le cadre de l'économie sociale et solidaire (ESS), des associations forment des personnes bénéficiaires du RSA. Le dispositif s'adresse également à des personnes à la retraite ou vivant de minima sociaux. Le secteur associatif offre de véritables opportunités pour former les personnes et les accompagner vers l'emploi.

Mme Annick Jacquemet . - Je suis favorable à l'idée de soutenir les expérimentations de terrain. Je partage les réserves de mes collègues sur les bénéficiaires du RSA cumulant des revenus pendant un an, par rapport aux salariés travaillant dans la même entreprise.

Les départements ont, me semble-t-il, davantage besoin de faire des économies que l'État.

Que fait-on des bénéficiaires du RSA ne suivant pas le dispositif jusqu'à son terme ? On s'engage sur une période d'un an, mais si, après quinze jours ou deux mois, pour diverses raisons, le bénéficiaire ne vient plus à son travail, que se passe-t-il ? Des sanctions sont-elles prévues ? Les effets d'aubaine marchent dans les deux sens...

Mme Viviane Malet . - Le département de La Réunion a mis en place le dispositif expérimental R+, dans le cadre duquel un volet s'adresse aux créateurs d'entreprises. Dans cette proposition de loi, les porteurs de projets et les créateurs de petites entreprises sont-ils également concernés ?

À La Réunion, la prime donnée par le département aux créateurs d'activités est recalculée tous les six mois. Un contrat d'engagement réciproque spécifique entre le département et le bénéficiaire fait l'objet d'un suivi trimestriel. Ces possibilités sont-elles envisagées ?

M. Martin Lévrier . - En travaillant 15 heures tout en percevant le RSA, on n'est pas très loin de toucher le même salaire que ceux qui travaillent 35 heures et sont au SMIC. Comment appréhendez-vous la relation dans l'entreprise entre la personne aidée et le salarié « normal » ?

Comment envisage-t-on la sortie du dispositif ? Les personnes doivent-elles passer à temps plein ? Accepter une baisse de revenus avec la perte du RSA ?

Enfin, comme certains de mes collègues, j'émets une réserve sur l'empilement des dispositifs, qui peut s'avérer contre-productif.

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - Le texte garantit que les bénéficiaires restent dans le RSA et n'auront pas à réaliser de nouvelles démarches pour l'obtenir.

Je répète que la suspension de la prime d'activité, afin d'éviter les effets d'aubaine, est temporaire. L'expérimentation vise à réduire les dépenses liées au RSA dans les départements, de manière à leur redonner des marges de manoeuvre en matière d'accompagnement.

Il serait intéressant d'envisager une articulation du dispositif avec le binôme formé par le travailleur social et le conseiller pour l'emploi dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et d'action contre la pauvreté.

Monique Lubin, vous estimez que la durée hebdomadaire de 15 heures va susciter des effets d'aubaine du côté des employeurs ; je ne le pense pas. Les employeurs doivent être motivés pour accompagner la personne dans le cadre d'un tutorat ou d'une formation, en lien avec le personnel de Pôle emploi ou du conseil départemental.

La durée de contrat à durée déterminée d'un an distingue le dispositif de l'emploi saisonnier. L'objectif est une insertion à long terme.

Un travail d'unification est sans doute nécessaire pour répondre à l'empilement des dispositifs. Cette proposition de loi apporte un plus : son originalité concerne le maintien du RSA. Les personnes bénéficiaires n'auront plus l'angoisse de ne pas retrouver le RSA après un contrat de trois mois.

Madame Jasmin, lors de nos auditions, nous avons constaté que beaucoup d'entreprises sont intéressées. Tous les départements que j'ai auditionnés partagent le constat du caractère insuffisamment incitatif de l'articulation entre le RSA et la prime d'activité. De nombreux employeurs font part de leur difficulté à recruter. Entre 2019 et 2020, le nombre de personnes bénéficiaires du RSA a augmenté de 7,5 %. Le secteur associatif offre effectivement des opportunités.

Madame Jacquemet, le soutien offert par l'expérimentation doit produire des effets concrets sur l'insertion des bénéficiaires dans le monde du travail. Il est vrai que les échecs sont nombreux et que les dispositifs ne fonctionnent pas toujours, mais, à ce stade, il n'est pas nécessaire d'envisager des sanctions. Je crois à la synergie entre les travailleurs sociaux et les entreprises pour intégrer des personnes restées longtemps éloignées de l'emploi.

Madame Malet, les créateurs d'entreprises ne sont pas inclus dans le dispositif. Quant à la proposition d'un contrat d'engagement réciproque, l'expérimentation doit s'inscrire dans les contrats existants entre le bénéficiaire, le département et Pôle emploi.

Monsieur Lévrier, c'est justement pour éviter toute distorsion que nous ne conservons pas la prime d'activité. Sinon, nous arriverions à 1 300 euros, soit 100 euros de moins que le SMIC. Notre amendement vise donc à suspendre le versement de la prime d'activité lorsque le RSA est maintenu, avec un accompagnement en contrepartie. Quoi qu'il en soit, le total restera toujours inférieur au revenu d'un salarié travaillant 35 heures.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Ce texte vise à répondre aux nombreuses questions des départements qui doivent s'engager dans cette expérimentation, mais des interrogations demeurent.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - L'amendement COM-1 vise à faire débuter la période prévue pour l'expérimentation à la date de la parution du décret d'application, et non à la date de l'entrée en vigueur de la loi, afin de garantir que cette période dure effectivement quatre ans. Il confie par ailleurs au ministre chargé de l'action sociale la responsabilité d'établir la liste des départements retenus pour l'expérimentation.

L'amendement COM-1 est adopté.

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - L'amendement COM-2 réécrit le coeur du dispositif de l'expérimentation de manière à le rendre plus opérationnel. Il définit une condition d'ancienneté minimale d'un an dans le RSA afin de cibler un public réellement en difficulté. Les bénéficiaires devraient en outre être inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi pour que leur suivi soit garanti par le service public de Pôle emploi. Cet amendement introduit par ailleurs deux éléments très importants qui consolident les apports de la proposition de loi : la possibilité de déroger à la durée hebdomadaire minimale du travail à temps partiel, qui est de 24 heures, par des contrats de 15 heures hebdomadaires minimum ; la suspension du bénéfice de la prime d'activité pendant la période de maintien du RSA.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous avons bien compris que la durée d'un an était problématique.

M. René-Paul Savary . - Les 15 heures aussi !

Mme Pascale Gruny . - Tout à fait.

M. René-Paul Savary . - Si j'ai bien compris le dispositif, pour un CDI de 15 heures, le bénéficiaire percevra un revenu total de 1 025 euros. Au bout d'un an, il ne touchera plus que 700 euros.

Mme Pascale Gruny . - Non, car il ne pourra plus travailler 15 heures.

Mme Monique Lubin . - Il devra passer à 24 heures.

M. René-Paul Savary . - Il faut articuler les deux régimes.

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - L'objectif est que les bénéficiaires du RSA se rapprochent au bout d'un an d'un travail à temps plein. Entre leur salaire et la prime d'activité, nous espérons qu'ils percevront au minimum l'équivalent du SMIC.

M. René-Paul Savary . - Il faudrait préciser cette période de transition dans l'expérimentation et amender le texte en conséquence. C'est pourquoi je m'abstiens sur ces propositions.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Des amendements seront sûrement déposés sur ce texte à cette fin.

M. René-Paul Savary . - On ne peut pas laisser certains de nos concitoyens dans la précarité !

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - L'objectif est qu'ils soient de nouveau soumis au droit commun après avoir été accompagnés durant un an.

M. René-Paul Savary . - Ils vont irrémédiablement revenir à la case départ ! Si l'entreprise veut employer le bénéficiaire pour 24 heures hebdomadaires ou dans le cadre d'un CDI, elle n'a aucun intérêt à attendre. Il faut trouver une articulation satisfaisante.

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - Il ne s'agit pas de faire en sorte qu'ils reviennent à la case départ. Le contrat de 15 heures hebdomadaires s'achève de toute façon au bout d'un an, avec le retour au droit commun. Les bénéficiaires se verront peut-être proposer un contrat plus long et retrouveront la prime d'activité, l'objectif étant qu'ils puissent, à terme, travailler à plein temps.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Certains points devront être reprécisés.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - L'amendement COM-3 vise à garantir que le financement de l'expérimentation est bien compensé par l'État via la DGF.

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Daniel Chasseing , rapporteur . - L'amendement COM-4 précise que l'évaluation devra prendre en compte l'évolution de la situation des bénéficiaires, mais aussi, plus généralement, les effets du dispositif sur le nombre de bénéficiaires du RSA, sur l'évolution des postes non pourvus et sur les finances publiques.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

M. Philippe Mouiller . - Au nom du groupe Les Républicains, je soutiens cette initiative, car le principe d'une expérimentation volontaire de la part des départements est positif. Toutefois, nous appelons de nos voeux des amendements sur les points en suspens.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous sommes sensibles aux souhaits des départements. Nous avons maintenant une ébauche d'expérimentation ; il nous reviendra de clarifier la situation face à la multiplication des dispositifs.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 29 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 30 ( * ) .
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 31 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 32 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents le 20 mars 2019, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 7 avril 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi d'expérimentation visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- à la mise en place et aux modalités d'une expérimentation visant à permettre le cumul du RSA et de revenus professionnels ;

- aux conditions d'emploi et aux règles d'attribution de la prime d'activité aux bénéficiaires de ladite expérimentation.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé , des amendements relatifs :

- aux règles générales d'attribution, de calcul, de service et de financement du RSA et de la prime d'activité ;

- aux autres dispositifs d'insertion sociale et professionnelle ;

- aux autres prestations sociales et à l'action sociale ;

- à l'indemnisation du chômage.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET CONTRIBUTION ÉCRITE

___________

• Conseil départemental de l'Allier

Claude Riboulet , président

Annie Corne , vice-présidente chargée de l'emploi, de l'économie sociale, de l'insertion sociale et professionnelle et de la prévention spécialisée

• Assemblée des départements de France

Anne Harel , vice-présidente du département de la Manche en charge des politiques sociales

Jean-Michel Rapinat , directeur des politiques sociales

Charles Beltjens , chargé de mission en politiques sociales

Pauline Mazin , responsable veille et réseaux sociaux

• Département de La Réunion

Hugues Maillot , directeur général adjoint du pôle Actions territoriales et insertion

Valère Sitalapresad , directeur de l'insertion

• Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

Florence Allot , sous-directrice de l'Inclusion sociale, insertion, lutte contre la pauvreté

Jean Dhérot , adjoint au chef du bureau des minima sociaux

• Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees)

Fabrice Lenglart , directeur

Pierre-Yves Cabannes , chef du bureau Lutte contre l'exclusion

• ATD-Quart monde

Isabelle Bouyer , déléguée nationale

• Secours Catholique-Caritas France

Guillaume Almeras , responsable Emploi & économie solidaire - Direction Action et plaidoyer France Europe

• Haut-commissariat à l'emploi et à l'engagement des entreprises

Thibaut Guilluy , haut-commissaire

Ronan Le Goaziou , chef de cabinet et conseiller parlementaire

Contribution écrite

Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

LA LOI EN CONSTRUCTION

___________

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-034.html


* 1 Source : CNAF.

* 2 À l'exception de trois collectivités d'outre-mer où il a été recentralisé : la Guyane, Mayotte et La Réunion.

* 3 Source : DREES.

* 4 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 - Article 135.

* 5 Sont considérées comme isolées les personnes veuves, divorcées, séparées ou célibataires ne vivant pas en couple de manière notoire et permanente.

* 6 Art. L. 262-27 du CASF.

* 7 Art. L. 262-28 du CASF.

* 8 Source : DREES.

* 9 Art. L. 861-2 du code de la sécurité sociale.

* 10 Loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

* 11 Cf. rapport Sénat n° 501 (2014-2015) de Mme Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, déposé le 10 juin 2015.

* 12 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 13 Son financement est porté par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de la loi de finances.

* 14 Comme pour le RSA, ce montant peut être temporairement majoré dans le cas d'un parent isolé.

* 15 Source : DREES.

* 16 La loi de finances pour 2021 a ouvert au titre de la prime d'activité 9,7 milliards d'euros de crédits de paiement pour cette année.

* 17 Source : avis n° 141 (2020-2021) de M. Jean Sol, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 19 novembre 2020, sur le projet de loi finances pour 2021 (mission Solidarité, insertion et égalité des chances).

* 18 Présentation par le Président de la République de la stratégie nationale de prévention de lutte contre la pauvreté, 13 septembre 2018.

* 19 Minima sociaux et prestations sociales, DREES, édition 2020.

* 20 Art. L. 121-4 et L. 262-26 du CASF.

* 21 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 - Article 77.

* 22 Le RSA avait préalablement été recentralisé en Guyane et à Mayotte par la loi de finances pour 2019.

* 23 Mobilisation et innovation. Les départements au coeur des politiques de retour à l'emploi, rapport présenté par Frédéric Bierry, ADF, juin 2018.

* 24 Cf. loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » - Article 9.

* 25 Art. L. 3123-7, L. 3123-19 et L. 3123-27 du code du travail. Selon les informations fournies par le Gouvernement, 75 accords de branche portant sur la durée minimale hebdomadaire de travail à temps partiel avaient été étendus au 8 février 2021. Près de la moitié des branches font des 24 heures le principe, et la dérogation l'exception. Environ 15 accords fixent une durée minimale inférieure aux 24 heures applicable à l'ensemble des salariés.

* 26 Art. L. 1242-3 (1°) du code du travail.

* 27 Décrets n° 2013-793 du 30 août 2013, n° 2014-1127 du 3 octobre 2014, n° 2015-1231 du 6 octobre 2015, n° 2016-1276 du 29 septembre 2016 et n° 2017-739 du 4 mai 2017.

* 28 Arrêté du 2 décembre 2020 fixant le montant des accroissements de charge résultant pour les départements des revalorisations exceptionnelles du RSA.

* 29 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 30 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 31 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 32 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique.

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