CHAPITRE 1ER : OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE ET PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Article 2
Approbation du rapport annexé

L'article 2 du projet de loi fixe différents horizons programmatiques dont celui du rehaussement de l'effort national de défense à 2 % du PIB entre 2025 et 2027. Il propose l'adoption du rapport annexé qui détaille les orientations politiques et budgétaires du Gouvernement sur toute la durée de la programmation.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

1. Le dispositif proposé

L'article 2 du présent projet de loi a pour objet d'approuver le rapport annexé à la loi de programmation militaire 2024-2030. Ce dernier détaille les orientations politiques et les priorités financières du Gouvernement sur toute la durée de la programmation. Le rapport annexé présente la future LPM comme celle de la transformation des armées, alors que la LPM 2019-2025 était une LPM de restauration. Il s'agit là de donner aux armées les moyens de faire face à la dégradation du contexte stratégique, au retour de la guerre aux portes de l'Europe et à l'accélération des ruptures technologiques.

Le rapport annexé se compose des 4 parties suivantes qui déclinent ces objectifs :

transformer nos armées pour que la France conserve une supériorité opérationnelle. Quatre pivots de transformation sont présentés dans cette partie qui réaffirme la centralité de la dissuasion nucléaire dans la consolidation du coeur de souveraineté de la France et fixe comme objectif d'améliorer la contribution des armées à la protection de l'hexagone et de l'outre-mer. Le deuxième axe de pivot est la capacité à faire face à un engagement majeur et à des affrontements de haute intensité. Le troisième consiste à maîtriser les nouveaux espaces de conflictualité (stratégies hybrides, espaces maritimes et fonds marins, espaces numériques et exo et haut-atmosphériques). Enfin, le quatrième axe de pivot repose sur les partenariats. Il est assez peu évident à la lecture de cette dernière partie que l'indopacifique soit une zone d'action prioritaire de la France ;

une armée d'emploi qui renforce sa cohérence et sa réactivité. Sont présentés le dispositif de postures et d'engagement renforcés, les moyens et les formats avec notamment le tableau des équipements des forces en 2023, à l'horizon 2030 et à l'horizon 2035, les « patchs » qui font l'objet d'annonces budgétaires spécifiques pour la période de programmation (innovation : 10 milliards, espace : 6 milliards, drones et robots : 5 milliards, défense surface-air : 5 milliards, souveraineté outre-mer : 13 milliards, renseignement : 5 milliards, cyber : 4 milliards, forces spéciales : 2 milliards, et munitions : 16 milliards), les coopérations au service de l'autonomie stratégique européenne, le tableau des normes d'activité annuelle identique à celui de la précédente LPM en termes d'objectifs et moins détaillé, les tableaux des crédits alloués globalement sur la période de programmation à la préparation au combat et à l'entraînement des forces (dont munitions non complexes du P178) d'une part et aux besoins associés au soutien des forces, des infrastructures et du numérique. Enfin, les objectifs de modernisation du ministère sont présentés succinctement ;

- une LPM portée par des moyens budgétaires historiques. Cette partie très synthétique pose le montant de la trajectoire de 413 milliards d'euros courants de besoins programmés sur la période 2024-2030, avec un tableau des 268 milliards de l'agrégat équipement. Il est indiqué que le budget des armées bénéficiera de ressources extrabudgétaires, issues du SSA et du retour de l'intégralité du produit des cessions et transferts immobiliers du ministère. Le montant des recettes extrabudgétaires ne figure pas dans le rapport annexé ;

- et rôle du Parlement et contrôle parlementaire. Cette partie est réduite, elle ne prévoit plus que le Parlement s'appuie pour s'assurer de la mise en oeuvre de la LPM, sur les projets annuels de performance (PAP) et les rapports annuels de performance (RAP) de la mission « Défense » annexés respectivement au projet de loi de finances et au projet de loi de règlement. Cette modification paraît contraire à l'esprit de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances qui définit l'architecture financière de l'État et visait à mettre en oeuvre une culture de la performance7(*) basée notamment sur les indicateurs de performance présentés dans les PAP et RAP. Les indicateurs de performance qui étaient partie intégrante des LPM avant l'adoption de la LOLF ont ainsi été versés aux PAP et RAP lorsque les maquettes budgétaires ont été modifiées conformément à la LOLF. De même, la présentation régulière par le ministre des armées aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense nationale et des forces armées d'un bilan détaillé des opérations extérieures et des missions intérieures en cours est supprimée. Le rapport annuel prévu sur ce sujet, dont le principe est maintenu, passe quant à lui du rapport annexé à l'article 4 du projet de la LPM.

L'article 2 distingue en outre trois horizons programmatiques, repris dans le rapport annexé :

2035, horizon du programme d'équipement des armées ;

2030, horizon de la traduction en besoins physico-financiers programmés et en ressources budgétaires associées ;

entre 2025 et 2027, horizon du rehaussement de l'effort national de défense à 2 % du PIB, conformément aux besoins identifiés collectivement par les membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) lors du sommet du Pays de Galles en 2014, et aux recommandations du Sénat formalisées dans son rapport d'information8(*) de 2017, intitulé « 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale ».

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

Les principaux amendements suivants ont été adoptés en première lecture à l'Assemblée nationale sur l'article 2 :

- à l'initiative du Gouvernement, un amendement modifiant l'horizon d'atteinte de 2 % du PIB dédié à l'effort national de défense pour tenir compte des nouvelles hypothèses de croissance du PIB du programme de stabilité 2023-2027. Le rehaussement à 2 % n'interviendrait pas en 2025 mais entre 2025 et 2027 ;

- un amendement prévoyant que l'effort national de défense est entendu « charges de pensions incluses », ce qui constitue une nouveauté et adresse un signal regrettable aux partenaires et alliés de la France.

Sur le rapport annexé, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, les principaux amendements suivants :

- des amendements précisant que la LPM confirme les « 6 fonctions stratégiques de la politique de défense », que l'ambition d'un modèle d'armée rénové s'inscrit « dans le cadre d'alliances » au sein de l'UE et dans l'OTAN ;

- un amendement supprimant la référence « au rigoureux travail d'introspection » dont est issu le projet de LPM, et un amendement prévoyant l'établissement de plans de mobilisation de la BITD ;

- des amendements précisant que les sauts technologiques doivent être anticipés dans le domaine des fonds marins et des différents domaines de la recherche fondamentale ;

- un amendement rappelant que la « dissuasion nucléaire reste une composante essentielle de notre défense nationale » ;

- plusieurs amendements rappelant que les outre-mer « permettent à la France de détenir la deuxième zone économique exclusive (ZEE) la plus étendue du monde » et incluant les ZEE dans les territoires à protéger ;

- un amendement précisant que les pôles et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont des « espaces stratégiques » auxquels l'État et les armées accorderont une attention particulière et en précisant que la Guyane doit faire l'objet d'une attention particulière ;

- un amendement favorisant la prise en compte du changement climatique comme facteur de changement profond pour les armées ;

- un amendement, à l'initiative de sa commission des finances, visant à ouvrir la possibilité des partenariats avec les opérateurs privés et les services commerciaux pour les activités de renseignement et de défense de nos intérêts vitaux ;

- à l'alinéa 9, des amendements en faveur du renforcement du lien entre la nation et l'armée, et entre l'armée et la jeunesse, par le dispositif classe de défense, le service militaire volontaire et le service militaire adapté. D'autres amendements soulignent le rôle de la réserve citoyenne, le rôle d'enseignement des armées, recommandent de dynamiser le fonctionnement du Conseil supérieur de la réserve militaire ;

deux amendements précisant que les priorités du « plan famille II » incluront l'accompagnement de la mutation du militaire et de sa famille, l'atténuation des impacts des contraintes opérationnelles, l'aide à l'emploi, l'aide au logement et l'aide à la scolarisation et que les civils de la défense bénéficieront de ce plan ;

- un amendement affirmant la volonté de la France de contribuer à l'édification d'un pilier de défense européen solide ;

- deux amendements précisant que le ministère des armées mène une politique de préservation de la biodiversité sur ses emprises et qu'il suivra dans la mesure du possible les principes de la construction écologique pour les nouvelles constructions ;

- cinq amendements relatifs aux conditions d'accès au financement des entreprises de la BITD ;

- un amendement du Gouvernement précisant les principales thématiques d'innovation qui seront étudiées sur la durée de la programmation ;

- un amendement du Gouvernement précisant que le standard F5 du Rafale sera développé pendant la présente LPM et comprendra le développement d'un drone accompagnateur issu des travaux du démonstrateur Neuron et un amendement prévoyant la réalisation par le Gouvernement d'études de coûts qui permettront de présenter au Parlement, en 2028, une estimation des crédits nécessaires à la réalisation d'un second porte-avions de nouvelle génération ;

- un amendement annonçant la création d'une réserve opérationnelle industrielle de l'ordre de 2000 personnes ;

- un amendement portant sur la recherche d'une solution souveraine pour remplacer le lance-roquettes unitaire (LRU) dans les meilleurs délais ;

- un amendement demandant au Gouvernement un point d'étape sur la phase 1B de l'avion de chasse de nouvelle génération (NGF), avant le lancement de la phase 2, dans le cadre du programme de système de combat aérien futur (SCAF) ;

- un amendement demandant un point de situation sur le programme de système principal de combat terrestre (MGCS) en 2025 ;

- sur les programmes de coopération, un amendement expliquant qu' « ils ne doivent pas empêcher la conduite d'études pouvant établir les conditions de faisabilité de projets souverainement conduits et financés par la France en dehors de toute coopération ».

3. Les modifications de la commission

a. Amendements à l'article 2

La modification du texte à l'Assemblée nationale prévoyant que l'effort de défense nationale est calculé « charges de pensions incluses » est un mauvais signal, notamment pour nos Alliés. Le rapport d'information de la CAEDFA sur ce sujet9(*) précisait : « la France cale sa notification, pour l'essentiel, sur un périmètre « LPM » (...). La même approche conduit à ne pas intégrer dans la notification française les dépenses de retraite du combattant et de pensions militaires d'invalidité retracées dans l'action « Administration de la dette viagère » du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - soit au total 1,9 milliard d'euros prévus pour 2016 -, alors qu'une partie de ces prestations constituent des dépenses militaires dans l'acception définie par l'OTAN. »

Les critères de l'OTAN prévoient bien que le montant des pensions peut être pris en compte dans l'effort de défense, mais cette facilité n'a jamais été utilisée par la France, qui n'inclut pas non plus, comme l'Alliance l'autorise10(*), les éléments d'autres forces11(*) et la recherche duale12(*). Les surcoûts liés aux OPEX, connus à la fin de l'exécution budgétaire ne sont pas non plus pris en compte. La décision prise au sommet des chefs de l'État et du Gouvernement en 2014 au Pays de Galles prévoit également que 20 % de l'effort national de défense est dédié aux dépenses d'investissement (et plus précisément à « l'acquisition de nouveaux équipements majeurs, y compris la recherche et développement »). Il est donc étonnant de ne transcrire qu'un seul des critères de l'OTAN dans le projet de loi de programmation, et en particulier celui qui permet de fait de desserrer la contrainte en incluant des dépenses qui ne contribuent pas à renforcer l'effort de défense : « les dépenses de fonctionnement sont évidemment une composante importante des dépenses de défense nationale, mais elles ne sauraient prendre la place des investissements requis pour garantir une sécurité durable »13(*). Ces dépenses de pensions militaires sont évaluées à 9 milliards par an.

La commission a donc adopté :

- un amendement de suppression (COM-2) des mots « charges de pensions incluses » ;

- un amendement (COM-192) ramenant à 2025 l'échéance fixée pour atteindre le niveau de 2 % du PIB consacré à la défense.

b. Amendements au rapport annexé

Amendements du P129

Dans le domaine de la cyberdéfense, un amendement de la commission (COM-66) tendant à renforcer la coordination entre l'ANSSI avec le ministère des armées dans les domaines de la lutte informatique défensive (LID), de la lutte informatique offensive (LIO) et de la lutte informatique d'influence (L2I) pour faire face aux menaces nouvelles en métropole et dans les outre-mer14(*).

Puis, considérant que la question d'un cloud souverain de confiance (infonuage) constituait un angle mort de la LPM, la commission a adopté un amendement (COM-150) présenté par Pierre Laurent afin que la France organise la relocalisation progressive des données sur le territoire national, dans des serveurs relevant de notre souveraineté et du droit français.

Amendements du P144

Dans le prolongement des recommandations du rapport d'information de MM. Pascal Allizard et Yannick Vaugrenard en préparation de la loi de programmation militaire15(*), la commission a adopté 13 amendements visant notamment à :

- préciser le montant des besoins programmés en matière de renseignement (COM-64), lesquels s'établissent à 5,4 milliards d'euros au lieu de 5 milliards d'euros, et instaurer une coordination interministérielle de la politique de ressources humaines des services de renseignement en lien avec le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (COM-65).

- s'assurer que les projets de taxonomie, d'écolabel ou de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ne se traduiront pas par une dégradation des conditions de financement des entreprises de la BITD et à maintenir une vigilance renforcée sur les textes, notamment européens, qui pourraient alimenter ce phénomène (COM-52) ;

- obtenir une évolution de la politique interne de la banque européenne d'investissement (BEI) lui permettant d'investir dans le secteur de la défense (COM-54) ;

- mieux articuler les vérifications effectuées par la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) et celles opérées par les banques dans le cadre de leur contrôle de conformité afin d'éviter les doublons à l'origine de lourdeurs administratives pour les entreprises exportatrices (COM-69) ;

- inscrire la trajectoire d'évolution des crédits consacrés à l'innovation de défense pour les années 2024 à 2030 (COM-62) et prévoir des mécanismes permettant une meilleure valorisation des innovateurs internes, dont les propositions en matière d'innovation d'usage peuvent être à l'origine de gains rapides (COM-61) ;

- inciter à éviter le plus possible les sur-spécifications à l'origine de délais et de coûts, prendre en compte dès le stade des études amont l'éventuelle nécessité de disposer de plusieurs version d'un même matériel, dans un souci de recherche d'équilibre entre sophistication et masse (COM-76) et mieux utiliser l'ensemble des possibilités offertes par le code de la commande publique afin d'accélérer l'innovation (COM-75) ;

- faciliter le recours au médiateur national du crédit par les entreprises de la BITD qui se sont vues refuser un financement par leur banque (COM-86).

La commission s'est par ailleurs prononcée en faveur d'un soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) de la BITD (amendement COM-85).

La commission a en outre adopté un amendement COM-101 visant à limiter les programmes de coopération aux seuls pays ayant vocation à acquérir les capacités qui en sont issues.

Elle a également adopté un amendement COM-116 introduisant la possibilité de créer un Pôle d'excellence en matière d'exploration des fonds marins qui associerait les initiatives privées et publiques sous l'égide de la Direction générale de l'armement (DGA) et du Service Hydrographique Océanique de la Marine (SHOM).

Amendements du P146

Dans le domaine de l'équipement des forces (P146), la commission a adopté les amendements suivants du rapporteur :

- un amendement COM-50 en vue de tirer parti de nouveaux schémas contractuels s'appuyant notamment sur la pluriannualité afin d'accroître la prévisibilité des commandes, de garantir des volumes minimaux mais aussi d'être plus réactifs si besoin : la démarche d' « économie de guerre » devrait, en effet, s'intéresser davantage à la dimension juridique et notamment à la rédaction des contrats ;

- un amendement COM-55 traitant de la question des compétences, qui est particulièrement sensible pour la base industrielle et technologique de défense (BITD) : l'accès des femmes et des jeunes aux métiers de l'industrie de défense devra être encouragé ; le nombre d'ingénieurs, de techniciens et d'ouvriers spécialisés sera accru grâce à la mise en place d'un plan spécifique de développement des formations à ces métiers, impliquant le ministère de l'éducation nationale et les régions ;

- un amendement COM-58 complétant le tableau des équipements pour y insérer plusieurs programmes majeurs : le programme interarmées de radiocommunications numériques (CONTACT), le véhicule blindé d'aide à l'engagement (VBAE), l'engin du génie de combat (EGC), et le renouvellement des flottes de camions logistiques ;

- un amendement COM-59 précisant l'évolution du char Leclerc jusqu'à son remplacement par le MGCS ;

- un amendement COM-63 pour simplifier l'acquisition de petits drones de surveillance, en procédant à une mutualisation des besoins entre les différents services de l'État : un cadre contractuel pluriannuel, ou encore un dispositif de labellisation de « drones de confiance » sont suggérés ;

- un amendement COM-67 précisant le volet « munitions » du rapport annexé sur deux points : la poursuite du développement du missile haut de trame (MHT) et la nécessité, s'agissant du LRU, de trouver une solution souveraine ne dupliquant pas les développements et rendant possible un accroissement de la portée ;

- sur les munitions également, un amendement COM-68 envisageant de nouveaux schémas contractuels, en particulier pluriannuels, et suggérant de rechercher une articulation avec les ventes à l'exportation ;

- un amendement COM-78 préconisant de porter une attention particulière aux autres opérations d'armement (AOA), qui sont moins visibles que les programmes à effet majeurs (PEM) mais néanmoins essentielles à la cohérence des forces dans l'exercice de leurs missions ;

La commission a également adopté :

- un amendement insistant sur l'importance de la lutte anti-drones de proximité pour une protection efficace des groupes de combat (COM-91 de M. Pascal Allizard) ;

- un amendement sur la question de la relocalisation des munitions de petit calibre (COM-92 de M. Pascal Allizard) ;

- un amendement demandant au gouvernement une étude sur le coût et la viabilité d'un éventuel allongement de la durée de vie du porte-avions Charles de Gaulle (COM-225 de M. Gilbert Roger).

Amendements du P178

La commission a adopté des amendements :

- prévoyant d'une part que le rehaussement de la préparation opérationnelle et de la disponibilité des équipements intervienne le plus tôt possible au cours de la programmation et s'accompagne d'un renforcement concomitant des soutiens et d'autre part que le ministre des armées présente régulièrement aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargée de la défense nationale et des forces armées un bilan détaillé du rehaussement de la préparation opérationnelle et de la disponibilité des matériels et du renforcement des services de soutien (COM-47) ;

- définissant la répartition annuelle des 69 milliards dédiés à la préparation au combat et l'entraînement des forces au cours de la période de programmation d'une part (COM-73), et la répartition annuelle des 49 milliards dédiés à l'EPM tout au long de la LPM d'autre part (COM-77),

- recommandant d'adapter les procédures de maintien en condition opérationnelle (MCO) aux besoins opérationnels en haute intensité ou engagement majeur (COM-48) ;

- recommandant de favoriser l'adaptation des services de soutien aux besoins opérationnels en haute intensité ou engagement majeur, en réduisant leurs déficits en personnels, en étudiant leurs implantations, leur agilité, leur mobilité et leur capacité à fusionner en temps de crise, au sein d'une structure ad hoc comme cela a été fait pendant Barkhane sur la base de Gao. Un moratoire sur la réduction des implantations du SSA doit être prononcé (COM-74) ;

- complétant le tableau des normes d'activité annuelle pour permettre de suivre l'entraînement sur les équipements prolongés, tels que les VBCI, les chars Leclerc, etc. (COM-71) ;

- précisant les jalons annuels de remontée de la préparation opérationnelle (COM-72) ;

- rétablissant les indicateurs de performance des documents budgétaires comme moyens à disposition du Parlement pour s'assurer de la mise en oeuvre de la LPM (COM-79).

Amendements issus des rapports d'information de la commission

Enfin, reprenant les recommandations des rapports d'information adoptés par la CAEDFA, les amendements suivants ont été adoptés :

- inspiré du rapport d'information « La stratégie française pour l'Indopacifique : des ambitions à la réalité » de nos collègues Cédric Perrin, Rachid Temal, Hugues Saury, Jacques Le Nay, André Gattolin et Joël Guerriau16(*), deux amendements permettant de faire figurer la stratégie indopacifique dans la LPM et reprenant les recommandations adoptées par la CAEDFA. L'un prévoit le découpage en 4 zones d'une stratégie indopacifique française autonome et proposant une réaction ferme et réaliste à la politique de puissance déployée par la Chine (COM-56). L'autre appelle la stratégie indopacifique française à mieux associer tous les DROM-COM dans une recherche de co-conception, les armées prenant leur part dans cette coopération. À cette fin, leurs implantations bénéficient des investissements à bon niveau, compatibles avec le niveau d'ambition affiché par le gouvernement et permettant l'accueil de l'A400M comme des bâtiments de premier rang (COM-45) ;

- à la suite du déplacement d'une délégation de la CAEDFA en Amérique du Sud, la commission a adopté un amendement précisant que la lutte contre les activités illégales en Guyane devra passer par un renforcement des coopérations policières, judiciaires, économiques et dans le domaine de la défense avec les autres pays du plateau des Guyanes, en particulier le Brésil, le Suriname et le Guyana (COM-46) ;

- à la suite du rapport d'information « Ukraine, un an de guerre. Quels enseignements pour la France ? »17(*), la commission a adopté deux amendements insistant sur l'importance de tirer tous les enseignements de la guerre en Ukraine (COM-44 et COM-49).

Autres amendements

La commission a également adopté des amendements :

- prévoyant le versement d'une allocation unique de 4 195 euros aux anciens supplétifs de statut civil de droit commun qui avaient déposé une demande d'allocation de reconnaissance (ou effectué un renouvellement de demande d'allocation de reconnaissance) entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013, et qui n'ont pas engagé dans les délais prévus de procédure contentieuse à la suite d'une réponse négative de l'administration ou bien consécutivement au silence gardé par l'administration. Le Sénat s'était déjà prononcé deux fois favorablement sur ce sujet, lors de l'examen des lois de finances pour 2019 et pour 2023 ;

- la présentation par le Gouvernement, avant le 1er juin 2024, d'un rapport au Parlement sur l'évolution de la présence militaire française en Afrique ;

- une meilleure coordination entre les actions de coopération régionale menées par les forces de souveraineté et les actions menées en matière d'aide publique au développement. Il s'agit ainsi de davantage mettre en oeuvre l'approche dite « 3D » (diplomatie-défense-développement) ;

- prévoyant l'ouverture d'un débat démocratique pour repenser le lien armée-Nation (COM-153) ;

- fixant un objectif de 20% de féminisation des effectifs militaires en 2030 (COM-236) ;

- prévoyant des mesures d'accompagnement renforcées pour la réinsertion professionnelle des militaires blessés et la valorisation des entreprises ou organismes qui les accueillent (COM-90).

- appelant au renforcement des forces de souveraineté (COM-82) et des infrastructures portuaires de Mayotte (COM-229) ;

- prévoyant qu'il est mis fin le plus tôt possible au dispositif Sentinelle (COM-152 rect.) ;

- visant à préparer le SSA à la haute intensité (COM-102), recommandant de revaloriser les rémunérations des personnels (COM-103 et COM-180 rect.), prévoyant la construction d'un nouvel hôpital (COM-104) ;

- tendant à améliorer l'information du Parlement en cas de cession d'armement à un État en guerre (COM-159) ;

- tendant à présenter aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat en charge de la défense un chiffrage des besoins programmés en matière de dissuasion nucléaire, dans des conditions permettant de préserver le secret de la défense nationale (COM-166) ;

- supprimant la mention d'une réflexion sur la création d'une délégation parlementaire à la sécurité économique, considérant que ses compétences empiéteraient sur celles de plusieurs commissions permanentes et sur celles de la délégation parlementaire au renseignement (COM-70) ;

- tendant à compléter l'information du Parlement sur l'application des procédures de contrôle des exportations d'armement (COM-80) ;

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3
Moyens de la politique de défense

La commission a modifié la trajectoire budgétaire proposée afin d'éviter le report d'une partie importante de l'effort après 2027. Elle a, par ailleurs, sécurisé les ressources non budgétaires, afin de garantir le financement des besoins à hauteur de 413,3 Md€ (hors financement de l'aide à l'Ukraine).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

3. Le dispositif proposé

Le projet de LPM prévoit un effort conséquent en faveur de la défense, avec 400 milliards d'euros de crédits budgétaires sur la période 2024-2030.

La trajectoire budgétaire proposée par le gouvernement est la suivante :

(En milliards d'euros courants)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total 2024-2030

Crédits de paiement de la mission « Défense »

47,04

50,04

53,04

56,04

60,32

64,61

68,91

400

Variation

+3,1

+3,0

+3,0

+3,0

+4,3

+4,3

+4,3

 

La dynamique prolonge celle de la LPM précédente, dont l'échelonnement de l'effort financier est rappelé ci-dessous. La LPM 2019-2025 permettait de passer d'un budget annuel de la défense de 36 Md€ en 2029 à un budget annuel de 50 Md€ en 2025.

(En milliards d'euros courants)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2019-2023

Total 2019 -2025

Crédits de paiement de la mission « Défense »

35,9

37,6

39,3

41

44

197,8

295

Variation

+1,7

+1,7

+1,7

+1,7

+3

   

La trajectoire 2019-2025 est marquée par l'accélération confirmée de la hausse des crédits en 2023. Pour parvenir à l'objectif fixé pour 2025, ce « pas » de 3 Md€ supplémentaires chaque année doit être maintenu. Cela suppose que les crédits de la défense atteignent 47 Md€ en 2024 puis 50 Md€ en 2025

Le projet de LPM 2024-2030 confirme cet objectif budgétaire de 50 Md€ de crédits de paiement pour la mission défense en 2025. Il comporte, de fait, 97 Md€ déjà programmés dans le cadre de la LPM 2019-2025.

Budget défense 2022

De 2023 à 2025 :

Budget défense 2025

 

+ 3 Md€/an

 
 
 
 

Le projet de LPM maintient cette pente de +3 Md€/an en 2026 et 2027. L'effort serait ensuite accéléré à compter de 2028 (+4,3 Md€/an), donc après les élections présidentielles et législatives prévues en 2027.

194 Md€ de crédits sont ainsi reportés après ces échéances, ce qui affecte, en l'état, la crédibilité de la LPM.

Si l'on soustrait de l'enveloppe totale de 400 Md€ les crédits qui étaient déjà programmés en LPM 2019-2025 et ceux qui sont reportés post-2027, le gouvernement s'engage en réalité plutôt sur 110 Md€ (en 2026 et 2027) que sur 400 Md€.

En dehors des crédits budgétaires, le projet de LPM table sur des ressources supplémentaires, pour financer des besoins estimés à 413,3 Md€.

Le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a apporté, dans son avis sur le projet de LPM, les précisions suivantes :

« Ces dépenses supplémentaires seraient financées de trois manières. Des ressources extrabudgétaires (recettes de cessions immobilières, de cessions de matériels, recettes du service de santé des armées) contribueraient d'abord à hauteur de 5,9 Md€ sur la période. Les besoins supplémentaires seraient ensuite financés par « solidarité interministérielle » (compensation par de moindres dépenses sur les autres budgets ministériels). Enfin, les moindres dépenses habituellement observées (« marge frictionnelle ») ainsi que le report de charges du ministère seraient mobilisés pour assurer le besoin de financement résiduel »18(*).

Lors de son audition par la commission, M. Pierre Moscovici, président du HCFP, a apporté les précisions suivantes :

« D'abord, l'administration attend des ressources extrabudgétaires - recettes de cessions immobilières, cessions de matériels, recettes du service de santé des armées - d'un montant total de 5,9 milliards d'euros, et qui sont donc bien documentées. Ensuite, les besoins supplémentaires seraient financés par la solidarité interministérielle, soit par des transferts provenant d'autres budgets ministériels ayant des dépenses moindres que prévu. Enfin, les marges frictionnelles ainsi que les reports de charges du ministère seraient mobilisés pour assurer le besoin de financement résiduel. Ces sources de financements sont toutefois moins documentées. »19(*)

Le ministère des armées a apporté des précisions sur les ressources extrabudgétaires attendues. La chronique annuelle des ressources extrabudgétaires exécutées (2019-2022) puis prévisionnelles (2023-2030), dont celles prévues dans la future LPM 2024-2030 évolue comme suit :

Source : ministère des armées

L'article 3 dispose, en outre, que les ressources nécessaires au financement du soutien à l'Ukraine ne sont pas incluses dans la trajectoire budgétaire. Elles feront l'objet de crédits supplémentaires en loi de finances. Cette précision ne concerne toutefois pas les montants de ressources extrabudgétaires, qui pourraient tout à fait, dans la rédaction du projet de LPM, être mobilisés au titre de l'aide à l'Ukraine.

4. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a introduit dans le texte les modifications suivantes :

- Son rapporteur, M. Jean-Michel Jacques, a inscrit dans le dispositif que la trajectoire de ressources budgétaires devait s'entendre comme un minimum. Le ministre des armées a en effet indiqué à plusieurs reprises devant les commissions parlementaires que l'effort proposé était un « plancher », et non un « plafond ». La précision est donc bienvenue même si elle peut paraître peu opérante, dans le contexte actuel des finances publiques.

- La commission de la défense a adopté, en outre, un amendement du groupe Les Républicains précisant que si les ressources extrabudgétaires se révélaient insuffisantes, elles seraient compensées par des crédits budgétaires.

Compte tenu des incertitudes pointées par le HCFP, cette précision est, elle aussi, bienvenue.

3. Les modifications de la commission

La commission a adopté un amendement COM-3 du rapporteur modifiant la trajectoire financière. Elle a lissé la trajectoire budgétaire proposée, en adoptant un nouvel échelonnement de l'effort :

(En milliards d'euros courants)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total 2024-2030

Crédits de paiement de la mission « Défense »

47,4

51

54,6

58,2

61,8

65,4

69

407,4

Variation

+ 3,5

+ 3,6

+ 3,6

+ 3,6

+ 3,6

+ 3,6

+ 3,6

 

Les objectifs visés sont ici les suivants :

- Éviter le report d'une partie importante des crédits à l'après-2027, post- échéances électorales, ce qui fait peser sur l'exécution de la LPM une incertitude majeure. Le Gouvernement n'a, en effet, apporté aucune justification chiffrée de l'accélération de la pente de l'effort à compter de 2028, ni de l'impossibilité d'accélérer plus tôt.

- Intégrer à la trajectoire budgétaire la part de ressources non budgétaires que le président du Haut conseil des finances publiques estime peu documentée (7,4 milliards d'euros).

- Accélérer l'effort dès l'an prochain pour prendre en compte immédiatement le tournant géostratégique que constitue la guerre en Ukraine, tout en se prémunissant contre l'inflation.

En l'état, le projet de LPM ne fait pas mieux pour 2024 et 2025 que ce que prévoyait la précédente programmation. Or, le 24 février 2022, l'agression russe en Ukraine a profondément bouleversé le contexte géopolitique.

Rien n'obligeait le Gouvernement à présenter une nouvelle LPM avant 2024, puisque la précédente continuait à courir.

La commission propose donc que cette LPM soit l'occasion d'une accélération.

Dans la trajectoire ainsi proposée, le budget 2024 de la mission défense sera supérieur de 360 millions d'euros à celui actuellement prévu dans le projet de LPM.

Cet effort supplémentaire sera orienté dans deux directions :

- Permettre un surcroît d'activité, notamment pour l'armée de Terre, renforcer les services de soutien et améliorer les conditions de vie des militaires (pour 216 millions d'euros) ;

- Revenir sur des aménagements de calendrier qui ont conduit à reporter à 2035 des cibles capacitaires auparavant fixées à 2030 (pour 144 millions d'euros).

En second lieu, la commission a adopté un amendement COM-4 du rapporteur sécurisant les ressources extrabudgétaires.

Il s'agit :

- d'inscrire une trajectoire prévisionnelle de ressources extrabudgétaires issues de recettes patrimoniales (cessions immobilières, de matériel...), de prestations de service (DGA...) et de prestations du service de santé des armées (SSA) ;

- de prévoir un complément budgétaire dans l'hypothèse où les ressources constatées seraient inférieures aux prévisions : ce dispositif paraît plus opérant que celui issu de l'Assemblée nationale, consistant à demander des crédits budgétaires en cas d' « insuffisance » des ressources extrabudgétaires (le caractère suffisant ou non de ces ressources étant laissé à l'appréciation du Gouvernement) ;

- de préciser que le financement de l'aide à l'Ukraine n'est prélevé ni sur le montant des crédits budgétaires, ni sur celui des ressources extrabudgétaires.

Ce second amendement reprend, en outre, la disposition de la LPM précédente qui excluait tout financement du service national universel (SNU) par la LPM afin que cette disposition continue à s'appliquer, quelle que soit l'évolution du SNU.

La commission a également adopté deux sous-amendements à l'amendement COM-4 (COM-250 et COM-251) de M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il s'agit :

- de clarifier la rédaction du dispositif relatif au financement par des crédits budgétaires supplémentaires de l'effort national de soutien à l'Ukraine en précisant le format des recomplètements nécessités ;

- de prévoir des ressources supplémentaires pour financer les recomplètements nécessités par le soutien à l'exportation.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
Provision annuelle au titre des OPEX et Missint

L'article 4 détaille tout au long de la période de programmation la provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures. Le principe de financement interministériel est réaffirmé, et devient exclusif pour les JOPP.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

1. Le dispositif proposé

Les deux premiers alinéas présentent l'évolution de la provision annuelle au titre des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (Missint) pour chaque annuité de la LPM, soit 800 millions d'euros en 2024 puis 750 millions d'euros toutes les annuités suivantes.

Il s'agit d'une nette diminution, la précédente LPM prévoyant des annuités de 1,1 milliard d'euros à compter de 2020. Cette évolution correspond à la décision du Président de la République de mettre un terme à l'opération Barkhane au Sahel annoncée le 9 novembre 2022 et à la réorientation du dispositif militaire français en Afrique.

La réduction de 50 millions d'euros supplémentaires à compter de 2025 est assise sur l'hypothèse d'un resserrement de l'opération Sentinelle après les Jeux olympiques de Paris (JOP).

Enfin, ni le financement des missions de réassurance sur le flanc Est de l'Europe, ni le soutien à l'Ukraine ne sont intégrés dans les OPEX.

Le troisième alinéa prévoit que les surcoûts des OPEX et des Missint non couverts par les provisions prévues font l'objet d'un financement interministériel. Un mécanisme dit de double assurance est prévu :

- « hors circonstances exceptionnelles », la mission « Défense » ne peut être mise à contribution de ce financement interministériel au-delà de la proportion qu'elle représente dans le budget général,

- si le montant des surcoûts nets est inférieur à la provision, l'excédent constaté est maintenu au profit de la mission « Défense ».

Cette double assurance paraît toutefois fragile, la notion de circonstances exceptionnelles étant particulièrement large.

Enfin, l'alinéa 4 reprend les dispositions qui figuraient dans les précédentes LPM et organisaient les modalités d'information du Parlement sur les OPEX et les Missint une fois par an. Il est prévu que le Gouvernement communique au Parlement un bilan opérationnel et financier sur les OPEX et les Missint.

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel et un amendement précisant, comme le faisaient les précédentes LPM, que l'information est donnée au Parlement au plus tard le 30 juin.

3. Les modifications de la commission

La commission a adopté quatre amendements :

- supprimant la mention de « circonstances exceptionnelles » en raison desquelles la proportion du financement par la mission « Défense » du dépassement des surcoûts OPEX ou OPINT pourrait être supérieure à la proportion qu'elle représente dans le budget général de l'État (COM-5). Interrogé, le ministère des armées n'a pas pu préciser ce que visaient ces circonstances exceptionnelles20(*), qui pourraient couvrir une hausse de l'inflation, une crise sanitaire ou autre, sans lien avec l'effort de défense. Ce n'est pas à la LPM de prévoir que le budget de la défense pourrait être ponctionné de façon plus que proportionnelle au poids de la mission « Défense » dans le budget général. D'ailleurs, comme le note le ministère dans sa réponse au questionnaire de la CAEDFA, la décision relèverait en dernier ressort du Parlement dans le cadre de son vote annuel sur le projet de loi de finances. Cette disposition inutile peut donc être supprimée ;

- injectant les dispositions complémentaires relatives à l'information du Parlement sur les OPEX et les Missint qui figuraient dans le rapport annexé de la précédente LPM. Un effort de coordination entre l'article 4 du projet de loi et la partie 4 intitulée « Rôle du Parlement et contrôle parlementaire » du rapport annexé a été mené, et a conduit à supprimer la redondance entre ces deux parties. Ce faisant, les dispositions prévoyant que « Le ministre des armées présente régulièrement aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense nationale et des forces armées un bilan détaillé des opérations extérieures et des missions intérieures en cours » ont été supprimées. Or, il n'est pas opportun de réduire l'information des élus et de la nation sur l'utilisation des crédits dédiés aux OPEX et aux Missint alors qu'un tel effort financier est consenti en faveur de la défense. Cette disposition est donc ajoutée in fine à l'article 4 du projet de loi de programmation militaire (COM-6). Une modification adoptée en commission a prévu que la présentation du ministre serait annuelle ;

- prévoyant que le financement de la sécurité des Jeux olympiques de Paris doit être pleinement interministériel (COM-201) et diminuant par conséquent la provision pour les OPEX et les Missint de 50 millions d'euros en 2024 (COM-200).

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5
Couverture de la hausse des carburants opérationnels

L'article 5 reconduit le mécanisme de couverture de la hausse des carburants opérationnels réintroduit par le Sénat dans la précédente LPM. Ce mécanisme est rendu asymétrique par amendement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

1. Le dispositif proposé

Cet amendement reprend la clause de sauvegarde sur le coût des carburants qui figurait dans la précédente LPM.

Interrogé sur la question de la couverture du risque éventuel résultant des variations de prix des carburants, le ministère des armées a précisé que l'existence d'une clause spécifique se justifiait en raison, d'une part, de l'impact sur le budget de carburants opérationnels de la très forte volatilité des prix du Brent et du cours de l'euro face au dollar, et d'autre part, de l'impact de ce budget sur l'activité des armées et leur préparation opérationnelle.

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté en séance publique trois amendements :

- l'un remplaçant le terme carburants opérationnels par l'expression énergies opérationnelles afin de mieux correspondre aux besoins des armées,

- un deuxième précisant l'ensemble des vecteurs législatifs possibles pour traiter en gestion les écarts avec les hypothèses de budgétisation des carburants opérationnels, soit la loi de finances rectificatives et la loi de finances de fin de gestion,

- et un troisième visant à rendre les armées plus résilientes face à la fluctuation des prix et au déclin des énergies fossiles en les incitant à poursuivre leur effort pour réduire leur dépendance.

3. Les modifications de la commission

La LPM est logiquement bâtie sur les hypothèses qui ont servi à la construction du programme de stabilité 2022-2027, soit un cours de baril de Brent à 85 dollars le baril et une parité euros/dollars de 1,07.

Le baril s'affiche au début du mois de juin à 77,87 dollars, incitant l'Arabie saoudite le deuxième producteur mondial de pétrole à décider de baisser d'environ un million de barils par jour sa production afin de faire remonter le prix. L'instabilité des cours du pétrole est plus forte depuis le début de la guerre en Ukraine qu'elle ne l'avait été ces dernières années. Le budget des armées a besoin de prévisibilité

En réponse aux questions de la commission, le ministère a indiqué que : « [le] fonctionnement [de la clause carburant] est asymétrique : il n'est pas prévu de restitution de crédits par le ministère en cas de baisse des cours, et les ressources dédiées à ce poste dans le cadre de la LPM lui restent garanties ». Il serait bon que cette précision figure dans la loi.

La commission a adopté deux amendements :

- prévoyant que si le prix des énergies opérationnelles est inférieur aux hypothèses de construction de la LPM, le différentiel constaté est maintenu au profit de la mission « Défense » (COM-7) ;

- portant l'effort de réduction de la dépendance aux énergies fossiles en priorité sur celles produites hors de France, ce qui permet d'épargner les énergies fossiles produites en France, représentant 1 % de la consommation et 64 000 emplois (COM-189).

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6
Effectifs

La trajectoire d'évolution annuelle des effectifs est définie, ainsi que les objectifs d'ETP en 2027 et 2030.

La commission a précisé que cette trajectoire s'entend hors SNU, a posé une trajectoire pour les volontaires de la réserve opérationnelle et a fixé des dates de révision des grilles indiciaires.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

1. Le dispositif proposé

L'article 6 du projet de loi fixe la trajectoire d'évolution des effectifs du ministère de la défense pendant la période 2024-2030, et consacre un objectif d'emploi de 271 800 équivalents temps plein (ETP) en 2027 et de 275 000 ETP en 2030 c'est-à-dire à la fin de la période de programmation. Parallèlement à ces cibles en effectifs, l'article 6 fixe une cible de 105 000 à atteindre « au plus tard en 2035 » pour les volontaires de la réserve opérationnelle. La fixation d'une échéance temporelle située en dehors de la période de programmation ainsi que l'absence de jalon intermédiaire rend particulièrement difficile le contrôle effectif de l'atteinte et de la crédibilité d'une telle cible.

Concernant les effectifs du ministère de la défense, la trajectoire proposée pour atteindre ces objectifs est la suivante :

Le rapporteur relève que la trajectoire proposée correspond à une réduction substantielle des cibles d'augmentation nette des effectifs inscrite dans la loi de programmation actuellement en vigueur pour la période 2019-2024 qui prévoit une augmentation nette de 1 500 équivalents temps plein en 2024 et de 1 500 équivalents temps plein en 2025.

Interrogé sur cette réduction de cible, le ministère des armées a répondu au rapporteur, sans référence aux besoins en ressources humaines des forces armées, que les réductions de cible pour les années 2024 et 2025, qui représentent 1 600 postes, ont été motivées par la difficulté du ministère à recruter liée à la « concurrence exacerbée sur le marché de l'emploi »21(*).

Le projet de loi précise par surcroît que la trajectoire inscrite à l'article 6 ne comprend pas les apprentis civils et militaires, les volontaires du service militaire volontaire et les volontaires du service national universel (SNU) ; ni les effectifs du service industriel de l'aéronautique.

Les deux derniers alinéas de l'article 6, dont la portée normative apparait limitée, consacre l'intention du ministère des armées de poursuivre sa transformation pour renforcer « la fidélisation, l'expertise et l'adaptabilité des agents civils et militaires du ministère ». En particulier, le dernier alinéa de l'article 6, qualifié d'« obscur » par le Conseil d'État dans son avis, affirme que le ministère adaptera la réalisation des cibles et sa politique salariale en fonction du marché du travail.

Interrogé par le rapporteur sur la portée normative de ce dernier alinéa, le ministère des armées s'est borné à affirmer qu'il permettrait une modulation en cours de programmation entre les cibles d'effectifs et la politique salariale du ministère, sans expliciter dans quelle mesure cette modulation serait exclue en l'absence de cet alinéa.

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté l'article sans modification en commission.

En Séance, l'Assemblée nationale a notamment adopté un amendement qui précise l'objectif de montée en puissance des effectifs des volontaires de la réserve opérationnelle pour fixer un jalon de 80 000 personnels en 2030.

3. Les modifications de la commission

Pour consolider la trajectoire proposée par le ministre de la défense et crédibiliser les projets de transformation annoncés par le Gouvernement en matière de ressources humaines dans les armées, la commission a adopté plusieurs amendements à l'article 6.

En premier lieu, la commission a adopté l'amendement COM-8 du rapporteur qui consolide la trajectoire des effectifs en consacrant expressément le fait que cette trajectoire devient caduque en cas de généralisation du SNU. En effet, il est apparu à la commission qu'une généralisation du SNU à l'ensemble d'une classe d'âge, soit 800 000 personnes environ, serait susceptible de mobiliser largement les effectifs du ministère des armées.

Pour clarifier le fait qu'une telle décision devrait être accompagnée d'une augmentation des effectifs du ministère qui viendrait s'ajouter aux augmentations d'effectifs déjà inscrites dans la programmation, la commission a explicitement inscrit à l'article 6 que la trajectoire ne tenait pas compte d'une éventuelle généralisation du SNU.

En deuxième lieu, la commission a adopté l'amendement COM-9 du rapporteur qui inscrit dans la loi une trajectoire annuelle d'augmentation des effectifs pour les volontaires de la réserve opérationnelle.

La rédaction initiale du projet de loi, qui fixe un objectif à échéance 2035, c'est-à-dire au-delà de la période de programmation, ne permet pas de bénéficier de la visibilité à moyen terme qui est la première justification de la programmation. L'inscription d'une trajectoire d'augmentation annuelle des effectifs des volontaires de la réserve est un levier de renforcement de la crédibilité de la montée en puissance des réserves et de l'efficacité du contrôle parlementaire.

En troisième lieu, la commission a adopté l'amendement COM-10 du rapporteur qui propose de réécrire l'alinéa relatif à la transformation de la ressource humaine du ministère. La nouvelle rédaction consacre expressément l'objectif de révision à moyen terme des grilles indiciaires et fixe des échéances temporelles précises pour la révision des grilles indiciaires des militaires pour conserver la progressivité des rémunérations et conserver le caractère d'escalier social des forces armées.

Enfin en quatrième lieu la commission a supprimé le dernier alinéa de l'article 6 en adoptant l'amendement COM-11 du rapporteur. La suppression de cet amendement, dont le ministère n'a pas été en mesure de démontrer de manière convaincante la portée normative, renforce l'accessibilité et l'intelligibilité de la programmation en matière d'effectifs.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
Actualisation

Cet article prévoit l'actualisation de la LPM en 2027.

La commission a adopté des amendements apportant les précisions suivantes : la LPM ne pourra être actualisée que par la loi ; cette actualisation aura lieu avant la fin 2026 ; elle devra être précédée d'une actualisation de la Revue nationale stratégique ; les besoins seront alors mis à jour au regard de l'inflation ; enfin, la prochaine LPM sera précédée d'un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

5. Le dispositif proposé

Le texte initial du projet de loi comportait un alinéa unique disposant que la LPM serait actualisée avant la fin de l'année 2027, afin de mettre à jour les besoins et de vérifier la bonne adéquation entre objectifs, réalisations et moyens.

L'article 7 de la LPM 2019-2025 prévoyait aussi, non pas une, mais plusieurs actualisations, dont l'une avant la fin 2021. La commission n'avait alors pas jugé utile de préciser que de telles actualisations ne pouvaient se faire que par la loi, tant il paraissait évident que seule une loi peut modifier une loi.

Ce fut, du reste, par une loi (en date du 28 juillet 2015) que la programmation militaire 2015-2019 fut actualisée.

En 2021, en revanche, le gouvernement a fait le choix de procéder, seul, à l'actualisation de la programmation militaire. Il a ensuite présenté cette actualisation par un débat suivi d'un vote dans les deux assemblées, en application de l'article 50-1 de la constitution.

6. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

La commission de la défense de l'Assemblée nationale a complété l'article 7 en précisant les modalités d'association du Parlement à l'actualisation de la LPM : cette association se matérialisera par un vote du Parlement.

3. Les modifications de la commission

Dans le prolongement de la modification introduite à l'article 1er, la commission a adopté un amendement COM-12 du rapporteur pour lever une ambiguïté dans la rédaction actuelle.

Comme toute loi, en vertu du principe de parallélisme des formes, la LPM ne pourra être actualisée que par une autre loi.

La procédure retenue par le gouvernement en 2021 (article 50-1 de la Constitution) n'a pas permis aux parlementaires de bénéficier d'un niveau d'information suffisant sur l'actualisation et notamment sur le financement des mesures nouvelles. En outre, un vote unique ne permet pas aux parlementaires d'exercer leur droit d'amendement.

Le même amendement COM-12 avance l'actualisation à 2026, dans la mesure où l'année 2027 sera marquée par d'importantes échéances électorales (élections présidentielles et législatives). Comme cela aurait dû être le cas en 2021, en application de l'article 7 de la LPM 2029-2025, il paraît utile de procéder à cette actualisation législative avant les échéances électorales, pour faire un point sur les moyens mis en oeuvre et les réalisations de l'exécutif actuel, pour consolider la trajectoire financière et des effectifs, et pour éclairer le débat public avant ces élections.

La commission a adopté un amendement COM-13 du rapporteur introduisant une actualisation de la Revue nationale stratégique. Avant d'actualiser la LPM, il paraît indispensable de faire un point sur un contexte particulièrement instable, dont nul ne sait comment il aura évolué dans trois ans.

La commission a adopté un troisième amendement de son rapporteur (COM-14) précisant le contenu de l'actualisation de la LPM.

D'une part, cet amendement reprend le dispositif de la LPM 2019-2025 qui prévoit que l'actualisation a pour objet de consolider la trajectoire financière et l'évolution des effectifs. La rédaction actuelle paraît en effet plus restrictive quant au champ de l'actualisation. Il ne s'agit pas que de mettre à jour les besoins mais aussi d'adapter les moyens.

D'autre part, l'actualisation permettra un éventuel rattrapage de la trajectoire au regard de l'inflation, pour préserver l'effort réel. La prévision d'inflation gouvernementale paraît en effet optimiste au regard de l'évolution actuelle de l'indice des prix à la consommation.

Enfin, la commission a adopté un amendement du groupe SER (COM-223 rect) pour préciser que la prochaine LPM devra, contrairement à celle-ci, être précédée d'un Livre blanc élaboré de façon concertée.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.


* 7 Voir le rapport d'information « LOLF : culte des indicateurs ou culture de la performance ? » n° 220 (2004-2005), de M. Jean ARTHUIS, fait au nom de la commission des finances, déposé le 2 mars 2005.

* 8 Rapport d'information n° 562 (2016-2017) « 2 pour cent du PIB : les moyens de la défense nationale » de MM. Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 24 mai 2017.

* 9 Rapport d'information n° 562 (2016-2017) « 2 pour cent du PIB : les moyens de la défense nationale » de MM. Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 24 mai 2017.

* 10 OTAN, communiqué PR/CP (2016) 116 du 4 juillet 2016.

* 11 Ibidem. Il s'agit « éléments d` « autres forces » - notamment les forces du ministère de l'intérieur, les garde-frontières, les forces de la police nationale, le personnel des douanes, les gendarmes, les carabiniers, les garde-côtes - qui reçoivent une formation tactique, qui sont équipés comme des forces militaires, qui peuvent opérer sous commandement militaire direct au cours d'opérations et qui sont aptes à être déployés en dehors du territoire national à l'appui d'une force militaire. Bien qu'elles soient à la charge d'autres ministères, les dépenses engagées par les autres forces entrent également dans les dépenses de défense. ». Les crédits de l'action « Exercice des missions militaires » du programme 152 Gendarmerie (mission « Sécurité ») dédiés aux besoins liés à la défense du territoire national ne sont pas déclarés comme concourant à l'effort national de défense, alors que l'Italie par exemple les déclare pour le calcul de son effort national de défense.

* 12 Inscrites au programme 191 « Recherche duale (civile et militaire » de la mission Recherche et enseignement supérieur.

* 13 Rapport général n° 166 ESC 16 F (NATO-PA), « Incidences budgétaires des nouveaux défis lancés à la sécurité transatlantique », 19 novembre 2016 de Jean-Marie Bockel cité dans le rapport d'information, cité dans le rapport n° 562 précité.

* 14 Rapport d'information n° 638 (2022-2023) de MM. Olivier CADIC et Mickaël VALLET « Pour une coordination de la cyberdéfense plus offensive dans la loi de programmation militaire 2024-2030 ».

* 15 Rapport d'information n° 637 (2022-2023) fait par MM. Pascal ALLIZARD et Yannick VAUGRENARD au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur « Renseignement et prospective : garder un temps d'avance, conserver une industrie de défense solide et innovante ».

* 16 RI n° 285 (2022-2023) déposé le 25 janvier 2023.

* 17 RI n°334 (2022-2023) de MM. Cédric Perrin et Jean-Marc Todeschini.

* 18 Avis n° HCFP-2023-2 relatif au projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030 du 27 mars 2023

* 19 Audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil des finances publiques, le 12 avril 2023 (en commun avec la commission des finances).

* 20 Extrait de la réponse ministérielle : « Le sens de cette disposition est de conserver l'agilité rendue nécessaire par l'évolutivité de la situation internationale, macroéconomique et/ou géostratégique, en n'excluant pas que la participation de la mission « Défense » dans le financement interministériel des surcoûts nets OPEX-OPINT puisse dépasser de manière exceptionnelle la part de la mission « Défense » dans le budget général de l'État.

Les circonstances exceptionnelles ne sont par définition pas prévisibles et la réponse qui sera apportée sera définie ad hoc en lien avec Bercy. En tout état de cause, il convient de souligner que le Parlement sera le juge de dernier ressort en la matière, et qu'il lui appartiendra de valider, par son vote des lois de finances rectificatives ou de fin de gestion, la proportion que le ministère prendra à sa charge ».

* 21 Ministère des armées, réponse au questionnaire du rapporteur.

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