N° 364

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 février 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française,

Par M. Dominique de LEGGE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

191, 363 et 365 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Déposée le 11 décembre 2023 par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues, la proposition de loi vise à apporter une première réponse aux difficultés de financement rencontrées par les entreprises de l'industrie de défense française.

Alors que la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 a appelé à la mobilisation de tous les leviers de l'économie de guerre, les entreprises de la base industrielle et technologique de défense, dont la grande majorité sont des petites et moyennes entreprises, se trouvent confrontées à la difficile montée en cadence de leurs chaînes de production. D'autres, qualifiées de « pépites technologiques », suscitent un fort intérêt d'investisseurs étrangers.

Pour remédier à ces difficultés, l'article 1er de la proposition de loi propose de flécher une partie des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations vers le financement des entreprises de l'industrie de défense française.

Cette proposition, si elle ne répond que partiellement aux besoins de financement des entreprises de la BITD, qui requièrent aussi un renforcement de leurs fonds propres, constitue la « meilleure des solutions d'attente », comparée par exemple à la création d'un produit d'épargne dédié. Sur proposition du rapporteur Dominique de Legge, la commission, réunie le mercredi 28 février 2024 sous la présidence de Claude Raynal, a adopté trois amendements afin de préciser les dispositions de l'article 1er, de compléter le contenu du rapport d'évaluation prévu à l'article 2 et d'insérer un article additionnel après l'article 1er pour expliciter les missions de Bpifrance au profit des entreprises de la BITD.

I. RÉPONDRE AUX BESOINS DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES DE LA DÉFENSE, UN IMPÉRATIF DANS UN CONTEXTE D'ÉCONOMIE DE GUERRE

La loi de programmation militaire pour les années 2024 à 20301(*) a acté l'impératif de mobiliser les leviers de l'économie de guerre, condition sine qua non pour permettre à la France de faire face à un engagement majeur et à des affrontements de haute intensité tout en apportant son soutien à l'Ukraine. Ainsi que l'a également exprimé le commissaire européen au marché intérieur2(*), M. Thierry Breton, les entreprises de la défense doivent être incitées à changer de modèle économique et à monter en cadence.

Pourtant, les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD), et en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), se heurtent encore à des difficultés de financement, qui entravent leur développement, leurs capacités d'exportation et la montée en puissance de leurs chaines de production.

La guerre en Ukraine, un changement de paradigme pour les entreprises de la défense

Les difficultés de financement bancaire que peuvent rencontrer les entreprises de l'industrie de défense française sont moins liées à leur secteur d'activité que communes à celles des autres entreprises, quel que soit leur secteur d'activité. Une entreprise fragile financièrement n'aura qu'un accès limité au crédit.

Pour autant, les établissements financiers ont pu se montrer réticents à financer spécifiquement les entreprises de la défense, en arguant d'un risque d'image, d'exigences de conformité renforcées ou de la complexité des contrats exports. Toutefois, dans un contexte géopolitique totalement bouleversé, des efforts ont été entrepris ces deux dernières années pour rapprocher l'industrie de la défense et les établissements bancaires : nomination de « référents défense » dans les réseaux bancaires, modification des doctrines d'intervention, journées communes de formation.

Les travaux menés par le rapporteur ont ainsi permis de montrer que, davantage que l'accès au crédit bancaire, deux problématiques étaient prégnantes pour les entreprises de la défense : les fonds propres et l'exportation.

II. MOBILISER LES ENCOURS NON CENTRALISÉS DU LIVRET A ET DU LIVRET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDAIRE, UNE PREMIÈRE RÉPONSE QUI DOIT ÊTRE COMPLÉTÉE

En réponse aux difficultés précédemment énoncées, le rapporteur propose à la commission de soutenir le dispositif porté par la proposition de loi, tout en le complétant ; les besoins de financement des entreprises de la BITD étant de nature différente, il ne saurait être possible d'y apporter une réponse unique.

· Flécher une partie des encours non centralisés du livret A et du livret de développement durable et solidaire vers le financement des entreprises de la BITD

L'article 1er de la proposition de loi prévoit de flécher une partie des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS) non centralisés auprès de la Caisse des dépôts vers le financement des entreprises de l'industrie de défense française. Ainsi, le financement du logement social n'est absolument pas concerné par la disposition. Sont seuls affectés les encours non centralisés, qui font aujourd'hui l'objet de strictes conditions d'utilisation : les établissements doivent les mobiliser pour financer les PME (à hauteur d'au moins 80 %), les projets contribuant à la transition énergétique et à la réduction de l'empreinte climatique (10 %) et l'économie sociale et solidaire (5 %).

La commission a adopté l'amendement COM-5 du rapporteur, qui procède à une réécriture de l'article 1er afin de garantir que ce nouvel objectif de fléchage ne remette pas en cause ces cibles. Le financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense, désignation préférée à celle d'entreprises de l'industrie de défense, ne constituerait ainsi pas une quatrième catégorie de fléchage de ces encours non centralisés, mais une sous-poche au sein de l'objectif de financement des PME.

Un signal politique clair de soutien aux entreprises de la défense

Certes, la disposition ne répond que de manière limitée aux difficultés de financement rencontrées par les entreprises de la défense, qui ont aussi besoin d'outils pour renforcer leurs fonds propres. Pour autant, la création d'un plan d'épargne dédié n'apparaît pas plus opportune, en l'absence de certitude sur sa capacité à collecter suffisamment de fonds. Les épargnants français préfèrent en effet dans leur grande majorité des produits d'épargne règlementée, avec une rémunération garantie et une grande disponibilité de dépôts. Le livret A et le LDDS répondent à ces deux critères.

À la fin du mois de janvier 2024, les encours du livret A s'élevaient à

À la fin du mois de janvier 2024, les encours du LDDS s'élevaient à

Le ratio des encours de prêts octroyés aux PME par rapport
aux fonds déposés sur le livret A
et le LDDS était de

 
 

 

soit une collecte annuelle nette de 21,6 milliards d'euros

soit une collecte annuelle nette de 10,3 milliards d'euros

à la fin de l'année 2022, avec 145 milliards d'euros de nouveaux prêts octroyés en 2022

Surtout, mobiliser le livret A et le LDDS envoie un signal politique clair et franc en direction des acteurs économiques et financiers, qui doivent soutenir les entreprises de la BITD, y compris sur leurs problématiques de fonds propres, de trésorerie et d'exportation. C'est la meilleure solution dans l'attente du développement d'autres outils appropriés à ces enjeux, après une évaluation objective des besoins de financement de ces entreprises. Faire participer l'ensemble des épargnants au financement de la BITD relève d'un enjeu de souveraineté, dans un contexte d'économie de guerre.

· Compléter le rapport d'évaluation pour tenir compte de l'ensemble des problématiques de financement des entreprises de la BITD

L'article 2 de la proposition de loi prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2026, un rapport évaluant le dispositif prévu à l'article 1er de la proposition de loi. À défaut de résultat probant, ce rapport devrait également étudier l'opportunité de créer un produit d'épargne dédié au financement des entreprises de la défense.

Une date de remise du rapport attendu avancée d'un an pour « maintenir l'écosystème sous tension »

Cette demande d'évaluation doit être soutenue : il est impératif de répondre aux besoins de financement des entreprises de la BITD et de disposer des outils appropriés à cet effet. Pour refléter la diversité des problématiques de financement rencontrées par ces entreprises, la commission a complété le contenu de l'évaluation (amendement COM-7 du rapporteur). Le rapport devra ainsi également évaluer l'opportunité de renforcer les instruments mis en place par Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations pour soutenir les fonds propres des entreprises de la BITD et les outils d'accompagnement à l'exportation. Il devra aussi inclure une présentation par le Gouvernement des actions qu'il a entreprises au niveau européen pour qu'il soit davantage tenu compte des problématiques de financement du secteur de la défense, tant dans le cadre des règlementations relatives aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) que dans la doctrine d'intervention du Fonds européen d'investissement de la Banque européenne d'investissement.

· Expliciter les missions de Bpifrance au profit des entreprises de la BITD

À l'initiative du rapporteur, la commission a enfin adopté un amendement pour consacrer dans l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la banque publique d'investissement les missions de Bpifrance en faveur des entreprises de la BITD - soutien et offre de services, renforcement des fonds propres et accompagnement à l'export (amendement COM-6 portant article additionnel après l'article 1er).

Hors assurance export, environ 1,5 milliard d'euros aurait été octroyé par Bpifrance aux entreprises de la BITD en 2023, et l'opérateur s'apprêterait également à lancer un « accélérateur » au profit de dirigeants de PME de la défense.

20 ans après la publication de l'ordonnance, le contexte géostratégique a profondément évolué : alors que la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 a acté la mobilisation des leviers de « l'économie de guerre », les acteurs institutionnels, au premier titre desquels Bpifrance, doivent être pleinement mobilisés pour remédier aux problématiques de financement rencontrées par les entreprises de la BITD.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er

Orientation d'une partie des encours du livret A
et du livret de développement durable et solidaire
vers les entreprises de l'industrie de défense française

Le présent article prévoit de flécher une partie des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS) non centralisés auprès de la Caisse des dépôts vers le financement des entreprises de l'industrie de défense française.

L'objectif des auteurs de la proposition de loi est de répondre aux difficultés de financement rencontrées par ces entreprises, en particulier par les petites et moyennes entreprises (PME). Si certaines de ces difficultés sont communes à l'ensemble des entreprises, tous secteurs économiques confondus, d'autres sont propres à l'industrie de défense, s'agissant par exemple de la faiblesse du capital investissement, de l'application des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ou de l'accompagnement à l'exportation.

Tout en reconnaissant que les dispositions du présent article n'apporteront qu'une réponse limitée aux difficultés rencontrées par les entreprises de la défense - qui font davantage face à une problématique de fonds propres et non d'accès au crédit - la commission soutient le signal politique clair ainsi envoyé par le dispositif aux entreprises de l'industrie de défense française. Dans un contexte géostratégique bouleversé, l'entrée dans l'économie de guerre appelle un soutien de l'ensemble des acteurs financiers et économiques.

Par l'adoption de l'amendement COM-5 du rapporteur, la commission a procédé à une réécriture du présent article afin de garantir que l'objectif de fléchage ainsi attribué aux encours non centralisés du livret A et du LDDS ne remette pas en cause les cibles affectées au financement des projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique ainsi qu'au financement des entreprises de l'économie sociale et solidaire. Le financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense, désignation préférée à celle d'entreprises de l'industrie de défense française, ne constituera ainsi pas une quatrième catégorie de fléchage de ces encours non centralisés, mais une sous-poche au sein de l'objectif de financement des PME.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE LIVRET A ET LE LIVRET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDAIRE, DEUX PRODUITS D'ÉPARGNE RÈGLEMENTÉE AU SERVICE DU FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE

A. UN ENCADREMENT STRICT DES MODALITÉS D'UTILISATION DES ENCOURS DU LIVRET A ET DU LIVRET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDAIRE

1. Deux livrets d'épargne règlementée très sollicités par les épargnants français

Selon la Banque de France, sont qualifiés de produits d'épargne règlementée les produits qui présentent plusieurs des caractéristiques suivantes : un rendement déterminé par l'État de manière discrétionnaire et pouvant être garanti sur une période prédéfinie, des conditions minimales de dépôt et de retrait, des dispositions fiscales spécifiques et une garantie de l'État. Le livret A en fait partie et demeure, depuis sa création, le livret d'épargne règlementé le plus mobilisé par les Français. Le livret de développement durable et solidaire (LDDS) est également un produit d'épargne règlementée, mais ses encours sont moins élevés que ceux du livret A.

Encours de l'épargne règlementée
des ménages au mois de décembre 2023

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances, à partir des données statistiques de la Banque de France sur les dépôts des ménages

a) Le livret A

Le livret A est proposé par tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s'engage à cet effet par convention avec l'État (article L221-1 du code monétaire et financier [CMF]). Une personne physique ne peut être titulaire que d'un seul livret A. Le taux d'intérêt de ce livret d'épargne règlementée est fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie (article R221-4 du CMF) ; il s'élève à 3 % depuis le 1er février 20233(*) et jusqu'au 31 janvier 20254(*). Le plafond est fixé à 22 950 euros pour les personnes physiques (article R221-2 du CMF).

Les encours du livret A, tous dépositaires confondus5(*), s'élevaient à 417,6 milliards d'euros à la fin du mois janvier 2024, après une collecte annuelle nette de 21,6 milliards d'euros6(*). 55,9 millions de livrets étaient ouverts à la fin de l'année 2022, soit environ 6 % des placements financiers des ménages résidant en France7(*).

Aux termes de l'article 157 du code général des impôts (CGI), les intérêts n'entrent pas dans le calcul du revenu net imposable du titulaire du livret A et sont donc exonérés d'impôt sur le revenu. En 2023, le coût de cette dépense fiscale s'élèverait à 386 millions d'euros8(*), un montant en hausse par rapport à 2022 (131 millions d'euros) pour deux raisons : le relèvement du taux de rémunération des dépôts à 3 % à compter du 1er février 2023 et l'augmentation nette des dépôts.

b) Le livret de développement durable et solidaire

Toute personne majeure9(*) disposant de son domicile fiscal en France peut également souscrire un LDDS, le nombre de livrets étant limité à un par personne (article L221-27 du CMF).

À l'instar de ce qui est prévu pour le livret A, le taux d'intérêt du LDDS est fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie, il s'élève à 3 % depuis le 1er février 202310(*) et jusqu'au 31 janvier 202511(*). Le plafond est fixé à 12 000 euros (article D221-103 du CMF).

Les encours du LDDS s'élevaient à 150,5 milliards d'euros à la fin du mois de janvier 2024, après une collecte annuelle nette de 10,3 milliards d'euros12(*). 24,8 millions de livrets étaient ouverts à la fin de l'année 2022, soit environ 2,3 % des placements financiers des ménages résidant en France13(*).

Comme pour le livret A, les intérêts du LDDS n'entrent pas dans le calcul du revenu net imposable du titulaire du livret et sont donc exonérés d'impôt sur le revenu (article 157 du CGI). En 2023, le coût de cette dépense fiscale s'élèverait à 161 millions d'euros14(*), un montant en hausse par rapport à 2022 (56 millions d'euros) pour les deux mêmes raisons que celles précédemment évoquées pour le livret A.

2. Des règles strictes en matière d'utilisation des fonds déposés sur le livret A et sur le LDDS

Une quote-part du total des dépôts collectés au titre du livret A et du LDDS (59,5 %) est centralisée auprès de la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds d'épargne (articles L221-5 et L221-7 du CMF), en contrepartie d'une rémunération. Ce fonds d'épargne finance principalement le logement social.

Le fonds d'épargne

Confié en 1837 à la Caisse des dépôts et consignations, le fonds d'épargne remplit deux missions : 1) protéger l'épargne populaire centralisée en son sein et 2) transformer une partie de cette épargne à vue en prêts de long terme finançant le logement social et des emplois d'intérêt général.

Le fonds d'épargne délègue la commercialisation et la gestion de ses prêts à la Banque des territoires, direction de la Caisse des dépôts, et la gestion de ses placements financiers à la direction des gestions d'actifs de la Caisse.

Source : Cour des comptes, Observations définitives, «  L'épargne règlementée (2016-2021) », septembre 2022

Les sommes non centralisées doivent en priorité être utilisées par les établissements pour financer :

- les petites et les moyennes entreprises (PME) à hauteur d'au moins 80 %15(*);

- les projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique à hauteur d'au moins 10 % ;

- les entreprises de l'économie sociale et solidaire à hauteur d'au moins 5 %.

S'agissant plus particulièrement des PME, la Banque de France relève, dans son rapport annuel sur l'épargne règlementée16(*), que l'encours total de crédits accordés aux PME s'élevait à 622,4 milliards d'euros à la fin de l'année 2022 et que l'obligation d'emploi des fonds non centralisés et déposés sur le livret A et sur le LDDS était très largement respectée. En flux, ce sont 145 milliards d'euros de prêts qui ont été octroyés aux PME en 2022, à savoir un tiers des encours totaux de prêts aux PME.

Encours des prêts octroyés aux PME en 2022, à partir
des fonds non centralisés et déposés sur le livret A et sur le LDDS

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances, à partir du rapport annuel 2022 de la Banque de France sur l'épargne règlementée, 16 juillet 2023

Comme le souligne la Banque de France, « l'obligation d'emploi des fonds non centralisés de l'épargne règlementée vers les PME assure des ressources pour leur développement, au bénéfice de l'ensemble de l'économie »17(*). Les dépôts des épargnants sur les livrets d'épargne règlementée contribuent ainsi à assurer de très bonnes conditions d'accès aux crédits pour les PME françaises, en particulier en comparaison européenne. 83 % des PME ont vu leur demande de crédit de trésorerie aboutir et 96 % leur demande de crédit d'investissement18(*).

Il convient de noter que l'ensemble des PME sont concernées par ce fléchage, quel que soit leur secteur d'activité. Le ratio des crédits aux PME rapportés aux encours non centralisés du livret A et du LDDS était de 301 % à la fin de l'année 202219(*). Ce résultat, largement supérieur à la cible de 80 %, s'explique par la fongibilité des ressources dans les bilans bancaires. Le ratio prend donc en compte l'ensemble des concours bancaires octroyés aux PME, parmi lesquels figurent les dépôts sur les livrets d'épargne règlementée.

B. UNE VOLONTÉ DE DIVERSIFIER LE FLÉCHAGE DES ENCOURS NON CENTRALISÉS DU LIVRET A ET DU LIVRET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDAIRE AU PROFIT DES ENTREPRISES DE L'INDUSTRIE DE DÉFENSE FRANÇAISE

Ces dernières années, plusieurs rapports parlementaires20(*) ont alerté le Gouvernement sur les difficultés de financement rencontrées par les entreprises de l'industrie de défense française et ont proposé, pour y apporter une première réponse, de flécher une partie des encours du livret A et du LDDS vers le financement de ces entreprises.

1. Répondre aux difficultés de financement rencontrées par les entreprises de la défense

a) Des difficultés de financement communes à toutes les entreprises, d'autres plus spécifiques au secteur de la défense

Ainsi que l'ont rappelé l'ensemble des acteurs entendus par le rapporteur, les entreprises de l'industrie de défense française se heurtent tout d'abord aux mêmes difficultés de financement bancaire que celles rencontrées par l'ensemble des entreprises françaises. Leurs marges sont faibles, et leurs investissements aussi, tout comme leur pouvoir de marché. Pour autant, les banques françaises figurent parmi les plus actives au niveau mondial dans le domaine de la défense.

Ainsi, les quelques cas de refus de crédit bancaire opposé à des entreprises de l'industrie de défense française ne trouvaient pas principalement leur origine dans leur secteur d'activité mais dans leur situation financière. Par ailleurs, si le secteur de la défense n'apparaît pas en tant que tel dans les statistiques sectorielles de la Banque de France et de la médiation du crédit, il convient de relever qu'aucun d'entre eux n'a relevé de biais en défaveur des industries de ce secteur.

Toutefois, les entreprises de la défense se sont aussi longtemps heurtées à des difficultés spécifiques, nées généralement d'une incompréhension quant à leur règlementation sectorielle. Des banques ont ainsi pu exclure le secteur de la défense de leur doctrine d'intervention par facilité et/ou pour éviter un potentiel risque d'image. Les difficultés de financement peuvent ainsi apparaître plus marquées pour les entreprises dont les produits sont directement liés à l'armement, mais sont, sinon inexistantes, moindres pour les entreprises duales ou situées bien en aval de la chaîne de sous-traitance.

Plus généralement, le constat opéré par les acteurs est celui d'une méconnaissance du secteur de la défense et de ses entreprises. Les banques peuvent ainsi être également réticentes à financer des activités à l'export, pour des raisons d'image et de conformité ; les règles de conformité mises en place par les établissements bancaires peuvent excéder le cadre règlementaire, dans le but de se protéger. Cette approche est d'autant plus défavorable aux PME que ces dernières ne disposent pas des mêmes outils que les grandes entreprises pour répondre à ces problématiques, par exemple un compliance officer ou une direction conformité.

Enfin, les contrats export sont complexes et longs à finaliser, quel que soit leur volume : ce « coût fixe » peut inciter les établissements bancaires à privilégier les plus gros dossiers, au détriment des PME. Pourtant, comme l'ont rappelé les industriels du secteur de la défense, la viabilité économique de la base industrielle et technologique de défense (BITD) repose pour une grande partie sur les exportations.

b) Des progrès constatés ces deux dernières années, mais qui restent à consolider

Depuis le début de l'année 2022, plusieurs initiatives ont été lancées pour rapprocher l'industrie de défense et le secteur bancaire. Les grands réseaux bancaires ont notamment désigné des « référents défense » en interne, chargés d'effectuer la liaison entre les établissements et les entreprises du secteur, en lien avec la direction générale de l'armement (DGA) du ministère des armées. Le rôle de ces référents a été salué par l'ensemble des personnes auditionnées par le rapporteur ainsi que par les industriels. Par suite, certaines banques ont également modifié leur doctrine d'intervention pour ne plus exclure le secteur de la défense.

Ces efforts doivent être poursuivis : le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 203021(*) a notamment appelé à mettre en place une « mission commune de médiation du crédit Défense » ou à « faciliter le recours au Médiateur national du crédit, en lien avec les banques et les groupements d'industriels de la défense, dans le cadre d'une procédure adaptée garantissant la stricte confidentialité des données des entreprises concernées ».

Des séminaires sont par ailleurs organisés en partenariat entre les groupements professionnels des entreprises de la défense et la Fédération bancaire française (FBF). Cette dernière participe également aux journées de formation « Banque et base industrielle et technologique de défense », organisées par l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Les PME gagneraient toutefois à y renforcer leur présence.

L'évolution du contexte géostratégique, avec le début de la guerre en Ukraine, explique cette prise de conscience accrue : tant pour se protéger que pour continuer de fournir du matériel militaire à l'Ukraine, la France a besoin de disposer d'une industrie de la défense forte et capable de démultiplier ses capacités de production. L'entrée dans l'économie de guerre suppose de disposer des fonds nécessaires à ces investissements.

2. Un dispositif de fléchage des encours du livret A et du LDDS par deux fois déclaré non conforme à la Constitution, pour des raisons de forme

Dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM 2024-2030)22(*), le Sénat avait adopté un article 25 bis visant à créer un livret d'épargne souveraineté, dont les versements auraient été affectés à l'acquisition de titres financiers contribuant au financement de l'industrie de défense française. En commission mixte paritaire, cette disposition avait été remplacée par une modification de l'article L221-5 du CMF et donc par un fléchage des fonds non centralisés du livret A et du LDDS, en ajoutant le « financement des entreprises, notamment petites et moyennes, de l'industrie de défense française ». Un rapport d'évaluation de cette mesure devait être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 31 décembre 2026.

Toutefois, dans sa décision sur la LPM 2024-203023(*), le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition, devenue l'article 52 de la loi, ne présentait pas de lien, même indirect, avec les dispositions du chapitre III du titre II du projet de loi initial. Il s'agissait donc d'un « cavalier législatif », adopté selon une procédure contraire à la Constitution et déclaré non conforme à la Constitution sur ce fondement.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement avait repris, dans le texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, deux amendements identiques des députés Christophe Plassard et Thomas Gassilloud, dont le contenu reprenait celui de l'article 52 de la LPM. La commission des finances du Sénat avait néanmoins proposé sa suppression, en arguant que cette disposition ne relevait pas du domaine des lois de finances tel que défini à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)24(*). Le dispositif avait néanmoins été conservé dans le texte, mais, dans sa décision relative à la loi de finances pour 202425(*), le Conseil constitutionnel a considéré que l'article 197 constituait un cavalier budgétaire.

La disposition a donc été pour la seconde fois déclarée non conforme à la Constitution, pour des raisons de forme.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : FLÉCHER UNE PARTIE DES ENCOURS NON CENTRALISÉS DU LIVRET A ET DU LIVRET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDAIRE VERS L'INDUSTRIE DE DÉFENSE FRANÇAISE

Le présent article modifie l'article L. 221-5 du code monétaire et financier (CMF) afin d'ajouter une nouvelle catégorie d'entreprises devant être financées par les encours non centralisés du livret A et du LDDS.

En plus de financer les PME, les projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique et les entreprises de l'économie sociale et solidaire, ces encours devront être employés par les établissements pour le financement des entreprises, notamment petites et moyennes, de l'industrie de défense française.

Cette disposition reprend donc exactement celle de l'article 52 de la LPM 2024-2030 et de l'article 197 de la loi de finances pour 2024, toutes deux déclarées non conformes à la Constitution.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF IMPARFAIT MAIS NÉCESSAIRE POUR SOUTENIR LES ENTREPRISES DE LA BASE INDUSTRIELLE ET TECHNOLOGIQUE DE DÉFENSE, UN ENJEU DE SOUVERAINETÉ

En dépit des limites qu'il présente, la commission estime que le dispositif porté par le présent article envoie le signal clair de la nécessité de soutenir le financement de l'industrie de défense française.

A. UN IMPÉRATIF, IDENTIFIER OBJECTIVEMENT LES BESOINS DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES DE LA DÉFENSE

1. Une évaluation des besoins incontournable dans un contexte d'« économie de guerre »

En réponse aux inquiétudes relayées par les industriels de la défense et par plusieurs parlementaires, des travaux interministériels ont été conduits au premier semestre 2022 sous l'égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGSDN)26(*). Ils ont conclu que le financement de la base industrielle et technologique de défense (BITD) était « globalement préservé », pour ce qui concernait le financement bancaire et l'accès au crédit.

Toutefois, l'ampleur de cet enjeu, dans le contexte de la guerre en Ukraine et de l'entrée dans une « économie de guerre » rend plus que nécessaire une évaluation objective et exhaustive des besoins de financement des entreprises de la BITD, quelle que soit la forme de ce financement. À cet égard, le rapporteur relève que la direction générale du Trésor, la direction générale de l'armement et l'observatoire économique de la défense ont lancé une étude conjointe sur la santé financière des entreprises de la BITD, dont les premiers résultats sont attendus à la fin du premier semestre de l'année 2024.

En effet, si les instruments à disposition des entreprises de l'industrie de défense française doivent être complétés, en particulier en fonds propres, encore faut-il disposer d'une idée précise de ce besoin de financement. Les estimations entendues en audition varient de quelques centaines de millions d'euros à plusieurs milliards d'euros, selon le périmètre envisagé.

2. De premiers outils mis en place mais des difficultés persistantes

a) Une large panoplie d'outils

Pour répondre à leurs besoins de financement, les entreprises de l'industrie de défense française peuvent recourir à des outils « de droit commun », ouverts à toutes les entreprises, ainsi qu'à des instruments plus sectoriels.

(1) Les sources de financement de droit commun

À l'instar de l'ensemble des entreprises, celles du secteur de la défense peuvent recourir au financement bancaire, aux fonds publics ou privés d'investissement ainsi qu'à des subventions publiques. C'est le cas par exemple pour les entreprises duales, qui peuvent bénéficier du plan d'investissement France 2030, ou encore de celles qui font de la recherche et du développement (R&D), qui peuvent solliciter des financements européens et bénéficier en France du crédit d'impôt recherche (CIR).

Les entreprises de la défense sont également éligibles à l'ensemble des garanties publiques à l'export, ce qui se traduit concrètement par l'apport d'une aide financière pour ces entreprises. Ces dispositifs d'assurance-export sont mis en oeuvre au nom et pour le compte de l'État par Bpifrance Assurance Export27(*) :

l'assurance prospection couvre les dépenses de prospection engagées par les entreprises à hauteur de 65 % du budget programmé, moyennant une prime de 3 % de cette somme. Elle est réservée aux entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 500 millions d'euros dont les produits et/ou les services sont déjà commercialisés. En cas d'échec, seul un remboursement forfaitaire de 30 % est exigé ;

l'assurance-crédit, principal outil de soutien public à l'export, protège les entreprises exportatrices contre le risque d'interruption de leurs contrats commerciaux et le non-paiement et protège la banque prêteuse contre le risque de non-paiement, pour des faits politiques et/ou commerciaux28(*) ;

la stabilisation de taux d'intérêt permet à la banque d'adosser un taux fixe au crédit export garanti par Bpifrance Assurance Export, ce qui donne de la visibilité au client quant à son coût de financement ;

l'assurance change permet la couverture à hauteur de 100 % du risque de change jusqu'au dernier terme de paiement du contrat commercial de l'entreprise, sous un plafond maximal selon la devise ;

les assurances cautions et préfinancements facilitent la mise en place de crédits de préfinancements pour permettre à l'exportateur de disposer de la trésorerie nécessaire à la fabrication des biens commandés et/ou la mise en place des cautions exigées par l'acheteur en garantie des acomptes versés ou de la bonne exécution du contrat. Les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 150 millions d'euros peuvent bénéficier d'une garantie allant jusqu'à 80 %, contre 50 % pour les autres ;

la garantie des investissements à l'étranger couvre le risque politique, les risques de non-transfert, d'expropriation et de violence politique.

La part du secteur militaire dans le stock de crédits garantis atteignait 40 % à la fin de l'année 2022, soulignant la grande importance de ces outils de soutien à l'export pour les entreprises de la défense. L'accompagnement est enfin primordial, les dossiers export pouvant être longs et complexes à finaliser pour les entreprises, et notamment pour les plus petites d'entre elles.

(2) Les instruments spécifiques au secteur de la défense

Les instruments spécifiquement dédiés aux entreprises de l'industrie de défense prennent plusieurs formes - qui reflètent la diversité de leurs besoins de financement.

S'agissant tout d'abord des prêts et des subventions, le ministère des armées intervient par le biais du régime d'appui à l'innovation duale, le RAPID, qui consiste en la subvention de projets d'innovation duale portés par une entreprise de moins de 2 000 salariés. Les dépenses éligibles sont celles liées aux travaux de R&D. La direction générale de l'armement (DGA) a également mis en place, dans le cadre de son plan « Action PME » un dispositif de prêt à taux fixe, sans caution et sans garantie. Le prêt Def'fi est destiné au financement du développement, des investissements immatériels ou de la transmission de l'entreprise et réservé aux PME créées depuis plus de trois ans.

Le réseau « Defense Angels » regroupe quant à lui les business angels29(*) qui interviennent dans le secteur des technologies stratégiques et applications duales, en soutenant des start-ups innovantes en technologies de défense et de sécurité. Les montants apportés demeurent toutefois limités.

Des fonds d'investissement publics se sont également structurés ces dernières années, sous l'égide de la DGA, de l'Agence d'innovation de défense (AID) et de Bpifrance, qui en assure la gestion :

Definvest, créé en 2017 pour sécuriser le capital d'entreprises d'intérêt stratégique pour le secteur de la défense, pour soutenir leur développement et pour participer à des opérations de croissance externe. Le fonds investit en minoritaire, le plus souvent auprès d'entreprises critiques pour les systèmes de défense ou porteuses de projets de recherche et technologie stratégiques, avec un ticket moyen de 1,5 million d'euros ;

- le Fonds innovation défense, créé en 2021 pour soutenir en fonds propres et en quasi-fonds propres les entreprises innovantes porteuses de technologies duales.

La DGA et Bpifrance ont par ailleurs développé des dispositifs d'accompagnement, qui peuvent prendre ou non la forme d'un soutien financier :

- le diagnostic cyber défense, qui vise à soutenir les entreprises du secteur de la défense qui souhaitent évaluer le niveau de sécurité de leurs systèmes d'information. Bpifrance peut prendre en charge entre 50 % et 80 % du montant de la prestation d'accompagnement, sous un plafond de 14 000 euros. Seules les PME y sont éligibles ;

- le diagnostic Défense Europe, qui vise à inciter les PME françaises du secteur de la défense à participer au Fonds européen de défense mis en oeuvre par la Commission européenne, pour participer au financement de projets portés par un consortium d'au moins trois entités établies dans trois pays différents. La prestation d'accompagnement et de conseil a pour objectif d'informer les dirigeants de PME sur les financements européens et de les accompagner dans l'élaboration de leurs dossiers de candidature.

Bpifrance Assurance Export gère enfin le dispositif dit « Article 90 », qui vise à réduire le risque supporté par les entreprises de défense en phase d'industrialisation (fabrication ou adaptation d'un matériel). Il permet d'octroyer des avances remboursables - avec intérêt - pour financer jusqu'à 60 % des dépenses d'industrialisation de certains produits en vue de leur exportation. Seules sont éligibles les sociétés françaises qui produisent des matériels de guerre ou assimilés, soumis à une licence d'exportation. 37 entreprises en bénéficient aujourd'hui, avec sept nouveaux projets financés en 202230(*).

b) Des outils dont la portée doit être renforcée et qui se heurtent à des contraintes propres au secteur de la défense

Les auditions et travaux menés par le rapporteur ont confirmé que la principale difficulté rencontrée par les entreprises de l'industrie de défense française était liée aux fonds propres

Or, dans ce domaine - principal enjeu de financement pour les entreprises de l'industrie de défense française - les outils disponibles apparaissent particulièrement limités. Le capital investissement français est très peu présent dans le secteur de la défense : il n'existe aujourd'hui que deux fonds d'investissement privés spécifiquement dédiés à ce secteur, Eiréné de Weinberg Capital et Tikehau ACE Capital. Le premier a toutefois vocation à prendre des positions d'actionnaire majoritaire, ce qui ne convient pas à toutes les entreprises, tandis que le second est centré sur le seul secteur de l'aéronautique. Même au sein des quelques fonds généralistes qui disposent d'une participation dans une entreprise de la BITD, les résistances en interne peuvent être très fortes au moment de la prise de participation.

Definvest et le Fonds innovation défense ne permettent pas de pallier ce manque d'investissements privés. Les tickets apportés par les investisseurs sont relativement faibles et le volume des fonds disponibles au niveau français comme européen insuffisant pour répondre à des demandes de plusieurs dizaines de millions d'euros, voire d'une centaine de millions d'euros.

D'après les éléments transmis au rapporteur par la direction générale du Trésor, trois raisons principales expliquent le faible développement du capital investissement dans le secteur de la défense :

- la méconnaissance de l'industrie de défense et une interprétation extensive des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). C'est une difficulté spécifique à l'investissement en fonds propres et que ne connaissent pas les banques : en effet, contrairement à l'octroi d'un crédit, un investissement en fonds propres engage l'investisseur sur l'intégralité des activités de l'entreprise bénéficiaire. Pourtant, aucune règlementation française ou européenne n'exclut par défaut le secteur de la défense de la finance durable ;

- la diffusion de la doctrine d'investissement du Fonds européen d'investissement de la Banque européenne d'investissement (BEI) qui lui interdit de financer des munitions, des armes ainsi que des équipements ou infrastructures militaires ou policiers. Or, cette doctrine s'impose aux fonds d'investissement qui participent à ses tours de table. Plus généralement, l'effet « signal » pour les autres acteurs financiers apparaît particulièrement négatif et préjudiciable aux entreprises de l'industrie de défense ;

- le contrôle des investissements étrangers en France, qui peut avoir un effet dissuasif pour les investisseurs qui envisagent une prise de participation dans une entreprise de la BITD. Même s'il n'en est qu'une rare illustration, le cas de Photonis en 2021 est pourtant régulièrement cité, avec un blocage à la revente. Or, c'est au moment de la revente de sa participation qu'un fonds rentabilise son investissement, et la crainte d'un blocage peut avoir un effet dissuasif.

Par ailleurs, les entreprises se heurtent encore à des difficultés liées au coût de gestion des stocks, à leur trésorerie et à la transformation de leur appareil productif. L'économie de guerre et la forte augmentation de la demande qui en résulte supposent une modernisation des chaînes de production. La structuration des filières, notamment pour le secteur terrestre, et la protection des sous-traitants sont des enjeux tout aussi importants pour la pérennité des PME de la défense. En l'absence de visibilité sur leurs commandes, les entreprises en sous-traitance ne peuvent pas correctement défendre leur dossier auprès des banques.

Enfin, l'attention ne peut qu'être appelée sur la nécessité d'informer plus régulièrement les industriels, et notamment les PME, des dispositifs de financement auxquels ils peuvent avoir accès. C'est primordial dans un contexte d'économie de guerre, où les entreprises doivent pouvoir développer rapidement leurs capacités de production et d'exportation, sans fragiliser leur trésorerie.

B. LE FLÉCHAGE DES ENCOURS NON CENTRALISÉS DU LIVRET A ET DU LIVRET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET SOLIDAIRE : MALGRÉ DES LIMITES, UN SIGNAL CLAIR DE SOUTIEN AU SECTEUR DE LA DÉFENSE

1. Flécher les encours du livret A et du LDDS, une réponse limitée aux problématiques de financement des entreprises de la défense

a) Des incertitudes sur la portée réelle du dispositif

Comme rappelé précédemment, les petites et moyennes entreprises du secteur de la défense bénéficient déjà du fléchage des encours non centralisés du livret A et du LDDS : l'objectif imposé aux banques d'utiliser 80 % de ces encours au profit du financement des PME n'exclut aucun secteur d'activité. De plus, du fait de la fongibilité des dépôts, cette cible est aujourd'hui largement dépassée, le ratio atteignant 301 % à la fin de l'année 2022 (cf. supra).

Il est donc raisonnable d'envisager que le nouveau sous-objectif qui serait fixé aux banques pour le financement des entreprises de l'industrie de défense française pourrait déjà être lui aussi atteint, par une partie des établissements financiers au moins. Le présent article ne se traduirait donc pas par des financements supplémentaires au profit de ces entreprises.

Par ailleurs, ce fléchage ne permettra pas de remédier aux difficultés rencontrées par les entreprises de la défense dont la situation financière est fragile, à qui d'autres outils doivent être proposés. En effet, au regard de la règlementation applicable à l'ensemble des secteurs économiques, ces entreprises ne bénéficieront pas de davantage de prêts et en tout cas pas dans des conditions plus privilégiées que celles qui leur sont aujourd'hui proposées.

b) Un dispositif qui répond à une partie des problématiques de financement des entreprises de la défense

Prévoir explicitement qu'une partie des encours non centralisés du livret A et du LDDS doit être utilisée par les établissements pour contribuer au financement des entreprises de la défense apporte une réponse « bancaire » à un problème qui est moins celui de l'accès au crédit que celui du renforcement des fonds propres.

Le présent article répond donc partiellement aux difficultés de financement rencontrées par les entreprises de l'industrie de défense française et précédemment exposées.

La problématique des fonds propres ne se résoudra pas par un nouveau fléchage des encours du livret A et du LDDS mais par une plus grande mobilisation des acteurs institutionnels et privés, par une meilleure connaissance de l'industrie de défense et par un assouplissement des modalités d'intervention des fonds d'investissement, en commençant par le Fonds européen d'investissement de la BEI. Aujourd'hui, les fonds de capital investissement français et européens sont insuffisants pour répondre aux besoins en fonds propres des entreprises de l'industrie de défense française, qui n'ont pas d'autre choix que de renoncer à leurs projets ou de se tourner vers des financements extra-européens.

2. Un signal politique nécessaire en faveur du soutien à l'industrie de défense française

a) Un livret ou un plan d'épargne dédié, une alternative séduisante mais peu opérationnelle en l'état

Ces dernières années, plusieurs parlementaires ont défendu la création d'un livret ou d'un produit d'épargne dédié au secteur de la défense. C'est une piste sur laquelle le rapporteur s'est longuement penché dans le cadre de ses travaux.

Sous la forme d'un plan d'épargne, elle présente le mérite de pouvoir apporter une réponse aux besoins en fonds propres des entreprises de l'industrie de défense française. Un produit dédié a aussi pour avantage d'être clairement identifié par les épargnants, qui choisiraient très explicitement de soutenir les entreprises de la défense.

Toutefois, un produit d'épargne dédié se heurte à plusieurs obstacles, de nature à le rendre peu opérationnel. Tout d'abord, la plupart des personnes entendues par le rapporteur s'accorde à dire qu'il est à craindre que ce produit ne récolte que peu de fonds et que peu d'établissements choisissent de le commercialiser, faute d'une demande suffisante. La création d'un produit engendre en effet des coûts non négligeables pour les établissements financiers. De plus, un univers d'investissement restreint au seul secteur de la défense serait trop limité pour permettre de diversifier les risques encourus par les épargnants et pour leur assurer un rendement minimal.

Ensuite, les épargnants français se distinguent par leur préférence pour les produits d'épargne règlementée, avec une grande liquidité des fonds déposés ainsi qu'une rémunération garantie et peu volatile. Un produit d'épargne, avec un investissement en actions ou dans des entreprises non cotées, ne satisfait pas à ces deux critères. Seule une petite proportion des ménages français serait en mesure de souscrire à ce produit et de pouvoir en assumer les risques.

b) Le livret A et le LDDS, la meilleure des « solutions d'attente »

À l'issue des auditions, et compte tenu de ce qui vient d'être présenté, le rapporteur estime que la mobilisation des encours non centralisés du livret A et du LDDS constitue la meilleure solution dans l'attente du développement d'autres outils plus appropriés, après une évaluation objective des besoins de financement des entreprises de l'industrie de défense française (cf. commentaire de l'article 2).

Cette disposition a pour mérite d'envoyer un signal politique clair en faveur du financement de la défense et d'appeler à la mobilisation de l'ensemble des acteurs pour soutenir les entreprises de ce secteur, y compris sur leurs problématiques de fonds propres, de trésorerie et d'exportation. L'utilisation de ces encours par les banques ne doit pas nécessairement se traduire par l'octroi de prêts, d'autres formes de financement pourraient être envisagées.

Enfin, le livret A et le LDDS sont deux produits refuge et populaires, qui ont la confiance des épargnants en période de crise. Pour la très grande majorité des personnes entendues par le rapporteur, la modification du fléchage des encours non centralisés du livret A et du LDDS n'est pas de nature à modifier significativement les comportements des épargnants : ces produits sont privilégiés pour leur taux de rémunération garanti ainsi que pour la liquidité et la disponibilité des fonds qui y sont déposés.

Surtout, faire participer l'ensemble des épargnants au financement de la BITD relève d'un enjeu de souveraineté, dans un contexte d'économie de guerre. Par ailleurs, si la cible était par exemple fixée à 5 % des encours non centralisés du livret A et du LDDS, cela représenterait en moyenne 102,8 euros par épargnant31(*), et 371,8 euros pour une personne dont le livret A serait au plafond32(*). Il est également important de rappeler qu'il ne s'agit que des encours non centralisés du livret A et du LDDS et que la disposition ne remet nullement en cause les encours centralisés auprès de la Caisse des dépôts, au profit du financement du logement social. Sur cet aspect, la Caisse des dépôts a confirmé en audition qu'elle disposait aujourd'hui de fonds suffisants pour contribuer au financement du logement social.

c) Un dispositif ajusté pour préserver les autres cibles de financement

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement  COM-5 afin de préciser le contenu du présent article et des modalités de fléchage des encours non centralisés du livret A et du LDDS vers le financement des entreprises de l'industrie de défense française.

L'objectif des auteurs de la proposition de loi, partagé par la commission, est bien de faire en sorte que ces encours puissent être fléchés vers les entreprises de la défense française, sans remettre en cause les cibles allouées au financement des projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique (10 %) ainsi qu'au financement des entreprises de l'économie sociale et solidaire (5 %).

Pour ce faire, l'amendement adopté par la commission prévoit qu'un sous-objectif soit fixé au sein de l'objectif de financement des PME (80 %). Une part minimale de ces encours réservés aux PME devra être employée par les établissements pour contribuer au financement de la base industrielle et technologique de défense (BITD), une expression privilégiée à celle « d'entreprises de l'industrie de défense française ».

La question de l'identification des entreprises éligibles est en effet cruciale et sera l'un des principaux enjeux de la mise à jour des textes d'application de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier. À tout le moins, la notion de BITD, telle que définie par le ministère des armées, désigne les neuf grands groupes industriels et les 4 000 PME, dont 1 000 stratégiques, qui contribuent à concevoir et à produire des équipements pour les armées. Elle apparaît donc plus claire, même si la liste ne pourrait pas être publiée, pour des enjeux de souveraineté.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 1er bis (nouveau)

Explicitation des missions de Bpifrance au profit
des entreprises de la base industrielle et technologique de défense

Le présent article, introduit par l'adoption de l'amendement COM-6 du rapporteur, vise à consacrer dans l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la banque publique d'investissement les missions de Bpifrance en faveur des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) - soutien et offre de services, renforcement des fonds propres, accompagnement à l'export.

20 ans après la publication de l'ordonnance, le contexte géostratégique a profondément évolué : alors que la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 a acté la mobilisation des leviers de « l'économie de guerre », les acteurs institutionnels, au premier titre desquels Bpifrance, doivent être pleinement mobilisés pour remédier aux problématiques de financement rencontrées par les entreprises de la BITD.

La commission a adopté cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : BPIFRANCE, OPÉRATEUR DU SOUTIEN PUBLIC AU FINANCEMENT DES ENTREPRISES ET DE L'INNOVATION

Le groupe Bpifrance constitue le principal opérateur de soutien public au financement des entreprises. Créé par la loi du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement33(*), Bpifrance est issu de la fusion de quatre entités publiques de soutien aux entreprises : la banque de prêt Oséo, la Caisse des dépôts et consignations Entreprises, le fonds stratégique d'investissement (FSI) et le FSI Région.

Sa structuration a fait l'objet d'une profonde réorganisation en 202034(*), avec l'objectif notamment de renforcer ses fonds propres35(*). Dotée de 50 implantations régionales, Bpifrance est désormais organisée autour d'une banque, d'une société de portefeuille (Bpifrance Participations), d'une société de gestion (Bpifrance Investissement) et d'une agence de crédit export (Bpifrance Assurance Export).

A. LA GESTION DE DISPOSITIFS DE SOUTIEN ET D'ACCOMPAGNEMENT OUVERTS À L'ENSEMBLE DES ENTREPRISES

Bpifrance a pour mission de financer et d'accompagner les entreprises, et en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les entreprises innovantes. Elle exerce pour ce faire une diversité de métiers : financement, garantie, financement de l'innovation, investissement direct, investissement en fonds de fonds, accompagnement, création et soutien à l'international36(*).

Ses missions sont définies au sein de l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement37(*) et s'articulent autour de trois axes principaux : le soutien à l'export, l'accès au crédit bancaire des entreprises - via des garanties de prêts et l'octroi direct de prêts -, et les opérations d'investissement en fonds propres.

Bilan de l'activité de Bpifrance
au profit des entreprises en 2022

Source : commission des finances, d'après les données transmises par Bpifrance au rapporteur

Bpifrance assure ainsi un continuum de financement, à chaque étape du développement de l'entreprise, de sa création à son développement à l'international. Les outils mobilisés à cet égard sont de diverses natures38(*) :

- l'information et l'accompagnement des entrepreneurs ;

- le soutien aux projets innovants, en finançant une partie des dépenses de recherche et développement (R&D) ou en investissant en fonds propres ;

- des prêts pour soutenir le développement des entreprises ;

- des garanties apportées aux banques afin que ces dernières soutiennent financièrement les PME aux stades les plus risqués de leur développement ;

- l'apport de fonds propres, en minoritaire directement dans les entreprises en croissance, et indirectement dans les fonds de capital investissement ;

- le soutien et l'accompagnement à l'exportation, notamment par le biais d'assurances et de garanties.

Garanties publiques à l'export mises en oeuvre au nom et
pour le compte de l'État par Bpifrance Assurance Export

- l'assurance prospection couvre les dépenses de prospection engagées par les entreprises à hauteur de 65 % du budget programmé, moyennant une prime de 3 % de cette somme. Elle est réservée aux entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 500 millions d'euros dont les produits et/ou les services sont déjà commercialisés. En cas d'échec, seul un remboursement forfaitaire de 30 % est exigé ;

- l'assurance-crédit, principal outil de soutien public à l'export, protège les entreprises exportatrices contre le risque d'interruption de leurs contrats commerciaux et le non-paiement et protège la banque prêteuse contre le risque de non-paiement, pour des faits politiques et/ou commerciaux ;

- la stabilisation de taux d'intérêt permet à la banque d'adosser un taux fixe au crédit export garanti par Bpifrance Assurance Export, ce qui donne de la visibilité au client quant à son coût de financement ;

- l'assurance change permet la couverture à hauteur de 100 % du risque de change jusqu'au dernier terme de paiement du contrat commercial de l'entreprise, sous un plafond maximal selon la devise ;

- les assurances cautions et préfinancements facilitent la mise en place de crédits de préfinancements pour permettre à l'exportateur de disposer de la trésorerie nécessaire à la fabrication des biens commandés et/ou la mise en place des cautions exigées par l'acheteur en garantie des acomptes versés ou de la bonne exécution du contrat. Les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 150 millions d'euros peuvent bénéficier d'une garantie allant jusqu'à 80 %, contre 50 % pour les autres ;

- la garantie des investissements à l'étranger couvre le risque politique, les risques de non transfert, d'expropriation et de violence politique.

Source : réponses de Bpifrance au questionnaire du rapporteur

B. LA GESTION DE DISPOSITIFS SPÉCIFIQUEMENT DÉDIÉS AUX ENTREPRISES DE L'INDUSTRIE DE DÉFENSE

Si l'ensemble des outils précédemment décrits sont accessibles aux entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD), Bpifrance a également développé et/ou assure la gestion d'instruments qui leur sont spécifiquement dédiés. Ces derniers ont vocation à répondre aux principales difficultés de financement rencontrées par les entreprises de la BITD : la sécurisation de l'accès au crédit bancaire mais, surtout, le renforcement de leurs fonds propres et l'accompagnement à l'export39(*). Au total, hors garantie export, près d'1,5 milliard d'euros aurait été consacré par Bpifrance aux entreprises de la BITD en 202340(*).

En matière d'accompagnement, Bpifrance a développé trois outils à destination des entreprises de la BITD, en lien avec la direction générale de l'armement (DGA) du ministère des armées :

- le diagnostic cyber défense, qui vise à soutenir les entreprises du secteur de la défense qui souhaitent évaluer le niveau de sécurité de leurs systèmes d'information. Bpifrance peut prendre en charge entre 50 % et 80 % du montant de la prestation d'accompagnement, sous un plafond de 14 000 euros. Seules les PME y sont éligibles ;

- le diagnostic Défense Europe, qui vise à inciter les PME françaises du secteur de la défense à participer au Fonds européen de défense mis en oeuvre par la Commission européenne, pour participer au financement de projets portés par un consortium d'au moins trois entités établies dans trois pays différents. La prestation d'accompagnement et de conseil a pour objectif d'informer les dirigeants de PME sur les financements européens et de les accompagner dans l'élaboration de leurs dossiers de candidature ;

l'accélérateur Défense, une déclinaison en 2024 des projets « accélérateur » mis en place par Bpifrance au seul profit de dirigeants d'entreprises du secteur de la défense. Une trentaine de dirigeants seront accompagnés pendant un an et demi (conseil, formation, mise en relation, identification des difficultés de financement).

Les accélérateurs de Bpifrance, des dispositifs
profitables aux entreprises accompagnées

Les accélérateurs de Bpifrance constituent une modalité d'accompagnement non financier des entreprises et s'apparentent à un investissement en capital humain - au travers des actions de formation et de l'accès à des activités de conseil -, et à un investissement en capital social - par la mise en réseau des dirigeants et leur participation à des événements. La participation des entreprises aux accélérateurs s'est traduite par des effets positifs sur la progression annuelle de leur chiffre d'affaires, sur la valeur ajoutée et sur l'investissement, mais aussi sur l'emploi et la productivité.

Source : Fabrice Gilles, Yannick L'Horty, Ferhat Mihoubi, «  Qu'avons-nous appris en évaluant les accélérateurs de Bpifrance », Revue d'économie financière, 2023/241(*)

En matière de soutien au renforcement des fonds propres des entreprises de la BITD, Bpifrance gère deux dispositifs pour le compte du ministère des armées :

Definvest, créé en 2017 pour sécuriser le capital d'entreprises d'intérêt stratégique pour le secteur de la défense, pour soutenir leur développement et pour participer à des opérations de croissance externe. Le fonds investit en minoritaire, le plus souvent auprès d'entreprises critiques pour les systèmes de défense ou porteuses de projets de recherche et technologie stratégiques, avec un montant moyen d'intervention par projet d'1,5 million d'euros. Le fonds est doté de 100 millions d'euros et le ticket peut aller de 500 000 euros à 10 millions d'euros ;

- le Fonds innovation défense, créé en 2021 pour soutenir en fonds propres et en quasi-fonds propres les entreprises innovantes porteuses de technologies duales. Le fonds est doté de 200 millions d'euros, avec des tickets pouvant aller de 500 000 euros à 30 millions d'euros selon le stade de développement de l'entreprise (amorçage, phase d'industrialisation, phase de forte croissance).

En matière de financement, deux instruments sont spécifiquement dédiés au secteur de la défense :

- le prêt Def'fi, en partenariat avec la DGA. Ce prêt sans garantie vise les PME de plus trois ans exerçant une activité dans le secteur de la défense ;

- le dispositif « Article 90 », qui vise à réduire le risque supporté par les entreprises de défense en phase d'industrialisation (fabrication ou adaptation d'un matériel). Il permet d'octroyer des avances remboursables - avec intérêt - pour financer jusqu'à 60 % des dépenses d'industrialisation de certains produits en vue de leur exportation. Seules sont éligibles les sociétés françaises qui produisent des matériels de guerre ou assimilés, soumis à une licence d'exportation. 37 entreprises en bénéficient aujourd'hui, avec sept nouveaux projets financés en 202242(*).

En matière de soutien à l'exportation, outre le dispositif « Article 90 », les entreprises de la BITD sont éligibles à l'ensemble des garanties et assurances publiques précédemment présentées. Ces instruments sont très importants pour les entreprises de la défense : la part du secteur militaire dans le stock de crédits garantis (65 milliards d'euros) atteignait 40 % à la fin de l'année 2022. Bpifrance organise également des missions internationales d'accompagnement commercial, en lien avec le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministère des armées (DGA).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE ACTUALISATION DU CADRE D'INTERVENTION ET DES MISSIONS OCTROYÉES À BPIFRANCE

Bpifrance joue ainsi un rôle majeur auprès des entreprises de la BITD et couvre une grande partie de leurs besoins : accompagnement, soutien à l'international, apport en fonds propres, facilitation de l'accès au financement bancaire. Sur proposition du rapporteur, la commission a estimé que ces missions devaient désormais être consacrées dans les textes fondateurs de Bpifrance.

L'amendement COM-6 modifie ainsi l'article 1er A de l'ordonnance du 29 juin 2005 afin de prévoir explicitement que Bpifrance apporte son soutien aux entreprises de la base industrielle et technologique de défense en développant une offre de services et d'accompagnement à leur égard, en participant au renforcement de leurs fonds propres et en contribuant à leur développement à l'international.

Le contexte géostratégique a profondément évolué depuis la création de la banque publique d'investissement. 20 ans après, la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 203043(*) a acté l'impératif de mobiliser les leviers de l'économie de guerre, ce qui suppose la pleine mobilisation des acteurs institutionnels pour soutenir les entreprises de la BITD. En tant que principal opérateur du soutien public au financement des entreprises, Bpifrance est appelé à se distinguer.

La plupart des personnes entendues en audition par le rapporteur ont confirmé que des réflexions étaient en cours pour développer de nouveaux outils de soutien aux entreprises de la défense et répondre à leurs besoins de financement, principalement sous l'égide de Bpifrance. Il pourrait notamment être envisagé de créer de nouveaux instruments de fonds propres ou de renforcer les fonds existants.

Au début de l'année 2024, 22 opérations avaient été réalisées par l'intermédiaire de Definvest, pour environ 60 millions d'euros, sur les 100 millions d'euros initialement prévus. Quant au Fonds innovation défense, il a permis la réalisation de neuf opérations, pour un montant investi de 75 millions d'euros, sur 200 millions d'euros prévus au total. Ces fonds, qui répondent à la principale difficulté de financement des entreprises de la BITD, à savoir les fonds propres, pourraient voir leurs ambitions être réévaluées. Le rapporteur s'interroge également sur l'opportunité de créer un fonds de fonds ouvert aux investisseurs non-professionnels, pour soutenir les entreprises non cotées de la BITD (cf. commentaire de l'article 2).

La mise en place de nouveaux instruments sous l'égide de Bpifrance permettrait d'envoyer un signal positif à l'ensemble des acteurs financiers et d'accroître leurs effets de levier, au profit des entreprises de la BITD. Le rapporteur rappelle ici les objectifs défendus dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 : « Cette capacité [à faire face à un engagement majeur et à des affrontements de haute intensité] dépendra notamment de l'agilité de notre BITD et des leviers de l'économie de guerre. [...] L'État favorisera la mise en place de mesures visant à orienter l'épargne et les investissements privés vers les entreprises de la BITD, en particulier les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire. » Cet engagement doit désormais être concrétisé.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.

ARTICLE 2

Rapport d'évaluation

Le présent article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2026, un rapport évaluant le dispositif prévu à l'article 1er de la proposition de loi, à savoir le fléchage d'une partie des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS) non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations vers le financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD). À défaut de résultat probant, ce rapport devra étudier l'opportunité de créer un produit d'épargne dédié au financement de ces entreprises.

La commission soutient cette demande d'évaluation. Il est en effet impératif de répondre aux besoins de financement des entreprises de la BITD et de disposer des outils appropriés à cet effet. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a adopté l'amendement COM-7 du rapporteur afin de compléter le rapport pour qu'il traite de l'ensemble des problématiques rencontrées par ces entreprises (fonds propres, accompagnement à l'international, règlementation relative aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, modalités d'intervention de la Banque européenne d'investissement). Par le même amendement, la commission a également avancé la date de remise du rapport au 31 décembre 2025 : dans un contexte d'économie de guerre, il est impératif que la France dispose rapidement des outils les plus efficaces pour répondre aux attentes des entreprises de l'industrie de défense.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ABSENCE DE PRODUITS D'ÉPARGNE SPÉCIFIQUEMENT DÉDIÉS AU FINANCEMENT DES ENTREPRISES DE L'INDUSTRIE DE DÉFENSE FRANÇAISE

Dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM 2024-2030)44(*), le Sénat avait adopté un article 25 bis visant à créer un livret d'épargne souveraineté, dont les versements auraient été affectés à l'acquisition de titres financiers contribuant au financement de l'industrie de défense française.

L'objectif était de répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises de ce secteur pour répondre à leurs besoins de financement. Il n'existe ainsi pas d'outils d'épargne dédiés à l'industrie de défense française et ouverts aux particuliers. Pour autant, ces entreprises peuvent être financées par le biais de produits finançant l'ensemble des secteurs économiques, tels que le plan d'épargne en actions (PEA) ou encore les contrats d'assurance vie en unités de compte.

En commission mixte paritaire, cette disposition avait été remplacée par une modification de l'article L221-5 du code monétaire et financier et donc du fléchage des fonds non centralisés du livret A et du LDDS, en ajoutant le « financement des entreprises, notamment petites et moyennes, de l'industrie de défense française ». Un rapport d'évaluation de cette mesure devait être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 31 décembre 2026.

Toutefois, dans sa décision sur la LPM 2024-203045(*), le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition, devenue l'article 52 de la loi, était un cavalier législatif et avait donc été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution. Il en avait été de même lorsque la disposition avait été reprise dans la loi de finances pour 2024, le Conseil constitutionnel considérant qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire46(*).

L'article 1er de la présente proposition de loi reprend la disposition visant à flécher une partie des encours non centralisés du livret A et du LDDS vers le financement des entreprises de l'industrie de défense, tandis que l'article 2 reprend la demande de rapport. Pour mémoire, après en avoir précisé la rédaction, la commission a adopté l'article 1er, en considérant justement que le dispositif était, en l'état des données disponibles, préférable à la création d'un produit dédié. Un tel produit pourrait se heurter à d'importantes limites opérationnelles, avec le risque notamment d'une faible collecte et d'une commercialisation limitée47(*).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA REMISE D'UN RAPPORT D'ÉVALUATION DU GOUVERNEMENT AU PARLEMENT

Le présent article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2026, un rapport évaluant le dispositif prévu à l'article 1er de la proposition de loi, à savoir le fléchage d'une partie des encours du livret A et du LDDS non centralisés auprès de la Caisse des dépôts vers le financement des entreprises de la défense.

À défaut de résultat probant de ce dispositif, le rapport devra également explorer les pistes de création d'un produit d'épargne destiné au financement de l'industrie de défense française.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN RAPPORT D'ÉVALUATION NÉCESSAIRE ET DONT LE CONTENU DOIT ÊTRE APPROFONDI

La commission soutient la demande d'évaluation portée par le présent article. Ainsi que le rapporteur l'a souligné dans le commentaire de l'article 1er, le recours aux encours non centralisés du livret A et du LDDS soulève plusieurs interrogations quant à son efficacité pour répondre aux problématiques de financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense. S'il est important d'envoyer un signal politique de soutien clair et franc à ces entreprises, il est probable que d'autres outils que l'épargne règlementée soient nécessaires pour répondre à leurs besoins de financement. À l'initiative du rapporteur, la commission a donc adopté l'amendement  COM-7 afin de compléter le contenu du rapport et d'en avancer la date de remise.

S'agissant de son contenu, et au regard des problématiques de financement des entreprises de la défense (cf. commentaire de l'article 1er), le rapport d'évaluation doit être complété, sur quatre aspects et dans le même objectif : permettre le renforcement des fonds propres. L'accès aux fonds propres est unanimement reconnu comme la difficulté de financement principale et majeure pour les entreprises de la BITD. Aujourd'hui, les fonds de capital investissement français et européens sont insuffisants pour répondre aux besoins en fonds propres des entreprises de l'industrie de défense française, qui n'ont pas d'autre choix que de renoncer à leurs projets ou de se tourner vers des financements extra-européens.

Tout d'abord, et comme initialement prévu dans le texte de la proposition de loi, le rapport devra évaluer la possibilité de créer un produit d'épargne dédié au financement de l'industrie de défense française, que les résultats de la modification du fléchage des encours du livret A et du LDDS soient probants ou non. En effet, livret et plan d'épargne ne répondent pas aux mêmes objectifs, le second étant davantage de nature à répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises de la défense pour renforcer leurs fonds propres. Pour autant, la création d'un produit d'épargne dédié suppose une étude de marché approfondie, pour s'assurer qu'un tel produit collecterait suffisamment de fonds auprès des ménages et serait bien commercialisé par les établissements financiers. Les ménages français sont en effet réticents à souscrire à des produits dont les sommes peuvent être bloquées et les rendements volatils. Se poserait également la question de la diversification des titres éligibles à ce plan d'épargne, le secteur de la défense risquant d'être trop restreint pour assurer une profondeur suffisante à ce produit et en limiter les risques.

Surtout, le renforcement des fonds propres des entreprises de l'industrie de défense française ne peut exclusivement reposer sur des acteurs privés. Si ces acteurs sont déjà mobilisés pour les entreprises de la BITD, la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance peuvent encore accroître leur soutien à ces entreprises, en développant les instruments déjà existants ou de nouveaux instruments publics destinés à répondre à leurs besoins de financement (cf. commentaire de l'article 1er bis s'agissant du rôle de Bpifrance). Non seulement le fonds innovation défense et Definvest, gérés par Bpifrance, pourraient voir leur taille et donc leur effet de levier être augmentés, mais de nouveaux outils pourraient être développés, publics comme ouverts aux investisseurs non professionnels. Dans ce dernier cas, un modèle pourrait par exemple être celui des fonds de fonds mis en place par Bpifrance pour soutenir les entreprises non cotées.

Les fonds de fonds mis en place par Bpifrance

Bpifrance Investissement gère trois fonds de fonds ouverts aux souscriptions des particuliers : Bpifrance Entreprises 1 et 2 ainsi que Bpifrance Entreprises Avenir 1. Ce sont des fonds communs de placement à risques, qui permettent d'investir soit directement dans un portefeuille de fonds de capital investissement, soit indirectement dans des dizaines de sociétés non cotées en bourse, qu'il s'agisse de petites et moyennes entreprises, d'entreprises de taille intermédiaire ou de start-ups françaises et européennes.

Source : Bpifrance

Troisièmement, le rapport devra inclure une évaluation des outils mis en place par l'État et gérés par Bpifrance Assurance Export pour accompagner le développement à l'international des entreprises de l'industrie de défense française et les soutenir dans leurs exportations. Les besoins dans ce domaine devront également être évalués, tout comme les besoins en fonds propres - pour proposer des outils au plus près des attentes de ces entreprises.

Enfin, le rapport devra inclure une présentation par le Gouvernement des actions qu'il a entreprises au niveau européen pour qu'il soit davantage tenu compte des problématiques de financement du secteur de la défense, au regard notamment des règlementations autour des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Il est important que la France poursuive ses efforts pour inciter la Banque européenne d'investissement (BEI) à assouplir les conditions d'octroi des prêts aux acteurs de l'industrie de la défense et à modifier la doctrine d'intervention du Fonds européen d'investissement (FEI).

Il est aujourd'hui interdit au FEI de financer des munitions, des armes ainsi que des équipements ou infrastructures militaires ou policiers. Toutefois, et en grande partie à l'initiative de la France, qui a bénéficié à ce titre du nouveau contexte géostratégique, le FEI peut désormais financer des opérations avec une composante duale. Le mécanisme de fonds propres dans le domaine de la défense, doté à ce titre de 175 millions d'euros, exclut toutefois encore les entreprises dont plus de 50 % du chiffre d'affaires est lié au secteur de la défense.

Ainsi que l'a expliqué la direction générale du Trésor au rapporteur, l'arrivée d'une nouvelle présidente à la tête de la BEI, Mme Nadia Calviño, donne une nouvelle opportunité à la France de reposer la question des secteurs exclus des interventions de la BEI, en dépit des fortes réticences de l'Allemagne. Le rapporteur rappelle ici utilement le contenu du rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 203048(*) : « En cohérence avec la volonté d'autonomie stratégique, une évolution de la politique de la Banque européenne d'investissement lui permettant d'investir dans le secteur de la défense sera recherchée en intégrant dans le champ du financement les munitions et les armes ainsi que les équipements ou les infrastructures. » La Fédération bancaire française (FBF) soulignait ainsi, en réponse à une consultation de la Commission européenne sur la stratégie industrielle de défense européenne, que « le risque d'image du secteur pourrait être réduit au travers d'un élargissement du mandat de la BEI au financement de la BITD [...] afin d'habituer les investisseurs à une nouvelle classe d'actifs »49(*).

Plus généralement, la règlementation européenne en matière de finance durable doit également être clarifiée pour ne pas entraver les fonds d'investissement souhaitant se développer dans le secteur de la défense. Alors qu'aucune exclusion de la défense n'est aujourd'hui prévue, il faut pouvoir dissiper le « halo négatif » qui encercle le secteur de la défense et accroît les réticences des investisseurs. Le Gouvernement devrait en outre être particulièrement vigilant quant au traitement des entreprises de la défense si la Commission européenne venait à rouvrir les discussions sur la taxonomie sociale, pendant de la taxonomie verte et sujet de grandes inquiétudes pour les industriels de la défense. Pour citer de nouveau le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, « à cet égard, une vigilance particulière devra être maintenue sur les projets de textes, notamment européens, qui pourraient avoir pour effet un durcissement des conditions d'accès des entreprises de la BITD aux financements et investissements ».

Il est primordial que ces efforts soient menés au niveau européen et que la Commission européenne prenne conscience de l'impératif de disposer d'une industrie de la défense solide et résiliente. M. Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, a d'ailleurs récemment déclaré, lors de son audition conjointe par les commissions des affaires économiques, des affaires européennes et des affaires étrangères et de la défense du Sénat qu'il était désormais nécessaire « d'inciter les industries de la défense à changer de modèle économique, pour passer d'une logique d'arsenal à une logique de marché plus normal », de « les faire monter en cadence » et « d'aider à cofinancer en amont la mise à niveau des infrastructures pour que le modèle économique s'adapte au changement de paradigme »50(*). Les outils mis en place en France et en Europe doivent répondre à ce triple impératif.

S'agissant de la date, le rapport devra être remis par le Gouvernement un an avant la date initialement prévue, à savoir avant le 31 décembre 2025. Plusieurs personnes entendues par le rapporteur ont en effet souligné la nécessité d'anticiper la remise du rapport.

La direction générale du Trésor, la direction générale de l'armement et l'observatoire économique de la défense ont lancé une étude conjointe sur la santé financière des entreprises de la BITD, dont les résultats devraient être connus à la fin du premier semestre 2024. Ces premières conclusions pourront utilement être complétées par l'évaluation des besoins de financement de ces entreprises. Elles devront ensuite rapidement se traduire par le renforcement des instruments existants ou par la mise en place de nouveaux outils de soutien.

Pour reprendre une expression entendue en audition, avancer la date permettra ainsi de « maintenir l'écosystème sous tension » pour encourager l'ensemble des acteurs à participer au financement des entreprises de la BITD. Le contexte géopolitique évolue rapidement et il est impératif de pouvoir répondre au plus vite aux besoins actuellement exprimés par les entreprises, dans un contexte d'économie de guerre.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 28 février 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Dominique De Legge sur la proposition de loi n° 191 (2023-2024) relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce matin le rapport de Dominique de Legge sur la proposition de loi relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française, déposée par M. Allizard et plusieurs de ses collègues. Je salue la présence parmi nous de l'auteur de la proposition de loi et du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui est également rapporteur pour avis de ce texte, M. Cédric Perrin.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Voilà quelques mois, nous approuvions la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 (LPM). Nous avions alors longuement débattu de la nécessité de soutenir les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Le ministre des armées, M. Sébastien Lecornu, avait notamment parlé de la nécessité de donner de la visibilité à notre BITD, de la protéger et de la promouvoir. Il avait également exprimé son soutien aux dispositions proposées par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat pour développer des mécanismes visant à mieux financer ces entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises.

La Haute Assemblée s'était pleinement saisie de ce sujet : elle avait pu s'appuyer sur les importants travaux menés par nos collègues Pascal Allizard, que je salue, Gisèle Jourda et Yannick Vaugrenard. Nos collègues députés s'étaient également penchés sur le financement de l'industrie de défense et sur l'économie de guerre.

La proposition de loi que nous examinons ce matin s'inscrit dans ce contexte : elle prévoit, à l'article 1er, de flécher une partie des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS) non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations vers le financement des entreprises de l'industrie de défense française. L'article 2 porte une demande de rapport d'évaluation.

Ce n'est pas la première fois que le Sénat est amené à examiner ces deux dispositions. Elles ont été adoptées à deux reprises par notre assemblée, dans le cadre de la loi de programmation militaire et de la loi de finances pour 2024. C'est grâce à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que ce sujet avait été introduit dans la LPM, et le Gouvernement avait ensuite repris la disposition dans la loi de finances pour 2024, dans le texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Toutefois, le Conseil constitutionnel a par deux fois censuré cette disposition, pour des raisons de forme, puisqu'il avait considéré qu'il s'agissait dans le premier cas d'un cavalier législatif et dans le second d'un cavalier budgétaire. Cette difficulté sera levée avec un véhicule législatif propre.

Quel est l'objectif des auteurs de la proposition de loi ? Il est simple : apporter une première réponse aux difficultés de financement des entreprises de l'industrie de défense française. Ces entreprises sont en effet confrontées à des problèmes de financement, à la fois communs à l'ensemble des entreprises, tous secteurs économiques confondus, et spécifiques au secteur de la défense.

Quels sont les besoins de financement des entreprises de la BITD ? J'en distinguerai trois.

Le premier est l'accès au crédit, au financement bancaire, qui est essentiel pour la gestion par les entreprises de leur trésorerie, de leurs stocks et pour la modernisation de leurs chaînes de production. Sur ce point, les acteurs entendus en audition se sont accordés pour dire que les choses vont mieux - ou, disons, moins mal - depuis deux ans, le début de la guerre en Ukraine ayant marqué un vrai changement de paradigme.

Lorsque le dossier d'une entreprise de la défense est refusé par sa banque, c'est généralement pour une raison qui n'est pas liée à son secteur d'activité. Une entreprise fragile financièrement aura du mal à accéder au crédit, quelle que soit la nature de son activité. Pour autant, les entreprises de la défense se sont trop longtemps heurtées à des obstacles qui leur sont propres et continuent à y faire face : les établissements bancaires craignent pour leur image, s'inquiètent des exigences de conformité renforcées pour ces entreprises ou refusent de s'engager dans des contrats export, par définition plus complexes.

Des efforts ont été entrepris ces deux dernières années pour rapprocher l'industrie de défense et le monde bancaire. Les industriels ont souligné le rôle majeur joué par le réseau des « référents défense » au sein des grands établissements bancaires, en lien avec la direction générale de l'armement. Certaines banques ont en outre assoupli leur doctrine d'intervention dans le secteur de la défense.

Les difficultés liées au crédit bancaire, si elles ne sont pas totalement réglées, commencent donc à évoluer dans un sens favorable.

Le deuxième enjeu pour les entreprises de la BITD est l'accompagnement à l'export. Il y a quelques motifs de satisfaction. Plusieurs outils ont été mis en place par la puissance publique pour accompagner les entreprises, par l'intermédiaire de garanties et d'assurances. Ces dispositifs sont gérés au nom et pour le compte de l'État par Bpifrance Assurance Export. S'ils sont ouverts à l'ensemble des entreprises, ils bénéficient plus particulièrement aux entreprises de la défense. Le secteur militaire représente 40 % des encours de crédits export garantis, qui s'élevaient à 65 milliards d'euros à la fin de l'année 2022.

Le troisième enjeu, et le plus pressant aujourd'hui, ce sont les fonds propres. Cette difficulté est encore loin d'être réglée et affecte de manière disproportionnée les entreprises de la BITD. Le capital investissement est quasiment inexistant dans le secteur de la défense en France et en Europe.

Il n'existe en France que deux fonds d'investissement privés, dont un centré sur le seul secteur de l'aéronautique. Deux fonds publics, là encore gérés par Bpifrance, ont été créés au cours des dernières années pour remédier à cette lacune du marché privé : Definvest, pour sécuriser le capital d'entreprises d'intérêt stratégique, et le Fonds innovation défense, pour soutenir en fonds propres les entreprises innovantes porteuses de technologies duales. Les montants mobilisés sont toutefois encore trop faibles au regard des besoins exprimés par les entreprises.

Comment expliquer cette faiblesse ? Il y a d'abord une incompréhension autour de la réglementation applicable en matière de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Alors qu'aucune réglementation française ou européenne n'exclut la défense, les fonds d'investissement se sont auto-exclus.

Ensuite, le signal envoyé par les institutions européennes est particulièrement négatif : le Fonds européen d'investissement de la Banque européenne d'investissement (BEI) interdit de financer les munitions, les armes ainsi que les équipements ou infrastructures militaires ou policiers. Surtout, il impose ces exclusions aux fonds d'investissement qui participent à ses tours de table. Par ailleurs, même si la France a obtenu la mise en place d'un mécanisme de fonds propres dans le domaine de la défense, ce mécanisme est réservé aux seules entreprises dont moins de 50 % du chiffre d'affaires est lié à la défense. Enfin, la France se heurte aux réticences de certains de ses partenaires européens pour aller plus loin, l'Allemagne notamment.

Or, faute d'un volume d'investissements suffisant, les entreprises de la BITD n'ont d'autre choix que de renoncer à leurs projets ou de se tourner vers des financements extra-européens.

Dans ce contexte, que comporte la présente proposition de loi ?

L'article 1er prévoit de flécher une partie des encours non centralisés du livret A et du LDDS vers les entreprises de l'industrie de la défense française. Je le souligne, il s'agit des encours non centralisés ; les encours centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour le financement du logement social ne sont absolument pas concernés par le dispositif.

Aujourd'hui, les établissements sont soumis à des obligations strictes quant à l'utilisation des encours non centralisés. Au moins 80 % de ces encours doivent être utilisés par les établissements pour financer les PME, 10 % pour le financement de projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l'empreinte climatique et 5 % pour le financement des entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS).

Certes, le dispositif de fléchage proposé à l'article 1er de la proposition de loi soulève plusieurs interrogations. L'objectif d'utiliser 80 % des encours non centralisés au profit du financement des PME concerne par définition aussi les entreprises de la défense. De plus, du fait de la fongibilité des dépôts, cette cible est aujourd'hui largement dépassée, le ratio atteignant plus de 300 % à la fin de l'année 2022. Il n'est donc pas certain qu'un nouveau fléchage se traduise par des financements supplémentaires pour les entreprises de la défense, et en tout cas pas pour celles qui sont financièrement fragiles. Enfin, un tel dispositif ne concerne pas les fonds propres des entreprises.

Toutefois, la disposition paraît extrêmement utile, dans la mesure où elle permet d'envoyer un premier signal aux acteurs financiers : « premier », car des travaux sont aujourd'hui en cours pour réfléchir à de nouveaux dispositifs de soutien aux entreprises de la BITD ; et un « signal », parce qu'il est important que nous envoyions un signal clair et franc en faveur du soutien à ces entreprises.

Je vous proposerai donc d'adopter l'article 1er, sous réserve de mon amendement de réécriture COM-5. Cette réécriture permettrait de garantir que les cibles de financement allouées à la transition énergétique et aux entreprises de l'économie sociale et solidaire ne soient pas remises en cause. Le fléchage vers les entreprises de la BITD - expression préférée à celle d'« entreprises de l'industrie de défense française » - constituerait ainsi une « sous-poche » ou un sous-ensemble au sein de l'objectif de financement des PME.

J'ai longuement hésité entre cette proposition et celle qui consiste à créer un produit d'épargne spécifique consacré au secteur de la défense, finalement écartée. Le produit dédié présente deux avantages : il permet aux épargnants de se prononcer explicitement en faveur du financement de la défense et il peut apporter une réponse en fonds propres. Le fléchage d'une partie des encours non centralisés du livret A et du LDDS constitue toutefois une solution d'attente plus opérationnelle que la création d'un produit dédié, qui se heurterait à plusieurs obstacles. D'une part, les acteurs que j'ai entendus s'accordent à dire qu'un produit spécifique ne récolterait que peu de fonds et qu'il ne serait que peu commercialisé. D'autre part, les épargnants français sont marqués par leur préférence pour des livrets d'épargne réglementée, avec un taux de rémunération garanti et une grande disponibilité des fonds. Or un produit d'épargne défense ne répondrait pas à ces deux critères, alors que le livret A et le LDDS, si.

La base de collecte sera donc plus large, surtout que la modification du fléchage des encours du livret A et du LDDS ne paraît pas de nature à modifier significativement les comportements des épargnants, qui privilégient ces deux livrets pour leur niveau de rémunération. Surtout, faire participer l'ensemble des épargnants au financement de la BITD relève d'un enjeu de souveraineté. Si le pourcentage de la sous-poche était fixé, par exemple, à 5 %, cela représenterait en moyenne 103 euros par épargnant.

L'article 2 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2026, un rapport évaluant le dispositif prévu à l'article 1er de la proposition de loi et que, à défaut de résultat probant, il étudie l'opportunité de créer un produit d'épargne dédié au financement des entreprises de la BITD.

Cette évaluation me semble primordiale, elle doit permettre tant d'avoir une idée objective des besoins de financement des entreprises de la BITD que d'aborder l'ensemble des problématiques auxquelles elles peuvent être confrontées. Pour cette raison, je vous propose de compléter la demande de rapport en y incluant une réflexion sur l'opportunité, pour Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations, de développer les instruments existants ou de nouveaux instruments en fonds propres. Il pourrait également être opportun de disposer d'un bilan des dispositifs de soutien à l'export, pour savoir s'ils sont suffisants.

Enfin, au regard de l'importance de la réglementation européenne sur les critères ESG et de son impact sur les entreprises de la défense, le Gouvernement devra présenter les actions qu'il a menées pour que le financement de la défense soit davantage pris en compte, y compris au sein de la BEI. Le commissaire européen au marché intérieur, M. Thierry Breton a déclaré le 18 janvier dernier, lors d'une audition au Sénat, qu'il fallait faire monter en cadence les entreprises de la défense et les cofinancer pour les aider à adapter leur modèle économique. L'Europe doit passer de la parole aux actes.

Mon amendement COM-7 prévoit également d'avancer la date de remise du rapport d'un an. Il est nécessaire de disposer au plus tôt de ces éléments d'évaluation.

Enfin, je vous proposerai d'adopter un amendement COM-6 portant article additionnel, afin d'expliciter les missions de Bpifrance au profit des entreprises de la base industrielle et technologique de défense. Comme j'ai eu l'occasion de le dire, Bpifrance gère aujourd'hui de très nombreux dispositifs de soutien, dont certains sont spécifiquement dédiés aux entreprises de la défense.

Je vous proposerai ainsi de modifier l'ordonnance du 29 juin 2005 qui détermine les missions de Bpifrance en tant qu'opérateur du soutien public au financement des entreprises et de l'innovation. Près de vingt ans après la publication de cette ordonnance, le contexte géopolitique a profondément évolué. Alors que la LPM a acté la mobilisation des leviers de l'économie de guerre, les acteurs institutionnels, au premier rang desquels Bpifrance, doivent être pleinement mobilisés pour répondre aux besoins de financement des entreprises de la BITD.

M. Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi. - Je vous remercie de votre invitation.

Je serai bref, parce que Dominique de Legge a parfaitement résumé la situation et la proposition de loi. Nous travaillons sur ce sujet depuis quatre ans ; ce n'est pas une lubie.

La situation de départ était extrêmement bloquée, avec un déni quasi généralisé : au ministère des armées, notamment à la direction générale de l'armement (DGA), à Bercy, à la Caisse des dépôts et consignations. Nous avons vu néanmoins les choses évoluer depuis lors. Au ministère des armées, y compris à la DGA, la prise de conscience a eu lieu. En revanche, pour ce qui concerne Bercy, si les choses bougent à la direction générale des entreprises, ce n'est pas le cas à la direction générale du Trésor.

Nous parlons de problèmes de financement non pas d'entreprises qui ont des difficultés bilantielles, mais d'entreprises intervenant dans le secteur de la défense auxquelles on refuse des financements parce qu'elles travaillent dans ce secteur. C'est un problème, surtout depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Il faut apporter une solution aux entreprises, ce que vise à faire cette proposition de loi, qui reprend une disposition par deux fois censurées par le Conseil constitutionnel, pour des raisons formelles.

M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis et président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Ce sujet nous intéresse depuis longtemps en effet et a pris de l'ampleur avec la guerre en Ukraine.

Nous pensions que le déclenchement de ce conflit favoriserait une prise de conscience des banques de la nécessité de financer davantage de notre secteur de la défense, mais il n'en est rien.

Cette question concerne particulièrement la compliance et les règles de conformité. Il y a de fait une forme d'auto-exclusion des fonds d'investissement, qui vont au-delà des contraintes de la réglementation européenne. Il y a un véritable déni de la Fédération bancaire française et des banques en général, qui considèrent que cela ne concerne que quelques cas, ce qui est évidemment faux. Nous pouvons le dire, pour avoir rencontré beaucoup d'entreprises de la défense. La BITD compte aujourd'hui en France 4 000 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 200 000 emplois directs ; or nombre d'entre elles rencontrent des difficultés à se financer. Nous avons récemment entendu une entreprise fournissant les munitions des commandos de la marine, qui a recueilli 5 refus de financement sur les 6 banques contactées pour étendre son bâtiment, la seule raison donnée - verbalement et non par écrit - étant qu'elle intervenait dans le domaine de l'armement. Nous ne disposons que d'un refus écrit, d'AXA Banque, adressé au Coges (Commissariat général des expositions et salons du GICAT, le Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres), au motif que l'activité de cette entreprise n'est pas en conformité avec l'éthique d'AXA Banque.

Nous sommes heureux d'avancer sur ce sujet. Après deux censures du Conseil constitutionnel, nous avons enfin un véhicule adapté.

Je remercie Dominique de Legge, qui nous a associés à l'élaboration d'un texte satisfaisant tout le monde. Au-delà du texte, il faut faire passer un message aux banques pour financer ce que certains appellent l'économie de guerre.

M. Pascal Allizard. - Je souhaite enfin appeler l'attention de votre commission sur le fait que certaines entreprises de ce secteur commencent également à nous signaler des refus d'assurance pour les mêmes raisons. Il va falloir s'y intéresser...

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je salue l'initiative de Pascal Allizard et la qualité du travail fourni, sur un sujet qui peinait à être pris en considération il y a quatre ans. L'actualité a mis ce sujet sur le devant de la scène. Je remercie le rapporteur Dominique de Legge, qui pose des jalons pour favoriser le financement de ces entreprises et l'encadrer. Je le remercie également d'avoir appelé notre attention sur ce sujet majeur. Nous devons ouvrir les yeux sur le contexte international. La France ne peut pas soutenir l'effort de guerre de l'Ukraine tout en achetant ailleurs du matériel ou des munitions que nous n'aurions pu produire faute d'avoir soutenu notre BITD. Nous avons un rang à tenir. Cette proposition de loi arrive au bon moment.

M. Marc Laménie. - Combien d'emplois directs et indirects les entreprises de la défense représentent-elles et quelle est leur répartition sur le territoire ?

Par ailleurs, quelle est la part de l'exportation dans le chiffre d'affaires de ces entreprises ?

M. Cédric Perrin. - J'ai donné les chiffres de 200 000 emplois directs et de 4 000 PME et ETI, mais il y a beaucoup d'emplois indirects, de sous-traitants de rang 1, 2 ou 3. Au total, on estime qu'il y a à peu près 400 000 emplois concernés par les sujets de défense.

La répartition géographique est le fruit de l'histoire, les entreprises de la défense ont été progressivement éloignées de la frontière allemande. Ainsi, ces entreprises sont plutôt localisées dans le centre de la France ou dans le Sud-Ouest, même si la sous-traitance irrigue l'ensemble du territoire national. Bref, il y a beaucoup d'emplois, au point de rejoindre à cet égard le secteur de l'automobile.

Dans la balance commerciale, ce secteur est en excèdent d'environ une dizaine de milliards d'euros.

M. Thierry Cozic. - Je salue le travail de notre collègue Pascal Allizard, dont la proposition de loi cerne bien les difficultés rencontrées par les entreprises du secteur de la défense pour se financer.

Toutefois, le livret A a deux missions prioritaires : financer le logement social et financer la transition écologique. S'éloigner de ces deux priorités aggravera la crise sociale et les problèmes de logement de notre pays - je rappelle que quatre millions de nos concitoyens sont considérés comme mal logés - sans parler de la condamnation de l'État pour inaction climatique. Dans la période actuelle, le financement du logement et de la transition écologique n'est-il pas plus prioritaire aux yeux de nos concitoyens ?

En outre, je le rappelle, la LPM prévoit une enveloppe globale de plus de 400 milliards d'euros, soit quasiment un doublement du budget annuel de la défense en 2030 par rapport à 2019. Nos concitoyens consentent donc déjà des efforts importants.

Néanmoins, la défense étant fondamentale dans un monde confronté à des tensions géopolitiques permanentes, nous proposons au travers d'un amendement de créer un livret d'épargne défense souveraineté, dont chaque Français pourrait se saisir. C'est une proposition d'équilibre qui nous semble plus démocratique et éthique tout en restant réaliste.

Nous réservons notre vote sur la proposition de loi en fonction du sort de cet amendement.

M. Thomas Dossus. - Je m'inscris dans la lignée des propos de Thierry Cozic, en soulignant l'arnaque que constitue ce dispositif, puisqu'il s'agit de pirater l'épargne populaire des Français. On va financer, par une partie de leur épargne réglementée, ce qu'ils n'avaient pas prévu de financer. Il y a donc tromperie sur la marchandise, pour contourner les réticences et critères d'éthique des banques et des épargnants, qui veulent financer le logement social et le développement durable. Parmi les 17 objectifs de développement durable, aucun ne concerne l'armement.

En outre, le contexte ukrainien est tel que, justement, les entreprises de défense ont moins de difficultés à se financer aujourd'hui. Les « marchands de canons » tireront donc profit de ce contexte.

Enfin, vous parlez d'économie de guerre ; prévoit-on donc de mettre fin au dispositif de fléchage si le contexte change ?

Mme Nathalie Goulet. - Je remercie l'auteur et le rapporteur de cette proposition de loi, que je soutiens. Le texte apporte une première réponse à des enjeux cruciaux : la souveraineté, la faiblesse des dispositifs européens et les influences étrangères. Il convient donc de renforcer nos entreprises de défense. Les banques me semblent moins regardantes à l'égard de la fraude et de l'arbitrage des dividendes qu'avec nos entreprises de défense... Je le regrette.

Il existe des sources variées de financement des entreprises, qui répondent à différents besoins. Par conséquent, quels dispositifs supplémentaires pourrions-nous envisager pour ramener les banques à la raison, compte tenu du peu d'égards pour l'éthique qu'elles ont quand il s'agit, par exemple, de lutter contre la fraude ?

M. Arnaud Bazin. - En tant que représentant du Sénat auprès de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, je ne participerai pas au vote, même s'il n'y a pas concurrence entre les fonds centralisés à la Caisse et le dispositif prévu.

M. Pascal Savoldelli. - À titre personnel, je suis extrêmement mal à l'aise face à cette proposition. On nous dit qu'il ne faut pas parler d'économie de guerre, mais c'est posé comme axe essentiel. Or qui dit « économie de guerre » dit « économie de défense », ce qui exige des recettes fiscales affectées. Il faut avoir du courage politique. Ce n'est pas par l'épargne des Français que l'on finance l'économie de guerre. Il faut assumer politiquement ce choix et affecter des recettes fiscales. La proposition de loi ne va pas dans ce sens.

En outre, les difficultés de financement des très petites entreprises (TPE) et des PME ne nous empêchent pas d'être le troisième exportateur mondial d'armement, d'autant que, pour nombre d'entre elles, la défense ne représente qu'une partie de leur activité.

Nous n'engageons pas de véritable débat politique sur la question. Je ne participerai donc pas au vote. Cette question est sérieuse, elle exige plus d'honnêteté politique.

M. Éric Bocquet. - Nous venons d'adopter la LPM, qui affecte 400 milliards d'euros à la défense, et on n'a pas réfléchi à cette question du financement des entreprises de ce secteur ? C'est hallucinant ! Nous passons de 32,4 milliards d'euros affectés à la défense en 2017 à 47,2 milliards en 2024 et 67,4 milliards en 2030 ; n'est-ce pas suffisant ?

En outre, il faut tenir compte du contexte mondial. Depuis 2000, l'industrie de l'armement a explosé dans le monde et, dans notre pays seulement, le nombre d'entreprises dans ce secteur est passé de 2 222 au début des années 2000 à 16 963 aujourd'hui. Cela intéresse tout de même du monde, c'est une industrie à haute valeur ajoutée. Et nous exportons pour 27 milliards d'euros d'armement en 2022 ; nous jouons dans la cour des grands. Il y a des tensions fortes, des guerres, et nous ferions comme si tout cela n'existait pas ? Il faut plutôt envoyer un message d'apaisement.

Enfin, on parle d'exigences de moralité des banques, mais l'investissement dans l'armement garantit un rendement élevé. Je m'étonne donc de leur frilosité...

M. Michel Canévet. - Merci d'avoir appelé notre attention sur les difficultés de nos entreprises à accéder au financement bancaire. C'est paradoxal pour un secteur d'excellence qui est, en outre, crucial pour notre souveraineté.

Ma question porte sur le mode de financement retenu. L'épargne collectée via le livret A est affectée à différentes cibles. Pourquoi ne pas avoir choisi un autre support, comme l'assurance vie ou le plan d'épargne retraite, qui peuvent mobiliser de l'épargne à long terme ? Pour répondre à notre collègue Pascal Savoldelli, à partir du moment où il y a de l'épargne disponible pour financer ces entreprises, il ne me semble pas nécessaire de lever l'impôt et de prévoir des recettes affectées. Ou alors, pourquoi n'avoir pas permis à Bpifrance de constituer un fonds dédié, comme elle l'a fait dans d'autres domaines ?

Mme Christine Lavarde. - Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, j'avais défendu une position défavorable à l'article relatif au financement des entreprises de défense par les encours du livret A et du LDDS, mais, aujourd'hui, je suis favorable au dispositif proposé au travers de l'amendement COM-5 de Dominique de Legge. J'aurais en effet été gênée que le financement de la BITD empiète sur le financement du logement social et de l'ESS, alors qu'il existe une enveloppe destinée aux PME.

En revanche, je ne comprends pas pourquoi le cadre actuel - l'enveloppe de 80 % des fonds non centralisés qui est destinée au financement des PME - ne permet pas déjà le financement des entreprises de la défense. Ce cadre plus précis permettra-t-il aux banques de remplir leurs obligations de conformité ? Je n'en suis pas certaine. Comment donc assurer le financement des entreprises de défense ?

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Monsieur Laménie, le président et rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a répondu à vos questions.

Monsieur Cozic, avec la rédaction que je propose au travers de mon amendement COM-5, il n'est nullement question de logement social. Je le rappelle, 59,5 % des encours du livret A et du LDDS sont consacrés au financement du logement social, les fonds étant centralisés à la Caisse des dépôts et consignations. Nous ne parlons pas de cela. Nous parlons des 40,5 % qui ne sont pas centralisés auprès de la Caisse et qui ne financent donc pas le logement social. Ces 40,5 % sont orientés vers trois affectations : une enveloppe représentant au moins 80 % finance les PME, au moins10 % pour le financement de la transition écologique et au moins 5 % pour l'ESS.

Dans la rédaction retenue par les auteurs de la proposition de loi, on crée une quatrième catégorie, ce qui impliquerait de diminuer potentiellement les fonds affectés à la transition écologique et à l'ESS. Cela ne me paraît pas souhaitable. C'est pourquoi je vous propose, au travers d'un amendement, de créer, au sein des 80 % consacrés aux PME, un ciblage particulier en faveur des entreprises de défense. Cela permet de ne pas toucher au financement de la transition écologique et de l'ESS, sachant que les auteurs de la proposition de loi souhaitent cibler les PME. Nous voulons donc simplement réserver une part du ciblage des PME, dans les 80 %, aux entreprises de la BITD.

M. Thomas Dossus parle de piratage de l'épargne, de tromperie sur la marchandise pour financer n'importe quoi. La question du financement de la défense mérite peut-être une approche plus nuancée ou plus équilibrée. Je n'ai hélas rien à répondre à ces propos, sauf à considérer qu'il n'existe pas de problème de financement de l'industrie de défense ou à penser qu'il ne faut pas financer cette industrie ou que le contexte géopolitique ne soulève aucune question.

Madame Goulet, vous évoquez des dispositifs supplémentaires. C'est le sens de mon amendement COM-7, qui tend à préciser la demande de rapport adressée au Gouvernement. Cette proposition de loi met le sujet sur la table, en faisant une proposition concrète, même si celle-ci n'est sans doute pas la plus efficiente. Simplement, cela permet d'avancer et de fixer une date butoir, tout en tenant compte des déclarations de Thierry Breton, qui a mentionné la somme de 200 milliards d'euros au niveau européen pour financer l'industrie de défense.

Messieurs Savoldelli et Bocquet, vous vous demandez si ces industries ne devraient pas être financées dans le cadre de la LPM. Cette loi finance une augmentation de nos capacités - plus de canons, de chars, d'avions, de munitions, etc. -, mais, pour produire plus, les entreprises doivent investir et moderniser leurs chaînes de production. C'est cette question qui est posée : comment le système de financement de l'industrie de la défense peut-il recourir à l'emprunt bancaire ?

Michel Canévet évoque l'hypothèse d'un nouveau fonds propre par Bpifrance ; j'ai longuement hésité à cet égard, indépendamment de la contrainte imposée par l'article 40 de la Constitution. J'ai également longuement hésité sur la question du produit d'épargne dédié. Toutefois, cette réponse ne me paraîtrait pas opérante, car il devrait s'agir d'investissements de cinq ans au minimum, avec un blocage des sommes. Or ce n'est pas ce que recherchent les épargnants, qui veulent une épargne liquide, sans risque et avec un rendement garanti, ce que ne permettrait pas un produit dédié. En outre, il y aurait une collecte moindre et le produit ne serait peut-être pas assez commercialisé. Pour autant, j'évoque tout de même cette possibilité dans la demande de rapport au Gouvernement, afin d'expertiser cette hypothèse.

Madame Lavarde, c'est effectivement bien au travers de l'enveloppe de 80 % que l'économie de défense doit être financée. Aujourd'hui, rien n'empêche qu'une partie de cette enveloppe soit utilisée au profit d'entreprises de la BITD, mais rien n'empêche non plus qu'elles en soient exclues. Nous voulons garantir une part minimale au profit de ces entreprises et nous demandons au Gouvernement d'en déterminer l'ampleur.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, le rapporteur propose de considérer comme relevant du périmètre indicatif de cette proposition de loi les dispositions visant à faciliter le financement de leurs activités par les entreprises de l'industrie de défense française, quelle que soit la forme de ce financement, et les dispositions visant à évaluer les besoins et les contraintes de financement des entreprises de l'industrie de défense française ainsi que les dispositifs mis en place pour y répondre.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Je me suis prononcé précédemment sur l'amendement COM-4, qui crée un livret d'épargne dédié au secteur de la défense. Avis défavorable, au profit de mon amendement.

M. Pascal Savoldelli. - Je rappelle qu'Éric Bocquet et moi ne participerons à aucun vote sur cette proposition de loi.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - J'ai présenté lors de mon propos liminaire mon amendement COM-5 ; il s'agit de clarifier le dispositif afin que le financement des entreprises de la BITD constitue une sous-poche au sein de l'objectif de financement des PME par les encours non centralisés du livret A et du LDDS.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Mon amendement COM-6 vise à compléter l'ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement, afin d'expliciter les missions de Bpifrance au profit des entreprises de la BITD.

L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.

Article 2

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Mon amendement COM-7 précise le contenu du rapport demandé au Gouvernement.

L'amendement COM-7 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-3 devient sans objet.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. TEMAL

4 rect.

Création d'un livret d'épargne souveraineté

Rejeté

M. de LEGGE, rapporteur

5

Précisions sur les modalités de fléchage des encours non centralisés du livret A et du livret de développement durable et solidaire au profit de la base industrielle et technologique de défense

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. de LEGGE, rapporteur

6

Explicitation des missions de Bpifrance au service des entreprises de la base industrielle et technologique de défense

Adopté

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. TEMAL

2

Suppression de l'article 2 (rapport d'évaluation)

Rejeté

M. de LEGGE, rapporteur

7

Avancée d'un an de la date de remise du rapport d'évaluation et compléments sur son contenu

Adopté

M. TEMAL

3

Obligation, dans le rapport, de prévoir une évaluation de l'opportunité de créer un produit d'épargne dédié au secteur de la défense

Satisfait ou sans objet

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »51(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie52(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte53(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial54(*).

En application de l'article 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des finances a arrêté, lors de sa réunion du 28 février 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 191 (2023-2024) relative au financement des entreprises de l'industrie de défense française.

Ce périmètre comprend :

- les dispositions visant à faciliter le financement de leurs activités par les entreprises de l'industrie de défense française, quelle que soit la forme de ce financement ;

- les dispositions visant à évaluer les besoins et les contraintes de financement des entreprises de l'industrie de défense française ainsi que les dispositifs mis en place pour y répondre.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale du Trésor (DGT)

- M. Gabriel CUMENGE, sous-directeur des banques et financements d'intérêt général ;

- Mme Claire LUCAS, cheffe du bureau des affaires aéronautiques, militaires et navales ;

- M. Jean de LIVONNIÈRE, adjoint à la cheffe du bureau des affaires aéronautiques, militaires et navales ;

- Mme Fanny MICHAUD, conseillère parlementaire et relations institutionnelles.

Direction générale de l'armement (DGA)

- M. Alexandre LAHOUSSE, chef du service des affaires industrielles et de l'intelligence économique ;

- M. Nicolas GRANGIER, chef du service de la sécurité économique ;

- Mme Camille VIALLON, cheffe de cabinet de M. Alexandre Lahousse ;

- Mme Mathilde HERMAN, conseillère auprès du délégué général pour l'armement.

Banque de France

- Mme Marie-Laure BARUT-ETHERINGTON, directrice générale adjointe à la direction des statistiques, des études et de l'international ;

- M. Alexandre LEVY, chargé de mission ;

- Mme Véronique BENSAID-COHEN, conseillère parlementaire.

Bpifrance

- M. Daniel DEMEULENAERE, directeur de la stratégie et du développement ;

- M. Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, directeur des relations institutionnelles.

Caisse des dépôts et consignations

- M. Philippe BLANCHOT, directeur des relations institutionnelles, internationales et européennes ;

- M. Frédéric SABATTIER, responsable du service des relations institutionnelles et extérieures, département finance et opérations - direction des gestions d'actifs/direction des fonds d'épargne ;

- Mme Giulia CARRÉ, directrice des relations institutionnelles.

Fédération bancaire française (FBF)

- Mme Maya ATIG, directrice générale ;

- M. Jérôme PARDIGON, directeur du département des relations institutionnelles France.

GICAT (Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres)

- Général Jean-Marc DUQUESNE, délégué général ;

- M. Lilian EUDIER, responsable des études RSE et RH ;

- Mme Léa BENASSEM-DURIEUX, directrice des affaires publiques.

Représentants d'entreprises adhérentes au GICAT

- M. Victor RAFFOUR, directeur général adjoint de la société Aleph Networks ;

- M. Patrick GAILLARD, directeur général de Turgis & Gaillard.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-191.html


* 1 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, rapport annexé.

* 2 Audition de M. Thierry Breton, par les commissions des affaires économiques, des affaires étrangères et de la défense et des affaires européennes du Sénat, 18 janvier 2024.

* 3 Arrêté du 27 janvier 2023 relatif aux taux d'intérêt des produits d'épargne réglementée.

* 4 Arrêté du 28 juillet 2023 relatif aux taux d'intérêt des produits d'épargne réglementée.

* 5 Ménages, personnes morales, collectivités territoriales.

* 6 Caisse des dépôts, «  Collecte mensuelle en janvier 2024 sur le livret A et le livret de développement durable et solidaire », 21 février 2024.

* 7 Banque de France, « L'épargne règlementée, rapport annuel 2022 », 16 juillet 2023.

* 8 Ibid.

* 9 Un mineur peut également ouvrir un livret de développement durable et solidaire, mais seulement s'il est fiscalement domicilié en France, s'il dispose de revenus personnels et s'il n'est plus rattaché au foyer fiscal de ses représentants légaux.

* 10 Arrêté du 27 janvier 2023 relatif aux taux d'intérêt des produits d'épargne réglementée.

* 11 Arrêté du 28 juillet 2023 relatif aux taux d'intérêt des produits d'épargne réglementée.

* 12 Caisse des dépôts, «  Collecte mensuelle en janvier 2024 sur le livret A et le livret de développement durable et solidaire », 21 février 2024.

* 13 Banque de France, « L'épargne règlementée, rapport annuel 2022 », 16 juillet 2023.

* 14 Ibid.

* 15 Les ratios suivants valent pour le total des sommes non centralisées au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire. Ils sont définis par l'arrêté du 4 décembre 2008 relatif aux règles d'emploi des fonds collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire et non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu'aux informations permettant le suivi de ces emplois.

* 16 Banque de France, « L'épargne règlementée, rapport annuel 2022 », 16 juillet 2023.

* 17 Ibid.

* 18 Ibid.

* 19 À titre de comparaison, et selon les réponses apportées par la Banque de France au questionnaire du rapporteur, le ratio pour le financement de la transition énergétique ou la réduction de l'empreinte climatique était de 111 %, contre une cible de 10 % et le ratio pour le financement des entreprises de l'économie sociale et solidaire était de 17 %, contre une cible de 5 %.

* 20 Voir par exemple : commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, projet de loi de finances pour 2024, Avis n° 130 (2023-2024), tome V, « Défense : Environnement et prospective de la politique de défense », par M. Pascal Allizard et Mme Gisèle Jourda, déposé le 23 novembre 2023 et le rapport d'information n° 637 (2022-2023), « Renseignement et prospective : garder un temps d'avance, conserver une industrie de défense solide et innovante », par MM. Pascal Allizard et Yannick Vaugrenard, rapport déposé le 24 mai 2023 ainsi commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, Mission « flash » sur le financement de l'industrie de défense de M. Thiériot et Mme Françoise Ballet-Blu, février 2021 ; commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, Rapport sur l'économie de guerre par M. Christophe Plassard, mars 2023.

* 21 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 22 Ibid.

* 23 Conseil constitutionnel, décision n° 2023-854 DC du 28 juillet 2023, loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 24 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 25 Conseil constitutionnel, décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023, loi de finances pour 2024.

* 26 Réponses de direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur.

* 27 Réponses de la direction générale du Trésor et de Bpifrance aux questionnaires du rapporteur.

* 28 En pratique, ce dispositif recouvre plusieurs garanties : garantie des engagements de caution, garantie d'interruption du contrat commercial, garantie du crédit acheteur, garantie de créances, garantie du crédit fournisseur, garantie du crédit fournisseur avec cession.

* 29 Définis par Bpifrance comme les personnes physiques qui décident d'investir une partie de leur patrimoine financier dans des sociétés innovantes à fort potentiel.

* 30 D'après les informations transmises au rapporteur par la direction générale du Trésor et par Bpifrance.

* 31 À la fin de l'année 2022, et selon les données publiées par la Banque de France, l'encours moyen d'un livret A s'établissait à 6 351 euros.

* 32 Plafond fixé, pour mémoire, à 22 950 euros.

* 33 Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement.

* 34 Ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020 portant réorganisation de la Banque publique d'investissement et modifiant l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 35 Pour davantage de détails, se reporter au rapport n° 329 (2020-2021) de M. Bernard Delcros sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de l'article 11 de la loi n° 2020-920 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 février 2021.

* 36 Bilan d'activité de Bpifrance pour l'année 2022, communiqué de presse du 16 février 2023.

* 37 Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement.

* 38 D'après les informations transmises par Bpifrance en réponse au questionnaire du rapporteur.

* 39 Pour davantage de détails sur les problématiques de financement des entreprises de la BITD, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 1er de la présente proposition de loi.

* 40 D'après une première estimation réalisée par Bpifrance, ce chiffre n'étant pas définitif.

* 41 L'étude porte sur l'ensemble des entreprises et n'est pas spécifique à l'accélérateur « Défense ». Elle couvre les dix premiers programmes accélérateurs, dont l'accélérateur sectoriel pour l'aéronautique.

* 42 D'après les informations transmises au rapporteur par la direction générale du Trésor et par Bpifrance.

* 43 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 44 Désormais loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 45 Conseil constitutionnel, décision n° 2023-854 DC du 28 juillet 2023, Loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 46 Conseil constitutionnel, décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023, Loi de finances pour 2024.

* 47 Pour davantage de détails sur les avantages et les limites de cette disposition ainsi que sur les difficultés de financement rencontrées par les entreprises de base industrielle et technologique de défense (BITD), le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 1er.

* 48 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 49 D'après l'extrait de la contribution transmise au rapporteur par la Fédération bancaire française.

* 50 Audition de M. Thierry Breton, 18 janvier 2024.

* 51 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 52 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 53 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 54 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page