N° 51
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 octobre 1995.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi. ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à l 'action de l'État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs.
Par M. Alain LAMBERT, Sénateur,
Rapporteur général.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10ème législ. 2212, 2241 et T.A. 396
Sénat : 3 (1995-1996)
(1) Cette commission est composée de MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Londant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët
Banques et établissements financiers .
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Pour la première fois, le Parlement est amené à se prononcer sur un texte de loi organisant le soutien financier de l'État à des entreprises publiques ou para-publiques en difficulté.
L'importance des pertes et des besoins tant du Crédit Lyonnais que du Comptoir des entrepreneurs pourrait à elle seule le justifier.
Toutefois, le souci du gouvernement de donner une base légale à son intervention, en créant deux établissements publics chargés de gérer ce soutien financier, répond à une autre logique. Il s'agit d'associer le Parlement à des décisions de l'exécutif lourdes de conséquences pour les finances publiques
Votre commission s'en félicite bien que, de fait, le Parlement ait une faible marge de manoeuvre à l'égard des plans de redressement concernés. Il ne peut, en réalité, que les ratifier. Néanmoins, l'approbation de ces plans et la limitation de l'engagement financier de l'État lui ouvrent un droit de suite, notamment pour le contrôle de leur mise en oeuvre
Votre commission est fermement décidée à exercer ce pouvoir de contrôle. En outre, la présence de deux parlementaires aux conseils d'administration des établissements publics créés favorisera le suivi du déroulement des plans de redressement
Les déroutes financières du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs ont mis nettement en évidence les dysfonctionnements de l'État actionnaire et de l'État tuteur qui doivent aujourd'hui être corrigés. Un groupe de travail de votre commission des finances en avait fait l'analyse détaillée et avait émis des propositions pour y remédier. Celles-ci restent d'actualité 1 ( * ) .
L'importance du secteur public justifie en effet que de telles reformes soient rapidement mises en oeuvre, même si, pour les entreprises du secteur concurrentiel, la privatisation demeure la solution la plus souhaitable.
I. DES MONTAGES DICTÉS PAR LA SITUATION DU MARCHÉ ET DES FINANCES PUBLIQUES
L'ampleur des pertes du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs à partir de 1992 ont brutalement mis l'État devant ses responsabilités.
En effet, au-delà des intérêts patrimoniaux de l'État -non négligeables en ce qui concerne le Crédit Lyonnais- il fallait faire face à un véritable risque systémique à l'égard de l'ensemble des établissements bancaires et financiers déjà fragilisés par la crise de l'immobilier.
En outre, le crédit de l'État était en cause du fait de sa participation majoritaire au capital du Crédit Lyonnais et de sa responsabilité dans le choix des dirigeants nommés à la tête du Comptoir des entrepreneurs.
Dans ces conditions, la liquidation de ces établissements apparaissait difficile. Par ailleurs, outre ses conséquences sociales indéniables, la liquidation aurait eu un coût extrêmement élevé pour l'État (au moins 100 milliards de francs dans le cas du Crédit Lyonnais).
L'autre solution, s'agissant du Crédit Lyonnais, était une recapitalisation immédiate. Celle-ci ne pouvait toutefois être inférieure à 40 ou 50 milliards de francs, ce qui, à nouveau, était difficile à envisager dans le contexte actuel des finances publiques.
Aussi, il a été décidé de procéder à des opérations de défaisance permettant à l'État d'apporter son soutien aux entreprises concernées tout en étalant le coût budgétaire des montages Financiers.
Il n'en demeure pas moins que les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs ont déjà coûté plus de 10 milliards de francs au contribuable et pourront nécessiter des compléments au cours des prochaines années.
A- LE PLAN DE REDRESSEMENT DU CRÉDIT LYONNAIS
Le plan présenté le 17 mars 1995 par Edmond Alphandéry, ministre de l'économie, et dont le support juridique est un "protocole d'accord" entre l'État et le Crédit Lyonnais, a trois objectifs : assurer le retour à la viabilité de l'entreprise, éviter les distorsions de concurrence et ne plus faire appel au contribuable.
Il s'agit en réalité d'un plan complexe, dont l'ampleur est sans précédent et qui reste soumis à d'importants aléas.
1. Un plan complexe
L'intérêt d'une opération de "défaisance" est de sauver un établissement en difficulté en transformant la nature des risques qui pèsent sur lui et en étalant dans le temps le paiement de ses pertes (voir encadré ci-après). Outre l'entreprise en difficulté, elle fait intervenir une filiale ad hoc - la structure de cantonnement - qui a vocation à disparaître et une société "amie", ou une deuxième filiale, qui assume pour le compte de celle-ci, mais non sur ses fonds, le portage financier des pertes.
Dans le cas présent, le Crédit Lyonnais vend à une de ses filiales, le Consortium de Réalisation (CDR), un ensemble d'actifs pour la valeur nominale inscrite dans ses livres, soit environ 135 milliards de francs, alors que ces actifs recèlent des moins values latentes estimées à 50 milliards de francs.
Dans le même temps, le Crédit Lyonnais consent un prêt, d'un montant de 145 milliards de francs, à une deuxième structure, la Société de participation banque industrie (SPBI), société en nom collectif détenue par l'État. Cette société est chargée de prêter au CDR les 135 milliards de francs nécessaires pour payer l'achat des actifs cantonnés. Ce prêt est un prêt participatif, ce qui permet de faire remonter les gains et les pertes réalisées lors des cessions d'actifs cantonnés par CDR
La cession des créances permet ainsi au Crédit Lyonnais d'échanger le risque avéré de dépréciation des actifs contre un risque de crédit sur la SPBI, dont le présent projet de loi propose qu'elle prenne la forme d'un établissement public. En l'occurrence, seul le taux constitue un risque, le risque de signature, s'agissant d'un établissement public, étant nul.
Pour faire face à sa mission, l'établissement public bénéficiera du capital de la SPBI (4 milliards de francs déjà versés sous forme de dotation budgétaire), des plus-values que lui procurera une obligation à coupon zéro qu'il souscrira auprès de l'État (35 milliards de francs en 2014) et de versements que lui assurera le Crédit Lyonnais en fonction de son résultat net (clause de retour à meilleure fortune). Il bénéficiera également de l'apport par l'État de titres du Crédit Lyonnais, qui lui assureront des dividendes jusqu'au moment où il sera décidé de procéder à la privatisation de la banque. Enfin, pour faire face aux décalages temporels entre ses ressources et ses charges, l'établissement public pourra soit emprunter, soit capitaliser les intérêts de l'emprunt contracté auprès du Crédit Lyonnais, dans une limite que le projet de loi fixe à 50 milliards de francs.
Le CDR sera gère de façon autonome par des dirigeants choisis par l'État. Il assurera de façon progressive la cession des actifs, dans une optique liquidative prudente, sans trop peser sur l'équilibre du marché, notamment pour ce qui est des actifs immobiliers.
Il convient de préciser ces différents éléments afin d'apprécier l'équilibre financier de l'opération.
LES OPÉRATIONS DE "DÉFAISANCE" Lorsqu'une entreprise voit une partie importante de ses actifs brutalement dépréciée, elle doit, normalement, enregistrer une provision comptable à hauteur de cette dépréciation Mais lorsque cette provision comptable est d'un montant supérieur aux fonds propres, l'entreprise n'a d'autre choix que de procéder à une augmentation de son capital ou à entrer dans un processus de liquidation judiciaire. L'opération de défaisance permet précisément d'éviter cette alternative. Elle consiste, pour la société en difficulté, à faire racheter à leur valeur comptable les mauvais actifs qu'elle détient par une structure indépendante, généralement une filiale créée ad hoc ; c'est le cantonnement. La filiale est mise en condition d'acheter les actifs grâce à un prêt consenti par la société mère. Mais pour qu'il v ait "étanchéité comptable" entre les deux sociétés, c'est à dire pour que les commissaires aux comptes acceptent la "déconsolidation des actifs", il faut que ce prêt transite par une société tierce. Ce prêt prend généralement la forme d'une obligation à "coupon zéro" (c'est à dire sans remboursements d'intérêts pendant toute la durée du prêt et remboursement intégral à la fin), dont les intérêts capitalisés doivent être provisionnés chaque année. Il y a ainsi lissage des charges à provisionner. En définitive, la société en difficulté a donc échangé un risque de dépréciation des actifs qui devrait être obligatoirement et intégralement provisionné, contre un risque de crédit qui peut l'être progressivement. De plus, les actifs pourront être cédés sur une longue période de temps, en limitant au maximum la dépréciation entraînée par une liquidation immédiate et sans bouleverser l'équilibre des prix sur le marché. |
a) Le Consortium de réalisation (CDR)
Il s'agit d'une société par actions simplifiée, filiale a 100 % du Crédit Lyonnais qui est chargée d'acheter les actifs cantonnés au moyen d'un prêt consenti par l'Établissement Public Banque Industrie (EPBI) devenu Établissement Public de Financement et de Restructuration (EPFR) lors de la discussion du projet de loi à l'Assemblée nationale. Comptablement, CDR sera une structure transparente avec un résultat toujours en équilibre : les produits nets des cessions, ainsi que les résultats nets courants des actifs cantonnés, alimenteront les remboursements du prêt participatif de l'EPFR.
- Les actifs cantonnés
Le CDR a vocation à acheter au Crédit Lyonnais, environ 190 milliards de francs d'actifs, auxquels sont associés 55 milliards de francs de passifs, soit 135 milliards de francs d'actifs nets. Au moment de l'examen du projet de loi, les actifs du Crédit Lyonnais ayant vocation à être cantonnés au terme du protocole d'accord n'ont pas encore été intégralement transférés à CDR.
Sur la base d'une évaluation effectuée au 31 décembre 1994, les pertes réalisées lors des cessions devraient être de l'ordre de 50 milliards de francs, ce qui représente un coefficient de pertes de 37 %. Néanmoins cette évaluation est approximative. Il est possible que ces pertes ne soient pas aussi importantes, comme le suggèrent certains concurrents. Mais il est également possible qu'elles soient supérieures, comme l'envisage la Commission de Bruxelles.
Ces actifs peuvent être regroupés en quatre catégories qui sont, par ordre décroissant d'importance.
- le portefeuille industriel et commercial
Il s'agit des titres et créances rattaches aux filiales de participation du Crédit Lyonnais et, notamment : Clinvest, Cliparim, Lion Expansion, Clio, Clsd, Clip, Slipar, Firhalp, Innolion, Sofonalp, auxquels s'ajoutent des titres qui étaient détenus directement par le Crédit Lyonnais Sa.
- le portefeuille immobilier
Il s'agit des titres et créances cédés dans la première opération de défaisance à l'Omnium Immobilier de Gestion (OIG).
- les participations bancaires et financières
Il s'agit de certaines filiales du Crédit Lyonnais et, notamment, des entités suivantes : SDBO, Altus finance, Banque Colbert, IBSA.
- les activités liées au cinéma
Il s'agit principalement des titres ou créances du groupe sur la Metro Goldwyn Mayer, d'un ensemble de crédits sur des producteurs de cinéma indépendants ainsi que sur des sociétés liées à l'entreprise Sasea.
Le CDR se voit assigner l'objectif de céder au moins 80 % de ses actifs dans un délai de 5 ans, à compter de mars 1995. Par ailleurs, les participations industrielles devront être cédées dans un délai de 3 ans. Enfin, les établissements bancaires transférés devront être cédés dans un délai de un an ou procéder à une extinction des activités nouvelles.
- Le prêt de l'EPFR
En tant que prêt participatif il assure un transfert intégral des risques et des revenus de CDR à l'EPFR. Il est de 135 milliards de francs et a pour échéance le 31 décembre 2014. Il sera remboursé par anticipation au fur à mesure des cessions effectuées par CDR Ses intérêts sont égaux aux résultats nets dégagés chaque année par CDR.
Ce prêt fera l'objet d'un remboursement partiel à l'issue de chaque exercice :
- remboursement à EPFR d'un montant égal à celui des cessions intervenues dans l'année,
- abandon de créances par EPFR à hauteur des pertes enregistrées par CDR, notamment des moins-values constatées sur les cessions.
b) L'EPFR
C'est lui qui va porter pendant 20 ans les pertes enregistrées sur les cessions d'actifs cantonnés au sein de CDR. Pour faire face à sa mission il bénéficiera des ressources suivantes :
- L'obligation à coupon zéro
Elle a pour objet de mettre d'emblée de côté une somme couvrant une grande partie des pertes qui apparaîtront sur les actifs transférés.
Le "coupon-zéro" est un instrument financier qui sera constitué par une émission ad hoc ou, plus vraisemblablement, par un démembrement d'obligations assimilables du Trésor à l'échéance de décembre 2014. L'EPFR investira dans ce coupon-zéro un montant de l'ordre de 10 milliards de francs.
Au moment de la mise en place du plan, (mars-avril 1995), il était prévu que la somme produite par le coupon-zéro à l'échéance 2014 soit, compte tenu des conditions de taux prévalant à l'époque (7,8 % pour les OAT à 10 ans ( ( * )2) ), de l'ordre de 45 milliards de francs. Cette somme permettrait de couvrir le remboursement du principal pour 10 milliards de francs au Crédit Lyonnais et environ 35 milliards de francs de pertes enregistrées par CDR.
- Les cessions de titres Crédit Lyonnais
Il est prévu que l'État apporte, en tout ou partie, sa participation de 48,5 % au capital du Crédit Lyonnais à l'EPFR. Cet apport devrait intervenir dans un délai assez bref, à l'issue de l'approbation par le Parlement du présent projet de loi.
Lorsqu'ils seront cédés au public, à un horizon d'environ cinq ans, ces titres alimenteront les ressources de l'EPFR.
Composition du capital du Crédit Lyonnais (au 31 décembre 1994)
- Les résultats courants des actifs gérés par CDR
Il s'agit des résultats enregistrés par les sociétés qui font l'objet du cantonnement. Ces actifs pourraient avoir une rentabilité nette annuelle comprise entre 1 et 2 %.
- La clause de retour à meilleure fortune
L'EPFR recevra une compensation de 34 % assise sur le résultat net consolidé part du groupe du Crédit Lyonnais, à laquelle s'ajoute une contribution complémentaire de 26 % de ce résultat lorsque celui-ci dépasse 4 % des fonds propres.
- Les dividendes du Crédit Lyonnais
Ils constituent la rémunération normale de l'actionnaire et alimenteront les caisses de l'EPFR, tant que l'État n'aura pas décidé de privatiser le Crédit Lyonnais.
- L'emprunt auprès des tiers et le plafonnement de la garantie
Dans sa version initiale, l'article 2 du présent projet de loi prévoyait d'habiliter l'EPFR "à capitaliser les intérêts dus au titre du prêt qui lut est consenti par le Crédit Lyonnais ou à emprunter pour payer lesdits intérêts".
Cette dernière ressource vise en fait à assurer le besoin de financement courant de la structure. L'EPFR pourra décider soit de ne pas payer (temporairement) les intérêts normalement dus au titre du prêt que lui a consenti le Crédit Lyonnais. Auquel cas, ces intérêts seront capitalisés et calculés sur la base du taux moyen du marché interbancaire (TMB) Soit, l'EPFR choisira d'emprunter auprès de tiers les sommes dont il a besoin pour assurer le financement de l'opération, ce qui est financièrement équivalent à la première solution.
Cette capacité d'emprunt est limitée par le projet de loi à 50 milliards de francs, dans le but notamment d'assurer un contrôle parlementaire de l'évolution du plan.
c) Le Crédit Lyonnais
Le Crédit Lyonnais voit son bilan nettoyé de l'ensemble des actifs à risque pour 135 milliards de francs et se trouve créditeur d'un prêt de 145 milliards consenti à l'EPFR.
Les intérêts du prêt à l'EPFR seront remboursés jusqu'au 31 décembre 2014 à un taux de 7 % pour 1995 et de 85 % du taux moyen du marché monétaire (TMM) à partir de 1996.
Le capital sera remboursé par anticipation au fur et à mesure des cessions d'actifs, à hauteur des montants encaissés. La différence entre ces remboursements et la valeur comptable des actifs, ainsi que la fraction du prêt destinée à couvrir l'achat de l'obligation à coupon zéro seront remboursés intégralement à l'échéance du prêt en 2014.
2. Un plan d'une ampleur sans précédent soumis à des aléas importants
Jamais encore l'État n'avait été conduit à constater des pertes de cette ampleur dans l'une de ses entreprises, avec l'obligation de pourvoir à sa recapitalisation pour un montant aussi élevé.
On observera toutefois que d'autres pays ont enregistré des difficultés de cette importance dans le secteur financier. Aux États-Unis et au Japon, 150 400 milliards de dollars ont été respectivement injectés par la puissance publique pour sauver le système bancaire.
En comparaison, les sommes susceptibles d'être déboursées par l'État français tant au profit du Crédit Lyonnais que du Comptoir des entrepreneurs apparaissent assez faibles.
Néanmoins, la charge est lourde et le plan de redressement élaboré pour le Crédit Lyonnais reste inédit par son ampleur.
Votre rapporteur général a fait un certain nombre de simulations et est parvenu aux conclusions suivantes.
En premier lieu, la réussite de ce plan de redressement va dépendre d'un grand nombre de variables.
Trois éléments vont jouer un rôle déterminant dans le déroulement du plan :
- l'évolution des taux d'intérêt
En effet, l'évolution d'un point du taux d'intérêt a un impact sur l'équilibre financier du plan d'au moins une dizaine de milliards de francs.
- le résultat du Crédit Lyonnais
La rapidité et l'importance du redressement de la banque peuvent contribuer à améliorer ou, à l'inverse, à dégrader sensiblement l'équilibre du plan.
- le succès de l'opération de privatisation et le rachat de la clause de retour à meilleure fortune
Il est important que le produit de la privatisation permette de couvrir les pertes de CDR qui ne seront pas remboursées par l'obligation à coupon-zéro, soit environ 15 milliards de francs.
Or, pour réaliser cet objectif il est nécessaire, d'après les calculs effectués par votre rapporteur, que la privatisation du Crédit Lyonnais rapporte au moins 20 milliards de francs en 2000, ce qui suppose que la valeur comptable de la banque soit de l'ordre de 40 milliards de francs, et donc qu'elle soit capable d'augmenter ses fonds propres d'environ 10 milliards de francs d'ici l'an 2000.
On observera néanmoins que le rachat de la clause de retour à meilleure fortune par le Crédit Lyonnais, qui devra intervenir au moment de la privatisation, pourra peser sur celle-ci. Cette clause devra être cédée à un prix de marché et, en tout état de cause, sous la surveillance de la Commission de Bruxelles.
Deux éléments vont avoir un impact d'importance moyenne sur le plan de redressement :
- le montant réel des pertes sur cessions
- la rentabilité des actifs cantonnés
Enfin, le rythme des cessions n'a pas à lui seul une influence déterminante sur le coût final de l'opération.
En effet, si CDR ne parvient pas à respecter le programme prévu (cession de 80 % des actifs dans un délai de cinq ans), l'équilibre financier du plan ne devrait être que peu affecté, compte tenu du poids des autres variables.
Toutefois, un retard dans le rythme des cessions associé à une hausse des taux d'intérêt aurait des effets particulièrement lourds sur l'équilibre financier du plan.
Ainsi, l'examen détaillé de l'évolution de l'équilibre financier du plan de redressement du Crédit Lyonnais montre qu'il est soumis à des aléas importants.
En outre, il apparaît que sa réussite, à un moindre coût pour l'État, repose sur des hypothèses optimistes.
En effet, en estimant que le coût de ce plan pour l'État pourrait être nul, au-delà des 7,5 milliards de francs de dotations en capital déjà versées, le gouvernement pêche sans aucun doute par excès de volontarisme. De fait, les tendances actuelles en matière de taux d'intérêt ou l'ampleur de l'effort que le Crédit Lyonnais devra accomplir pour son rétablissement en montrent bien les limites.
Dans ces conditions, il n'est pas impossible de prévoir un coût supplémentaire pour l'État, allant jusqu'à 35 ou 40 milliards de francs. C'est d'ailleurs ce qu'a indiqué le secrétaire d'État aux finances lors de son audition devant votre Commission.
La Commission de Bruxelles a, quant à elle, procédé à des évaluations qui l'ont conduite à des résultats à peu près similaires.
C'est pourquoi, compte tenu de ces incertitudes, il importe que le Crédit Lyonnais puisse désormais faire fructifier au mieux son fonds de commerce et être en mesure d'être privatisé rapidement dans les meilleures conditions possibles. Il y va de l'intérêt de l'État mais également de celui des contribuables.
* 1 Rapport d'information n° 591 (1993-1994) de MM. Jean Arthuis, Claude Belot et Philippe Marini sur les conditions d'exercice par l'État de ses responsabilités d'actionnaire.
* (2) En avril 1995. le taux des OAT à 10 ans émises par le Gouvernement français était de 7,79 % ce qui donnait effectivement la somme capitalisée de 44,91 milliards de francs, en supposant que le prêt ait été mis en place immédiatement. Au moment de l'examen du projet de loi par le Sénat, le taux des OAT à 10 ans émises par le Trésor français est descendu à 7,25 % , ce qui ne donnerait plus qu'un rendement de 38,26 milliards de francs, en supposant que le plan soit mis en place début novembre 1995 et que l'échéance de décembre 2014 soit inchangée. Il faudrait donc, pour que le rendement final du coupon zéro soit de 45 milliards, que le montant de l'obligation soit porté à 11,76 milliards de francs, contre 10 dans le plan initial.