EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER - LA PRESTATION DE SERVICES D'INVESTISSEMENT

CHAPITRE PREMIER - LES SERVICES D'INVESTISSEMENT

Section 1 - Les instruments financiers

Article premier - Définition des instruments financiers

Commentaire : le présent article établit la liste limitative des instruments financiers.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La notion d'instruments financiers est une notion centrale de la DSI Puisqu'elle sert à définir la notion de services d'investissement, notion elle même utilisée pour définir les entreprises d'investissement susceptibles de bénéficier du passeport européen.

En effet, les services d'investissement sont définis (article premier point 2. de la directive) comme étant ceux "figurant à la section A de l'annexe ( métiers principaux) et portant sur l'un des instruments énumérés à la section B de l'annexe (instruments), fourni à des tiers".

Par ailleurs, l'annexe B de la directive définit les instruments financiers comme :

1. a) Valeurs mobilières.

b) Parts d'un organisme de placement collectif.

2. Instruments du marché monétaire.

3. Les contrats financiers à terme ( futures), y compris les instruments équivalents donnant lieu à un règlement en espèces.

4. Les contrats à terme sur taux d'intérêt (FRA).

5. Les contrats d'échange (swaps) sur taux d'intérêt, sur devises ou les contrats d'échange sur des flux liés à des actions ou à des indices d'actions (equity swaps).

6. Options visant à acheter ou à vendre tout instrument relevant de la présente section de l'annexe, y compris les instruments équivalents donnant lieu à un règlement en espèces. Sont comprises en particulier dans cette catégorie les options sur devises et les taux d'intérêt.

On notera que cette liste est très large puisque elle englobe l'ensemble des produits financiers à l'exception des moyens de paiement nationaux et des devises.

Par ailleurs, l'article premier points 3) et 4) de la directive distingue les instruments monétaires des valeurs mobilières.

- les valeurs mobilières sont :

* les actions et autres valeurs assimilables à des actions ;

* les obligations et autres titres de créance, négociables sur les marchés de capitaux ;

* toutes autres valeurs habituellement négociées permettant d'acquérir de telles valeurs mobilières par voie de souscription ou d'échange ou donnant lieu à un règlement en espèces, à l'exclusion des moyens de paiement.

- les instruments du marché monétaire sont :

* les catégories d'instruments habituellement négociées sur le marché monétaire.

Le présent article, dans la ligne de l'annexe B de la directive, donne une liste limitative de douze instruments financiers qui sont :

a) les valeurs mobilières telles que définies par l'article premier de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux OPCVM, à savoir : "les titres émis par des personnes morales publiques ou privées, transmissibles par inscription en compte ou tradition, qui confèrent des droits identiques par catégorie et donnent accès, directement ou indirectement, à une quotité du capital de la personne morale émettrice ou à un droit de créance général sur son patrimoine" ;

b) les parts de fonds communs de placement ;

c) les parts de fonds communs de créance ;

d) les titres de créance négociables tels que définis par l'article 19 de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, à savoir : "les titres émis au gré de l'émetteur, négociables sur un marché réglementé, qui représentent chacun un droit de créance pour une durée déterminée" ;

e) les titres émis par l'ÉTAT ;

f) les contrats à terme sur tous effets ;

g) les contrats à terme sur valeurs mobilières ;

h) les contrats à terme sur taux d'intérêt, sur indices et sur devises ;

i) les contrats à terme sur toutes marchandises et denrées ;

j) les contrats d'échange ;

k) les bons d'options ;

l) les bons d'acquisition ;

m) tous autres instruments ou opérations de marché à terme.

Les observations suivantes s'imposent :

En premier lieu, on peut regretter que le projet de loi ne donne Pas de définition des instruments financiers valable erga omnes mais seulement "pour la présente loi" et comportant, de surcroît, des références à des lois antérieures.

Or, une telle définition eût été d'autant plus facile à donner que la notion d'instruments financiers n'est pas définie dans notre droit.

En second lieu, le présent article a souhaité reprendre les anciennes catégories juridiques qui existent en droit français sans repenser l'ensemble des définitions, ce qui conduit à un certain découplage des notions, sans grandes conséquences juridiques, mais qui nécessite certaines observations.

1. Les valeurs mobilières

S'agissant tout d'abord des valeurs mobilières, la différence entre la définition donnée par le droit communautaire et celle valable en droit français (ou du moins dans la loi du 23 décembre 1988, puisqu'il n'existe pas de définition erga omnes des valeurs mobilières) a conduit les rédacteurs du projet à créer des catégories supplémentaires, ou au contraire à retrancher de certaines catégories visées par la directive, certains instruments visés dans la catégorie des valeurs mobilières.

Ainsi, le projet de loi vise au b) les parts de fonds communs de Placement et non pas l'ensemble des OPCVM, dans la mesure où les actions de SICAV sont déjà comprises dans la catégorie des valeurs mobilières, telle que définie par la loi du 23 décembre 1988, puisqu'il s'agit, par définition, d'actions de sociétés.

En sens contraire, le e) identifie distinctement les titres émis par l'ÉTAT dans la mesure où ces titres ne sont que pour partie seulement compris dans la catégorie des valeurs mobilières (OAT). En effet, les bons du Trésor négociables (BTN) et les bons du Trésor à taux annuel (BTAN) ne sont ni des valeurs mobilières, ni des titres de créance négociables.

De même, le c) identifie distinctement les parts de fonds communs de créances.

2. Les parts de fonds communs de placement

Il est assez étrange de viser distinctement les fonds communs de placement dans la mesure où la loi du 23 janvier 1988 précise en son article 7 paragraphe I que "le fonds commun de placement, qui n'a pas la personnalité morale, est une copropriété de valeurs mobilières (...) les parts sont des valeurs mobilières. "

3. Les parts de fonds communs de créances

Aux termes de l'article 34 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988, "le fonds commun de créances est une copropriété qui a pour objet exclusif d'acquérir des créances détenues par des établissements de crédit, la Caisse des dépôts et consignations ou les entreprises d'assurance et d'émettre des parts représentatives de ces créances. (...) Les parts sont des valeurs mobilières. "

4. Les titres de créance négociables

S'agissant ensuite des titres de créance négociables, on rappelle que leur spécificité tient moins à une définition qu'à un régime juridique : celui de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant DDOEF. Cette catégorie est plus large que celle des instruments monétaires au sens de la directive puisqu'elle recouvre, si l'on prend pour critère la durée des titres, à la fois des instruments très proches des valeurs mobilières (par exemple des certificats de dépôts émis pour 7 ans) et au contraire certains instruments (par exemple certains certificats de dépôt émis pour quelques jours) dont la qualification de monétaire ne semble faire aucun doute.

On peut regretter cette absence de distinction dans la mesure où elle aurait pu servir de base à un partage des compétences entre le Conseil de la politique monétaire, chargé de réglementer les instruments monétaires et le CMF, chargé de réglementer tout ou partie des valeurs mobilières, ce que faisait précisément l'article 3 de la proposition de loi.

Par ailleurs, il convient de relier les dispositions du présent article à celles du paragraphe II de l'article 60 du projet de loi qui, d'une part, prévoit que les titres de créance négociables pourront être négociés non seulement sur un marché réglementé, mais aussi sur un marché de gré à gré et, d'autre part, abroge le paragraphe V de l'article 19 de la loi du 26 juillet 1991 aux termes duquel :

"Le marché des titres de créance négociables est réglementé par le comité de la réglementation bancaire ( ( * )7) statuant dans les formes prévues à l'article 32 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée ; le règlement prévoit les dispositions propres à assurer le bon fonctionnement du marché des titres de créance négociables".

Il apparaît donc que les titres de créances sont des instruments financiers, non qualifiés d'instruments monétaires au sens de la loi française.

Cette modification de la loi française est importante et pose la question de la capacité de la Banque centrale à assurer la mission que lui assigne la loi de mettre en oeuvre la politique monétaire.

Or, de ce point de vue, le Conseil de la politique monétaire conserve, en vertu de l'article 7 de la loi du 4 août 1993, toute compétence pour définir les "opérations auxquelles procède la Banque, et notamment les modalités d'achat ou de vente, de prêt ou d'emprunt, d'escompte, de prise en gage, de prise ou de mise en pension de créances et d'émission de bons portant intérêt. il détermine la nature et l'étendue des garanties dont sont assortis les prêts consentis par la Banque dans le cadre de la conduite de la politique monétaire. Il définit également les obligations que la politique monétaire peut conduire à imposer aux établissements de crédit et notamment l'assiette et les taux des réserves obligatoires qui, le cas échéant, s'appliquent dans le cadre comptable de la réglementation bancaire."

En d'autres termes, même si le marché des TCN devient marché de gré à gré au sens de la directive, les pouvoirs de la Banque de France restent intacts pour définir la réglementation des mécanismes de refinancement des titres éligibles auprès d'elle.

S'agissant toujours des titres de créance négociables, la question se Pose de savoir dans quelle mesure le fait de viser la définition donnée par l'article premier de la loi de 1988, tout en visant distinctement l'article 19 de la loi du 26 juillet 1991, n'est pas incompatible. En effet, dans la définition donnée par la loi de 1988, les titres de créance sont des valeurs mobilières "au sens de la présente" loi dans la mesure où ce sont bien des "titres émis par les Personnes morales publiques ou privées (...) qui donnent accès (..) à un droit de créance général sur son patrimoine". En reprenant la définition de la loi de 1988, le projet de loi inclut-il les titres de créance négociables dans la définition des valeurs mobilières ?

Il ne le semble pas puisqu'il les vise distinctement par ailleurs.

Toutefois, la distinction ainsi opérée est de nature à jeter un trouble sur les OPCVM français, dont certains d'entre eux sont spécifiquement investis en titres de créance négociables.

Pour ceux-là, le problème peut être énoncé de la façon suivante : si les TCN ne sont pas des valeurs mobilières, les OPCVM français composés de ces titres n'ont pas accès au passeport européen, au sens de la directive de 1985, dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui.

En réalité, il faut comprendre du projet de loi que les titres de créance ne sont pas des valeurs mobilières mais des instruments financiers sui generis, sauf au sens de la loi de 1988 qui définit le régime juridique des valeurs mobilières et que le présent projet de loi ne remet pas en cause.

5. Les titres émis par l'ÉTAT

Les catégories les plus répandues de titres émis par l'ÉTAT sont les bons du Trésor négociables (BTN), les bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN) et les obligations assimilées du Trésor (OAT). Il faut observer que l'ÉTAT peut émettre des titres non négociables.

6. Les contrats financiers à terme

S'agissant des contrats financiers à terme, le projet de loi a repris l'énumération de l'article premier de la loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme qui vise :

- les marchés (au sens d'opérations) à terme sur effets publics et autres [ ( f) "les contrats à terme sur tous effets") ] ;

- tous marchés à terme sur valeurs mobilières [ ( g) "les contrats à terme sur valeurs mobilières") ] ;

- tous marchés sur denrées et marchandises [ ( i) "les contrats à terme sur toutes marchandises et denrées") ] ;

- " tous marchés sur taux d'intérêt, sur indices ou sur devises [ ( h) "les contrats à terme sur taux d'intérêt, sur indices et sur devises") ].

A ces catégories a été rajoutée une catégorie "balai" : m) "tous instruments ou opérations de marché à terme".

Dans la mesure où ces opérations sont définies à l'article 26 du présent projet de loi, il serait souhaitable de les regrouper dans une seule et même définition.

Enfin, il va de soi que les contrats à terme sur tous effets ne doivent pas être entendus comme visant également les pensions livrées, les prêts de titres ou les rémérés qui sont des instruments monétaires, faisant l'objet d'une réglementation spécifique ( ( * )8) .

7. Les contrats à terme sur toutes marchandises et denrées

Il convient également de noter que la notion de "contrats à terme sur toutes marchandises et denrées", prévue dans le projet de loi, est expressément écartée par la directive dont l'article 2 point 2. prévoit que :

"la présente directive n'est pas applicable :

"i) aux personnes dont l'activité principale consiste à négocier des matières premières entre elles ou avec des producteurs ou des utilisateurs à des fins professionnelles de ces produits et qui ne fournissent des services d'investissement qu'à ces contreparties et dans la mesure nécessaire à l'exercice de leur activité principale. "

Il semble donc nécessaire de prévoir que les entreprises d'investissement qui n'exerceraient leurs activités que sur ces marchés ne disposeront pas du passeport européen, de même que celles exerçant en partie Ur ces marchés ne disposeront pas du passeport européen pour ces activités.

A cet égard, il convient de signaler que la Commission européenne est engagée à envisager l'extension aux matières premières des dispositions de la DSI, trois ans après l'adoption de cette même directive. D'après les informations dont dispose votre rapporteur, des consultations ont été engagées sur ce point. Pour l'instant, tous les pays européens semblent favorables à une telle extension, à l'exception du Royaume Uni qui est le pays dans lequel ces marchés sont le plus développés.

8. Les bons d'options et les bons d'acquisition

Enfin, les bons d'options et les bons d'acquisition sont définis respectivement par les articles 339-5 et 339-1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, de façon évidente pour les seconds, moins claire pour les premiers.

L'on rappelle que les bons d'options, dont la catégorie englobe les warrants financiers, confèrent à leurs titulaires le droit de souscrire des titres qui eux mêmes donnent le droit d'acquérir des valeurs représentant une quote-part du capital de la société émettrice ou d'une société tierce et sont soumis aux dispositions qui régissent les valeurs mobilières. Toutefois, le terme de bon d'options n'est ni conforme à la réglementation de la COB, ni à celle du CBV, ni à la cote officielle, ni à la directive sur les fonds propres qui ne connaissent que les "warrants".

Les bons d'acquisition sont des bons d'options restreints à l'acquisition d'actions.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Dans la mesure où un projet de loi de codification est actuellement en cours d'élaboration, il est apparu souhaitable à votre commission d'harmoniser les grandes catégories d'instruments financiers avec celles prévues par ce projet et qui sont :

- les valeurs mobilières ou "titres" ;

- les parts d'organismes de placement collectif (SICAV, FCP, FCC, SCPI) ;

- les instruments financiers à terme.

Le débat sur les titres de créance négociables doit être dépassé. En effet, dans la mesure où ne sont pas définis les instruments du marche monétaire, il semble possible de considérer que les titres de créance sont des valeurs mobilières, sans pour autant amoindrir en quoi que ce soit les pouvoirs de réglementation et de contrôle dont dispose, à leur égard, la Banque de France en vertu de l'article 7 de la loi du 4 août 1993 et de l'article 4 du décret n° 92-137 du 13 février 1992 qui conserve, pour l'essentiel, sa base légale.

On rappelle que cet article prévoit que :

"La Banque de France veille au respect par les émetteurs de titres de créance négociables des conditions d'admission prévues par la loi du 26 juillet 1991, par le présent décret et par les règlements du Comité de la réglementation bancaire mentionnés aux III et -- V (abrogé par le présent projet de loi) de l'article 19 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée. Elle peut suspendre ou interdire d'émission un émetteur qui manque au respect de ces dispositions. Pour l'exercice de cette mission, elle est informée de l'entrée de nouveaux émetteurs sur ce marché dans les conditions prévues aux articles 6 et 7 du présent décret et elle reçoit communication immédiate par les émetteurs des dossiers de présentation financière et de leurs mises à jour prévus par les articles 8 et 13 du présent décret. "

Ces dispositions suffisent, semble-t-il, à assurer la Banque de France du contrôle de l'émission des TCN à des fins de conduite de la politique monétaire.

Par ailleurs, il serait souhaitable de définir les instruments financiers de façon erga omnes et non seulement "pour la présente loi".

Enfin, il serait utile de prévoir, pour la présente loi, une catégorie spécifique qui autorise les intermédiaires français à commercer sur des titres équivalents émis sur le fondement des droits étrangers comme par exemple les bons du Trésor américain.

Pour ces raisons, votre commission vous propose de modifier l'article premier afin de donner une définition erga omnes des instruments financiers distinguant les trois grandes catégories énoncées dans le projet de code monétaire et financier et qui sont les valeurs mobilières, les parts d'organismes de placement collectif et les instruments financiers à terme.

Elle vous demande également d'insérer trois articles additionnels après l'article premier qui définiront les sous-catégories de ces instruments.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'accepter cet article sous réserve des modifications proposées.

* (7) On rappelle que le Comité de la réglementation bancaire comprend aux termes de l'article 30 la loi bancaire : "le ministre chargé de l'économie et des finances, président, le gouverneur la Banque de France, vice-président et quatre membres nommés par arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances pour une durée de trois ans : un représentant de l'association française des établissements de crédit, un représentant des organisations syndicales représentatives du personnel des établissements de crédit et deux personnalités choisies en raison de leurs compétence".

* (8) La pension livrée a été définie législativement par la loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993 tant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers, et le prêt de titres par les lois n° 87-416 du 17 juin 1987 relative à l'épargne et n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

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