Rapport n° 345 (1995-1996) de M. Paul MASSON , fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 1996

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N ° 34 5

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996


Annexe au procès-verbal de la séance du 7 mai 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN DEUXIÈME LECTURE, tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire ,

Par M. Paul MASSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Mesdames, Messieurs,

En première lecture, le Sénat avait approuvé dans son principe le projet de loi tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire.

Il en avait cependant sensiblement modifié le dispositif puisque dix-sept des vingt-huit articles (auxquels il convient d'ajouter un article additionnel adopté sur la proposition de votre commission) avaient fait l'objet d'amendements, voire d'une suppression pure et simple.

La plupart de ces modifications ont été approuvées par l'Assemblée nationale.

I. LA POSITION DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

En première lecture, le Sénat avait apporté quatre séries de modifications de fond au texte adopté par nos collègues députés.

A. L'AFFIRMATION DU CARACTÈRE INTENTIONNEL DE L'ACTE DE TERRORISME

Sur la proposition de votre commission et avec l'accord du Gouvernement, vous aviez expressément affirmé le caractère intentionnel de l'acte de terrorisme, et ce en dépit du texte général de l'article 121-3 du code pénal, en vertu duquel « il n'y a ni crime ni délit sans intention de le commettre » .

En effet, comme l'avait alors souligné votre rapporteur, l'acte de terrorisme, défini par l'article 421-1 du code pénal, est une infraction spécifique :

- il suppose tout d'abord une infraction de droit commun, à laquelle s'applique, sans ambiguïté aucune, le principe de l'article 121-3 précité : cette infraction n'est constituée que si l'auteur des faits a eu effectivement l'intention de la commettre ;

- mais pour que cette infraction soit constitutive d'un acte de terrorisme, elle doit être, nous dit l'article 421-1, « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». C'est ce que les juristes appellent le dol aggravé. Or, nul ne peut affirmer avec certitude que le principe de l'article 121-3 du code pénal lui est applicable. Bien au contraire -et nous aurons l'occasion d'y revenir-, ledit code précise régulièrement, lorsqu'il prévoit un dol aggravé, que celui-ci n'est constitué que dans la mesure où l'auteur des faits a agi « en connaissance de cause » .

Compte tenu de cette situation, le Sénat avait souhaité lever toute ambiguïté afin de s'assurer qu'une personne ne saurait être considérée comme un terroriste si elle ignorait avoir été en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

B. DES COMPLÉMENTS À LA LISTE DES INFRACTIONS SUSCEPTIBLES DE CONSTITUER DES ACTES DE TERRORISME

Sur la proposition de votre commission, le Sénat avait décidé de compléter sur trois points la liste des infractions susceptibles de constituer des actes de terrorisme dès lors qu'elles sont en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. Ce complément concernait les délits de faux et d'usage de faux, le trafic d'armes à feu et tous les cas de recel du produit d'une infraction terroriste.

C. UNE MEILLEURE ADAPTATION DE LA PEINE À LA GRAVITÉ DE L'INFRACTION

S'agissant de l'association de terroristes, le Sénat avait souhaité une plus grande sévérité en prévoyant de lui appliquer des peines complémentaires (interdiction des droits civiques, civil et de famille, interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle et interdiction de séjour) ainsi que la période de sûreté prévue par l'article 132-23 du code pénal.

Mais, sur plusieurs autres points, nous avions décidé la suppression de dispositions qui paraissaient procéder à une élévation des peines encourues trop importante eu égard à la gravité des faits incriminés. Il s'agissait :

- des articles 9 et 10, relevant les peines encourues en cas de violences graves commises avec cumul de circonstances aggravantes ;

- de l'article 15, relevant les peines encourues en cas de destruction commise avec cumul de circonstances aggravantes ;

- de l'article 18, aggravant la sanction de l'outrage à une personne chargée d'une mission de service public ou dépositaire de l'autorité publique.

En outre, nous avions réécrit l'article 12, relatif aux violences légères, afin d'exclure, pour les violences n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, l'aggravation des peines prévues par cette disposition.

D. DES AMÉLIORATIONS AU DISPOSITIF RELATIF AUX PERQUISITIONS DE NUIT

Afin de compléter les instruments relatifs à la lutte contre le terrorisme, le projet de loi a prévu d'autoriser les visites, perquisitions et saisies de nuit en cette matière, de la même manière qu'elles sont autorisées en matière de trafic de stupéfiants et de proxénétisme.

En première lecture, nous avions précisé que ces opérations seraient possibles aussi bien dans le cadre d'une enquête préliminaire que dans le cadre d'une enquête de flagrance.

Nous avions également entouré ces opérations de strictes garanties en précisant notamment que l'autorisation écrite d'un magistrat du siège, nécessaire pour y procéder, devrait préciser l'adresse des lieux concernés et être motivée par référence aux éléments de fait justifiant la nécessité desdites opérations.

II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE

A. L'APPROBATION DE LA PLUPART DES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

Sur les dix-neuf articles restant en discussion à l'issue de la première lecture, dix ont été adoptés sans modification par l'Assemblée nationale.

Sur les neuf articles modifiés par nos collègues députés, quatre l'ont été par de simples amendements d'ordre rédactionnel ou de précision.

B. LES PROBLÈMES EN SUSPENS

Les cinq articles ayant fait l'objet d'une substantielle modification de fond par l'Assemblée nationale concernent trois points, auxquels il convient d'en ajouter un quatrième, apparu en deuxième lecture et sur lequel le Sénat n'a donc pas eu à se prononcer jusqu'à présent.

1. Le problème du caractère intentionnel de l'acte de terrorisme (article 1er et 1er bis)

En dépit de l'avis défavorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale est revenue sur la précision apportée par le Sénat concernant le caractère intentionnel de l'acte de terrorisme. Sans contester, sur le fond, qu'un tel acte supposait évidemment l'intention de semer la terreur, elle a estimé cette précision redondante au motif que l'article 121-3 du code pénal, par sa généralité, s'appliquait au terrorisme comme à tout autre infraction.

2. L'aggravation des peines encourues pour destruction (articles 15 et 19)

Contrairement à ce qu'avait estimé le Sénat, le apporteur de l'Assemblée nationale, M. Alain Marsaud, a jugé que le dispositif proposé par l'article 15, prévoyant une gradation des peines encourues pour destruction en fonction du nombre de circonstances aggravantes était « conforme à l'échelle des peines correctionnelles et au principe de proportionnalité de la sanction de l'infraction » .

L'Assemblée nationale a approuvé son point de vue et donc rétabli l'article 15 (et modifié, par coordination, l'article 19).

3. L'aggravation des peines encourues en cas d'outrage à une personne chargée d'une mission de service public ou dépositaire de l'autorité publique (article 18)

Estimant nécessaire, pour reprendre les propos de M. Alain Marsaud, « que soient plus sévèrement sanctionnés les comportements outrageants que les forces de l'ordre supportent de plus en plus difficilement » , l'Assemblée nationale a rétabli l'article 18.

4. La déchéance de la nationalité française des auteurs d'acte de terrorisme (article 7 quater)

L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative de Mme Suzanne Sauvaigo et avec l'accord de sa commission des Lois, un article 7 quater permettant la déchéance de la nationalité française d'une personne condamnée pour acte de terrorisme.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. L'EXIGENCE EXPRESSE DU CARACTÈRE INTENTIONNEL DE L'ACTE DE TERRORISME

En première lecture, votre rapporteur avait consacré de longs développements au problème du caractère intentionnel de l'acte de terrorisme. Il avait, en particulier, insisté sur la spécificité de cette infraction qui suppose, non seulement une infraction de droit commun, mais également un dol aggravé, à savoir la relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

Il avait, rappelons-le, considéré que le principe général de l'article 121-3 du code pénal s'appliquait sans ambiguïté au « premier étage » de cette infraction mais que le doute pouvait exister s'agissant du dol aggravé : la relation involontaire avec une entreprise de terreur ne risquait-elle pas de conduire à considérer un délinquant comme terroriste à son corps défendant ?

Le rapporteur de l'Assemblée nationale estime simplement qu'il ne peut « y avoir aucune ambiguïté sur le fait qu'une infraction n'est considérée comme constituée que si l'intention criminelle ou délictuelle de son auteur est établie, ce qui implique, lorsqu'il s'agit d'infractions terroristes, la connaissance de la finalité terroriste de l'acte accompli » .

On ne peut bien évidemment que se rallier à la première partie de cette affirmation : sauf disposition contraire, une infraction suppose l'intention délictuelle de son auteur. C'est bien ce qu'exige l'article 121-3 du code pénal.

Mais de quelle intention délictuelle s'agit-il ? N'est ce pas simplement l'accomplissement volontaire de ce que l'on sait être interdit par la loi pénale indépendamment de la raison (de la « finalité » pour reprendre le terme de M. Marsaud) pour laquelle on agit ?

Il convient à cet égard de rappeler une jurisprudence constante de la Cour de cassation, établie sous l'empire de l'ancien code pénal, à une époque où l'élément intentionnel ne faisait pas l'objet d'une disposition générale mais était rappelé dans les incriminations particulières. Ainsi, à propos des violences volontaires, la chambre criminelle considérait l'infraction constituée dès lors qu'existait « un acte volontaire de violence, quel que soit le mobile qui (avait) inspiré cet acte » .

L'intention délictuelle se limitait donc à la conscience de violer la loi pénale, c'est-à-dire au dol général. Elle ne s'étendait pas au dol aggravé, c'est-à-dire au mobile, lequel n'était pas un élément constitutif de l'infraction et ne pouvait donc « être retenu autrement que pour l'application de la peine » .

Cette distinction dol général-dol aggravé, qui fut au centre des discussions du Sénat en première lecture, n'a pas été évoquée à l'Assemblée nationale. L'acte de terrorisme y a été considéré comme une infraction ordinaire alors qu'elle est une infraction composite, commise dans des circonstances particulières, avec un but particulier.

Par ailleurs, l'argument avancé pour justifier la suppression de toute référence à l'intentionnalité (à savoir le risque qu'une interprétation a contrario conduise à s'interroger sur le caractère intentionnel des infractions, pour lesquelles la volonté coupable ne serait pas expressément exigée) passe sous silence une considération sur laquelle votre rapporteur s'était longuement arrêté en première lecture : l'existence, dans le code pénal, de nombreuses infractions pour lesquelles l'élément intentionnel est d'ores et déjà expressément exigé. On citera, sans prétendre à l'exhaustivité :

- l'atteinte à la vie privée (article 226-1) ;

- l'atteinte au secret des correspondances (article 226-15) ;

- la filouterie (article 313-5) ;

- le recel (article 321-1, deuxième alinéa).

Pour résumer, on peut dire que le risque d'une interprétation a contrario ne serait pas à craindre si le caractère intentionnel du terrorisme était expressément exigé.

En outre, serait ainsi levée une ambiguïté que les débats de l'Assemblée nationale n'ont point écartée et qui concerne le fait de savoir si l'intention exigée par l'article 121-3 du code pénal s'applique à la seule volonté de transgresser la loi (dol général) ou s'étend également à une intention plus lointaine, à savoir la volonté de parvenir à un certain résultat, en l'occurrence de semer la terreur (dol aggravé). Cette ambiguïté demeure tant en raison des textes que de la jurisprudence (selon laquelle les mobiles importent peu pour la réalisation de l'infraction).

Dès lors, pour éviter avec certitude ce que ni l'Assemblée nationale ni le Sénat ne souhaitent (à savoir la condamnation pour terrorisme d'une personne qui aurait certes eu l'intention de commettre une infraction mais sans vouloir semer la terreur), votre commission vous propose, comme en première lecture, de préciser que l'acte de terrorisme suppose l'intention de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

B. LA SUPPRESSION DE L'AGGRAVATION DES PEINES ENCOURUES POUR DESTRUCTION

L'aggravation des peines encourues pour des destructions ne présentant pas de danger pour les personnes est une nouvelle fois apparue disproportionnée à votre commission.

La faculté de prononcer une peine allant jusqu'à dix ans d'emprisonnement -même si elle est subordonnée à la réunion de trois circonstances aggravantes- lui semble remettre en cause l'effet expressif du code pénal auquel sont attachés tant l'Assemblée nationale et le Sénat que le Gouvernement. En effet, l'auteur d'une destruction non dangereuse pour les personnes encourrait la même peine que l'auteur :

- de violences ayant entraîné une mutilation permanente ( article 222-9 du code pénal) ;

- de violences habituelles sur un mineur de quinze ans ayant entraîné ne incapacité totale de travail supérieure à huit jours (art. 222-14) ;

- d'agressions sexuelles autres que le viol sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une blessure ou une lésion (art. 222-30) ;

- d'une atteinte à la défense nationale, qui est d'ailleurs le plus souvent punie de moins de dix ans d'emprisonnement (article 413-let suivants...).

Par ailleurs, la destruction de bien non dangereuse pour les personnes serait punie plus gravement que certaines infractions telles que le proxénétisme (cinq ans d'emprisonnement).

Votre commission considère toutes les infractions précitées comme plus graves que la destruction de biens. Elle estime donc qu'elles doivent demeurer passibles de sanctions supérieures, sauf à remettre en cause la cohérence de l'échelle des peines.

Elle vous propose donc de supprimer de nouveau l'article 15.

* *

*

Sous le bénéfice de ces observations, et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE PREMIER- DISPOSITIONS TENDANT À RENFORCER LA REPRESSION DU TERRORISME

SECTION I - Dispositions modifiant le code pénal
Article premier - Création de nouvelles infractions terroristes

Cet article a pour objet de modifier l'article 421-1 du code pénal afin de compléter la liste des infractions qualifiées d'actes de terrorisme.

L'Assemblée nationale a adopté la liste issue des travaux du Sénat, laquelle était d'ailleurs fort proche de celle élaborée par nos collègues députés en première lecture.

Ainsi, sur cet article, le seul point de divergence concerne le problème essentiel de l'intentionnalité de l'acte de terrorisme.

Sur le fond, il ne fait aucun doute que l'Assemblée nationale comme le Sénat estiment que nul ne saurait être considéré comme terroriste s'il n'a eu l'intention de semer la terreur.

Mais, s'il y a bien communauté d'objectif entre les deux assemblées, un désaccord persiste sur les moyens d'y parvenir :

- pour l'Assemblée nationale, l'article 121-3 du code pénal, aux termes duquel « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » , est, de par sa généralité, suffisant pour conférer à l'acte de terrorisme, dans toutes ses composantes, un caractère intentionnel. Dans cette perspective, exiger expressément un tel caractère serait non seulement inutile mais, pour reprendre les termes de M. Alain Marsaud, malencontreux « du point de vue de la lisibilité du code pénal en général : on pourrait a contrario s `interroger sur le caractère intentionnel des infractions incriminées par des textes qui ne feraient pas expressément de la volonté coupable de leur auteur un élément constitutif du crime ou du délit » ;

- en revanche, le Sénat avait considéré en première lecture que la spécificité de l'acte de terrorisme, « fusée à deux étages », soulevait une difficulté : l'article 121-3 précité concerne-t-il tous les éléments constitutifs de l'acte de terrorisme (infraction de droit commun et volonté de semer la terreur) ou seulement sa première composante (l'infraction de droit commun) ? Dans le doute, il avait jugé préférable d'exiger expressément l'intentionnalité pour le dol aggravé, c'est-à-dire pour la relation avec une entreprise ayant pour but de semer la terreur.

Votre commission regrette que l'Assemblée nationale ait, de manière quelque peu elliptique, estimé qu'il n'y avait « aucune ambiguïté » sur le caractère intentionnel de l'acte de terrorisme, sans même relever le caractère spécifique d'une telle infraction, sans même évoquer ce qui fut pourtant au coeur de nos débats en première lecture : la distinction entre le dol général et le dol aggravé.

Dans ces conditions, les incertitudes que votre commission avait alors soulevées persistent. Aussi, vous propose-t-elle, comme vous l'aviez décidé en première lecture sur l'avis favorable du Gouvernement, de préciser qu'une infraction (qui, par hypothèse, est intentionnelle) ne peut constituer un acte de terrorisme que si son auteur a eu également l'intention de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

Ce faisant, il ne s'agit en aucune manière de rechercher un quelconque effet d'annonce. Le problème du caractère intentionnel d'une infraction s'est encore posé à votre commission tout récemment avec la création d'un délit général de blanchiment. Elle s'était alors refusée à rappeler expressément l'intention frauduleuse estimant en effet que, s'agissant d'une infraction ordinaire, constituée indépendamment d'un dol aggravé, le principe général de l'article 121-3 du code pénal s'appliquait avec certitude à toutes ses composantes.

Tel n'est en revanche pas le cas en espèce en raison de l'existence d'un dol aggravé. Dans ces conditions, le silence du législateur pourrait -même si l'on doit reconnaître que la chose n'est pas certaine-, conduire à considérer comme terroristes des personnes qui, quoiqu'ayant commis volontairement une infraction, n'ont poursuivi aucune finalité terroriste.

L'amendement que vous soumet votre commission lèverait toute ambiguïté sans pour autant contenir en germe le risque -qui a conduit nos collègues députés à l'écarter- d'une interprétation a contrario qui créerait une incertitude quant au caractère intentionnel des infractions pour lesquelles une telle précision n'est pas exigée. En effet, cette précision sur l'intention coupable ne concernerait que le dol aggravé, élément constitutif qui :

- soit, n'est pas exigé pour les autres infractions ;

- soit, lorsqu'il est exigé, a de manière certaine un caractère intentionnel ; c'est le cas par exemple des pressions sur la justice (article 434-16 du code pénal), qui doivent être faites « en vue » d'influencer le cours de la justice ; c'est le cas également de la subornation de témoin (article 434-16), qui doit être faite « afin de déterminer autrui » à un témoignage mensonger ; c'est le cas de la profanation de sépulture à caractère raciste (article 225-18) qui doit être commise « à raison » de la race ou de la religion des personnes décédées.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article premier ainsi modifié.

Article premier bis - Terrorisme écologique

Cet article, inséré par le Sénat, avait pour objet de modifier l'article 421-2 du code pénal, relatif au terrorisme écologique, afin de préciser expressément le caractère intentionnel de cette infraction.

L'Assemblée nationale l'a supprimé, par coordination avec sa décision sur l'article premier, estimant une telle précision inutile.

Votre commission vous propose de rétablir cet article par coordination avec l'amendement qu'elle vous soumet à l'article précédent.

SECTION II- Dispositions modifiant le code de procédure pénale
Article 6 bis - Application de la loi française en cas d'acte de terrorisme commis à l'étranger

Cet article a pour objet de compléter l'article 706-16 du code de procédure pénale afin de préciser que les règles de poursuite, d'instruction et de jugement propres au terrorisme sont applicables aux actes de terrorisme commis à l'étranger dès lors que la loi française leur est applicable.

Modifié par le Sénat afin de réparer une omission, il a de nouveau été amendé par l'Assemblée nationale en deuxième lecture pour tenir compte de l'insertion au sein du code pénal d'un article 113-12 par la loi du 26 février 1996 relative au transport. Cette dernière disposition prévoit l'application de la loi française aux infractions commises au-delà de la mer territoriale.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article 6 bis sans modification.

Article 7- Visites, perquisitions et saisies de nuit en matière de terrorisme

Cet article a pour objet de modifier l'article 706-24 du code de procédure pénale afin d'autoriser les visites domiciliaires, perquisitions et saisies de nuit en matière de terrorisme.

En première lecture, tant l'Assemblée nationale que le Sénat avaient souhaité entourer cette faculté d'un maximum de précautions : autorisation écrite d'un magistrat du siège, indiquant l'adresse des lieux concernés et motivée par référence aux éléments de fait justifiant la nécessité de ces opérations.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, « afin de bien enserrer les perquisitions ou saisies dans des limites strictes » , a ajouté au contenu de l'autorisation « la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée » .

Votre commission ne peut qu'approuver ce souci de nos collègues députés.

Aussi, vous propose-t-elle d'adopter cet article sans modification.

Article 7 bis- Visites, perquisitions et saisies en matière de trafic de stupéfiants

Cet article a pour objet de modifier l'article 706-28 du code de procédure pénale afin de prévoir, s'agissant des perquisitions de nuit en matière de trafic de stupéfiants, les mêmes garanties que celles prévues par l'article 7 en matière de terrorisme (autorisation écrite et motivée d'un magistrat du siège).

L'Assemblée nationale l'a modifié par coordination avec sa décision sur l'article 7 tendant à exiger que l'autorisation de perquisitionner la nuit précise la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée.

Comme précédemment, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

SECTIONS 3 - Dispositions modifiant le code civil
Article 7 quarter - Déchéance de la nationalité française

Cet article, inséré en deuxième lecture par l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Suzanne Sauvaigo, a pour objet de modifier l'article 25 du code civil, relatif aux hypothèses dans lesquelles une personne ayant acquis la nationalité française peut en être déchue.

En sa rédaction actuelle, cinq cas sont envisagés par cet article 25 :

- quatre de ces hypothèses concernent des cas de condamnation : pour crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ; pour atteinte à l'administration publique commise par une personne exerçant une fonction publique (abus d'autorité, corruption, prise illégale d'intérêts...) ; pour soustraction aux obligations résultant du Code du service national ; pour crime ayant entraîné une condamnation à au moins cinq ans d'emprisonnement ;

- la cinquième hypothèse consiste en le fait de se livrer au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.

Le présent article 7 quater ajoute à ces différents cas celui d'une condamnation pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.

Il convient de préciser que la déchéance de la nationalité française n'a rien d'automatique. Il s'agit d'une simple faculté, au demeurant soumise à un avis conforme du Conseil d'État.

Par ailleurs, selon l'article 25-1 du code civil, la déchéance n'est encourue que si les faits reprochés à l'intéressé se sont produits dans le délai de dix ans à compter de la date de l'acquisition de la nationalité française.

Enfin, la commission d'un acte de terrorisme est une hypothèse comparable, de par sa gravité, aux cas pouvant d'ores et déjà entraîner la déchéance de la nationalité.

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

CHAPITRE II - DISPOSITIONS TENDANT À RENFORCER RÉPRESSION DES ATTEINTES AUX PERSONNES DÉPOSITAIRES DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE OU CHARGÉES D'UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC

Article 15- Circonstances aggravantes du délit de destruction dégradation ou détérioration d'un bien

Cet article a pour objet de compléter l'article 322-3 du code pénal afin de prévoir, en cas de destruction ou détérioration de bien, une modulation encourue en fonction du nombre de circonstances aggravantes.

En l'État actuel du droit, l'article 322-3 prévoit une série de circonstances aggravantes (portant les peines encourues à cinq ans d'emprisonnement et 500.000 F au lieu de deux ans et 200.000 F sans circonstance aggravante) parmi lesquelles figure le fait que l'infraction soit commise au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Les autres circonstances aggravantes concernent les hypothèses suivantes, déjà indiquées par votre rapporteur en première lecture :

- l'infraction est commise par plusieurs personnes ;

- elle est facilité par la particulière vulnérabilité de la victime ;

- elle est commise au préjudice d'un témoin, d'une victime ou d'une partie civile pour faire obstacle à l'action de la justice ;

- elle est commise dans un local d'habitation ou destiné à l'entrepôt e biens et en pénétrant par ruse, effraction ou escalade.

Le présent article 15 propose de porter les peines encourues en cas de destruction ou détérioration du bien d'autrui, sauf dommage léger :

- à sept ans d'emprisonnement et 700.000 F d'amende lorsque l'infraction aura été commise dans deux des cinq circonstances aggravantes précitées ;

- à dix ans d'emprisonnement et un million de francs d'amende lorsque trois au moins de ces circonstances auront été réunies.

En première lecture, le Sénat avait purement et simplement supprimé cet article, qui lui était apparu relever des dispositions du projet de loi portant atteinte au principe de proportionnalité des peines et à la cohérence de l'échelle des peines prévues par le nouveau code pénal.

L'Assemblée nationale qui, sur plusieurs autres points, s'est montrée sensible à ce double souci du Sénat, a estimé qu'il ne se posait pas pour l'article 15 dont elle a en conséquence décidé le rétablissement.

Selon M. Marsaud, la gradation proposée est exactement la même que celle retenue pour d'autres infractions, et notamment le vol, à savoir trois ans d'emprisonnement s'il n'y a aucune circonstance aggravante, cinq s'il y en a une, sept s'il y en a deux et dix s'il y en a trois.

En réalité, l'assimilation au vol ne saurait à elle seule entraîner la conviction ne serait-ce qu'en raison du fait que, contrairement à l'affirmation de M. Marsaud, la peine encourue pour destruction sans circonstance aggravante est de deux ans et non, comme le vol, de trois.

Indépendamment même de la comparaison avec le vol, on ne saurait occulter le fait que, par hypothèse, les destructions en question ne présentent pas de danger pour les personnes. Il paraît en conséquence quelque peu disproportionné de prévoir à l'égard de leurs auteurs une peine pouvant aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement, soit autant que la peine encourue pour association de terroristes ou pour violences ayant entraîné une mutilation permanente.

C'est pourquoi votre commission vous propose un amendement tendant à supprimer cet article 15.

Article 16 - Menaces

Cet article avait fait l'objet d'une réécriture complète par le Sénat afin de regrouper au sein d'une même disposition l'ensemble des infractions de menaces contre une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, que le projet de loi initial scindait en quatre articles.

L'Assemblée nationale a pleinement approuvé cette initiative mais a souhaité apporter une précision, d'ailleurs opportune, au texte du Sénat.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 18 - Outrage à personne chargée d'une mission de service public ou dépositaire de l'autorité publique

Cet article a pour objet de modifier l'article 433-5 du code pénal relatif au délit d'outrage.

Il considère comme une circonstance aggravante le fait de commettre un tel délit en réunion. Les peines sont alors portées à six mois d'emprisonnement et 50.000 F d'amende (au lieu de 50.000 F sans emprisonnement possible) si la victime est une personne chargée d'une mission de service public et à un an et 100.000 F (au lieu de six mois et 50.000 F) si la victime est un dépositaire de l'autorité publique.

En première lecture, le Sénat avait supprimé cette disposition, estimant les peines prévues trop lourdes.

L'Assemblée nationale l'a rétabli « afin que soient plus sévèrement sanctionnés les comportements outrageants que les forces de l'ordre supportent de plus en plus difficilement » .

Lors des auditions publiques sur la délinquance juvénile auxquelles a procédé votre commission, plusieurs intervenants ont insisté sur la multiplication des injures à l'égard des forces de l'ordre qui rendent particulièrement difficile l'exercice de leur mission.

Le relèvement des peines pour de tels comportements permettrait au législateur de manifester son soutien à ces personnels.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 19- Exclusion de certaines infractions de la compétence du juge unique

Cet article a fait l'objet, en deuxième lecture, d'un simple amendement de coordination de l'Assemblée nationale pour tenir compte du rétablissement de l'article 15 décidé par celle-ci.

Votre commission, qui s'est prononcée en faveur de la suppression de cet article 15, vous propose donc par coordination d'en revenir à la rédaction retenue par le Sénat en première lecture pour cet article 19.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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