N° 132

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 décembre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d 'Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales, signé à Bayonne le 10 mars 1995,

Par M. Michel ALLONCLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre. MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet, Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Édouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2972, 3161 et T.A. 597.

Sénat : 106 (1996-1997).

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, a pour objet d'autoriser la ratification d'un traité signé à Bayonne, le 10 mars 1995, entre la France et l'Espagne et relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales.

Le Sénat a déjà délibéré, le 23 octobre dernier, d'un texte similaire, l'accord de Karlsruhe, qui concernait quant à lui la coopération transfrontalière entre collectivités françaises, allemandes, luxembourgeoises et suisses, sur une vaste zone qui, côté français, s'étend de Longwy à Mulhouse.

L'examen de cet accord avait permis de mettre en lumière l'intérêt croissant manifesté par les collectivités frontalières pour la coopération avec les collectivités voisines, sur des sujets d'intérêt commun. Il était toutefois apparu que cette aspiration forte des collectivités locales, qui s'est affirmée sous le double effet de la décentralisation et du renforcement de l'intégration européenne, se heurtait encore à des obstacles juridiques que la convention cadre du Conseil de l'Europe du 21 mai 1980, dite convention de Madrid, d'une part, et l'évolution des droits internes d'autre part, n'avaient que partiellement levés.

Dès lors que l'on souhaite passer du stade des contacts, des échanges de vues ou de la concertation à celui de la réalisation et de la gestion d'ouvrages ou d'équipements transfrontaliers, de nombreuses difficultés juridiques surgissent, imposant de manière pratiquement obligatoire le recours à un accord interétatique.

Le mouvement avait été amorcé avec la signature le 26 novembre 1993 à Rome d'un accord franco-italien, dont la portée demeure relativement modeste et dont l'entrée en vigueur n'a pas nécessité d'approbation parlementaire.

Le traité de Bayonne, signé le 10 mars 1995 entre la France et l'Espagne est révélateur des avancées progressives qui ont marqué le domaine de la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales. Postérieur à l'accord franco-italien, son champ d'application est beaucoup plus large puisqu'il vise les collectivités incluses dans les trois régions françaises et les quatre communautés autonomes espagnoles frontalières, ce qui couvre une zone de près de 250 kilomètres de part et d'autre des Pyrénées. Il permet la participation de collectivités locales dans des organismes relevant du pays voisin.

Après le traité de Bayonne, l'accord de Karlsruhe, signé l'année suivante, marquera une étape supplémentaire en introduisant une notion novatrice, le groupement local de coopération transfrontalière, instrument juridique de type nouveau qui se veut plus adapté à la gestion des problèmes transfrontaliers. Pour autant, la situation n'est pas figée et le traité franco-espagnol comporte une clause qui lui permettra d'englober les avancées nouvelles qui interviendraient à l'avenir dans le domaine, très évolutif, de la coopération transfrontalière.

Après avoir brièvement rappelé les principaux éléments du cadre juridique de la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales, votre rapporteur présentera le traité de Bayonne et ses perspectives d'application.

I. UNE RÉALITÉ QUI TROUVE PROGRESSIVEMENT SA TRADUCTION JURIDIQUE

La coopération transfrontalière entre collectivités locales est une réalité souvent ancienne qui s'est fortement développée sous l'effet de l'ouverture européenne et de la décentralisation. L'absence de cadre formel a longtemps constitué un obstacle de taille pour la mise en oeuvre de projets communs. Amorcée par la reconnaissance de principe de la liberté des collectivités locales de coopérer entre elles, l'évolution des normes juridiques s'est par la suite orientée vers la recherche d'instruments et de mécanismes appropriés qui, pour la plupart d'entre eux, restent encore à améliorer. Cette évolution n'est donc pas achevée et devrait se traduire, dans les années qui viennent, par de nouvelles avancées juridiques dans le domaine de la coopération transfrontalière entre les collectivités locales.

A. DES INITIATIVES MULTIPLES

La coopération transfrontalière répond à une aspiration profonde des collectivités locales, reconnue par l'État et encouragée par les instances européennes.

1. Les aspirations des collectivités locales

Votre rapporteur ne reviendra pas sur l'aperçu non exhaustif des multiples initiatives de coopération transfrontalière qu'il avait eu l'occasion de présenter dans son rapport effectué à l'occasion de l'examen de l'accord de Karlsruhe (n° 20, 1996-1997).

Les exemples sont multiples. Ils vont de petites coopérations de proximité à des projets plus vastes, axés sur le développement économique.

Ces initiatives reposent parfois sur des relations de voisinage anciennes, fondées sur la nécessité de trouver des solutions aux problèmes communs posés par la mitoyenneté.

D'autres sont liées aux questions pratiques soulevées par les échanges transfrontaliers. C'est le cas des accords permettant à certaines collectivités françaises de récupérer auprès de la Suisse, une partie de l'impôt à la source prélevé sur les travailleurs frontaliers. C'est le cas également des agences d'information créées de part et d'autre du Rhin pour aider les administrations, les entreprises ou les citoyens dans leurs relations quotidiennes avec le pays voisin.

Mais plus largement, la coopération transfrontalière semble aujourd'hui ressentie comme une composante à part entière, et indispensable, de la politique d'aménagement du territoire.

Pour beaucoup de collectivités frontalières, l'ouverture des frontières dans le cadre d'une Europe élargie et d'une intégration accrue, a tracé des perspectives nouvelles en matière de développement économique et de gestion des équipements publics. Inversement, elle a pu dans certains cas révéler le déséquilibre des dynamiques économiques de part et d'autre de la frontière ou engendrer des difficultés liées aux différences de parité monétaire et de compétitivité.

Ainsi, la politique française d'aménagement du territoire ne saurait se réduire à une redéfinition des relations entre Paris et les régions périphériques. Elle doit nécessairement intégrer la dimension transfrontalière et encourager les projets de coopération initiés au sein des collectivités locales.

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