EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné, au cours d'une réunion tenue le 5 février 1997 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, le projet de loi n° 55 rectifié (1996-1997) modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication , et les propositions de loi n° s477 (1995-1996) de MM. Maurice Blin, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt, Guy Cabanel, Adrien Gouteyron et Jean Cluzel relative à l'organisation de France Télévision , 483 (1995-1996) de M. Jean Cluzel relative à la prévention de la violence à la télévision , et 484 (1995-1996) de M. Jean Cluzel renforçant les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière de télévision diffusée par satellite.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Ivan Renar a estimé que le projet de loi était " un projet minuscule pour répondre à des problèmes majuscules ", et dont l'application pourrait avoir des conséquences désastreuses. Regrettant que le Parlement ne soit pas saisi d'un projet de loi plus adapté à l'ampleur des évolutions technologiques, il s'est en particulier interrogé sur l'avenir du secteur public : la diminution des ressources publiques affectées à France 2 équivaut à une privatisation de fait, la chaîne devenant totalement dépendante des recettes publicitaires ; les dispositions du projet de loi relatives à la fusion de La Cinquième et de la Sept-Arte seront préjudiciables à l'une et à l'autre, et menacent en particulier la réussite de la chaîne éducative.

Mme Danièle Pourtaud a dit partager le sentiment de frustration exprimé par M. Ivan Renar à propos d'un projet de loi qui examine de grands problèmes " par le petit bout de la lorgnette ". Elle a reconnu le vide juridique existant en matière de régime des chaînes satellitaires, mais a souligné que ce vide aurait pu être comblé par la parution des textes d'application des dispositions en vigueur. Elle a relevé les silences du projet de loi -sur les conséquences de l'apparition des nouvelles technologies et des nouveaux services, sur la définition des compétences respectives du CSA et de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART)- et ses insuffisances. A cet égard, elle a insisté sur le caractère très limité du renforcement des compétences du CSA, sur la définition imprécise des obligations imposées aux chaînes satellitaires, sur l'absence de conventionnement des bouquets, qui empêchera notamment le CSA d'imposer aux opérateurs d'utiliser un décodeur " ouvert ", sur la suppression des mesures anti-concentration, sur la portée incertaine de l'ouverture des " bouquets " satellitaires et câblés à des chaînes indépendantes.

Elle s'est également interrogée sur les dispositions concernant le secteur public, qui ne font aucune référence à l'action audiovisuelle extérieure, notamment en matière de télévision, et sur l'absence de toute disposition concernant le régime des services de radiodiffusion sonore, qui appelle pourtant des mesures urgentes.

Félicitant le rapporteur pour la clarté de son exposé, M. Pierre Laffitte a craint que le projet de fusion de La Cinquième et de la Sept-Arte ne remette en cause les efforts du Sénat pour promouvoir la télévision éducative, et noté qu'une société holding regroupant France 2 et France 3 devrait également leur associer La Cinquième et la Sept-Arte, dont il a rappelé qu'elle était une société éditrice de programmes et non un diffuseur.

Il a également relevé que le projet de loi comportait des lacunes :

- il ignore l'audiovisuel extérieur, le développement de la radiodiffusion sonore numérique, et surtout le problème que pose l'apparition du numérique au regard des dispositions applicables aux services de télévision par voie hertzienne terrestre : chaque titulaire d'autorisation dispose d'une fréquence pour diffuser un service, mais cette fréquence pourrait désormais permettre de diffuser une dizaine de services numériques, ou être en partie affectée à d'autres usages ;

- il ne règle pas non plus les problèmes que peuvent poser un certain nombre de situations de monopole de droit ou de fait : exclusivité de la diffusion en numérique du service public, monopole de TDF, insuffisance des dispositions prévues pour " casser " les positions dominantes et le cloisonnement du marché provoqués par les systèmes de décodage. Il a souhaité à cet égard que le Parlement puisse imposer le système Simulcrypt.

M. Michel Pelchat, rejoignant les propos de M. Pierre Laffitte, a également jugé indispensable d'arriver au décodeur unique, et estimé nécessaire d'inviter les diffuseurs à s'entendre pour permettre aux téléspectateurs de s'abonner à plusieurs " bouquets ", ou de changer leur abonnement sans devoir changer de décodeur : ce qui a été possible pour la carte bancaire doit l'être aussi dans ce domaine. Prenant l'exemple du marché britannique, il a souligné que le décodeur unique élargissait considérablement le marché global des bouquets satellitaires, les abonnés potentiels étant rebutés par la complexité et le coût de systèmes où chaque abonnement nécessite un décodeur différent.

Revenant sur la question de la diffusion satellitaire numérique des chaînes publiques financées par la redevance, il a souligné que la couverture insuffisante du territoire par le cinquième réseau rendait nécessaire sa diffusion gratuite par satellite, et préconisé la location par l'Etat d'une capacité satellitaire permettant la réception en clair et en numérique de programmes dont sont privés nombre de téléspectateurs.

M. Jean-Pierre Camoin s'est interrogé sur l'avenir et la légitimité du système de la redevance, qui est de plus en plus contesté à mesure que s'élargit l'offre de services privés.

Répondant aux intervenants, M. Jean-Paul Hugot, rapporteur, a observé que la " modestie " du projet de loi ne faisait pas obstacle à l'ampleur des débats, et remarqué que la modification de la loi de 1986 pouvait permettre d'adapter pragmatiquement le droit existant aux évolutions constatées. Il a ensuite apporté les précisions suivantes :

- la redevance est assise sur la possession d'un récepteur et non sur le choix des programmes regardés. La légitimité de la participation des téléspectateurs au financement du service public de l'audiovisuel repose aussi sur le rôle que joue ce dernier en matière de diversification de l'offre de programmes et de protection de la liberté de communication ;

- le projet de loi, qui transpose sur ce point une directive communautaire, n'impose pas un décodeur unique, mais le respect du principe du " décodeur ouvert " : il prohibe les comportements anticoncurrentiels interdisant l'utilisation d'un même décodeur pour la réception de plusieurs programmes ;

- le rapprochement de La Cinquième et de la Sept-Arte ne doit pas nuire aux missions de chacune des chaînes actuelles : il faut sans doute, à cette fin, préciser les dispositions du projet de loi ;

- le renforcement des pouvoirs du CSA est réel, tant en ce qui concerne ses compétences consultatives que son pouvoir de régulation ;

- la projet de loi précise les compétences respectives du CSA et de l'ART en cas d'utilisation d'une fréquence de télécommunication pour la mise à la disposition du public d'un service de communication audiovisuelle ;

- il paraît souhaitable de renforcer la portée de l'obligation faite aux opérateurs de bouquets de chaînes satellitaires ou câblées de consacrer 20 % de leur capacité de diffusion à des services indépendants, et de mieux définir la limite de la concentration de l'offre de services satellitaires.

Répondant enfin à une question du président Adrien Gouteyron sur les conditions d'inclusion des chaînes publiques dans les " bouquets " satellitaires, le rapporteur a précisé que la diffusion satellitaire de La Cinquième ne faisait l'objet d'aucune clause d'exclusivité. Il a par ailleurs jugé que la proposition faite par M. Michel Pelchat de diffusion satellitaire numérique en clair des programmes du " cinquième réseau " méritait réflexion.

La commission a ensuite abordé l'examen des articles, au cours duquel sont notamment intervenus, outre le président et le rapporteur, MM. Pierre Laffitte, Michel Pelchat, Mme Danièle Pourtaud, MM. Victor Reux et Henri Weber.

Après avoir adopté les amendements proposés par son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

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