Rapport n° 91 (1997-1998) de M. Charles DESCOURS , fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 20 novembre 1997

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N° 450

N° 91

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistre à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 novembre 1997

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance

.du 20 novembre 1997

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 1998 ,

PAR M. ALFRED RECOURS, PAR M. CHARLES DESCOURS,

Député. Sénateur.

Cette commission est composée de : MM. Claude Bartolone, député, président ; Jean-Pierre Fourcade, sénateur, vice-président : M. Alfred Recours, député, M.Charles Descours, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Claude Evin, Bernard Accoyer, Jean-Luc Préel, Mme Jacqueline Fraysse, M. Bernard Charles, députés : MM. Jacques Machet, Alain Vasselle, Jacques Oudin, François Autain, Mme Nicole Borvo, sénateurs.

Membres suppléants : M. August. Bonrepaux, Mme Dominique Gillot, MM. Pascal Terrasse, Bruno Bourg-Broc, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Pierre-Christophe Baguet, Denis Jacquat, députes, MM. Jacques Bimbenet, Paul Blanc, Jean Chérioux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Jean Madelain, sénateurs.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1ère lecture : 303 , 385, 386 et T.A. 22

Sénat : 1ère lecture : 70, 73, 79 et T.A. 34

Sécurité sociale.

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1995 mercredi 19 novembre 1997 à l'Assemblée nationale

La commission a d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué

- M. Claude Bartolone, député, président ;

- M. Jean-Pierre Fourcade, sénateur, vice-président. La commission a ensuite désigné :

- M. Alfred Recours, députe, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- M. Charles Descours, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

*

* *

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.

M. Alfred Recours , rapporteur pour l'Assemblée nationale , a indiqué que le Sénat avait profondément remanié le texte adopté par l'Assemblée nationale. On peut relever parmi les principales modifications les points suivants :

- le processus de basculement des cotisations d'assurance maladie vers la CSG a été supprimé dénaturant ainsi l'esprit du projet de loi ;

- l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) a été diminué de 3,5 milliards de francs ;

- le plafond des besoins de trésorerie du régime général a été ramené de 20 à 15 milliards de francs et la possibilité d'emprunt pour la CNRACL a été supprimée.

Afin de ne pas néanmoins aggraver le déficit des régimes sociaux, le Sénat a dégagé des recettes nouvelles dont la principale réside dans une majoration de 0,1 point du taux de la CSG, ce qui représente environ 1,5 milliard de francs, sans aucune compensation pour aucune catégorie de cotisants.

Les raisons pour lesquelles il paraît difficile de parvenir à un accord sont donc les suivantes :

- l'extrême rigueur du Sénat en ce qui concerne les emprunts, rigueur qui aurait dû être plus vive l'année dernière puisque la loi de financement prévoyait une possibilité de besoins de trésorerie de 66 milliards de francs alors que ces plafonds sont aujourd'hui dépassés, ce qui a obligé à ratifier un décret les majorant ;

- l'opposition au mouvement d'équité et de justice que représente le basculement du financement vers la CSG, mouvement entamé l'année dernière sans que le Sénat ne s'y oppose.

- l'augmentation de la CSG proposée sans diminution corrélative des cotisations ce qui paraît pour le moins paradoxal.

D'une manière plus générale la question du réalisme des recettes nouvelles ou des économies proposées se pose. Tel est le cas, en particulier, de la réduction de l'ONDAM sur lequel l'Assemblée s'était longuement penchée.

Par ailleurs, le Sénat a demandé quatre rapports supplémentaires au Gouvernement entrant ainsi dans une logique où, sous prétexte de mieux informer, on noie le Parlement sous une masse de données difficilement exploitables.

L'essentiel reste que les positions globales de l'Assemblée et du Sénat ne paraissent pas compatibles.

En préambule, M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, s'est étonné que, contrairement à l'usage, la parole n'ait pas d'abord été donnée au rapporteur de la dernière assemblée saisie du projet de loi. Il a déploré l'absence du représentant du groupe communiste dans la délégation de l'Assemblée nationale : ce groupe, en effet, a manifesté ses états d'âme tout au long du débat parlementaire, montrant ainsi que la majorité plurielle est vraiment singulière. Puis, il a avancé les observations suivantes

- Le Sénat s'est d'abord opposé aux mesures concernant les prestations familiales prévues par le projet de loi.

Cette opposition est de principe : le Sénat a en effet considéré que l'universalité des allocations familiales figure au nom des principes fondateurs de la sécurité sociale qui constituent le socle du contrat social.

En conséquence, le Sénat a décide, pour la seule année 1998, d'augmenter de 0,1 point la CSG perçue par la branche famille, dans le respect du principe de l'indépendance des branches de la sécurité sociale posé par la loi du 29 juillet 1994

- Le Sénat a ensuite repoussé le basculement massif des cotisations d'assurance maladie vers la CSG. Certes, l'an dernier, le Sénat avait accepté un transfert des cotisations maladie à hauteur de 1 %. Mais il apparaît - le rapporteur peut en témoigner en tant que président du conseil de surveillance de l'ACOSS - qu'aucune information n'est encore disponible sur le bilan de cette opération. La décision de l'Assemblée nationale constitue donc un pari aventureux. En outre, les conditions du basculement des cotisations maladie vers la CSG ne sont pas transparentes, et il n'a pas été tenu compte des modifications de comportement qu'il induira, notamment chez les épargnants.

- Le Sénat a été alerté par de nombreuses catégories professionnelles qui ont fait valoir qu'elles seraient pénalisées par le basculement. Certes, le pouvoir d'achat des salariés augmentera peut-être et une compensation est prévue pour les fonctionnaires et les agriculteurs, mais un grand nombre de retraités et d'actifs non salaries seront pénalisés. Il s'agit là d'une discrimination inacceptable.

- Pour atténuer les effets de ces mesures, le Sénat a adopté un amendement tendant à éviter que les jeunes agriculteurs, actuellement exonérés de cotisations maladie, ne soient pas pénalisés. Il a également exclu de l'assiette du prélèvement de 2 % perçu au profit de la CNAF et de la CNAVTS deux produits d'épargne populaire, le plan épargne logement et l'assurance vie.

- S'agissant de la contribution sur ventes directes de médicaments, l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur pour l'assurance maladie conscient que le prélèvement de 6,6 % prévu par le Gouvernement allait supprimer toute vente directe, a réduit cette taxation et augmenté à due concurrence la contribution dite des grossistes répartiteurs. Cette demi-mesure a suscité le mécontentement de tous les professionnels. Le Sénat a estimé que la question de la distribution des médicaments devait être étudiée en concertation avec les parties intéressées avant d'être réglée par voie législative. En ce qui concerne la taxation des dépenses promotionnelles, le Sénat a souhaité gager une modification du barème par un renvoi à la politique conventionnelle, sans aucun préjudice pour l'assurance maladie.

- Le Sénat est sensible à la question de la CNRACL, régime doté pour l'instant d'un bon rapport démographique mais qui est pénalisé par la surcompensation. L'injonction faite à cette caisse d'emprunter au prétexte de cette compensation financière constitue la traduction d'une « politique de gribouille » qui générera des frais financiers importants à son détriment.

- En ce qui concerne l'ONDAM, il faut rappeler que le rapport de la commission des Comptes de la sécurité sociale a indiqué que la tendance de la croissance « au fil de l'eau » des dépenses d'assurance maladie était de 2,2 %. Le Gouvernement n'a fait qu'entériner cette évolution, alors qu'il est nécessaire, au contraire, de mener une politique un peu volontariste qui montre aux médecins libéraux qu'ils ne doivent pas relâcher leur effort et qui incite les structures des hôpitaux à poursuivre la politique de regroupement. En outre, il n'est pas justifié de fixer deux taux différents pour la médecine ambulatoire et pour les hôpitaux.

M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, a observé que les positions du Sénat ne sont pas sans écho au sein même de la majorité plurielle de l'Assemblée nationale, notamment sur le transfert massif des cotisations d'assurance maladie vers la CSG et le démantèlement de la branche famille.

M. Claude Bartolone, président, a indiqué que la commission mixte paritaire allait tout d'abord se prononcer sur l'article premier qui concentrait l'ensemble des points de divergence apparus entre les deux assemblées.

M. Jean-Pierre Fourcade, vice-président, a fait valoir que, lors de la discussion en séance publique à l'Assemblée comme au Sénat, cet article, qui est la résultante des autres articles, avait été réservé jusqu'à la fin du texte et que cette procédure devait également être suivie par la CMP. Il a estimé que la discussion devait s'engager sur l'article 3, relatif au basculement sur la CSG, qui est le point le plus important.

M. Claude Bartolone, président, a observé qu'une discussion spécifique sur certains articles n'aurait de sens que si la possibilité d'un accord global apparaissait. Dans le cas présent, il vaut mieux rentrer immédiatement dans la discussion de 1'article premier qui concentre les oppositions tant sur la CSG que sur la famille et sur l'ONDAM.

M. Jean-Luc Préel a indiqué, afin de pondérer le rapport de M. Alfred Recours, qu'il souhaitait souligner les améliorations apportées par le Sénat et s'interroger sur celles qui pourraient être retenues. Un consensus pourrait être une proposition intéressante. De même, on pourrait examiner une légère réduction du taux de croissance de l'ONDAM. En effet, en médecine ambulatoire, un taux équivalent à celui de 1997 pourrait être retenu

et, en ce qui concerne la médecine hospitalière, il apparaît que l'enveloppe nationale est largement suffisante à condition de corriger les différences régionales.

M. Bernard Accoyer, après avoir noté l'excellent travail effectué par le Sénat, a considéré qu'il fallait étudier une formule plus raisonnable concernant le basculement de la cotisation maladie sur CSG qui n'est pas transparent. Il manque, dans cette opération, 5 à 7 milliards de francs que le Gouvernement conserve pour effectuer différentes compensations à sa guise.

La sagesse du Sénat s'est également manifestée sur l'AGED, les allocations familiales, la CNRACL ou la C3S, les décisions de la majorité plurielle en la matière se révélant outrancières. De même, la réforme hospitalière se poursuit dans la plus parfaite opacité, alors qu'il faut donner à tous les Français un accès identique aux soins. Les dispositions adoptées par le Sénat concernant les grossistes-répartiteurs sont aussi apaisantes.

Mm e Nicole Borvo a tenu à préciser, en tant que représentante du groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat, que ce groupe avait voté contre le projet de la majorité sénatoriale tout en étant défavorable au basculement de la CSG et a la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Il s agit d'une logique tout à fait différente de celle de la majorité du Sénat.

M. Jean-Pierre Fourcade, vice-président, a considéré qu'il existait un point commun très important entre les deux assemblées quant à la volonté de réduire le déficit de la sécurité sociale à 12 milliards de francs. Seule la méthode diverge : le Sénat a souhaite atteindre cet objectif par une maîtrise des dépenses, seule démarche durablement efficace, plutôt que par une aggravation des prélèvements.

Le basculement brutal et massif des cotisations d'assurance maladie vers la CSG n'est pas acceptable : il entraîne une grande complexité et une opacité certaine du dispositif se traduisant par une pluralité de taux et la multiplication des compensations nécessaires.

Si la recherche d'une assiette plus dynamique pour les ressources de la sécurité sociale est nécessaire, la mesure proposée par le projet de loi n'a pas fait l'objet, à l'évidence, d'une étude préalable sérieuse quant à ses conséquences effectives.

Concernant les allocations familiales, qui constituent une question de principe, le Sénat a voté, à titre exceptionnel, une légère majoration de la CSG afin de garantir l'équilibre de la branche famille et proscrire un bouleversement des fondements mêmes de la politique familiale, annoncé comme provisoire dans l'attente d'une réflexion globale sur cette politique.

En conclusion, M. Jean-Pierre Fourcade, vice-président, a réitéré sa demande que la commission mixte paritaire se prononce sur la réserve de l'article premier.

M. Alain Vasselle, tout en précisant qu'il ne reviendrait pas sur ce qui avait été excellemment dit au fond par le rapporteur du Sénat et le président Fourcade, s'est demandé si la proposition du président Bartolone de se prononcer immédiatement sur l'article premier ne répondait pas à une arrière-pensée stratégique. Les positions des membres de la commission mixte paritaire sont en effet différentes selon les dispositions du projet de loi, comme l'a confirmé Mme Nicole Borvo. L'expression du vote différerait donc sur chaque article alors qu'une telle différence ne peut s'exprimer sur le résumé des orientations du projet de loi que constitue le rapport annexé à l'article premier.

M. Claude Bartolone, président, a fait observer que l'intervention de M. Alain Vasselle montrait clairement que la demande de la réserve de l'article premier relevait d'une logique politicienne, visant à mettre en difficulté la représentante du groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat. Pour éviter ce piège, il convient d'aborder la discussion des articles par l'article premier qui est un condensé des divergences de fond entre les deux assemblées, divergences d'ailleurs anciennes si on se souvient que le Gouvernement de M. Michel Rocard avait failli se faire renverser lorsqu'il avait institué la CSG.

M. Claude Bartolone, président, s'étant opposé à la demande de vote sur la réserve de l'article premier, la commission mixte paritaire est passée à l'examen de l'article premier.

M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, a présenté deux amendements au texte de l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire a adopte par sept voix contre six l'amendement présente par M. Charles Descours, rapporteu r pour le Sénat supprimant la partie du paragraphe 2-1-1 du rapport annexé relatif à la mise sous condition de ressources des allocations familiales.

Elle a ensuite adopté également par sept voix contre six un amendement présenté par M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, supprimant le chapitre 3 du rapport annexe relatif au financement protection sociale.

M. Alfred Recours, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a considéré que la commission mixte paritaire discutait d un texte qui n'existait plus puisque le Sénat s'est prononcé en dernier lieu.

M Claude Bartolone, président, a précisé qu'il n'y avait pas de règle conduisant la commission mixte paritaire à se prononcer sur le texte du Sénat plutôt que sur celui, de l'Assemblée nationale et qu'en conséquence, il mettrait d'abord aux voix la rédaction retenue par le Sénat pour l'article premier.

Après une suspension de séance, la commission mixte paritaire s'est prononcée sur l'article premier dans le texte du Sénat et l'a rejeté par sept voix contre sept.

Elle a ensuite rejeté, par sept voix contre sept, l'article premier dans le texte de l'Assemblée nationale tel que modifie par les deux amendements précédemment adoptés.

M. Claude Bartolone, président, a alors constaté que la commission mixte paritaire n'était pas en mesure, d'adopter un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de lot de sécurité sociale pour 1998.

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