3. Les limites de la convention : le cas des pays ne reconnaissant pas le principe de l'adoption

La convention de La Haye, en dépit de l'indubitable amélioration que constituera la moralisation de l'adoption internationale, se heurte à des limites naturelles que sont les conflits de loi liés à la non-reconnaissance du principe de l'adoption par certains pays .

Il s'agit, pour l'essentiel, de pays de droit musulman comme le Maroc et l'Algérie. Notons que la Tunisie est le seul pays du Maghreb à autoriser l'adoption (depuis une loi du 4 mars 1958), dans des modalités comparables à celles de l'adoption plénière française. Cette adoption reste néanmoins réservée aux adoptants musulmans.

La non-reconnaissance de l'adoption en droit musulman s'inspire du Coran ( " De vos enfants adoptifs, (Allah) n'a point fait vos fils " ). Une institution comparable existe néanmoins dans ces pays, la " Kafala " ou recueil légal, qui consiste en une simple prise en charge d'un enfant abandonné, avec obligation de l'élever, de l'éduquer et de l'entretenir. La Kafala ne produit cependant aucune conséquence en matière de filiation. Elle est de surcroît réservée aux musulmans.

Or de nombreux enfants sont abandonnés dans ces pays, essentiellement des enfants sans père, condamnés de facto à n'avoir aucune place dans ces sociétés, où n'est pas reconnu le lien de filiation par les femmes. Ces enfants sont donc confiés à des orphelinats, où leurs conditions de vie sont tellement difficiles qu'une association, émue de leur dénuement, s'est constituée en Algérie en 1984 pour trouver des familles d'accueil pour ces enfants. Depuis plus de dix ans, des familles françaises recueillent donc des enfants originaires du Maroc et d'Algérie, sans qu'aucun lien de filiation puisse être établi par le juge entre ces enfants et leur famille d'accueil. En effet, le ministère de la Justice proscrit l'adoption d'un enfant originaire d'un Etat qui ne reconnaît pas le principe de l'adoption, car il est impossible, dans ce cas, d' apprécier la régularité ou la portée du consentement des représentants légaux de l'enfant. Selon certains jugements se référant à la tradition marocaine, la mère biologique de l'enfant ne confie celui-ci qu'en vue d'une prise en charge destinée à l'entretien et l'éducation de l'enfant. De plus, selon les autorités marocaines et algériennes, l'enfant adopté par des Français ne perdrait ni sa nationalité d'origine, ni sa religion musulmane.

Rappelons toutefois qu'un enfant originaire d'Algérie ou du Maroc peut aussi être adopté en France (cas d'une mère algérienne ou marocaine venant accoucher en France), et que dans ce cas il peut accéder à la nationalité française. Le conflit de loi se pose réellement dans le cas d'enfants originaires de ces pays et recueillis dans leur pays d'origine. Dans ce cas, la famille d'accueil peut obtenir délégation de l'autorité parentale, ou une tutelle de droit commun, à l'exclusion de tout lien de filiation. L'enfant ainsi recueilli ne peut porter le nom de ses " parents ", n'acquiert pas leur nationalité, et, sur son acte de naissance, la mention " néant " figure aux rubriques " père " et " mère ". Cet enfant demeure de surcroît, en France, soumis à la législation relative au séjour des étrangers.

Les conséquences de cette impasse juridique sont donc particulièrement douloureuses. Elles doivent dissuader les familles d'adopter à tout prix des enfants ressortissants d'un pays qui prohibe l'adoption. L'arrêt de la cour de cassation du 10 mai 1995 a créé une jurisprudence favorable en la matière, en prononçant l'adoption plénière d'un enfant marocain, dont le représentant légal avait accepté en l'absence de législation nationale relative à l'adoption, la rupture de la filiation d'origine. Mais il convient d'éviter des situations où un enfant aurait simultanément deux états-civils, l'un dans son pays d'origine, l'autre dans son pays d'adoption. Et d'autre part, la convention de La Haye stipule clairement que c'est à l'Etat d'origine de l'enfant que revient la détermination de l'adoptabilité de l'enfant (article 4).

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