EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE PÉNAL

Article premier
Suivi socio-judiciaire

Cet article a pour objet de créer une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire susceptible d'être prononcée à l'égard des personnes condamnées pour un crime ou un délit à caractère sexuel.

A l'occasion de la première lecture, votre rapporteur avait consacré une dizaine de pages au commentaire de cette disposition (Sénat 1997-1998, n° 49, pages 53 et suivants). Aussi ne juge-t-il pas nécessaire de revenir dans le détail sur cet article.

Rappelons néanmoins que cette peine complémentaire emporte, pour le condamné, l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, à des mesures destinées à prévenir la récidive : s'abstenir de paraître en certains lieux, de fréquenter des mineurs... Le suivi socio-judiciaire peut également comprendre une injonction de soins, si une expertise médicale établit que l'intéressé est susceptible de suivre un traitement. - Adopté -

Par ailleurs, la décision de condamnation doit fixer la durée maximum de l'emprisonnement encourue par le condamné en cas d'inobservation de ses obligations.

Au-delà de l'accord de principe des deux assemblées sur ce dispositif, des différences subsistent sur quatre points.

· Sur l'appellation des mesures auxquelles le condamné à un suivi socio-judiciaire devra se soumettre

L'Assemblée nationale souhaite dénommer " mesures de surveillance " celles auxquelles tout condamné à un suivi socio-judiciaire devra toujours se soumettre et " mesure d'assistance " celles qui ne lui seront imposées que sur décision expresse de la juridiction.

En première lecture, le Sénat les avait dénommées respectivement " mesures de contrôle " et " mesures d'aide ".

Votre commission des Lois rappelle que ces deux dernières expressions correspondent à la terminologie tant du code de procédure pénale (articles 739 et suivants) que du code pénal (articles 132-44 et suivants) pour des mesures identiques. Le projet de loi définit d'ailleurs les mesures du suivi socio-judiciaire en renvoyant précisément à l'article 132-44 du code pénal.

Il semble donc plus satisfaisant, sur un plan strictement juridique, de dénommer " mesures de contrôle " et " mesures d'aide " les obligations du condamné à une peine de suivi socio-judiciaire. Aussi votre commission des Lois vous soumet-elle trois amendements à cette fin.

· Sur la durée maximale du suivi socio-judiciaire

Revenant à son texte de première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité fixer cette durée à cinq ans en cas de délit et à dix ans en cas de crime

Plusieurs personnes entendues par votre commission des Lois lors de la journée d'auditions publiques du 15 octobre 1997 ou par votre rapporteur ont dénoncé le caractère arbitraire de cette durée:

- d'abord, elle peut se révéler trop courte, d'autant plus que les médecins s'accordent pour affirmer que les soins n'ont pas d'effet curatif mais seulement symptomatique : le délinquant peut redevenir aussi dangereux qu'avant dès qu'il cesse le traitement ;

- en second lieu, il est paradoxal que la durée de la peine la moins contraignante (le suivi socio-judiciaire) soit inférieure à celle de la peine la plus lourde (la prison). Ainsi, l'auteur d'un crime pourrait être condamné à trente ans de réclusion ou a perpétuité mais, en cas de libération, ne serait pas tenu à être suivi plus de dix années.

En première lecture, votre rapporteur avait souligné que le paradoxe était encore plus net pour les délits " puisque le suivi socio-judiciaire peut se substituer à la prison : imagine-t-on que la juridiction remplace dix ans de prison par cinq ans de suivi socio-judiciaire ? "

Inversement, votre commission des Lois reconnaît qu'une personne peut difficilement être suivie toute sa vie par un médecin traitant, en relation avec un médecin coordonnateur et sous le contrôle du juge de l'application des peines.

C'est pourquoi, elle juge souhaitable d'augmenter sensiblement la durée maximale du suivi socio-judiciaire sans pour autant que celle-ci puisse être illimitée.

Votre commission des Lois vous propose donc un amendement portant la durée maximale de la peine de suivi socio-judiciaire de cinq à dix ans en cas de délit et de dix à vingt ans en cas de crime.

· Sur la durée de l'emprisonnement encouru en cas de méconnaissance du suivi socio-judiciaire

L'Assemblée nationale souhaite opérer une distinction selon que le suivi socio-judiciaire aura été prononcé pour un délit ou pour un crime : la juridiction pourrait fixer la durée de l'emprisonnement encouru à deux ans dans le premier cas et à cinq ans dans le second. Lors de la première lecture, votre commission des Lois avait fait observer qu'une durée maximale de deux ans en cas de délit risquait, dans certaines hypothèses, de se révéler insuffisante et ce d'autant plus que deux juridictions pourraient décider de la réduire :

- la juridiction de jugement tout d'abord, pour laquelle cette peine ne constituerait qu'un maximum, conformément aux principes généraux du nouveau code pénal ;

- le juge de l'application des peines en second lieu, qui pourra décider de ne mettre à exécution qu'une partie de la peine fixée par la juridiction.

Par ailleurs, dans la mesure où, comme vous le propose votre commission des Lois, la durée du suivi socio-judiciaire en cas de délit serait portée à dix ans, le condamné pourrait préférer accomplir un maximum de deux années de prison plutôt que se soumettre durant dix ans à une série de mesures fort contraignantes. C'est pour éviter qu'un tel calcul " coût-avantages " ne joue au préjudice du suivi socio-judiciaire que votre commission des Lois vous propose un amendement portant de deux à cinq ans la durée maximale de l'emprisonnement encouru pour inobservation dudit suivi en matière correctionnelle.

· Sur l'expertise préalable à toute injonction de soins
Le principe d'une expertise médicale avant le prononcé d'une injonction de soins a été admis par les deux assemblées.

Une différence subsiste néanmoins quant aux modalités de cette expertise.

En première lecture, le Sénat avait supprimé l'exigence d'une " double expertise " posée par l'Assemblée nationale.

Certes, comme l'avait indiqué à votre rapporteur M. le Professeur Victor Courtecuisse, membre du Comité national d'éthique, l'appréciation de l'aptitude d'un délinquant sexuel à recevoir des soins peut nécessiter une expertise à la fois psychiatrique et somatique, tout particulièrement endocrinologique.

Le Sénat n'avait pas jugé utile d'aller jusqu'à exiger une double expertise et ce pour les raisons suivantes :

- il peut se présenter des hypothèses dans lesquelles le délinquant est manifestement apte à recevoir des soins. Une seconde expertise ne ferait alors qu'accroître les coûts et la durée de la procédure ;

- rien n'empêche de procéder effectivement, en une seule expertise, à une analyse à la fois psychiatrique et endocrinologique du condamné, soit que l'expert ait la double fonction, soit que l'expertise soit réalisée par un collège d'experts ;

- enfin, en cas d'incertitude, la juridiction de jugement peut toujours, en application de l'article 159 du code de procédure pénale, ordonner une nouvelle expertise.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a, dans une large mesure, pris en compte les observations du Sénat.

Elle a en effet prévu une expertise réalisée par deux experts dans deux séries d'hypothèses :

- pour les crimes les plus odieux (meurtre ou assassinat de mineur accompagné de viol ou d'actes de barbarie). Sur ce point, la solution de l'Assemblée nationale  consacrerait une pratique constante puisque, selon les informations fournies à votre rapporteur, ces infractions, donnent d'ores et déjà lieu à des expertises réalisées par deux ou plusieurs expert. C'est pourquoi votre commission des Lois estime que cette solution peut être retenue ;

- " lorsque les circonstances de l'affaire ou la personnalité de la personne poursuivie le justifie ". Sur ce point, l'adjonction de l'Assemblée nationale est redondante avec l'article 159 précité qui prévoit d'ores et déjà la possibilité de désigner plusieurs experts " si les circonstances le justifient ". C'est pourquoi votre commission des Lois vous soumet un amendement supprimant cette adjonction.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent article premier modifié par les six amendements ci-dessus présentés.

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