2. Le transport fluvial a souffert d'une organisation administrée et quelque peu archaïque

L'organisation traditionnelle de la batellerie reposait sur le régime du " tour de rôle ", déjà en vigueur avant qu'une loi du 22 mars 1941 n'en formalise les principes.

Dans ce système, les relations commerciales entre transporteurs et chargeurs n'étaient pas libres. Un artisan désireux de recevoir un chargement devait se présenter à une bourse d'affrètement et s'inscrire sur une liste. De leur côté, les chargeurs proposaient leurs offres de trafic. Puis, à tour de rôle, les artisans acceptaient ou non les offres en fonction de tarifs administrés par l'Etat.

Comme l'ont souligné plusieurs personnalités devant votre commission d'enquête, les bateliers ont eu trop tendance à penser que le " tour de rôle " était la " garantie de leur survie ". De leur côté, les armements et les flottes industrielles se sont plaints de l'insécurité juridique qui planait sur les contrats passés avec les chargeurs car tout accord était susceptible d'être " ristourné " au tour de rôle.

Il est probable que la persistance d'un système archaïque jusqu'à l'adoption de la loi n° 94-576 du 12 juillet 1994 relative à l'exploitation commerciale des voies navigables a favorisé le déclin de la batellerie française artisanale 20( * ) . Une personnalité auditionnée par votre commission d'enquête insistait sur ce point : " Un peu comme les dockers, la batellerie française, notamment artisanale, a vécu à l'abri d'une espèce de marché protégé, mais largement au-dessous du SMIC d'où une répartition de pénurie dans des conditions parfois très misérables ".

La loi du 12 juillet 1994 précitée a posé les bases d'une plus grande compétitivité du transport fluvial en prévoyant :

- une réforme progressive du tour de rôle pendant une période de six ans au cours de laquelle la compétitivité des bateliers français pourrait s'améliorer ;

- un assouplissement du régime des contrats de transport facilitant leur libre négociation.

Dans le même esprit, une directive n° 96/75/CE du Conseil de l'Union européenne du 19 novembre 1996 relative aux modalités d'affrètement et de formation des prix des transports de marchandises par voies navigables a, quant à elle, prévu les modalités d'une libéralisation de l'affrètement fluvial. Ce texte comporte deux dispositions essentielles.

En premier lieu, il dispose que dans le domaine des transports nationaux et internationaux de marchandises par voie navigable dans la Communauté, les contrats sont librement conclus entre les parties concernées et les prix librement négociés .

Il prévoit, en second lieu, que les Etats peuvent, pendant une période transitoire qui expire le 1er janvier 2000, maintenir un régime de tarifs minimaux obligatoires ainsi que des systèmes d'affrètement à tour de rôle dans certaines conditions, sauf pour les marchandises qui en sont de toutes façons dispensées (hydrocarbures, liquides et marchandises pulvérulentes en vrac notamment).

Il ressort des auditions que votre rapporteur a effectuées aux Pays-Bas, que la batellerie néerlandaise souhaite devancer la date de la libéralisation de l'affrètement afin d'accroître sa compétitivité.

Comme on le constate, les transporteurs fluviaux français sont, peu à peu, amenés à sortir du système administré pour adopter une démarche commerciale, à l'instar de leurs concurrents néerlandais.

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