C. UN SCHÉMA QUI S'EST RÉVÉLÉ IRRÉALISTE

1. Le réexamen à la baisse de la rentabilité des projets de lignes nouvelles

Le réexamen des calculs de rentabilité effectués lors de l'élaboration du schéma directeur résulte d'une révision à la hausse du coût au kilomètre de réalisation des infrastructures conjuguée à une diminution des estimations des recettes attendues.

L'augmentation du coût au kilomètre des lignes TGV constatée au fil des réalisations successives n'a, en effet, cessé d'augmenter. Celui-ci est passé aux conditions économiques de 1994, de 33,6 millions de francs au kilomètre pour le TGV-Atlantique à 40,1 millions de francs pour le TGV-Nord, à 55,2 millions de francs pour le TGV Rhône-Alpes (contournement de Lyon) et à 69 millions de francs pour le TGV-Méditerranée en cours de réalisation.

Les raisons de cette augmentation tiennent, pour l'essentiel, au renforcement des obligations légales relatives à la protection de l'environnement, en particulier celles sur l'eau et le bruit qui, accentuées dans certains cas par les pressions des populations de plus en plus averties des enjeux environnementaux, exigent des tracés ou des ouvrages qui s'avèrent plus coûteux. Il faut noter, au demeurant, que cette tendance est commune à l'ensemble des infrastructures de transport et qu'elle est constatée dans tous les pays européens, le coût kilométrique moyen des lignes françaises avoisinant désormais la moyenne européenne.

Parallèlement, les recettes attendues se sont révélées surestimées .
En ce qui concerne les recettes de référence, les estimations des trafics de référence, c'est-à-dire ceux attendus à l'échéance retenue pour le calcul en l'absence de réalisation d'infrastructure nouvelle, ont été révisées à la baisse, l'évolution du trafic voyageurs sur le réseau classique étant inférieure de près d'un tiers à celle attendue lors de l'élaboration du schéma directeur.

Par ailleurs, la déréglementation du transport aérien intérieur engagée à partir de 1992 a remis en question le postulat de l'avantage des liaisons ferroviaires à grande vitesse sur le trafic aérien pour des distances comprises entre 500 et 800 kilomètres. La forte baisse des tarifs sur les lignes pour lesquelles la concurrence était la plus vive ne permettait pas, en effet, une augmentation significative des tarifs, du moins dans la proportion envisagée par la SNCF lors de l'élaboration du schéma directeur.

La conjugaison de ces deux facteurs a eu pour résultat de faire apparaître que le supplément de recettes attendu des lignes envisagées était très inférieur aux prévisions antérieures. D'après les estimations publiées dans le rapport de M. Philippe Rouvillois, il diminuait de près de moitié pour les TGV Rhin-Rhône (1ère phase) et Lyon-Turin, des deux tiers pour le TGV Languedoc-Roussillon, d'un tiers pour le TGV Bretagne - Pays de Loire et se maintenait au voisinage des prévisions antérieures pour le TGV-Aquitaine.

Il en résultait qu' aucun des projets réestimés n'avait une rentabilité intrinsèque suffisante pour pouvoir être financé à partir de la seule contribution de la SNCF . En effet, les taux de rentabilité interne des projets s'établissent entre 1 et 3,5 % environ, ce qui rendait impossible leur réalisation par la seule SNCF pour laquelle l'investissement n'était réalisable, selon les valeurs en usage, qu'à partir d'une taux de rentabilité interne de 8 %.

Il faut souligner que le champ du rapport confié à M. Philippe Rouvillois excluait le TGV-Est qui fit l'objet d'un rapport de l'Inspection générale des finances et du conseil général des Ponts et Chaussées. Remises en juillet 1996 au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, ses conclusions rejoignent les constats effectués par M. Philippe Rouvillois.

Les auteurs du rapport notent, en effet, que " les raisons profondes de cette dégradation du bilan du projet tiennent à la réduction du trafic ferroviaire dans la région Est au cours des années passées, à la rigueur et au développement rapide de la concurrence aérienne et très probablement à la concurrence routière bien adaptée à beaucoup de liaisons au sein de la zone traversée, généralement peu dense et à l'armature urbaine dispersée ".

Cette analyse ne fait que souligner les inconvénients d'une planification ferroviaire fondée sur le souci d'assurer à tout prix la place d'un mode de transport face à ses concurrents et privilégiant une conception sectorielle des investissements sur une réflexion multimodale.

A travers le réexamen du schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse, est apparue l'idée que la plupart des projets inscrits au schéma directeur national des lignes à grande vitesse ne pouvaient, compte tenu de leur faible taux de rentabilité, être financés sans une contribution importante des collectivités publiques, cette constatation étant accentuée par l'aggravation de la situation financière de la SNCF.

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