2. Le fret ferroviaire : une possibilité de développement longtemps méprisée.

Les raisons économiques du déclin du transport ferroviaire de marchandises ont été analysées à de maintes reprises et elles sont désormais suffisamment connues : recul des trafics de pondéreux, absence de compétitivité en termes de délais, de coûts et de souplesse par rapport à la route, faible rentabilité, pénalisation aux passages de frontières.

Néanmoins, l'absence de dynamisme du fret tient également à une cause moins souvent soulignée mais qui est apparue déterminante aux yeux de votre commission : l'absence d'une politique de développement du transport ferroviaire de marchandises tant au niveau de l'Etat qu'au sein de la SNCF.

En dépit des atouts dont dispose la France en ce domaine (réseau dense, nombreux embranchements particuliers) et de l'intérêt qu'était susceptible de représenter ce mode de transport compte tenu de la longueur des distances à parcourir, le fret a longtemps été considéré comme le parent pauvre de l'activité ferroviaire .

Ceci résulte principalement de l'organisation du réseau ferroviaire qui repose, en effet, traditionnellement en France sur la priorité accordée au transport de voyageurs. Ce principe a pour conséquence de faire circuler les trains de marchandises quand aucun train de voyageurs n'est susceptible d'emprunter la voie. Rappelons, en effet, que la plupart des trains de marchandises roulent de nuit et à des vitesses limitées en raison des travaux d'entretien des voies.

Il en résulte pour le fret des problèmes de circulation aggravés par des phénomènes de congestion résultant de la saturation des infrastructures en certains points du territoire. Ainsi, sur la liaison Grande-Bretagne-Italie via le tunnel sous la Manche, qui transite par Modane et à laquelle se joignent les trafics venant de France ou de Belgique, 23 % des trains ont plus de 6 heures de retard et certains enregistrent des retards de plus de 24 heures. Cela ne peut que laisser songeur quand on sait que le tunnel sous la Manche doit se développer selon un rythme annuel qui avoisine 40 %.

La politique de développement du réseau ferroviaire conduite par l'Etat depuis le début des années 80 axée quasi-exclusivement sur la réalisation de lignes TGV reflète cette conception de l'exploitation de notre réseau. Les caractéristiques techniques des lignes à grande vitesse elles-mêmes en témoignent. En effet, à la différence des lignes construites en Allemagne, elles n'ont pas été conçues pour permettre le passage à des vitesses élevées de trains de marchandises. Par ailleurs, compte tenu des contraintes d'entretien qu'elles impliquent durant la nuit, elles n'offrent que peu de possibilités d'exploitation mixte. La modestie des subventions d'investissements consacrés au transport combiné par le biais du FITTVN qui ne s'élèvent qu'à 350 millions de francs alors qu'il apparaît aujourd'hui comme l'avenir du transport ferroviaire de fret est également très significative.

Le choix effectué en faveur du transport de passagers s'est traduit dans l'organisation interne de la SNCF comme dans ses options stratégiques. Ce n'est en effet que récemment qu'a été créée une direction du fret à la SNCF et que son responsable siège au conseil de direction de l'entreprise. Pendant longtemps, le fret n'a pas été considéré comme une véritable possibilité de développement pour l'entreprise ferroviaire. Ce n'est que depuis trois ans qu'une mobilisation a été engagée au sein de la SNCF autour de l'activité de fret en particulier dans le secteur du transport combiné dont l'avenir avait pourtant été considéré comme condamné par le directeur du fret de la SNCF lui-même devant la commission d'enquête sur la situation de la SNCF constituée à l'Assemblée nationale en 1994 ! 28( * )

Votre commission n'a pu disposer des éléments nécessaires pour déterminer le montant des investissements dont a bénéficié le fret au cours des 10 ou 15 dernières années. En effet, si on peut aisément identifier au cours des dix dernières années les investissements consacrés au réseau classique, il est très difficile de mesurer la part dont a bénéficié le fret. En effet, rares sont les investissements uniquement consacrés au transport de marchandises, de telles opérations étant au demeurant d'un coût modeste. Par ailleurs, les travaux de développement des lignes voyageurs, y compris ceux du TGV, ont pu bénéficier de manière déterminante au fret, dans la mesure où ils libèrent des sillons.

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