ANNEXE N° 4 -

SCHÉMA DU RESEAU TRANSEUROPÉEN DE TRANSPORT, SECTION VOIES NAVIGABLES (HORIZON 2010)
ANNEXE N° 5 -

SCHÉMA DU RESEAU TRANSEUROPÉEN DE TRANSPORT, SECTION ROUTES (HORIZON 2010)
ANNEXE N° 6 -

AUDITION DE M. JEAN-CLAUDE GAYSSOT,
MINISTRE DE L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS
ET DU LOGEMENT, LE 30 AVRIL 1998

M. Jean François-Poncet, président-. La séance est ouverte.

Monsieur le ministre, la commission d'enquête va bientôt rendre ses conclusions et c'est pourquoi nous voudrions vous demander quelles sont les grandes lignes de votre politique en matière d'infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et, bien entendu, multimodales.

Quelles sont nos préoccupations? Tout d'abord, croyez-vous au transport fluvial et, éventuellement, quels sont vos projets? A ce sujet, monsieur le ministre, vous deviez nous communiquer l'avis du Conseil d'Etat sur le décret annulant le canal Rhin-Rhône ; pourriez-vous nous le faire parvenir ?

Ensuite, s'agissant du transport ferroviaire, le fret nous intéresse au plus haut point. Des personnes parfaitement qualifiées nous ont dit que le problème du financement du TGV Est n'était pas encore résolu. Le président de la SNCF nous a indiqué que le financement des infrastructures était plus ou moins réglé mais que celui du matériel roulant, soit six ou sept milliards de francs, n'était pas prévu. En outre, des financiers nous ont indiqué que le paiement de l'infrastructure elle-même n'était pas résolu. Pourriez-vous nous donner des précisions, monsieur le ministre ?

Enfin, nous sommes très préoccupés par le réseau autoroutier. Nous pensons que l'aménagement du territoire passe par le transport autoroutier et par le désenclavement que lui seul permet de réaliser. Or, votre collègue chargée de l'aménagement du territoire cherche à nous faire croire que le réseau, tel qu'il a été prévu sous le Gouvernement de M. Balladur, ne peut plus être financé. Ce n'est pas ce que l'on nous a dit, y compris le directeur du Trésor que nous avons reçu hier. Le Gouvernement est libre de choisir sa politique, mais à condition de s'appuyer sur des arguments exacts. Devons-nous considérer que les transports de proximité constituent l'alpha et l'oméga de la politique du Gouvernement ? Dans une Europe unifiée autour de l'euro, ce sont les problèmes de développement, les problèmes stratégiques qui vont compter.

C'est vous dire que nous avons toutes sortes d'interrogations et d'inquiétudes, qu'il s'agisse du transport fluvial, du transport ferré et du fret ou du transport routier. Nous vous écoutons avec beaucoup d'attention et d'impatience, monsieur le ministre.

Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, je dois vous rappeler que les personnes entendues par une commission d'enquête prêtent serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Je vais donc vous demander de lever la main droite et de dire : "Je le jure."

(M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement prête serment.)

M. le ministre . Vous pouvez compter sur moi, en fonction des éléments qui sont à ma disposition, pour vous dire toute la vérité.

Les questions qui sont posées sont importantes et je me félicite que le Sénat ait entrepris ce travail qui, je le souhaite, va m'être utile. Car je ne prendrai pas de décisions sans avoir au préalable entendu toutes les opinions, en particulier celles de la représentation nationale.

Mais lorsque j'ai lu les attendus de la commission d'enquête, j'ai été un peu gêné par certains faux propos.

L'exposé des motifs de la commission d'enquête précise que le ministre choisit d'arrêter les chantiers dès qu'il y a une contestation. Ce n'est pas vrai. Par ailleurs, il suggère que ma préférence irait à l'utilisation du système pendulaire plutôt que de faire des lignes nouvelles. Je n'ai jamais déclaré cela. Je crois qu'il faut non seulement utiliser le train pendulaire, mais aussi créer des lignes nouvelles à grande vitesse afin de libérer des potentialités pour le trafic ferroviaire; c'est mon opinion. Je ne développerai pas ces questions.

Monsieur le président, j'attends beaucoup des conclusions que la commission va rendre pour m'aider dans les choix politiques que nous allons faire ensemble après discussions.

La règle est de dire toute la vérité, je le ferai. Je ne pense pas détenir la vérité, mais il est des projets auxquels je crois, en fonction des éléments dont je dispose. Ma première décision, dès que la commission d'enquête a été mise en place, a été d'enjoindre à l'administration qui dépend de moi d'ouvrir tous les dossiers et de répondre à toutes les questions.

Nous sommes face à un enjeu considérable par rapport à l'évolution même de la société. Je pense qu'il ne faut pas réduire le niveau d'équipement de la société. C'est peut-être un peu philosophique, monsieur le président, mais c'est le fond de ma pensée. Je considère qu'un pays qui ne s'équipe pas est un pays qui recule. Or, les transports constituent un élément déterminant du développement de la civilisation. Donc, comment faire pour ne pas réduire le niveau de développement et pour réaliser les infrastructures indispensables ?

Parallèlement, il nous faut être à l'écoute des gens. Même si les sénateurs ont l'avantage - certains disent que c'est un inconvénient - de ne pas être, comme d'autres, soumis à des échéances rapprochées, ils voient comme moi que la société se préoccupe de plus en plus des problème d'environnement, de la qualité de la vie. Il nous faut prendre en compte cette dimension et ne pas en avoir peur. Manifestement, monsieur le président, vous n'aimez pas trop ma collègue...

M. Jean François-Poncet, président - . C'est ce qu'elle dit que je n'aime pas ! Nous l'apprécions mais pas sa politique...

M. le ministre- . Monsieur le président, nous devons absolument prendre en compte la dimension environnementale et la qualité de vie ; la société le demande, l'exige. Il faut trouver des réponses tenant compte à la fois des enjeux économiques, du développement de la civilisation, des activités, des réseaux, de la lutte contre les nuisances, afin d'assurer un développement durable.

Par ailleurs, les transports sont appelés à se développer pour faciliter les échanges, en particulier au niveau européen, mais aussi au niveau mondial. Même si certains cycles ne vont pas dans ce sens, la tendance générale est au progrès. Comment aider la société, sans l'administrer, à se servir de chaque mode de transport et éviter les écueils que nous pouvons constater aujourd'hui en laissant les choses aller. Le fondement de ma démarche consiste à jouer la complémentarité, l'intermodalité, pour bénéficier des atouts du rail, de la route, du fluvial et de l'aérien et non pas à les opposer dans une concurrence excessive. Telle est la problématique à laquelle nous sommes tous confrontés.

Je ne crois pas à la mort du transport fluvial, même si la France n'a pas la même configuration géographique que les Pays-Bas ou la Belgique. Sur une partie du territoire, la France peut faire des choix qui conduisent à une certaine dynamique du transport fluvial. Pour autant, je sais bien que les grands enjeux du transport terrestre se situent au niveau de la route et du rail.

Je crois au développement du trafic routier, mais en même temps il nous faut faire des progrès dans le transport routier, en limiter le développement afin de ne pas arriver à l'asphyxie, dans l'intérêt même de la route et des automobilistes. C'est ce que nous entendons tous les jours. Nous devons donc favoriser un meilleur équilibre entre la route et le rail. Nous devrions avoir pour ambition de doubler, dans les dix à quinze prochaines années, le trafic du fret sur le réseau ferré. Cela nécessite beaucoup de réflexion, de propositions, d'engagements, voire de décisions importantes. Telle est ma philosophie générale, qui se situe dans un cadre européen.

Je regrette que, ces dernières années, la directive "européenne" travaux n'ait pas été suffisamment prise en compte. Je ne ferai pas de la politique "politicienne", mais il suffit de voir les contentieux dont j'ai hérités sur l'autoroute A 86 ! Si on avait mieux intégré les choix faits par la France - non pas contre la France, mais acceptés par elle - en prenant en compte la dimension européenne, peut-être serions-nous plus à l'aise aujourd'hui.

S'agissant du TGV, nous avons dû faire face à 2.300 kilomètres de projets de lignes à grande vitesse sans financement. Dans mes contacts avec les parlementaires, j'ai choisi l'information et la transparence. Je ne sais pas comment faire pour répondre aux besoins sans en avoir les moyens. Mais aucun ministre, sauf à faire des déclarations électoralistes, ne peut répondre à ce type de problématique. Il faudrait 400 milliards de francs pour réaliser les objectifs qui étaient fixés. Nous n'en avons pas les moyens.

Quand je suis arrivé au ministère, je ne pouvais même pas achever le TGV Méditerranée. C'est la première question que j'ai eu à résoudre, même si je ne l'ai pas rendue publique.

Pour ce qui est du TGV Est et du TGV Rhin-Rhône, nous avons avancé la procédure et les moyens. Sont-ils totalement financés ? La décision du Gouvernement est de passer de 3,5 milliards de francs à 8 milliards de francs de participation de l'Etat. Evidemment, je vais discuter puisque un concours public de l'ordre de 16 milliards de francs est nécessaire, la première phase des travaux coûtant 18,7 milliards de francs. J'ai décidé que je mènerai à bien ce projet et, dès maintenant, je travaille dans ce sens avec les autorités européennes, le Luxembourg et les régions intéressées. Voilà où j'en suis, mais cela ne retardera pas les travaux, j'en suis convaincu.

Ma collègue luxembourgeoise a déclaré publiquement que l'on ne retarderait pas les travaux à cause du Luxembourg. Je suis persuadé que les régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine adopteront la même démarche. J'agis également auprès de la Communauté européenne, puisqu'il s'agit du " TGV Est européen ", expression que je vous demande d'utiliser pour m'aider.

Le Gouvernement a décidé d'abandonner le projet de canal Rhin-Rhône. C'est cela aussi le droit à l'alternance, c'est-à-dire le droit à la démocratie. Mon ambition est de réaliser un TGV Rhin-Rhône destiné au transport des voyageurs et de libérer ainsi le créneau de la ligne classique qui, mise au gabarit, permettra la circulation de millions de tonnes de marchandises vers la vallée rhodanienne.

M. Gérard Larcher, rapporteur. Vous venez d'aborder l'affaire du canal Rhin-Rhône. C'est une décision politique prise par le Gouvernement, je n'insiste pas. J'ai envie de vous interroger sur les ports. Si vous deviez avantager le port du Havre ou celui de Marseille, sur lequel des deux feriez-vous porter vos efforts ?

Quel est votre sentiment sur la mise en place pour le fret d'une voie ferrée particulière qui permettrait de relier le Rhin au port de Marseille en contournant Lyon-Satolas et en utilisant les portions TGV ?

Nous ne pouvons pas attendre quinze ou vingt ans pour "greffer le fret français dans la dimension européenne." Vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre, les cartes ferroviaires éditées à Rotterdam et à Anvers ne prennent pas en compte un passage vers la France. Plus grave encore, les opérateurs américains prennent position à Bruxelles, Rotterdam et Anvers. Une question semblable pourrait vous être posée à propos du port du Havre.

Sur dix ans, monsieur le ministre, les moyens dont vous allez pouvoir disposer seront-ils suffisants pour conduire une véritable politique d'infrastructures terrestres ? Accorderez-vous une priorité au transport ferré ? Le schéma autoroutier doit-il être continué ?

Nous entendons parfois Mme Voynet dire que les technologies de l'information sont une panacée. Nul plus que moi-même croit en leur avenir.

Cependant qu'on le veuille ou non, si les infrastructures ne créent pas l'activité, il n'y a jamais d'activité sans infrastructures. Une politique d'équilibre et d'harmonie du territoire passe par le choix d'un certain nombre d'infrastructures dont la rentabilité s'appuie non sur la seule logique économique mais sur la volonté politique.

J'en viens au péage interurbain et au péage intra-urbain. La France dispose d'un vaste territoire. les usagers doivent payer pour la distance parcourue entre deux points de ce territoire, mais aucune participation ne leur est demandée dans les secteurs où la circulation est la plus dense. Nos discussions avec nos collègues hollandais, qui sont des spécialistes en la matière, ont mis en évidence la nécessité de conduire des réflexions sur ce sujet.

La mise en place d'un péage intra-urbain ne serait-elle pas d'une plus grande efficacité que l'application de la circulation alternée pour favoriser le retour vers les transports collectifs ?

L'achèvement du canal Seine-Nord, dont le coût sera de 15 milliards de francs, vous apparaît-il être une priorité par rapport au développement du fret ou à l'achèvement d'un programme de schéma autoroutier ? Cette réalisation vous apparaît-elle s'inscrire dans une volonté réelle des opérateurs français, qu'ils soient portuaires, industriels ou chargeurs ? Est-ce une espèce de compensation pour les "déprimés du fluvial" ?

Croyez-vous vraiment à la mise en oeuvre d'un réseau fluvial à grand gabarit ? Les crédits dégagés en faveur du secteur fluvial suffiront à peine à assurer la remise en état du réseau existant.

J'observe que si les crédits affectés au secteur ferré progressent en France de 33 %, dans le même temps un effort véritablement colossal est engagé en Allemagne sur le même secteur.

M. le ministre . Je vous remercie de vos questions. A l'origine j'avais été quelque peu choqué des motifs qui ont présidé à la constitution de cette commission d'enquête. Or vos questions témoignent de votre volonté de procéder à un travail sérieux hors de tout débat de type politicien.

M. Gérard Larcher, rapporteur - . Tout à fait.

M. le ministre . Je sens dans la réflexion du Sénat une volonté de présenter des propositions. Toutes les informations qui m'ont été rapportées depuis le 11 décembre 1997 me confortent dans l'idée que le travail accompli est sérieux.

La politique menée dans le domaine portuaire a des répercussions sur les différents modes de transport. En 1997 le trafic a augmenté de 8 % dans les ports français. Cette progression n'est pas uniforme. Il convient de procéder à une étude fine pour déterminer les causes de ces disparités. Le trafic a augmenté dans certains ports de 40 % tandis qu'il a fléchi dans d'autres. J'attends vos observations, elles m'aideront.

La France occupe le vingt-sixième rang mondial pour les activités portuaires. Ce n'est pas la place du quatrième pays exportateur du monde. Nous avons examiné toutes les propositions afin de valoriser l'activité de nos façades océanographiques et méditerranéennes.

Nous avons essayé de favoriser les investissements portuaires, nous ne les avons pas réduits. Toutefois, j'en suis conscient, nous sommes loin de faire tout ce qu'il faudrait faire.

Une grande part de l'efficacité de nos ports repose sur l'hinterland. Vous avez évoqué ce problème avec le réseau ferré, vous auriez pu me poser cette question à propos du réseau fluvial à grand gabarit : ne sommes-nous pas en train de favoriser les ports du Nord au détriment de notre activité portuaire ? Le travail de la commission d'enquête sera fructueux pour nous aider à formuler des propositions sur ces questions majeures.

Nous ne devons pas nous en tenir à de simples déclarations. Comme parlementaire de l'opposition, j'ai entendu trop de déclarations qui contredisaient la réalité des faits pour continuer dans cette voie. Comme je ne suis pas méchant, je ne relèverai pas les contradictions de mes prédécesseurs. Je tiens tout de même à souligner que les investissements en matière portuaire avaient diminué de près de 40 % en dix ans en France.

J'en arrive à l'activité fluviale. L'Etat doit gérer 8 000 kilomètres de voies d'eau à caractère touristique ou ouvertes au fret. J'ai parlé tout à l'heure de multi-modalité et de complémentarité. Si la décision de ne pas réaliser la liaison Rhin-Rhône a été prise, elle ne signifie pas pour autant que nous allons abandonner les voies navigables. Des engagements sont pris à cet égard.

M. Gérard Larcher, rapporteur - . La fin du dragage de la Saône jusqu'à Chalon-sur-Saône ?

M. le ministre . Oui, le financement de ces travaux est prévu sur les crédits du FITTVN en 1998. Par ailleurs, j'ai demandé à M. le Préfet de Picardie de travailler sur les problèmes de voie d'eau. Il ne s'agit pas d'une politique de compensation. Nous reconnaissons l'intérêt que présente le développement du réseau fluvial pour des raisons lices à la géographie et au relief dans le Nord de la France.

J'ai demandé au Préfet de ne pas se contenter d'écouter les élus et les acteurs locaux mais aussi de discuter avec les acteurs de l'Ouest. Nous devons mettre en valeur l'intérêt que présente cette liaison fluviale pour l'Ouest. La circulation doit être prise en compte dans les deux sens. C'est la seule manière d'apprécier l'impact d'une telle mesure. C'est vrai pour le transport routier, ce l'est aussi pour le transport ferré et pour le transport fluvial. L'Ouest devrait tirer profit d'une telle opération.

Nous devons aussi, c'est évident, favoriser le développement des corridors. Vous dites "les autres le font, nous pas". Je préfère aborder cette question sur un angle différent : que pouvons-nous faire au plan européen ?

M. Gérard Larcher, rapporteur . Cette dimension européenne figure en toutes lettres.

M. le ministre . La directive européenne n° 91-440 peut nous aider à faire avancer les discussions entre sociétés de chemin de fer, qu'elles soient publiques ou privées. Dans cette affaire je ne me contente pas de faire des propositions, je traduis mes intentions dans les actes. Aujourd'hui le seul corridor qui fonctionne en Europe c'est celui qui relie la Belgique, le Luxembourg, la France vers Marseille, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, non le corridor prévu par les tenants du libéralisme.

Sans aller vers la concurrence intra-modale proposée par la Commission européenne, nous démontrons, en acceptant une concurrence inter-modale, notre capacité à développer un réseau de fret européen. J'ai donc proposé, dimanche dernier lors d'une réunion informelle du conseil des transports et de l'environnement à Chester, d'aller vers la constitution d'un réseau de fret européen. Un tel réseau permettra de transporter par le rail l'excédent de marchandises acheminées par la route.

Nous nous trouvons devant un problème d'une grande complexité. Les caractéristiques du système autoroutier sont bien connues. Ses résultats positifs sont indiscutables, mais ses limites apparaissent. Nous devons également tenir compte du poids représenté par l'endettement dans ce secteur. Nous devons aussi respecter la directive européenne relative aux travaux. Il faut savoir que la non-observation de cette directive de 1990 -je pense à 1'A 86- entraîne de lourds contentieux.

Les problèmes du transport ne doivent pas être traités de manière politicienne. Je n'accepterai pas que quiconque mette sur le dos du Gouvernement des choix décidés antérieurement. Dans le contexte actuel, nous n'avons plus le droit de financer des travaux autoroutiers de la même manière qu'auparavant.

D'ailleurs, M. le Président de la commission m'avait suggéré, sans exclure le système de la concession, de ne plus construire systématiquement de superbes autoroutes.

M. Jean François-Poncet, président . C'est bien cela. Je pourrai d'ailleurs vous suggérer de retenir un ou deux tracés.(Sourires.)

M. le ministre - . En fait nous cherchons un nouveau système dont la mise en place permettrait de réaliser une économie de l'ordre de 30 %. Nous devons cependant déterminer quel type de route permet d'assurer une bonne fluidité du trafic sur un tel réseau à une vitesse supérieure à 90 kilomètres à l'heure.

Dans le cas, Monsieur le rapporteur, où mes propos seraient insuffisamment précis, n'hésitez pas à me demander des réponses complémentaires, y compris par écrit.

M. Gérard Larcher, rapporteur - . Monsieur le ministre, vous qui avez été un député et un agitateur, si vous deviez écrire le rapport de la commission d'enquête sénatoriale et si vous aviez envie de faire pression, de manière démocratique et non politicienne, sur le Gouvernement, que feriez-vous ? Quelles seraient pour les dix prochaines années vos priorités en matière d'infrastructures terrestres par rapport aux enjeux européens dans une perspective de développement et d'insertion dans l'Union européenne ?

M. le ministre . Mon objectif n'est pas de faire pression sur le Gouvernement.(Sourires). Il est de faire en sorte que le Gouvernement prenne les bonnes décisions.

Vraiment, nous devons nous situer sur le plan national et sur le plan européen. Nous voulons nous réorienter vers une dimension plus sociale que financière. Telle est l'idée de base.

Dans cette perspective, nous devons d'abord jouer la carte de tous les modes de transport et de toutes les qualités de chaque mode de transport. Ensuite, un effort énorme devra être accompli pour effectuer un rééquilibrage qui ne soit ni artificiel ni impossible à réaliser.

Ainsi, dans un rapport de cette commission d'enquête, il a été fait mention de 96 % de trafic en valeur absolue. Evidemment, la valeur n'est pas négligeable mais, dès lors qu'il s'agit de prendre en compte des problèmes de société et d'environnement, la référence doit être la tonne au kilomètre.

Au fond, si l'on ne vise que l'aspect financier en appliquant à telle dépense tel taux de rentabilité, on se décharge sur l'Etat pour assumer les conséquences. Je préfère intégrer dans la réflexion et dans l'analyse des choix sur dix ans la question des coûts externes comme la santé et l'environnement. Ensuite, on en tire le bénéfice à la fois pour les entreprises publiques et privées et pour la société.

Cette démarche vaut aussi pour le transport ferroviaire, aérien ou fluvial. Pour les cinq prochaines années, nous sommes dans une situation délicate et vos propositions me seront utiles notamment pour le développement et l'amélioration du réseau routier et autoroutier en fonction de l'existant.

Toutefois, il est hors de question, dans l'état d'esprit de mon ministère, de réduire l'engagement financier de l'État.

M. Gérard Larcher, rapporteur - . Avez-vous le sentiment que nous pouvons tout faire ? Le diagnostic sur le réseau routier est celui d'un malade en mauvais état.

M. le ministre . Dans cette vision globale, incluant le réseau ferroviaire dans la stratégie que je viens d'évoquer ainsi que le réseau routier et autoroutier, dégageons ensemble les priorités. Tout mon travail consiste aujourd'hui, et je compte sur vous pour ce faire, à définir les priorités.

A cet égard, j'ai lancé plusieurs études qui sont en cours et qui concernent notamment le RFF et la SNCF. Il existe des projets de 2 300 kilomètres de TGV : un milliard de francs de plus en faveur des investissements ferroviaires a été décidé par le Gouvernement d'ici à la fin du 12ème Plan.

J'évoque rapidement ce que nous avons décidé pour les contrats de plan dans le domaine ferroviaire : nous sommes passés de 270 millions à 500 millions de francs au minimum, soit presque le doublement des crédits actuels. Je pense même que ces crédits seront plus que doublés s'agissant du développement du réseau ferré, sa modernisation et son entretien. Au total, l'engagement de l' Etat représente 2,3 milliards de francs.

M. Gérard Larcher, rapporteur - . Certes, mais cela ne représente que 500 millions de francs d'opérations nouvelles. Ce montant ne suffira pas à effectuer les travaux pour le contournement de l'Ile-de-France ou d'une agglomération comme Lyon. Nous voulons connaître vos priorités sur ces points.

M. le ministre . Vous soulevez la question du paiement des investissements. Si la durée des remboursements était plus longue, la situation serait moins compliquée.

M. Gérard Larcher, rapporteur . Seriez-vous d'accord pour une politique d'emprunts à plus long terme ?

M. le ministre . Oui, c'est ce que je viens de vous dire.

M. Jean François-Poncet - . Monsieur le ministre, vous avez dit : il est hors de question de réduire l'engagement de l'État. Ai-je bien compris qu'il n'est pas question de revenir sur le schéma de développement autoroutier ?

M. le ministre . S'agissant du débat sur les réalisations, comment pourrais-je vous répondre positivement alors que vous savez que pour certaines autoroutes, notamment la A 51, j'ai arrêté l'enquête d'utilité publique ? Mais, je le répète : globalement, il est hors de question, dans l'état d'esprit du Gouvernement, de réduire les investissements sur les réseaux routiers et autoroutiers.

M. Jean François-Poncet, président - . Prenons l'exemple de la liaison Rhin-Rhône !

M. le ministre . La logique européenne impose plus de transparence sur le plan de la concurrence. Or, au lieu de s'inscrire dans cette logique, au moins pas à pas, certaines pratiques ont perduré.

Ainsi, je dois régler le dossier de la A 86, dont l'enjeu est de 11 milliards de francs ! J'aurais pu prendre le prétexte de la décision du Conseil d'Etat pour mettre à la trappe la déclaration d'utilité publique. Je ne l'ai pas fait parce que je crois à la nécessité du bouclage de ce dossier.

De plus, le contentieux ne met en cause que la transparence de l'appel d' offres. Aussi vais-je m'efforcer de trouver une solution pour mener à son terme la réalisation de la A 86.

Cette année sera discuté un projet de loi sur l'aménagement du territoire. L'objectif est de passer des schémas nationaux modaux à des schémas de service non seulement régionaux mais aussi interrégionaux et nationaux, à la fois pour le trafic voyageurs et le trafic marchandises. A l'occasion de la discussion de ce texte, monsieur Larcher, nous débattrons des priorités à mettre en oeuvre.

M. Jean François-Poncet, président - . Quid du financement du TGV-Est, y compris le matériel roulant ?

M. Gérard Larcher, rapporteur - . Il a été évoqué une somme de 10 milliards à 8 milliards de francs, avec une participation européenne de 3 %.

M. le ministre - . J'insiste pour que l'on parle du TGV-Est européen. En effet, l'Europe a la possibilité de prendre en charge jusqu'à 10 % du financement, hors matériel ferroviaire, du schéma européen à grande vitesse.

Actuellement, il s'agit de faire confirmer cet engagement européen. Mais je ne peux croire que l'Europe se mette en retrait sur un enjeu dont la dimension est européenne.

J'ajoute que j'ai proposé dimanche, au conseil informel de Chester, la mise en place d'un réseau ferré de fret européen.

Le financement de la première phase représente, au total, 18,7 milliards de francs. Cette somme se répartit de la façon suivante : RFF, qui gère les infrastructures, 2,7 milliards de francs ; l'État, 8 milliards de francs, soit le doublement de l'engagement précédent ; l'Europe, 2 milliards de francs ; les collectivités territoriales, 4 milliards de francs ; Luxembourg, 0,5 milliard de francs.

Par conséquent, il reste un ajustement de 1,5 milliard de francs. A mon avis, les régions concernées, surtout la région parisienne, peuvent faire un effort supplémentaire.

Je ne désespère pas d'avancer, mais j'ai besoin de tout le monde dans cette démarche d'autant, monsieur Larcher, que l'allongement de la durée du remboursement des emprunts du réseau routier et autoroutier permettra de libérer des potentialités.

Mme Janine Bardou - . La RN 88 fait-elle toujours partie de vos priorités ?

M. le ministre - . Madame, votre question se situe hors du cadre de la commission d'enquête. Ecrivez-moi et je vous répondrai.

Mme Janine Bardou - . Nous venons de prendre connaissance de l'avant-projet de loi sur l'aménagement du territoire. En effet, l'article 10 prévoit que les infrastructures seront étudiées en fonction de l'eau, de l'air et des risques naturels.

Dans une région comme le Massif central, vous connaissez les problèmes qui sont liés à la montagne. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

M. le ministre - . Je le répète, la société développée intégrera toujours plus les problèmes posés par la sécurité et l'environnement aux enjeux économiques. En même temps, je crois fortement que l'absence d'infrastructures et d'équipements nouveaux entraîne la stagnation puis le recul d'un pays.

C'est ma conviction profonde, que je défends avec Mme Voynet. Travaillons à une démarche nouvelle et intelligente pour définir et réaliser les objectifs que je qualifierai de "contraints" en respectant l'environnement.

Ce n'est un secret pour personne, je ne souhaite pas que l'on porte un coup d'arrêt à la réalisation des infrastructures nécessaires ; mais je tiens, autant que ma collègue, à intégrer l'enjeu environnemental...

Mme Janine Bardou - Elle n'est pas la seule, monsieur le ministre.

M. le ministre -...je suis, autant qu'elle, attaché à l'idée de réduire les besoins de déplacements contraints mais il faut également répondre aux besoins de déplacement des voyageurs et assurer le transport des marchandises. Il faut trouver un mode de développement harmonieux.

Vous avez fait état, madame Bardou, de la A 88 dans le Massif Central, mais nous menons également une réflexion sur la A 75 ; nous n'arrêtons pas, même si certains estiment que les choses ne vont pas assez vite.

Mme Janine Bardou . La question n'était pas là, monsieur le ministre.

M. Le ministre . Par exemple, s'agissant du viaduc de Millau, sur la A 75, quelle est votre position en ce qui concerne le péage ?

Mme Janine Bardou - Je réponds nettement : il faut un péage.

M. Jean François-Poncet, président - . Il faut des péages, sinon vous ne financerez jamais rien !

M. le ministre . Tout à l'heure j'ai sollicité vos propositions ; maintenant je compte sur votre aide pour convaincre votre ami M. Puech !

M. Jean François-Poncet, président - . Nous ne sommes pas liés, nous sommes démocratiquement indépendants ! Encore faut-il que vous n'empochiez pas les aides que l'on vous apporte sans, en échange, nous donner des satisfactions d'importance égale.

M. le ministre - . Je recherche toujours l'équilibre, monsieur le président...

M. Jean François-Poncet, président - . C'est ce que l'on appelait autrefois " l'avantage mutuel ".

M. le ministre . C'est ainsi que j'ai pratiqué avec les Américains...

M. Jean François-poncet, président - . Et ce n'était pas mal, d'ailleurs !

M. le Ministre . ...nous avons conclu, avec les Etats-Unis, un accord bilatéral sur le fondement de l'intérêt mutuel ; c'est un mot formidable !

M. Jean François-Poncet, président . Il est en usage depuis longtemps. Monsieur le ministre, je vous remercie.

La séance est levée.

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