Rapport n° 370 (1998-1999) de M. Xavier PINTAT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 mai 1999

N° 370

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 mai 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1), sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande ,

Par M. Xavier PINTAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 278 (1998-1999).

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée à Paris le 11 septembre 1997 entre la France et la Thaïlande.

A l'heure où la délinquance prend de plus en plus une dimension transnationale, les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale doivent favoriser la coopération judiciaire entre Etats. Alors qu'en l'absence de texte les demandes d'entraide judiciaire sont appréciées au cas par cas, les suites données étant laissées à la discrétion des gouvernements, l'existence d'une convention bilatérale permet de fixer un principe d'assistance, certes assorti d'exceptions, et de poser des règles précises de procédure destinées à accélérer le traitement des demandes.

Bien que le volume des affaires pénales concernant la France et la Thaïlande soit relativement faible, les relations avec l'un des principaux pays d'Asie du sud-est justifiait l'élaboration d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Par ailleurs, une convention d'entraide judiciaire en matière civile et commerciale devrait être prochainement signée entre les deux pays.

Avant de présenter le dispositif de la convention, au demeurant classique puisque inspiré de la convention européenne d'entraide judiciaire, votre rapporteur évoquera brièvement la situation intérieure de la Thaïlande et ses relations avec la France.

I. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN THAÏLANDE

Peuplée de près de 60 millions d'habitants, dont 9 millions dans sa capitale Bangkok, la Thaïlande constitue l'un des principaux pays du sud-est asiatique.

Caractérisée par sa cohésion et la solidité de sa monarchie, la Thaïlande a connu une croissance économique spectaculaire avant d'être fortement affectée par la crise financière asiatique.

A. LA SITUATION POLITIQUE

1. L'évolution politique intérieure

La Thaïlande constitue une exception dans le sud-est asiatique pour n'avoir jamais subi la colonisation. Elle se distingue par une forte homogénéité ethnique (plus de 75 % de la population est d'origine thaï) et religieuse (95 % de bouddhistes). Enfin, l'adhésion à la monarchie et à la personne du souverain, le roi Bhumibol sur le trône depuis 1946, constitue un facteur supplémentaire de cohésion.

Depuis 1932, la monarchie thaïlandaise a pris une forme constitutionnelle mais l'évolution démocratique du régime ne s'est réellement accentuée que depuis 1992 et le retrait de l'armée de l'exercice réel du pouvoir.

La vie politique est marquée par une forte instabilité gouvernementale liée au grand nombre de partis et à la fragilité des coalitions soumises à de fréquents renversements d'alliances. Elle souffre aussi, aux yeux de nombre d'observateurs, de faiblesses communes à beaucoup de pays asiatiques, telles que les pratiques clientélistes ou la collusion entre personnel politique et milieux d'affaires.

Une nouvelle Constitution est entrée en vigueur en 1997, avec pour objectif un affermissement de la démocratie. Parmi les réformes adoptées, dont certaines nécessitent néanmoins l'adoption ultérieure de lois organiques, on peut citer la modification du régime électoral, un cinquième des parlementaires étant élus à la proportionnelle et le restant dans le cadre de circonscriptions, l'élection, et non plus la nomination, des membres du Sénat et des conseillers territoriaux, l'instauration d'un tribunal constitutionnel et d'une commission électorale, l'obligation d'une déclaration de patrimoine pour les parlementaires.

L'actuelle législature, entamée après les élections générales de novembre 1996, a vu un nouveau premier Ministre, M. Chuan, succéder en novembre 1997 au général Chaovalit, contraint de démissionner à la suite des critiques sur sa gestion de la crise financière. Dirigé par le parti démocrate, le gouvernement de coalition a consolidé son assise en intégrant dans la majorité à l'automne dernier le parti " Chat Pattana ", comptant plus de 50 députés et qui avait participé au gouvernement précédent.

Le gouvernement de M. Chuan entend mener de profondes réformes structurelles , en particulier dans le domaine bancaire et financier, et lutter contre la corruption. Il doit néanmoins faire face au mécontentement lié au doublement, en l'espace d'une année, du taux de chômage, qui atteint 4,5 % de la population active, et à une contestation d'inspiration nationaliste menée par ceux qui, au sein des forces politiques ou des milieux d'affaires, lui reprochent de céder aux injonctions des institutions financières internationales dans la mise en oeuvre de son programme économique.

Le Premier ministre a par ailleurs manifesté son intention d'organiser des élections anticipées avant le terme normal de l'actuelle législature, qui devait s'achever en novembre 2000. Ces élections devraient se dérouler sous les auspices des nouvelles règles constitutionnelles. Elles constitueront un enjeu important au regard de la modernisation de la vie politique thaïlandaise et de l'affermissement de la démocratie.

2. Les relations extérieures de la Thaïlande

Parmi ses quatre pays voisins, c'est avec la Birmanie que la Thaïlande possède la plus longue frontière commune (1 500 km) mais c'est également avec elle que les relations sont aujourd'hui les plus difficiles, bien que Bangkok ait toujours milité pour un " engagement constructif " à l'égard de ce pays, en vue de sa réintégration progressive dans la communauté internationale. L'extension des zones désormais contrôlées par les forces armées birmanes a renforcé leur présence au long de la frontière thaïlandaise, non sans que cela ne provoque quelques incidents, notamment du fait de la présence de réfugiés karens en Thaïlande. Au début de cette année, c'est l'incursion de chalutiers thaïlandais dans les eaux territoriales et la zone économique exclusive birmane qui a entraîné des heurts entre les marines de guerre des deux pays. Les autorités de Bangkok se montrent préoccupées par le blocage de la situation politique en Birmanie.

Avec le Cambodge, les relations ont également traversé une longue période difficile, liée en particulier à la présence dans la zone frontalière des derniers réduits khmers rouges, vis-à-vis desquels, aux yeux des Cambodgiens, les autorités de Bangkok se seraient montrées trop tolérantes. La Thaïlande s'est toutefois impliquée dans les efforts de la communauté internationale pour une normalisation de la situation politique au Cambodge après la crise de l'été 1997. Elle a plaidé pour la création à Phnom Penh d'un Sénat, afin d'accroître la stabilité politique du régime, et en a fait une condition à l'entrée du Cambodge dans l'ASEAN, effective depuis quelques jours.

Les relations avec le Laos se sont notablement développées depuis 1991, surtout en matière économique. La Thaïlande a accordé au Laos une aide financière et y a réalisé de nombreux investissements.

Dans ces relations avec ses voisins immédiats et les autres pays de la région, la Thaïlande se trouve essentiellement préoccupée de favoriser l'émergence dans le sud-est asiatique d'un vaste marché susceptible de soutenir le développement économique. Dans cette optique, elle cherche à jouer un rôle moteur pour relancer l'ASEAN très affaiblie par la crise financière asiatique, par les difficultés politiques en Indonésie et en Malaisie, et handicapée, dans ses relations avec les pays occidentaux, par la question de la Birmanie.

Les considérations économiques jouent par ailleurs un rôle primordial dans les bonnes relations que la Thaïlande entretient avec le Japon, son premier partenaire, les Etats-Unis ou encore la Chine.

La Thaïlande assure depuis août 1997 la coordination des relations de l'ASEAN avec l'Union européenne. Dans le cadre des sommets Europe-Asie (A SEM), elle a organisé plusieurs réunions de travail et accueille depuis mars dernier le centre euro-asiatique des technologies de l'environnement.

B. LA SITUATION ÉCONOMIQUE

Après une longue période de croissance spectaculaire, la Thaïlande a été le premier pays touché par la crise monétaire et financière qui s'est étendue à l'ensemble des pays asiatiques. Elle tente aujourd'hui de sortir de la récession en menant une politique d'assainissement financier et en engageant de profondes réformes structurelles.

1. Une brutale récession

La Thaïlande a connu, depuis 1973, une croissance économique spectaculaire fondée au départ sur les surplus agricoles et sur une stratégie de production industrielle nationale se substituant aux importations. Le développement s'est par la suite orienté vers la promotion des exportations industrielles, véritable moteur de la croissance dont le rythme connaissait une accélération continue : de 1980 à 1996, le rythme annuel de croissance s'établissait à 8 %.

La crise monétaire et financière de l'été 1997 est brutalement venue interrompre ce cycle d'expansion. La suppression de l'arrimage du baht au dollar et sa dévaluation ont révélé, au-delà de la dégradation des comptes extérieurs, les déséquilibres profonds affectant le système économique et financier thaïlandais. Le PIB a stagné en 1997 puis reculé de 8 % en 1998. Au cours de la même année, la consommation a diminué de 13 % et l'investissement de près de 40 %. Le chômage a doublé et s'établit désormais à 4,5 % de la population active.

L'endettement extérieur du pays est considérable : plus de 85 milliards de dollars, soit près des trois quarts du PIB. Le surendettement du secteur privé l'est tout autant, la dette totale du secteur privé, bancaire et non bancaire, atteignant 240 % du PIB en 1998, avec une composante majoritaire de dette interne. Ce surendettement a pour contrepartie une grande fragilité du secteur bancaire.

2. Des perspectives de sortie de crise qui tardent à se manifester

Dès le mois d'août 1997, la Thaïlande signait avec le FMI un plan de sauvetage de 17,2 milliards de dollars , mettant en oeuvre une politique d'ajustement destinée à stabiliser la monnaie et à améliorer les finances publiques puis elle s'engageait à appliquer rapidement un rigoureux programme de réformes structurelles.

Ces réformes visent quatre domaines principaux : la réforme bancaire, la restructuration de la dette, le droit des entreprises et les privatisations. Elles s'avèrent longues et parfois difficiles à mettre en oeuvre.

La réforme bancaire s'est traduite par la fermeture ou la fusion de plusieurs banques et par une recapitalisation des établissements principalement supportée par le budget de l'Etat, pour un coût considérable (30 % du PIB), cette aide budgétaire étant accordée moyennant des mesures d'assainissement et de restructuration. Cette politique se heurte toutefois à la résistance de nombreux établissements préférant éviter les contraintes imposées par l'Etat pour trouver sur le marché domestique des financements qui leur permettraient de survivre.

Encouragée par les pouvoirs publics, la renégociation de la dette privée n'avance que très lentement compte tenu notamment des réticences des débiteurs à satisfaire aux exigences posées par les créanciers étrangers.

La réforme du droit économique suppose une nouvelle législation sur les hypothèques et les faillites ainsi qu'un cadre plus favorable aux investisseurs étrangers.

Enfin, le FMI a imposé un programme de privatisations portant sur les entreprises publiques les plus importantes (transports, eau, électricité, pétrole et gaz, télécommunications, secteur financier), par ouverture partielle au capital privé et notamment étranger. La privatisation de ces entreprises doit déboucher sur leur restructuration, ce qui entretient une forte crainte de réduction d'effectifs et de vives oppositions politiques.

La politique engagée paraît avoir enrayé la régression du produit intérieur qui, après la forte chute de 1998, devrait se stabiliser en 1999. Le retour à la croissance tarde cependant à se manifester et reste à la merci des turbulences susceptibles d'affecter les pays émergents à la santé encore fragile.

II. LES RELATIONS FRANCO-THAÏLANDAISES

A. LES RELATIONS POLITIQUES ET CULTURELLES

1. Les relations politiques

La présence française en Indochine alors que la Thaïlande constituait une puissance régionale, a longtemps contribué à créer une certaine distance entre les relations entre nos deux pays. Celles-ci ont également souffert d'une certaine divergence d'approche concernant la situation du Cambodge et l'évolution du processus de paix.

Cette période peu favorable, au cours de laquelle les échanges bilatéraux s'étaient révélés des plus limités, semble aujourd'hui dépassée, les vues françaises et thaïlandaises sur l'évolution des pays de la région étant largement communes.

Les visites bilatérales ont été relativement nombreuses au cours des derniers mois et ont permis de vérifier la confiance qui s'est instaurée dans les relations politiques bilatérales. Le ministre français de la défense s'est ainsi rendu à Bangkok en février dernier pour jeter les bases d'un accord de coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité.

2. Les relations culturelles, scientifiques et techniques

La coopération franco-thaïlandaise donne la priorité à la coopération scientifique et technique , notamment en matière agricole (soutien à l'élevage et à l'hévéaculture, projets de recherche sur les systèmes irrigués et la culture cotonnière, présence de l'ORSTOM et du CIRAD), médicale (coopération universitaire et hospitalière) et industrielle (détachement d'un expert chargé de promouvoir les projets industriels français auprès du Bureau des investissements, formation aux méthodes et équipements français au sein du centre d'innovation franco-thaï).

Dans le domaine culturel, la coopération est ancienne dans la recherche en archéologie et la mise en valeur du patrimoine au sein des musées thaïlandais.

La promotion de la langue française, peu enseignée en Thaïlande, passe essentiellement par des programmes d'échanges universitaires.

B. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES

La présence économique française en Thaïlande s'appuie sur plus de 340 implantations représentant des investissements de l'ordre de 2,7 milliards de francs (7 e rang des investisseurs étrangers). Les salariés expatriés représentent la majorité des 3 500 Français qui font de la communauté française l'une des plus importantes d'Asie, après le Japon et à égalité avec Hong Kong.

Les échanges commerciaux bilatéraux sont traditionnellement déséquilibrés au détriment de la France. En 1998, les exportations thaïlandaises en France ont dépassé 9 milliards de francs, soit une augmentation de 18 %. Malgré un contrat exceptionnel de 8 Airbus représentant 4,6 milliards de francs, les exportations françaises ont fléchi et ont atteint 8 milliards de francs. Celles-ci sont essentiellement composées de biens d'équipement et connaissent donc des variations importantes d'une année à l'autre. Notre part de marché se situe autour de 2 % des importations thaïlandaises.

III. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

La France a signé relativement peu de conventions dans le domaine de l'entraide judiciaire et de l'extradition avec les pays du continent asiatique. Une convention d'entraide judiciaire en matière pénale est en vigueur avec la Corée et celle signée en 1997 avec Hong Kong vient d'être examinée par l'Assemblée nationale après l'avoir été au Sénat en décembre dernier. Après la Thaïlande, il est envisagé d'étendre le réseau de conventions en concluant des accords, en cours de discussion, avec le Sri Lanka et Singapour.

A. LES RELATIONS FRANCO-THAÏLANDAISES DANS LE DOMAINE JUDICIAIRE

La négociation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale s'est avérée relativement longue. Une convention couvrant le domaine civil, ainsi qu'une convention d'extradition, devraient compléter le cadre des relations judiciaires franco-thaïlandaises.

1. La négociation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale

Un premier projet de convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Thaïlande avait été élaboré entre 1980 et 1983. Ce projet, qui s'inspirait très largement de la convention européenne d'entraide judiciaire, n'avait pu être signé en raison de difficultés liées aux spécificités du droit thaïlandais.

Ainsi a-t-il fallu conclure une convention distincte pour traiter de la question du transfèrement des personnes détenues (convention du 26 mars 1983) et modifier plusieurs dispositions de la convention type.

Reprises en 1995, les négociations ont abouti à la signature de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale le 11 septembre 1997 .

Jusqu'à présent, la coopération judiciaire était régie par le principe de réciprocité et l'analyse, au cas par cas, des possibilités de donner suite aux demandes d'entraide judiciaire. Celles-ci sont relativement faibles (4 par an en 1997 et en 1998) mais en raison de l'augmentation de la délinquance à caractère international, il était utile d'élaborer un instrument posant le principe d'une obligation de coopération, même si chaque Etat conserve, dans certaines hypothèses, la possibilité de refuser l'entraide demandée.

2. L'entraide judiciaire en matière civile et l'extradition

La France et la Thaïlande ont paraphé, en octobre 1997, une convention d'entraide judiciaire en matière civile mais celle-ci n'a pu pour le moment être signée par les deux gouvernements.

Plus difficile est en revanche la mise au point d'une convention d'extradition entre les deux pays, les principes traditionnels en matière d'extradition soulevant, pour les autorités thaïlandaises, des difficultés. Il en va ainsi de la situation de la personne susceptible d'être extradée au regard de la peine capitale, toujours en vigueur en Thaïlande, et de l'obligation de poursuite lorsque l'Etat requis refuse d'extrader un de ses nationaux (principe aut dedere aut judicare ). Les négociations d'une convention d'extradition restent donc subordonnées à une évolution de la position des autorités thaïlandaises.

B. LE CADRE DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Thaïlande, signée à Paris le 11 septembre 1997, reprend pour l'essentiel les dispositions de même nature déjà signées par la France et s'inspire largement de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.

1. Un champ d'application traditionnel

L'article premier de la convention pose le principe de l' obligation d'entraide selon lequel " les parties s'accordent mutuellement...l'entraide judiciaire la plus large possible en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites d'infractions pénales dont la sanction relève de leurs autorités judiciaires au moment de la demande. "

Les formes d'assistance font l'objet d'une énumération non limitative comprenant :

- le recueil de témoignages et de dépositions,

- la remise d'actes et de documents, de dossiers et d'éléments de preuve,

- l'exécution de demandes de perquisition et de saisie,

- le transfèrement de détenus aux fins de témoignage,

- l'identification et la localisation de personnes,

- l'assistance dans les procédures de recherche, de saisie et de confiscation des produits et des instruments d'activités criminelles.

L'entraide n'est pas subordonnée à une double incrimination puisqu'elle " sera accordée sans qu'il soit exigé que les faits soient considérés comme une infraction dans la législation de la partie requise. "

Enfin, conformément à des stipulations classiques, la convention ne s'applique pas à l'exécution des décisions d'arrestation et des condamnations ni aux infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

2. Les motifs de refus d'entraide

Conformément, ici encore, aux dispositions de la convention européenne d'entraide judiciaire, l'article 4 réserve aux parties la possibilité de refuser l'entraide judiciaire dans deux hypothèses :

- lorsque la partie requise considère que la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays,

- lorsqu'elle considère que la demande se rapporte à une infraction politique ou à une infraction connexe à une infraction politique.

La partie requise peut différer l'exécution d'une demande si cette dernière interfère avec une enquête, une poursuite judiciaire ou une instance en cours.

Si elle refuse d'exécuter la demande d'entraide, ou décide de la différer, la partie requise doit en informer, en lui en précisant les raisons, la partie requérante, ou la consulter sur les conditions selon lesquelles la demande pourrait être exécutée.

3. Les procédures d'entraide

Les demandes d'entraide sont adressées d'autorité centrale à autorité centrale, c'est-à-dire pour la France, le ministère de la Justice et pour la Thaïlande, le Procureur général ou une personne désignée par lui (article 2).

Les demandes d'entraide judiciaire sont présentées par écrit et accompagnées de leur traduction dans la langue de la partie requise. Toutes les pièces jointes doivent également être traduites dans la langue de la partie requise (article 5-1).

L'article 5-2 précise les mentions devant figurer dans la demande, essentiellement l'objet, la nature et la motivation de l'entraide demandée et elle contient, s'il y a lieu, des précisions sur la personne concernée par la demande, sur la description du lieu devant faire l'objet d'une perquisition et des documents ou objets à saisir, sur les questions auxquelles il faudra répondre. Dans le cas où la demande n'a pas exclusivement pour objet la signification d'actes, elle comportera un exposé des faits qui la motivent ainsi que la qualification pénale de ceux-ci.

L'article 6 stipule que les demandes d'entraide sont exécutées dans les conditions prévues par la législation de la partie requise. Elles ne donnent lieu à aucun remboursement de frais (article 7), à l'exception de ceux occasionnés par l'intervention d'experts et par le transfèrement de personnes détenues.

C. LES FORMES DE L'ENTRAIDE JUDICIAIRE

L'entraide judiciaire en matière pénale portera principalement sur la recherche de preuves, l'audition de témoins ou d'experts et le transfèrement de personnes détenues.

1. La recherche de preuves

L'article 8 traite des limitations d'usage et des règles de confidentialité applicables aux informations et éléments de preuve obtenus dans le cadre de la convention d'entraide judiciaire.

Ceux-ci ne peuvent pas être utilisés à d'autres fins que celles énoncées dans la demande sans le consentement préalable de la partie requise.

La partie requérante peut exiger que la demande d'entraide et son exécution demeurent confidentielles, la partie requise pouvant, quant à elle, exiger une même confidentialité pour les éléments de preuve qu'elle fournit.

Par ailleurs, sur demande, la partie requise informe à l'avance la partie requérante du moment et du lieu d'exécution de la demande en matière de témoignages, dépositions et production d'éléments de preuve (article 9). Les autorités de la partie requérante, ou les personnes mandatées par elles, peuvent assister à l'exécution de la demande avec le consentement de la partie requise.

L'article 11 impose à la partie requise d'exécuter, si sa législation le lui permet, les demandes de perquisition, de saisie ou de recherche présentées par la partie requérante.

La partie requérante doit par ailleurs retourner tous documents, dossiers ou objets fournis en exécution d'une demande dans les meilleurs délais, sauf si la partie requise renonce à leur retour (article 17).

2. La comparution de témoins ou d'experts

La convention précise, dans son article 10, que la partie requise procédera à la remise des actes de procédure, des décisions judiciaires et des autres documents envoyés à cette fin par la partie requérante. Les citations à comparaître devront être adressées cinquante jours au moins avant la date de comparution.

Si la comparution personnelle d'un témoin ou d'un expert, sur le territoire de la partie requérante, est particulièrement nécessaire, celui-ci est contacté par la partie requise qui lui précise le montant des frais qui lui seront remboursés (article 14).

Le défaut de comparution d'un témoin ou d'un expert n'entraînera, en tout état de cause, aucune sanction pénale ou mesure de contrainte.

Aux termes de l'article 15, le témoin ou l'expert bénéficie, selon l'usage, lorsqu'il comparaît devant l'autorité judiciaire requérante, d'une immunité de poursuites, de détention et d'arrestation pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise. Cette immunité est étendue aux personnes poursuivies à l'exclusion, bien entendu, des faits pour lesquels elles ont été citées à comparaître.

3. Le transfèrement de personnes détenues

Lorsque les demandes de citation à comparaître en tant que témoin présentées par la partie requérante concernent une personne détenue, le transfèrement de cette dernière nécessite le consentement de la partie requise et celui de la personne détenue , à condition que la partie requérante garantisse le maintien en détention de ladite personne et son renvoi dans le territoire de la partie requise dès que sa présence en qualité de témoin ne sera plus nécessaire.

4. Les autres dispositions

L'article 12 ouvre la possibilité, pour la partie requérante, de demander à la partie requise de restituer à la victime tous biens ou valeurs susceptibles de provenir d'une infraction.

L'article 16 permet à la partie requérante de demander la saisie des instruments et produits d'une infraction à sa législation susceptibles de se trouver sur le territoire de la partie requise. La partie requise doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour que ces instruments ou produits ne fassent l'objet d'une transaction ou ne soient transférés ou cédés avant que la partie requérante n'ait pris une décision définitive à leur égard.

Enfin, l'article 19 permet à la partie compétente pour engager une instance pénale de demander à l'autre partie de mener cette instance. Si une suite est donnée à cette dénonciation aux fins de poursuite , la décision est rendue conformément à la législation de la partie requise.

CONCLUSION

Dans le cadre de sa politique de renforcement de sa présence en Asie, il paraît important que la France noue des relations plus étroites que par le passé avec la Thaïlande, acteur important de l'Asie du sud-est.

En fixant un cadre d'assistance permettant de faciliter le déroulement des enquêtes ou des procédures d'instruction impliquant les deux pays, la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 11 septembre 1997 doit contribuer à améliorer les relations dans le domaine bien spécifique de la coopération judiciaire.

Pour cette raison, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du mercredi 19 mai 1999.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président , a évoqué l'amorce de reprise économique en Thaïlande en soulignant qu'elle serait en grande partie conditionnée par l'évolution, encore incertaine, de la conjoncture au Japon. Il s'est par ailleurs interrogé, tout comme M. Christian de la Malène , sur les raisons qui avaient conduit la France à ne pas soutenir le candidat thaïlandais face à celui de la Nouvelle-Zélande pour le poste de directeur général de l'Organisation mondiale du commerce.

La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

PROJET DE LOI

(Texte présenté par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Thaïlande, signée à Paris le 11 septembre 1997, dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT2 ( * )

I. Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

Jusqu'au 11 septembre 1997, la France n'était liée avec le Royaume de Thaïlande, en matière d'entraide judiciaire, que par un accord signé en 1983, relatif au transfèrement des personnes condamnées.

La présente convention vient élargir le domaine de l'entraide judiciaire en attendant la conclusion des négociations portant sur une convention d'entraide judiciaire en matière civile.

Cette convention reprend, pour l'ensemble, les dispositions que l'on rencontre dans les autres textes relatifs à l'entraide pénale et, notamment, celui qui a été signé en 1994 avec le Mexique, lui-même inspiré, pour l'essentiel, de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.

II. Bénéfices escomptés en matière

. d'emploi : sans objet

. d'intérêt général : la convention, en facilitant les procédures d'entraide judiciaire internationale, participe à une meilleure administration de la justice

. financière : sans objet

. de simplification des formalités administratives : la procédure d'entraide judiciaire en matière pénale reçoit un cadre juridique qui lui permet de s'affranchir des aléas liés aux demandes jusqu'ici fondées sur le principe de la réciprocité

. de complexité de l'ordonnancement juridique : voir paragraphe précédent.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 278 (1998-1999).

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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