Projet de loi et propositions de loi concernant l'élection des sénateurs

GIROD (Paul)

RAPPORT 427 (98-99) - commission des lois

Table des matières




N° 427

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 juin 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :

- le projet de loi relatif à l'
élection des sénateurs ;

- la proposition de loi de MM. Henri de RAINCOURT, Jean ARTHUIS, Josselin
de ROHAN, Gérard LARCHER, Christian BONNET, Patrice GÉLARD, Paul GIROD, Jean-Jacques HYEST et Jacques LARCHÉ modifiant le mode d'
élection des sénateurs ;

- la proposition de loi de MM. Guy ALLOUCHE, Claude ESTIER et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à modifier le tableau n° 6, annexé à l'article L. 279 du code électoral fixant le
nombre de sénateurs représentant les départements, ainsi que le tableau n° 5, annexé à l'article L.O. 276 du code électoral relatif à la répartition des sièges de sénateurs entre les séries ;

- la proposition de loi de MM. Guy ALLOUCHE, Claude ESTIER et les membres du groupe socialiste et apparentés modifiant des dispositions du
code électoral relatives à l' élection des sénateurs ;

- la proposition de loi de M. Jean-Michel BAYLET et Mme
Joëlle DUSSEAU relative au mode d' élection des sénateurs ;

- la proposition de loi de Mme Hélène LUC, MM. Michel DUFFOUR,
Robert PAGÈS , Jean DERIAN , Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Louis MINETTI , Jack RALITE, Ivan RENAR, Mme Odette TERRADE et M. Paul VERGÈS relative à l' élection sénatoriale ,

Par M. Paul GIROD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Sénat : 152 , 209 , 458 , 460 (1997-1998), 230 et 260 (1998-1999).


Elections et référendums.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le 15 juin 1999 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Paul Girod, le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.

Le rapporteur a tout d'abord constaté que les évolutions démographiques de la France depuis 40 ans justifiaient une révision du régime électoral du Sénat .

Il a estimé que le choix des règles électorales ne pouvait être dissocié de la fonction attribuée à l'organe représentatif , ce qui excluait l'élection des sénateurs sur des bases identiques à celles des députés, les attributions des assemblées n'étant pas identiques.

Il a constaté que le rôle de modérateur et de stabilisateur rempli par le Sénat était facilité par l' élection de ses membres au suffrage universel indirect par les élus locaux

La commission a considéré que la représentation de la population dans sa globalité étant assurée par l'Assemblée nationale, le Sénat, représentant les collectivités territoriales comme la Constitution le prescrit, devait exprimer leurs préoccupations et les diverses responsabilités prises par les organes délibérants.

Elle a estimé en conséquence que la représentation des collectivités territoriales ne pouvait s'établir sur des bases exclusivement démographiques, ce à quoi conduirait le projet de loi en attribuant à chaque commune un délégué pour 500 habitants, quand celle de l'Assemblée nationale est fondée sur des bases essentiellement démographiques.

Elle a jugé paradoxal de prétendre accompagner une politique d'aménagement du territoire, supposant en particulier un traitement approprié des villes moyennes, par une minoration de la représentation de ces communes.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose :

- de maintenir le principe d'un lien entre l'effectif du conseil municipal et le nombre de délégués de la commune
;

- d'instituer des délégués supplémentaires dans les communes d'au moins 9 000 habitants (au lieu de 30 000) à raison d'un délégué par tranche entière de 700 habitants (au lieu de 1 000) en sus de 9 000 habitants (au lieu de 30 000) ;

- de maintenir les modes de scrutin en vigueur pour l'élection des délégués des conseils municipaux
;

- d'abaisser à quatre sièges le seuil à partir duquel serait appliqué le mode de scrutin proportionnel pour l'élection des sénateurs, afin d'assurer un équilibre entre les deux modes de scrutin, aussi bien en nombre de sièges qu'en termes de population représentée
;

- et, comme le prévoit le projet de loi, de généraliser la possibilité de vote par procuration pour l'élection des délégués des conseils municipaux ; de prévoir, dans les départements soumis au scrutin proportionnel, que chaque liste comporte au moins deux noms de plus qu'il y a de sièges à pourvoir ; d'aménager les conditions de présentation des candidatures au premier et au deuxième tour et d'instituer l'émargement de la liste électorale par les grands électeurs.

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi.

Mesdames, Messieurs,

Il ne faut ni faire du mode de scrutin un enjeu plus grand que lui-même, ni en négliger l'importance.

Qu'est-ce qu'un mode de scrutin ?

En fait c'est un procédé technique pour résoudre le problème qui se pose à toute société démocratique complexe : traduire les aspirations des différentes parties de la population - des différents citoyens qui constituent le " peuple "- pour en faire une expression organisée au niveau national.

Toute tentative de représentation bute sur cette difficulté. On sait depuis Rousseau qu'il n'existe pas de représentation parfaite en dehors d'une petite société démocratique dans laquelle la communauté des citoyens est suffisamment restreinte pour pouvoir prendre elle-même, collectivement, les décisions qui engagent son avenir.

Toute représentation est ainsi plus ou moins condamnée à être une déformation de l'opinion. Cela est d'autant plus vrai que le choix du mode de scrutin ne peut pas être guidé par la seule recherche de l'exactitude. Tout dépend de l'institution qu'il est censé constituer. On ne peut donc dissocier le choix du mode de scrutin de la fonction attribuée à l'organe représentatif.

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De la photocopie homothétique de la société à la recherche d'une efficacité incarnée par un responsable quasi-omnipotent, bien des degrés sont possibles.

Si l'on recherche un cénacle où s'expriment de manière exhaustive toutes les nuances politiques et philosophiques de la population, c'est évidemment la représentation proportionnelle qui s'impose.

Si l'on recherche la capacité de décision , on fera le choix, comme le général de Gaulle en 1962, de proposer l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Dans le cas précis, le pouvoir du président de la République est, bien entendu, compensé par un Parlement élu. On donne ainsi la préférence à la capacité de décision sur la perfection de la nuance dans la représentation.

On sait bien que, du moment de ce choix, date une bipolarisation croissante de la vie politique, bipolarisation que pendant toute notre histoire républicaine nous avions jusque là essayé en vain de structurer. Cette bipolarisation, fragmentation de l'opinion, rencontre aujourd'hui, à la différence de ce qui se passe dans les autres " démocraties historiques ", ses limites puisque, si l'on croit les sondages, la situation actuelle où coexistent deux majorités différentes semble recueillir l'assentiment d'une majorité de nos concitoyens.

Le bicamérisme est, d'une certaine manière, une autre réponse à la difficulté de résoudre la contradiction entre exhaustivité de la représentation et efficacité de la décision sur le terrain parlementaire.

Sauf à mettre en oeuvre la représentation proportionnelle intégrale pour composer une assemblée unique -ce qui la condamnerait à l'impuissance- l'expression de la souveraineté ne peut être parfaite. C'est d'ailleurs l'un des autres apports de la Constitution de 1958 que de mettre en avant la nécessité pour un pays de posséder un gouvernement stable, s'appuyant sur une majorité à l'Assemblée nationale, clairement définie. La combinaison de l'ombre portée de l'élection présidentielle au suffrage universel direct et du maintien, sauf une brève parenthèse de deux ans, d'un scrutin majoritaire uninominal à deux tours, par définition inégalitaire, a permis de parvenir à ce résultat.

Personne aujourd'hui, ne cherche à remettre en cause le principe d'une Assemblée nationale élue selon un principe principalement majoritaire. Les esquisses de propositions qui ont été faites depuis 10 ans et dont aucune n'a abouti ne visaient au plus qu'à introduire dans la composition de l'Assemblée nationale une faible part de membres élus selon un autre mode de scrutin que le scrutin majoritaire.

Les expériences successives dites de cohabitation que nous avons connues n'ont d'ailleurs en rien infirmé cette orientation. Mieux encore, les élections de 1997 ont montré que le scrutin majoritaire à deux tours, adapté à un peuple qui a accepté la bipolarisation mais non la réduction de la vie politique à deux seules formations, permettait de dégager les alliances électorales nécessaires pour que des formations politiques, même très peu représentatives, puissent accéder au Parlement.

C'est un fait, chacun l'admet, y compris le Conseil constitutionnel qui a contrôlé de très près le nouveau découpage des circonscriptions législatives , que tout en étant assis sur des considérations " essentiellement démographiques ", ce découpage doit tenir compte d'autres éléments : la nécessité d'un nombre minimum de deux députés par département, les contraintes du découpage en circonscriptions, (limites cantonales, réalités naturelles, solidarité unissant certains ensembles géographiques) etc. ou de tout autre élément que le Conseil constitutionnel, qualifie d'" impératifs d'intérêt général " .

Avant d'engager une véritable révolution du mode d'élection du Sénat, en se fondant sur le principe de l'égalité " un homme une voix " dont on sait très bien qu'il n'est même pas appliqué pour l'Assemblée nationale, il convient donc de se demander à quelle fonction de la Haute assemblée répond le choix du mode de scrutin sénatorial .

Comme dans toute matière complexe, plusieurs approches sont utiles, voire nécessaires.

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1- D'abord compléter les choix de la représentation grâce à une diversification des règles applicables . Que serait en effet une assemblée qui serait élue à l'identique de la première ? Elle ne ferait que multiplier par deux les inconvénients du mode de scrutin. Mieux vaut donc partir d'une base essentiellement différente. La question qui demeure alors est de s'accorder sur cette base.

L'existence d'une part de représentation proportionnelle dans le mode de scrutin sénatorial fait curieusement partie des règles les moins connues de nos institutions publiques. Elle correspond à la volonté de ne pas élire le Sénat dans le souci premier de dégager une majorité . Le gouvernement n'est en effet pas responsable devant la seconde chambre et il n'y a pas lieu de rechercher en priorité cet objectif. Sa nature et son rôle sont ailleurs.

2- Les critères permettant de déterminer les règles de composition de la seconde chambre sont à rechercher dans la tradition et en particulier dans celle que le Conseil constitutionnel lui-même qualifie de " tradition républicaine " , et dans les spécificités mêmes de la société française.

Sur le plan historique, le choix d'une seconde chambre issue principalement des conseils municipaux correspond à un souci d'enracinement et de réaction contre les excès d'un jacobinisme niveleur . Il prend en compte aussi une réalité sociale qui était beaucoup plus visible à l'époque qu'aujourd'hui, à savoir le fait que sur un territoire relativement étendu par comparaison avec les autres pays d'Europe se trouvait une population relativement faible et très dispersée sur l'ensemble du pays.

3-
On ne saurait négliger d'évoquer le troisième élément, qui partait du principe que, les zones rurales étant considérées a priori comme conservatrices, le Sénat pourrait le cas échéant soutenir un éventuel retour à la monarchie. Il convient de faire justice sans délai de ce dernier élément puisque l'on sait très bien que très vite le Sénat de 1875 est devenu , notamment grâce à Gambetta, le premier soutien des nouvelles institutions républicaines .

De là est probablement née l'usage de l'expression de Sénat conservateur qui, on ne le rappellera jamais assez, ne s'appliquait qu'au Sénat nommé du premier Empire. Chacun ici en récuse à l'avance la filiation. Il serait sans doute plus adapté de parler de Sénat stabilisateur des institutions (" conservateur de la République ", pour reprendre une expression souvent employée sous la IIIème République) voire de Sénat modérateur .

Il n'y a aucune raison aujourd'hui de rejeter cette différence entre une assemblée qui incarnerait le mouvement (ou, pour être plus juste, les fluctuations de l'opinion) et un Sénat qui aurait pour effet de maintenir le cap à travers la vision plus sereine que lui assurerait un mandat plus long et plus stable et l'absence aussi de la dissolution.

On peut même penser que l'élection du président de la République au suffrage universel direct a accentué le besoin de cette institution stabilisatrice. On sait très bien en effet que la relative autonomie que la majorité de l'Assemblée nationale peut espérer recouvrer en période de cohabitation disparaît presque totalement lorsque la majorité des députés coïncide avec la majorité présidentielle.

Le Sénat est alors le seul rempart contre toutes les initiatives intempestives. C'est du reste sans doute fondamentalement pour cette raison, cette nécessité de division du pouvoir, que les Français par deux fois se sont déjà prononcés contre sa suppression.

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A côté de cette recherche de stabilisation institutionnelle doit être placée la recherche d'un complément original de la représentation.

On oublie trop souvent que l'histoire institutionnelle française jusqu'à 1958, hormis une partie de la IIIème République, celle d'avant la guerre de 1914, n'a été qu'une longue succession d'alternances violentes, un excès répondant très vite à l'autre. L'une des causes de ces alternances violentes a été la très forte concentration du pouvoir au niveau central, héritage conjoint de la monarchie et de la révolution.

Cet héritage de la révolution a fondé un type particulier de démocratie dite démocratie jacobine , s'appuyant sur une volonté d'unification, de pénétration systématique dans la société d'un certain nombre de principes -au premier chef celui d'égalité- qui a débouché sur ce que Léon Blum appelait le tête-à-tête entre un citoyen isolé et l'Etat. Beaucoup de gouvernements qui se sont succédés, y compris ceux des premiers temps de la Vème République, n'ont eu de cesse de supprimer ce que l'on appelait jadis les " corps intermédiaires ".

Un aspect singulier mais fondamental de notre histoire collective est qu'en dépit de cette volonté farouche et continue une autre démocratie , bâtie sur un principe plus proche de ceux de nos voisins, a réussi à se développer presque de façon souterraine au niveau local et il faut rendre hommage à la politique de décentralisation, non pas de l'avoir redécouverte, mais d'avoir commencé à l'intégrer véritablement dans nos institutions.

La démocratie locale , qui ne s'assimile pas tout à fait à la tradition girondine, est aujourd'hui un des points qui nous rapprochent le plus de nos voisins, car partout autour de nous s'affirme la nécessité de décentraliser le pouvoir et de rapprocher les centres de décision des citoyens.

Elle est l'autre manière, tout aussi noble que la première, par laquelle nos concitoyens s'impliquent dans la vie démocratique : celle qui consiste à partager et assumer les décisions qui concernent leur vie quotidienne et leurs solidarités de proximité. Le faible taux d'abstention aux élections municipales prouve d'ailleurs leur implication forte et citoyenne dans cette approche et leurs élus locaux en retirent une responsabilité morale qui inclut cet attachement à la vie démocratique locale.

Le choix d'une représentation qui s'enracinerait dans cette démocratie locale ne saurait donc plus aujourd'hui être qualifiée de recherche d'un enracinement conservateur face à un mode d'élection de la première chambre qui se voudrait " moderne ". Cet enracinement dans la démocratie locale correspond, au contraire, à la prise en compte d'une deuxième tradition démocratique dont chacun de nous connaît la vitalité et les espérances qu'on peut placer en elle.

C'est aussi s'insérer au coeur des problématiques contemporaines qui plaident, face au développement de ce que d'aucuns appellent la mondialisation, pour un renforcement des identités . Ces identités sont d'ailleurs tout autant de nature historique que géographique et sociale. A l'heure de la recherche ardente de toutes nos origines, cet aspect des choses pèse de tout son poids.

Vient s'y ajouter, dans ce pays aux espaces ruraux relativement désertés ou aux concentrations urbaines avec ses banlieues indifférenciées, le rôle des communes moyennes, pôles moteurs et de repère dans un cas, points d'équilibre dans l'autre.

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On pourrait ajouter une troisième considération très importante pour tous les pays bicaméraux. Si l'on éprouve le besoin d'une seconde chambre cela n'est pas seulement pour compléter la représentation, c'est pour se donner les moyens de faire la moins mauvaise législation possible . Ces moyens ne peuvent venir que de deux regards différents . Cette diversité de regards est d'autant plus nécessaire que l'on sait très bien que l'évolution du parlementarisme contemporain conduit à privilégier l'initiative de l'exécutif par rapport à l'initiative parlementaire.

A cet égard, on soulignera que l'article 24 de la Constitution prévoit, d'une part, l'élection des sénateurs au suffrage universel indirect et, d'autre part, que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales.

Le " regard différent " que le Sénat apporte dans l'élaboration de la loi provient de la mise en oeuvre de ces deux principes constitutionnels et, en particulier, du fait que les " élus des élus locaux ", comme leurs électeurs, sont nécessairement enracinés dans la vie locale .

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Le choix du mode de scrutin sénatorial doit donc être replacé dans le contexte contemporain. L'important n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre le mode de scrutin au nom de principes théoriques, mais de savoir si ce mode de scrutin convient bien au but pour lequel il a été institué.

La recherche de la différence dans la représentation constitue donc un objectif en lui-même aussi important que celui qui conduit à rechercher un mode de scrutin qui assure à l'Assemblée nationale une majorité du gouvernement.

Outre qu'elle correspond au principe contenu dans notre Constitution l'aspect sénatorial de représentation des collectivités territoriales dans toutes leurs dimensions doit continuer à dominer le choix de son mode de scrutin . Cet impératif est d'autant plus évident aujourd'hui, qu'à travers la décentralisation, la légitimité des communes, des départements et des régions s'est trouvée renforcée.

Ce serait donc un comble que de remettre en cause cette filiation sénatoriale au moment même où elle n'a jamais été aussi légitime . En revanche, l'équilibre établi il y a plus de 40 ans peut être modifié. Ce ne serait plus alors qu'une question de dosage. Encore faut-il que chacun s'entende, Gouvernement compris, sur cette construction essentielle, non seulement pour l'avenir du Sénat mais pour l'avenir de nos institutions.

Dans ce contexte, le débat sur le cumul des mandats se trouve replacé dans sa véritable dimension, de même que celui de l'aménagement du territoire, cette dernière question revêtant pour la France, en raison de son histoire, de l'excessive concentration de ses richesses dans la capitale et de l'appauvrissement pour les provinces qui en est résulté, une importance qui appelle une vigilance particulière.

En résumé le débat sur le mode de scrutin doit être replacée dans son véritable contexte, celui du choix institutionnel que nous entendons faire, tirant à cet égard les enseignements de la Vème République qui n'a cessé de valoriser le Sénat.

Si l'on pense qu'à l'heure de la décentralisation et de l'Europe il est important qu'une de nos deux assemblées puise directement sa source dans le territoire et surtout les collectivités qui y habitent, commençons par l'affirmer et l'affirmer clairement.

Le débat sur le mode de scrutin pourra alors commencer pour ce qu'il est, c'est-à-dire la recherche d'un juste équilibre entre, d'une part, le critère démographique et, d'autre part, les divers autres impératifs d'intérêt général :

- Le besoin institutionnel de conforter une institution stabilisatrice et susceptible de conserver en toute circonstance un certain recul par rapport à l'événement. Se trouvent ainsi validés la non-dissolution, un mandat plus long que celui de l'Assemblée nationale, la représentation indirecte et un renouvellement progressif de l'assemblée.

- La nécessité d'aboutir à une composition suffisamment différente de l'autre assemblée pour apporter un autre regard sur la législation.

- Le souci de tirer toutes les conséquences d'un mouvement historique qui n'est encore qu'amorcé et qui fait que notre pays s'est rapproché avec la décentralisation de ce que l'on pourrait appeler le droit commun européen. Ce mouvement est porteur d'une vision plus ouverte sur la société et une façon moins théorique et dogmatique d'aborder les problèmes qui se posent à elle.

I. LE RÉGIME ÉLECTORAL DU SÉNAT EST DÉTERMINÉ PAR SA PLACE DANS LES INSTITUTIONS

A. UN PARLEMENT CONSTITUÉ DE DEUX ASSEMBLÉES AYANT DES CARACTÉRISTIQUES PROPRES...

1. Des compétences constitutionnelles différenciées

Le bicaméralisme n'a d'intérêt que si chacune des assemblées se distingue de l'autre, tant dans sa composition que dans ses pouvoirs et c'est ainsi que la Constitution de la Vè République a conçu le Parlement.

Son article 45 confère le pouvoir législatif à l'Assemblée nationale et au Sénat, en établissant que chaque projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées en vue de l'adoption d'un texte identique.

Au cours de la navette parlementaire, une commission mixte paritaire peut être constituée pour faciliter l'accord des deux assemblées sur le texte en discussion, en principe indispensable à l'adoption définitive d'une loi.

Les principes constitutionnels de la procédure législative sont applicables dans des conditions égales au Sénat et à l'Assemblée nationale.

Cependant, le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, en cas de désaccord persistant entre les deux assemblées, sur les dispositions d'un texte n'ayant pas fait l'objet d'un vote identique.

La primauté de l'Assemblée nationale, fondée sur son élection au suffrage universel direct, ne s'exerce pas dans des conditions égales sur tous les textes soumis au Parlement.

D'un côté, elle est plus accentuée en matière financière, mais, d'un autre côté, les révisions constitutionnelles et les lois organiques relatives au Sénat doivent être adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées, les autres lois organiques devant, faute d'accord, l'être par l'Assemblée nationale à la majorité absolue de ses membres.

Le Sénat, en dépit du possible " dernier mot " de l'Assemblée nationale, apporte une contribution importante et reconnue au travail législatif, le bicaméralisme inégalitaire français n'empêchant pas la Haute Assemblée d'orienter de façon déterminante l'élaboration de nombreuses lois, comme votre rapporteur l'illustrera plus loin.

Le Sénat participe, au même titre que l'Assemblée nationale, à la mission de contrôle de l'activité du Gouvernement et des services publics. Les sénateurs peuvent, tout comme les députés, interroger le Gouvernement (procédures de questions), constituer des missions d'information et des commissions d'enquête.

Cependant, s'il a la faculté de demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale, le Gouvernement n'est responsable que devant l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement peut engager sa responsabilité, seulement devant l'Assemblée nationale, sur son programme ou sur une déclaration de politique générale. L'Assemblée nationale peut seule mettre en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure, à la majorité absolue de ses membres.

Le Premier ministre ne peut engager que devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, puisque l'accord de cette dernière est, dans tous les cas, indispensable à l'adoption de la loi.

Dans ce cas, le texte est considéré comme adopté, sauf si l'Assemblée nationale vote une motion de censure.

L'adoption d'une motion de censure ou le rejet par l'Assemblée nationale du programme ou d'une déclaration de politique générale du Gouvernement, contraint le Premier ministre à la démission.

L'existence du Gouvernement est donc conditionnée par une majorité à l'Assemblée nationale , ou du moins, par l'absence d'expression d'un désaccord majeur, par le biais d'une mise en cause de sa responsabilité (rejet du programme ou d'une déclaration de politique générale ; vote d'une motion de censure) ou du rejet de textes qu'il considérerait essentiels à la mise en oeuvre de sa politique.

En contrepartie, seule l'Assemblée nationale peut être dissoute par décret du président de la République.

Le Gouvernement s'appuie nécessairement sur une majorité à l'Assemblée nationale, tout changement de majorité dans cette assemblée impliquant la nomination d'un nouveau gouvernement dont l'orientation politique correspondra à celle de la nouvelle majorité parlementaire.

En revanche, le Sénat ne dispose pas de la primauté en matière législative et ne peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement.

Le Sénat peut donc avoir une majorité politique différente de celle de l'Assemblée nationale sur laquelle s'appuie le Gouvernement, sans pour autant que le fonctionnement normal des institutions en soit affecté.


Le Gouvernement, s'il doit tenir compte de la volonté des deux assemblées du Parlement, peut conduire l'essentiel de sa politique sans l'accord en toutes circonstances d'une majorité au Sénat comme on a pu le constater depuis le début de la présente législature ou lors des VII° et IX° législatures, entre 1981 et 1986 puis entre 1988 et 1993.

La majorité au Sénat ne conditionne ni la composition politique du Gouvernement, ni l'essentiel de la mise en oeuvre de son programme législatif. En conséquence, il n'est pas nécessaire que le Sénat puisse être dissous et que ses membres soient élus selon des règles garantissant une concordance de majorité.

Le rapprochement des principes de base d'élection des députés et des sénateurs ne pourrait se justifier que si, parallèlement, leurs missions législatives et de contrôle étaient elles-mêmes rapprochées, ce que nul ne propose.


Au demeurant une telle évolution limiterait l'intérêt du bicaméralisme.

L'Assemblée nationale exprime, par son élection au suffrage universel direct, l'orientation que les électeurs souhaitent apporter au pays et les changements de majorité qu'elle connaît traduisent l'évolution de la pensée du corps électoral.

Le Sénat n'ayant pas la même place dans les institutions, n'a pas à traduire instantanément les variations de l'opinion.

Cela ne signifie pas que la composition politique du Sénat ne peut jamais connaître de modification, mais que les changements, décidés par le corps électoral sénatorial, le sont de manière progressive et non brutale. Ils traduisent des tendances lourdes et non des changements moins prononcés et plus temporaires
.

La composition du Sénat n'est pas affectée par les alternances politiques à l'Assemblée nationale, le mandat de neuf ans du sénateur ne pouvant pas être interrompu par une dissolution, et la Haute Assemblée étant renouvelée non pas intégralement mais par tiers tous les trois ans.

Cela permet au Sénat d'exprimer une certaine permanence de la France, au-delà de sa diversité , et d'assurer la préservation des repères fondamentaux du pays , que peuvent parfois occulter certaines modes et certains empressements.

Disposant d'une certaine durée, les sénateurs examinent sereinement et sans a priori systématique les textes qui leur sont soumis, le Sénat apportant ainsi une contribution essentielle au travail législatif.

2. Une contribution déterminante du Sénat à l'élaboration des lois

Le pouvoir reconnu à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, si le Gouvernement le demande, sur tout ou partie d'un projet ou d'une proposition de loi pour lesquels les deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord au terme de la navette parlementaire, ne signifie pas que le Sénat n'apporte pas une part décisive à l'élaboration de la loi.

Tout d'abord, le " dernier mot " ne peut être donné à l'Assemblée nationale sur les projets de loi constitutionnelle et sur les projets de loi organique relatifs au Sénat.

Ainsi, les Traités de Maastricht et d'Amsterdam , dont la ratification a nécessité une révision préalable de la Constitution, n'auraient-ils pas pu être ratifiés sans l'accord du Sénat sur les révisions nécessaires.

Même lorsque la majorité politique à l'Assemblée nationale est différente de celle du Sénat, l'Assemblée nationale ne statue pas en dernier ressort sur tous les textes, puisque, au cours de l'année 1998, sur 88 textes adoptés définitivement (50 textes hors conventions internationales), 13 seulement l'ont été sans l'approbation du Sénat. La navette parlementaire permet donc le plus souvent aux deux assemblées de parvenir à un accord, avec ou sans recours à la commission mixte paritaire.

En 1998, 42 % des amendements adoptés par le Sénat ont été ensuite repris par l'Assemblée nationale . Certains de ces amendements, pour revêtir un caractère technique , n'en n'ont pas moins d'importance, car ils contribuent de manière déterminante aux conditions de mise en oeuvre des textes ou à leur lisibilité.

Ainsi en a-t-il été récemment lors de l'examen des lois organique et ordinaire n° 99-209 et n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie où l'analyse juridique attentive du Sénat, se traduisant par la réécriture ou l'écriture de très nombreux articles , s'est imposée à l'Assemblée nationale.

La qualité de la participation du Sénat au travail législatif de codification (par exemple, code général des collectivités territoriales) pourrait aussi être citée à ce titre.

L'apport du Sénat à l'élaboration des lois ne se limite pas à un travail technique, aussi important soit-il.

La discussion sur les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales est naturellement marquée de l'empreinte du Sénat,.

Pour prendre un exemple récent, grâce au Sénat, la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales comporte des dispositions facilitant un partenariat équilibré entre l'Etat et les collectivités territoriales pour la coordination des services de la police nationale et des polices municipales.

De même, la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville comporte de nombreuses dispositions résultant des travaux du Sénat, ponctués par le rapporteur de la commission des affaires économiques, notre collègue M. Gérard Larcher.

L'impact des travaux du Sénat sur le contenu des lois ne se limite d'ailleurs pas à celles concernant les collectivités territoriales.

Ainsi, dans l'examen d'une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, tendant principalement à renforcer les incitations fiscales aux dons en faveur des associations, le Sénat a-t-il pris l'initiative d'instaurer un contrôle de la Cour des comptes sur les associations faisant appel à la générosité publique . Une actualité récente a démontré la pertinence de cette disposition, insérée dans la loi n° 96-559 du 24 juin 1996.

Certaines lois importantes sont dues à l'initiative de sénateurs, comme, par exemple, celle sur la prestation spécifique dépendance , issue d'une proposition de loi de notre collègue M. Jean-Pierre Fourcade, faisant suite à une proposition de M. Lucien Neuwirth (loi n° 97-60 du 24 janvier 1997), ou celle sur le bracelet électronique (proposition de loi de M. Guy Cabanel, devenue loi n° 97-1159 du 19 novembre 1997).

La loi sur les fonds de pension n'est certes pas formellement issue de la proposition de loi de notre collègue, M. Philippe Marini, déposée en 1992 et rapportée ensuite par les commissions compétentes en juin 1993.

Pourtant, les principales dispositions de la loi n° 97-277 du 25 mars 1997, issues d'une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, sont inspirées du premier texte adopté à l'initiative du Sénat.

C'est encore plus vrai de la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs dont la paternité revient pour une très large part à notre excellent collègue Lucien Neuwirth, auteur de l'une des propositions de loi à l'origine de ce texte.

L'extension de l'aide juridictionnelle aux mineurs dans le cadre de la médiation pénale résulte également d'un amendement du Sénat lors de l'examen de la loi n° 98-1963 du 18 décembre1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits. On pourrait multiplier les exemples...

A contrario, la prééminence législative de l'Assemblée nationale n'a pas empêché le Sénat de faire obstacle à des textes ou à des dispositions mettant en cause des principes constitutionnels ou dont les objectifs rencontraient l'hostilité d'une large partie de l'opinion publique, le cas échéant en saisissant le Conseil constitutionnel.

Ainsi en a-t-il été en 1971 , lorsqu'un projet de loi remettait en cause la liberté d'association , le Conseil constitutionnel ayant été saisi par le président Alain Poher, et en 1977 au sujet des conditions de fouille des véhicules (saisine du Conseil constitutionnel par plus de 60 sénateurs).

Dans les deux cas, la concordance des majorités politiques dans les deux assemblées n'a donc pas empêché le Sénat de veiller efficacement au strict respect de droits fondamentaux remis en cause par l'Assemblée nationale.

Si le Sénat n'a pu faire obstacle au vote par l'Assemblée nationale de la loi de nationalisation en 1982 , certaines de ses objections, concernant la juste et préalable indemnisation, ont été retenues par le Conseil constitutionnel, également saisi. D'une certaine façon, bien qu'adoptée sans son accord, cette loi a néanmoins été marquée de l'empreinte du Sénat.

Approuvé par une large partie de l'opinion publique, le Sénat a contraint, en 1984, le Gouvernement à renoncer à son projet de loi concernant l'enseignement privé.

Il reste aujourd'hui à savoir si certaines interrogations soulevées par le Sénat , lors de la discussion des lois sur la réduction à 35 heures de la durée hebdomadaire du travail, sur les emplois-jeunes ou sur le PACS , non prises en compte à l'Assemblée nationale, ne finiront pas par prévaloir à moyen terme.

Le travail de réflexion et de contrôle du Sénat, dont la grande qualité est souvent reconnue, concourt aussi à certaines modifications législatives, soit en débouchant directement sur le dépôt d'une proposition de loi, soit en guidant les délibérations du Sénat sur des projets de loi qui lui sont présentés.


Peuvent être cités en particulier les lois de juillet 1996 sur la réglementation des télécommunications et sur l'entreprise nationale France Télécom , dont les dispositions sont fortement inspirées d'un rapport d'information de notre collègue, M. Gérard Larcher, publié en mars 1996 1( * ) .

De même, le rapport d'information de nos collègues, MM. Claude Huriet et Charles Descours sur la sécurité sanitaire 2( * ) , a-t-il été à la source de la loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

Ce texte a institué deux agences de sécurité sanitaire, l'une sur les produits de santé, l'autre sur les aliments.

Après l'annonce en février 1996 par le président de la République du projet de réforme du service national , un rapport d'information de notre collègue, M. Serge Vinçon a été publié en mai de la même année 3( * ) . Ses propositions, destinées à adapter l'appareil de défense à la professionnalisation des armées, ont été reprises, pour l'essentiel, dans les projets de loi déposés au Parlement au printemps puis à l'automne 1997 et figurent en bonne place dans la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997.

Le travail approfondi d'un groupe de travail constitué à l'initiative de notre collègue, M. Jacques Larché, président de la commission des Lois, a permis d'écarter, dans le code pénal, la responsabilité pénale des élus pour des faits d'imprudence si l'auteur a accompli " les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses fonctions ou de ses missions, de ses compétences ainsi que du pouvoir ou des moyens dont il disposait " (loi n° 96-393 du 13 mai 1996).

A la suite de l'adoption d'une directive communautaire sur l'organisation juridique des places financières , les travaux d'un groupe de travail présidé par notre collègue, M. Philippe Marini, publiés en juillet 1994 4( * ) ont été à la source d'une action menée durant plusieurs années par le Sénat pour obtenir du Gouvernement qu'il dépose un projet de loi tendant à transposer cette directive et pour que les dispositions retenues soient pleinement satisfaisantes.

Le dépôt, puis l'examen par la commission des Finances du Sénat d'une proposition de loi s'inspirant des conclusions du groupe de travail a conduit le Gouvernement à élaborer un avant-projet de loi tendant à une transposition " à minima ", puis, devant les objections exprimées par la même commission, un projet plus complet qui devait encore subir, au cours de la procédure au Sénat, des modifications importantes que l'Assemblée nationale a ensuite retenues pour l'essentiel (loi n° 96-597 du 2 juillet 1996).

La réflexion approfondie d'un groupe de travail présidé par notre collègue, M. Alain Lambert 5( * ) , a permis à la commission des Finances de concevoir une politique cohérente en matière de fiscalité immobilière qui s'est traduite dans de nombreuses dispositions intégrées dans divers textes entre 1993 et 1998 à l'initiative ou sur l'inspiration du Sénat.

Une activité régulière de réflexion de la commission des Lois, sur les questions de la justice , a permis au Sénat ensuite d'adopter des dispositions importantes et retenues dans les textes de loi.

A la source des positions de cette commission, les rapports d'information sur la présomption d'innocence 6( * ) , de son président, M. Jacques Larché, et celui de MM. Charles Jolibois et Jacques Bérard 7( * ) , ou encore celui de MM. Pierre Fauchon et Charles Jolibois sur les moyens de la justice 8( * ) .

Ces travaux ont permis au Sénat de diagnostiquer de longue date l'asphyxie de la justice et la nécessité de ne pas adopter de nouvelles réformes sans prévoir les moyens nécessaires pour les mettre en oeuvre (par exemple, sur la question de la collégialité des juges d'instruction pour la mise en détention ou sur l'institution d'un deuxième degré de juridiction en matière d'assises).

Ces travaux qui s'inscrivent dans la continuité de ceux de MM. Arthuis et Haenel marquent l'intérêt de la Haute assemblée pour cette question. Ils ont permis de préparer l'examen par la commission des Lois, puis par le Sénat des divers projets de loi sur la justice, en instance ou en préparation.

Parmi les dispositions législatives déjà adoptées à l'initiative du Sénat et traduisant ces travaux sur la justice, on peut citer la création des assistants de justice ou encore le développement des pouvoirs d'injonction du juge administratif (loi n° 95-125 du 8 février 1995).

On remarquera enfin que les travaux du Sénat ont pu permettre une évolution de la réflexion sur des sujets de société comme la prise en charge de la douleur 9( * ) dont les premières traductions législatives (obligation légale pour les établissements hospitaliers et sanitaires et sociaux de prendre en charge la douleur) ont été suivies de plusieurs autres (loi du 9 juin 1999 précitée sur les soins palliatifs ).

Il arrive aussi que des propositions de loi adoptées par le Sénat soient bloquées à l'Assemblée nationale, faute d'être inscrites à son ordre du jour.

Ainsi en est-il, par exemple, de la proposition de loi de notre collègue M. Nicolas About sur la prestation compensatoire en matière de divorce ou encore de celle de notre collègue M. Alain Vasselle relative à une meilleure prise en charge de la maladie d'Alzheimer.

L'image que certains ont tenté de diffuser d'un Sénat refusant systématiquement toute réforme apparaît donc totalement erronée.

Si la Haute Assemblée s'est légitimement opposée, parfois avec succès, à des textes mettant en cause des principes essentiels de notre démocratie, elle s'est, en revanche, fréquemment trouvée à la source de réformes importantes pour la vie des Français, aussi bien lorsque sa majorité politique correspondait à celle de l'Assemblée nationale que dans le cas contraire.

A contrario , la discordance des majorités des deux assemblées a parfois bloqué des initiatives sénatoriales attendues dans le pays que l'Assemblée nationale refusait d'inscrire à son ordre du jour.

La contribution du Sénat à l'élaboration des lois, loin de se limiter à des dispositions de caractère technique ou même aux textes concernant les collectivités territoriales, embrasse l'ensemble du champ législatif.

B. ...JUSTIFIANT UN MODE DE SCRUTIN PARTICULIER POUR L'ÉLECTION DES SÉNATEURS

1. Une représentation différenciée de la Nation

Votre rapporteur a déjà exposé que le choix du mode de scrutin devait être relié à la fonction exercée par l'organe représentatif.

La primauté de l'Assemblée nationale en matière législative et la nécessité pour le Gouvernement de disposer d'une majorité en son sein fondent les deux principales caractéristiques de l'élection des députés :

- le peuple devant, dans son exhaustivité, désigner cette majorité de gouvernement, le régime des élections législatives est établi sur des bases essentiellement démographiques, principe auquel il peut cependant être dérogé, dans certaines limites, pour des impératifs d'intérêt général (circonscriptions constituées de territoires continus, respect des limites cantonales, représentation minimale des départements...) ;

- l'impératif d'une majorité stable de Gouvernement justifie un mode de scrutin majoritaire .

Il en résulte que l'Assemblée nationale ne peut représenter d'une manière totalement exacte l'opinion dans sa diversité puisque, d'une part, les circonscriptions législatives ne sont pas constituées d'un nombre absolument égal d'habitants et, d'autre part, le scrutin majoritaire ne donne pas à chaque courant d'opinion une représentation correspondant strictement à son audience dans l'opinion.

La nécessité pour l'Assemblée nationale de représenter la population, mais aussi dans une certaine mesure le territoire, et celle d'avoir une majorité stable de Gouvernement ne permet pas aux députés d'être élus sur des bases exclusivement démographiques et à la représentation proportionnelle.

Il serait donc étrange de fonder la représentation du Sénat sur des bases plus démographiques que l'Assemblée nationale, ce à quoi tend le projet de loi en établissant un barème strictement proportionnel à la population.

Le bicaméralisme, traditionnel en France et mis en place dans un nombre croissant de démocraties, procède d'abord d'un objectif de " division du pouvoir législatif ".

La nécessité de disposer de deux regards différents pour l'élaboration de la législation s'impose d'autant plus que le parlementarisme contemporain privilégie l'initiative de l'exécutif sur celle du Parlement.

Or l'Assemblée nationale, par définition, est en phase pour l'essentiel avec les initiatives du gouvernement. Seul le Sénat est susceptible, à certaines périodes plus qu'à d'autres, d'apporter un éclairage divergent.

Dans la procédure législative, le Sénat est appelé à apporter un " autre regard " et une vision moins dogmatique. Il joue un rôle pondérateur .

Le Sénat doit, en effet, dans l'examen de toute question, permettre un certain recul et savoir ménager le temps de la réflexion .

Comment la Chambre Haute pourrait-elle remplir sa fonction spécifique si elle était élue selon des bases comparables à celles de la Chambre Basse ?

La nécessité d'une institution stabilisatrice, fonction dévolue au Sénat, justifie l'impossibilité de sa dissolution, la durée du mandat de ses membres, leur élection au suffrage indirect et leur renouvellement triennal.

L'élection au scrutin proportionnel d'une partie de ses membres ne soulève aucune difficulté, puisque le Gouvernement ne dépend pas d'une majorité au Sénat.

Pour accomplir des fonctions différentes de celles de l'Assemblée nationale, la représentation du Sénat doit évidemment être établie de manière distincte, sauf à faire du Sénat le " clone " de l'Assemblée nationale et à le rendre inutile.

Ainsi, des bases d'élection différentes permettent d'élargir les choix de la représentation nationale et de dégager un certain équilibre entre les pulsions immédiates de l'opinion et les valeurs permanentes sur lesquelles notre démocratie s'organise.

Le régime électoral du Sénat trouve une justification renforcée avec la décentralisation.

La représentation des communes et des départements dans une assemblée parlementaire pouvait apparaître comme un contrepoids à la puissance de l'Etat.

Désormais, la démocratie locale, qui commence à s'intégrer dans nos institutions, doit logiquement se traduire dans la composition du Parlement.

Une représentation parlementaire qui s'enracine dans la démocratie locale ne peut en aucune façon être assimilée à un enracinement conservateur.

Cette représentation parlementaire des collectivités apparaît au contraire plus nécessaire que jamais pour assurer la cohésion de la Nation et éviter toute fracture territoriale .

A cet égard, le Sénat préfigure une démocratie renouvelée, se rapprochant de celle des principaux partenaires de la France, mieux armée pour s'intégrer dans la construction européenne.

De même que le régime d'élection des députés prend en compte au premier chef l'impératif du dégagement d'une majorité stable, le régime électoral sénatorial doit avoir pour premier objectif une représentation différenciée s'appuyant avant tout sur la démocratie locale.

A l'heure de la recherche du renforcement des identités et des racines face à la mondialisation, il serait paradoxal de remettre en cause une représentation parlementaire basée sur cette démocratie locale.

2. Le régime d'élection des sénateurs

Les règles relatives à l'élection des sénateurs relèvent, selon les cas, de la Constitution, de la loi organique ou de la loi ordinaire.

Les principes de l'élection au suffrage indirect et celui de la représentation des collectivités territoriales ainsi que des Français résidant à l'étranger sont établis par l' article 24 de la Constitution , dont la révision suppose un vote identique des deux assemblées puis une ratification par référendum ou par le Congrès du Parlement.

Les règles fixées par des lois organiques qui, par définition, sont relatives au Sénat , ne peuvent être modifiées sans l'accord des deux assemblées.

Entrent dans cette catégorie :

- le nombre total des sénateurs et leur élection dans une circonscription constituée par le département (article L. O. 274 du code électoral)

- la durée du mandat (article L. O. 275 du code électoral)

- le renouvellement du Sénat par tiers (article L. O. 276 du même code)

- les conditions d' éligibilité et le régime des incompatibilités (articles L. O. 296 et L. O. 297 du code précité)

- le remplacement des sénateurs (articles L. O. 319 à L. O. 323 du même code)

- le contentieux de l'élection des sénateurs, la date de début et de fin de mandat et la période d'organisation des élections sénatoriales (articles L. O. 325, L. O. 277 et L. O. 278 du code électoral).

Les autres dispositions relatives au régime d'élection des sénateurs relèvent de la loi ordinaire . Sur celles-ci, l'Assemblée nationale peut donc être appelée à statuer définitivement.

Peuvent donc être modifiées sans l'accord du Sénat :

- les modes de scrutin pour l'élection des sénateurs (articles L. 294 et L. 295 du code électoral)

- la répartition des sièges entre les départements (article L. 279 et tableau n° 6 annexé au code électoral)

- la composition du collège électoral sénatorial (articles L. 280 à L. 282 du code électoral)

- le nombre des délégués des conseils municipaux et leur mode d'élection (articles L. 284 à L. 293 du code précité)

- le mode de désignation des délégués des conseils régionaux ou de l'Assemblée de Corse (articles L. 293-1 à L. 293-3 du code précité)

- les dispositions relatives aux opérations préparatoires et aux opérations de vote pour l'élection des sénateurs (articles L. 298 à L. 318 du code électoral).

a) La composition des collèges électoraux du Sénat

La représentation des collectivités territoriales au Sénat est assurée par la participation des élus locaux au collège électoral et, pour les villes les plus peuplées, par la désignation de délégués supplémentaires.

Selon l'article L.O. 280 du code électoral, les sénateurs sont élus par un collège électoral constitué dans chaque département :

- des députés élus dans le département

La participation des députés aux collèges électoraux constitués dans les départements pour l'élection des sénateurs n'a pas été remise en cause depuis 1875, bien qu'elle ne réponde pas à l'obligation constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales.

L'impact de cette participation est cependant très réduit (0,40 % des collèges électoraux).

La participation des membres de l'Assemblée nationale à ces collèges doit cependant être distinguée de la nomination directe par les députés de membres de la Haute Assemblée prévue par la loi constitutionnelle du 24 février 1875 (75 sénateurs sur 300) et par la Constitution de 1946 (possibilité de nommer le sixième des membres du Conseil de la République, utilisée de manière très marginale à partir de 1948).

- de tous les conseillers généraux du département

- de conseillers régionaux ou à l'Assemblée de Corse

Avant la publication de la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, la circonscription d'élection des conseillers régionaux étant le département, tous les élus régionaux du département étaient membres de droit du collège électoral sénatorial.

Désormais, les conseillers régionaux seront élus dans le cadre de circonscriptions régionales. Le conseil régional désignera ses représentants, dans chacun des départements de la région, au scrutin proportionnel, selon des règles similaires à celles établies pour la représentation de l'Assemblée de Corse dans les collèges de ses deux départements, par la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, chaque conseiller régional participant au collège électoral d'un département.

Le nombre des conseillers régionaux membres du collège électoral de chaque département n'a pas été modifié par la loi du 19 janvier 1999 précitée.

- de représentants des conseils municipaux (articles L. 283 à L. 293 du code électoral)

Actuellement, dans les communes de moins de 9.000 habitants, le nombre des délégués est inférieur à l'effectif des conseils municipaux.

Il oscille de 1 délégué (communes de moins de 500 habitants) à 15 délégués (communes de 3.500 à moins de 9.000 habitants, dont le conseil municipal est composé de 27 ou 29 membres, selon que la population est inférieure ou supérieure à 5.000 habitants).

Les communes entre 9.000 et moins de 31.000 habitants sont représentées par tous les conseillers municipaux, sans délégués supplémentaires. Elles n'élisent que des délégués suppléants.

Ces communes disposent donc d'un nombre de délégués titulaires se situant entre 29 et 39, selon leur population.

A partir de 31.000 habitants, la délégation des conseils municipaux est constituée de tous leurs membres ainsi que de délégués supplémentaires à raison d'un délégué par tranche entière de 1.000 habitants en sus de 30.000 habitants.

Le tableau ci-après récapitule, par tranches de population des communes, le nombre de leurs conseillers municipaux comparé à celui des délégués qu'ils désignent :



Population de la commune

Effectif du conseil municipal

Nombre des délégués conseillers municipaux

Nombre des délégués supplémentaires


Nombre total des délégués

De moins de 100 hab.

9

1

0

1

De 100 à 499 hab.

11

1

0

1

De 500 à 1.499 hab.

15

3

0

3

De 1.500 à 2.499 hab.

19

5

0

5

De 2.500 à 3.499 hab.

23

7

0

7

De 3.500 à 4.999 hab.

27

15

0

15

De 5.000 à 8.999 hab.

29

15

0

15

De 9.000 à 9.999 hab.

29

29

0

29

De 10.000 à 19.999 hab.

33

33

0

33

De 20.000 à 29.999 hab.

35

35

0

35

De 30.000 à 30.999 hab.

39

39

0

39

De 31.000 à 39.999 hab.

39

39

entre 1 et 9

entre 40 et 48

De 40.000 à 49.999 hab.

43

43

entre 10 et 19

entre 53 et 62

De 50.000 à 59.999 hab.

45

45

entre 20 et 29

entre 65 et 74

De 60.000 à 79.999 hab.

49

49

entre 30 et 49

entre 79 et 98

De 80.000 à 99.999 hab.

53

53

entre 50 et 69

entre 103 et 122

De 100.000 à 149.999 hab.

55

55

entre 70 et 119

entre 125 et 174

De 150.000 à 199.999 hab.

59

59

entre 120 et 169

entre 179 et 228

De 200.000 à 249.999 hab.

61

61

entre 170 et 219

entre 231 et 280

De 250.000 à 299.999 hab.

65

65

entre 220 et 269

entre 285 et 334

A partir de 300.000 hab. et au-dessus

69

69

à partir de 270

à partir de 339

Le tableau suivant porte sur la représentation totale des communes, en valeur absolue et en pourcentage, par tranche de population :

Tranches de population des communes

Nombre de délégués

 

en val. absolue

en pourcentage

moins de 3.500 habitants
(34.092 communes, 33,49 % de la population)

67.674

48,88

de 3.500 à 8.999 habitants
(1.589 communes, 14,60 % de la population)

23.707

17,12

de 9.000 à 19.999 habitants
(565 communes, 12,70 % de la population)

18.269

13,17

de 20.000 à 29.999 habitants
(168 communes, 6,97 % de la population)

5.880

4,25

de 30.000 à 100.000 habitants
(208 communes, 16,86 % de la population)

12.642

9,13

plus de 100.000 habitants
(35 communes, 9,61 % de la population)

6.635

4,79

Lyon-Marseille
(2 communes, 2,09 % de la population)

1.343

0,97

Paris (1 commune, 3,68 % de la population) (1)

2.308

1,67

Totaux et moyennes au plan national (arrondis)
(36.660 communes)

138.458

100,00

(1) Paris, constituant à la fois une commune et un département, est, par définition, exactement représenté au sein de son collège électoral et doit donc être comptabilisé séparément.

Les conseils municipaux élisent aussi des suppléants , à raison de deux quand le nombre de titulaires ne dépasse pas cinq. Le nombre des suppléants est augmenté de deux par cinq titulaires ou fraction de cinq.

Les délégués des conseils municipaux sont élus parmi les conseillers municipaux et les électeurs inscrits sur la liste électorale de la commune intéressée. Ce principe, établi par l'article R. 132 du code électoral, assure un lien entre le grand électeur et la commune qu'il représente.

Dans les communes de moins de 9.000 habitants , le nombre des délégués et suppléants étant inférieur à celui des conseillers, le choix s'effectue au sein du conseil municipal .

Dans celles d' au moins 9.000 habitants , tous les conseillers municipaux sont délégués de droit. Ils s'ensuit que le choix des suppléants (communes de 9.000 à moins de 31.000 habitants) et celui des titulaires et des suppléants (communes d'au moins 31.000 habitants) s'effectue parmi les électeurs de la commune en dehors du conseil municipal .

Selon l'article L. 287 du code électoral, le choix des conseillers municipaux ne peut porter sur un membre de droit du collège électoral (député, conseiller général, conseiller régional ou à l'Assemblée de Corse).

Si l'un de ces membres de droit est aussi membre de droit au titre d'un mandat municipal, un remplaçant lui est désigné par le maire, sur la présentation du conseiller municipal concerné.

En effet, le principe d'égalité du suffrage ne permet pas à un électeur de disposer de deux voix.

La désignation sur présentation de l'élu exerçant plusieurs mandats garantit, le cas échéant, à la minorité du conseil municipal sa représentation dans le collège électoral sénatorial.

Dans les communes de moins de 9.000 habitants , les délégués titulaires et suppléants sont élus successivement et individuellement par scrutins successifs à la majorité absolue, aux deux premiers tours, ou à la majorité relative au troisième tour (article L. 288 du code électoral) .

Le mode de scrutin majoritaire est donc appliqué dans les communes les moins peuplées, où les conseils municipaux ne connaissent pas généralement de clivages politiques accentués, le choix revêtant alors un caractère personnel.

Dans les communes d' au moins 9.000 habitants , l'élection des délégués et celle des suppléants ont lieu simultanément sur une même liste, au scrutin proportionnel selon la règle du plus fort reste , la présentation des candidatures étant réservée aux conseillers ou groupes de conseillers municipaux, marque du caractère indirect du suffrage (article L. 289 du code électoral).

Le vote par procuration , admis sans réserve dans les communes de moins de 9.000 habitants, ne l'est, dans les autres communes, que pour les députés, les conseillers généraux et régionaux dans les cas particuliers fixés par l'article R. 139 du code électoral (maladie, obligations résultant du mandat ou de missions confiées par le Gouvernement).

Au plan national, les collèges électoraux des sénateurs élus dans les départements sont ainsi constitués :

- 126.884 conseillers municipaux ( 87,75 % des collèges électoraux) ;

- 11.574 délégués supplémentaires de conseils municipaux ( 8 % des collèges électoraux) ;

- 1.722 conseillers régionaux ou conseillers à l'Assemblée de Corse (1,19 % des collèges électoraux) ;

- 3.857 conseillers généraux (2,66% des collèges électoraux) ;

- 577 députés (0,40 % des collèges électoraux).

Conseillers régionaux ou conseillers à l'Assemblée de Corse

(1, 19 %)

Députés

(0,40 %)

Conseillers municipaux

(87,75 %)

Délégués supplémentaires
de conseils municipaux

(8 %)

Conseillers généraux

(2,66 %)

Les collèges électoraux sont donc principalement composés de représentants des communes (conseillers et délégués supplémentaires constituent 95,75 % de l'ensemble ).

La représentation au Sénat des Français établis hors de France , aussi prévue par l'article 24 de la Constitution, est assurée par douze sénateurs élus par un collège électoral composé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

b) Le nombre de sénateurs et la répartition des sièges entre les départements

Le principe de l'élection des sénateurs dans le cadre de circonscriptions départementales, établi par l'article L.O. 274 du code électoral, confirmant la place du département entre l'Etat et les communes, ne pourrait être modifié que par une loi organique et avec l'accord du Sénat.

Il en serait de même pour le nombre des sénateurs 10( * ) .


L'actuelle répartition des sièges entre les départements résulte de la loi ordinaire n° 76-645 du 16 juillet 1976, laquelle s'appuie sur les résultats du recensement de 1975 auxquels il a été appliqué la " clé de répartition " inspirée de la loi n° 48-1971 du 23 septembre 1948.

Selon cette clé de répartition, il est attribué à chaque département un siège de sénateur jusqu'à 154.000 habitants, chiffre arrondi à 150.000 habitants, puis un siège supplémentaire par tranche de 250.000 habitants ou fraction de ce nombre.

Si la répartition des sièges entre les départements est établie sur la base de critères démographiques, elle intègre aussi une représentation minimale des départements les moins peuplés, chacun d'entre eux disposant d'au moins un sénateur et un département de 400.000 habitants en élisant deux.

Toutefois, la fixation de la première tranche à 150.000 habitants peut tout aussi bien, par effet de seuil, favoriser un département peuplé.

Le tableau ci-après récapitule la répartition actuelle des sièges entre les départements, telle qu'elle est fixée par le tableau n° 6 annexé au code électoral :


Départements

Nombre
de Sénateurs

 

Gers 2
Gironde 5

 

Bas-Rhin 4
Haut-Rhin 3

Ain 2

 

Hérault 3

 

Rhône 7

Aisne 3

 

Ille-et-Vilaine 4

 

Haute-Saône 2

Allier 2

 

Indre 2

 

Saône-et-Loire 3

Alpes-de-Haute-Provence 1

 

Indre-et-Loire 3

 

Sarthe 3

Hautes-Alpes 1

 

Isère 4

 

Savoie 2

Alpes-Maritimes 4

 

Jura 2

 

Haute-Savoie 3

Ardèche 2

 

Landes 2

 

Seine-Maritime 6

Ardennes 2

 

Loir-et-Cher 2

 

Seine-et-Marne 4

Ariège 1

 

Loire 4

 

Deux-Sèvres 2

Aube 2

 

Haute-Loire 2

 

Somme 3

Aude 2

 

Loire-Atlantique 5

 

Tarn 2

Aveyron 2

 

Loiret 3

 

Tarn-et-Garonne 2

Territoire de Belfort 1

 

Lot 2

 

Var 3

Bouches-du-Rhône 7

 

Lot-et-Garonne 2

 

Vaucluse 2

Calvados 3

 

Lozère 1

 

Vendée 3

Cantal 2

 

Maine-et-Loire 3

 

Vienne 2

Charente 2

 

Manche 3

 

Haute-Vienne 2

Charente-Maritime 3

 

Marne 3

 

Vosges 2

Cher 2

 

Haute-Marne 2

 

Yonne 2

Corrèze 2

 

Mayenne 2

 

Guadeloupe 2

Corse-du-Sud 1

 

Meurthe-et-Moselle 4

 

Guyanne 1

Haute-Corse 1

 

Meuse 2

 

Martinique 2

Côte-d'Or 3

 

Morbihan 3

 

Réunion 3

Côtes-d'Armor 3

 

Moselle 5

 

Essonne 5

Creuse 2

 

Nièvre 2

 

Paris 12

Dordogne 2

 

Nord 11

 

Hauts-de-Seine 7

Doubs 3

 

Oise 3

 

Seine-Saint-Denis 6

Drôme 2

 

Orne 2

 

Val-de-Marne 6

Eure 3

 

Pas-de-Calais 7

 

Val-d'Oise 4

Eure-et-Loir 2

 

Puy-de-Dôme 3

 

Yvelines 5

Finistère 4

 

Pyrénées-Atlantiques 3

 
 

Gard 3

 

Hautes-Pyrénées 2

 

Total 304

Haute-Garonne 4

 

Pyrénées-Orientales 2

 
 

Le Gouvernement a annoncé qu'il proposerait une actualisation de la répartition des sièges entre les départements après la publication des résultats du recensement de 1999 . Le principe de cette actualisation a été approuvé par votre commission des Lois.

c) Les conditions d'éligibilité et le régime des incompatibilités

L'âge d'éligibilité des sénateurs, établi par l'article L.O. 296 du code électoral, diffère de celui du député (35 ans au lieu de 23) pour des raisons principalement historiques.

Votre rapporteur ne reviendra pas en détail sur le régime des incompatibilités parlementaires, question déjà traitée par le président Jacques Larché, dans son rapport sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice 11( * ) et qui ne fait l'objet d'aucune proposition dans les textes en discussion.

d) Le mode de scrutin pour l'élection des sénateurs

Les sénateurs sont élus pour neuf ans et le renouvellement du Sénat s'effectue par tiers tous les trois ans , ses membres étant répartis entre trois séries d'importance approximativement égale (articles L.O. 275 et L.O. 276 et tableau n° 5 annexé au code électoral).

Le mode d'élection des sénateurs est déterminé par les articles L. 294 et L. 295 du code électoral.

La formule mixte appliquée pour l'élection des sénateurs (partage entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel), appliquée depuis 1946, est une originalité de nature à enrichir la représentativité du Sénat.

Le scrutin majoritaire à deux tours a été institué dans les départements les moins peuplés (comptant au plus quatre sièges à pourvoir ) et dans les collectivités d'outre-mer. Il concerne actuellement les deux tiers des sénateurs (211 sièges sur 321), représentant les deux tiers de la population .

Le scrutin proportionnel selon la règle de la plus forte moyenne est appliqué dans les départements les plus peuplés ( 5 sièges au moins à pourvoir), dans le département du Val d'Oise, et pour la représentation des Français résidant à l'étranger. Il s'applique à l'élection du tiers des membres du Sénat (110 membres sur 321) .

Les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel dans les quinze départements suivants : Bouches-du-Rhône, Gironde, Loire-Atlantique, Moselle, Nord, Pas-de-Calais, Rhône, Seine-Maritime, Paris, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d'Oise, Yvelines.

e) Le remplacement des sénateurs

Les sénateurs élus au scrutin majoritaire , dont le siège devient vacant pour cause de décès, d'acceptation des fonctions de membre du Gouvernement ou du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement, sont remplacés par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet.

Dans les autres cas de vacance, ou s'il n'y plus de suppléant, il est pourvu au remplacement de ces sénateurs par une élection partielle dans les trois mois (articles L.O. 319 et L.O. 322, premier alinéa, du code électoral).

Les sénateurs élus au scrutin proportionnel dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit sont remplacés par leur " suivant de liste ".

S'il n'y a plus de " suivant de liste ", une élection partielle est organisée dans un délai de trois mois (articles L.O. 320 et L.O. 322, premier alinéa, du code électoral).

Quel que soit le mode de scrutin applicable, l'annulation des opérations électorales entraîne aussi une élection partielle.

Il n'est cependant jamais procédé à une élection partielle, pour quelque cause que ce soit, dans l'année précédant un renouvellement général (article L.O. 322, second alinéa, du code électoral).

Les élections partielles se déroulent selon le mode de scrutin applicable dans le département concerné. Toutefois, si la vacance porte sur un seul siège, l'élection se déroule au scrutin majoritaire à deux tours (article L. 324 du code électoral).

f) Le contentieux de l'élection des sénateurs

Comme celui de l'élection des députés, le contentieux portant sur l'élection des sénateurs est jugé par le Conseil constitutionnel (article L.O. 325 du même code).

*

* *

C. LE PROJET ET LES PROPOSITIONS DE LOI

Le projet de loi tend à supprimer tout lien entre l'effectif des conseils municipaux et le nombre des délégués de ces conseils dans les collèges électoraux sénatoriaux en supprimant les délégués de droit et en fixant le nombre des délégués à un pour 500 habitants ou fraction de ce nombre, quel que soit le chiffre de la population.

Les délégués des conseils municipaux seraient élus au scrutin proportionnel dans les communes de plus de 1.000 habitants ( au lieu de 9.000 habitants).

Le projet de loi abaisserait de cinq à trois le nombre de sièges à pourvoir à partir duquel les sénateurs seraient élus au scrutin proportionnel .

Il comporte aussi diverses dispositions de caractère plus technique, certaines répondant à des observations formulées par le Conseil constitutionnel à la suite des élections sénatoriales de 1995 et 1998.

Enfin, le Gouvernement n'a pas présenté de propositions concernant l'âge d'éligibilité des sénateurs ou le nombre et la répartition des sièges entre les départements. Il lui est apparu préférable d'attendre les résultats du recensement en cours pour envisager des modifications sur ce point.

Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen ont déposé deux propositions de loi organique tendant, pour l'une d'entre elles, à abaisser de 35 ans à 23 ans l'âge d'éligibilité des sénateurs 12( * ) et pour l'autre à porter de 304 à 321 le nombre de sénateurs élus dans les départements 13( * ) . Ce dernier texte n'est pas complété par une proposition de loi ordinaire fixant la nouvelle répartition des sièges entre les départements qui en résulterait.

Les mêmes auteurs ont également déposé une proposition de loi tendant, d'une part, à fixer le nombre des délégués des conseils municipaux à un pour 500 habitants ou fraction de ce nombre, et, d'autre part, à appliquer le scrutin proportionnel dans les départements comptant au moins 3 sièges à pourvoir 14( * ) . Ce texte ne modifierait pas le mode d'élection des délégués des conseils municipaux

M. Jean-Michel Baylet propose aussi que les conseils municipaux soient représentés dans le collège sénatorial par un délégué pour 500 habitants ou fraction de ce nombre et que les sénateurs soient élus au scrutin proportionnel dans les départements comptant au moins 3 sièges à pourvoir.

Il propose, en outre, que les délégués des conseils municipaux soient élus au scrutin proportionnel dans les communes d'au moins 3.500 habitants 15( * ) .

En revanche, M. Jean-Michel Baylet n'a formulé aucune proposition concernant l'âge d'éligibilité des sénateurs, l'effectif du Sénat et la répartition des sièges entre les départements.

M. Guy Allouche et les membres du groupe socialiste ont présenté une proposition de loi organique qui abaisserait à 23 ans l'âge d'éligibilité des sénateurs et porterait à 317 le nombre des sénateurs élus dans les départements 16( * ) .

Les mêmes auteurs ont également déposé une proposition de loi tendant à une nouvelle répartition des sièges entre les départements (création de 17 sièges et suppression de 4 sièges) 17( * ) et une autre proposition de loi concernant le mode d'élection des sénateurs 18( * ) .

Selon ce texte, qui ne modifierait pas la représentation des communes comptant jusqu'à 3.500 habitants, tous les conseillers municipaux seraient délégués de droit dans les communes d'au moins 3.500 habitants (au lieu de 9.000 habitants) et celles d'au moins 20.000 habitants (au lieu de 30.000) auraient un délégué supplémentaire par tranche entière de 500 habitants (au lieu de 1.000 habitants) en sus de 20.000 habitants.

De plus, les délégués des conseils municipaux seraient élus au scrutin proportionnel dans les communes d'au moins 3.500 habitants et le mode de scrutin majoritaire , pour l'élection des sénateurs, ne serait plus appliqué que dans les huit départements n'ayant qu'un seul siège à pourvoir.

Enfin, nos collègues MM. Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Gérard Larcher, Christian Bonnet, Patrice Gélard, Paul Girod, Jean-Jacques Hyest et Jacques Larché ont présenté une proposition de loi organique et une proposition de loi 19( * ) .

Le premier texte fixerait à 23 ans l'âge d'éligibilité des sénateurs.

Le second texte accorderait des délégués supplémentaires aux communes d' au moins 9.000 habitants , à raison d' un délégué par tranche entière de 700 habitants en sus de 9.000. Il étendrait aux départements ayant au moins 4 sénateurs à élire, l'application du scrutin proportionnel .

Cette proposition de loi n'apporterait aucune modification à la représentation des communes de moins de 9.000 habitants.

Les auteurs de ces propositions de loi ne proposent pas de modifier dès maintenant l'effectif du Sénat et la répartition des sièges entre les départements. Ils ne proposent pas non plus une modification des modes de scrutin pour l'élection des délégués des conseils municipaux.

II. LES PRINCIPES AYANT GUIDÉ LA RÉFLEXION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ÉGALITÉ DU SUFFRAGE ET REPRÉSENTATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

L'article 3 de la Constitution, selon lequel le suffrage est égal, concerne aussi bien le Sénat que l'Assemblée nationale.

L'invocation de cet article pour le régime électoral sénatorial, par le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi, ne saurait occulter ceux de la représentation des collectivités territoriales au Sénat (article 24) et de l'égalité de ces collectivités, résultant de l'article 72 de la Constitution.

Il convient donc de trouver un équilibre entre ces principes applicables aux élections sénatoriales.

A. LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ DU SUFFRAGE

Le principe d'égalité du suffrage a été précisé par le Conseil constitutionnel, pour les élections au suffrage direct, puis pour celles au suffrage indirect.

Toutefois, les conditions de son application à l'élection des sénateurs n'ont pas encore été spécifiées par la Haute juridiction.

1. L'application au suffrage universel direct du principe d'égalité du suffrage

Dans sa décision 85-196 DC du 8 août 1985, le Conseil constitutionnel a décidé que le Congrès du territoire de la Nouvelle Calédonie " pour être représentatif du territoire et de ses habitants (devait) être élu sur des bases essentiellement démographiques ", ce qui n'implique pas une proportionnalité rigoureuse entre le nombre des représentants d'une circonscription et sa population, " des considérations d'intérêt général (pouvant) justifier que des distorsions existent dans une mesure limitée ".

S'agissant de l'élection des députés, le Conseil constitutionnel a considéré que " l'Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct, doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ; que si le législateur peut tenir compte d'impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de cette règle fondamentale, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée " 20( * ) .

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les dispositions de l'article 5 de la loi fixant à deux le nombre minimum de députés élus dans chaque département, quelle que soit sa population.

Le Conseil constitutionnel a admis que, sauf en ce qui concerne les départements dont le territoire comporte des parties insulaires ou enclavées, les circonscriptions devaient être constituées par un territoire continu, permettant ainsi un autre assouplissement au critère démographique pour la délimitation des circonscriptions.

En outre, il a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de la loi selon lesquelles, à l'exception des circonscriptions créées dans les villes de Paris, Lyon et Marseille et dans les départements comprenant un ou des cantons non constitués par un territoire continu, ou dont la population, déterminée par le recensement général de la population, est supérieure à 40.000 habitants, la délimitation des circonscriptions devait respecter les limites cantonales.

Enfin, le Conseil constitutionnel a admis des écarts de population entre les circonscriptions d'un département pour permettre la prise en compte d'impératifs d'intérêt général, la population d'une circonscription ne pouvant en l'espèce s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département.

De la sorte, tout en établissant le principe de l'élection des députés au suffrage universel direct sur des " bases essentiellement démographiques ", le Conseil constitutionnel a admis des limitations à la portée de ce principe pour des impératifs d'intérêt général, en particulier pour la prise en compte de certaines caractéristiques particulières du territoire.

Dans sa décision n° 87-227 DC du 7 juillet 1987, sur la loi n° 87-509 du 9 juillet 1987 modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille, le Conseil constitutionnel a estimé aussi que " l'organe délibérant d'une commune de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques résultant d'un recensement récent ; que s'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doivent être nécessairement proportionnelle à la population de chaque secteur ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent intervenir que dans une mesure limitée ".

Le Conseil constitutionnel a considéré " que, même si le législateur n'a pas jugé opportun, pour deux des cent un sièges à attribuer, de faire une stricte application de la répartition proportionnelle à la plus forte moyenne, les écarts de représentation entre les secteurs selon l'importance respective de leur population telle qu'elle ressort du dernier recensement, ne sont ni manifestement injustifiables ni disproportionnés de manière excessive ".

L'égalité du suffrage, reconnue aux citoyens par l'article 3 de la Constitution, si elle suppose une répartition des sièges sur la base de " critères essentiellement démographiques ", à tout le moins pour des élections au suffrage direct et y compris les élections locales dont celle des sénateurs découle, ne s'oppose pas à la prise en compte " d'autres impératifs d'intérêt général ", mais " dans une mesure limitée ".

On relèvera cependant que les " critères essentiellement démographiques " doivent résulter d'un recensement récent.

Les sièges ne doivent donc pas être répartis selon le nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales, mais sur la base de la population recensée, qu'elle soit française ou étrangère, majeure ou mineure, ou qu'elle jouisse ou non de ses droits civils et politiques.

De ce fait, l'égalité du suffrage n'implique pas nécessairement une égalité arithmétique de représentation des citoyens français, puisque la délimitation des circonscriptions doit s'appuyer sur un recensement donc sur la population totale.

2. L'application au suffrage universel indirect du principe d'égalité du suffrage

On remarquera d'abord que la décision précitée des 1 er et 2 juillet 1986 concerne " l'Assemblée nationale, désignée au suffrage universel direct ".

Certes, la décision précitée du 7 juillet 1987 s'appuie notamment sur le troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution pour rappeler que " le Sénat, qui est élu au suffrage indirect, assure la représentation des collectivités territoriales de la République ", mais elle porte sur la délimitation des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille, membres de droit du collège électoral sénatorial participant à l'élection des sénateurs, non sur l'élection des membres du Sénat eux-mêmes.

La seule décision du Conseil constitutionnel étendant à une élection au suffrage indirect le principe de l'élection sur des bases essentiellement démographiques, concerne la composition des organes délibérants des communautés urbaines 21( * ) .

Encore la portée de ce principe est-elle atténuée par la prise en compte dans une mesure limitée d'autres considérations d'intérêt général " et normalement (...) la possibilité qui serait laissée à chacune de ces collectivités de disposer d'au moins un représentant au sein du conseil concerné ".

Pour estimer que, dans la loi déférée, les écarts de représentation entre les communes n'étaient " ni manifestement injustifiables ni disproportionnés de manière excessive ", le Conseil constitutionnel a observé que le texte prévoyait, d'une part, une représentation minimale de chaque commune et, d'autre part, un mécanisme permettant aux communes les plus peuplées de disposer d'une représentation se rapprochant de leur population (les sièges restant à pourvoir après attribution des sièges garantis aux communes les moins peuplées sont répartis entre les autres communes, sur la base de leur population municipale).

L'extension éventuelle de cette jurisprudence au régime électoral sénatorial a été discutée par des constitutionnalistes.

Certains auteurs, estimant que le Conseil constitutionnel étendrait, le cas échéant, le principe de l'élection sur des bases essentiellement démographiques à celle des sénateurs, ont considéré que l'application de ce principe ne pourrait pas être établie dans des conditions similaires, la représentation des collectivités territoriales dévolue au Sénat impliquant une participation effective et significative de toutes les collectivités quelles que soient leurs populations.

Ainsi, MM. Louis Favoreu et Loïc Philip ont-ils admis qu'il n'était " pas impossible que le Conseil étende ainsi sa jurisprudence aux élections sénatoriales : mais il le ferait sans doute de manière moins stricte car (le Sénat) représente aussi les collectivités territoriales, en tant que telles " 22( * ) .

Dans cette hypothèse, l'obligation de représentation effective de toutes les collectivités, déjà affirmée pour les conseils de communautés urbaines, ne pourrait qu'être renforcée pour le régime électoral sénatorial, compte tenu de sa place particulière dans les institutions et de la nécessité devant laquelle se trouve chaque assemblée du Parlement d'être composée selon des principes distincts, pour un fonctionnement satisfaisant de notre système bicaméral.

Quelle que soit la formulation que retiendrait éventuellement le Conseil constitutionnel, il ne pourrait, semble-t-il, qu'affirmer la place particulière qui doit être maintenue à toute collectivité, dans l'élection des sénateurs.

B. LA MISE EN oeUVRE PARTICULIÈRE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DU SUFFRAGE POUR L'ÉLECTION DES SÉNATEURS

1. L'Assemblée nationale et le Sénat exercent une même souveraineté nationale

Le Sénat, comme l'Assemblée nationale, représente de manière indivisible la totalité du peuple français, la France étant une République indivisible (article 1 er de la Constitution).

Selon l'article 3 de la Constitution, " la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ".

A cet égard, la Constitution n'opère aucune distinction entre les représentants du peuple, qu'ils soient membres de l'une ou de l'autre assemblée du Parlement.

Le même article, tout en prévoyant que " le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution ", ajoute qu'il est " toujours universel, égal et secret ".

Le parlementaire, qu'il soit député ou sénateur, exerce un mandat représentatif de la Nation entière, et pas seulement des électeurs de sa circonscription ou de son département d'élection.

La représentation de la totalité de la population par les députés est assurée par l'existence de circonscriptions couvrant l'ensemble du territoire français, étant précisé que les Français résidant à l'étranger peuvent également participer aux élections législatives s'ils ont été inscrit sur la liste électorale d'une commune de rattachement, dans les conditions fixées par l'article L. 12 du code électoral.

Le Sénat représente, lui aussi, la totalité de la population française vivant dans ses différentes collectivités territoriales. La représentation des Français établis hors de France par le Sénat, explicitement prévue par l'article 24 de la Constitution, permet à la Haute Assemblée d'être représentative de l'ensemble du peuple français.

Votre rapporteur a déjà exposé que le régime d'élection des députés sur des bases essentiellement démographiques prenait aussi les caractéristiques du territoire en considération (au moins deux députés par département, circonscription en principe constituée de territoires continus et respectant, sauf exception, les limites cantonales...).

Dans tous les cas, la représentation des citoyens s'effectue donc inévitablement à travers les territoires dans lesquels ils vivent.

Le Sénat est plus particulièrement élu dans le cadre des circonscriptions territoriales (départements, collectivités d'outre-mer). Il assure la représentation des collectivités territoriales, constituées à la fois d'un territoire et d'une population.

Le Sénat a donc une vocation spécifique à représenter les populations en tant qu'elles s'insèrent dans des communautés administratives gérées par des élus locaux.

2. Egalité des collectivités territoriales et représentation équilibrée du territoire

Le suffrage indirect est destiné à permettre la représentation des collectivités territoriales en tant que telles, ce qui n'empêche pas une prise en compte de leur population, à la condition que, dans les faits, les critères démographiques n'annihilent pas l'obligation constitutionnelle pour le Sénat de représenter les collectivités.

L'obligation constitutionnelle pour le Sénat de représenter les collectivités territoriales s'appuie sur une tradition républicaine remontant à 1875, justifiée par l'impératif d'assurer au Parlement -à côté de la représentation des populations en tant que telles à l'Assemblée nationale- une représentation spécifique des nombreuses collectivités réparties à travers un vaste territoire, ce qui constitue une caractéristique particulière de notre pays.

Cette nécessité, issue au départ de la tradition centralisatrice de la France, certes toujours présente, trouve un nouveau fondement avec la mise en oeuvre des lois de décentralisation et le développement d'une politique d'aménagement du territoire.

Une décentralisation authentique, c'est-à-dire ne cachant pas une " recentralisation rampante ", ne peut être conduite par l'Etat sans participation des collectivités territoriales.

Le Sénat a toujours su faire preuve d'une certaine indépendance, refusant des positions strictement partisanes , en particulier dans l'examen des textes intéressant les collectivités territoriales, intégrant dans son analyse les réalités de la vie locale, les impératifs de libre administration, conditionnée par des ressources propres suffisantes.

Les difficultés budgétaires de l'Etat peuvent en effet conduire tout gouvernement, dans les faits, à tenter de transférer aux collectivités certaines compétences sans les ressources correspondantes et donc à " asphyxier " à terme la démocratie locale.

A travers la représentation des collectivités territoriales, le Sénat " prend en compte les éléments de permanence et de stabilité inscrits dans la géographie administrative de la France ", selon l'expression du président Jacques Larché, dans son rapport sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs en 1991 23( * ) .

Ces éléments de permanence et de stabilité apparaissent particulièrement nécessaires dans une société qui se modifie de plus en plus rapidement sans toujours prendre le temps utile pour préserver des repères indispensables.

Par nature, le Sénat représente des collectivités humaines, en tant qu'elles vivent dans des territoires et, à ce titre, est en phase avec l'intérêt renouvelé pour la politique d' aménagement du territoire .

L'aspect rural d'une partie de son corps électoral traduit un espace national dans lequel figurent des " bourgs-centres " dont le développement demeure nécessaire pour enrayer la désertification du pays, dont on sait qu'elle a pu contribuer à de forts déséquilibres dans les zones urbaines .

A cet égard, le Sénat, loin de fixer exclusivement son attention sur l'espace rural, cherche aussi à assurer un équilibre entre les différentes parties du territoire , en particulier en se préoccupant aussi de l' aménagement des zones urbaines , comme il a pu le montrer, notamment, lors de l'examen de la loi d'orientation n° 95-115 du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire, à l'occasion de laquelle le rapporteur de la commission des Affaires économiques, M. Gérard Larcher, évoquait la nécessité d'un " équilibre du territoire ".

Pour être satisfaisante et efficace, la représentation des collectivités au Sénat ne saurait se limiter à une participation formelle au sein d'un collège électoral constitué exclusivement sur la base de leur population, car toutes les collectivités doivent, quelle que soit leur taille, peser d'une manière significative pour l'élection des sénateurs.

Des collèges électoraux constitués sur une base exclusivement démographique, les départements représentés uniquement en proportion de leur population entraîneraient de facto une minoration du poids des collectivités les moins peuplées alors que, précisément, leur taille justifie une représentation renforcée.

Il serait paradoxal que le Sénat soit élu selon des critères exclusivement démographiques quand l'Assemblée nationale l'est selon des critères essentiellement démographiques.

Il est donc indispensable que la représentation des collectivités territoriales au Sénat tienne compte de leur situation et que, en particulier, les moins peuplées d'entre elles bénéficient d'un poids supérieur à celui qui résulterait uniquement de leur importance démographique.

Telle est la condition d'une véritable politique d'aménagement du territoire.


Comme le disait notre collège, M. Jacques Larché, président et rapporteur de la commission des Lois lors de l'examen du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs en 1991 : " le mode d'élection des sénateurs constitue en fait la sauvegarde spécifique de cette différence de représentation entre les deux assemblées du Parlement qui concourent toutes deux, mais selon des modalités différentes, à l'expression d'une souveraineté nationale aussi indivisible que la République elle-même " 24( * ) .

C. L'ÉGALITÉ ENTRE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LA COMPOSITION DU COLLÈGE ÉLECTORAL

Les communes sont constituées à la fois d'une circonscription administrative et territoriale et d'une population. Le barème de participation des communes au collège électoral sénatorial intègre ces deux éléments :

La circonscription administrative et territoriale , ce qui donne à toute commune de France le droit de participer en tant que telle au collège électoral des sénateurs en désignant au moins un délégué.

Le statut constitutionnel des collectivités territoriales, fixé par les articles 24 et 72 de la Constitution, ne comporte pas de distinction entre celles-ci. Elles jouissent donc toutes d'un statut identique impliquant une représentation parlementaire significative de chaque collectivité.

Le principe d'égalité du suffrage, affirmé par l'article 3 de la Constitution, doit être interprété à la lumière de l'article 24 de la Constitution, chargeant le Sénat de représenter les collectivités territoriales.

Ce principe d'égalité du suffrage paraît donc devoir bénéficier avant tout aux collectivités en tant que telles.

Le poids de chaque commune dans le collège électoral sénatorial n'est pas strictement proportionné à la population, ce qui conduirait à une inégalité de fait entre collectivités.

En effet les zones rurales verraient leur place dans le corps électoral diminuer à mesure de la baisse de leur population, alors que ces territoires ont, au contraire, besoin d'une représentation assurée, condition indispensable à l'essor d'une politique d'aménagement du territoire

Pour traduire dans les faits l'égalité en droit des collectivités territoriales, la loi comporte un mécanisme assurant une représentation significative des communes rurales ou périphériques.

Aussi, le barème de représentation des communes dans le collège électoral sénatorial a-t-il pour base l'effectif des conseils municipaux, dont on sait qu'il n'est pas strictement proportionnel à la population.


En effet, si l'effectif des conseils municipaux était proportionnel à la population, une commune de 99 habitants élisant 9 conseillers, une ville de 300.000 habitants, par exemple en aurait...plus de 27.000 (au lieu de 69).

Ce barème intègre néanmoins la population des communes, sans en faire un critère exclusif, sous la forme d'un " correctif " pour les grandes villes.

En effet, il ne serait pas souhaitable que les règles de représentation des villes ne tiennent pas compte, dans une certaine mesure, de leur population, la densité des zones urbaines constituant, comme celle des zones rurales, une caractéristique du territoire à prendre en considération.

Il s'en suit que le nombre des délégués des communes, basé sur l'effectif de leurs conseils municipaux, est inférieur à cet effectif dans les communes les moins peuplées, les autres communes étant représentées par tous leurs conseillers municipaux, les villes les plus peuplées élisant en outre des délégués supplémentaires.

La recherche de l'égalité de représentation des collectivités territoriales avait conduit les auteurs de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 à attribuer à chaque commune, quelle que soit sa population, un seul électeur sénatorial.

La nécessité de prendre en compte la taille des communes dans le barème de représentation des communes est rapidement apparue.

A partir de la loi du 9 décembre 1884, la représentation des communes a été établie sur la base de l'effectif des conseils municipaux, qui traduit lui-même partiellement le chiffre de la population.

La loi organique du 23 septembre 1948, en rétablissant le principe de la désignation des délégués des communes par les conseils municipaux suspendu en 1946 25( * ) , a accru l'élément démographique de leur représentation en accordant des délégués supplémentaires aux villes de plus de 45.000 habitants et a fixé la règle selon laquelle les grands électeurs sont choisis en priorité au sein du conseil municipal.

Le poids des grandes villes dans les collèges électoraux a été accentué par l'ordonnance du 15 novembre 1958 (abaissement à 30.000 du nombre d'habitants à partir duquel des délégués supplémentaires sont désignés) puis par la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982, celle-ci ayant augmenté le nombre des conseillers municipaux des communes les plus peuplées, dans lesquelles tous les conseillers sont membres de droit du collège électoral.

Certes, la population des collectivités les moins peuplées est " mieux représentée " dans le collège électoral que celle des plus grandes collectivités.

Les distorsions de représentation des populations selon la taille des communes ne peuvent pas plus être occultées, puisque dans une commune de moins de 3.500 habitants, un délégué représente en moyenne 292 habitants et, dans une ville entre 30.000 et 100.000 habitants, 788 habitants.

Ces différences pourraient sans doute être réduites, ce à quoi tendent, à des degrés divers, plusieurs propositions de loi soumises au Sénat.

Elles doivent cependant être relativisées, dans la mesure où les distorsions au plan national n'ont d'impact réel que lorsqu'elles se retrouvent au sein de chaque département, cadre de l'élection des sénateurs.

Les différences de représentation des communes selon leur taille n'ont de signification qu'à l'intérieur d'un même département.


Selon un tableau récapitulatif de la sur ou de la sous représentation des communes dans les différents collèges électoraux des départements, établi par M. Jean Grangé et publié par M. François Robbe 26( * ) , les communes de 2.000 à 20.000 habitants sont les plus exactement représentées au sein de chaque collège électoral départemental la surreprésentation ne dépassant 10 % que dans onze départements. La sous représentation ne dépasse ce pourcentage que dans cinq départements .

Les départements démographiquement homogènes, qu'ils soient ruraux (Creuse) ou urbains (Seine-Saint-Denis, Hauts de Seine) ne laissent pratiquement pas apparaître de distorsion. A Paris, qui constitue à la fois une ville et un département, aucune différence de représentation n'est, par définition, possible.

Ces différences de représentation selon la population des communes apparaissent dans les départements démographiquement les plus hétérogènes où la " sous représentation urbaine " se combine avec une " surreprésentation rurale ".

En revanche, ces différences ne peuvent être complètement effacées, comme cela est proposé dans le projet de loi et dans les propositions de loi de nos collègues, Mme Hélène Luc et M. Jean-Michel Baylet, avec la fixation uniforme du nombre des délégués à 1 pour 500 habitants dans toutes les communes quelle que soit leur population.

En effet, le Sénat représente les collectivités territoriales en tant que telles et pas seulement leur population de manière indifférenciée.

Surtout, une représentation égale des collectivités -si elle n'est pas conditionnée par un nombre identique de délégués dans toutes les communes- suppose que chaque catégorie de communes, des plus grandes aux plus petites, pèse d'un poids significatif pour l'élection des sénateurs.

L'égalité constitutionnelle des collectivités locales suppose en effet que la représentation de chacune d'entre elles ne soit pas purement formelle.

La représentation uniforme des communes par un délégué pour 500 habitants ne permettrait pas aux communes les moins peuplées de bénéficier d'un poids suffisant pour l'élection des sénateurs.

Cet impératif a été clairement exprimé par M. Marcel Prélot, estimant qu'il convenait de " pondérer la représentation de telle sorte que les parties du territoire les moins peuplées conservent une influence dans les affaires du pays et ne soient pas vouées à un dépérissement irrémédiable " 27( * ) .

La représentation au Sénat des espaces économiquement les plus fragiles constitue une chance pour surmonter la " fracture territoriale " par une véritable politique d'aménagement du territoire.

D. L'ÉGALITÉ DE REPRÉSENTATION DES DÉPARTEMENTS

Chaque collectivité devant constitutionnellement être représentée de manière significative, il en résulte que la représentation sénatoriale des départements ne peut être strictement proportionnelle à leur population.

Au demeurant, votre rapporteur a déjà exposé qu'à l'Assemblée nationale, chaque département devait être représenté, quelle que soit sa population, par au moins un député et que le Conseil constitutionnel avait admis des écarts de population entre circonscriptions d'un même département dans la limite de 20 %, ne fixant donc pas de règles chiffrées concernant les écarts entre circonscriptions de départements différents.

Les départements sont loin d'être représentées à l'Assemblée nationale strictement en fonction de leur population.

Alors qu'une circonscription représente, en moyenne, 28.462 électeurs inscrits en Lozère (39.630 en Corse-du-Sud et 43.911 dans les Hautes-Alpes), le nombre moyen d'électeurs inscrits s'élève à 86.236 en Haute Vienne (85.250 dans le Var et 83.331 dans les Côtes d'Armor).

Encore convient-il de souligner que la dernière délimitation des circonscriptions législatives a été effectué en 1986.

A l'Assemblée nationale aussi la population des départements peut donc être représentée de manière non strictement proportionnelle.

Au Sénat, chaque département, quelle que soit sa population, est représenté par au moins un sénateur.

La dernière révision de la répartition des sièges de sénateurs entre les départements, opérée en 1976, appliquait au recensement de 1975 la " clé de répartition " inspirée de la loi n° 48-1971 du 23 septembre 1948, selon laquelle il est attribué un siège par département jusqu'à 150.000 habitants, puis un siège par tranche complète ou incomplète de 250.000 habitants.

Cette " clé de répartition " garantit à chaque département une représentation significative, M. Marcel Champeix expliquant devant le Sénat, lors du vote de la loi du 19 juillet 1976 sur la répartition des sièges entre les départements, qu'" au point de vue social, il est indispensable de se pencher sur le cas des populations qui sont plus dispersées, qui ont le moins de soutien et qui, par conséquent, ont besoin d'hommes politiques pour les représenter et de sénateurs en particulier ".

Les écarts de représentation de la population selon les départements n'ont pu que se modifier, compte tenu des évolutions démographiques enregistrées depuis la dernière répartition effectuée il y a 23 ans et votre commission des Lois souhaite une actualisation de cette répartition, après la publication des résultats du recensement de 1999.

En effet, 55 sièges dans 17 départements enregistrent actuellement des différences sensibles de représentation (certains sénateurs représentant moins de 100.000 habitants quand d'autres en représentent plus de 250.000).

E. ÉGALITÉ ENTRE COLLECTIVITÉS ET PLURALITÉ DES MODES DE SCRUTIN POUR L'ÉLECTION DES SÉNATEURS

L'une des singularités du régime électoral du Sénat tient à la pluralité de ses modes de scrutin (majoritaire et proportionnel).

Le Sénat est la seule assemblée en France dont les membres ne sont pas tous élus selon le même mode de scrutin.

S'il existe plusieurs modes de scrutin pour les élections municipales, dans chaque commune, tous les membres du conseil municipal sont soumis au même régime, le scrutin majoritaire étant appliqué dans les communes de moins de 3.500 habitants et le scrutin proportionnel avec correctif majoritaire (prime de 50 % des sièges) dans les autres communes.

On sait que les députés et les conseillers généraux sont élus au scrutin uninominal majoritaire et les membres du Parlement européen au scrutin proportionnel, tandis que, depuis la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999, le mode de scrutin proportionnel pour l'élection des conseillers régionaux est tempéré par un correctif majoritaire (" prime majoritaire " de 25 % des sièges).

Les différents régimes électoraux appliqués en France témoignent donc d'un certain équilibre entre scrutin majoritaire et scrutin proportionnel qu'il convient de ne pas bouleverser sans réflexion approfondie, compte tenu en particulier de l'inévitable incidence forte des modes de scrutin sur le choix des candidats et le comportement des membres des assemblées.

S'agissant de l'élection des sénateurs, il convient de s'interroger sur les motivations du choix en 1958 d'une " formule mixte " et de ses conséquences sur le fonctionnement du Sénat et sa place dans les institutions.

Le mode de scrutin majoritaire à deux tours est appliqué dans les départements comptant au plus quatre sièges et le mode de scrutin proportionnel dans ceux élisant au moins cinq sénateurs.

Il en résulte que les deux tiers des sénateurs élus dans les départements le sont selon le mode de scrutin majoritaire et le tiers d'entre eux à la proportionnelle.


On constatera que la proportion est similaire en termes de population représentée (près des deux tiers au scrutin majoritaire et un tiers à la proportionnelle).

A ces chiffres, il convient d'ajouter ceux portant sur les sénateurs qui ne sont pas élus dans le cadre du département (17 sur 321), dont le mode de scrutin ne serait pas affecté par les différentes propositions présentées.

Les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus au scrutin proportionnel et les cinq sénateurs des collectivités d'outre-mer n'ayant pas été érigées en département, élus au scrutin majoritaire.

Au total, 211 sénateurs sont élus au scrutin majoritaire et 110 au scrutin proportionnel, sur les 321 membres du Sénat.

Le scrutin majoritaire a été institué dans les départements les moins peuplés, leur faible densité démographique constituant une caractéristique essentielle de leur territoire.

Ce mode de scrutin confère aux élections sénatoriales une dimension personnelle, propice au recrutement d'élus sur la base de leur enracinement local et non seulement sur des critères principalement idéologiques. Il facilite la représentation des collectivités territoriales.

La dimension personnelle donnée aux élections sénatoriales par le scrutin majoritaire est illustrée par la proportion importante des grands électeurs qui mettent en oeuvre leur droit de panachage entre les listes ou les candidats isolés en présence.


Ce mode de scrutin permet le développement d'une plus grande proximité entre l'élu et l'électeur , plus aisément concevable dans un département peu peuplé, sachant que l'élection est obligatoirement organisée dans le cadre départemental, comme le prescrit l'article L.O. 274 du code électoral.

Il assure une certaine indépendance des élus par rapport aux partis politiques et permet à la majorité des sénateurs de disposer à leur égard d'un recul suffisant pour assumer pleinement la représentation des collectivités territoriales dont ils sont chargés par la Constitution.

Le mode de scrutin utilisé pour les deux tiers des sénateurs, combiné avec la durée du mandat et l'âge d'éligibilité, facilite l'indépendance dont le Sénat sait faire preuve , lui permettant - quelle que soit la majorité politique à l'Assemblée nationale - d'apporter une contribution déterminante, tant dans l'élaboration des lois que dans sa mission de contrôle du Gouvernement et de réflexion sur les problèmes de société.

La singularité du mode de scrutin du Sénat facilite l'adoption par la Haute Assemblée de positions spécifiques, se situant souvent en dehors des clivages partisans , notamment sur les questions intéressant les collectivités territoriales .

Cette singularité garantit à notre pays un bicaméralisme vivant et constructif, indispensable au bon fonctionnement de nos institutions.

Le mode de scrutin majoritaire facilite aussi l'émergence de " notables " qui, en dépit de la connotation péjorative trop souvent donnée à ce terme et malgré une moindre notoriété au plan national, sont ancrés dans le tissu social et donnent au Sénat une légitimité différente de celle de l'Assemblée nationale , plus politisée et plus sensible aux modes par nature éphémères.

On remarquera à cet égard qu'avec le mode de scrutin pour les élections cantonales et celui des élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants, le mode de scrutin sénatorial est le seul qui peut faciliter l'émergence de personnalités.

D'une certaine façon, l'application du scrutin majoritaire permet au Sénat d'incarner la permanence de la France, particulièrement indispensable dans les périodes de doute sur les valeurs essentielles que nous connaissons, à côté d'une Assemblée nationale dont les caractéristiques plus évolutives sont aussi nécessaires.

Pour autant, l'application du scrutin proportionnel dans les départements les plus peuplés a aussi sa justification.

Celle-ci tient dans le fait que ces départements sont constitués de territoires assez comparables en superficie, dont la densité démographique élevée est à prendre en considération pour leur représentation au Sénat au même titre que la faible densité des autres départements, ce qui motive la pluralité des modes de scrutin applicable à l'élection des sénateurs.

L'anonymat qui règne dans les plus grandes villes conduit à une nature moins personnelle et plus partisane du scrutin sénatorial , s'appuyant lui-même sur des scrutins locaux ayant généralement les mêmes caractéristiques.

Cet anonymat se trouve encore accentué dans les agglomérations dont les communes les composant verront leur interdépendance -autre caractéristique de ces territoires- accrue par le projet de loi sur la coopération intercommunale, en instance au Parlement.

Avec la marge qu'il laisse aux partis politiques pour la désignation des candidats, le mode de scrutin proportionnel peut faciliter l'élection de personnalités dont les qualités sont largement reconnues.

La représentation des différents courants d'opinion est plus facilement assurée par le scrutin proportionnel.

Malgré ses caractéristiques particulières, le Sénat demeure une assemblée parlementaire politique dont le recrutement ne peut exclure par principe une compétition électorale politisée.

A travers la question du mode de scrutin pour l'élection des sénateurs -dont on rappellera qu'il est déterminé par la loi ordinaire, ce qui signifie que le " dernier mot " peut être donné à l'Assemblée nationale- se trouve posée la question de la stabilité nécessaire des modes de scrutin, en particulier pour l'élection des parlementaires .

Cette question a largement été évoquée lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

Certes, l'hypothèse de l'institution du scrutin proportionnel pour faciliter la mise en oeuvre de la parité a été démentie par le Premier ministre : " Cette révision constitutionnelle n'est, aux yeux du Gouvernement et à mes yeux, en aucune façon conçue comme un moyen ou comme un prétexte à une modification des modes de scrutin, et tout particulièrement du mode de scrutin législatif (...). Si nous devions avoir un débat sur les modes de scrutin, il serait d'une autre nature. Le Gouvernement, à cet égard, n'a pas de projet. " (JO Débats AN, séance du 9 décembre 1998, p. 10.235).

La position du Gouvernement a d'ailleurs été confirmée par Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, devant l'Assemblée nationale, lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle le 16 février 1999 : " Nous discutons aujourd'hui de la parité et de l'égalité sans arrière-pensée. Nous n'utilisons pas la parité comme prétexte pour élargir le champ des scrutins proportionnels, même s'il est vrai que ceux-ci permettent plus facilement l'exercice de la parité. " .

La perspective de la généralisation du scrutin proportionnel pour les élections législatives n'est pas pourtant écartée de manière définitive puisque M. Gérard Gouzes a souligné, lors de l'examen du même projet par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, que, quels que soient les engagements du Gouvernement en la matière, l'Assemblée nationale restait souveraine, les députés ayant la faculté de présenter des propositions, s'ils le jugeaient bon.

Est-il souhaitable qu'une majorité à l'Assemblée nationale puisse modifier à son gré le mode de scrutin de l'une ou de l'autre assemblée, s'agissant d'un moyen essentiel d'exercice de la souveraineté nationale pour lequel la recherche d'un large consensus paraîtrait préférable ?

Le mode de scrutin pour l'élection des membres des assemblées a une incidence certaine sur leur fonctionnement, donc sur les rapports entre les pouvoirs publics et sur le bicaméralisme dont les principes sont établis par le texte de la Constitution lui-même.

Serait-il illogique que les " règles de base de la démocratie " figurent dans la Loi fondamentale elle-même
, dont la modification implique l'existence d'un large consensus, toute révision constitutionnelle étant subordonnée à l'initiative conjointe du président de la République et du Premier ministre ou à celle de membres du Parlement, puis soumise à l'accord des deux assemblées et enfin à la ratification, soit du Congrès à la majorité des trois cinquièmes, soit du peuple par référendum ?

Certes, la question ne peut être tranchée dans le cadre des présents textes en discussion et mérite sans aucun doute mûre réflexion.

Elle se devait cependant d'être soulevée dans le cadre de l'examen d'un projet de loi tendant à une extension importante du champ du mode de scrutin proportionnel pour l'élection des sénateurs, pour lequel le Gouvernement pourrait demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : UNE ADAPTATION ÉQUILIBRÉE DU SÉNAT AUX ÉVOLUTIONS DE LA SOCIÉTÉ DEPUIS 1958

Les propositions et le projet de loi qui nous sont soumis comportent trois séries de dispositions, concernant :

- la répartition des sièges entre les départements ;

- le nombre et le mode de désignation des délégués des conseils municipaux dans le collège électoral sénatorial ;

- le mode de scrutin pour l'élection des sénateurs.

Le projet de loi comporte aussi des dispositions de caractère plus technique.

A. NOMBRE DES SÉNATEURS ET RÉPARTITION DES SIÈGES ENTRE LES DÉPARTEMENTS

La proposition de loi (n° 460 ; 1997-1998) présentée par M. Guy Allouche et les membres du groupe socialiste tend à modifier la répartition des sièges entre les départements.

Cette proposition de loi ne pourrait cependant pas être adoptée avant la proposition de loi organique des mêmes auteurs, qui modifierait le nombre total des sièges dans les départements, fixé à 304 par l'article LO 274 du code électoral.

En effet, selon l'article 25 de la Constitution, le nombre des membres des assemblées parlementaires est fixé par une loi organique, la répartition des sièges entre les départements relevant d'une loi ordinaire.

En revanche, le Gouvernement n'a pas déposé de projets portant sur cette question, annonçant toutefois dans l'exposé des motifs du présent projet de loi que des propositions seraient présentées après la publication des résultats du recensement de 1999.

Aucune proposition de loi ne tend pas à modifier la représentation des autres collectivités d'outre-mer 28( * ) et celle des Français établis hors de France 29( * ) .

Les sénateurs élus dans un cadre autre que celui du département resteraient donc au nombre de 17 (5 pour les collectivités d'outre-mer et 12 pour les Français résidant à l'étranger).

Nos collègues du groupe socialiste proposent la création d'un siège dans 17 départements et la suppression de 4 sièges dans 3 départements, l'effectif des sénateurs dans les départements étant porté de 304 à 317.

Il s'agirait d'une actualisation démographique de la représentation au Sénat des départements, en appliquant aux résultats du recensement de 1990 " la clé de répartition " inspirée de la loi n° 48-1971 du 23 septembre 1948 .

Selon cette clé de répartition, qui sans constituer une obligation légale a été utilisée lors de chaque révision de l'effectif du Sénat intervenue sous la Vème République, il est attribué un siège de sénateur par département jusqu'à 154.000 habitants, chiffre arrondi à 150.000 habitants par la proposition de loi, puis un siège supplémentaire par tranche de 250.000 habitants, ou fraction de 250.000 habitants.

Le groupe socialiste propose la création d'un siège dans les départements suivants :

- Série A : Ain, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Drôme, Haute-Garonne, Gironde, Hérault

- Série B : Isère, Maine-et-Loire, Oise

- Série C : Bas-Rhin, Haut-Rhin, Seine-et-Marne, Yvelines, Var, Vaucluse, Val d'Oise.

Il propose aussi la suppression de quatre sièges :

- Série A : Creuse (1 siège)

- Série C : Hauts-de-Seine (1 siège), Paris (2 sièges).

Les suppressions ou créations de sièges seraient effectives lors du renouvellement triennal de la série à laquelle ils se rattachent, à partir des élections sénatoriales de 2001.

Les créations de sièges auraient pour conséquence -sans modification du seuil d'application du scrutin proportionnel- d'introduire ce mode de scrutin dans cinq départements, puisque leur représentation passerait de quatre à cinq sénateurs 30( * ) .

Le nombre des sénateurs des départements élus au scrutin proportionnel, sans modification des modes des scrutins , serait porté de 98 à 123 (soit 40,46 % au lieu de 32,24 %) et celui des sénateurs élus au scrutin majoritaire abaissé de 206 à 181 (soit 59,54 % au lieu de 67,76 %).

Comme votre rapporteur l'a déjà exposé, l'incidence de la disposition proposée serait accrue si le seuil de 5 sièges pour l'application du scrutin proportionnel était abaissé.

Une proposition de loi organique de Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen porterait à 321 le nombre de sièges dans les départements. Cette proposition de loi organique n'est cependant pas accompagnée d'une proposition de loi modifiant la répartition des sièges entre les départements. Selon son exposé des motifs, il serait créé 17 sièges mais il n'y aurait aucune suppression de sièges.

Le nombre des sénateurs élus dans les départements de métropole et d'outre-mer , fixé à 262 par l'ordonnance n° 58-1097 du 15 novembre 1958, a ensuite été porté à 271 lors de la création des départements de la région parisienne par la loi organique n° 66-503 du 12 juillet 1966.

Ce nombre a été établi à 304 par la loi organique n° 76-643 du 16 juillet 1976, après application implicite de la clé de répartition de 1948 aux résultats du recensement de 1975.

Il s'est alors agit de la dernière modification importante de l'effectif du Sénat et de la répartition des sièges entre les départements.

L'effectif total du Sénat (départements, collectivités d'outre-mer, Français établis hors de France) est passé de 268 en 1958 à 321 depuis octobre 1989 31( * ) .

Une mise à jour de la composition du Sénat, qui reflète actuellement la situation démographique de la France en 1975, ne semble donc pas pouvoir être contestée dans son principe.

En effet, dans sa décision n° 86-208 DC des 1 er et 2 juillet 1986 sur la loi relative à l'élection des députés, et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales 32( * ) , le Conseil constitutionnel a considéré que " le respect dû au principe de l'égalité de suffrage implique que la délimitation des circonscriptions électorales pour la désignation des députés fasse l'objet d'une révision périodique en fonction de l'évolution démographique ; que la constatation d'une telle évolution peut résulter de chaque recensement général de la population ".

Toutefois, il a estimé que si la loi déférée, en prévoyant une nouvelle révision des limites des circonscription après le deuxième recensement suivant la dernière délimitation " ( méconnaissait ) ce principe, elle ne saurait cependant lier pour l'avenir le législateur ; que, dès lors, en raison de son caractère inopérant, il n'y a pas lieu de (la) déclarer contraire à la Constitution ".

Certes, il ne s'agit pas, pour le Sénat, de modifier les circonscriptions elles-mêmes -elles resteraient constituées par le département- mais, au travers de la répartition des sièges entre ceux-ci, d'adapter le nombre de sièges dans les circonscriptions d'élection des sénateurs. Le principe d'adaptation après chaque recensement, retenu par le Conseil constitutionnel, pourrait donc, semble-t-il, être interprété comme s'appliquant à l'élection des sénateurs.

Dans ces conditions, le respect des principes constitutionnels, tels qu'ils sont énoncés par la décision précitée du Conseil constitutionnel concernant l'élection des députés, n'implique pas qu'il soit dès maintenant procédé à la révision de la répartition des sièges entre les départements, même s'il semble conduire, ce qui apparaît préférable à votre commission des Lois et comme le Gouvernement s'y engage, à une révision après le recensement de 1999.

En effet, les propositions de loi de M. Guy Allouche et de Mme Hélène Luc sont basées sur les résultats du recensement de 1990.

Or, depuis neuf ans, la population de certains départements a évolué.

Il serait donc regrettable d'opérer dès maintenant une révision de la répartition des sièges alors que les données démographiques du recensement de 1990 ne sont plus exactes et que les chiffres du recensement en cours, devraient être connus au début de l'année 2001, donc avant le prochain renouvellement, prévu en septembre 2001.

En conclusion sur ce point, votre commission des Lois vous propose de ne pas modifier dès maintenant les règles concernant le nombre des sénateurs et la répartition des sièges entre les départements dans l'attente de la publication des résultats du recensement et donc de ne pas retenir les dispositions concernant ces points.

B. NOMBRE DES DÉLÉGUÉS DES CONSEILS MUNICIPAUX ET MODE DE DÉSIGNATION

1. Le nombre des délégués des conseils municipaux

Tous les textes en discussion proposent une modification du barème de représentation des communes dans le collège électoral sénatorial.

Certains d'entre eux traitent aussi du mode de scrutin pour l'élection de ces délégués.

En revanche, aucune proposition ne porte sur les autres membres du collège électoral sénatorial.

Il est vrai que les délégués des conseils municipaux constituent l'essentiel de ce collège électoral (95,75 %) 33( * ) .

Les diverses formules proposées tendent, à des degrés divers, à adapter la représentation des communes aux évolutions démographiques sociales et économiques de notre pays depuis 1958, année au cours de laquelle le barème en vigueur a été établi.

Si tous s'accordent pour procéder à cette adaptation, encore faut-il déterminer des règles permettant de concilier la représentation des territoires avec celle des collectivités, comme la Constitution en fait une obligation.

La proposition de loi n° 458 (1997-1998) de M. Guy Allouche et les membres du groupe socialiste apporterait deux modifications à la représentation des communes dans le collège électoral sénatorial :

- l'abaissement à 20.000 habitants du seuil à partir duquel les conseils municipaux désignent des délégués supplémentaires à raison de 1 délégué par tranche entière de 500 habitants au-delà de 20.000 habitants (au lieu de 1 délégué par tranche de 1.000 habitants au-delà de 30.000 habitants) ;

- l'abaissement de 9.000 habitants à 3.500 habitants du seuil de population communale à partir duquel tous les membres du conseil municipal sont membres de droit du corps électoral pour l'élection des sénateurs.

Il convient d'analyser successivement puis globalement l'effet de ces propositions 34( * ) :

L'élection de délégués supplémentaires à raison de 1 par tranche entière de 500 habitants, à partir de 20.000 habitants (au lieu de 1 par 1.000 habitants au-delà de 30.000 habitants)

Cette disposition permettrait donc aux communes de 20.000 à 30.000 habitants de disposer de délégués supplémentaires, alors qu'elles n'y ont pas droit. Elle majorerait en conséquence sensiblement le nombre des délégués supplémentaires prévus pour les communes de plus de 30.000 habitants.

En ce qui concerne les 168 communes de 20.000 à 30.000 habitants et leurs 4.115.000 habitants (6,97 % de la population), le nombre de leurs délégués serait porté de 5.880 (4,25 % du total) à 7.322 (+ 24,52 %).

S'agissant des 246 communes de plus de 30.000 habitants (19.042.000 habitants, soit 32,23 %), le nombre de leurs délégués progresserait de 72,54 % (39.559 délégués au lieu de 22.928).

Sur l'ensemble des communes de plus de 20.000 habitants, la progression serait donc de 62,73 % (46.881 délégués au lieu de 28.808).

L'incidence de cette mesure progresse logiquement avec la taille de la commune, au détriment des communes moins peuplées.

L'abaissement à 3.500 habitants du seuil à partir duquel tous les conseillers municipaux seraient délégués de droit (au lieu de 9.000 habitants)

Cette proposition permettrait d'accroître sensiblement la représentation des communes de 3.500 à 9.000 habitants et d'assurer une représentation des minorités des conseils municipaux de ces communes au sein des collèges sénatoriaux.

En effet, ces communes, dont le conseil municipal comprend 27 membres (jusqu'à 5.000 habitants) ou 29 membres (entre 5.000 et 9.000 habitants), disposent actuellement de 15 délégués. Elles en auraient donc 27 ou 29, suivant les cas.

On sait que, depuis la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982 (article L. 262 du code électoral), pour l'élection des conseillers municipaux dans les communes d'au moins 3.500 habitants, la liste ayant obtenu la majorité absolue au premier tour ou celle arrivée en tête au deuxième tour bénéficie d'une " prime majoritaire " égale à la moitié du nombre de sièges à pourvoir, les autres sièges étant répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne (sauf celles n'ayant pas recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés).

L'élection des délégués des communes entre 3.500 et 9.000 habitants s'effectuant au scrutin majoritaire, la minorité d'un conseil municipal risque de ne pas avoir d'élu, puisque le nombre des délégués est fixé à 15 (sur 27 ou 29 conseillers).

En faisant de tous les conseillers municipaux des délégués de droit, les minorités se trouveraient, en revanche, nécessairement représentées, atténuant ainsi la représentation des majorités constituées par la volonté des électeurs au sein des collectivités territoriales.

La représentation des 1.589 communes de 3.500 à 9.000 habitants (8.628.000 habitants, soit 14,60 % de la population) serait portée de 23.707 délégués (17,12 %) à 44.543 ( + 87,51 % ).

Leur poids dans le corps électoral serait excessif (25,11 % de délégués représentant 14,60 % de la population, si on prend en compte l'ensemble des dispositions proposées par M. Guy Allouche).

L'ampleur de la progression tient à la fois à l'effet de volume et à l'écart important entre l'effectif du conseil municipal et le nombre des délégués dans les communes de 3.500 habitants à 9.000 habitants.

Pour apprécier pleinement la portée de la proposition de loi du groupe socialiste, il convient d'évaluer de manière cumulative les effets de ces deux dispositions (élection d'un délégué supplémentaire par tranche de 500 habitants au-delà de 20.000 habitants et conseillers municipaux délégués de droit dans les communes entre 3.500 et 9.000 habitants).

Globalement, le nombre des délégués des conseils municipaux serait porté de 138.458 à 177.367, soit une augmentation de 28,10 %.

La proportion des délégués supplémentaires dans le collège électoral sénatorial passerait de 8 % à 16 %.

Comme l'illustre le tableau ci-après, la proposition de loi n° 458 bouleverserait sensiblement la grille de représentation des communes :

- L'ensemble des communes de moins de 9.000 habitants disposerait de 63,26% de délégués, au lieu de 66%.

Parmi ces communes celles de moins de 3.500 habitants verraient le nombre de leurs délégués passer de près de 49 % à 38 % de l'ensemble, tandis que celles de 3.500 à 9.000 habitants seraient représentées dans le collège électoral par 25 % de délégués au lieu de 17 %.

- La représentation des communes de 9.000 à 30.000 habitants régresserait de 17,42% à 14,43% de délégués .

L'importance de la représentation de celles entre 9.000 et 20.000 habitants serait réduite de 2,90 % et celle des villes de 20.000 à 30.000 habitants resterait stable en valeur relative (4,13% au lieu de 4,25%).

- Toutes les communes de plus de 30.000 habitants renforceraient leurs poids dans le collège électoral sénatorial, dans une proportion progressant avec leur taille (globalement de 16,56% à 22,31%).

Le rééquilibrage résultant de la proposition de loi de M. Guy Allouche se ferait donc essentiellement au détriment des petites communes (moins de 3.500 habitants), mais aussi au préjudice des villes moyennes (9.000 à 20.000 habitants).

 
 
 


Législation en vigueur

Proposition de loi
de M. Guy Allouche (n° 458)

Tranche de population


Nombre de communes


Population représentée


Nombre de délégués


Nombre de délégués

 
 
 

en val. absolue

en %

en val. absolue

en %

Communes moins de 3.500 habitants

34.092

19.785.000 (33,49%)

67.674

48,88

67.674

38,15

Petites villes I (3.500 - 8.999 habitants)

1.589

8.628.000 (14,60%)

23.707

17,12

44.543

25,11

Petites villes II (9.000 - 19.999 habitants)

565

7.504.000 (12,70%)

18.269

13,17

18.269

10,30

Villes moyennes I (20.000 - 29.999 habitants)

168

4.115.000 (6,97%)

5.880

4,25

7.322

4,13

Villes moyennes II (30.000 - 100.000 habitants)

208

9.959.000 (16,86%)

12.642

9,13

20.567

11,60

Grandes villes (plus de 100.000 habitants)

35

5.679.000 (9,61%)

6.635

4,79

11.966

6,75

Paris-Lyon-Marseille

3

3.404.000 (5,76%)

3.651

2,64

7.026

3,96

Totaux et moyennes au plan national (arrondis)

36.660

59.074.000 (100%)

138.458

100,00

177.367

100,00

Le projet de loi n° 260 (1998-1999) et les propositions de loi n°s 209 et 152 (1997-1998) de M. Jean-Michel Baylet et de Mme Hélène Luc tendent à prévoir un délégué par tranche de 500 habitants ou fraction de ce nombre, dans toutes les communes, quelle que soit leur population.

Il n'y aurait plus de délégués de droit et la représentation des communes dans les collèges électoraux serait totalement indépendante de l'effectif des conseils municipaux, seule la taille de la commune étant prise en compte.

Ces textes ne tendent donc pas simplement à adapter le collège électoral à l'évolution de la population française depuis 1958.

Ils reviennent, comme le projet de loi rejeté par le Sénat en 1991, à asseoir la représentation du Sénat exclusivement sur une base démographique, sans tenir aucun compte de la nécessité constitutionnelle pour chaque collectivité -si petite soit-elle- de bénéficier d'une représentation significative pour que le Sénat puisse toujours être, conformément à l'article 24 de la Constitution, le représentant des collectivités territoriales.

Comme votre rapporteur l'a exposé précédemment, le projet de loi et les propositions n°s 209 et 152 mettraient donc gravement en cause le bicaméralisme et leurs dispositions sur la composition du collège électoral n'ont, pour ces raisons essentielles, pas pu être retenues par votre commission des Lois.

Le tableau ci-après montre que ces propositions minoreraient le poids de toutes les communes de moins de 20.000 habitants (de 79,17% à 66,42%) et renforceraient celui des villes de plus de 20.000 habitants (de 20,81% à 33,57%).

Les communes de moins de 9.000 habitants verraient leur représentation abaissée de 66% à 55,40%.

Le poids des villes de plus de 30.000 habitants serait porté de 16,56% à 27,57%.

Les villes moyennes (entre 9.000 et 30.000 habitants) resteraient relativement stables avec 17,02% de délégués au lieu de 17,42%.


Si le nombre total des représentants des conseils municipaux dans ces collèges électoraux resterait stable (138.826 au lieu de 138.458), la proportion des délégués qui ne sont pas conseillers municipaux progresserait de 8 % à 21 %, à supposer que les délégués soient sélectionnés par priorité au sein du conseil municipal, ce que le projet de loi ne prévoit pas.

A la limite, une commune pourrait n'être représentée au sein du collège électoral sénatorial que par des délégués extérieurs au conseil municipal.

Globalement, la progression du nombre des délégués n'étant pas issus du suffrage universel direct serait nettement plus forte dans les départements les plus urbains, ce qui, compte tenu de leur élection au scrutin proportionnel, pourrait atténuer sensiblement le caractère représentatif des collectivités qui est essentiel à ce collège électoral.

 
 
 


Législation en vigueur

- Projet de loi n° 260

- Propositions de loi n°s 209 et 152

Tranche de population


Nombre de communes


Population représentée


Nombre de délégués


Nombre de délégués

 
 
 

en val. absolue

en %

en val. absolue

en %

Communes moins de 3.500 habitants

34.092

19.785.000 (33,49%)

67.674

48,88

59.220

42,66

Petites villes I (3.500 - 8.999 habitants)

1.589

8.628.000 (14,60%)

23.707

17,12

17.693

12,74

Petites villes II (9.000 - 19.999 habitants)

565

7.504.000 (12,70%)

18.269

13,17

15.303

11,02

Villes moyennes I (20.000 - 29.999 habitants)

168

4.115.000 (6,97%)

5.880

4,25

8.330

6,00

Villes moyennes II (30.000 - 100.000 habitants)

208

9.959.000 (16,86%)

12.642

9,13

20.099

14,48

Grandes villes (plus de 100.000 habitants)

35

5.679.000 (9,61%)

6.635

4,79

11.373

8,19

Paris-Lyon-Marseille

3

3.404.000 (5,76%)

3.651

2,64

6.808

4,90

Totaux et moyennes au plan national (arrondis)

36.660

59.074.000 (100%)

138.458

100,00

138.826

100,00

La proposition de loi n° 230 (1998-1999) de M. Henri de Raincourt abaisserait de 30.000 à 9.000 habitants le seuil à partir duquel une commune bénéficierait de délégués supplémentaires, à raison de 1 délégué pour 700 habitants en sus de 9.000 habitants (au lieu de 1 délégué supplémentaire par tranche de 1.000 habitants au-delà de 30.000 habitants).

Cette disposition permettrait aux communes de 9.000 à 30.000 habitants -donc aux villes moyennes- de disposer de délégués supplémentaires, ce à quoi elles n'ont pas droit jusqu'à présent.

En prévoyant 1 délégué supplémentaire par tranches de 700 habitants -au lieu de 500 habitants dans la de loi de M. Guy Allouche-, ce texte limiterait les répercussions sur la représentation des villes de plus de 30.000 habitants, qui seraient cependant mieux représentées qu'actuellement.

Il convient aussi de souligner que le mode de scrutin pour les élections municipales permet à une liste ayant obtenu une majorité relative au deuxième tour, éventuellement très étroite, et bénéficiant de la prime majoritaire, de disposer ainsi d'une large majorité au sein du conseil municipal.

L'amplification de la représentation de cette liste au sein du conseil municipal, et donc au sein du collège électoral sénatorial se trouverait encore accrue si la tranche de population déterminant le nombre de délégués supplémentaires était trop resserrée.

Il n'apparaît donc pas souhaitable d'abaisser en dessous de 700 habitants cette tranche actuellement fixée à 1.000 habitants.

Les 733 villes de 9.000 à 30.000 habitants et leurs 11.619.000 habitants (19,67 % de la population) verraient le nombre de leurs délégués porté de 24.149 (17,42 % du total) à 30.807 (+ 27,57 %).

Ces villes moyennes seraient fidèlement représentées en proportion de leur population (19,57% des délégués pour 19,67% de la population).

Les plus petites communes (moins de 9.000 habitants), tout en gardant le nombre de leurs délégués, verraient certes leur poids relatif dans le collège électoral atténué (de 66% à 58,03%) mais garderaient une représentation renforcée par rapport à leur population (48,09%).

Corrélativement, le " déficit de représentation " des grandes villes (plus de 30.000 habitants) se trouverait réduit, leur poids dans le collège électoral passant de 16,56% à 22,39% pour une population de 32,23%.

La proposition de loi aurait pour effet de porter de 8 % à 18 % la proportion des délégués supplémentaires dans le collège électoral sénatorial mais, contrairement au projet de loi, elle conserve de manière certaine la composition majoritaire de ce collège par des élus municipaux.


La proposition de loi de M. de Raincourt permettrait donc un rééquilibrage souhaitable, tout en préservant l'impératif constitutionnel pour le Sénat de représenter chaque collectivité territoriale, en permettant aux communes les moins peuplées de peser de manière significative dans l'élection des sénateurs.



 
 
 


Législation en vigueur

Proposition de loi n° 230
de M.Henri de Raincourt

Tranche de population


Nombre de communes


Population représentée


Nombre de délégués


Nombre de délégués

 
 
 

en val. absolue

en %

en val. absolue

en %

Communes moins de 3.500 habitants

34.092

19.785.000 (33,49%)

67.674

48,88

67.674

42,98

Petites villes I (3.500 - 8.999 habitants)

1.589

8.628.000 (14,60%)

23.707

17,12

23.707

15,05

Petites villes II (9.000 - 19.999 habitants)

565

7.504.000 (12,70%)

18.269

13 ,17

21.334

13,55

Villes moyennes I (20.000 - 29.999 habitants)

168

4.115.000 (6,97%)

5.880

4,25

9.473

6,02

Villes moyennes II (30.000 - 100.000 habitants)

208

9.959.000 (16,86%)

12.642

9,13

20.438

12,98

Grandes villes (plus de 100.000 habitants)

35

5.679.000 (9,61%)

6.635

4,79

9.658

6,13

Paris-Lyon-Marseille

3

3.404.000 (5,76%)

3.651

2,64

5.162

3,28

Totaux et moyennes au plan national (arrondis)

36.660

59.074.000 (100%)

138.458

100,00

157.446

100,00

2. Le mode d'élection des délégués des conseils municipaux

Les délégués titulaires et suppléants sont actuellement élus au scrutin majoritaire dans les communes de moins de 9.000 habitants et au scrutin proportionnel (selon la règle du plus fort reste) dans les autres communes. (Entre 9.000 et 30.000 habitants, les conseillers municipaux étant les seuls délégués, il n'est procédé qu'à l'élection des suppléants).

Les propositions de loi de M. Henri de Raincourt et de Mme Hélène Luc n'apporteraient aucune modification au mode d'élection des délégués des conseils municipaux.

La proposition de loi de M. Guy Allouche et celle de M. Jean-Michel Baylet ne maintiendrait le scrutin majoritaire que dans les communes de moins de 3.500 habitants, toutes les autres communes élisant leurs délégués au scrutin proportionnel.

Ces propositions pourraient s'expliquer par le fait que le mode de scrutin pour les élections municipales organise la représentation des minorités dans les communes d'au moins 3.500 habitants.

La proposition de loi de M. Guy Allouche, prévoyant que tous les conseillers municipaux sont délégués de droit dans les communes d'au moins 3.500 habitants, aurait un impact limité sur ce point, dans les communes de 3.500 à 9.000 habitants, à l'élection des suppléants qui serait organisée au scrutin proportionnel au lieu du scrutin majoritaire, les délégués titulaires étant, selon ce texte, de fait désignés sur une base proportionnelle.

Celle de M. Jean-Michel Baylet, supprimant les délégués de droit pour donner à chaque commune un délégué pour 500 habitants, accroîtrait d'autant plus le " champ de la proportionnelle " qu'elle propose par ailleurs l'abaissement à 3 sièges du seuil à partir duquel ce mode de scrutin serait appliqué.

Le projet de loi limiterait le scrutin majoritaire à l'élection des délégués des communes de moins de 1.000 habitants, aggravant plus encore le " champ de la proportionnelle ", puisqu'il propose aussi l'abaissement à 3 sièges du seuil d'applicabilité de la proportionnelle pour l'élection des sénateurs.

L'exposé des motifs du projet de loi justifie curieusement le choix de ce seuil de 1.000 habitants par le mode de scrutin municipal, alors que celui-ci fixe un seuil de 3.500 habitants pour la représentation des listes minoritaires.

Votre commission des Lois n'estime pas utile d'apporter au mode d'élection des délégués des conseils municipaux des modifications qui, combinées avec un abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel pour l'élection des sénateurs, entraîneraient un accroissement excessif du champ de la proportionnelle dans l'élection des sénateurs.

C. LE MODE DE SCRUTIN POUR L'ÉLECTION DES SÉNATEURS

L'article L. 294 du code électoral établit le mode de scrutin majoritaire pour l'élection des sénateurs dans les départements ayant jusqu'à 4 sièges de sénateurs.

Selon l'article L. 295 de ce code, les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel suivant la règle de la plus forte moyenne dans les départements représentés par au moins 5 sénateurs.

Par dérogation à ces dispositions, le scrutin proportionnel a été maintenu, lors de la création des nouveaux départements de la région parisienne, dans le département du Val d'Oise (issu de l'ancienne Seine-et-Oise), par l'article 3 de la loi n° 66-504 du 12 juillet 1966, bien que ce département élise 4 sénateurs.

Le projet de loi et quatre propositions de loi tendent à abaisser le seuil à partir duquel serait appliqué le scrutin proportionnel, tout en maintenant la règle de la plus forte moyenne et l'exclusion du panachage et du vote préférentiel.

Il existe donc un accord du Gouvernement et de tous les groupes du Sénat pour abaisser ce seuil, mais des divergences importantes se sont manifestées sur la fixation du nouveau seuil :

- la proposition de loi n° 230 de M. de Raincourt propose d'établir le mode de scrutin proportionnel dans les départements comptant au moins 4 sièges à pourvoir ;

- le projet de loi n° 260 et les propositions de loi n° s 209 et 152 de M. Jean-Michel Baylet et de Mme Hélène Luc tendent à fixer ce seuil aux départements élisant au moins 3 sénateurs . Une proposition similaire, issue d'un projet de loi, avait été rejetée par le Sénat le 19 décembre 1991 ;

- la proposition de loi n° 458 de M. Guy Allouche opte pour l'adoption du scrutin proportionnel dans les départements disposant d' au moins 2 sièges .

Il convient donc de comparer les effets de ces différentes propositions à ceux résultant de la situation en vigueur, en mesurant l'impact du mode de scrutin proportionnel à partir de 5, 4, 3 ou 2 sièges de sénateurs.

Un tableau récapitule, pour chaque cas de figure le nombre et la proportion de sièges qui serait attribués selon l'un ou l'autre des modes de scrutin. Il indique aussi, pour chaque hypothèse, le nombre de départements et la population concernés 35( * ) .

L'application du scrutin proportionnel à partir de 5 sièges (situation actuelle) conduit à l'attribution de deux tiers des sièges (67,76 %) au scrutin majoritaire et d'un tiers des sièges au scrutin proportionnel (32,24 %) , la population représentée selon l'un ou l'autre de ces modes de scrutin s'établissant respectivement à 63,49 % et 36,51 %.

L'établissement du scrutin proportionnel à partir de 3 sièges -solution rejetée par le Sénat en 1991- renverserait cette proportion.

En effet, elle entraînerait l'élection de deux tiers des sénateurs (212 sièges) à la proportionnelle (69,74 %) et d'un tiers d'entre eux au scrutin majoritaire (30,26 %), la population représentée étant selon les cas respectivement de 77,01 % et de 22,99 %.

Cette proposition impliquerait un changement de mode de scrutin dans 35 départements et porterait sur 114 sièges.

Le scrutin proportionnel serait mis en oeuvre pour 212 sièges (69,74 %), représentant 77,01 % de la population.

L'accroissement du " champ de la proportionnelle " pour les élections sénatoriales se trouverait naturellement renforcé par d'autres dispositions contenues dans les propositions formulées par M. Guy Allouche tendant à réviser la répartition des sièges entre les départements, en conséquence de la création de 17 sièges et de la suppression de 4 sièges.

A la suite de cette opération, trois départements supplémentaires atteignant 3 sièges seraient concernés (Ain, Drôme, Vaucluse) et, au total, compte tenu des sièges créés ou supprimés dans les départements pour lesquels le mode de scrutin est déjà proportionnel ou le deviendrait par la suite de l'abaissement du seuil proposé, 55 sièges supplémentaires seraient attribués à la proportionnelle.

Donc, le scrutin proportionnel serait applicable pour 267 sièges attribués dans les départements (87,82 % de ce sièges).

Le " champ de la proportionnelle " se trouverait encore amplifié si le seuil pour l'élection des délégués des conseils municipaux était abaissé de 9.000 habitants à 1.000 habitants, comme cela est proposé par le projet de loi ou à 3.500 habitants, selon les propositions de loi de M. Guy Allouche et de M. Jean-Michel Baylet, la proposition de loi de Mme Hélène Luc ne prévoyant aucune disposition nouvelle sur ce point.

On serait donc loin de la suggestion d'" instiller de la proportionnelle " dans les scrutins majoritaires, émise par le Président François Mitterrand.

Ses membres étant très majoritairement élus à la proportionnelle, donc sur une base essentiellement partisane et, de ce fait, moins proches des électeurs, le Sénat perdrait sons doute beaucoup de son indépendance par rapport aux partis politiques et sa spécificité serait réduite en conséquence.

La fonction du Sénat et, partant, le bicaméralisme, tel qu'il est mis en oeuvre grâce à son travail attentif, s'en trouveraient gravement altérés.

L'introduction massive du mode de scrutin proportionnel atténuerait sensiblement la portée réelle de la représentation des collectivités par le Sénat, dont le caractère politique prévaudrait alors sur cette représentation prescrite par la Constitution.

L'instauration d'un scrutin proportionnel à partir de 2 sièges conduirait à l'élection de la quasi totalité des sénateurs au scrutin proportionnel,
le scrutin majoritaire n'ayant plus qu'une place résiduelle, dans les huit départements représentés par un seul sénateur.

Un seuil inférieur ne pourrait, par définition, pas être envisagé.

Cette règle impliquerait l'élection de 97,37 % sénateurs à la proportionnelle et de 2,63 % d'entre eux au scrutin majoritaire, la population représentée selon l'un ou l'autre de ces modes de scrutin s'établissent respectivement à 98,31 % et 1,69 %.

En d'autres termes, 296 sénateurs seraient élus au scrutin proportionnel... et 8 d'entre eux au scrutin majoritaire.

Dans un département ayant deux sièges à pourvoir, si les deux listes en présence obtenaient respectivement les deux tiers et le tiers des suffrages exprimés, chacune d'entre elles bénéficierait d'une représentation égale de 1 siège chacune.

Sauf domination exceptionnelle de l'une de ces listes, l'élection conduirait donc inévitablement toujours au même résultat, sans correspondance avec la volonté exprimée par les électeurs puisque la représentation des deux tiers d'entre eux pourrait être égale à celle du tiers des votants.

L'abaissement de 5 à 3 ou 2 sièges du seuil d'application du scrutin proportionnel ne pourrait donc pas être accepté, sauf à vouloir remettre en cause gravement la spécificité du Sénat et donc le bicaméralisme.

Pour autant, le maintient à 5 sièges du seul d'application de la proportionnelle ne semble pas devoir être considéré comme une règle intangible.

L'établissement d'un scrutin proportionnel à partir de 4 sièges constituerait une solution intermédiaire permettant une composition équilibrée du Sénat entre ses membres élus au scrutin proportionnel et ceux procédant du scrutin majoritaire.

Cette solution entraînerait en effet l'attribution de 170 sièges (55,92 %) au scrutin majoritaire et de 134 sièges (44,08 %) au scrutin proportionnel.

L'équilibre en sièges serait amplifié aussi en termes de population représentée, puisque 49,43 % de la population serait représentée par des sénateurs élus au scrutin majoritaire et 50,57 % par des sénateurs élus au scrutin proportionnel.


Les 9 départements concernés seraient les suivants  :

Alpes-Maritimes, Finistère, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Isère, Loire, Meurthe-et-Moselle, Bas-Rhin, Seine-et-Marne.

Votre commission des Lois a donc marqué sa préférence pour des dispositions permettant une meilleure représentation des minorités dans les départements les plus peuplés, tout en assurant un équilibre global entre les deux modes de scrutin.

Elle vous propose donc, comme la proposition de loi n° 230 de M. de Raincourt, d'abaisser de 5 sièges à 4 sièges le seuil à partir duquel serait appliqué le scrutin proportionnel.

D. LES DISPOSITIONS DIVERSES

Le projet de loi comporte aussi des dispositions de caractère plus technique, répondant notamment à certaines observations formulées par le Conseil constitutionnel à la suite des élections sénatoriales de 1995 et de 1998.

- La possibilité de vote par procuration pour l'élection des délégués des conseils municipaux, ouverte aux conseillers des communes de moins de 9.000 habitants et à ceux exerçant aussi le mandat de député ou de conseiller général serait généralisée.

- Pour limiter les cas d'organisation d'élections partielles, dans les départements dont les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel , compte tenu de l'abaissement du seuil d'applicabilité de ce mode de scrutin, les listes de candidats devraient comporter deux noms de plus que de sièges à pourvoir .

- Le délai limite pour le dépôt des candidatures au premier tour serait avancé au deuxième vendredi précédant le scrutin à 18 heures (au lieu de 24 heures).

- Une obligation de dépôt des candidatures pour le second tour serait imposée à ceux qui se maintiennent, alors que celui-ci n'est actuellement requis que pour les nouveaux candidats.

- Le principe de l'émargement par l'électeur lui-même serait étendu aux élections sénatoriales.

- Le calendrier des opérations préparatoires serait modifié :

• Les élections sénatoriales se dérouleraient au plus tôt le septième dimanche suivant la publication du décret de convocation des électeurs, ce qui permettrait une publication de ce décret avant la période estivale (selon l'article L.311 du code électoral, le scrutin est obligatoirement organisé le septième dimanche qui suit la publication de ce décret) ;

• Les réunions électorales seraient autorisées durant les six semaines précédant le scrutin (non plus à partir du décret de convocation).

Cette modification du calendrier des opérations préparatoires ne changerait pas la période d'élection des sénateurs (dans les soixante jours qui précèdent la date du début de leur mandat, selon l'article L.O. 278 du code électoral).

Le projet de loi comporte des dispositions spécifiques pour son application dans les collectivités d'outre-mer .

Il tend aussi à rendre certaines dispositions techniques du projet de loi applicables à l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France (délai pour le dépôt des candidatures, émargement par l'électeur).

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. L. 284 du code électoral)
Délégués des conseils municipaux
dans les collèges électoraux sénatoriaux

L'article 1er du projet de loi tend à remplacer le premier alinéa de l'article L. 284 du code électoral afin que les conseils municipaux élisent un nombre de délégués déterminé uniquement en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 500 habitants ou fraction de ce nombre .

Le nombre des délégués des conseils municipaux ne dépendrait plus de l'effectif des conseils municipaux.

Il n'y aurait plus de délégués de droit et les villes les plus peuplées ne désigneraient plus de délégués supplémentaires, l'article 18 du projet de loi proposant l'abrogation de l'article L. 285 du même code.

La représentation des communes serait exclusivement fondée sur leur population.

L'article premier procéderait aussi à une coordination du dernier alinéa de l'article L. 284 précité rendue nécessaire par le remplacement du code de l'administration communale (devenu code des communes) par le code général des collectivités territoriales.

On rappellera, tout d'abord, que selon l'article L. 280 du code électoral, les sénateurs sont élus dans chaque département par un collège composé :

- des députés ;

- des conseillers régionaux ou des conseillers à l'Assemblée de Corse ;

- des conseillers généraux ;

- des délégués des conseils municipaux ou des suppléants de ces délégués.

Le projet de loi -tout comme les propositions de loi soumises au Sénat- ne porte que sur la représentation des conseils municipaux dans les collèges électoraux sénatoriaux, qui en constitue la plus grande partie (95,75 %).

Le barème en vigueur de la représentation des communes dans le collège des grands électeurs, fixé par les articles L. 284 et L. 285 du code électoral, est basé sur l'effectif des conseils municipaux et comporte un correctif destiné à prendre en considération la population des grandes communes en ne donnant qu'un seul représentant aux plus petites communes et des délégués supplémentaires aux communes plus peuplées.

L'effectif des conseils municipaux
-lui-même établi par l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales- n'est que très partiellement lié à la population des communes , dans la mesure où la plus petite d'entre elles doit être représentée par une assemblée (au minimum 9 conseillers) et où pour accorder aux plus grandes villes un nombre de conseillers en rapport avec leur taille, une création massive de sièges s'imposerait.

En effet, puisqu'une commune de 99 habitants élit 9 conseillers municipaux, une proportionnalité rigoureuse de l'effectif conduirait à prévoir, dans une ville de 300.000 habitants, un conseil constitué de...plus de 27.000 membres (au lieu de 69 conseillers).

Comme votre rapporteur l'a précédemment exposé, pour représenter les collectivités territoriales en tant que telles, ainsi que la Constitution l'exige, le Sénat doit être élu par un collège dont la représentation communale n'est pas fondée exclusivement sur la population afin de permettre à chaque commune d'être représentée de manière significative.

La composition des conseils municipaux constitue donc une référence utile à cet égard.


La désignation de délégués supplémentaires dans certaines villes permet d'introduire un correctif démographique, nécessaire dès lors qu'il n'efface pas, pratiquement, le caractère essentiellement territorial de la représentation du Sénat.

Actuellement, dans les communes de moins de 9.000 habitants, le nombre des délégués est inférieur à l'effectif des conseils municipaux.

Il oscille de 1 délégué (communes de moins de 500 habitants) à 15 délégués (communes de 3.500 à moins de 9.000 habitants, dont le conseil municipal est constitué de 27 ou 29 membres, selon que la population est inférieure ou supérieure à 5.000 habitants).

Les communes entre 9.000 et moins de 31.000 habitants sont représentées par tous les conseillers municipaux, sans délégués supplémentaires. Elles n'élisent donc que des délégués suppléants.

Ces communes disposent donc d'un nombre de délégués titulaires se situant entre 29 et 39, selon leur population.

A partir de 31.000 habitants, la délégation des conseils municipaux est constituée de tous ses membres ainsi que de délégués supplémentaires à raison d'un délégué par tranche de 1.000 habitants en sus de 30.000 habitants 36( * ) .

Le nombre des délégués suppléants est fixé à trois pour cinq titulaires au plus. Il est augmenté de deux par cinq titulaires ou fraction de cinq (article L. 286 du code électoral).

Au total, les communes sont représentées dans les collèges électoraux sénatoriaux par 138.458 délégués titulaires 37( * ) .

Votre rapporteur a déjà indiqué que des membres de tous les groupes politiques, tout comme le Gouvernement, avaient présenté des propositions tendant à la révision de la composition du collège électoral sénatorial, établie depuis plus de 40 ans, afin de tenir compte des évolutions sociologiques et démographiques de notre pays.

Les différentes solutions proposées n'ont cependant pas une incidence comparable.

On peut certes concevoir une adaptation du barème de représentation des communes, à la condition de ne pas remettre en cause la base constitutionnelle de l'élection des sénateurs.

L'exigence constitutionnelle de la représentation des collectivités territoriales par le Sénat ne constitue pas seulement une technique électorale selon laquelle les délégués de ces collectivités seraient formellement élus par leurs organes délibérants.

Encore faut-il que le barème de représentation permette effectivement à toute collectivité, quel que soit le chiffre de sa population, de peser d'un poids suffisant dans l'élection des sénateurs.

La population des petites communes rurales étant de moins en moins nombreuse, une représentation basée exclusivement sur le nombre des habitants aurait pour conséquence de minorer gravement leur droit à disposer d'une influence réelle sur la composition du Sénat.

Comme votre rapporteur l'a précédemment exposé, l'assise électorale du Sénat conditionne, dans une large mesure, le rôle que remplit effectivement la Haute Assemblée dans les institutions. Si sa composition ne reflétait pas toutes les collectivités territoriales en tant que telles, le Sénat les représenterait moins fidèlement.

L'article 24 de la Constitution donne mission au Sénat de représenter les collectivités territoriales de la République, exigence qui doit évidemment se traduire dans son mode d'élection.

Cette exigence constitutionnelle n'est satisfaite que si toutes les catégories de collectivités sont représentées de manière significative.


Elle ne serait, en revanche, pas satisfaite si la représentation des communes n'était basée que sur leur population.

L'égalité entre collectivités territoriales, fondée sur l'article 72 de la Constitution, exige, en particulier, que le poids des différentes communes dans le collège électoral ne soit pas limité strictement à celui de leur population, chaque collectivité ayant un droit égal à être représentée.

Alors que le Gouvernement fait de l'aménagement du territoire l'une de ses priorités, il pourrait paraître paradoxal d'amplifier les inégalités existantes par une minoration excessive du poids relatif des villes moyennes, qui résulterait d'un barème de représentation basé exclusivement sur leur population.

Pour traduire dans les faits l'égalité en droit des collectivités territoriales, il convient de préserver un mécanisme garantissant une représentation significative des communes rurales ou périphériques, dont elles seraient privées si le nombre de leurs délégués ne dépendait que de la taille de la population.

L'assise électoral du Sénat diffère certes de celle de l'Assemblée nationale, ce qui est essentiel à un bicaméralisme vivant.

Les pays ayant opté pour deux assemblées élues sur des bases comparables ont pu constater que l'utilité et l'efficacité de leur système bicaméral était, dans les faits, assez réduite. 38( * )

L'Assemblée nationale, élue sur les bases essentiellement démographiques, représente aussi le territoire puisque chaque département doit élire au moins deux députés.

Les circonscriptions doivent respecter les limites des cantons de moins de 40.000 habitants, à l'exception de celles comprenant un canton non constitués d'un territoire continu et de celles crées à Paris, Lyon et Marseille Les circonscriptions doivent être constituées de territoires continus (sauf dans les départements comportant des parties insulaires ou enclavées).

A l'inverse, l'assise électorale du Sénat, principalement fondée sur les collectivités territoriales, prend aussi en considération leur population, ce qui se traduit, en particulier, par l'élection de délégués supplémentaires dans les grandes villes.

Les deux assemblées du Parlement français exercent, selon deux formes distinctes mais complémentaires, la même souveraineté nationale.

La remise en cause de ces deux modes d'exercice de la souveraineté nationale annihilerait les fondements de notre bicaméralisme.

Le projet de loi réduirait la représentation des communes de moins de 3.500 habitants (42,66 % au lieu de 48,88 %) et celle des communes de 3.500 à 9.000 habitants (12,74 % au lieu de 17,12 %).

Celle des villes de 9.000 à 30.000 habitants serait également légèrement minorée (17,02 % au lieu de 17,42 %).

En revanche, toutes les villes de plus de 30.000 habitants bénéficieraient d'une représentation nettement plus forte (27,57 % au lieu de 16,57 %).

Le " rééquilibrage " au profit des grandes villes ne serait donc même pas tempéré par un maintien de l'influence des villes moyennes.

Le projet de loi augmenterait sensiblement la proportion des délégués n'appartenant pas aux conseils municipaux (21 % au lieu de 8 %).


L'élection des sénateurs se ferait sur des bases uniquement démographiques, quand celle des députés l'est sur des bases essentiellement démographiques et ce à l'avantage exclusif des grandes villes.

La contradiction avec une véritable politique d'aménagement du territoire qui en résulterait ne pourrait qu'accroître gravement la fracture territoriale.

Votre commission des Lois a donc rejeté la disposition de l'article 1 er du projet de loi qui, tout comme les propositions de loi de nos collègues M. Jean-Michel Baylet et Mme Hélène Luc, établirait une représentation des communes fondée exclusivement sur un critère démographique (un délégué par tranche de 500 habitants ou fraction de ce nombre, quelle que soit la taille de la population des communes), ces textes remettant gravement en cause l'obligation constitutionnelle pour le Sénat de représenter les collectivités territoriales.

Cette disposition est d'ailleurs identique à celle d'un projet de loi rejeté par le Sénat le 19 décembre 1991 .

La proposition de loi de M. Guy Allouche ne s'expose certes pas, du moins sur le principe, à la même critique, puisqu'elle maintiendrait un lien entre la représentation des communes et l'effectif des conseils municipaux, mais, en bouleversant le barème actuel, elle provoquerait elle aussi un déséquilibre important dans la représentation des différentes catégories de communes .

Ce texte ferait de tous les conseillers municipaux des communes d'au moins 3.500 habitants (au lieu de 9.000 habitants) des délégués de droit et créerait un délégué supplémentaire par tranche entière de 500 habitants en sus .de 20.000 habitants (au lieu d'un délégué supplémentaire par tranche de 1.000 habitants au-delà de 30.000 habitants) 39( * )

Votre commission des Lois a, pour sa part, opté pour une adaptation raisonnable des règles de composition du collège électoral sénatorial.

Elle a, tout d'abord entendu maintenir le lien existant entre la représentation des communes et l'effectif des conseils municipaux et considéré indispensable de préserver le nombre des délégués des communes de moins de 9.000 habitants.

Elle a aussi estimé nécessaire un ajustement du barème de représentation des grandes villes, mais aussi des villes moyennes, objet d'un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1 er du projet de loi (voir ci-après).

Votre commission des Lois vous propose donc par amendement une nouvelle rédaction de l'article 1 er du projet de loi , ne reprenant pas la modification proposée du premier alinéa de l'article L. 284 du code électoral mais seulement la coordination proposée au dernier alinéa de cet article (substitution de la référence au code général des collectivités territoriales à celle du code de l'administration communale).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 1 er du projet de loi ainsi modifié .

Article additionnel après l'article premier
(article L. 285 du code électoral)
Délégués supplémentaires des conseils municipaux
dans les communes d'au moins 9.000 habitants

Votre commission des Lois a donc souhaité que, sans modification du nombre des représentants des communes de moins de 9.000 habitants, la représentation des autres communes -et non seulement des plus grandes- soit révisée de telle manière qu'un équilibre raisonnable soit assuré entre toutes les communes.

A cet effet, elle vous propose un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1 er du projet de loi pour modifier le second alinéa de l'article L. 285 du code électoral, afin de prévoir l'élection de délégués supplémentaires dans les communes d'au moins 9.000 habitants (au lieu de 30.000), à raison de un délégué par tranche entière de 700 habitants (au lieu de 1.000) en sus de 9.000 habitants (au lieu de 30.000).

Le premier alinéa de l'article L. 285 du code électoral, prévoyant que tous les conseillers municipaux sont délégués de droit dans les communes d'au moins 9.000 habitants, ne serait pas modifié.

Certes, les grandes agglomérations ne sont sans doute plus représentées de manière satisfaisante dans les collèges électoraux sénatoriaux puisque, avec 32 % de la population totale, les villes de plus de 30.000 habitants n'élisent que 16 % des délégués.

Encore faut-il nuancer la portée de l'insuffisante représentation des grandes villes, trop souvent dénoncée de manière excessive. Toutes les lois électorales prennent en compte la population telle qu'elle résulte du recensement, laquelle ne correspond pas exactement au corps électoral.

En effet, les chiffres du recensement comprennent toute la population résidant en France, qu'elle soit électrice ou non.

Or, l'électeur n'est pas nécessairement inscrit sur la liste électorale de la commune de son domicile principal. Il peut aussi bien choisir de voter dans une commune dans laquelle il est contribuable, et qui peut être celle de sa résidence secondaire, ou le lieu de ses racines familiales. Les électeurs ayant choisi, comme le code électoral les y autorise, d'exercer leur droit de vote éventuellement dans une commune rurale en raison de leurs attaches personnelles sont néanmoins comptabilisés, pour la détermination du nombre des délégués des conseils municipaux, comme habitants d'une ville.

En outre, nombreux sont les électeurs citadins conservant des racines rurales et pour lesquels la représentation du territoire conserve un sens au-delà de l'exode des populations.

Certes, la nécessité d'une représentation renforcée des plus petites communes n'implique peut-être pas le maintien de l'écart important entre leur poids dans le collège électoral et leur population (pour les communes de moins de 9.000 habitants, les deux tiers des délégués pour la moitié de la population).

Pour autant, l'amélioration de la représentation des grandes villes ne doit pas affecter celle des villes moyennes ou périphériques, dont l'importance acquise au fil des années depuis 1958 justifierait un ajustement modéré leur permettant de disposer d'un poids comparable à celui de la population française.

Cette considération a conduit votre commission des Lois à vous proposer d'abaisser de 30.000 à 9.000 habitants (limite à partir de laquelle tous les conseillers municipaux sont délégués de droit) le seuil à partir duquel les communes disposeraient de délégués supplémentaires dans les communes


Le choix de la tranche de population donnant droit à un délégué supplémentaire doit prendre en considération sa répercussion sur la représentation des plus grandes villes.

Plus la tranche de population serait faible, plus la représentation des grandes villes serait accentuée et le poids relatif des autres communes se trouverait minoré en conséquence.

Aussi, votre commission des Lois a considéré que la réduction de moitié de la tranche de population donnant droit à un délégué supplémentaire (500 habitants au lieu de 1.000 habitants), proposée par le groupe socialiste, bouleverserait l'équilibre de la représentation des collectivités selon leur population.

Elle a donc préféré une solution intermédiaire consistant à ouvrir le droit à un délégué supplémentaire par tranche de 700 habitants au dessus de 9.000 habitants.

Le nombre des délégués des communes de moins de 9.000 habitants ne serait pas modifié, mais leur poids relatif dans le corps électoral se trouverait atténué en conséquence de la majoration du nombre de délégués des autres communes.

Votre commission des Lois vous propose en conséquence de retenir le dispositif figurant à l'article 1 er de la proposition de loi de M. Henri de Raincourt, à savoir l'élection de délégués supplémentaires dans les communes d'au moins 9.000 habitants (au lieu de 30.000 habitants), à raison d'un délégué par tranche entière de 700 habitants (au lieu de 1.000 habitants) en sus de 9.000 habitants.

Globalement, le nombre des délégués des communes dans le collège électoral sénatorial progresserait de 13,71 % (157.446 au lieu de 138.458 délégués), représentant 96,24 % du collège au lieu de 95,75 % 40( * ) .

Cette proposition permettrait de limiter le " déficit de représentation " des villes de plus de 30.000 habitants (dont la proportion de délégués serait portée de 16,56 % à 22,39 % de délégués).

Les communes de moins de 9.000 habitants verraient certes leur poids relatif atténué, mais garderaient une représentation renforcée par rapport à leur population (58 % de délégués pour 48 % de la population).

Les villes entre 9.000 et 30.000 habitants disposeraient d'une représentation équivalente à celle de leur population (19 %).


Les délégués supplémentaires composeraient 18 % des collèges électoraux au lieu de 8 %.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1 er tendant à une nouvelle rédaction du second alinéa de l'article L. 285 du code électoral, prévoyant l'élection, dans les communes d'au moins 9.000 habitants, de délégués supplémentaires à raison de 1 délégué par tranche de 700 habitants en sus de 9.000 (au lieu d'un délégué par tranche de 1.000 habitants au-dessus de 30.000 habitants).

Article 2
(article L. 288 du code électoral)
Mode de scrutin pour l'élection des délégués des conseils municipaux
dans les communes de moins de 1.000 habitants

L'article 2 du projet de loi tend à abaisser de 9.000 à 1.000 habitants le plafond en dessous duquel les délégués d'une commune sont élus au scrutin majoritaire, en modifiant à cet effet l'article L. 288 du code électoral.

L'article 2 prévoit en effet l'élection des délégués au scrutin majoritaire dans les communes élisant un ou deux délégués qui, en conséquence des dispositions proposées à l'article 1 er , seraient peuplées de 1.000 habitants au maximum (un délégué par tranche de 500 habitants).

Dans les communes de moins de 9.000 habitants , l'élection a lieu au scrutin majoritaire à trois tours (article L. 288 du code électoral).

La majorité absolue est nécessaire aux deux premiers tours et la majorité relative suffit au troisième tour.

Dans les communes d'au moins 9.000 habitants , l'élection se déroule au scrutin proportionnel avec application de la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent comprendre moins de noms qu'il y a de sièges à pourvoir (article L. 289 du même code).

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cette modification ne serait que la conséquence du mode de scrutin applicable depuis la loi du 19 novembre 1982 aux élections municipales dans les communes d'au moins 3.500 habitants (prime majoritaire de 50 % des sièges à la liste ayant obtenu la majorité absolue au premier tour ou à celle arrivée en tête au deuxième tour, puis répartition proportionnelle des autres sièges entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés).

Il s'agirait de traduire la diversité politique des conseils municipaux dans la composition de leurs délégations au collège électoral sénatorial.

Toutefois, un tel raisonnement aurait logiquement dû conduire à proposer, pour l'élection des délégués au scrutin majoritaire, le plafond de 3.500 habitants applicable aux élections municipales, et non celui de 1.000 habitants.

Les conseillers municipaux des communes de moins de 3.500 habitants étant élus au scrutin majoritaire, et les listes complètes de candidats n'étant obligatoire que dans les communes d'au moins 2.500 habitants (article L. 256 du code électoral), la notion de minorité politique au sein du conseil municipal est assez peu présente dans ces communes peu peuplées.

L'application du scrutin proportionnel pour l'élection des délégués de conseils municipaux élus au scrutin majoritaire n'aurait donc pas de réelle signification dans les communes de moins de 3.500 habitants.

Un abaissement du plafond pour l'application du scrutin majoritaire aurait surtout pour effet d'accroître sensiblement le champ de la proportionnalité pour l'élection des sénateurs, qui serait déjà fortement étendu par l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel (voir articles 5 et 6 ci-après) et par la nouvelle répartition des sièges entre les départements qui serait effectuée après la publication des résultats du recensement de 1999, susceptible aussi de provoquer l'application du scrutin proportionnel dans plusieurs départements à la suite de créations de sièges.

Votre commission des Lois, soucieuse de parvenir à un équilibre réel entre les deux modes de scrutin, considère qu'il n'y a pas lieu de modifier le mode d'élection des délégués des communes .

En revanche, comme à l'article précédent, il conviendrait de remplacer la référence au code de l'administration communale par celle du code général des collectivités territoriales.

Votre commission des Lois vous propose par amendement une nouvelle rédaction de l'article 2 du projet de loi pour procéder à cette coordination , mais sans modifier le mode de scrutin pour l'élection des délégués des conseils municipaux dans le collège électoral sénatorial .

Elle vous propose d'adopter l'article 2 du projet de loi ainsi modifié .

Article 3
(article L. 289 du code électoral)
Mode d'élection des délégués des conseils municipaux
dans les communes d'au moins 1.000 habitants

Le paragraphe I de cet article tirerait la conséquence du précédent, en modifiant le premier alinéa de l'article L. 289 du code électoral.

Dans les communes élisant plus de deux délégués (donc, selon l'article 1 er du projet, dans celles ayant plus de 1.000 habitants), l'élection des délégués et suppléants aurait lieu sur la même liste, suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel.

Le mode de scrutin proportionnel est actuellement appliqué dans les communes d'au moins 9.000 habitants.

Les listes pourraient comprendre un nombre de noms inférieur à celui des sièges de délégué à pourvoir.

En d'autres termes, le mode de scrutin proportionnel serait applicable à partir de 1.000 habitants, selon les règles actuellement en vigueur pour les villes d'au moins 9.000 habitants.

Par coordination avec la position qu'elle a prise à l'article 2, votre commission des Lois n'a pas retenu cette disposition.

En revanche, la rédaction du début du premier alinéa de l'article L. 289 du code électoral devrait cependant être coordonnée avec la modification de l'article L. 285 du même code, proposée par votre commission (article additionnel après l'article 1 er ).

En effet, la rédaction actuelle de cet article L. 289 se réfère à l'élection des suppléants dans les communes de 9.000 habitants et plus et à l'élection des délégués et suppléants dans celles de plus de 30.000 habitants, puisque, dans les communes de 9.000 à 30.000 habitants, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit et qu'il n'y a pas de délégués supplémentaires. Il n'y a pas lieu d'élire des délégués titulaires dans ces communes.

Votre commission proposant l'élection de délégués supplémentaires dans les communes d'au moins 9.000 habitants (au lieu de 30.000 habitants), il conviendrait d'adapter le début du premier alinéa de l'article L. 289 du code électoral, en précisant que, dans toutes ces communes, l'élection concerne les délégués titulaires et les délégués suppléants, le mode de scrutin n'étant changé dans aucune commune.

Le paragraphe II de l'article 3
du projet de loi autoriserait le vote par procuration pour l'élection des délégués des conseils municipaux des communes où s'applique le scrutin proportionnel.

En effet, l'article L. 288 du code électoral autorise le vote par procuration pour l'élection des délégués des communes de moins de 9.000 habitants dans les conditions de droit commun applicables aux conseils municipaux. En revanche, le dernier alinéa de l'article L. 289 du même code ne l'autorise, dans les communes d'au moins 9.000 habitants, que pour les députés et les conseillers généraux, dans des cas exceptionnels fixés par l'article R. 139 du même code (maladie, obligation découlant de l'exercice du mandat, mission confiée par le Gouvernement).

Cette différence de traitement entre conseillers municipaux ne semblant pas justifiée, le projet de loi tend à étendre aux conseillers municipaux de toutes les communes, sans considération de leur population, la possibilité de vote par procuration pour l'élection des délégués au collège électoral sénatorial , la procuration étant toujours donnée à un membre du conseil municipal.

Votre commission des Lois a approuvé le principe de la généralisation du vote par procuration.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose par amendement une nouvelle rédaction de l'article 3 du projet de loi, tendant, dans un paragraphe I , à coordonner la rédaction du début du premier alinéa de l'article L. 289 du code électoral avec la modification qu'elle vous propose pour l'article L. 285 (article additionnel après l'article 1 er du projet) (paragraphe 1) et, dans un paragraphe II , à généraliser la possibilité pour les conseillers municipaux de voter par procuration pour l'élection de leurs délégués, dans les conditions actuellement applicables aux seules communes de moins de 9.000 habitants.

Le mode d'élection des délégués des conseils municipaux ne serait, en revanche, modifié dans aucune commune.

Elle vous propose d'adopter l'article 3 du projet de loi ainsi modifié .

Article 4
(article L. 290 du code électoral)
Election des délégués en cas de constitution
d'une délégation spéciale

Selon l'article L. 290 du code électoral, lorsque les fonctions du conseil municipal sont remplies par une délégation spéciale, les délégués et suppléants sont nommés par l'ancien conseil convoqué à cet effet par le président de la délégation spéciale.

Cet article se réfère à la définition de la délégation spéciale donnée par l'article 19 du code de l'administration communale, dont les dispositions figurent désormais aux articles L. 2121-35 et L. 2121-36 du code général des collectivités territoriales.

L'article 4 du projet de loi a pour unique objet de mentionner dans le texte de l'article L. 290 du code électoral, la référence à ces articles L. 2121-35 et L. 2121-36 précités.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 4 du projet de loi .

Article 5
(art. L. 294 du code électoral)
Champ d'application du mode de scrutin majoritaire

Selon l'article L. 294 du code électoral, le mode de scrutin majoritaire à deux tours est appliqué dans les départements élisant jusqu'à 4 sénateurs.

L'élection est acquise au premier tour pour le candidat ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits.

Au second tour, la majorité relative suffit. En cas d'égalité des suffrages le plus âgé des candidats est élu.

Actuellement, 206 sièges des départements sur 304 (67,76 %) sont attribués au scrutin majoritaire 41( * ) .

Compte tenu des 5 sièges de sénateurs attribués au scrutin majoritaire dans les collectivités d'outre-mer n'ayant pas été érigées en département, l es deux tiers des membres du Sénat sont donc élus au scrutin majoritaire (au total, 211 sénateurs sur 321).

Votre rapporteur a déjà souligné que la formule mixte appliquée pour l'élection des sénateurs (partage entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel) constitue une originalité de nature à enrichir la représentation du Sénat.

Le scrutin majoritaire a été institué dans les départements les moins peuplés, leur faible densité démographique constituant une caractéristique de leur territoire.

Il facilite une plus grande proximité entre l'élu et l'électeur , assure une certaine indépendance des sénateurs par rapport aux partis politiques , les grands électeurs utilisant largement leur droit de panacher entre les candidats et les listes en présence, et permet à la majorité des membres du Sénat de disposer d'un recul suffisant pour assumer pleinement leur rôle constitutionnel de représentation des collectivités territoriales.

Le scrutin majoritaire facilite aussi l' émergence de personnalités mieux ancrées dans le tissu social et donnant au Sénat une légitimité différente de celle de l'Assemblée nationale, plus politisée et plus sensible aux courants d'opinion, éphémères par nature.

Ce mode de scrutin favorise l'indépendance dont le Sénat sait faire preuve et lui permet plus aisément d'adopter des positions non partisanes, notamment sur les questions intéressant les collectivités territoriales et l'aménagement du territoire.

Non seulement ce mode de scrutin doit être préservé, mais une modification du plafond au dessous duquel il est appliqué ne doit pas avoir pour conséquence de remettre en cause de manière préjudiciable l'équilibre institué entre ces deux modes de scrutin.

Votre commission des Lois a écarté les dispositions de l'article 5 du projet de loi tendant à restreindre le scrutin majoritaire aux départements n'ayant pas plus de deux sénateurs à élire (tout comme celles des propositions de loi de Mme Hélène Luc et de M. Jean-Michel Baylet, tendant aux mêmes fins), le Sénat ayant rejeté un projet de loi similaire le 19 décembre 1991.

En effet, ces textes inverseraient la part occupée actuellement par chacun des deux modes de scrutin, le scrutin majoritaire étant limité dans ce cas à moins du tiers des sénateurs (30,26% des sénateurs des départements).

Une introduction massive du mode de scrutin proportionnel atténuerait sensiblement la portée réelle de la représentation des collectivités territoriales par le Sénat dont le caractère partisan prévaudrait.

Votre commission des Lois a aussi écarté la limitation du scrutin majoritaire aux départements n'ayant qu'un seul sénateur à élire, proposé par M. Guy Allouche, car elle réduirait à 8 (sur 304) le nombre des sénateurs élus au scrutin majoritaire.

La pluralité des modes de scrutin n'aurait, dans cette hypothèse, plus qu'une portée symbolique.

Votre commission des Lois a estimé que le scrutin proportionnel se justifiait dans les départements les plus peuplés , dont la densité démographique constituait aussi une caractéristique à prendre en considération pour leur représentation au Sénat.

En effet, l'anonymat qui règle dans les grandes villes conduit à une nature moins personnelle et plus partisane du scrutin sénatorial, s'appuyant lui-même sur des scrutins locaux ayant généralement les mêmes caractéristiques.

Du reste, le Sénat demeure une assemblée parlementaire politique dont le recrutement ne peut exclure, par principe, une compétition électorale politisée.

Votre commission des Lois a considéré qu'il convenait de parvenir à un équilibre réel entre les deux modes de scrutin , de nature à mieux fonder leur pluralité.

A cet effet, elle vous propose que le mode de scrutin majoritaire soit appliqué dans les départements élisant au plus 3 sénateurs.


Ce dispositif correspondrait à celui présenté dans la proposition de loi de M. Henri de Raincourt.

Dans les départements, cette solution entraînerait l'attribution de 170 sièges (55,92 %) au scrutin majoritaire et de 134 sièges (44,08 %) au scrutin proportionnel 41( * ) .

L'équilibre en sièges se retrouverait aussi en termes de population représentée, de manière quasiment arithmétique cette fois, puisque 49,43 % de celle-ci serait représentée par des sénateurs élus au scrutin majoritaire et 50,57 % par des sénateurs élus au scrutin proportionnel.

La modification du mode de scrutin concernerait, en l'état actuel de la répartition des sièges entre les départements, 36 sièges dans 9 départements 42( * ) .

Compte tenu des 17 sièges attribués en dehors des départements 43( * ) dont le mode de scrutin ne serait pas modifié, le Sénat serait, au total, composé de 175 sénateurs (54,52%) élus au scrutin majoritaire et de 146 sénateurs (45,48%) élus au scrutin proportionnel.

En conséquence, votre commission des Lois vous propose un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article 5 du projet de loi, pour appliquer le scrutin proportionnel dans les départements élisant au plus 3 sénateurs (au lieu de 4).

Article 6
(article L. 295 du code électoral)
Champ d'application du mode de scrutin proportionnel

Cet article est la conséquence logique du précédent.

En effet, l'article L. 295 du code électoral prévoit actuellement, dans les départements ayant au moins 5 sénateurs à élire, l'application du mode de scrutin proportionnel et le projet de loi étendrait l'application de ce mode de scrutin aux départements représentés par au moins 3 sénateurs.

On sait qu'il est appliqué la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel, et que, sur chaque liste, les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation.

En logique avec la position qu'elle a prise à l'article 5, votre commission des Lois vous propose un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article 6 du projet de loi, abaissant à 4 sièges le seuil à partir duquel le mode de scrutin proportionnel serait appliqué dans les départements .

Article 7
(art. L. 300 du code électoral)
Institution de suppléants dans les départements
où les élections ont lieu au scrutin proportionnel

L'article 7 du projet de loi tend à prévoir que, dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel, chaque liste de candidats comporterait deux noms de plus qu'il y a de sièges à pourvoir.

Selon l'article L. 300 du code électoral, dans ces départements, la liste des candidats doit comporter autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir.

La déclaration de candidature doit indiquer le titre de la liste et l'ordre de présentation des candidats.

Une déclaration collective peut être faite par un mandataire de la liste.

Aucun retrait n'est admis après la date limite de dépôt des candidatures.

En cas de décès d'un candidat au cours de la campagne électorale, les autres candidats de la liste peuvent le remplacer jusqu'à la veille du scrutin par un nouveau candidat, au rang qui leur conviendra.

La liste des candidats ne comporte pas de suppléants, contrairement aux départements où l'élection est organisée au scrutin majoritaire (article L. 0. 299 du code électoral), puisque l'article L. O. 320 du même code prévoit que dans le cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, d'un siège attribué à la représentation proportionnelle, le remplacement est assuré par le candidat de la même liste venant immédiatement après le dernier candidat élu.

Lorsqu'il n'y a plus de " suivant de liste ", l'article L. O. 322 du même code prévoit, en cas de vacance du siège, des élections partielles dans un délai de trois mois, étant précisé toutefois qu'il n'est procédé à aucune élection partielle dans l'année précédant un renouvellement du Sénat.

Si la vacance ne porte que sur un seul siège, l'élection partielle se déroule au scrutin majoritaire à deux tours (article L. 324 du code électoral), le candidat titulaire se présentant avec un suppléant qui pourrait, le cas échéant, remplacer le sénateur dont il est le remplaçant mais pas les autres élus du département dont le siège deviendrait vacant.

L'application de ces dispositions n'a, jusqu'à présent, pas soulevé de difficultés importantes, puisque, depuis 1959, sur 58 élections partielles, 4 seulement ont été provoquées par l'épuisement de la liste sur laquelle avait été élu le sénateur dont le siège était devenu vacant 44( * ) .

Toutefois, l'abaissement à 4 sièges du seuil à partir duquel le scrutin proportionnel serait appliqué, pourrait entraîner un accroissement du nombre des élections partielles provoquées par épuisement de la liste et même limiter temporairement la représentation de certains départements puisque des élections partielles ne peuvent être organisées dans l'année précédant un renouvellement triennal du Sénat.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 7 du projet de loi .

Article 8
(Article L. 301 du code électoral)
Dépôt des candidatures au premier tour ou au tour unique

Selon l'article L. 301 du code électoral, les déclarations de candidature, pour le premier tour (ou pour le tour unique, lorsque l'élection se déroule au scrutin proportionnel), doivent être déposées au plus tard huit jours avant celui du scrutin, soit le deuxième vendredi précédent à 24 heures.

L'article 8 du projet de loi avancerait ce délai à 18 heures, le deuxième vendredi qui précède le scrutin.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 8 du projet de loi .

Article 9
(article L. 305 du code électoral)
Dépôt des candidatures pour le deuxième tour

L'article L. 301 du code électoral fixe un délai limite pour le dépôt des candidatures au premier tour, au deuxième vendredi précédant le scrutin.

Selon l'article L. 305 du même code, toute candidature présentée entre le premier et le deuxième tour de scrutin dans les départements où s'applique le scrutin majoritaire doit faire l'objet d'une déclaration qui ne donne pas lieu à enregistrement.

Cet article ne fixe aucun délai pour le dépôt des candidatures en vue du deuxième tour, l'article R. 153 du code électoral prévoyant que ces déclarations " doivent être déposées à la préfecture avant l'heure fixée pour l'ouverture du scrutin et affichées dans la salle de vote avant le commencement des opérations ".

Le Conseil constitutionnel en a déduit que les candidatures enregistrées pour le premier tour restent valables pour le deuxième tour, une déclaration de candidature n'étant nécessaire que pour les nouveaux candidats, et qu'il appartenait aux candidats désirant se retirer ou se désister de faire connaître leur décision aux électeurs par le moyen de leur choix, nulle autre personne que les candidats ou leurs représentants ne pouvant se substituer à eux 45( * ) .

Cette situation peut entraîner une confusion dans l'esprit des grands électeurs, si un candidat omet, dans le court délai entre les deux tours de scrutin, de les informer de son retrait ou de son désistement, comme l'a évoqué le Conseil constitutionnel dans ses observations sur les élections sénatoriales de 1998 46( * ) :

" Selon une jurisprudence bien fixée, n'est pas en soi irrégulière, en l'état actuel des textes, la présence sur les tables de vote, lors du déroulement du second tour, de bulletins du premier tour où figurent des candidats qui entendent se retirer de la compétition. Traditionnellement, en effet, il appartient aux seuls candidats qui se retirent d'enlever eux-mêmes leurs bulletins.

" Il reste que le maintien au second tour de tels bulletins peut entraîner des confusions dans l'esprit des électeurs et, dans certains cas, permettre des manoeuvres, ainsi que le Conseil en a réservé l'hypothèse dans le contentieux des élections sénatoriales du 27 septembre 1998.

" Plus généralement, les progrès technologiques en matière d'impression et de reprographie rendent possible l'édiction de règles assurant une complète information de l'électeur en matière de présentation et de retrait de candidatures au second tour de l'élection sénatoriale dans les départements soumis au scrutin majoritaire. Ne devraient être notamment présents, au second tour, sur les tables de vote, que les bulletins des listes et candidats ayant déclaré par écrit se présenter ou se maintenir au second tour ".

Pour permettre un choix clair des électeurs au deuxième tour, il convient donc de faciliter une information précise sur les candidatures maintenues ou nouvelles au deuxième tour.

A cet effet, l'article 9 du projet de loi prévoirait, d'une part, une obligation de dépôt de candidature au deuxième tour aussi bien pour les nouveaux candidats que pour ceux qui se maintiennent comme cela est prévu par le code électoral pour les autres scrutins 47( * ) et, d'autre part, fixerait un délai précis pour le dépôt de ces candidatures.

Comme actuellement pour les candidatures nouvelles en vue du deuxième tour, cette formalité ne donnerait pas lieu à enregistrement.

Compte tenu de la brièveté du temps entre les deux tours de scrutin 48( * ) , le projet de loi fixerait le délai limite pour le dépôt des candidatures au deuxième tour à une demi-heure au moins avant l'heure fixée pour l'ouverture du scrutin.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 9 du projet de loi étant précisé que les dispositions réglementaires du code électoral devraient ensuite être complétées pour permettre une information exacte des électeurs sur les candidatures déposées, comme l'a suggéré le Conseil constitutionnel dans ses observations relatives aux élections sénatoriales de septembre 1995 49( * ) .

Article 10
(article L. 306 du code électoral)
Réunions électorales

Cet article et les deux suivants tendent à modifier le calendrier des opérations préparatoires au scrutin , la période des élections sénatoriales n'étant pas changée (dans les soixante jours qui précèdent la date du début du scrutin, selon l'article L.O. 278 du code électoral).

Selon l'article L. 306 du code électoral, des réunions électorales peuvent être organisées à partir de la publication du décret de convocation des électeurs.

Les élections sénatoriales ont lieu le septième dimanche qui suit la publication de ce décret (article L. 311 du code électoral).

L'article 11 du projet de loi tendant à permettre la publication du décret de convocation à une date antérieure sans fixer de délai (voir ci-après le commentaire de cet article), son article 10 autoriserait les réunions électorales, auxquelles n'ont accès que les membres du collège électoral, les candidats et leurs suppléants, au cours d'une période fixe, correspondant aux six semaines précédant le scrutin.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 10 du projet de loi .

Article 11
(article L. 311 du code électoral)
Publication du décret de convocation des électeurs

Selon l'article L. 311 du code électoral, les élections sénatoriales se déroulent le septième dimanche qui suit la publication du décret de convocation des électeurs.

Cette disposition conduit, pour les renouvellements triennaux organisés au mois de septembre, à une publication du décret durant le mois d'août.

L'article 11 du projet de loi ne lierait plus la date de publication du décret à celle des élections, puisque le scrutin aurait lieu " au plus tôt " le septième dimanche qui suit.

En d'autres termes, le décret de convocation des électeurs pourrait intervenir au printemps, sans pour autant modifier la période habituelle des élections sénatoriales.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 11 du projet de loi .

Article 12
(art. L. 314-1 du code électoral)
Signature par l'électeur sur la liste d'émargement

L'article L. 62-1, issu de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988, prévoit qu'une copie de la liste électorale certifiée par le maire, constituant la liste d'émargement, reste déposée sur la table du bureau de vote pendant toute la durée des opérations électorales.

Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement.

Cette disposition, destinée à faciliter le contrôle de la sincérité des opérations électorales, n'a jusqu'à présent, pas été rendue applicable aux élections sénatoriales pour lesquelles, il est vrai, le volume du contentieux sur le déroulement des opérations électorales est limité.

Donnant suite à une suggestion formulée par le Conseil constitutionnel 50( * ) , l'article 12 du projet de loi rendrait obligatoire la signature par l'électeur sénatorial sur la liste d'émargement, qui serait constituée d'une copie du tableau des électeurs sénatoriaux, certifiée par le préfet.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 12 du projet de loi .

Article 13
Application de la loi dans les collectivités d'outre-mer

L'article 13 du projet de loi prévoit son application dans les territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Tenant compte de l'éventualité d'un changement de statut de la Polynésie française, votre commission des Lois vous propose un amendement tendant à énumérer les collectivités d'outre-mer dans lesquelles les nouvelles dispositions seraient applicables, plutôt que de viser la catégorie des territoires d'outre-mer.

Elle vous propose d'adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article 14
(article L. 334-4 du code électoral)
Application de la loi dans la collectivité territoriale
de Saint-Pierre et Miquelon

L'article L. 334-3 du code électoral rend applicable à Saint-Pierre et Miquelon les dispositions du livre II du code électoral relatives à l'élection des sénateurs.

Or, plusieurs articles du projet de loi remplacent, dans le livre II de ce code, la référence obsolète au code de l'administration communale par celle au code général des collectivités territoriales, qui n'est pas applicable à Saint-Pierre et Miquelon.

L'article 14 du projet de loi remplacerait, pour l'application dans cette collectivité territoriale des articles du code électoral relatifs à l'élection des sénateurs, la référence à ce code par celle du code des commune applicable localement.

Votre commission des Lois vous propose un amendement de coordination .

Elle vous propose d'adopter l'article 14 ainsi modifié.

Article 15
(article L. 334-15-1 du code électoral)
Application de la loi dans la collectivité
territoriale de Mayotte

L'article L. 334-15 du code électoral, issu de l'ordonnance n° 98-730 du 20 août 1998, rend applicable à Mayotte les dispositions du code électoral relatives à l'élection des sénateurs.

Comme l'article précédent, l'article 15 du projet de loi remplace, pour l'application à Mayotte de ces dispositions du code électoral, les références au code général des collectivités territoriales, qui n'est pas applicable à Mayotte, par celles du code des communes applicables localement.

Votre commission des Lois propose d'adopter l'article 15 modifié par un amendement de coordination.

Article additionnel après l'article 15
(article 16 de la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985)
Application dans les collectivités d'outre-mer
des dispositions du code électoral sur l'élection des sénateurs

Les dispositions du code électoral relatives à l'élection des sénateurs ont été rendues applicables en Nouvelle-Calédonie et dans les territoires d'outre-mer par l'article 16 de la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985 modifiée en dernier lieu par la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie, sous réserve des adaptations faisant l'objet des articles 17 et suivants de ce texte.

Comme pour l'article 13, il apparaît préférable d'énumérer les collectivités d'outre-mer dans lesquelles les dispositions du code électoral sur l'élection des sénateurs sont applicables, plutôt que de viser la catégorie des territoires d'outre-mer.

En outre, pour plus de lisibilité, il semblerait judicieux de regrouper l'ensemble des dispositions concernant les candidatures pour le premier tour à l'article 21 de la loi du 10 juillet 1985 précitée qui comporte déjà des adaptations à ces collectivités.

La nouvelle rédaction de l'article 16 de cette loi de 1985 que votre commission des Lois vous propose par amendement énumère les collectivités d'outre-mer dans lesquelles certaines dispositions du code électoral sont applicables et écarte l'application de l'article L. 301 du code électoral qu'elle vous propose de transcrire dans l'article 21 de la loi de 1985 (voir commentaire de l'article 16 du projet de loi).

Article 16
(articles 16-1, 16-2 et 21 de la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985)
Application de la loi en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie

L'article 16 du projet de loi insérerait deux nouveaux articles (16-1 et 16-2) dans la loi précitée du 10 juillet 1985, tendant à remplacer, pour l'application en Polynésie française et en Nouvelle Calédonie des dispositions du code électoral relatives à l'élection des sénateurs, les références au code général des collectivités territoriales, qui n'est pas applicable dans ces collectivités, par celles du code des communes applicable localement.

Comme aux deux articles précédents, votre commission des Lois vous propose deux amendements de coordination .

L'article 16 modifierait aussi le délai pour le dépôt des candidatures aux élections sénatoriales, faisant l'objet de dispositions spécifiques aux collectivités d'outre-mer à l'article 21 de la loi du 10 juillet 1985 précitée.

Comme dans les départements (article 8 du présent projet de loi), le délai pour le dépôt des candidatures au premier tour serait avancé de 24 heures à 18 heures le deuxième vendredi qui précède le scrutin, lorsque cette formalité est accomplie auprès du représentant de l'Etat dans la collectivité.

En conséquence de son amendement précédent (voir article additionnel après l'article 15), votre commission des Lois vous propose, pour plus de lisibilité, un amendement pour regrouper à l'article 21 de la loi du 10 juillet 1985 précitée l'ensemble des dispositions concernant les déclarations de candidature pour le premier tour dans les collectivités d'outre-mer.

Elle vous propose d'adopter l'article 16 ainsi modifié .

Article 17
(articles 16, 22 et 27 de l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959
relative à l'élection des sénateurs)
Disposition relatives à l'élection des sénateurs représentant les Français
établis hors de France

L'article 24 de la Constitution prescrit la représentation au Sénat des Français établis hors de France et le système électoral applicable à l'élection des sénateurs les représentant est fixé par le titre II de l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959.

Selon ce texte, les douze sénateurs représentant les Français résidant à l'étranger sont élus à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne par un collège formé des membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

Les règles relatives aux déclarations de candidature, aux opérations préparatoires au scrutin et aux opérations de vote sont similaires à celles applicables dans les départements, sous réserve de quelques adaptations.

L'article 17 du projet de loi étendrait à cette élection certaines dispositions proposées par le projet de loi pour l'élection des sénateurs dans les départements :

- le délai pour le dépôt des candidatures, au secrétariat du Conseil supérieur des français de l'étranger, sera avancé de 24 heures à 18 heures le deuxième vendredi précédant le scrutin (modification de l'article 16 de l'ordonnance du 4 février 1959 précitée, similaire à celle proposée à l'article 8 du projet de loi pour les départements) ;

- les membres du collège électoral des Français résidant à l'étranger devraient aussi apposer leur signature sur la liste d'émargement, certifiée par le ministre chargé des affaires étrangères (modification des articles 22 et 27 de la même ordonnance, similaire à celle proposée à l'article 12 du projet de loi pour les départements).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 17 du projet de loi .

Article 18
Abrogations

L'article 18 abrogerait plusieurs textes par coordination avec des dispositions proposées dans le projet de loi :

- il abrogerait l'article L. 285 du code électoral prévoyant que dans les communes de plus de 9.000 habitants tous les conseillers municipaux sont délégués de droit et que des délégués supplémentaires sont élus dans celles de plus de 30.000 habitants.

Il s'agirait d'une simple conséquence de la désignation d'un délégué par tranche de 500 habitants, quelle que soit la population de la commune, proposée par l'article 1 er du projet de loi.

Par coordination avec la position qu'elle a prise sur cet article, votre commission n'a pas accepté cette abrogation .

- il abrogerait l'article 3 de la loi n° 66-504 du 12 juillet 1966 ayant maintenu le scrutin proportionnel, par dérogation à l'article L. 294 du code électoral, dans les départements issus de l'ancienne Seine-et-Oise où ce mode de scrutin était applicable lors de la création des nouveaux départements de la région parisienne.

Cette disposition dérogatoire ne concerne en fait que le département du Val d'Oise, représenté par quatre sénateurs, puisque ceux de l'Essonne et des Yvelines, disposant de cinq sièges, élisent leurs sénateurs au scrutin proportionnel en application de l'article L. 295 du même code.

L'abaissement à quatre sièges du seuil d'application du mode de scrutin proportionnel, proposé par votre commission des Lois aux articles 5 et 6 du projet de loi, rendrait en effet ce texte obsolète.

L'article 6 du projet de loi, dans la rédaction proposée par votre commission , tendant à abaisser à quatre sièges le seuil à partir duquel les sénateurs seraient élus à la représentation proportionnelle, rendrait obsolète l'article 3 de la loi du 12 juillet 1966 précitée, qu'il convient donc d'abroger.

- L'article 18 du projet de loi abrogerait aussi le deuxième alinéa de l'article L. 287 du code électoral et le deuxième alinéa de l'article 20 de la loi n° 85-691 du 10 juillet 1985 , prévoyant le cas d'un membre de droit du collège électoral sénatorial au titre d'un mandat de conseiller municipal qui le serait aussi au titre d'un autre mandat, pour le premier texte dans les départements et pour le second dans les collectivités d'outre-mer (désignation d'un remplaçant par le maire sur la présentation de l'élu concerné).

L'abrogation de ces dispositions résulterait de la suppression des délégués de droit au titre d'un mandat municipal résultant de l'article 1 er du projet de loi à laquelle s'oppose votre commission des Lois.

En conséquence, votre commission des Lois n'a pas plus retenu l'abrogation de ces textes.

Votre commission des Lois vous propose donc par amendement une nouvelle rédaction de l'article 18 du projet de loi tendant à n'abroger que l'article 3 de la loi du 12 juillet 1966 précitée.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elles vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

ANNEXES

________

ANNEXE N° 1

UNE CHAMBRE HAUTE " CLONE "
DE LA CHAMBRE BASSE :
LE CAS DE L'ITALIE

Dans la plupart des pays où le bicaméralisme a été institué, la Chambre Haute se distingue de la Chambre Basse, aussi bien par son mode d'élection que par ses attributions.

La " Première Chambre " étant dans les pays démocratiques généralement élue sur des " bases essentiellement démographiques " 51( * ) , il s'en suit que les caractéristiques des modes de scrutin de la " Seconde Chambre " loin de se limiter au le critère démographique intègrent d'autres éléments comme les territoires ou les collectivités (dans les Etats unitaires) ou les Etats fédérés (dans les Etats fédéraux).

Certains pays ont opté pour un Parlement constitué de deux assemblées dont le mode de scrutin et les attributions sont similaires.

Tel est le cas de l'Italie, Etat unitaire régional, qui constitue un exemple de ce que l'on peut qualifier de " bicaméralisme paritaire ", traduisant un compromis lors de l'élaboration de la Constitution de 1947 entre les formations politiques favorables au bicaméralisme et celles qui, plus réservées sur ce principe, ont conditionné leur adhésion au système bicaméral par un recrutement du Sénat sur des bases assez proches de celles retenues pour l'élection des membres de la Chambre des députés et à une égalité de compétences.

Si l'article 57 de la Constitution italienne prévoit que " le Sénat de la République est élu sur la base régionale ", la législation ne tire pas toutes les conséquences de ce principe.

La région constitue certes le cadre de l'élection 52( * ) et chacune d'entre elles est assurée de bénéficier d'un nombre de sièges minimum, règle qui permet à trois régions sur vingt de disposer, au total, de dix sièges supplémentaires par rapport à ceux qui leur auraient été attribués selon les critères exclusivement démographiques à la base de la répartition des sièges entre les régions. Ceci n'est pas de nature à modifier sensiblement la composition du Sénat (315 sièges, auxquels s'ajoutent quelques sièges de sénateurs à vie, dont le nombre ne dépasse pas la dizaine).

Comme les députés, les sénateurs sont élus au suffrage universel direct.

Selon le régime électoral du Sénat établi en 1948 et appliqué jusqu'en 1992, le scrutin était uninominal, l'électeur devant choisir entre des candidatures individuelles. Tout candidat ayant obtenu dans une circonscription 65 % du nombre des votants lors du tour unique était élu.

Les autres sièges -c'est-à-dire, dans les faits, la quasi totalité d'entre eux- étaient attribués à la représentation proportionnelle dans le cadre de la région.

Les candidats dans les différentes circonscriptions étaient autorisées à se regrouper au plan régional et les sièges étaient répartis entre ces groupes à la représentation proportionnelle, puis affectés aux candidats dans l'ordre du pourcentage des suffrages qu'ils avaient obtenus dans leur circonscription.

Ce système complexe aboutissait pratiquement à une élection du Sénat à la représentation proportionnelle et permettait à certaines circonscriptions d'avoir plusieurs élus quand d'autres n'en n'avaient aucun. Il pouvait permettre aussi à un candidat arrivé en deuxième position dans une circonscription d'être élu au bénéfice de son apparentement, quand bien même le candidat arrivé en tête n'aurait pas été élu.

Ce régime électoral favorisait les candidats dans les circonscriptions rurales, dont le corps électoral est généralement moins diversifié que celui des centres urbains.

Les députés étaient, pour leur part, élus au scrutin plurinominal à la représentation proportionnelle dans le cadre de 32 circonscriptions, dont le tiers correspondait exactement à une région.

Les différences de méthode de répartition des sièges à la proportionnelle (à la plus forte moyenne au plan régional pour le Sénat et aux plus forts restes au plan national pour la Chambre des députés) permettaient aux plus petites formations politiques d'être un peu mieux représentées à la Chambre Basse.

En revanche, les deux assemblées se distinguent pour les règles relatives à l'âge minimum pour en être électeur (18 ans pour les députés, 25 ans pour les sénateurs) et à l'âge d'éligibilité (respectivement 25 ans et 40 ans).

Il en résulte que le corps électoral des sénateurs est inférieur d'environ 5 millions de personnes à celui des députés.

Ces deux assemblées étaient donc élues sur des bases comparables (circonscriptions délimitées en fonction de la population, représentation à la proportionnelle).

Le nouveau régime électoral des deux assemblées du Parlement italien, issu de deux lois du 4 août 1993, en attribuant la plupart des sièges au scrutin majoritaire tant au Sénat qu'à la Chambre des députés, n'a pas eu pour effet de différencier sensiblement le mode de scrutin du Sénat par rapport à celui de la Chambre des députés.

En effet, chacune des deux assemblées comprend désormais approximativement les trois quarts de parlementaires effectivement élus au scrutin majoritaire, le quart d'entre eux seulement restant élus au scrutin proportionnel.


Pour le Sénat, les candidats se présentent tous individuellement dans une circonscription, aussi bien pour les sièges attribués à l'un qu'à l'autre mode de scrutin. Les sièges pourvus au scrutin majoritaire le sont à la majorité simple et non plus à celle de 65%. Les sièges attribués à la proportionnelle le sont selon un mécanisme d'apparentement semblable à celui précédemment appliqué pour la quasi totalité des sièges

En ce qui concerne la Chambre des députés, il est procédé à deux scrutins séparés selon que les parlementaires sont élus au scrutin majoritaire ou au scrutin proportionnel.

Avant l'uniformisation à 5 ans de la durée des mandats des parlementaires, en 1963, les élections aux deux assemblées se sont donc toujours déroulées à la même date, le Sénat étant, dissous lors de l'expiration des pouvoirs de la Chambre des députés.

Depuis cette uniformisation, les dissolutions ont toujours été concomitantes.

Il n'est donc pas étonnant de constater que les résultats électoraux, en voix comme en sièges, ont été, depuis 1948, assez proches dans les deux assemblées.

Il est évidemment prématuré de tirer des conclusions définitives sur les effets du nouveau mode de scrutin.

Cependant, les premières élections parlementaires organisées selon le nouveau mode de scrutin, le 21 avril 1996, ont permis à la coalition victorieuse de remporter la majorité absolue des voix au Sénat et une majorité relative à la Chambre des députés, résultats traduisant donc un léger décalage dans la composition de l'une des assemblées par rapport à l'autre.

La similitude entre les deux assemblées se constate tout aussi bien en ce qui concerne leurs attributions, tant en matière législative que de contrôle, aucune assemblée n'ayant de prééminence sur l'autre.

Quelle que soit la catégorie des lois, elles ne peuvent résulter que de l'adoption d'un texte identique par les deux assemblées.

La navette est illimitée, puisqu'il n'existe aucune procédure de conciliation du type de la commission mixte paritaire française, ce qui n'empêche pas certaines concertations entre parlementaires des deux assemblées, suivant les cas, prévues par les règlements des assemblées ou engagées selon des procédures officieuses
.

Les désaccords entre les deux assemblées -dont la composition politique est assez proche- sont très rares et la proportion de textes ayant échoué en raison d'une opposition du Sénat ne dépasse pas 1 %.

Le Sénat utilise assez peu son droit d'amendement, puisque 60 % des lois sont adoptées sans qu'il les ait modifiées
, bien que son accord soit indispensable pour toutes les catégories de textes.

Les lois d'initiative sénatoriale sont aussi nombreuses que celles résultant de propositions de députés, alors cependant que l'effectif de la Haute Assemblée est inférieur d'environ la moitié.

Si le Gouvernement est responsable devant les deux assemblées dans des conditions égales, on remarquera que la plupart des crises ministérielles sont provoquées par la rupture de la coalition, sans que l'une ou l'autre assemblée n'ait formellement refusé ou retiré sa confiance au Gouvernement.

Les deux assemblées peuvent être amenées à siéger en séances communes, pour l'exercice de fonctions électives ou judiciaires, mais non législatives ou de contrôle.

Il s'agit des seules hypothèses dans lesquelles le Sénat dispose de pouvoirs inégaux, puisque ses membres constituent le tiers de l'effectif du Parlement.

Enfin, sur des questions importantes (réformes institutionnelles, questions régionales ou consultation sur des " décrets législatifs " lorsque le Gouvernement est habilité à légiférer, par exemple), des commissions paritaires peuvent être constituées.

Force est de constater que les relations entre les deux assemblées n'ont jamais été marquées par des conflits importants.

Le Sénat, en raison de son recrutement similaire à celui de la Chambre des députés, ne constitue ni un réel contrepoids, ni une garantie contre les abus éventuels d'une majorité qui est aussi la sienne.


Il a parfois été qualifié de " doublon ". On pourrait dire aujourd'hui que le Sénat constitue le " le clone " de la Chambre des députés .

Un recrutement non différencié conduit inévitablement à s'interroger sur le principe même du bicaméralisme.

Ceux qui sont sincèrement attachés à ce principe fondamental ne peuvent donc que s'opposer à toute réforme tendant à prévoir l'élection des membres des deux assemblées sur les bases similaires.

ANNEXE N° 2

COMPOSITION DU COLLÈGE ÉLECTORAL SÉNATORIAL
(DÉLÉGUÉS DES CONSEILS MUNICIPAUX)




 


Législation en vigueur

- Projet de loi n° 260

- Propositions de loi de Mme Luc et de M. Baylet

- Proposition de loi de M. Allouche

- Proposition de loi de M. de Raincourt

Tranche de population


Nombre de délégués


Nombre de délégués


Nombre de délégués


Nombre de délégués

 

en val. absolue

en %

en val. absolue

en %

en val. absolue

en %

en val. absolue

en %

Communes moins de 3.500 habitants
(34.092 communes, 33,49 % de la population)

67.674

48,88

59.220

42,66

67.674

38,15

67.674

42,98

Petites villes I (3.500 - 8.999 habitants)
(1589 communes ; 14,60 % de la population)

23.707

17,12

17.693

12,74

44.543

25,11

23.707

15,05

Petites villes II (9.000 - 19.999 habitants)
(565 communes ; 12,70 % de la population)

18.269

13,17

15.303

11,02

18.269

10,30

21.334

13,55

Villes moyennes I (20.000 - 29.999 habitants)
(168 communes ; 6,97 % de la population))

5.880

4,25

8.330

6,00

7.322

4,13

9.473

6,02

Villes moyennes II (30.000 - 100.000 habitants)
(208 communes ; 16,86 % de la population)

12.642

9,13

20.099

14,48

20.567

11,60

20.438

12,98

Grandes villes (plus de 100.000 habitants)
(35 communes ; 9,61 % de la population)

6.635

4,79

11.373

8,19

11.966

6,75

9.658

6,13

Paris-Lyon-Marseille
(3 communes ; 5,76 % de la population)

3.651

2,64

6.808

4,90

7.026

3,96

5.162

3,28

Totaux et moyennes au plan national (arrondis)
(36.660 communes)

138.458

100,00

138.826

100,00

177.367

100,00

157.446

100,00

ANNEXE N° 3

MODE DE SCRUTIN DANS LES DÉPARTEMENTS




 

Législation en vigueur
( proportionnelle à partir de 5 sièges ) ()


Population représentée (1)

Proposition de loi n° 230 :
M. de Raincourt
( proportionnelle à partir de 4 sièges )


Population représentée (1)

Mode de scrutin

Nombre de sièges et %

Nombre de départements

En nombre

En %

Nombre de sièges et %

Nombre de départements

En nombre

En %

Majoritaire

206 (67,76 %)

85

37.852.000

63,49 %

170 (55,92 %)

76

29.468.000

49,43 %

Proportionnel

98 (32,24 %)

15

21.768.000

36,51 %

134 (44,08 %)

24

30.152.000

50,57 %

 

- Projet de loi n° 260
- Propositions de loi n°s 209 et 152 :
M. Baylet et Mme Luc
( proportionnelle à partir de
3 sièges)



Population représentée (1)

Proposition de loi n° 458 :
M. Allouche
( proportionnelle à partir de 2 sièges )



Population représentée (1)

Mode de scrutin

Nombre de sièges et %

Nombre de départements

En nombre

En %

Nombre de sièges et %

Nombre de départements

En nombre

En %

Majoritaire

92 (30,26 %)

50

13.707.000

22,99 %

8 (2,63 %)

8

1.010.000

1,69 %

Proportionnel

212 (69,74 %)

50

45.913.000

77,01 %

296 (97,37 %)

92

58.610.000

98,31 %

(1) Les chiffres de population ont été calculés sur la base des estimations de l'INSEE au 1 er janvier 1995

ANNEXE N° 4

ABAISSEMENT À 4 SIÈGES
DU SEUIL POUR L'APPLICATION
DU SCRUTIN PROPORTIONNEL :

RÉPARTITION DES SIÈGES SELON
LES MODES DE SCRUTIN


Départements soumis au scrutin majoritaire

Ain (2 sièges)

Eure (3 sièges)

Aisne (3 sièges)

Eure-et-Loir (2 sièges)

Allier (2 sièges)

Gard (3 sièges)

Alpes de Haute Provence (1 siège)

Gers (2 sièges)

Hautes-Alpes (1 siège)

Hérault (3 sièges)

Ardèche (2 sièges)

Indre (2 sièges)

Ardennes (2 sièges)

Indre-et-Loire (3 sièges)

Ariège (1 siège)

Jura (2 sièges)

Aube (2 sièges)

Landes (2 sièges)

Aude (2 sièges)

Loir-et-Cher (2 sièges)

Aveyron (2 sièges)

Haute-Loire (2 sièges)

Territoire de Belfort (1 siège)

Loiret (3 sièges)

Calvados (3 sièges)

Lot (2 sièges)

Cantal (2 sièges)

Lot-et-Garonne (2 sièges)

Charente (2 sièges)

Lozère (1 siège)

Charente-Maritime (3 sièges)

Maine et Loire (3 sièges)

Cher (2 sièges)

Manche (3 sièges)

Corrèze (2 sièges)

Marne (3 sièges)

Corse du Sud (1 siège)

Haute-Marne (2 sièges)

Haute-Corse (1 siège)

Mayenne (2 sièges)

Côte d'Or (3 sièges)

Meuse (2 sièges)

Côte d'Armor (3 sièges)

Morbihan (3 sièges)

Creuse (2 sièges)

Nièvre (2 sièges)

Dordogne (2 sièges)

Oise (3 sièges)

Doubs (3 sièges)

Orne (2 sièges)

Drôme (2 sièges)

Puy-de-Dôme (3 sièges)

Pyrénées-Atlantiques (3 sièges)

Somme (3 sièges)

Hautes-Pyrénées (2 sièges)

Tarn (2 sièges)

Pyrénées Orientales (2 sièges)

Tarn-et-Garonne (2 sièges)

Haut-Rhin (3 sièges)

Var (3 sièges)

Haute-Saône (2 sièges)

Vaucluse (2 sièges)

Saône-et-Loire (3 sièges)

Vendée (3 sièges)

Sarthe (3 sièges)

Vienne (2 sièges)

Savoie (2 sièges)

Haute-Vienne (2 sièges)

Haute-Savoie (3 sièges)

Vosges (2 sièges)

Deux-Sèvres (2 sièges)

Yonne (2 sièges)

Départements et collectivités d'outre-mer soumis au scrutin majoritaire

Guadeloupe (2 sièges)

Nouvelle-Calédonie (1 siège)

Guyane (1 siège)

Polynésie française (1 siège)

Martinique (2 sièges)

Iles Wallis et Futuna (1 siège)

La Réunion (3 sièges)

Mayotte (1 siège)

 

Saint-Pierre-et-Miquelon (1 siège)

 
 

Départements soumis au scrutin proportionnel

Alpes-Maritimes (4 sièges)

Moselle (5 sièges)

Bouches-du-Rhône (7 sièges)

Nord (11 sièges)

Essonne (5 sièges)

Paris (12 sièges)

Finistère (4 sièges)

Pas-de-Calais (7 sièges)

Haute-Garonne (4 sièges)

Bas-Rhin (4 sièges)

Gironde (5 sièges)

Rhône (7 sièges)

Hauts-de-Seine (7 sièges)

Seine-Maritime (6 sièges)

Ille et Vilaine (4 sièges)

Seine-et-Marne (4 sièges)

Isère (4 sièges)

Seine-Saint-Denis (6 sièges)

Loire (4 sièges)

Val-de-Marne (6 sièges)

Loire-Atlantique (5 sièges)

Val d'Oise (4 sièges)

Meurthe-et-Moselle (4 sièges)

Yvelines (5 sièges)

Français établis hors de France (12 sièges)

Sont mentionnés en italiques les départements qui changeraient de mode de scrutin

ANNEXE

CODE GENERAL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Article L. 2113-6 - L'acte qui prononce la fusion de deux ou plusieurs communes peut prévoir que la nouvelle commune est, sous réserve de l'accord préalable des conseils municipaux et jusqu'au prochain renouvellement, administrée par un conseil où entrent tout ou partie des membres en exercice des anciennes assemblées et, dans tous les cas, le maire et les adjoints de chacune d'entre elles.

L'effectif total du conseil ne peut dépasser cinquante-cinq membres, sauf dans le cas où l'intégration des maires et adjoints des anciennes communes rend nécessaire l'attribution de sièges complémentaires.

Article L. 2113-7 - Le nombre de conseillers provenant de chacun des anciens conseils municipaux est proportionnel, suivant la règle du plus fort reste, au nombre des électeurs inscrits.

Cette répartition s'opère en prenant pour base de calcul un effectif de cinquante-cinq sièges au total mais elle ne peut conduire à attribuer à l'une des anciennes communes un nombre de sièges supérieur à celui de ses conseillers en exercice.

Si, par application des deux alinéas précédents, une ancienne commune n'obtient pas un nombre de sièges permettant l'intégration du maire et des adjoints, le ou les sièges qui doivent lui être attribués en sus à cet effet viennent en complément de la répartition effectuée.

La désignation se fait dans l'ordre suivant : maire, adjoints dans l'ordre de leur nomination, conseillers dans l'ordre du tableau.

Article L. 2121-20 - Un conseiller municipal empêché d'assister à une séance peut donner à un collègue de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir. Le pouvoir est toujours révocable. Sauf cas de maladie dûment constatée, il ne peut être valable pour plus de trois séances consécutives.

Les délibérations sont prises à la majorité absolue des suffrages exprimés.

Lorsqu'il y a partage égal des voix et sauf cas de scrutin secret, la voix du président est prépondérante.

Article L. 2121-21 - Le vote a lieu au scrutin public à la demande du quart des membres présents. Le registre des délibérations comporte le nom des votants et l'indication du sens de leur vote.

Il est voté au scrutin secret :

1° Soit lorsqu'un tiers des membres présents le réclame ;

2° Soit lorsqu'il y a lieu de procéder à une nomination ou à une présentation.

Dans ces derniers cas, si aucun des candidats n'a obtenu la majorité absolue après deux tours de scrutin secret, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative ; à égalité de voix, l'élection est acquise au plus âgé.

Article L. 2121-35 - En cas de dissolution d'un conseil municipal ou de démission de tous ses membres en exercice, ou en cas d'annulation devenue définitive de l'élection de tous ses membres, ou lorsqu'un conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale en remplit les fonctions.

Article L. 2121-36 - La délégation spéciale est nommée par décision du représentant de l'Etat dans le département dans un délai de huit jours à compter de la dissolution, de l'annulation définitive des élections, de l'acceptation de la démission ou de la constatation de l'impossibilité de constituer le conseil municipal.

La délégation spéciale élit son président et, s'il y a lieu, son vice-président.

Le président, ou, à défaut, le vice-président, remplit les fonctions de maire. Ses pouvoirs prennent fin dès l'installation du nouveau conseil.



1 L'avenir de France Télécom : un défi national. Document n° 260 (1995-1996).

2 Rapport d'information n° 196 (1996-1997).

3 L'avenir du service national. Document n° 349 (1995-1996).

4 Rapport d'information n° 578 (1992-1993).

5 Pour une évaluation des politiques fiscales du logement, rapport d'information n° 456 (1995-1996).

6 Document n° 602 (1993-1994).

7 Justice et transparence. Document n° 247 (1994-1995).

8 Document n° 49 (1996-1997).

9 Rapport d'information de M. Lucien Neuwirth. Document n° 138 (1994-1995).

10 Sur les 321 membres du Sénat :

- 304 sont élus dans les départements de métropole et d'outre-mer ;

- 5 le sont dans les autres collectivités d'outre-mer ;

- 12 représentent les Français résidant à l'étranger.

11 Document Sénat n° 29 (1998-1999).

12 N° 496 (1997-1998).

13 N° 54 (1997-1998).

14 N° 152 (1997-1998).

15 N° 209 (1997-1998).

16 N° 459 (1997-1998).

17 N° 460 (1997-1998).

18 N° 458 (1997-1998).

19 N°s 230 et 231 (1998-1999).

20 Décision n° 86-208 DC des 1 er et 2 juillet 1986 sur la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986 relative à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales.

21 N° 94-358 du 26 janvier 1995, concernant la loi n° 95-115 du 4 février 1995 sur l'aménagement et le développement du territoire.

22 Les grandes décisions du Conseil constitutionnel

23 Document Sénat n° 217 (1991-1992).

24 Rapport n° 217 (1991-1992).

25 La loi organique du 27 octobre 1946 avait prévu l'élection des grands électeurs au suffrage universel direct dans le cadre du canton.

26 " La représentation des collectivités territoriales par le Sénat " (thèse de doctorat en droit public). Ce tableau est publié en annexe n° 5.

27 Exposé des motifs de la proposition de loi organique n° 2 (1968-1969).

28 Les collectivités d'outre-mer de la Polynésie française, des Iles Wallis-et-Futuna, de la Nouvelle-Calédonie, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon sont chacune représentées par un sénateur, soit cinq au total.

29 Fixée à 12 sénateurs par la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983.

30 Départements où l'élection se déroulerait désormais au scrutin proportionnel : Alpes-Maritimes, Haute-Garonne, Isère, Bas-Rhin, Seine-et-Marne. Le département du Val-d'Oise, issu de l'ancien département de Seine-et-Oise, qui élirait 5 sénateurs au lieu de 4, est déjà soumis au scrutin proportionnel (article 3 de la loi n° 66-504 du 12 juillet 1966).

31 Les derniers ajustements résultent du changement de statut de certaines collectivités d'outre-mer. Ils n'ont eu pour effet de modifier ni la représentation de ces collectivités, ni l'effectif total du Sénat.

Les chiffres cités ne tiennent pas compte des sièges attribués en 1958 aux États de la Communauté et aux départements d'Algérie, ainsi que du siège non pourvu depuis 1980 de l'ancien Territoire des Afars et des Issas.

La représentation des Français résidant à l'étranger a été portée de 6 à 12 sénateurs par la loi organique précitée du 17 juin 1983, la majoration du nombre des sièges ayant été appliquée lors des trois renouvellements suivant cette loi.

32 Loi n° 86-825 du 11 juillet 1986.

33 Le collège électoral des sénateurs est ainsi constitué :

- députés : 577

- conseillers régionaux : 1.671

- conseillers à l'Assemblée de Corse : 51

- conseillers généraux : 3.857

- délégués des conseils municipaux et du Conseil de Paris : 138.458

Total : 144.614

34 Voir en annexe n° 2 les tableaux récapitulant, par tranche de population, la représentation des communes selon le régime en vigueur et telle qu'elle résulterait des différentes propositions de loi et du projet de loi.

35 Cf. annexe n° 3.

36 Voir p.29 le tableau récapitulant, par tranche de population des communes, le nombre de conseillers municipaux et le nombre total des délégués.

37 Voir en annexe n° 2 la répartition globale de ces délégués par tranches de population des communes.

38 Voir en annexe n° 1 l'exemple de l'Italie.

39 Les incidences des propositions de loi en examen sur la répartition des délégués par tranches de population des communes, comparées au barème en vigueur, figurent en annexe n° 2.

40 Voir en annexe n° 2 les incidences de la proposition de la commission sur la répartition des délégués par tranche de population des communes, comparées au droit en vigueur, au projet de loi et aux diverses propositions de loi.

41 Voir en annexe n° 3 l'incidence de cette proposition comparée à la situation actuelle et aux autres propositions.

42 Alpes-Maritimes, Finistère, Haute-Garonne, Ile-et-Vilaine, Isère, Loire, Meurthe-et-Moselle, Bas-Rhin, Seine et Marne. Le Val d'Oise, représenté par 4 sénateurs, élit ses sénateurs au scrutin proportionnel (loi du 12 juillet 1966).

43 Collectivités d'outre-mer : 5 sièges au scrutin majoritaire,

Français établis hors de France : 12 sièges au scrutin proportionnel.

44 Dans trois cas à Paris (février 1991, avril et juin 1993) et dans un cas en Seine-Maritime (février 1994)

45 Décision n° 95-2061 du 15 décembre 1995.

46 Publiées au Journal Officiel du 11 décembre 1998.

47 Pour les députés par l'article L. 162, pour les conseillers régionaux par l'article L. 346, pour les conseillers à l'Assemblée de Corse par l'article L. 370, pour les conseillers généraux par l'article L. 210-1 et pour les conseillers municipaux des communes d'au moins 3 500 habitants par l'article L. 264.

48 Le scrutin pour le premier tour est clos à 11 heures et celui pour le deuxième tour est ouvert à 15 h 30.

49 Publiées au Journal Officiel du 26 juillet 1996.

50 Observations relatives aux élections sénatoriales, publiées au Journal officiel du 26 juillet 1996.

51 Selon l'expression employée par le Conseil constitutionnel, en France, dans sa décision n° 86-208 DC des 1 er et  2 juillet 1986.

52 Au sens où le nombre total de sièges est réparti entre les régions en fonction de leur population respective, les circonscriptions électorales devant nécessairement être limitées à l'intérieur des régions.



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