Projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution de l'Organisation internationale pour les migrations

MASSON (Paul)

RAPPORT 280 (1999-2000) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES

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Table des matières




N° 280

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mars 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution de l' Organisation internationale pour les migrations ,

Par M. Paul MASSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.


Voir le numéro :

Sénat : 171 (1999-2000).

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) demeure une institution encore largement méconnue. Son action au service des réfugiés, moins visible sans doute que celle du Haut commissariat pour les réfugiés, s'est pourtant révélée très précieuse lors des crises dont la Bosnie, le Kosovo, ou encore le Timor oriental ont été le théâtre dans la période récente.

Quel est le rôle de l'OIM et quel bilan peut-on dresser de son activité, au terme de près d'un demi-siècle d'existence ?

Quelle est la portée des amendements au texte constitutif de l'OIM sur lesquels notre Haute Assemblée est appelée à se prononcer ?

Quelle doit être, enfin, la position de notre pays vis-à-vis de l'OIM ?

Telles sont les trois interrogations que le présent rapport abordera successivement.

*

* *

I. L'ORGANISATION INTERNATIONALE POUR LES MIGRATIONS : UN CONCOURS UTILE POUR FAVORISER DES MIGRATIONS ORDONNÉES

A. UN RÔLE FAÇONNÉ PAR L'HISTOIRE

1. Rappel historique

L'Organisation internationale pour les migrations a pour vocation première de mettre en oeuvre les moyens matériels nécessaires aux mouvements migratoires liés en particulier aux situations d'urgence.

Le rôle essentiellement " pratique " qui lui a ainsi été assigné -et qui la distingue beaucoup d'institutions internationales- trouve son origine dans les conditions mêmes de la naissance de cette organisation, au lendemain de la deuxième guerre mondiale.

En effet, les combats puis, la paix revenue, les redécoupages territoriaux et les bouleversements politiques ont suscité en Europe un afflux de réfugiés évalués à quelque 12 millions de personnes. Pour répondre aux besoins de ces populations, les Alliés s'accordent en décembre 1946 pour créer l' Organisation internationale pour les réfugiés (OIR), agence spécialisée des Nations unies. Cette institution n'allait toutefois pas échapper aux fractures de la guerre froide : les occidentaux récusèrent le principe, défendu par le bloc socialiste, d'un retour contraint des personnes déplacées dans leur pays d'origine. Menacée de paralysie par les dissensions politiques, l'OIR fut dissoute en 1951 et ses compétences réparties entre le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), organisation spécialisée des Nations unies, et le Comité intergouvernemental provisoire pour les mouvements migratoires d'Europe (CIPME) chargé du transport des migrants. Cette organisation fut délibérément placée hors du système des Nations unies afin de la préserver de l'antagonisme Est-Ouest et de garantir ainsi son efficacité.

Depuis lors, l'Organisation internationale pour les migrations , qui a succédé au Comité intergouvernemental pour les migrations en 1989, est restée une organisation intergouvernementale indépendante des Nations unies où elle dispose cependant du statut d'observateur.

Initialement limitées dans la durée et l'espace -l'Europe-, les responsabilités dont ce comité a été investi, se sont pérennisées et progressivement étendues au-delà de l'Europe.

Elles se sont pérennisées car les problèmes migratoires ont conservé leur acuité dans une Europe divisée. Ainsi, le Comité provisoire, devenu Comité intergouvernental pour les migrations européennes (CIME), a assumé, dans les années 1956-1957, la responsabilité de la réinstallation de 180 000 réfugiés hongrois depuis l'Autriche et la Yougoslavie. En 1968, le CIME a également organisé l'émigration de 40 000 réfugiés tchécoslovaques au départ de l'Autriche.

Dans un deuxième temps, l'expérience acquise par le CIME dans l'organisation des transferts de population a été utilisée dans d'autres parties du monde en proie aux conflits et aux guerres civiles. Ainsi, en 1975, le CIME met en oeuvre des programmes de réinstallation de personnes déplacées et de réfugiés indochinois. Parallèlement, un nombre croissant d'Etats non européens adhèrent à cette organisation. L'organisation réunit ainsi 71 Etats membres et 47 pays observateurs.

Les amendements adoptés le 20 mai 1987 au texte constitutif de l'organisation ont permis de consacrer cette évolution. Ils se traduisent notamment par la reconnaissance de la vocation mondiale de l'institution qui prend désormais le nom d' " Organisation internationale pour les migrations ".

2. Les missions actuelles

Aux termes de la Constitution du 19 octobre 1953, modifiée par les amendements de 1987 (entrés en vigueur le 14 novembre 1989), l'organisation s'est vue confier quatre grandes missions :

- assurer le transfert organisé des réfugiés, des personnes déplacées et d'autres personnes ayant besoin de services internationaux de migration ;

- fournir, à la demande des Etats, des services de préparation à la migration (cours de langue, examens médicaux, activités facilitant l'accueil et l'intégration...) ;

- mettre en place des services similaires pour le retour volontaire des migrants ;

- offrir aux Etats et aux organisations internationales des forums pour des échanges de vues et pour la promotion de la coopération sur les questions de migration internationale.

L'organisation observe vis-à-vis de la migration une démarche neutre : elle ne souhaite ni l'encourager, ni la dissuader. Elle cherche simplement à promouvoir une gestion ordonnée de la migration .

Au terme d'un demi-siècle d'existence, il est possible de dresser un bilan positif de l'action de cette institution. En effet, les interventions dans les situations d'urgence lui ont donné un véritable savoir-faire pour l'organisation du transfert des personnes déplacées. En la matière, il faut toutefois souligner que les compétences de l'OIM se limitent à la mise en place de la logistique nécessaire. Elles ne touchent en revanche ni aux secours, ni, de manière plus générale, à l'appui donné sur place aux populations dont la responsabilité incombe au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Parmi les opérations les plus remarquables conduites par l'OIM au cours de la dernière décennie, il convient de citer, en 1990, le rapatriement en moins de quatre mois et demi, à la demande de l'ONU, de quelque 165 000 migrants bloqués dans le Golfe persique à la suite de l'invasion du Koweit par l'Irak ; en 1996, après la signature des accords de paix de Dayton, la coordination de l'ensemble des aspects opérationnels du retour volontaire des réfugiés bosniaques vivant en dehors de l'ex-Yougoslavie.

En 1999, l'OIM aura permis le transport de plus de 430 000 personnes (417 000 au titre des migrations humanitaires, 13 000 au titre du transfert des ressources humaines qualifiées). Au cours de la période récente, l'OIM aura notamment permis le retour de 67 000 Timorais de l'Est et le rapatriement de quelque 85 000 Kosovars, dont 66 450 depuis des pays non-voisins, 5 700 depuis la Macédoine et 9 000 depuis l'Albanie et le Kosovo.

Au-delà de l'organisation matérielle des déplacements liés le plus souvent à des circonstances dramatiques, l'expertise reconnue à l'OIM en matière d'immigration s'est également exercée dans des actions de plus long terme et, en particulier, dans le retour volontaire des migrants dont les qualifications peuvent se révéler utiles pour le développement de leur pays d'origine : programme de retour de main-d'oeuvre qualifiée pour les professionnels latino-américains ayant acquis une formation et/ou une expérience professionnelle en Europe (1974), programme de retour de main-d'oeuvre qualifiée pour les nationaux africains vivant en Europe et en Amérique du nord (1983). Dans ce cadre, l'OIM sélectionne les candidats, recherche les possibilités d'emploi et apporte une aide à la réintégration.

L'OIM constitue également une enceinte propice au dialogue entre pays d'origine, pays de transit et pays de destination. Elle a ainsi encouragé l'ouverture d'un dialogue régional entre les pays d'Amérique du nord et ceux d'Amérique centrale dans le cadre du processus dit " de Puebla " (mars 1996), et soutenu aussi des initiatives comparables en Asie du sud-est (à la suite de la déclaration de Bangkok - avril 1999) et en Afrique australe.

Qu'il s'agisse d'opérations de déplacement ou d'actions de plus long terme, l'OIM agit toujours comme prestataire de services, à la demande des Etats ou d'organisations internationales. Elle ne développe pas, en revanche, de son propre chef, de programmes indépendamment de toute initiative extérieure.

Par ailleurs, si l'OIM peut agir seule, elle coopère également de plus en plus avec d'autres organisations internationales. Elle a ainsi signé des accords de coopération avec le HCR ainsi qu'avec le Programme des Nations unies pour le développement.

B. UNE ORGANISATION AUX MOYENS MODESTES

1. La structure institutionnelle

L'organisation réunit trois structures.

- Le Conseil ; composé des représentants de tous les Etats membres (titulaires chacun d'une voix), il constitue l'organe de décision de l'OIM. Il se réunit en session ordinaire une fois par an.

- Le Comité exécutif 1( * ) , organe plus restreint, comprend les représentants de onze Etats membres élus pour deux ans par le Conseil. Il prépare les travaux du Conseil et peut, en cas d'urgence, prendre les décisions relevant du Conseil et nécessaires au bon fonctionnement de l'organisation. Deux sous-comités ont par ailleurs été créés : le sous-comité du budget et des finances et le sous-comité pour la coordination des transports.

- L'administration de l'OIM est dirigée par un directeur général, assisté d'un directeur général adjoint. Les effectifs de l'OIM comprennent, en 1999, 1 111 personnes réparties entre le siège de l'organisation situé à Genève (56 personnes dont 35 personnels d'encadrement) et le réseau extérieur -13 bureaux régionaux et 65 missions (soit 1 055 personnes dont 102 personnels d'encadrement). Les effectifs devraient baisser en 2000 (1 048 personnes dont 60 au siège).

2. Le budget

Le budget de l'OIM comprend deux parties :

- la partie administrative dont le financement repose sur les contributions obligatoires versées par tous les Etats membres. Ces derniers se sont accordés pour plafonner, pour une durée de 5 ans, au niveau atteint en 1996, le montant des dépenses -soit 34 millions de francs suisses (29,7 millions de francs suisses en 1994) :

- la partie opérationnelle , principalement financée par des contributions volontaires (prévisions 2000 : 200 millions de dollars -210 millions de dollars en 1997, 221 millions de dollars en 1998, 202 millions de dollars en 1999). Deux Etats seulement apportent d'importantes contributions à l'OIM : les Etats-Unis (prévisions 2000 : 53 millions de dollars), l'Allemagne (prévisions 2000 : 32 millions de dollars).

Ces contributions correspondent, pour une large part, aux services apportés par l'OIM aux Etats membres. Les variations du budget de la partie opérationnelle, parfois importantes d'une année sur l'autre, s'expliquent naturellement par le caractère même des opérations conduites par cette organisation, soumise aux aléas de l'actualité. Le recrutement de vacataires permet, le cas échéant, à l'OIM d'ajuster l'offre des services aux besoins manifestés par les Etats membres.

De l'avis des responsables de l'OIM, les ressources dont dispose cette organisation au titre de la partie administrative du budget demeurent insuffisantes. Ainsi certains responsables permanents de l'OIM doivent être rémunérés sur le budget opérationnel dont ce n'est pourtant pas la vocation. Le directeur général de l'OIM demandera d'ailleurs en 2000 que les Etats membres acceptent de revenir sur le gel du budget administratif décidé en 1996.

II. LES AMENDEMENTS PROPOSÉS : UN EFFORT DE RATIONALISATION DE L'OIM

Bien que d'une porté plus limitée que les amendements adoptés le 20 mai 1987, qui avaient principalement consacré la reconnaissance de la vocation mondiale de l'organisation, la nouvelle série d'amendements à la constitution de l'OIM, proposés dans le cadre du projet de loi soumis à l'examen du Sénat, ne peut être tenue pour négligeable.

Ces amendements, adoptés par consensus par le Conseil de l'OIM, le 24 novembre 1998, poursuivent en effet un objectif général de rationalisation qui ne peut que conforter une institution dont l'efficacité constitue sans doute le trait distinctif par rapport à de nombreuses autres organisations internationales. Les modifications à la constitution de l'OIM s'articulent autour de trois grands volets : une simplification des procédures de décision, un mécanisme plus opérationnel de sanction en cas de retards de paiement et, enfin, la limitation de la durée des mandats des responsables de l'administration.

A. UNE SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES DE DÉCISION

Cette simplification se traduit par deux modifications au fonctionnement de l'OIM.

D'une part, le Comité exécutif est supprimé . En effet, dans la pratique, l'utilité de cette instance n'a pas été démontrée. Ses fonctions redoublent, en particulier celles dévolues au sous-comité du budget et des finances. Le nombre de réunions pourra donc être désormais réduit et le processus de décision allégé.

La deuxième modification porte sur le mode d'adoption des amendements à la constitution de l'OIM. Dans le dispositif actuel, les amendements ne peuvent entrer en vigueur que s'ils ont été adoptés par les deux tiers des membres du Conseil et acceptés par les deux tiers des Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. En outre, aucune nouvelle obligation ne peut être imposée à un Etat sans son accord (art. 30).

La nécessité d'une double majorité des deux tiers du Conseil et des deux tiers des Etats entraîne pour toute modification, même limitée, des délais peu compatibles avec l'adaptation de l'Organisation à l'évolution de ses missions . Aux termes de l'amendement proposé, l'application de cette procédure d'adoption des amendements se trouve désormais subordonnée à une double condition :

- elle sera limitée aux changements fondamentaux dans la constitution de l'OIM ou à l'introduction de nouvelles obligations pour les Etats membres ; les autres modifications pourront entrer en vigueur à la suite d'une décision du Conseil adoptée à la majorité des deux tiers ;

- en outre, elle devra être décidée par le Conseil appelé à se prononcer à la majorité des deux tiers.

Le nouveau dispositif, il convient de le relever, ne reconnaît plus la possibilité dont disposait chacun des Etats membres de refuser que lui soit appliquées de nouvelles obligations.

B. UN MÉCANISME DE SANCTION PLUS EFFECTIF EN CAS DE RETARD DE PAIEMENT DES CONTRIBUTIONS OBLIGATOIRES.

Dans le dispositif actuel (art. 4), le Conseil statuant à la majorité des deux tiers peut suspendre le droit de vote et les services dont bénéficie un Etat membre lorsque celui-ci n'a pas versé sa contribution obligatoire pendant deux exercices financiers consécutifs . Il peut cependant revenir sur sa décision à la majorité simple.

Ce mécanisme ne s'est toutefois pas révélé très efficace. Au sein du Conseil, composé désormais d'une majorité de pays en développement, il se trouvera en effet difficilement deux tiers d'Etats qui accepteraient de sanctionner un Etat dont les manquements aux obligations financières peuvent s'expliquer par des difficultés économiques.

C'est pourquoi le nouvel amendement propose un système intermédiaire, plus souple mais toutefois dissuasif :

- plus souple parce qu'un délai d'un an s'écoule entre le moment où le retard de paiement est constaté et la suspension effective du droit de vote ;

- dissuasif , car la suspension intervient alors de manière automatique sans que le Conseil ait à se prononcer (celui-ci peut toutefois, à la majorité simple, maintenir ou restaurer le droit de vote s'il apparaît que le manquement est dû à des circonstances indépendantes de la volonté de l'Etat sanctionné). En outre, la notion de manquement est entendue de manière plus extensive car elle ne vise pas le non-paiement des contributions obligatoires sur les deux dernières années consécutives mais le non-paiement de la somme correspondant aux contributions dues pour les deux exercices financiers consécutifs. Dès lors, des retards cumulés de manière aléatoire sur plusieurs années pourront être également sanctionnés.

Ce nouveau système devrait donc présenter une plus grande efficacité. Parallèlement, les principaux bailleurs de fonds de l'Organisation ont accepté que la contribution minimale -à laquelle est assujettie la quasi-totalité des pays en développement- soit réduite de moitié. En contrepartie, l'ensemble des Etats membres a été appelé à respecter ses obligations financières.

Au début de cette année, 18 Etats-membres sur les 71 que compte l'OIM enregistraient des retards de paiement pour une période égale ou supérieure à deux ans (les arriérés portent généralement sur des montants réduits, de l'ordre de 18 000 francs suisses, et n'affectent pas véritablement le fonctionnement de l'OIM).

C. L'ENCADREMENT DE LA DURÉE DES MANDATS

Aujourd'hui, le directeur général et le directeur général adjoint sont élus par le Conseil à la majorité des deux tiers pour une durée de cinq ans. Ils peuvent être réélus (art. 18). L'amendement proposé prévoit de limiter à deux mandats l'exercice de ces fonctions.

CONCLUSION

L'opportunité de renforcer les liens entre la France et l'OIM

Membre fondateur du Comité intergouvernemental pour les migrations européennes en 1951, la France s'en est retirée en décembre 1966 . Notre pays estimait en effet, d'une part, que le mandat initial de ce comité destiné à faciliter les mouvements de population d'après-guerre se trouvait épuisé et, d'autre part, que l'influence exercée par les Etats-Unis au sein de l'OIM apparaissait excessive.

Confronté à la fin des années 70 au problème des réfugiés fuyant la péninsule indochinoise sur des bateaux de fortune (les " boat-people "), notre pays a été conduit à réviser sa position sur l'OIM dont la capacité en matière de transport des personnes déplacées était démontrée. Ainsi notre pays a réintégré l'OIM en plusieurs étapes : en 1981, il rejoint l'organisation en qualité de simple observateur ; en mai 1982 sa demande d'adhésion est acceptée par le Conseil de l'OIM ; enfin, en mai 1994, la procédure interne de ratification du texte constitutif de l'OIM est conduite à son terme.

La position de la France vis-à-vis de l'OIM appelle trois observations.

. Première observation : l'OIM présente pour la France un intérêt indéniable.

La position française à l'égard de l'OIM a longtemps été inspirée par une certaine réserve : la politique migratoire, prérogative de la Nation souveraine ne pouvait être abordée dans une enceinte multinationale. Qu'il s'agisse, dans les années soixante, de favoriser l'entrée de travailleurs immigrés en France ou, dans la décennie suivante, d'inverser cette orientation, notre pays a toujours compté sur ses propres moyens. Les pouvoirs publics ont ainsi créé l'Office des migrations internationales (OMI) dont l'activité a d'abord été centrée sur la gestion des flux migratoires, l'accueil des étrangers et de leur famille avant de se tourner, au milieu des années soixante-dix, vers l'accompagnement du retour des étrangers au pays d'origine.

Dès lors, la France a eu recours à l'OIM dans les seules situations d'urgence -elle a d'ailleurs pu se féliciter dans ces circonstances, souvent difficiles, de l'efficacité du concours apporté par cette organisation. La contribution française au budget opérationnel de l'OIM apparaît par ailleurs plutôt modeste : 7,71 millions de francs en 1999 (pour les transferts des Albanais du Kosovo accueillis dans notre pays).

La position plutôt restrictive de notre pays pourrait toutefois évoluer dans les prochaines années sous l'effet de plusieurs facteurs.

En premier lieu, l'approche multilatérale des questions liées à l'immigration tend à se généraliser . Elle s'impose même à l'échelle de l'Union européenne. En effet, la mise en place d'un espace de libre circulation des personnes entre les pays signataires de la convention d'application des accords de Schengen (1990) et, surtout, l'extension des compétences communautaires à l'immigration dont le principe a été arrêté par le traité d'Amsterdam (1997), conduisent progressivement les Quinze à renforcer leur coopération dans ce domaine.

De plus en plus, les Etats membres de l'Union européenne seront ainsi appelés à définir de concert leur position vis-à-vis des pays originaires de l'immigration. Dans cette perspective, ils auront intérêt à nouer le dialogue non pas pays par pays, mais plutôt avec des ensembles régionaux. L'OIM qui, rappelons-le, réunit pays d'origine, de transit et de destination, peut, de ce point de vue, constituer un forum propice aux échanges.

L'OIM peut, en second lieu, fournir des services utiles à notre pays dans le cadre de sa politique migratoire, en particulier pour la mise en oeuvre -aujourd'hui embryonnaire- de l'objectif de codéveloppement. En effet, dans les pays africains où l'Office des migrations internationales ne possède pas de représentation, l'OIM pourrait apporter son concours pour favoriser la réinstallation d'immigrés sur place et s'assurer, sur une période de quelques années, de la pérennité de leur réintégration. A la demande de l'Office des migrations internationales, des négociations avaient du reste été engagées à ce sujet avec l'OIM, sans connaître toutefois d'aboutissement. Il y a là un domaine où la coopération avec l'OIM pourrait également se révéler efficace.

. Deuxième observation : une organisation plus ouverte sur la France et la francophonie.

Un renforcement des liens entre la France et l'OIM apparaîtrait d'autant plus opportun que cette organisation elle-même a donné des manifestations récentes d'ouverture sur le monde de la francophonie.

Si le poste de directeur général échoit traditionnellement à un Américain -M. Brunson McKinly depuis le 1 er octobre 1998-, les fonctions de directeur général adjoint ont été confiées pour la première fois à une personnalité francophone , Mme Ndioro Ndiaye, de nationalité sénégalaise. L'élection de Mme Ndiaye à ce mandat représente un indéniable succès pour la France et la francophonie. Elle s'inscrit également dans un mouvement de rééquilibrage vers les pays du sud d'une organisation longtemps dominée par l'influence anglo-saxonne.

Il faut également relever la présence de cinq de nos ressortissants au siège genevois dans des postes d'encadrement (trois chefs de bureau -relations publiques, publications, statistiques- et deux chargés de mission -service d'audit et division des nouvelles technologies) et de cinq autres en poste dans des bureaux régionaux ou des missions locales. Par ailleurs, votre rapporteur a pu constater que l'essentiel de la documentation de l'OIM, en particulier le budget et les programmes d'action, étaient disponibles en français.

. Troisième observation : la nécessité d'aboutir sur la négociation à un accord de siège pour la représentation de l'OIM à Paris.

L'OIM dispose d'une représentation en France. Celle-ci ne dispose toutefois pas d'un statut officiel en l'absence d'un accord de siège entre l'OIM et la France. Les négociations engagées de longue date ont rencontré du côté français quelques difficultés, liées à des raisons techniques plutôt qu'à des considérations de fond. L'OIM pourrait se voir accorder un statut comparable à celui reconnu aux institutions spécialisées des Nations unies. La récente ratification par la France de la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, signée en 1947, favoriserait une telle solution. La signature d'un accord de siège pourrait accompagner la ratification des présents amendements et permettrait de marquer aussi, de la manière la plus explicite, la reconnaissance par la France de l'indéniable intérêt de cette organisation.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission vous invite à donner un avis favorable au présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 22 mars 2000, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a demandé des précisions sur la définition des migrations humanitaires. Il s'est demandé, en particulier, dans quelle mesure les statistiques pouvaient séparer les départs forcés de ceux liés à des raisons économiques, alors qu'il existait des "zones grises " où de telles distinctions n'apparaissaient pas clairement. Il a cité, à cet égard, les mouvements de population entre le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire.

M. Paul Masson, rapporteur, après avoir rappelé que les mouvements migratoires avaient toujours constitué " la respiration du monde ", est revenu sur l'immigration des Burkinabés en Côte d'Ivoire, en observant qu'elle répondait aux besoins des populations des deux pays, même si elle avait introduit, dans certaines régions, une modification sociologique parfois source de tensions. Il a souligné qu'il importait de distinguer entre l'immigration individuelle, les mouvements migratoires collectifs traditionnels et, enfin, les déplacements de personnes provoqués par les conflits. L'action des organisations internationales telles que l'OIM porte principalement sur cette dernière catégorie de migration. Le rapporteur a ajouté que la prise en compte des phénomènes migratoires constituerait, à l'avenir, une dimension essentielle de la politique de l'Union européenne.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que le gouvernement allemand avait décidé d'encourager l'immigration de personnes compétentes dans le domaine des nouvelles technologies. Il a souligné en outre qu'une récente étude de l'ONU avait estimé que la France aurait besoin, d'ici 2050, de l'apport de 1,47 million d'émigrés pour maintenir sa population à son niveau actuel. S'il a reconnu, avec M. Michel Caldaguès, que ces chiffres appelaient beaucoup de circonspection, il a néanmoins estimé que la baisse de la natalité, conjuguée dans notre pays avec le vieillissement de la population, ne pourrait pas rester sans conséquences sur l'immigration.

M. Paul Masson, rapporteur, a observé, à cet égard, que dans la situation française de déflation démographique, le maintien du dynamisme de notre économie passait nécessairement par l'apport d'une main-d'oeuvre spécialisée. Il a ajouté que les mouvements migratoires devaient s'organiser dans cette perspective, sur la base d'accords avec les pays d'immigration et dans le cadre de quotas. Une telle politique apparaît naturellement, a-t-il estimé, incompatible avec l'immigration clandestine.

M. Christian de La Malène et M. Xavier de Villepin, président, ont alors souligné la nécessité, pour la commission, de mener une réflexion sur les enjeux internationaux de la question migratoire dont l'importance apparaissait cruciale pour notre pays.

La commission a alors adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Est autorisée la ratification des amendements à la Constitution de l'Organisation internationale pour les migrations, adoptés à Genève le 24 novembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. 2( * )

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT3( * )

I. Etat de droit et situation de faits existants :

Les amendements à la Constitution de l'Organisation internationale pour les migrations n'entraînent aucune incidence directe sur notre droit interne. Toutefois le nouveau libellé de l'article 30, paragraphe 2, apporte une modification importante car il ne prévoit plus la possibilité pour des Etats membres de refuser de se voir appliquer des amendements. En effet, il a pour conséquence de permettre l'entrée en vigueur d'un amendement " entraînant des changements fondamentaux dans la Constitution de l'Organisation ou de nouvelles obligations pour les Etats membres " dès lors que ledit amendement aura été adopté par les deux tiers des membres du Conseil et accepté par les deux tiers des Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Il convient de souligner que la tradition de négociation qui a cours au sein de l'Organisation et la double exigence d'une prise de position positive aux deux tiers constituent une garantie que les intérêts des Etats seront préservés.

II. Bénéfices escomptés :

Les bénéfices escomptés sont en matière :

* d'emploi : sans objet

* d'intérêt général : sans objet

* financière : la suppression du Conseil exécutif et l'allégement du processus de prise de décision devraient avoir pour conséquence une réduction des coûts de fonctionnement de l'organisation. Sauf à décider, dans le cadre de l'adoption du budget, le financement de nouvelles opérations, le montant des contributions obligatoires devrait donc diminuer.

* de simplification des formalités administratives : sans objet

* de complexité de l'ordonnancement juridique : sans objet



1 Le Comité exécutif est composé des 16 Etats membres suivants pour les deux années à venir : Bangladesh, Belgique, Canada, Colombie, Costa Rica, Danemark, Equateur, Etats-Unis d'Amérique, Allemagne, Honduras, Italie, Japon, Kenya, Paraguay, Pologne et Yémen.

2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 171.

3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.



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