M. Joël Bourdin

IV. PROGRAMME 215 « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'AGRICULTURE »

A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROGRAMME

1. Stratégie et performance du programme

Programme « soutien » de la mission, le programme 215 vise, selon le projet annuel de performances 2008, à « rendre le meilleur service au moindre coût ».

Dans cette optique, les priorités affichées visent ni plus ni moins que l'atteinte de l' optimum administratif et budgétaire , puisqu'elles concernent le développement d'une politique informatique « optimisant » les relations entre l'administration et l'usager, l'« optimisation » de la formation, de la gestion des ressources humaines et des moyens de fonctionnement, ainsi que la mise en oeuvre de l'action des services déconcentrés dans des conditions « optimales » de coût et de qualité de service.

Après une refonte importante et nécessaire en 2007, le dispositif d'évaluation de la performance est relativement stable . On relève le « reformatage » de l'objectif 4 d'efficience des services déconcentrés, dans le but d'y intégrer les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, dont les moyens sont désormais inscrits au présent programme.

2. Présentation des crédits

La totalité des crédits de personnel de la mission est inscrite au programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture ». Ce programme, doté de 892,2 millions d'euros en AE et 865,5 millions d'euros en CP (30 % de la mission), est par conséquent composé à 80 % de dépenses du titre 2 .

Le programme est enfin affecté par un important changement de périmètre , lié au rattachement des moyens des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, auparavant inscrits au programme 154. Ces moyens représentaient, en CP, 370 millions d'euros de crédits de personnel en exécution 2006.

Ce rattachement est présenté comme de nature à remédier aux deux inconvénients suivants :

1) un décalage avec les conditions réelles de gestion , le service assurant le pilotage des directions départementales étant le responsable du programme 217, et non celui programme 154 ;

2) une architecture complexe des budgets opérationnels de programme , résultant de la nécessité de traiter BOP régionaux et BOP départementaux de façon distincte.

Votre rapporteur spécial, s'il admet que ce changement de périmètre devrait simplifier la gestion interne et la cartographie des BOP, constate qu'il achève de concentrer les crédits de personnel de la mission sur un seul programme, ce qui est susceptible d'entraver le recours à la fongibilité asymétrique .

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LA JUSTIFICATION AU PREMIER EURO

1. Des crédits de personnel maîtrisés

Le plafond d'emploi de la mission atteint 12.137 équivalents temps plein travaillé (ETPT), pour une masse salariale globale de 715,22 millions d'euros . Ces emplois se répartissent comme indiqué au tableau qui suit et sont à 76 % localisés en services déconcentrés.

Répartition des emplois au sein du programme

(en euros)

Action

Personnels

ETPT

% du total

Masse salariale

1. Moyens de l'administration centrale

Administration centrale et cabinet

2.214

18,24

162.158.942

2. Evolution de l'impact des politiques publiques et information économique

Personnels de l'INSEE affectés au ministère

153

1,26

15.740.300

3. Moyens des services déconcentrés

Personnels des DRAF, DDAF, DDEA

9.222

75,99

497.722.183

4. Moyens communs

Personnels mis à disposition et élèves et stagiaires des écoles et centres de formation

548

4,51

39.596.597

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2008

A l'instar de ce qui a été précisé s'agissant du plafond d'emplois ministériel, le programme traduit un effort réel de maîtrise des personnels . Les hypothèses de sortie au 1 er juillet 2008 mentionnent ainsi 295 départs à la retraite et 109 recrutements externes.

2. Un « foisonnement » d'études et de statistiques

Au titre des crédits consacrés aux statistiques, 3,7 millions d'euros en AE et CP sont dévolus au Réseau d'information comptable agricole , dans le cadre duquel 1.000 exploitants sont rémunérés pour tenir une comptabilité à laquelle ils ne seraient pas normalement assujettis. Votre rapporteur spécial a mené au cours de l'année 2007 des travaux de contrôle sur la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles. S'étant régulièrement heurté à l'absence, à l'insuffisance ou à l'inadaptation des statistiques disponibles, il s'étonne qu'un outil si bien doté ne fonctionne pas mieux ...

On relève, d'une manière générale, le grand nombre d'études, évaluations, informations et observations qui donnent lieu à l'ouverture de faibles montants de crédits, et dont l'utilité ne semble pas toujours avérée (cf. tableau).

Les crédits d'études et de statistiques du programme 215

(en euros)

Dispositif

Objet

Crédits de paiement

Enquêtes statistiques

Terres labourables, enquête porcins, conjoncture végétale et animale, RICA...

5.150.000

Recensement agricole

Test des nouvelles méthodes de recueil des données

10.000

Etudes

Fonder le rôle stratégique et politique que l'Etat doit exercer dans l'économie nationale (22 études)

660.796

Evaluation des politiques publiques

Rendre compte de l'utilisation des deniers publics (5 évaluations de 50 jours par des consultants à 940 euros / jour)

194.014

Information sur les marchés

Service des nouvelles du marché (information des pouvoirs publics sur l'état des marchés)

379.376

Observatoire des distorsions

Repérer les distorsions qui pourraient conduire à la déstabilisation des marchés agricoles

50.000

Réforme de l'Etat

Etudes accompagnant les réformes en cours au ministère

770.000

Total

7.214.186

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2008

Au total, votre rapporteur spécial encourage le ministère à rationaliser ces dépenses.

Cette rationalisation pourrait, par exemple, commencer par la suppression de l'Observatoire des distorsions . Cette enceinte, destinée à « repérer les distorsions qui pourraient conduire à la déstabilisation des marchés agricoles » et qui « fonctionne comme un réseau de compétences fédérant les ressources et les connaissances des organismes participants », est en effet emblématique d'une créativité française galopante en matière de « comités Théodule » qu'il convient de contenir.

C. L'AFICAR, POUR QUOI FAIRE ?

1. Un opérateur utile ?

La création de l'« Agence française d'information et de communication agricole et rurale » (AFICAR) résulte d'une initiative gouvernementale traduite dans l'article 233 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

En sa qualité de rapporteur pour avis sur ce projet de loi, votre rapporteur spécial avait déjà fait part du scepticisme de la commission des finances quant à la création d'une telle agence (cf. encadré).

Première lecture au Sénat du projet de loi sur le développement des territoires ruraux
Extrait du compte rendu intégral de la séance du 18 mai 2004

Création de l'AFICAR

M. Joël BOURDIN , rapporteur pour avis de la commission des finances - Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent article 75 ter vise à créer un établissement public national à caractère industriel et commercial, dénommé « agence française d'information et de communication agricole et rurale », chargé de concevoir et de mettre en oeuvre sous la tutelle du ministre de l'agriculture l'information et la communication en matière agricole et rurale.

L'amendement de la commission des finances vise à supprimer cet article. Pourquoi ? Tout simplement parce que le dispositif qui nous est présenté nous paraît lourd. Sans aller jusqu'à instaurer une agence de ce type, il y a probablement moyen, dans les articles budgétaires, de débloquer des crédits pour la communication, comme cela se fait d'ailleurs couramment. Nous ne voyons donc pas la nécessité de créer une agence française de communication.

L'amendement déposé par le Gouvernement sur ce sujet, qui vise notamment à préciser le fonctionnement du conseil d'administration et les modalités de désignation du directeur général, ne fait d'ailleurs que nous conforter dans l'idée que nous avons là un dispositif très lourd, une sorte de coquille au sein du ministère de l'agriculture.

En outre, les modalités de financement de cette agence sont imprécises : il est simplement prévu qu'elle pourrait être financée par des subventions publiques, c'est-à-dire par le ministère de l'agriculture, par le produit des ventes de publications et d'éditions sur tout support ainsi que par le produit des ventes d'espaces pour l'insertion de messages publicitaires, et l'agence pourrait recueillir des dons et legs.

La commission des finances a donc présenté un amendement de suppression, monsieur le ministre, pour vous aider, en quelque sorte, dans votre mission.

En outre, s'il est vraiment nécessaire de prévoir une mesure plus complexe qu'une simple inscription de crédits dans des articles financiers, laissons-nous la possibilité, entre la première lecture et la deuxième lecture, d'apporter des modifications. Quoi qu'il en soit, si cet amendement de suppression n'était pas adopté, l'article serait voté conforme et nous resterions sur notre faim. Telle est, mes chers collègues, la position qu'a adoptée à l'unanimité la commission des finances.

L'AFICAR était dotée, en loi de finances initiales 2007, de 1.412.474 euros de subvention pour charges de service public, auxquels il convient d'ajouter le coût annuel de deux fonctionnaires mis à disposition par le ministère de l'agriculture, soit 227.238 euros en 2007 .

Les crédits demandés pour 2008 sont stables (1,4 million d'euros), alors même que l'agence devra désormais rémunérer sur ses propres deniers les agents mis à disposition par le ministère . Il a été indiqué à votre rapporteur spécial que cette dépense serait couverte par des financements extérieurs prospectés par l'AFICAR 25 ( * ) .

Sur le principe, l'existence d'un opérateur ad hoc doté de moyens limités pour promouvoir l'image de l'agriculture ne se justifie pas , et certaines des opérations qu'il mène pourraient faire l'objet d'une inscription budgétaire sur les crédits de communication du ministère (action 4 du présent programme).

2. Des actions indispensables ?

En outre, et quoique apparemment « conviviales », les actions menées par l'agence :

1) soit ne présentent pas un intérêt stratégique évident (il en va ainsi de l'organisation d'une exposition annuelle itinérante baptisée « Le Train de la Terre ») ;

2) soit ne ressortissent pas à ce votre rapporteur spécial pense être le « coeur de métier » du ministère de l'agriculture et de ses opérateurs (certaines opérations en partenariat avec des centres de loisirs au profit des enfants et adolescents ne partant pas en vacances, si elles sont généreuses dans leur principe, semblent assez éloignées de la vocation première du ministère).

Dans le contexte budgétaire tendu que traverse le ministère de l'agriculture, votre rapporteur spécial s'interroge par conséquent sur l'opportunité de continuer à « saupoudrer » des crédits au profit de ce type de structures.

Il propose à votre commission de supprimer par amendement les crédits affectés à l'AFICAR en 2008 et d'ouvrir, en contrepartie, 1,4 million d'euros de crédits sur l'action 2 « Gestion des aléas de production » du programme 227, afin de remédier « symboliquement » à l'absence de budgétisation de la dotation au Fonds national de garantie des calamités agricoles .

Principales observations de votre rapporteur spécial sur le programme 215

1. Consécutivement au rattachement des moyens des DDAF, le programme 215 achève de concentrer les moyens en personnel de la mission. Si ce regroupement facilité la gestion et simplifie la cartographie des BOP, il n'est pas propice à l'exercice de la fongibilité asymétrique.

2. Les crédits de personnel du ministère sont maîtrisés.

3. Certaines dépenses liées à des « études » semblent superflues.

4. L'utilité de l'Agence française de communication et d'information agricole et rurale » (AFICAR) n'est pas évidente et les crédits qui lui sont consacrés se justifient d'autant moins dans un contexte budgétaire délicat pour le ministère.

* 25 L'état prévisionnel des recettes et des dépenses 2007 faisait apparaître un montant nul de ressources propres.