MM. François MARC et Michel MOREIGNE

II. UNE PRÉSENTATION DU PROGRAMME QUI APPELLE DES PRÉCISIONS

A. UN MONTANT ÉLEVÉ DE DÉPENSES QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE DÉTAILLÉES

1. Un budget important (120 millions d'euros en CP et 190 millions d'euros en AE) en nette hausse par rapport aux précédentes présidences françaises

Comme le gouvernement l'a reconnu dans ses réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux, le coût de la présidence française de l'Union européenne (190 millions d'euros en autorisations d'engagement) est en nette augmentation par rapport aux deux précédentes présidences françaises . En outre, ce budget se situe dans une moyenne élevée si l'on effectue une comparaison avec les présidences organisées récemment par les autres Etats membres .

Sous réserve d'inventaire , tant ces chiffrages avaient fait l'objet de critiques par la Cour des comptes pour leur caractère lacunaire, les dépenses des deux précédentes présidences françaises de l'Union européenne avaient atteint , en 1995, 14,1 million d'euros et, en 2000, 56,9 millions d'euros, soit respectivement (en euros courants) 7 % et 30 % des crédits proposés pour la présidence française de 2008 .

Les précédentes présidences de l'Union européenne tendent également à se situer à un niveau moins élevé, sous les mêmes réserves méthodologiques que pour la comparaison avec les deux présidences françaises antérieures :

- le budget prévisionnel de la présidence portugaise au second semestre 2007 atteignait, en janvier dernier, 51 millions d'euros ; un budget analogue avait été prévu par la Finlande, qui a exercé la présidence au second semestre de l'année 2006, mais il a dû être abondé sur autorisation du Parlement pour atteindre in fine 78,3 millions d'euros, soit un niveau assez proche de celui de la présidence autrichienne, au premier semestre de l'année 2006, qui a atteint 70 millions d'euros ;

- en revanche, la présidence allemande aurait coûté 180 millions d'euros au budget fédéral , selon les informations communiquées à vos rapporteurs spéciaux par le gouvernement, en l'absence de communication publique sur le sujet, et sans que ces sommes intègrent les dépenses des Länder ni les participations d'entreprises, traditionnellement importantes en nature (comme la mise à disposition de voitures ou de locaux).

Dans les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux, le gouvernement observe que la France, qui est un des moteurs de la construction européenne « doit tenir son rang » : le budget prévisionnel devrait ainsi être comparé à celui d'un pays comme l'Allemagne.

L'argument tiré du rayonnement de chaque Etat a toutefois ses limites : les dépenses de l'action n° 1 du programme 306, présentées comme obligatoires car liées au fonctionnement des institutions communautaires, sont estimées à 89 millions d'euros, soit davantage que le budget total de trois des quatre dernières présidences de l'Union européenne. Comment expliquer cette différence de prise en charge de dépenses en partie comparables selon les pays ?

Le gouvernement avance d'autres explications : l'augmentation du nombre d'Etats membres (15 en 1995, 27 aujourd'hui), ainsi qu' une très forte augmentation des dépenses de sécurité depuis les attentats du 11 septembre 2001 .

A cet égard, si les réponses fournies dans le PAP 2008 et dans les réponses aux questionnaires budgétaires traduisent un louable effort de transparence , des précisions manquent en coûts analytiques : quel est effectivement le montant des dépenses de sécurité ? A titre de comparaison, il a été indique à vos rapporteurs spéciaux que les crédits alloués à la sécurité avaient atteint 11 millions d'euros pour la présidence finlandaise (soit 14 % de l'ensemble des crédits alloués à la présidence finlandaise), au second semestre de l'année 2006, et avaient fait l'objet d'une sous-évaluation initiale au regard des dépenses engagées à ce titre lors de la présidence finlandaise de 1999 (soit 1 million d'euros).

2. Des précisions souhaitables

De fait, si des ajustements devront être opérés pour chacune des manifestations envisagées, il serait souhaitable d'obtenir plus précisément une liste indicative des projets prévus par la Présidence de la République et le gouvernement.

En particulier, il est surprenant que des manifestations des ministères soient labellisés « PFUE » : cela signifie-t-il qu'il y aura un droit de tirage à bénéficier des dépenses prévues par le programme 306 , au regard de la qualité des dossiers de demande de subventions ? Qui accordera ce label ? Enfin, pourquoi cette labellisation exclut-elle les manifestations de la Présidence de la République ?

Comment a été déterminé le nombre de manifestations susceptibles d'être financées ? Comment se décompose le coût unitaire de chacune d'elles, suivant les différents types d'actions (déplacement, hébergement, sécurité, interprétariat...) ?

Quel sera le coût analytique complet de la communication relative à la présidence française de l'Union européenne ? Vos rapporteurs spéciaux ont souligné le budget de 15 millions d'euros ainsi alloué (à titre de comparaison, les dépenses du service d'information du gouvernement, chargé de la communication gouvernementale, s'élèvent à 5,96 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances), mais il serait intéressant d'avoir une approche analytique en coûts complets incluant, notamment, la prise en charge des journalistes couvrant les différentes réunions et manifestations.

Dans l'attente du débat en séance publique, vos rapporteurs spéciaux invitent le gouvernement à répondre à ces différentes observations, afin de pleinement conforter le sentiment d'une préparation budgétaire rigoureuse de la future présidence française de l'Union européenne.

B. MESURER LA PERFORMANCE DES ACTIONS ENVISAGÉES : DES MARGES DE PROGRESSION

L'appréciation de la performance de la dépense publique est un exercice particulièrement délicat s'agissant des relations internationales .

A cet égard, il est prévu un seul objectif de performance (au libellé d'ailleurs trop général : « Réussir l'organisation de la présidence française de l'Union européenne ») pour le programme 306, mesuré par un indicateur unique : « Perception de l'organisation de la présidence par les autres Etats membres de l'Union européenne ».

Un questionnaire anonyme sera adressé aux participants aux différentes manifestations programmées au cours de la présidence française de l'Union européenne. Le traitement de ce questionnaire mesurera le nombre de personnes satisfaites (numérateur) par rapport au nombre de personnes participant aux manifestations (dénominateur).

Selon les informations fournies à vos rapporteurs spéciaux, le périmètre de cet indicateur concernerait uniquement l'organisation matérielle des manifestations, ministérielles ou interministérielles.

Vos rapporteurs spéciaux apprécient la pertinence de cet indicateur de qualité de service, fondé sur des enquêtes auprès des participants aux différentes manifestations, malgré des biais possibles dans son interprétation qui exigeront une grande rigueur dans l'élaboration du questionnaire 16 ( * ) .

Ils observent cependant que la bonne gestion des dépenses mériterait également d'être prise en compte : à cet égard, le reliquat de certaines sommes devrait n'être engagé qu'en 2009, puisque la présidence française n'aura lieu qu'en fin d'année 2008. Le délai moyen de règlement des fournisseurs lors des manifestations pourrait ainsi constituer un indicateur pertinent .

D'autres critères, comme le nombre de visiteurs supplémentaires en France ou l'obtention de sponsors privés, semblent moins directement liés aux dépenses effectivement prévues.

Les principales observations de vos rapporteurs spéciaux
sur le programme 306 « Présidence française de l'Union européenne »

- Le regroupement dans un programme unique des crédits induits par la présidence française de l'Union européenne représente un gage de clarté et de transparence des dépenses budgétaires.

- Le coût de la présidence française de l'Union européenne se situe à un niveau élevé par rapport aux précédentes présidences de l'Union européenne, notamment celles de la France en 1995 et 2000.

- Des précisions sont à apporter sur le coût analytique de la présidence française de l'Union européenne, notamment les budgets de la communication et de la sécurité.

- La liste des manifestations prévues à l'initiative de la présidence française doit être communiquée, en détaillant les différents postes de dépenses.

- La mesure de la performance doit aussi mesurer la qualité de la gestion des manifestations qui seront organisées.

* 16 Il convient d'éviter que le sentiment de satisfaction des participants aux manifestations organisées soit d'autant plus élevé que les dépenses matérielles engagées (frais d'hébergement, de repas...) auront été importantes.