M. André Ferrand

II. LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DU PROJET ANNUEL DE PERFORMANCES

A. L'IMPORTANCE DE LA DÉPENSE LIÉE À L'ASILE

La dépense liée à l'exercice du droit d'asile s'établirait en 2008 à 304,5 millions d'euros. Seulement 43 millions d'euros sont consacrés au traitement de la demande d'asile en tant que telle.

Les autres dépenses sont liées à l'hébergement des demandeurs, à leur accompagnement social et à leurs conditions d'existence. La justification au premier euro des crédits pour 2008 repose sur une hypothèse de réduction des flux de demandeurs d'asile de  - 10 %, comme pour l'année 2010. Elle se décompose entre :

- 5,28 millions d'euros au titre des plateformes d'accueil des demandeurs d'asile. Dans les départements recevant un flux significatif de demandeurs d'asile, l'Etat organise en effet leur accueil, par le biais d'associations ou de l'ANAEM, et propose des prestations d'accueil, d'information et de conseil. A ce titre, dès lors qu'un opérateur de l'Etat est en mesure de proposer ces « prestations » au moindre coût, dans une logique de guichet unique, on peut se demander pourquoi l'Etat recourt encore à des associations pour ce type de services, ce qui peut conduire à une action parcellisée et cloisonnée ;

- 192,9 millions d'euros au titre des centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) . On compte 271 centres d'accueil pour 20.689 places prévues en année pleine 2008 9 ( * ) . 50 % des places sont aujourd'hui gérées par quatre opérateurs ou associations : AFTAM (association pour la formation des travailleurs africains et malgaches), ADOMA, France Terre d'Asile et Forum réfugiés. Les coûts de personnel représentent 39 % des centres d'accueil, compte tenu d'un taux d'encadrement d'un ETP pour dix personnes. Malgré le nombre de personnes concernées, il n'existe pas de CADA à Paris ;

- 35,5 millions d'euros au titre des dispositifs d'hébergement d'urgence d'une capacité estimée à 5.659 places, destinées à accueillir à titre transitoire des demandeurs d'asile avant leur admission en CADA ou sortant de ces centres, ainsi que les personnes qui n'ont pas droit à l'hébergement dans ces centres, comme les personnes placées en « procédure prioritaire » ou celles dont la demande a déjà été examinée par un autre pays de l'Union européenne (« procédure dite Dublin ») ;

- 28,04 millions d'euros au titre de l'allocation temporaire d'attente versée aux demandeurs d'asile pendant toute la durée d'instruction de leur demande, y compris du recours, en application de la directive européenne 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003. Le montant de l'allocation, gérée par l'UNEDIC, réservée aux personnes ne pouvant être hébergées en CADA, faute de place disponible, est de 306,6 euros par mois en 2007, pour un nombre de bénéficiaires estimé à 13.226.

En 2007, 46,5 % des demandeurs d'asile remplissant les conditions seraient hébergées en CADA. L'objectif ambitieux est d'aboutir à un taux de 90 % en 2010.

Les dépenses très importantes liées à l'hébergement des demandeurs d'asile dépendent de trois paramètres dont deux doivent être mieux maîtrisés par l'Etat :

- l'évolution de la demande d'asile , même si le dispositif actuel de 20.689 places en CADA suscite un certain nombre de coûts fixes ;

- la durée de traitement de la demande d'asile et des recours, déjà évoquée ;

- le taux d'occupation des centres par des personnes ayant droit à y résider .

Ce dernier point est évidemment important. Il fonde des objectifs et indicateurs de performances pertinents, présentés à l'appui du présent programme. Le pourcentage des places de CADA occupées au 31 décembre par des demandeurs d'asile en cours de procédure serait en 2007 de 73,6 %, avec un objectif de 77 % en 2008 et une cible de 85 % en 2010. Cet indicateur traduit les difficultés pour régler les modalités de sortie, d'une part, des personnes s'étant vues reconnaître le statut de réfugié, et d'autre part des déboutés du droit d'asile.

B. LE COÛT DES RECONDUITES À LA FRONTIÈRE IMPLIQUE DES ACTIONS PRÉVENTIVES

Au titre des reconduites à la frontière figurent 80,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 79,2 millions d'euros en crédits de paiement . Ces coûts sont très importants, mais ne prennent pas en compte l'ensemble de ceux liés à la mise en oeuvre des mesures d'éloignement, comme le coût des « escortes » de police et de gendarmerie. La dépense inscrite au sein du programme se répartit entre :

- 27,6 millions d'euros au titre du fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA) pour 2.391 places prévues au total à la mi-2008. Le coût moyen à la place est, selon le projet annuel de performances, de 31,5 euros par jour. Il faut noter que, pour des raisons de simplicité budgétaire, les coûts d'investissement liés à l'achèvement du plan triennal prévu au 1 er semestre 2009 visant à la réalisation de nouveaux centres ne sont pas imputés sur le présent programme, mais restent au sein de la mission « Sécurité » ;

- 39,65 millions d'euros au titre des frais d'éloignement (billets d'avion, de train ou de bateau), pour un coût élevé de 1.523 euros par reconduite ;

- 8,09 millions d'euros au titre de la prise en charge sanitaire dans les centres de rétention administrative ;

- 5,16 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3,86 millions d'euros en crédits de paiement au titre de l'accompagnement social des personnes placées en centre de rétention administrative , attribué dans le cadre d'un marché public à l'association CIMADE qui mettrait en 2008 à disposition, dans les centres de rétention administrative, 81 travailleurs sociaux en équivalents temps plein. L'association a fait l'objet d'un rapport favorable de l'inspection générale des affaires sociales en 2007.

En « coûts complets », les frais d'éloignement d'une personne en situation irrégulière représentent 1.800 euros. Le niveau de ces coûts peut être à l'origine d'une réflexion visant à renforcer les modalités d'examen des demandes de visa dont le coût complet est lui estimé à 35 euros.

C. UNE ADMINISTRATION CENTRALE À BÂTIR

Au titre de l'action « soutien » du nouveau ministère figurent 37,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 30,4 millions d'euros en crédits de paiement.

1. Les services de l'administration d'état major

18,3 millions d'euros sont inscrits sur le titre 2 au titre des emplois de l'administration centrale. Ces crédits correspondent :

- d'une part  à un transfert d'emplois de 250 EPTP :

137 ETPT pour le service des étrangers en France ;

3 ETPT au titre de l'ambassadeur au co-développement ;

101 ETPT de la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontalière de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques ;

8 ETPT de la mission biométrique ;

1 ETPT au titre du comité interministériel de contrôle de l'immigration

- d'autre part à la création des compétences transversales au sein du ministère (ressources humaines, finances, logistique, informatique, etc) à hauteur de 120 ETPT, répartis de manière indicative entre 22 emplois de catégorie A+ et A, 29 de catégorie B et 69 de catégorie A.

2. La nécessité de mieux piloter les investissements informatiques

Au titre des investissements informatiques figurent 13 millions d'euros en autorisations d'engagement et 5,6 millions d'euros en crédits de paiement visant à piloter des systèmes d'informations essentiels pour le nouveau ministère de l'immigration. La partie la plus importante de ces crédits est dévolue à l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (projet Grégoire), pour 12,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 5 millions d'euros en crédits de paiement.

Ce projet vise à dématérialiser le traitement des dossiers des étrangers, à intégrer à terme les technologies biométriques et à constituer une base de données statistique unique sur l'évolution des flux migratoires. L'aboutissement du projet est prévu en 2009.

Les crédits inscrits au titre du projet EURODAC, qui vise à créer une base de données européenne d'empreintes biométriques, apparaissent complémentaires. 600.000 euros sont prévus au titre du déploiement de « bornes opérationnelles » pour la partie française d'EURODAC.

Dans le contexte d'une remise en cohérence des systèmes d'information liés à la politique de l'immigration , dont le cloisonnement actuel est la suite directe d'un cloisonnement administratif déjà évoqué précédemment, et dont la conséquence a été, selon la Cour des comptes, dans son rapport précité de novembre 2004, dommageable à l'efficacité de l'action de l'Etat, il faut s'interroger sur les raisons qui conduisent à ne pas inscrire les crédits liés à l'application « réseau mondial visa » au titre du présent programme, alors que certaines données sont communes aux différentes applications informatiques et que leur interopérabilité se doit d'être assurée.

Il convient également d'évoquer la nécessité de simplifier à l'extrême la vie des visiteurs étrangers. Il ne paraît pas concevable de leur demander plusieurs fois les mêmes informations pour la seule raison que les applications informatiques des administrations françaises resteraient construites et gérées de manière autonome sur un plan budgétaire.

Les principales observations de votre rapporteur spécial
sur le programme 303 « immigration et asile »

- La dépense liée à l'asile apparaît très dynamique et implique une action résolue en matière de réduction des délais de recours devant la commission de recours des réfugiés.

- L'autonomie budgétaire souhaitable de la commission de recours des réfugiés, et sa transformation en cour nationale du droit d'asile, implique une profonde modernisation de son fonctionnement, qui pourrait déboucher sur une professionnalisation progressive des présidences de formation.

- L'interopérabilité des systèmes d'information relatifs à l'immigration est une nécessité et doit conduire à une consolidation budgétaire des crédits dédiés aux différentes applications informatiques existantes.

* 9 Soit moins que le flux annuel de demandeurs d'asile, malgré une progression très forte des investissements dans ce domaine : quadruplement de la capacité en 7 ans.