M. Claude HAUT

III. LE PROGRAMME 128 « COORDINATION DES MOYENS DE SECOURS »

A. FINALITÉ ET PRÉSENTATION DU PROGRAMME

La finalité du programme 128 « Coordination des moyens de secours » est d'assurer, par une réponse coordonnée et optimisée des secours, la gestion d'interventions de sécurité civile rendues de plus en plus complexes. Dans cette perspective, deux objectifs stratégiques ressortent des orientations du programme.

Le premier consiste à optimiser la gestion de crise par la mobilisation proportionnée et articulée des moyens de défense et de sécurité civiles, notamment par l'application depuis quelques années de la stratégie globale de lutte contre les feux de forêts 10 ( * ) .

Le second consiste à garantir la coordination des acteurs par le soutien aux structures : formation des officiers de sapeurs-pompiers et surtout, aides aux investissements de mutualisation (réforme du FAI et développement du programme ANTARES).

1. Les orientations du programme pour l'année 2008

Trois orientations pour ce programme sont affichées dans la présentation de la mission « Sécurité civile » dans le présent projet de loi de finances.

La modernisation des matériels d'intervention sur les risques naturels et technologiques et de lutte anti-terroriste sera poursuivie .

Dans le cadre de la dernière tranche de son plan de modernisation, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris bénéficiera de la mise en place d'une troisième chaîne de décontamination, afin de mieux faire face à la menace NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique).

Le renouvellement des camions citernes des formations militaires de la sécurité civile sera prolongé.

Le projet ANTARES continuera à être développé. Ce dispositif d'interopérabilité des réseaux de communications radioélectriques des services publics concourant aux missions de sécurité civile entrera dans sa phase de déploiement après les expérimentations réussies et l'atteinte fin 2007, du seuil de 10 % des sapeurs-pompiers exploitant ce nouveau réseau. Il est rappelé que ce projet est financé, en concertation avec les collectivités territoriales, grâce à l'affectation d'une partie du FAI des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

Enfin, des projets immobiliers ciblés sur les sites opérationnels seront menés au profit des formations militaires de la sécurité civile, notamment trois opérations concernant l'unité basée à Brignoles. La phase de construction se poursuivra en 2009.

2. L'évolution des crédits

Le présent programme disposera en 2008 de 167,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), en diminution de 43 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2007, et de 177,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , soit une diminution de près de 6 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2007. En incluant les fonds de concours, les CP s'établissent à 179,03 millions d'euros.

Cette évolution budgétaire s'explique, pour les AE, par l'ouverture exceptionnelle en 2007 de 118,6 millions d'euros de crédits pour le projet ANTARES, qui seront amortis, en CP, par la réduction des crédits du FAI sur la période 2007-2015.

Pour les CP, l'évolution résulte essentiellement d'une nouvelle réduction des crédits du FAI, dont la dotation poursuit sa baisse avec 28 millions d'euros pour 2008, à comparer aux 37,57 millions d'euros en 2007 et aux 64,85 millions d'euros en 2006.

Crédits de paiement par action, pour 2008, après ventilation
(fonds de concours inclus)

(en millions d'euros)

Actions

Crédits de paiement avant ventilation

Crédits de paiement
après ventilation

Préparation et gestion des crises

13,16

20,78

Coordination des acteurs de la sécurité civile

138,07

141,48

Soutien à la politique de sécurité civile

27,80

0*

Total

179,03

162,26

*Sur les 27,8 millions d'euros de cette action, 9,35 millions d'euros sont ventilés entre les deux premières actions du programme et 18,5 millions d'euros sont versés au programme 161 « Intervention des services opérationnels » de la présente mission.

Source : projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances.

B. L'ACTION 1, « PRÉPARATION ET GESTION DES CRISES »

Cette action concerne tant les activités de prospective et d'identification des risques et menaces que la préparation et la coordination des différents acteurs et moyens avant, pendant et après la crise. Pour cette action, 13,16 millions d'euros sont attribués en AE et en CP , dont 3 millions d'euros en dépenses d'intervention, 8,3 millions d'euros en dépenses de personnel et 1,7 million d'euros en dépenses de fonctionnement.

Votre rapporteur spécial note que seulement 1,7 million d'euros de crédits sont prévus pour les colonnes de renfort, alors que la moyenne des cinq dernières années s'élève à 9,5 millions d'euros . Par ailleurs seuls 100.000 euros sont prévus pour les secours d'extrême urgence , alors qu'en exécution la moyenne des cinq dernières années s'établit à 26 millions d'euros . Il relève par ailleurs que le fonds de solidarité pour les départements et les communes de métropole en cas de catastrophe naturelle, que l'article 48 du présent projet de loi de finances vise à instituer, n'a pas pour vocation de se substituer à ces crédits puisqu'il ne concerne que les dégâts d'une ampleur limitée.

Il est justifié que ces lignes de crédits soient partiellement abondées en cours d'année, en fonction des événements par nature imprévisibles que constituent notamment les feux de forêts. Toutefois, les sous-budgétisations relatives à ces prévisions sont flagrantes au regard des dépenses moyennes en exécution au cours des années passées.

C. L'ACTION 2, « COORDINATION DES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE »

Cette action correspond aux activités de coordination et de formation des acteurs que sont les SDIS et les associations de sécurité civile. L'essentiel des moyens du programme (87 % des crédits après ventilation) est concentré sur cette action, qui comprend principalement des crédits d'intervention à destination des collectivités territoriales.

Les crédits s'établissent à 136,8 millions d'euros en CP , principalement en dépenses d'intervention, pour 117,2 millions d'euros, et en dépenses d'investissement, pour 10 millions d'euros.

1. La réforme du FAI est au centre des préoccupations de votre rapporteur spécial

Le fonds d'aide à l'investissement (FAI 11 ( * ) ) des SDIS a fait l'objet de deux réformes, en 2006 et 2007, afin de répondre aux critiques formulées par le Parlement et la Cour des comptes :

- d'une part, une simplification, en 2006, du circuit comptable ;

- d'autre part, une réorientation du fonds vers des investissements de mutualisation interdépartementale et des investissements susceptibles de répondre à des risques majeurs de portée nationale (NRBC, lutte contre les inondations). Cette réforme, qui va de pair avec l'affectation, évoquée ci-avant, d'une fraction du FAI vers le financement du projet ANTARES, était destinée à mettre fin à la pratique du « saupoudrage » du FAI.

L'avenir du Fonds d'aide à l'investissement (FAI) des SDIS est au coeur des préoccupations de votre rapporteur spécial . En effet, les baisses successives des crédits du FAI s'apparentent à un désengagement de l'Etat du financement des dépenses d'investissements des SDIS.

Votre rapporteur spécial estime que la réforme du fonctionnement du FAI et son recentrage sur la mutualisation des dépenses d'investissement des SDIS ne doit pas s'accompagner d'une baisse de ses crédits .

Par ailleurs, la participation de l'Etat au budget spécial de la BSPP en 2008 s'élèvera à 74,6 millions d'euros en AE et en CP, en augmentation de 2,85 millions d'euros par rapport à l'année dernière, pour financer la modernisation des moyens de la brigade.

Enfin, 11,8 millions d'euros sont attribués pour les pensions, prestations et indemnités versées aux sapeurs-pompiers volontaires victimes d'accidents.

2. Les crédits de personnel restent stables

Les crédits de personnel du programme 128 restent stables, à hauteur de 26,6 millions d'euros, tout comme les effectifs qui s'élèvent à 447 équivalents temps plein travaillés (ETPT), en diminution de 12 ETPT par rapport à l'année dernière.

Ces emplois se répartissent en 141 emplois de personnels administratifs, 87 emplois de personnels techniques, 100 ouvriers d'Etat, 108 militaires et 11 fonctionnaires de la police nationale.

L'opérateur que constitue l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) est rattaché à l'action 2 « Coordination des acteurs de la sécurité civile », ce qui lui adjoint 120 emplois supplémentaires, rémunérés par cet opérateur. Par ailleurs, le nombre des emplois de l'ENSOSP rémunérés par le programme sont en diminution de 19 à 4.

L'action 3 « Soutien à la politique de sécurité civile », qui regroupe l'ensemble des personnels intervenant en appui des services opérationnels du programme « Intervention des services opérationnels », dispose de 254 ETPT, soit plus de la moitié des ETPT du programme.

3. Les crédits de fonctionnement concernent essentiellement l'ENSOSP

Les crédits de fonctionnement concernent essentiellement la subvention de 4,53 millions d'euros à l'ENSOSP , seul opérateur de la mission. Elle continue, comme en 2007, à bénéficier d'un complément de dotation de 2,5 millions d'euros en fonds propres pour le remboursement de l'emprunt contracté pour la construction de son site à Aix les Milles.

D. L'ACTION 3, « SOUTIEN À LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ CIVILE »

Cette action regroupe les crédits de soutien administratif et logistique nécessaire à la mission. Ils s'élèvent pour 2008 à 27,7 millions d'euros .

Les dépenses se répartissent par moitié entre les dépenses de personnel et les autres dépenses de fonctionnement. 8,7 millions d'euros sont par ailleurs affectés au remboursement des mises à disposition de l'Etat de sapeurs-pompiers professionnels par les SDIS.

Ces crédits font l'objet d'une ventilation, pour 1/3 vers les deux autres actions du programme et pour les 2/3 restants vers le programme 161 de la mission .

E. LA MESURE DE LA PERFORMANCE

Les indicateurs de performance du programme 128 ont trait à trois objectifs : optimiser les mesures de prévention et de lutte contre les feux de forêts, renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention et harmoniser les moyens des SDIS.

La mesure a continué à être affinée . Le second objectif a été scindé en deux, conformément aux observations précédemment formulées par votre rapporteur spécial. La performance de ce programme est désormais mesurée par 5 indicateurs destinés à renseigner sur la réalisation de 3 objectifs.

L'objectif 1 « Optimiser les mesures de prévention et de lutte contre feux de forêts » se rattache à l'action 1 « Préparation et gestion des crises ». Les deux indicateurs d'efficience qui le composent sont satisfaisants.

Le premier comporte deux indices portant sur les journées de mobilisation des colonnes prévisionnelles, d'une part, et des colonnes curatives, d'autre part. Destinés à évaluer la correcte pré-affectation des effectifs et l'optimisation des moyens sur le territoire, ces indices sont actualisés pour tenir compte de l'évolution des résultats.

Il a été utilement adjoint à cet objectif, depuis 2007, un second indicateur concernant le nombre d'hectares brûlés en fonction de l'intensité des risques. Celle-ci est déterminée quotidiennement grâce au soutien apporté par Météo France. La cible pour cet indicateur, difficile à définir en raison des différences entre saisons des feux, a donc été déterminée à partir de la moyenne des cinq dernières années.

L'amélioration des résultats est liée, pour ces deux indicateurs, à celle de la nouvelle stratégie globale de lutte en matière de feux de forêts, mise en place depuis quelques années, ainsi qu'aux actions de prévention menées localement par les SDIS. Il a ainsi été constaté que 3.200 hectares avaient été touchés par le feu en 2006 dans les départements méditerranéens, soit cinq fois moins que la moyenne établie sur les dix dernières années .

Les objectifs 2 et 3 répondent à l'action 2 « Coordination des acteurs de la sécurité civile ».

L'objectif 2 « Renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention » dispose de deux indicateurs qui correspondent à deux leviers sur lesquels la sécurité civile peut agir pour atteindre cet objectif :

- « Accidentologie des sapeurs-pompiers en service commandé », mesurant le nombre d'accidents ayant entraîné un arrêt de travail. Son résultat satisfaisant reflétant, pour une part, l'amélioration des remontées d'information, la cible a été ajustée en conséquence ;

- « Attrait des formations proposées par l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers », adjoint en 2007. Il mesure le taux d'inscription aux formations proposées et présente un résultat satisfaisant. Toutefois, il serait intéressant de s'assurer que le nombre des inscriptions correspond à celui de la fréquentation aux formations.

L'objectif 3 « Harmoniser les moyens des services départementaux d'incendie et de secours » est mesuré par un indicateur recentré depuis 2007 : « Taux d'adhésion des SDIS à l'infrastructure complémentaire Acropol-Antares ». Il rendra compte de l'évolution du taux des 250.000 sapeurs-pompiers, dont 200.000 volontaires, exploitant l'infrastructure Acropol / ANTARES. Les valeurs cibles ont été adaptées à la montée en puissance ambitieuse du projet. Les taux retenus sont ainsi de 10 % pour 2007, de 20 % pour 2008, mais de 60 % pour 2010.

L'élaboration des objectifs et des indicateurs de ce programme a été assez laborieuse, mais il convient de souligner l'effort entrepris depuis le début de l'application de la LOLF pour améliorer progressivement la mesure de la performance du programme .

Les principales observations de votre rapporteur spécial sur le programme 128 « Coordination des moyens de secours »

Les deux problématiques de ce programme sont liées :

- votre rapporteur spécial s'interroge sur l'articulation entre les responsabilités de l'Etat et des collectivités territoriales dans l'organisation des missions de sécurité civile . En effet, le constat de la baisse de 2,2 % des crédits de paiement de la mission « Sécurité civile » est à mettre en parallèle avec l'augmentation largement supérieure des dépenses des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Bien que ces dépenses n'entrent pas, strictement, dans le champ de la mission « Sécurité civile », v otre rapporteur spécial s'inquiète de leur montant élevé , qui fait des SDIS les premiers acteurs de la lutte contre les incendies, puisque le budget primitif des SDIS dépasse 5 milliards d'euros pour l'année 2007 . Leur évolution est tout aussi inquiétante puisque ce montant représente une hausse de presque 20 % par rapport au compte administratif pour 2006 et une hausse cumulée de près de 40 % par rapport au compte administratif pour 2004 . Ces dépenses pèsent donc lourdement sur les budgets des collectivités territoriales et notamment des départements ;

- l'avenir du Fonds d'aide à l'investissement (FAI) des SDIS est aussi un sujet de préoccupation . La diminution de ses crédits de près de 10 millions d'euros entre 2007 et 2008, qui passent ainsi de 37,5 à 28 millions d'euros, après une baisse de 27,35 millions d'euros entre 2006 et 2007, ne doit pas conduire au désengagement de l'Etat du financement des investissements des SDIS et plus largement de la politique de sécurité civile.

Votre rapporteur spécial se réjouit que la nouvelle stratégie globale de lutte contre les feux de forêts, mise en place depuis quelques années, ait permis, en complément des actions de prévention menées localement par les SDIS, que « seuls » 3.200 hectares aient été touchés par le feu en 2006 dans les départements méditerranéens, soit cinq fois moins que la moyenne établie sur les dix dernières années .

Si, dans son ensemble, l'élaboration des objectifs et des indicateurs du programme a été assez laborieuse, il convient de souligner l'effort entrepris depuis le début de l'application de la LOLF pour améliorer progressivement la mesure de la performance du programme .

* 10 Voir les bons résultats obtenus dans la partie mesure de la performance ci-après.

* 11 Le FAI a été créé par l'article 129 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002) et pérennisé par l'article L. 1424-36-1 du code général des collectivités territoriales.