M. Serge Dassault

CHAPITRE PREMIER
LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI »,
UN BUDGET 2008 DE TRANSITION

I. UN OBJECTIF POLITIQUE MAJEUR, LA REVALORISATION DU TRAVAIL ET LE RETOUR AU PLEIN EMPLOI POUR 2012

A. LES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT

Le chômage recule depuis début 2006 et s'élève à 8,1 % de la population active au deuxième trimestre 2007 , soit 2,2 millions de personnes 1 ( * ) . Après avoir été stable en 2004, le taux de chômage a augmenté, passant de 8,9 % de la population active à 9,1 % au premier trimestre 2006, avant de baisser régulièrement.

Cette embellie ne masque pourtant pas les nombreuses faiblesses du marché de l'emploi. Ainsi, le chômage des personnes sans diplôme est en hausse, le taux d'emploi stagne à 50,9 % - ce qui signifie que l'emploi n'a pas progressé plus vite que la population - l'emploi non-salarié et le sous-emploi s'accroissent. La baisse du taux d'activité des hommes, du fait du vieillissement démographique, est compensée par une amélioration de l'entrée dans la vie active des femmes. Enfin, le taux de chômage de la zone euro s'établit à 6,9 %.

Dans ce contexte, les objectifs du gouvernement sont clairs et ambitieux . Il s'agit, d'ici la fin du quinquennat, d' atteindre le plein-emploi, soit un taux de chômage de 5 % , et de rapprocher le taux d'emploi de 70 % . Le Président de la République a fait de la question de l'emploi, le chantier prioritaire de son mandat, plaçant le travail au centre des politiques sociales et de réinsertion.

La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) procède d'un premier mouvement de réforme : la défiscalisation des heures supplémentaires pour les salariés et l' expérimentation du revenu de solidarité active (RSA) .

Cette première impulsion ouvre la voie à une « feuille de route » présidentielle d'ores et déjà définie et annoncée 2 ( * ) :

- la modernisation du service public de l'emploi par la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC pour laquelle un projet de loi doit être déposé en ce sens en décembre 2007 ;

- l' évaluation des contrats aidés en 2008 et leur réforme au moyen du futur « contrat unique d'insertion » ;

- la valorisation du travail notamment par le développement et la professionnalisation des services à la personne ;

- le renforcement de la formation professionnelle des jeunes et des adultes.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2008 comporte un volet important de modifications de mesures relatives à la politique de l'emploi :

- la fusion du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE) avec le contrat initiative emploi (CIE) ;

- la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques attachées aux contrats de professionnalisation ;

- la suppression des aides au remplacement de salariés partis en formation ou en congé maternité ou d'adoption ;

- la réforme des aides aux prestataires de services à la personne intervenant auprès de publics « non fragiles » ;

- la prorogation des aides à l'emploi en faveur des employeurs du secteur des hôtels, cafés et restaurants (HCR) ;

- la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) ;

- la modification du régime des exonérations en faveur des zones de revitalisation rurales (ZRR) et des zones de redynamisation urbaines (ZRU) ;

- et la contribution du Fonds unique de péréquation (FUP) au financement de l'allocation de fin de formation pour un montant de 200 millions d'euros.

Ces mesures ont principalement pour objet de simplifier les dispositifs d'exonérations sociales ciblées et de produire une économie cumulée de 323,2 millions d'euros. En revanche, la prorogation de l'aide au secteur HCR, bien que plafonnée, présente un coût estimé à 555 millions d'euros.

C'est pourquoi, votre rapporteur spécial considère le projet de loi de finances pour 2008 comme un « budget de transition » pour la politique de l'emploi . En effet, hormis la baisse annoncée du nombre de contrats aidés corrélative à l'hypothèse d'une amélioration du marché du travail et l'intégration du coût des heures supplémentaires de la loi TEPA, l'essentiel des réformes annoncées - la constitution d'un service de l'emploi unifié et la réforme du contrat unique d'insertion - ne trouveront leur traduction budgétaire qu'en 2009, au mieux.

Le projet de loi de finances pour 2008 s'inscrit ainsi dans une continuité budgétaire « contrainte » . La question que pose votre rapporteur spécial porte principalement sur l'efficience des politiques engagées en faveur du travail et de l'emploi eu égard aux montants des crédits affectés. L'obligation de résultat pesant sur le gouvernement doit s'appliquer à la réalisation des objectifs annoncés, la baisse du chômage et la valorisation du travail, qu'à la justification budgétaire de toutes les actions menées. Mais elle doit surtout veiller à l'équilibre des finances publiques et à la mise en oeuvre du désendettement de l'Etat, trop longtemps différé.

B. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES BUDGÉTAIRES DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » POUR 2008

1. Les crédits de la mission « Travail et emploi » dans le cadre de la politique de l'emploi

En termes de crédits budgétaires, 12,32 milliards d'euros de crédits de paiement , sont consacrés aux quatre programmes, au lieu de cinq, que compte désormais la mission du budget général dans la nouvelle maquette budgétaire du projet de loi de finances pour 2008. Ce montant représente 4,5 % de l'ensemble des dépenses budgétaires.

En baisse de 2,7 % par rapport à 2007 (12,64 milliards d'euros), le périmètre budgétaire de la mission « Travail et emploi » ne reflète cependant qu'un quart des dépenses globales de l'Etat au titre de la politique de l'emploi , ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous :

Répartition des dépenses de l'Etat au titre de la politique de l'emploi pour 2008

Sources : d'après le « bleu » de la mission « Travail et emploi » et le « jaune » Bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale

Au total, la politique de l'emploi mobilise 50,2 milliards d'euros pour 2008 . Par rapport aux prévisions pour 2007 (42 milliards d'euros), l'augmentation est de près de 20 %. Participent en grande partie à cette dynamique, les estimations relatives aux heures supplémentaires dont le coût (5,53 milliards d'euros) se décompose pour 400 millions d'euros en déduction d'impôt sur le revenu et 5,13 milliards d'euros en exonération de cotisations sociales .

Aux crédits inscrits au titre de la mission « Travail et emploi » doivent ainsi être pris en compte :

- les dépenses fiscales pour un montant de 9,6 milliards d'euros , au lieu de 8,32 milliards d'euros pour 2007, dont 46 % sont rattachés au programme « Accès et retour à l'emploi » et 41 % au programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». La dépense fiscale représente donc près de 78 % des crédits dévolus à la présente mission, au lieu de 66 % en LFI 2007 ;

- les crédits budgétaires relevant d'autres missions 3 ( * ) pour un montant de 1,49 milliard d'euros , qui concourent à la politique de l'emploi au titre d'exonérations ou de réductions ciblées de cotisations sociales ;

- et les allègements généraux de cotisations patronales , comptabilisés au titre de la loi de financement de la sécurité sociale, pour un montant estimatif de 26,85 milliards d'euros , y compris les dispositions relatives aux heures supplémentaires de la loi TEPA. En vertu de l'article 56 de la LFI 2006, les allègements généraux de charges sociales auprès de la sécurité sociale ne sont plus compensés par la mission « Travail et emploi » mais par l'affectation d'impôts et de taxes directement versées aux régimes sociaux . Ainsi, sont affectés au titre de la compensation due par l'Etat au titre des exonérations sociales sur les heures supplémentaires une fraction du produit de la taxe sur les véhicules de société, de la contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée brute collectée sur les producteurs nationaux de boissons alcoolisées.

Les moyens de l'emploi sont disséminés et ne trouvent pas leur pleine lisibilité dans la mission « Travail et emploi » . Votre rapporteur spécial regrette le caractère parcellaire de cette présentation des crédits et considère que ce cloisonnement entre la mission, la sécurité sociale et la dépense fiscale nuit au contrôle comme au pilotage des politiques publiques .

2. Les moyens budgétaires des quatre programmes de la mission

La mission « Travail et emploi » est composée de 4 programmes dont les moyens sont très inégaux, les programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » absorbant à eux seuls plus de 90 % des crédits de paiement de la mission.

Répartition des crédits et évolution de 2007 à 2008

(en milliards d'euros)

Ces deux programmes, placés sous la responsabilité de M. Jean Gaeremynck, délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ont pour objet :

- s'agissant du programme 102 , de lutter contre le chômage massif et l'exclusion durable du marché de l'emploi , mais aussi de satisfaire à l'objectif européen d'amélioration des taux d'emploi 4 ( * ) , par le rapprochement entre l'offre et la demande de travail . Les principaux leviers en sont l'agence nationale pour l'emploi (ANPE), les minima sociaux, les dispositifs de contrats aidés et la prime pour l'emploi au titre des dépenses fiscales ;

- s'agissant du programme 103 , de prévenir l'impact des restructurations et permettre aux personnes, aux entreprises et aux territoires de s'adapter et de gérer au mieux leur nécessaire reconversion . Il s'agit, en particulier, de favoriser le développement des compétences et l'accès à une qualification et, in fine, de développer l'emploi . Les moyens de la formation professionnelle s'appuient sur l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). L'action relative au développement de l'emploi s'articule autour d'un réseau d'aides, d'allègements de charges et de déductions fiscales notamment en faveur du secteur HCR, des services à la personne et des heures supplémentaires.

Décomposition des moyens de la mission « Travail et emploi »

(en milliards d'euros)

Crédits de paiement
LFI 2007

Crédits de paiement
PLF 2008

Evolution 2008/2007

Proportion du budget de la mission

Programme 133 « Développement de l'emploi » (PLF 2007)

1,26

-

-

-

Programme 102 « Accès et retour à l'emploi »

6,17

6,28

1,8 %

51 %

Programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (nouvel intitulé PLF 2008)

4,4

5,17

-8,6 % 1

42 %

Programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

0,08

0,13

62 %

1 %

Programme 155 « Conception, gestion et évaluation et évaluation des politiques de l'emploi et de travail »

0,74

0,73

-1,3 %

6 %

Mission « Travail et emploi »

12,64

12,32

-2,7 %

100 %

1 Evolution par rapport au montant cumulé de 5,66 milliards d'euros issu du regroupement des programmes 133 et 103.

Le programme 111 , dirigé par M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail recueille 1 % des crédits de paiement pour 2008 de la mission, et a pour objet l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel . Il s'appuie sur trois leviers - le droit, l'incitation et le dialogue social - afin de garantir des conditions de rémunération et de travail conformes aux normes collectives, la protection de leur santé et la sécurité. En d'autres termes, un emploi « de qualité ». Il s'appuie sur la « nouvelle » direction générale du travail (DGT), créée en mars 2006 dans le cadre de la modernisation de l'inspection du travail. La hausse de 62 % des crédits de paiement proposés pour 2008 résulte des frais d'organisation des élections prud'homales et de formation syndicale.

Le programme 155 est un « programme support » . Il regroupe, sous la responsabilité de M. Jean-René Masson, directeur de l'administration générale et de la modernisation des services (DAGEMO), l'ensemble des moyens humains et matériels dévolus aux autres programmes de la mission « Travail et emploi ».

La mission regroupe deux cabinets ministériels, les services centraux et déconcentrés, composé de 26 directions régionales et de 99 directions départementales, répartis sur plus de 200 sites. Elle réunit en tout plus de 10.000 agents de l'Etat. L'échelon régional revêt une importance particulière, puisque les PAP y sont déclinés en budgets opérationnels de programme (BOP) 5 ( * ) .

3. Les ressources humaines affectées à la missions

La mission « Travail et emploi » représente en termes d'emploi 10.186 ETPT (10.437 en 2007) qui figurent en totalité sur le programme « support » n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi »). Celui-ci s'inscrit dans une baisse conjuguée des effectifs (- 2,4 %) et de son budget (-1,3 %).

Ce mouvement s'explique principalement par la suppression de 144 ETPT et la sortie du plafond d'emplois des effectifs de la DGEFP (239 ETPT). En revanche, le plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail se traduira par le recrutement de 170 agents (100 contrôleurs du travail, 60 inspecteurs et 10 médecins et ingénieurs) correspondant à 50 ETPT.

Sur les 733,89 millions d'euros de crédits de paiements pour 2008, 529,32 millions d'euros se rapportent au titre 2 « Dépenses de personnel ».

En outre, il convient de prendre en compte les emplois des principaux opérateurs, dont le nombre excède 41.000 ETPT , soit près de quatre fois plus que les ETPT directement requis par la mission.

Ces organismes sont dotées de la personnalité morale, quel que soit leur statut (établissement public, association, groupement d'intérêt public), et exercent une activité de service public, sous tutelle et financement majoritaire de l'Etat. Ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous, ces opérateurs sont rattachés à la mission pour la mise en oeuvre d'un ou plusieurs programmes et mobilisent 3,5 milliards d'euros de subventions pour charges de service public au titre de la mission. L'ANPE et l'AFPA concentrent respectivement 68 % et 26 % des effectifs.

Moyens humains et financement par l'Etat des principaux opérateurs
de la mission « Travail et emploi »

(équivalents temps plein travaillé)

ETPT pour

ETPT pour

ETPT pour

Financement de l'Etat 1

Fonds de solidarité

Programme 102

16

16

16

1668

Agence nationale pour l'emploi (ANPE)

Programme 102

26.647

28.038

28.035

1310

Etablissement public d'insertion de la défense (EPIDe)

Programme 102

629

852

852

50

Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA)

Programme 102

556

556

560

38

Association pour la formation professionnelle des Adultes (AFPA)

Programme 103

11.408

11.334

11.334

400

Agence nationale des services à la personne (ANSP)

Programme 103

18

21

21

24

Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente (centre Inffo)

Programme 103

82

107

82

5,4

Agence nationale pour l'amélioration des conditions du travail (ANACT)

Programme 111

81

81

79

12,4

Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET)

Programme 111

82

95

115

18,6

Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (INTEFP)

Programme 155

97

97

97

16

Centre d'Etudes pour l'Emploi (CEE)

Programme 155

72

111

97

6,2

Total de la mission

39.688

41.308

41.288

3.548,6

1 En milliards d'euros, au titre des subventions pour charges de service.

En revanche, l'Unédic est gérée par les partenaires sociaux et dispose d'un financement propre. Elle ne figure donc pas dans la liste des opérateurs bien qu'elle participe à la coordination du service public de l'emploi, qui relève du programme 102, et effectue pour le compte de l'Etat le versement des allocations financées par le fonds de solidarité (allocation d'insertion, allocation équivalent retraite, prime de retour à l'emploi, prime de Noël,...) au travers du réseau des Assedic. Elle emploie 14.000 personnes et gère l'assurance chômage dont la situation financière pour 2008 est évaluée à 31 milliards d'euros de recettes et près de 27 milliards d'euros de dépenses.

* 1 Taux de chômage en France métropolitaine au sens du bureau international du travail (BIT) évalué sur la base de l'enquête Emploi rendue publique par l'INSEE le 12 novembre 2007, ce taux est de 8,4 % pour l'ensemble métropole-DOM.

* 2 Allocution du Président de la République du 2 octobre 2007, à Dijon, sur la réinsertion par le travail.

* 3 Contribuent à la politique de l'emploi au titre de la compensation d'exonérations ou de réductions ciblées de cotisations sociales, les missions « Outre-mer » pour 867 millions d'euros, « Ville et logement » pour 341 millions d'euros, « Ecologie, développement et aménagement durables » pour 72 millions d'euros, « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » pour 31 millions d'euros, « Sport, jeunesse et vie associative » pour 36 millions d'euros et « Recherche et enseignement supérieur » pour 120 millions d'euros.

* 4 Dans le cadre d'un « processus de Lisbonne » révisé, la France a établi un « programme national de réforme » (PNR), où sont consignées, en particulier, ses priorités pour la croissance et l'emploi l'insertion professionnelle des jeunes, l'emploi des « seniors » et la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

* 5 Chaque programme est décliné, au niveau régional, en budgets opérationnels de programmes qui regroupent la part des crédits d'un programme destinée à être mise en oeuvre dans la région. Ainsi, les directeurs régionaux disposent chacun de cinq « enveloppes » correspondant à chacun des programmes, ce qui permet de rapprocher la gestion des crédits du terrain.